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Revue d'histoire et de philosophie

religieuses

Le débat entre Tillich et Hartshorne


André Gounelle

Abstract
André Gounelle : The debate between Tillich and Hartshorne.
The American Process philosopher, Charles Hartshorne, is attracted by Tillich' s criticism of theism, but criticizes his notion of
God as a being and his thesis on the symbolic nature of discourse about God. The difference between these two thinkers, who
at times are close to one another, is due to the greater consciousness of distance and separation between God and man on the
part of the theologian than on that of the philosopher.

Résumé
Le philosophe américain du Process, Charles Hartshorne se sent proche de la critique du théisme par Tillich, mais conteste sa
notion de Dieu comme être, et sa thèse du caractère symbolique du discours sur Dieu. La différence entre ces deux penseurs,
parfois proches, tient au sens de la distance et de la séparation entre Dieu et l'homme plus grand chez le théologien que chez le
philosophe.

Citer ce document / Cite this document :

Gounelle André. Le débat entre Tillich et Hartshorne. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 76e année n°3, Juillet-
septembre 1996. pp. 315-326;

doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1996.5409

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1996_num_76_3_5409

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REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES
Vol. 76, 1996/3, p. 315 à 326

LE DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE

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Charles Hartshorne a joué un rôle considérable dans l'apparition et


le développement de la théologie du Process. Par son enseignement et
ses publications, il a beaucoup contribué à faire connaître la philoso¬
phie de Whitehead. Il en propose une interprétation d'ensemble, tout
en élaborant une pensée originale sur de nombreux points, et en même
temps, il en développe les aspects théologiques que Whitehead lui-
même ne fait qu'esquisser1. Hartshorne note que, bien qu'il se consi¬
dère avant tout comme philosophe, beaucoup de ses lecteurs
s'intéressent d'abord aux conséquences théologiques de son œuvre2.
Parmi les lecteurs auxquels il pense, il y a évidemment les théologiens
du process, en particulier Cobb et Ogden qui ont été ses étudiants. Ces
derniers reconnaissent et soulignent volontiers leur dette envers
Hartshorne
diens »3. et se disent tout autant « hartshorniens » que « whitehea-

Hartshorne, né en 1897, fils de pasteur (comme Whitehead et


Tillich) a onze ans de moins que Tillich. Les deux hommes travaillent
dans le même champ, celui d'une philosophie théologique, à la même
époque et à partir de 1933 dans le même pays. En 1924, Hartshorne fait
un semestre d'études à Marbourg, où il suit les cours d'Heidegger.
316 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

A-t-il entendu parler de Tillich qui enseigne alors dans cette


Université ? Je l'ignore. En tout cas, aux États-Unis, ils se sont ren¬

contrés
publications.
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Bien qu'ils s'étalent sur trente-deux ans, les propos d'Hartshorne


sur Tillich présentent une grande unité. Aussi, sans tenir compte de la
chronologie, je vais les présenter et les synthétiser en trois points :
d'abord, la critique du théisme ; ensuite, la notion de Dieu en tant
qu'être ; enfin la nature du langage théologique.

Critique du théisme

Hartshorne exprime une très grande admiration pour Tillich (il est
vrai que la plupart des textes qu'il écrit sur Tillich sont destinés à des
volumes d'hommage)6. Ses réserves et ses désaccords, qu'il ne consi¬
dère nullement comme une réfutation, ne l'empêchent pas, dit-il,
d'éprouver de la reconnaissance et de la vénération à son égard. Il voit
en lui, le théologien le plus influent, af ec Niebuhr, aux États-Unis7. Il
majestueuse,
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A. GOUNELLE, DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE 317

