Vous êtes sur la page 1sur 15

Du risque à la

prévention en santé

Professeur : SAVALL
FC N°2
DATE : 26/10/2023
SOMMAIRE

I. INTRODUCTION.......................................................................................................................................................................... 1

II. RISQUE : NOTION DE CADRAGE ................................................................................................................................................ 2

1. DEFINITIONS ............................................................................................................................................................................. 2
2. GENERALISATION DE LA NOTION DE RISQUE ...................................................................................................................................... 3

III. ÉPIDEMIOLOGIE ET NOTION DU RISQUE ................................................................................................................................. 3

1. DEFINITION .............................................................................................................................................................................. 3
2. LE RISQUE DANS LE DOMAINE DE L’EPIDEMIOLOGIE DE LA SANTE............................................................................................................ 4
3. FACTEURS DE RISQUE .................................................................................................................................................................. 5
4. LE PARADIGME EPIDEMIOLOGIQUE ................................................................................................................................................. 5
5. LE NOMBRE DE FACTEURS DE RISQUE .............................................................................................................................................. 6

IV. LA NAISSANCE DU PRINCIPE DE PREVENTION ......................................................................................................................... 7

1. CULTURE DU RISQUE, INDIVIDU RATIONNEL ET AUTONOME .................................................................................................................. 7


A. Naissance du principe de prévention ................................................................................................................................ 7
2. BIOPOLITIQUE ET GROUPES SOCIAUX A RISQUE .................................................................................................................................. 8
A. Concept de danger ........................................................................................................................................................... 8
B. Surveillance et collecte des données ................................................................................................................................. 8
C. Individualisation de la responsabilité ................................................................................................................................ 8

V. LES RISQUES DE LA PREVENTION .............................................................................................................................................. 9

1. PREVENTION ET STIGMATISATION................................................................................................................................................... 9
A. Prévention........................................................................................................................................................................ 9
B. Stigmatisation : arme efficace pour améliorer la santé des populations ?......................................................................... 9
2. PREVENTION ET CONSERVATISME ................................................................................................................................................. 10

VI. L'HOMO MEDICUS, LA PREVENTION : POUR QUI ? (BASEE SUR LA LECTURE DE PPW) .......................................................... 11

VII. UN EXEMPLE : LA PREVENTION DU VIH ................................................................................................................................ 12

VIII. REPENSER LA PREVENTION.................................................................................................................................................. 12


IX. CONCLUSION ......................................................................................................................................................................... 13

Ce cours est directement inspiré de l’ouvrage « Le principe de prévention » de Patrick Peretti-Watel et Moati.
De nombreuses phrases sont tirées directement de ce dernier.

En cas de questions sur ce cours, vous pouvez écrire à l’adresse suivante : ue7@tutoratsante-saint-etienne.fr
Les règles de courtoisies sont à respecter lors de l’envoi d’un mail. L’équipe des tuteurs se réserve le droit de répondre ou non à un mail. En cas
de questions récurrentes, les tuteurs pourront faire un point lors des colles hebdomadaires.
I. Introduction
Le but de ce cours est de vous montrer comment le fait de poser un regard sociologique sur un phénomène
de santé (principe de prévention) peut nous emmener à repenser et réinventer une politique de santé.

Objectifs de cette conférence :


• Comprendre la notion de risque et de facteurs de risque
• Comprendre la naissance et les principes de la science de l’estimation du risque
• Comprendre l’impact de la gestion du risque dans l’organisation du système de santé
• Comprendre les enjeux de la prévention et de la promotion en matière de santé

« LA MISE EN RISQUE CONTEMPORAINE DU MONDE »


• La lutte contre le tabagisme illustre à merveille ce que des sociologues comme Patrick
Exemple du Peretti-watel (PPW) ont appelé « la mise en risque contemporaine du monde ».
tabagisme • Les campagnes grand public mettent en scène le risque tabagique et tentent
d’infléchir les comportements individuels et collectifs.

• Espérance de vie plus longue.


• Maladies mortelles ont presque disparu grâce à la médecine, l’hygiène, la législation au
Un monde
travail, sécurité sociale…
pourtant
o Disparition des grandes épidémies en dehors du Covid
plus sûr
En France, de 1990 à 2008, l’espérance de vie à la naissance est passée de 44 à 78 ans
pour les hommes, de 45 à 84 ans pour les femmes.

LE MONDE EST-IL PLUS SUR OU PLUS RISQUÉ ?


