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Mme Tali Faiza Département des lettres et langue arabe. Module : Francais. “Chers étudiants, avant de procéder a analyse de quel ques contes maghrébins, je vous exhorte a lire d’abord I'introduction suivante. La place du conte dans Ia littérature orale maghrébine, de l’oralité a Vécriture : ‘Le conte est avant tout un art oratoire, la fagon de raconter compte autant que le contenu narratif et le conteur captive son auditoire avec ses gestes, sa Voix, ses mimiques, ses silences volontairement réguliers. Le conte est un genre difficile 4 cemer, parce quil entretient des liens étroits avec la littérature orale, et souvent il se contend avec d'autres formes proches comme la nouvelle, ou la fable. Pour bien cemer son emplacement dans la littérature maghrébine, nous commengons d’abord par définir le territoire de la httérature orale. 1, Détinition de ta littérature orale = La littérature orale est caractérisée par le déplacement, 1a traduction, et la rencontre. Elle fait partie de la culture populaire et voyage a travers le temps qui Ini donne vie, valeur et importance. Cest un héritage qui véhicule La sagesse des nations, leurs expériences de la vie, et des instructions universelles. La culture ne s‘arréte pas seulement ala culture écnite, elle est aussi orale, car c'est l’oralité qui rend compte de Ja culture et des connaissances d'un peuple, d’une communauté et de toute une nation. En outre, I'analphabétisme ne signifie pas forcément absence de culture ou ignorance, étant donné que le savoir des populations se transmettait 4 travers les siécles par des peuples qui ne savaient ni lire ni éenire. De ce fait les porteurs d'un savoir oral peuvent tre aussi instruits que ceux d'un savour écrit méme s'ls sont illettrés, Ainsi, La littérature orale se confond avec d'autres notions comme le folklore, 1a culture, la tradition orale, le patrimoine, dont le sens est soit confus ou complémentaire. Le folklore s‘attache en httérature 4 recueillir des récits mythiques, Jégendaires, fables, contes, chansons populaires...qui sont 1a production collective et anonyme transmis de génération en génération par voie orale, Il est défini comme Tensemble des usages, des croyances et des manifestations culturelles et traditionnelles d’une société sans écriture. Mats de nos jours, l’appellation de culture populaire lui est préférée. Cette demiére sidentifie au savoir d'un peuple oit les images du folklore ont un pouvoir singuler de faire revivre les conceptions que ‘Vhomme ancien avait de lui-méme et du monde. Quant A Ja culture, elle se définit comme Tensemble des connaissances et des compartements qui caractérisent une société humaine, elle est soit orale, écrite ou autiovisuelle, Pour Edward Bumett Tylor : « La culture est un tout complexe qu'inclut les connaissances, les croyances, Mart, la morale, fe droit, les coutumes, ainsi que toutes aulres dispositions et habitudes acquises par l’homme en tant membre d'une société »!, Par conséquent, fa culture détermine la vie dune société. Elle contribue & !'adhésion des incividus d'un groupe social A un ensemble de valeurs, de principes et de normes en réponse aux obstacles que leur pose leur environnement, afin de leur assurer un sentiment d'identité et de continuité, La culture se transmet de géndration en génération, elle évolue perpétuellement, car l'homme s'adapte au monte qui Ventoure en fonction de ses besoins et de son interdépendance de lanature, de histoire et les interactions de la vie. © C'est tout le savoir d'un individu transmis socialement et indépendamment de son héritage génétique et spontané. Ce savoir peut étre collectif comme il peut étre incividuel, nous nous inléressons au premier qui représente la culture populaire, elle est collective car elle véhicule des connaissances et des valeurs communes 4 toute une société, Cest une unité fixatrice de Thistoire d'un peuple et de son identité, ce qui Tempéche d'evoluer et de changer, contrairement & la culture individuelle qui se construil et s'élabore avec le temps. De cette définition de la culture s’écoule une autre notion. celle de tradition orale dléfinie comme transmission des connaissances et des valeurs morales, religieuses par Ja parole travers les siecles. D'aprés le Grand Robert de la langue frangaise c'est toute «Information relative au passé, plus ou moins légendaire, non consignée dans des documents originaux, et transmise d’abord oralement de génération en génération », Done I’écrihire n‘est pas importante dans la tradition