l'élaboration soignée, l'érudition solide et l'ouverture. Il prévoit que ce


livre marquera profondément et durablement les esprits. Il approuve
Tillich de prendre en compte et de développer la métaphysique, contre
la tendance dominante chez les théologiens à la disqualifier et à la
congédier8. Il rapproche Tillich de Whitehead. Ces deux universitaires
d'origine et de formation européennes développent une pensée origi¬
nale et inventive et ont apporté une importante contribùtion à la
réflexion américaine. Si Whitehead, écrit Hartshorne dans une jolie
formule, est le plus théologien de tous les philosophes, Tillich est le
plus philosophe de tous les théologiens9. De son côté, Tillich, beaucoup
plus sobrement, déclare se sentir en étroite affinité avec la philosophie
de la religion que représente Hartshorne10.
Hartshorne accueille et approuve avec joie11 la critique par Tillich
du « théisme classique » aussi bien que celle du panthéisme (qui n'en
est qu'une variante, et s'inscrit dans la même logique en ce qu'il s'agit
d'une conception monopolaire de Dieu). Il considère que leur accord
sur ce point essentiel les place dans le même camp et rend secondaires
les divergences. Que faut-il entendre par théisme ? Tillich désigne par
ce terme toute doctrine qui applique la structure « sujet-objet » à Dieu,
qui voit en Dieu « un être à côté des autres », faisant partie comme tel
« de l'ensemble de la réalité », qui « le considère comme un soi qui a
un monde, comme un je en rapport avec un tu, comme une cause sépa¬
rée de son effet »12. Dans cette définition, c'est surtout le dernier élé¬
ment, « une cause séparée de son effet » qui correspond avec la pensée
d'Hartshorne. Le théisme se caractérise, selon le philosophe, par une
série d'affirmations qui se tiennent entre elles : celle de l'immutabilité
inconditionnée de Dieu, celle de sa perfection absolue, celle de sa tota¬
le indépendance par rapport à un monde qui ne l'affecte et ne le chan¬
ge en rien. Pour le théisme classique, le monde découle de Dieu qui le
détermine causalement ; par contre, il n'a aucun effet sur Dieu qu'il ne
touche ni ne modifie en rien13. Au théisme, Hartshorne oppose le thème
de « relativité », il serait plus juste de dire la « relationnalité » de
Dieu14. Si, d'un côté, Dieu contribue à la vie du monde, et le condi¬
tionne, d'un autre côté le monde contribue à la vie de Dieu, et le condi¬
tionne.

8. « Tillich and the Nontheological Meanings of Theological Terms » in Paul Tillich. Retrospect and

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9.«
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11. p.
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318 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

Les deux définitions concordent-elles ? A première vue, la maniè¬


re dont Hartshorne parle de l'échange entre Dieu et le monde15 semble
s'inscrire dans le schéma de la relation de sujet à objet, ou entre per¬
sonnes (de type « je-tu ») que Tillich critique. Hartshorne, ce qui ren¬
force cette impression, conteste le caractère inconditionné que Tillich
attribue à Dieu, ainsi que son refus de le considérer comme « un »
être16. Aux yeux du philosophe, sur ces deux points l'argumentation de
Tillich manque de logique ; elle néglige le conditionnement réciproque
et universel des êtres, leur interdépendance fondamentale ; elle oublie
la valeur de l'individuel et du particulier17. Elle aboutit non pas à des
erreurs, mais à des demi-vérités ; en effet, et nous y reviendrons, selon
Hartshorne, Dieu est à la fois un être et l'être même, il est en même
temps conditionné et inconditionné.
Ces derniers propos montrent qu'il ne faut pas exagérer cette
divergence. La notion de « panenthéisme » que développe Hartshorne18
implique un dépassement de la relation « sujet-objet » appliquée à
Dieu. De son côté, Tillich dans les toutes dernières pages de la
Systematic Theology qualifie sa propre conception de la vie éternelle
de « panenthéisme eschatologique »19, reprenant donc un terme dont il
ne peut pas ignorer qu'il le rapproche de la philosophie du Process,
même si l'ajout du mot « eschatologique » marque une différence qui
ne manque pas d'importance. Tillich insiste fortement sur le singulier
que l'universel n'engloutit pas, et il considère que dans la foi se noue
une relation de personne à personne avec Dieu. Le fossé ne semble
donc pas bien grand. En tout cas, les deux hommes s'accordent à esti¬
mer que le théisme classique aboutit à une image tyrannique de Dieu
qui écrase les êtres humains, les prive de leur liberté et de leur subjec¬
tivité. Et leur critique prend la forme d'un réquisitoire parfois passion¬
né contre le despote tout-puisant et insensible du théisme classique20.
Il y a donc bien proximité. Elle n'exclut cependant pas deux diver¬
gences théologiquement importantes.
La première concerne la révélation. Aux yeux d' Hartshorne, le
théisme conduit logiquement et nécessairement à affirmer le caractère
surnaturel de la révélation. D'un Dieu séparé du monde, on ne sait que