• Plus risqué car des activités autrefois anodines sont devenues risquées
o Fumer, boire du vin pendant la grossesse, faire du ski…
Un monde
• Cette notion de risque et la mise en risque croissante de nos sociétés contemporaines
ont profondément modifié nos existences, nos modes de vie.

1
II. Risque : notion de cadrage

1. Définitions
• Ce qui coupe.
• Désigne l’écueil qui menace les navires dans le commerce
De l’italien maritime (danger réel, existant).
Approche « risco », du latin
• La notion de risque naît avec le commerce maritime et les
étymologique : « resecum »
systèmes d’assurance qui étaient chargés de couvrir les aléas de
2 grandes
ce commerce au cours du XIVe siècle.
théories sur
l’origine du • Se quereller représente le danger
mot « risque » Du romain • Dans cette idée de querelle le risque est celui que l’on prend par
« rixicare » exemple en mettant une stratégie particulière.

• Dans les deux cas, surtout le premier, le risque est accidentel et en aucun cas une
faute.

• Notion de risque s’étendant progressivement à des domaines variés.


o Technologie, environnement et santé (risques sanitaires, environnementaux,
psychosociaux, financiers, terroristes…).
• Rares sont les secteurs finalement dans lesquels la notion de risque n’est pas
mobilisée, travaillée, pensée et utilisée.
• Le risque se décline à l’infini, colonise sans cesse de nouveaux territoires. Il est
L’étendue de
devenu une des caractéristiques majeures de nos sociétés contemporaines.
la notion de
risque • Les victimations (agressions, viols…) et les accidents de la
circulation en agglomération sont devenus des « risques
XXè siècle : de urbains diffus ».
plus en plus • Les inondations, les avalanches et les séismes sont définis
d’évènement mis comme des « risques naturels ».
en risque
• Les maladresses de la ménagère ou du bricoleur font partie des
« risques domestiques » ; les intoxications alimentaires
relèvent des « risques sanitaires ».

2
2. Généralisation de la notion de risque
• Le risque désigne un danger potentiel dans tous les domaines.
• Mais l’analyse de l’usage de cette notion de risque montre que celle-ci est une
notion en réalité qui est polysémique. Elle semble regrouper un ensemble de
Dans un 1er concepts, de savoirs, de statistiques, de listes ou de facteurs.
temps
• Dans les faits, la notion de risque ne renvoie pas en réalité à un ensemble déterminé
d’évènements semblables, elle n’est pas une catégorie figée.
• Pour envisager et considérer la dimension du risque, une notion plus précise, et une
définition plus ajustée serait celle de « construction d’un risque ».

• Part du principe que le risque n’existe pas en soi mais qu’il résulte d’un travail
d’élaboration qui mobilise des croyances et des positions sociales, un contexte.
• Le risque correspond donc à une catégorie de connaissance qui articule des
incertitudes et des dangers pris en compte pour un groupe social qui possède des
principes et des valeurs propres qui le caractérisent.
Construction
• Autrement dit, « En soi, rien n’est un risque, il n’y a pas de risque dans la réalité.
d’un risque
Inversement, tout peut être un risque ; tout dépend de la façon dont on analyse le
danger, dont on considère l’événement » [Ewald, 1996a, p. 135]
• Cette considération du danger est singulière à un groupe d’individus ou à un individu
lui-même qui selon ses principes ou ses valeurs va, par ses connaissances, construire
socialement un risque
o C’est-à-dire décider qu’une incertitude ou un danger constitue pour lui-même ou
pour la société dans laquelle il vit un potentiel risque.

III. Épidémiologie et notion du risque

1. Définition
• A pour objet l’élaboration des causes des maladies dans les populations en vue de
mettre en place des actions dites de santé publique.
Épidémiologie • Paradigme épidémiologique : articule une gestion des « populations dangereuse »
ou à risque et une « approche par les facteurs de risques (FdR) des maladies ».

3
2. Le risque dans le domaine de l’épidémiologie de la santé
Le risque est un concept central de l’épidémiologie

IMPORTANCE DE LA NOTION DE RISQUE EN SANTE

• Elle a remplacé l’époque des grands fléaux et a accompagné le développement des


Présente depuis maladies chroniques afin de penser plus particulièrement leur prévention.
le début en santé • Dans la deuxième moitié du XXe siècle s’amorce dans les pays industrialisés une
transition épidémiologique.

