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62 | L ivre 1 – D roit bancaire marocain

SECTION 2
LES SERVICES DE PAIEMENT

§I POURQUOI DES SERVICES DE PAIEMENT ?

On peut s’interroger sur l’intention du législateur au moment où il crée ces nouveaux


services que sont les « services de paiement », alors qu’existe depuis toujours le
service de « mise à disposition et de gestion de moyens de paiement ». Le législateur
marocain a emboîté le pas au législateur communautaire en décidant ainsi d’élargir le
commerce du paiement par l’introduction d’une nouvelle institution, l’établissement
de paiement.

L’ouverture à de nouveaux acteurs du secteur des paiements est bienvenue à


deux égards : premièrement, le Royaume du Maroc fait converger, conformément

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à ses engagements au titre du « statut avancé », sa législation vers la législation
communautaire. Deuxièmement, cette ouverture a pour objet, et devrait

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effectivement en avoir l’effet, de favoriser la concurrence sur un marché qui,
plus qu’en Europe – c’est peu de le dire – en est privé. Cette ouverture salutaire

46:1
à la concurrence était, au demeurant, la motivation principale des autorités
communautaires pour la création d’un grand marché des paiements : « (...) il est
crucial d’établir, au niveau communautaire, un cadre juridique moderne et cohérent .32.2
pour les services de paiement – que ces services soient ou non compatibles avec le
.249

système résultant de l’initiative du secteur financier en faveur d’un espace unique


de paiement en euros (SEPA) – qui soit neutre de façon à garantir des conditions
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de concurrence équitables pour tous les systèmes de paiement, afin de maintenir


le choix offert au consommateur, ce qui devrait représenter un progrès sensible en
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termes de coûts pour le consommateur, de sûreté et d’efficacité par rapport aux


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systèmes existant au niveau national. » 164

Au demeurant, la garantie d’une saine concurrence est une préoccupation partagée


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au Maroc par les pouvoirs publics, notamment par le Conseil Économique, Social
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et Environnemental (le « CESE ») qui n’a pas manqué de le relever et d’émettre des
propositions en ce sens, dans le cadre de son examen du projet de Loi bancaire 165.
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164. Considérant (4) de la Directive 2007/64/CE du Parlement et du Conseil du 13 novembre 2007


« concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les Directives 97/7/CE,
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2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la Directive 97/5/CE » (https://eur-


lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2007:319:0001:0036:FR:PDF), désormais abrogée
par la Directive (UE) 2015/2366 du Parlement et du Conseil du 25 novembre 2015 « concernant les
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services de paiement dans le marché intérieur », modifiant les Directives 2002/65/CE, 2009/110/CE
et 2013/36/UE et le Règlement (UE) n° 1093/2010, et abrogeant la Directive 2007/64/CE : https://
eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32015L2366&from=FR.
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165. Avis du Conseil Économique, Social et Environnemental, Projet de loi n° 103-12 relative aux
établissements de crédit et organismes assimilés : « (…) La mise en place des dispositifs
réglementaires relatifs à la mobilité et à la portabilité bancaire en vue de consacrer le principe de
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libre concurrence dans le secteur bancaire et de garantir le droit des clients. Ces dispositions sont
de nature à stimuler davantage la concurrence au sein du secteur bancaire au Maroc mais aussi
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participer à faire du Maroc un hub financier à l’échelle régionale. » www.ces.ma/Documents/PDF/


L es services bancaires et de paiement | 63

§ II DÉFINITION DES SERVICES DE PAIEMENT

Ainsi, en plus de « la mise à disposition et la gestion de moyens de paiement », la


Loi bancaire introduit-elle, en son article 15, les « services de paiement » qui, s’ils
peuvent être fournis par les établissements de crédit, le peuvent également par les
« établissements de paiement ».

Contrairement à la « monnaie électronique », les services de paiement étaient déjà


offerts par les établissements de crédit dans le cadre de la mise à disposition et la
gestion de moyens de paiement. Seul le recours à « tout moyen de communication
à distance » constitue une nouveauté introduite par la loi. Ces services de paiement
sont, pour reprendre les termes mêmes de la Loi bancaire :
– les opérations de transfert de fonds ;
– les dépôts et les retraits en espèces sur un compte de paiement ;

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– l’exécution d’opérations de paiement par tout moyen de communication à distance,
à condition que l’opérateur agisse uniquement en qualité d’intermédiaire entre le

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payeur et le fournisseur de biens et services ;
– l’exécution de prélèvements permanents ou unitaires, d’opérations de paiement

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par carte et l’exécution de virements, lorsque ceux-ci portent sur des fonds placés
sur un compte de paiement. .32.2
Deux importantes conclusions doivent être tirées de l’article 16 de la Loi bancaire :
.249

(i) En premier lieu, le législateur exclut expressément de la qualification de services


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de paiement les « opérations de paiement effectuées par un chèque tel que


régi par les dispositions du Code de commerce, une lettre de change (...), un
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mandat postal (...) [et] tout autre titre similaire sur support papier ». Autrement
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dit, la mise à disposition et la gestion de titres cambiaires sont réservées aux


établissements de crédit, tandis que le mandat postal, qui est un effet prépayé,
272:

est – comme son nom l’indique – l’exclusivité de La Poste.