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A. GOUNELLE, DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE 319

ce qu'il révèle de lui-même par des moyens forcément exceptionnels,


totalement différents de ceux qui servent à la connaissance habituelle.
Par contre, un Dieu étroitement lié au monde, imbriqué avec lui
s'y manifeste ordinairement et relève des procédures courantes d'ac¬
quisition du savoir. Hartshorne défend donc la notion de théologie
naturelle21, et refuse toute distinction tranchée entre philosophie et
théologie. Quand Tillich écrit qu'il revient à la philosophie de poser
des questions et qu'il appartient à la théologie de formuler les réponses
que leur apporte la Révélation, Hartshorne répond que, comme l'ont
reconnu Augustin, Anselme et Thomas d'Aquin, bien souvent la philo¬
sophie permet d'apporter des solutions aux problèmes que soulèvent
les théologiens (y compris à celui de l'existence de Dieu)22. Pour
Hartshorne, la théologie ne dispose d'aucun privilège par rapport à la
métaphysique ; ces deux disciplines travaillent dans le même domaine,
et doivent suivre, dans leur démarche, les mêmes règles23.

On peut juger plus apparent que réel et plus superficiel que pro¬
fond ce premier désaccord. En effet, Tillich ne donne qu'une portée
relative à la distinction entre théologie et philosophie. Elle se caracté¬
rise plus, selon lui, par une différenciation d'accentuations que par une
coupure radicale. Comme dans tout théologien, il y a un philosophe, de
même tout philosophe créateur est, de fait, un théologien24. Tillich peut
s'accorder sans problèmes majeurs avec Hartshorne pour affirmer qu'il
existe différentes formes de révélations qui ne se font pas concurrence,
et qu'aucune révélation reçue et formulée en termes humains ne peut
prétendre à l'infaillibilité. Rappelons que chez Tillich la révélation est
de
unesavoirs25.
expérience extatique, et non pas la communication de doctrines ou

La seconde divergence semble plus irréductible, bien qu'elle n'ap¬


paraisse qu'à peine dans les textes. Pour la philosophie du Process, le
monde apporte beaucoup à Dieu, il enrichit son expérience et donc son
être. Même si Dieu a un rôle nettement supérieur, il y a entre lui et les
êtres du monde une relation d'échange et de coopération. Selon
Hartshorne, qui l'en félicite, Tillich aurait écrit, que « les créatures
contribuent à la vie divine ». Je ne sais pas si la citation est exacte26,
mais en tout cas Tillich affirme bien « que le processus du monde a une
320 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

signification pour Dieu qui n'est pas une entité séparée, se suffisant à
elle-même »27. Toutefois, cette réciprocité entre Dieu et les êtres
humains n'a pas les mêmes conséquences chez les deux auteurs. Elle
conduit Hartshorne à l'idée d'un synergisme, d'une coopération entre
Dieu et les êtres du monde pour le salut ou pour l'accomplissement
aussi bien de l'univers que de Dieu28. Au contraire, Tillich n'affaiblit
jamais le message paulinien et luthérien du salut par grâce, du Dieu qui
donne et de l'homme qui reçoit.
Ces deux thèmes, celui de la révélation et du salut qui viennent
vers l'être humain et ne sont pas, même partiellement, son œuvre, dif¬
férencient,
font Hartshorne
en dépit
et Tillich.
de leur ressemblance les critiques du théisme que

Dieu comme être

Tillich écrit que Dieu est l'être même. Cette proposition laisse
Hartshorne réticent. La notion d'être évoque pour lui un état statique,
une permanence, une immobilité ; elle est liée à l'immutabilité théis¬
te ; elle semble exclure le devenir. Or Dieu, pour la philosophie du
Process, se caractérise avant tout par le mouvement, le dynamisme et
la vie. Plus que par l'être, Dieu se définit donc par la bipolarité de l'ac¬
tualité et de la potentialité, qui selon Hartshorne commande et structu¬
re toute réalité29. Dieu n'est donc pas tant l'être même que le process
même qui inclut et englobe l'être même30.
Toutefois, Hartshorne ne récuse pas totalement l'affirmation que
Dieu est l'être même. Le désaccord provient de l'ambiguïté du concept
d'être et des connotations différentes qu'il peut prendre. Tillich l'op¬
pose au non-être, et Hartshorne au devenir, au process31. Que Dieu soit
être, Hartshorne l'accepte dans la mesure où cela signifie qu'il n'est
pas non-être, néant, fictif ou irréel ; le philosophe préférerait, cepen¬
dant,
té transcendant
que l'on dise
et que
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Dieu est
l'être
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le devenir32.
même », Hartshorne
la notion deadmet
réali¬