Baisse de la • Amélioration de l’hygiène, de l’organisation des services de santé.


mortalité • Baisse de la mortalité : modification des causes de décès.

• Disparition des maladies infectieuses au profit des maladies chroniques et


dégénératives (maladies cardiovasculaires, cancer…)
• L’épidémiologie occupe une place centrale dans la recherche médicale :
o Recherche en épidémiologie orientée vers la prévention de phénomènes et doit
abandonner un modèle causal unique pour des approches plus complexes
Le risque dans
nécessitant l’analyse de facteurs multiples biologiques, environnementaux,
l’épidémiologie
comportementaux et sociaux.
de la santé
• Notion de transition épidémiologique a poussé les épidémiologistes à redéfinir et
élargir les contours de leur discipline au-delà de l’étude des infections dites de
masse et de leur causalité bactériologique vers une analyse multifactorielle des
causes contribuant à la prévalence de l’ensemble des maladies chroniques
émergentes.

Finalement, le risque désigne la probabilité qu’un évènement de santé survienne. Le risque doit se définir
pour une population donnée.

Si initialement un risque est un danger sans cause, un danger n’est jamais réellement aléatoire dans la
mesure où sa probabilité d’occurrence varie selon les individus et les situations.

4
3. Facteurs de risque
• Atteinte de patients non-fumeurs.
• De nombreux fumeurs n’en sont pas atteints.
Exemple du
o Pourtant, cette maladie touche plus souvent les fumeurs.
cancer du
• A chaque risque sont ainsi associés des « Facteurs de Risques », caractéristiques dont
poumon
la présence accroît la probabilité d’occurrence du risque, mais sans en constituer une
cause nécessaire et suffisante.

• Le facteur de risque associe la survenue d’un évènement à des


caractéristiques des individus, des comportements, des habitudes
Définition de vie et des situations spécifiques.
• Le facteur de risque n’est pas la cause de la maladie mais il en
augmente la probabilité de survenue.

Facteur de • Patient buvant de l’alcool :


risque
o Augmentation du risque de développer un cancer des voies
aérodigestives supérieures.
Exemple
• Patient consommant du tabac :
o Augmentation du risque de développer un cancer du poumon.
• Cancer est une pathologie multifactorielle : plusieurs facteurs de
risque.

4. Le paradigme épidémiologique
LE PARADIGME EPIDEMIOLOGIQUE REGROUPE DONC DEUX GRANDES CONSIDERATIONS :
• La notion de risque devient ici une construction scientifique qui permet de
La notion de caractériser le poids de facteurs spécifiques dans les variations d’un état de santé.
risque o Échelle individuelle : pour l’exemple du tabac
o Échelle d’une population : pour la pollution

• L’estimation des risques et l’identification des facteurs de risque permettent


La notion de
d’orienter les actions de santé publique afin de prévenir et/ou de diminuer les
prévention
problèmes de santé individuels et collectifs.

5
EPIDEMIOLOGIE
• Peut conduire à préconiser des mesures visant à réduire l’exposition aux facteurs de
risque ou en réduire la consommation par exemple par l’augmentation du prix du
tabac
Science de
• La construction sociale et scientifique du risque ainsi que les facteurs de risque pour
l’estimation
une maladie spécifique, vont autoriser l’action au sens de l’agir, afin de diminuer ces
facteurs considérés à risque au niveau sociétal et individuel.

5. Le nombre de facteurs de risque


• Le nombre de facteurs de risque théoriquement envisageables pour un
risque donné est incalculable :
Évaluation du nombre o Augmente directement en rapport avec notre capacité à recueillir et
de facteurs de risque traiter des informations chiffrées : le monde est de plus en plus risqué,
car notre capacité à mettre en évidence de nouvelles corrélations
statistiques augmente chaque jour.

• L’augmentation du nombre de facteurs de risques connus est liée à des


Importance en santé conditions de production particulières du savoir épidémiologique.
publique o La significativité statistique est privilégiée au détriment de la
compréhension des phénomènes étudiés.

« black box • Les facteurs de risques sont les plus importants et les données qui vont en
epidemiology» découler (risque et variations du risque).

• Carence en vitamine C guérie par la prise d’agrume.


Exemple du scorbut chez • Aucune compréhension du mécanisme avant de comprendre l’implication
les marins et le rôle de la vitamine C.