orale, c’est surtout lamémoire du peuple qui hui importe pour subsister, Ainst, la tradition orale ne constitue qu'une partic de la culture populaire et rejoint parfaitement la définition de la culture orale qui se confond avec celle cu patrimoine oral. En effet cette demiére notion familiére 4 la littérature maghrébine constitue notre espace réflexif. Dans le champ ee la tradition orale le conte présente une histoire qui demande un conteur pour sa narration, sa (ransmission et sa retransmission afin de réactiver la mémoire collective d'un peuple, et de sauvegarder son patrimoine oral. Or Te patrimoine était en générale défini comune l'ensemble des biens matériels légués par nos ancétres et que nous devons transmetire aux futures générations. Récemment, les définitions étaient mises au point 4 légard du patrimoine immatériels par ' UNESCO dans le but de completer celles cui patrimoine matériel : Le patrimoine culturel d'un peuple s'étend aux ceuvres de ses artistes, de ses architectes, dle ses * hupi//erw.cte-catholque ore/viewtopl. Culture, tradition/dentité sue Cthnaclel, contultéte: 31/10/2018. aul Rebert, Le Grand Rober de Ia langue frangalse, Pals be Robert, 1989. 2 musiciens, de ses écrivains, de ses savants, a bien qu'aux erations anonymes, surgies de populaire et 4 l'ensemble des valeurs qui donnent un sens 4 la vie. Il comprend les ceuvres matérielles el immatérielles qui expriment la eréativité de ce peuple, Diaprés cette définition nous remarquons que patrimoine, tradition, culture et folklore sont des exercices culturels & I'ceuvre dans des sociétés d’oralité, ils représentent tous Yidée de eréation provenant d'un peuple et d'un héritage transmis oralement de genération en géndration. Ainsi le domaine de ces expressions orales englobe des formes oralisées tres variées, comme les proverbes, contes, comptines, légendes, mythes, fable, énigme, chants et potmes épiques...Elles sont utilisées pour transmetire des valeurs culturelles et sociales et une mémoire collective, et jouient un réle indispensable pour garder vivantes les cultures. Aprés ce survol sur les définitions de ces termes qui recouvrent le méme sens, nous allons voir quelle est 'origine de celte Atérature orale, Le terme de littérature orale était employé pour la premitre fois par Paul Sebillot, pour désigner les littératures sans éeriture appartenant 4 un peuple analphabéte, autrement cit une littérature populaire. Diapris le Grand Larousse Encyelopédique, populaire veut dire: « qui appartient au peuple ; qui conceme Je peuple ; issu du peuple. Qui s’adresse au peuple ; qui est jugé conforme aux goals de la population la moins cultivée. Connu et aimé de tous, du plus grand nombre ; qui ala faveur du plus grand nombre. »!, Donc la littérature Populaire est trés proche de 1a littérature orale, elle compte sur 1a transmission de bouche & oreille pour sa sauvegarde et sa continuaité. Mais en plus des formes littéraires orales comme le conte, la légende, la fable...elle s’occupe aussi des autres publications populaires exemple le roman histerique, le roman policier, le roman feuilleten. Par cette définition, 1a littérature orale devient une partie de la httérature populaire surtout en occident, ce qui nest pas le cas dans Jes autres pays comme ceux du ‘Maghreb of la littérature orale est synonyme de la littérature populaire, En effet, le ‘Maghreb est connu pour la diversité de ses littératures écrites et orales. Les productions survenues lors des invasions qui se sont suceédé sur ce territoire, comme celles des phéniciens, des romains, des berbéres, montrent les différentes cultures qui ont pris naissance dans cette région. notanument La littérature orale qui y occupe une place majeure et qui n'a jamais été démentie jusqu’s nos jours. Cette littérature orale " United Nations, Edueational, SeientiGe and Cultural Organization, (En ligne} http://whe unesco.org/t. ‘Consutté te : 10/12/2015. “Le Grand Larousse Eneydlopédique est le fruit d'un imaginaire populaire, elle est Vexpression d'une culture, et la conservation e’un patrimoine. 