également qu'on nomme Dieu « être même », si on entend par là qu'il


ne fait pas nombre avec les êtres du monde : l'aimer de tout son cœur
n'exclut pas mais englobe le fait d'aimer son prochain33. Toutefois, le

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la
A. GOUNELLE, DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE 321

philosophe estime qu'il serait plus juste de parler d'un être inclusif. De
son côté, Tillich interprète l'être même comme puissance de l'être34,
c'est-à-dire comme dynamisme créateur. Le devenir relève pour lui de
l'être même, et s'applique donc à Dieu, ce qu'exprime la notion de
« vie divine ». « Si l'être signifie, répond-il à Hartshorne, une identité
statique, le devenir doit être le principe ultime. Mais si être signifie la
puissance de dominer le non-être dans chaque processus de vie, alors
même le philosophe du Process doit reconnaître que l'être, c'est-à-dire
la négation du non-être précède en dignité ontologique la polarité du
statique et du dynamique »35. Tillich considère donc comme largement
verbal le débat entre « être et devenir » et Hartshorne reconnaît que
leur différence relève en partie de la terminologie36. Néanmoins, Tillich
maintient que parler d'un Dieu qui devient ne rend pas compte de l'ex¬
périence religieuse de l'éternité et de la majesté de Dieu37. Sa réticen¬
ce semble avoir un caractère plus religieux que proprement
théologique ou philosophique.

Cela ne veut, cependant, pas dire que cette divergence soit insi¬
gnifiante. Si Tillich reconnaît que l'éternité ne signifie pas l'absence de
temporalité, il ne la conçoit cependant pas, à la manière des philo¬
sophes du Process, comme un écoulement de temps qui ne se termine¬
rait jamais (<everlasting )38. Si Dieu n'est pas une identité intemporelle,
il n'est pas non plus un process sans fin39. Tillich laisse entendre, au
grand déplaisir d' Hartshorne40, que pour la philosophie du Process,
Dieu pourrait bien n'être qu'un autre nom pour le processus de la vie.
En forçant un peu le trait, on pourrait exprimer la différence entre les
deux hommes en disant pour Tillich, Dieu est l'ultime et que la créati¬
vité en est une dimension essentielle, parce que l'être transcende et
englobe le devenir, parce que le devenir est une modalité de l'être,
alors que pour Hartshorne, la créativité est ultime et que Dieu en est
une dimension essentielle, parce que le devenir transcende et englobe
l'être, parce que l'être est un moment du devenir41. Estimer le devenir
inférieur à l'être, juger l'être plus réel que le devenir relève, aux yeux

pp.
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322 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

de Hartshorne, d'un préjugé ancien et répandu, mais injustifiable42.


Pour dire la même chose autrement, selon Tillich, l'éternité inclut le
temps, et selon Hartshorne, le temps inclut l'éternité43.

Le langage symbolique

Selon Tillich, on ne peut pas parler de Dieu autrement que par des
symboles. Il admet une seule exception, sur laquelle il varie et change
d'avis. Tantôt, il s'agit de l'affirmation que « Dieu est l'être même »,
tantôt celle, précisément, que « tout ce que l'on dit sur Dieu a un carac¬
tère symbolique χ»44. Sur le symbolisme des propositions théologiques,
Hartshorne émet deux objections :
Premièrement, il estime qu'il vaudrait mieux parler, avec la théo¬
logie du Moyen Age, d'analogie plutôt que de symbole. Prenons, dit-
il, ces deux énoncés, l'un et l'autre biblique : « Dieu est mon berger »,
et « Dieu est amour ». D y a entre eux une grande différence et on ne
peut pas les ranger dans la même catégorie45. Le premier est clairement
symbolique au sens de métaphorique. Le second par contre doit être
pris à la fois littéralement et analogiquement. Littéralement, parce que
l'amour de Dieu ne renvoie pas à autre chose qu'à lui-même et parce
qu'il n'est pas d'une autre nature que celui qu'éprouvent animaux et
être humains. Analogiquement, parce que si cet amour n'est pas d'une
autre nature, il revêt cependant chez Dieu une forme éminente et insur-
passable. Il se situe dans la même catégorie, mais à un niveau supé¬
rieur. Hartshorne parle d'une suprématie catégorielle ou d'un
« étirement des concepts » On devrait même dire, dans une formula¬
tion qui évoque Barth et Brunner, que seul Dieu aime littéralement, que
seul il est littéralement une personne, ou encore que seul il existe litté¬
ralement, tandis que les êtres du monde aiment ou sont des personnes
ou existent analogiquement47. Il en va exactement de même quand on
parle de la puissance de Dieu ou de sa connaissance ou de sa sagesse,