Exemple du cancer du • Le café est reconnu comme un facteur de risque du cancer du pancréas.
pancréas

• Ont contribué à déplacer ou élargir la prévention d'une dimension


sanitaire globale (prévention des épidémies et amélioration des modes de
Transition et naissance vie : hygiène, désinfection, vaccination etc.) vers une inflexion des
de l’épidémiologie conduites à risque individuelles (dans les maladies chroniques).
moderne • La multiplication des facteurs considérés à risque correspond à ce que des
sociologues ont appelé « la mise en risque croissante » de nos sociétés
contemporaines.
• La prévention a envahi nos vies.

6
• Est constitutive de l’idée de prévention. Cette dernière est un élément
incontournable des politiques publiques et des pratiques. Elle est censée
nous aider à vivre plus longtemps et mieux. Elle vise donc à conjurer les
principaux risques de l'existence.
• Prévenir c'est diminuer les risques.
Notion de risque
• Le risque est partout, dans toutes les actions de nos vies. Alors que nos vies
ont été mises en risques, la prévention a été érigée en principe. Il existe des
politiques de prévention contre : le cancer, le sida, l’alcoolisme, les
accidents de la route, l'échec scolaire, la délinquance, l’effet de serre…

IV. La naissance du principe de prévention

1. Culture du risque, individu rationnel et autonome


A. Naissance du principe de prévention
Risque : dimension • Permet de mettre en scène un individu devenu maître de son destin qui
morale et idéologique décide de mieux le contrôler.

• Coextensif ou consubstantiel d'une certaine conception de l'homme et de


Développement de la la société qui met l'accent sur l’autonomie et la responsabilité de chacun.
notion de risque C'est ce que Anthony Giddens (sociologue britannique) nomme « la culture
du risque ».

• L’épidémiologie va se focaliser sur la recherche de facteurs de risques au


niveau individuel et en particulier sur des facteurs comportementaux ou
autrement dit « des conduites à risque ».
• Notre existence quotidienne devient brutalement peuplée de conduites à
risque.
Conduites à risque
• L'individu est ainsi promu acteur de sa propre santé, décideur autonome
auquel il incombe, une fois qu'il aura été convenablement informé par les
actions de prévention, de prendre soin de son « capital santé » et de gérer
les risques qui menacent son bien-être.
• Les campagnes de prévention vont cibler les représentations qui sous-
tendent les comportements jugés à risque.

7
2. Biopolitique et groupes sociaux à risque
A. Concept de danger
• Associés aux travaux de Michel Foucault, mettent en avant que le concept
Ensemble de travaux de de danger témoigne aussi de l'émergence d'une nouvelle manière de
sciences sociales penser la société et la gouvernance des populations.

• Volonté d'anticipation des problèmes et de mise en place de dispositifs


permettant la gestion et le contrôle des populations concernées et dans
leur ensemble plus largement.
Recours à la notion de • Si les individus sont des entrepreneurs rationnels, autonomes et
risque responsables, cela les rend prévisibles, donc éminemment gouvernables :
ce n'est donc plus la peine de les contraindre, mais simplement de les
informer et de les inciter.

B. Surveillance et collecte des données


Politiques de • Groupe d’informations par des techniques dites de surveillance et de collecte
prédiction et de de données.
prévention
• Élaboration des normes ou de lignes de conduites
Utilisation des • Identification de certaines caractéristiques de populations, qui lorsqu'elles
données s'écartent de la norme sont considérés comme des « individus ou groupes à
risque ».

C. Individualisation de la responsabilité
• Individualisation de la responsabilité
Rôle de o Impute aux individus leurs conséquences de leur prise de risque.
l’épidémiologie
• Elle rend les individus responsables de leur prise de risques.

• L'épidémiologie établit des relations statistiques simples entre des conduites


individuelles et des problèmes de santé, ces conduites sont ainsi étiquetées à
Principe de risque, la prévention (santé publique) s'empare des conduites pour inciter les
prévention individus à y renoncer en considérant ces derniers comme les entrepreneurs
de leur propre santé.

8
La « mise en risque » du monde a fait miroiter l'éradication des risques et l'essor de la prévention a suscité
de grands espoirs pour l'amélioration de la santé. Le principe de prévention est alors considéré comme le
bras armé de l'idéal ou de l'utopie d'une santé parfaite pour tous.
Et la récente définition de la santé par l'OMS comme un bien-être physique, mental et social (ce qui ne
consiste plus seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité) contribue à multiplier les champs potentiels
d'identification de risques, d'action et de gestion de ces risques afin de garantir la santé dans tous ses
éléments (santé scolaire, santé sexuelle, etc.).