2. Les origines de la littérature orale : Avant invention de I’écriture, [homme a su conter partout dans le monte. Par conséquent, a littérature orale devance la littérature crite, c'est la premitre forme Littéraire que Fespéce humaine a conmu. Grace & 1a littérature orale, Thomme a depuis toujours su communiquer ses sentiments et révéler sa singulanté, Dans n'importe quel paysau monde, essence de la littérature orale se trouve dans son oralité et done dans sa transmission de bouche & oreille. Ce genre littéraire est malheureusement en voix de disparition dans ce monde modeme ou loralité & de moins en moins de place. Or, beaucoup de pays dans le monde 1a maintiennent en vie par divers processus qui peuvent étre naturels ou artificiels. Ainsi, la littérature orale est lige & la mémoire, est un art difficile qui demande une performance dans lart de dire, aussi une culture trés riche et diversifide. En plus dus désir de création, le passeur de Ia littérature orale particuliérement celui des contes doit avoir une bonne mémoire. Etant conné que cette demiéce ne peut se trouver dans des librairies ou dans des archives, elle doit étre inscrite et bien préservée clans la mémoire et le coeur des membres d'un groupe. Pour sauvegarder ce patrimoine culturel et fui assurer une vie étemelle il faut avoir 4 La place d'une bonne bibliothéque tune bonne mémoire. Mais cette demiére constitue un danger pour la continuité et la vitalité de la littérature orale, car elle ne peut étre infaillible 4 travers le temps. Sustout sielle est remplacée clans certaines sociétés par l’éeriture, et oit le temps des contes est relégué au second plan par la culture moderne, Cependant, ce n‘est pas le cas de toutes les hittératures orales du monde, carcertaines bien qu'elles aient pris du repos quelques temps, elles s'effarcent de revenir et de préserver le peu de mémoire qu'il leur reste. 3, La littérature orale maghrébine / Elat des liewx : Avant, Yart de conter était une activité respectée, les conteurs s‘installaient dans les cafés et les marchés, et étaient récompensés en argent et en donation pour leurs contes. Mais la technologie moderne (cinéma, ordinateur,...) a pris la place des conteurs dans les villes, et cles conteuses dans les maisons malgré la présence des personnes Agées qui assumaient si bien cette tiche, Alozs, le patrimoine oral, transmis d'une génération Auine autre, s‘oublie de plus en plus et c"est le cas de toutes les traditions orales arabes, Or, Actuellement, La littérature orale prend son essor, et sa valeur ne fait que croitre, notamment dans le domaine des recherches litéraires et scientifiques, surtout pour le conte quia tenu diffictement sa place 4 travers le temps. Un changement accéléré s'est produit ces demiéres années, L'expérience de collectage a été menée dans différentes régions dans le but de sauvegarder quelques récits qui demeurent dans la mémoire de certaines vieilles personnes. Cependant. 1a plupart des femmes tenantes de toute une littérature orale ne savent ni lire ni écrire, mais elles ont jusquela pu instruire leurs enfants en leurs racentant tous les soirs des contes selon la tradition. Actuellement, a scolarisation et la transmission orale participent au renouveau des contes, ces demiers qui étaient rangés parmi les choses imutiles du passé commencent 4 prendre de Vimportance, Le conte figure dans les programmes scolaires, les contetrs maghrébins, vivant 4 l'étranger participe aussi A cette prise de conscience en racontant dans une autre langue les récits de leurs pays d'origine, A travers le patrimoine oral, les peuples peuvent ‘identifier, et se perpétuer, car il est un moyen de conciliation entre le passé et Vavenis, L'Afrique duu Nord a depuis toujours été le carrefour des peuples et des cultures, 1 sa position géographique. Ses premiers habitants sont les Berbéres, au cours de leur histoire, ils ont conn diverses populations, venues des quatre coins du monde, d’oit leur richesse de 1a culture en générale, et cle 1a littérature orale en particulier. Les invasions qui ont eu lieu en Afrique du Nord et surtout au Maghreb sont nombreuses : phénicienne, byzantine, arabe, anglaise, turque et frangaise ont contnbué A la conception d'une culture méditerrangenne dans laquelle chaque peuple a laissé une empreinte qui te démarquait des autres, De ce fait toutes les cullures qu'ont connues ces peuples de VAfrique du nord en particulier dit Maghreb ne sont que le reflet des invasions qui se sont suceédé aut cours cles sidcles sur ces terres. 