les
p.
«ATheological
pp.
p.Tillich
Natural
21.
27.
181.«Tillich
168,
174.
170.
183.
propos
13-14.
«45.
46.
47.
42.
43.
44.
Tillich
Creative
Cf.
«cf.
Creativity
«and
«C.
Systematic
Tillich
Tillich's
Theology
Tillich
de
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the
Hartshorne,
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réponse
Synthesis
Doctrine
and
Nontheological
and
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Paul
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and
The
Tillich
dans
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of Other
God
Tillich.
Philisophic
of
Divine
Time,
Great
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1,Great
God
Meanings
p.et»p.Great
God 339.
B.
pp.
Tradition
Relativity,
Retrospect
in
»238
»Tradition
Rome
25,
in
in
C.W.
Cf.
Method,
Tradition
; C.W.
of
C.W.
104.
p.2,
C.Theological
(ed.)
Kegley
»,
249.
Hartshorne,
9.
pp.
and
Anglican
Kegley
Kegley
», Dans
pp.
Philosophical
Anglican
3,
Cf.
»,Future,
6.155-157.
etAnglican
Philosophical
et
«Tillich
etTerms
R.W.
Theological
R.W.
Creative
R.W.
p.Theological
21.»Bretall,
Bretall,
Interrogations,
Bretall,
Theological
and
inHarsthorne
Paul
Synthesis
Interrogations,
Review,
the
The
The
The
Review,
Tillich.
Nontheological
Theology
Theology
Review,
note
1961/3,
and
p.Retrospect
1961/3,
349.
Philosophie
cette
p.p.of
1961/3,
374.
of
of
hésitation.
252.
Paul
pp.
Paul
Meanings
Paul
andVoir
251-255.
254-255.
Method,
p.Tillich,
Future,
aussi
256.
of
A. GOUNELLE, DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE 323

ou de sa volonté48. Des notions comme celles d'actualité et de poten¬


tialité, ainsi que celle de temporalité ou de process, ne sont pas non
plus symboliques, mais analogiques. Elles ont un sens sinon identique,
du moins
cation à Dieu49.
très voisin dans notre expérience concrète et dans leur appli¬

Deuxièmement, Hartshorne estime qu'il y a des termes qui s'ap¬


pliquent littéralement à Dieu. Certains de ces termes conviennent litté¬
ralement, mais partiellement. Pour la philosophie du Process, Dieu est
bipolaire (et l'on pense ici à l'importance des bipolarités ontologiques
chez Tillich, même s'il ne les utilise que peu dans la doctrine de Dieu).
Par l'un de ses pôles, le pôle concret, Dieu est relatif, dépendant,
conditionné, capable de développement ; par l'autre pôle, le pôle abs¬
trait, il est absolu, indépendant, inconditionné, parfait. Ces deux séries
d'affirmations ne sont ni paradoxales, ni contradictoires, ni symbo¬
liques. Elles sont littérales et conciliables, car elles ne se rapportent pas
au même pôle de Dieu. Il importe de préciser que toutes les affirma¬
tions littérales ne sont pas partielles. Ainsi, quand on dit qu'ontologi-
quement, nous sommes en Dieu, on doit le prendre complètement et
non partiellement à la lettre. Il en va de même pour des notions abs¬
traites et générales, ainsi que pour des jugements de valeurs : ce qui est
le meilleur pour le monde, est littéralement et non symboliquement le
meilleur pour Dieu50.