V. Les risques de la prévention

1. Prévention et stigmatisation
A. Prévention

• Inciter à adopter des comportements sains et à abandonner des comportements


malsains :
o Cette opposition acquiert une dimension morale, éthique et esthétique : il faut
susciter le dégout.
o D'un point de vue moral, la conformation aux normes préventives est une manière de
démontrer sa capacité à diriger sa vie et à en garder le contrôle.
Objectif
• La valorisation et la promotion des conduites saines implique de disqualifier celles qui
ne le sont pas et de montrer du doigt ceux qui ne les adoptent pas.
o Cette stigmatisation peut par exemple mettre en scène des fumeurs « dégoutants »,
jouer sur l'image du corps afin de détourner les gens du tabac.
o La poursuite des conduites à risque va être associée à une marque d’infériorité
morale.

B. Stigmatisation : arme efficace pour améliorer la santé des populations ?


• La stigmatisation des fumeurs était efficace car le fait de vivre dans un Etat ou l'opinion
Arme à est hostile au tabac contribue à l'isolement social des fumeurs qui souhaitent arrêter de
double fumer non plus uniquement pour leur santé mais aussi car cela devient une question de
tranchant survie sociale.
• Inversement, la stigmatisation peut dissuader les fumeurs de s'adresser au système de
soin pour arrêter leur consommation ou le suivi de leur santé.

9
2. Prévention et conservatisme
PREVENTION ET CONSERVATISME

• La prévention de l'épidémie va nourrir une contre révolution sexuelle visant à


promouvoir, sous couvert d'énoncés savants, une sexualité dite « plus appropriée »
car moralement plus neutre, en appréhendant cette dernière uniquement sous
l'angle sanitaire.
Cas du SIDA
• Il convient dès lors d'inciter les plus jeunes à l'abstinence sexuelle non pour raison
morale mais pour raison sanitaire. Pour les adultes, c'est la fidélité qui sera envisagée
comme emblématique d'une attitude plus responsable et moins dangereuse.
Malheureusement, ces stratégies relèguent le préservatif au second plan.

• Dans les années 1980, un courant conservateur va se saisir de plusieurs facteurs


considérés à risque pour ce cancer pour dessiner l'image d'une jeune femme à risque
comme une femme moderne, affranchie des rapports de genre traditionnels,
Cas du cancer fumeuse, qui renonce à la maternité ou la retarde pour privilégier sa carrière
du sein professionnelle.
• Le message sous-jacent serait donc le suivant : en délaissant leur rôle traditionnel, les
jeunes femmes d'aujourd'hui menacent leur santé.

Dans ces deux exemples la prévention est parasitée par ceux que les sociologues désignent comme « des
entrepreneurs de morale » qui militent pour la répression d'une activité jugée contraire aux mœurs mais
sous couvert d’une approche sanitaire.

Cela confirme que la prévention n'est pas isolée pour un individu concerné mais qu'elle prend bien place
dans une société, au cœur du débat public. Elle mobilise une multitude d'acteurs individuels et collectifs,
associatifs, institutionnels qui ont chacun leurs priorités, leur morale, et sont susceptibles de relayer,
modifier, détourner ou déformer les messages préventifs.

10
VI. L'homo medicus, la prévention : pour qui ? (Basée sur la lecture de
PPW)

• Les messages de prévention devraient être modelés en fonction de leur cible.


• Dans le domaine des conduites à risque, la prévention a tendance à s'adresser à une
Introduction cible idéale dénommé « homo medicus »
• Homo medicus est un concept qu’il a développé avec la mise en place des campagnes
de prévention menée par la ligue contre le cancer.

• Montrer que les campagnes ne peuvent s'adresser qu'à une cible


idéale et fictive, un super étudiant en médecine, le fameux « homo
medicus » puisqu'il fallait pour s'approprier les informations des
Concept campagnes maitriser le vocabulaire médical et être capable de
« homo Objectif considérer son propre corps comme un objet clinique.
medicus » • Ce modèle est réfuté car les individus sont plus souvent
raisonneurs que rationnels. Ils ont plus tendance à modifier leurs
croyances pour conforter leurs pratiques.

Culture du • Qui impose à chaque individu d'être autonome, rationnel et


risque volontaire pour prendre sa vie et sa santé en main ?

