Vous êtes sur la page 1sur 2

C as clinique

Tuméfaction molle de l’épaule : un lipome intramusculaire

Cas clinique
Muscular lipome of the shoulder
 A. Elmrini, S.M. Souhail, A. Daoudi, F. Boutayeb, O. Agoumi, A. Elibrahimi, D. Loudiyi, A. Elbardouni, M. Elyaacoubi*

La tomodensitométrie (TDM) confirme l’existence d’une masse


Mots-clés : Lipome - Muscle - Tumeur - Épaule. de densité graisseuse. Celle-ci est bien délimitée (7 cm x 6,5 cm),
Keywords: Lipome - Muscle - Tumor - Shoulder. deltoïdienne, entre le faisceau antérieur et moyen (figure 1). Le
diagnostic de lipome intramusculaire est fortement suspecté.
L’exérèse complète est menée par voie deltopectorale (figures 2
et 3). L’examen histologique confirme le diagnostic de lipome
intramusculaire mature bénin.

L
e lipome est une tumeur mésenchymateuse bénigne
composée de cellules graisseuses matures sans atypie
cellulaire. Si la localisation sous-aponévrotique est plus
rare que le lipome sous-cutané, le lipome profond reste l’une des
tumeurs des tissus mous les plus fréquentes. Nous rapportons
le cas d’un lipome intramusculaire du deltoïde.

OBSERVATION

Madame A., patiente de 63 ans, sans antécédent particulier, a


été admise pour une tuméfaction de l’épaule droite apparue un
an auparavant et augmentant régulièrement de volume.
L’examen objective une masse deltoïdienne indolore de consis-
tance ferme sans signes inflammatoires en regard. Le bilan biolo-
gique standard ne décèle aucune anomalie.

Figure 2. Aspect peropératoire d’un lipome intramusculaire


du deltoïde.

Figure 1. Lipome intramusculaire du faisceau moyen du deltoïde


sur la TDM.

Figure 3. Lipome intramusculaire deltoïdien.


* Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Hassan-II, Fès ; CHU Avicenne, Rabat.

La Lettre du Rhumatologue - n° 331 - avril 2007 31


C as clinique
Cas clinique

DISCUSSION Macroscopiquement, à la coupe, la tumeur se présente comme


du tissu adipeux ordinaire, jaune et uniforme, parcouru de fibres
Parmi les lipomes profonds, Fletcher et Martin-Betes (1) distin- musculaires dans le type intramusculaire (5). Microscopique-
guent les lipomes intermusculaires, les moins courants mais les ment, la tumeur est constituée de cellules graisseuses matures,
plus volumineux et par conséquent volontiers symptomatiques, univacuolées, de taille à peu près uniforme, et sans aucune atypie
des lipomes intramusculaires circonscrits ou infiltrants. cellulaire (1). Le lipome intramusculaire de type infiltrant est
Les lipomes profonds des membres sont plus rares que ceux une masse d’adipocytes matures qui s’infiltrent irrégulièrement
de localisation axiale (1). Ils sont volontiers au contact des os entre les fibres musculaires et les remplacent en de nombreux
longs et à la partie proximale (2). Notre cas clinique présente endroits.
un intérêt particulier en raison de la localisation peu fréquente Le liposarcome reste le diagnostic différentiel principal. Le
à la racine du membre supérieur, ce qui correspond à 2 à 18 % problème est en fait de distinguer un liposarcome bien différencié
des lipomes dans la littérature. de bas grade d’un lipome infiltrant. La recherche d’une atypie
L’étiologie reste controversée. Pour Heid et Charter (3), la tumeur cellulaire prend alors toute son importance.
se développe à partir du tissu des gaines vasculo-nerveuses Les lipomes symptomatiques et/ou facilement accessibles
ramifiées au sein des muscles. Pour Brondolo (4), elle provient doivent bénéficier d’une exérèse complète (1, 5). L’examen
du tissu cellulo-adipeux des cloisons intermusculaires. anatomopathologique doit préciser la nature infiltrative de la
Une compression musculo-aponévrotique, voire nerveuse, peut tumeur et la marge de résection pour apprécier la possibilité
expliquer les douleurs (2). Le lipome, en particulier s’il est peu de récidive locale.
profond, peut être visible sur les radiographies sous la forme D’après Fletcher et Martin-Betes (1), le taux de récidives locales
d’une image claire dans les parties molles (2). La localisation est nul pour un lipome bien circonscrit et il est de 19 % pour un
sous-deltoïdienne masque totalement cet aspect sémiologique lipome infiltrant. Pour Le Saout et al. (2), la dégénérescence en
sur les radiographies. Seule la présence de calcifications pourrait liposarcome n’existe pas.
aider au diagnostic.
La localisation profonde de la masse suspecte impose d’effectuer
des examens complémentaires à visée étiologique. L’échographie CONCLUSION
est utile dans l’évaluation volumétrique, mais n’est pas spéci-
fique, le lipome pouvant être hypo-, iso- ou hyperéchogène. En Les lipomes profonds de l’épaule restent rares et le plus souvent
revanche, la TDM montre une masse de densité graisseuse, aux intramusculaires. Seule une analyse histologique permet de
alentours de – 80 UH, ne prenant pas le contraste, ce qui est les distinguer des liposarcomes différenciés de bas grade. Une
assez caractéristique. Les liposarcomes ont des densités plus exérèse est donc souhaitable en cas d’hésitation diagnostique
élevées (– 20 à – 50 UH) et sont hétérogènes. Cependant, le après une exploration échographique et IRM. ■
contour irrégulier d’une tumeur maligne peut passer inaperçu
du fait d’une perte de résolution à ses pôles cranial et caudal.
Cet examen ne peut donc permettre d’établir un diagnostic RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
de certitude. En IRM, la graisse se traduit par un hypersignal 1. Fletcher CDM, Martin-Betes E. Intramuscular and intermuscular lipoma:
en T1 (blanc) et par un hyposignal en T2. Elle a un excellent neglected diagnosis. Histopathology 1988;12:275-87.
contraste et, après injection de gadolinium, permet de déter- 2. Le Saout J, Lefevre C, Kerboul B, Courtois B, Malingue E, Chicault P. Lipomes
miner les zones hypervasculaires et donc de déceler des zones profonds des membres. À propos de huit cas. Ann Chir 1984;38:667-72.
de nécrose intralésionnelle. Un certain nombre de critères 3. Heid E, Charter C. Lipomes cutanés, lipomatoses et lipodystrophies. Encycl
permet cependant de prédire la malignité d’une tumeur (limites Med Chir Dermatologie (Elsevier, Paris) 1986;12:365-C10.
irrégulières, hétérogénéité, grande taille, envahissement des 4. Brondolo W. Sui lipomi giganti degli arti. Minerva Chir 1963;18:583-8.
structures adjacentes, présence de nécrose). En cas d’hésitation, 5. Kindblom LG, Angerwall L, Stener B, Wickblom I. Intermuscular and intra-
l’examen anatomopathologique reste indispensable. muscular lipomas and hibernomas. Cancer 1994;33:754-62.

32 La Lettre du Rhumatologue - n° 331 - avril 2007

Vous aimerez peut-être aussi