Hartshorne en conclut que la « théologie est la plus littérale de


toutes les sciences de l'existence »51. Si nous sommes, comme le dit le
livre de la Genèse, à l'image de Dieu, on ne doit donc pas avoir trop
peur d'utiliser, moyennant quelques précautions, des anthropomor-
phismes pour parler de Dieu52, comme, d'ailleurs, pour parler des êtres
non humains. Curieusement, Hartshorne consacre une partie du cha¬
pitre sur Tillich de son livre sur la philosophie américaine à un plai¬
doyer afin que l'on reconnaisse que les animaux éprouvent des
sentiments analogues à ceux des humains53, un problème qui lui tient à
cœur, mais qui ne semble pas préoccuper particulièrement Tillich.
Tillich admet aussi la validité de symboles anthorpomorphiques quand
on parle de Dieu54. S'ils aboutissent sur ce point à la même conclusion,

Anglican
Introductory
p. écrit
aOther
ibid.,
173.
178.
48.
49.
50.
51.
52.
53.
54.
pp.
Great
un
Philosophical
Creativity
Systematic
C.
««240-241.
Omnipotence
Creativity
Theological
Tillich
Tillich's
livre
Hartshorne,
Tradition
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and
inin
Theology,
Doctrine
le
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and
Review,
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The
p.
Anglican
Other
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168).
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1,Philosophy,
1961/3,
Great
Philosophy,
p.
Theological
God
oiseaux
Theological
242.
Relativity,
»pp.
Tradition
p.On
in374-375.
246,
(Cf.
C.W.
p. pp.
peut
Mistakes,
249.
p.
John
pp.
Review,
»,donner
Kegley
36.
249-250.
Anglican
Philosophical
253-255.
B. Cobb
p.comme
1961/3,
et29.
Cf.
R.W.
Theological
Onet« exemple,
p.
sait
David
Tillich
Bretall,
Interrogations,
246,
queR.
pp.
and
Review,
Hartshorne,
les
The
Griffin,
250-255.
the
symboles
Theology
Other
p.1961/3,
Process
374.
féru
Great
de«of
p.
d'ornithologie,
père,
Tillich
Theology.
Paul
253.
Tradition
ouand
Tillich,
de roi,
the
An
»,
324 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

leurs argumentations diffèrent. Hartshorne insiste sur la parenté onto¬


logique qui existe entre tous les êtres et en déduit que les mêmes caté¬
gories fonctionnent pour Dieu et pour les êtres du monde, même si
elles ne fonctionnent pas exactement de la même façon. Comme l'écrit
Whitehead, Dieu ne doit pas constituer une exception ; au contraire on
en trouve chez lui 1' exemplification suprême de ces catégories (je ren¬
drais volontiers exemplification par « paradigme »)55. De son côté,
Tillich justifie l'anthropomorphisme, comme d'ailleurs n'importe quel
symbolisme, par la différence ontologique qui fait que Dieu étant l'être
de tout les étants, et non pas un étant à côté des autres, toutes les carac¬
téristiques des étants reflètent quelque chose de son être. Elles peuvent
donc renvoyer symboliquement à l'être qui les fonde56. On pourrait
parler d'analogie. Tillich le fait parfois, mais il se méfie de ce mot dont
il craint qu'il ne serve à justifier une théologie naturelle57. Le symbole
a un aspect positif, qui correspond à l'analogie entre le symbolisant et
le symbolisé. Il a aussi un côté négatif : le symbolisant ne convient pas
pour le symbolisé et doit être nié. C'est ce côté négatif qui fait qu'il y
a symbole et pas seulement analogie. Le symbolisme, selon Tillich,
associe donc l'analogie avec l'apophatisme ; il conjugue la via emi-
nentiae, préconisée par Hartshorne, et la via negativa58. Hartshorne cri¬
tique sévèrement la théologie négative. Avec verve, il dénonce le
totalitarisme qu'elle cache sous des apparences de modestie, et les
limitations qu'elle impose à Dieu sous prétexte de rendre compte de sa
grandeur. Pour éviter les exagérations du littéralisme, elle tombe, dit-
il, dans l'idolâtrie, autrement dangereuse, de l'infini59. Sa critique du
symbole s'articule donc avec un fort rejet de la via negativa.
Ces développements éclairent et précisent une divergence qu'à
première vue on pourrait juger secondaire. Parler de symbolisme ou
d'analogie ne revient pas au même, ni ne relève d'une simple nuance
sans grande portée. Il s'agit de deux manières opposées de comprendre
le discours théologique. Pour Tillich, les énoncés sur Dieu sont à la fois
vrais et faux, et donc toujours ambigus. Selon Hartshorne, ils sont lit¬
téralement vrais ou littéralement faux60. Il leur arrive d'être partielle¬
ment justes ou partiellement erronés, en ce sens qu'ils conviennent
littéralement pour un des pôles de la divinité mais pas pour l'autre ; ils