Culte de la • Où la santé est pensée dans nos sociétés comme une fin en soi ?
Notions santé
abordées
• Si les individus sont rationnels, autonomes et volontaires pour se
Le conformer aux normes de la bonne santé ils sont donc prévisibles
gouvernement et gouvernables.
des corps o Plus besoin d'être coercitif mais simplement informatif et
incitatif.

11
VII. Un exemple : la prévention du VIH
Au tout début de l’épidémie du SIDA, le gros enjeu de prévention était de promouvoir l’utilisation du
préservatif (outil le plus efficace pour réduire les risques). C’était une politique de réduction du risque dont
l’objectif était de réduire un comportement jugé à risque : le rapport sexuel non protégé.
Cela a donné lieu à des politiques de prévention mettant en avant le préservatif. Le principe était de
promouvoir son utilisation judicieuse.

De nos jours, si on utilisait ces politiques uniques de prévention contre le SIDA par l’utilisation du préservatif,
on viserait une cible utopique.
Il faut donc repenser la prévention en fonction de la cible car les individus ne sont pas forcément autonomes
et rationnels et la sexualité a changé (chemsexe : utilisation de drogue pour augmenter ses performances
sexuelles). L’utilisation du préservatif devient alors compliquée. Attention cela ne veut pas dire qu’il ne faut
pas promouvoir le préservatif, mais peut-être qu’il n’est pas adapté pour tout le monde.

VIII. Repenser la prévention

Critiquer la • Ce n'est pas remettre en cause son utilité : c'est tenter de penser des politiques de
prévention prévention plus légitimes et plus efficace.

• Entreprise morale, vouée au culte de la santé et fondée sur la notion de risques.


• Il semble nécessaire de la penser en respectant une éthique de prévention qui
pourrait être considérée par les réponses aux question suivantes :
o Quelles sont les limites acceptables de l'entreprise visant à convaincre le
La prévention
citoyen d'adopter les comportements préventifs ?
o Dans quelle mesure les professionnels de santé publique sont-ils tenus de
respecter des valeurs populaires perçues comme des freins à la prévention ?
o A partir de quels critères peut-on affirmer qu'il est mal de vouloir du bien ?

• Il n'est pourtant pas simple de respecter les grands principes de l'éthique :


bienfaisance, non malfaisance, autonomie et justice.

• Cette décision oppose un principe de bienfaisance (protéger


la santé des non-fumeurs) et un principe d'autonomie
(respecter la liberté des fumeurs) :
L’éthique o Elle est jugée acceptable car nécessaire (pour les non-
Exemple de fumeurs).
l’interdiction de
o Efficace (diminution des hospitalisations pour infarctus
fumer
du myocarde (IDM).
o Proportionnée (gêne pas excessive par rapport aux
bénéfices de santé publique).
o De moindre mal (espaces fumeurs).

12
• Se détacher de l’homo medicus.
• Penser la prévention pour les gens ordinaires.
Sur le plan
• Prévenir les conduites à risque.
Comment individuel
repenser la • Comprendre quels besoins elles satisfont et trouver
prévention ? comment ces besoins peuvent être comblés autrement par
des moyens moins délétères.

• Revoir la cohérence d'ensemble des campagnes parfois trop


nombreuses et à l'origine de confusion ou de télescopage.
Sur le plan collectif • Penser la prévention dans une société.

La résolution des conflits éthiques liés à la prévention suppose que l'on se détache de l'homo medicus pour
penser les vrais gens dans leur tissu social. Les gens ordinaires semblent être des individus raisonnables et
raisonneurs, capables de justifier leurs écarts de conduite et dont les choix sont ancrés dans un contexte
social singulier qui véhicule des valeurs non nécessairement en phase avec celles de la santé publique.

IX. Conclusion

Finalement, la prévention est devenue l'instrument de la mise en risque du monde et une philosophie
sociale en oubliant parfois qu'elle avait des responsabilités morales et qu'elle ne s'adressait non pas à
des malades mais à des gens ordinaires libres et poursuivant des objectifs propres.

« Si elle a su se montrer orgueilleuse parfois ou trop techniciste, voulant transformer les individus en homo
medicus qui suit sans discuter les recommandations pour conquérir une « super santé », elle est aussi un
bien précieux. Elle protège les individus : citoyens, enfants, personnes vulnérables etc... Elle s'attache et doit
continuer sans cesse à comprendre les comportements humains qu'elle veut modifier et se professionnaliser
pour mieux assurer la qualité, l'homogénéité et l'évaluation des messages. » Patrick Peretti-Watel

13

Vous aimerez peut-être aussi