4. Lacollecte des contes en Algérie: La collecte des contes a commencé avec la colonisation frangaise. Les Frangais, ayant Pris conscience que la richesse de la littérature orale en Algérie n‘allait pas étre éternelle, ils ont commencé h réunir quelques contes. Cette quite a débuté avec le pére Joseph Riviere?, mussionnaire en Kabylie qui pubhait son « Recueil de contes populaires de La Kabylie du Djurdjura »*, Suivi de René Basset, anthropologue et Linguiste qui pubhait dans le Bulletin de Correspondances Africaines, le conte « Salomon et le dragon », suivi de plusicurs recueils de contes populaires : « Cantes populaires berbéres », « Nouveaux contes berbéres » et « Contes populaires D’Afrique. ». En 1897, Godefroy-Demombynes et Zenaqui ont publié des « Contes en arabe vulgaire de Tlemcen » dans le Journal Asiatiquet, Jusqu'au début du siecle passé, les collectes. de contes algériens étaient encore la tiche des colons, et les collectes étaient centrées surtout sur les contes kabyles, elles continuaient avec Paul Leblanc de Prebois qui publie en 1902 un conte Kabyle « Liaurore et la médaille d'argent ». Marie-Louise * Joveph, Riviere. http// WWWegallica bet fr/ark. Consutté fe : 10/12/2015. 4 Recueil de contes populaires de la Kabyle du Djurdjura », Contes reeueilis et publits par le Peve Joseph Riviére. Edltion réimprimé par Gandini, 2005, René, Bastet, « Contes populaires berberes », Pats, Emest Leroux, 1887. http://ealiea bn fr/ark. Censuité le: 20/12/2015, *Godetroy-Dernombynes et Zenaqui, « Contes en arabe vulgalre de Tiemncen » In: Journal Aslatique, 1894. Amyouche publie aussi le conte « le chéne et l'ogre ». Vers 1909, les collectes commengaient as’étaler sus tout le ternitoire algerien. Ainsi, Quetqueslettrés Algériens ont commence & prendre conscience du danger qui menagait leur patrimoine oral. Parmi eux, Si Amar Bensaid Boulifa et Mohammed Bencheneb qui a publié dans le domaine de La hitérature et de la pogsie arabe spécialement, des sciences de la religion musulmane en 1905 un recueil de « Proverbes de Algérie et du Maghreb »*en version bilingue arabe frangais, aussi un autre recueil de contes « Contes d’Alger », En 1944, les publications de contes deviennent tres nombreuses, Marie-Louise Antrouche public Le conte « La fileuse et la fe », « Loundja fille de Tseriel ». Emile Dermenghen, aprés son étude des contes nord africains, a publié « Le mythe de Psyché dans fe folklore nord- africain »"et un tecuetl de « Contes kabyles »! Apres Vindépendance de Algérie, l'intérét des chercheurs Frangais nest plus le méme, 1a plupart des travaux de collectes étaient réalisés par des Algéniens, Ces clemiers voulaient surtout donner tune version authentique a la culture algérienne qui était mal interprétée par les étrangers. Mouloud Mammen figure parmi les spécialistes le 1a littérature savante et populatre, aprés son précurseur Boulifa, Ses voyages répétés & travers le Sud algérien lui ont permis dle découvrir cette autre vie des M'zabs. C'est grice 4 son travail laboriews que cette littérature orale qui témoigruit de ["lustoire de tout un peuple a été sauvegardée +Nous lui devons aussi la lecture des poemes cle Si Muhand et la découverte des contes qui autrefois, se racontaient uniquement de bouche a oreille, [1 recueillit et traduit cleus livres dle contes # Machaho | Teller Chaho »et « La cité du soteil » D’autres chercheurs professionnels ont contnbué aussi aux collectes des contes, comme Mohamed Belhalfsoui qui était un expert dans le contage. Il a édité deux recucils de contes « Demoiselle scarabée naire, princesses cles femmes et Les sept autres contes de Zohra »Son fils Hamoy, Belhalfaouium passionné des contes, connu sous le pseuconyme de Nahnow, a suivi les pas de son pére et devient conteur en 1980.11 publie deux recucils de contes « Contes aut petit frere » et « Contes pour de rire et pour de vrai», Un autre conteur algérien, Said Ramdane, a véeu en France et a commencé & raconter en 1992 en suivant I'exemple de son devancier Mohamed Behalfaoui qu'il a reneontré AGrenobte. Il est devernt co-fondateur du « Festival du Conte » 4 Grenoble. I] anime aussi des ateliers autour des pratsques ce Voralité, de l'art de la parole et du conte, En. 1996, i1 a publie « Jalyoh, le simple », et participe A des stages de formation dans le domaine dit conte, Rabah Belamn a collaboré également 4 la sauvegarde du patrimoine oral, installé en France, 1! est auteur de plusieurs romans de recueils de * Mohammed Benchenets « Proverbes de Algérie et du Maghreb #, 1905-1906-1907, 3 vol. hitp://delit fr/oenchneb htt, Consulté le 10/12/2015. ‘\8hbld,, Benchendl: « Les contes d'Alger ». Alger, Henrys, 1986 11 bid, Camille Lacoste Dujardin, p.9, Emile Dermenghem, « Le mythe de Psyché dans le folklore nord: aflealn Revue Africaine, 86, 1945, pp 41.81. ibid, p9. “1 Mouloud, Mammerl, « Contes berbéres de Kabylie » : Machao ITeliem chao », Paris, Borda, 1980, 4 Moulaud Mammeri, Entretien avec Taha Djaout, sui de Lact da soleil lind), Alger Laphomic 1987. 6

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