logie,
«Tillich,
Cf.
Tillich.
Theological
and
Rejoinder
p.Future,
55.mais
56.
57.
58.
59.
60.251.
Retrospect
p.
Systematic
«Cf.
« Reply
Tillich
3,Voir
Tillich

A.
»pp.
Mistakes,
34,340.
in
les
Gounelle,
21-22.
toand
The
également
deux
and
and
Theology,
Interpretation
Journal
Cf.
the
p.Future,
mots
theLe
31.
P. «Other
Nontheological
dynamisme
Tillich,
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Tillich
1,1, p.
Religion,
sont
pp.
and
27
131.
Great
239-240.
«pas
and
Criticism
et
The
Cf.
créateur
The
interchangeables.
the
Tradition
1996/1,
Meanings
les
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Divine
Nontheological
formulations
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pp.
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Relativity,
C.W.
God
of
186-187.
Anglican
Theological
»,Kegley
pp.
deinMeanings
41-45.
lap.
pp.
MainWorks/Hauptwerke,
Theological
et156,
34-36,
R.W.
Terms

ofBretall,
Theological
le» symbole
78 inReview,
; Omnipotence
Paul
TheTillich.
implique
Theology
Terms
1961/3,
v. 4,Retrospect
and
» p.
une
p.
in
of413
other
Paul
ana¬;
259.
A. GOUNELLE, DÉBAT ENTRE TILLICH ET HARTSHORNE 325

ne le sont en tout cas pas en même temps et sous le même aspect61. Aux
yeux d'Hartshorne, le symbolisme tel que Tillich le comprend lui évite
de son
et prendre
contraire.
parti làQuantité
où il le faudrait,
d'incohérences
et lui permet
et d'ambiguïtés
de soutenir une
se voient
chose

ainsi justifiées et autorisées62.

Conclusion

En fin de compte, Hartshorne se montre à la fois plus hérétique et


moins libéral que Tillich. Plus hérétique, en ce qui 'il refuse et rejette
volontiers le contenu traditionnel des doctrines, alors que Tillich sou¬
vent le conserve en l'interprétant63. Moins libéral, car il a une concep¬
tion finalement assez dogmatique de la nature du discours sur Dieu.
Pour lui, ce discours dit la vérité, ou l'approche sans brisure, ni distor¬
sion, alors que pour Tillich ce discours porte en lui une faille qui obli¬
ge à la littérale.
valeur fois à le recevoir et à le contester, qui interdit de lui donner une

Cette différence traduit, semble-t-il, un sens de la transcendance


divine plus grand chez Tillich que chez Hartshorne. A cet égard, la
réponse de Tillich à l'une des critiques d'Hartshorne me paraît carac¬
téristique : il refuse d'appliquer littéralement les termes de potentialité
et d'actualité à Dieu, car ce serait le rendre fini, lui appliquer les struc¬
tures et le soumettre aux catégories de la finitude64. De son côté,

Hartshorne
tion et une estime
connaissance
que nous
directes65.
avons de Son
Dieu
altérité
une expérience,
ne le rend une
ni incon¬
intui¬

naissable, ni inaccessible, et elle n'exclut pas une similitude. Tillich


maintient fortement l'étrangeté et la différence de Dieu, même s'il les
pense autrement qu'en termes supranaturalistes. Hartshorne insiste
plutôt sur la continuité entre Dieu et le monde, sans nier toutefois qu'il
y ait une différence entre eux66. Il estime que la modernité ne peut plus
accepter que le passage de la réalité quotidienne à la transcendance se

and
pp.
cf.
iconoclasme
of
classiques.
Theological
p.
Cf.
Future,
Paul
p.
181.
179.
«166,
Future,
61.
62.
63.
64.
65.
66.
257.
Tillich
248,
Tillich,
p.
Philosophical
«Tillich
Dans
«177.
Tillich
Tillich's
29.
Hartshorne
p.and
Review,
(p.«23.
p.Tillich
250).
'sthe
and
165,
and
Doctrine
1961/3,
Nontheological
the
Dans
Interrogations,
note
il
the
and
Interrogations,
souligne
Nontheological
Other
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« p.
of
l'immense
Tillich
Other
254.
God
que
Great
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le
Great
p.
Doctrine
in
p.
symbolisme
376.
respect
Tradition»,
Meanings
C.W.
375.
Tradition
«» Tillich
Kegley
of de
God
Theological
lui
ofTillich
»,
Anglican
»Theological
permet
et
Anglican
in
and
R.W.
C.W.
pour
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de
Terms
Bretall,
Theological
la
Kegley
conserver
Theological
Other
Terms
tradition
» in
The
etGreat
»Paul
R.W.
de
in
Theology
Review,
qu'il
Review,
nombreuses
Paul
Tillich.
Tradition
Bretall,
oppose
Tillich.
1961/3,
1961/3,
of
Retrospect
The
Paul
à»,
affirmations
Retrospect
son
Theology
Anglican
p.Tillich,
propre
247
259.
and;
326 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

fasse par un « bond » ou un « saut »67. Il élimine presque totalement de


sa conception de Dieu le mystère et le remplace par une très grande
transparence68. Significativement, il récuse la catégorie de
« paradoxe »69 que Tillich s'efforce, non sans variations d'ailleurs70, de
maintenir. Non moins significativement, Hartshorne estime vraie et
nécessaire l'affirmation de l'existence de Dieu, alors que Tillich la juge
blasphématoire, parce qu'existence désigne le mode d'être particulier
aux réalités mondaines, à savoir le divorce entre l'essence et l'existen¬
ce71.

L'épistémologie renvoie à l'ontologie et la reflète72. Pour Tillich, la


réalité se caractérise par l'affrontement de l'être et du non-être, qui se
traduit par la séparation, l'aliénation de l'existence avec l'essence.
L'histoire est donc une tragédie à surmonter, et le monde a besoin de
salut. Pour Hartshorne, la réalité est mouvement, et, si elle comporte
des diversités et oblige à des distinctions, elle ne connaît cependant pas
de rupture ni de discontinuité. L'histoire est donc une harmonie que
des drames viennent troubler certes, mais sans fracture. On y trouve
des ravinements, pas des abîmes. Au thème théologique du salut, se
substitue celui de l'accomplissement ou de l'épanouissement.
L'angoisse existentielle et la dimension du tremendum dans l'expé¬
rience de Dieu, ainsi que la notion du démonique qui sont très fortes
chez Tillich, manquent chez Hartshorne73.
André GOUNELLE
Faculté de Théologie de Montpellier (IPT).

and
Dipolar
Theology
Theological
qu'une
logique
Future,
67. doctrine
68.
69.
70.
71.
72.
73. qu'elle
C.
Cf.
«C.
Conception
Tillich
P.Tillich
of
Hartshorne,
Tillich,
Hartshorne,
P.p.
A.
Terms
Paul
Tillich
29.
Gragg,
reflète.
souligne
engendre
and
»«Tillich,
of
in
«Reply
the
Charles
God,
Rejoinder
The
Paul
The
souvent
sa
Nontheological
Divine
p.p.
propre
Divine
to
Tillich.
Hartshorne,
129.
Interpretation
339.
»etRelativity,
épistémologie.
inRetrospect
Relativity,
àC.The
juste
Hartshorne,
Meanings
Journal
p.titre
pp.
112.
and
and
p.que
1 Toute
of
1,etFuture,
Criticism
ofReligion,
«3-5.
26.
l'épistémologie
Theological
Tillich
épistémologie
Cf.pp.»,John
1996/1,
and
26-27.
in B.
Terms
C.W.
thene
Mahoney,
repose
p. Nontheological
Kegley
fonde
187.
» insurPaul
pas
Charles
des
et une
R.W.
Tillich.
présupposés
doctrine,
Meanings
Hartshorne'
Bretall,
Retrospect
onto¬
mais
The
ofs

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