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(ii) En second lieu, l’article 16 se réfère, pour la définition de deux services de
paiement, au compte de paiement définit ainsi : « On entend par compte de
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paiement tout compte détenu au nom d’un utilisateur de services de paiement


et qui est exclusivement utilisé aux fins d’opérations de paiement. »
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À l’évidence, la notion de compte de paiement se distingue de celle de compte


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bancaire, sur plusieurs points :

(a) Premièrement, le compte de paiement est un compte à affectation,


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spéciale : il doit être « exclusivement utilisé » à des fins de paiement, là où


un compte bancaire est universel dans son objet. Certes, il existe bien des
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comptes bancaires à affectation spéciale, mais cette spécialité du compte


t.sch

Saisines/S-8-2014-Projet-de-loi-etablissement-de-credit-et-organismes-assimiles/Avis-S-8-2014-VF.
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64 | L ivre 1 – D roit bancaire marocain

bancaire ne procède pas de la loi, contrairement au compte de paiement,


mais de la liberté contractuelle.

(b) Deuxièmement, les fonds déposés par les clients sur leurs comptes de
paiement doivent être conservés sur « un compte global, séparé et
individualisé auprès d’un établissement de crédit habilité à recevoir des
dépôts à vue », conforment à l’article 17.

Le souci du législateur est clair : assurer aux fonds affectés à des fins de
paiement une protection que seul un établissement de crédit habilité
à recevoir des fonds du public – à la différence de l’établissement de
paiement – peut garantir en raison des fortes contraintes prudentielles et
de fonds propres qu’il se doit de respecter et qui sont incomparablement
plus sévères que celles pesant sur l’établissement de paiement.

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(c) Troisièmement, toujours selon l’article 17, les fonds affectés au paiement

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« doivent être distinctement identifiés et cantonnés dans la comptabilité
des établissements de paiement ».

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Cette obligation d’identification et de cantonnement n’est que la

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conséquence de l’interdiction faite à l’établissement de paiement d’utiliser
les fonds déposés par les clients, ce qui constitue une distinction essentielle
.32.2
avec le compte bancaire. En effet, l’on se souvient que la définition même du
service de réception de fonds du public recèle le droit, pour l’établissement
.249

de crédit, d’utiliser les fonds reçus de ses clients, à charge, bien sûr, de
les restituer à vue ou à terme, selon les stipulations du contrat. Ce droit
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d’utiliser les fonds reçus se justifie pleinement par la nature même de


l’activité bancaire : la transformation des dépôts en crédit pour financer
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l’économie, les dépôts constituant ainsi une source de financement des


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banques.
272:

Les opérations de crédit étant exclues des services qu’un établissement


de paiement est autorisé à offrir à sa clientèle et les fonds déposés par
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cette dernière étant exclusivement affectés à des opérations de paiement,


il n’était pas question pour le législateur de conférer à l’établissement de
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paiement le droit d’user des fonds déposés par ses clients, même assorti
d’une obligation de restitution.
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La protection offerte par le législateur au client de services de paiement est d’ailleurs
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remarquable puisque les fonds déposés aux fins de paiement échappent à toute
appréhension par tout créancier : non seulement l’établissement de crédit teneur
ox.co

du compte de l’établissement de paiement ne bénéficie d’aucun droit sur le solde


de ce compte pour se désintéresser de la créance qu’il aurait sur l’établissement de
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paiement ; en outre, le solde de ce compte ne peut faire l’objet d’aucune saisie-arrêt


de la part des créanciers de l’établissement de paiement ; mais de surcroît, l’article 17
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stipule qu’« en cas de procédure de liquidation ouverte à l’encontre de l’établissement


de paiement ou de l’établissement de crédit teneur du compte global visé ci-dessus,
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les fonds inscrits dans ces comptes de paiement sont affectés au remboursement des
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titulaires des comptes de paiement ». Ainsi, pourrait-on assimiler, par les effets qu’il
engendre, le droit du client sur les fonds déposés aux fins de paiement à un droit réel
sur la chose (les fonds), là où le client titulaire d’un compte bancaire ne dispose que
d’un droit de créance opposable à l’établissement de crédit.

SECTION 3
LES AUTRES SERVICES : INTERMÉDIAIRES EN OPÉRATIONS
DE BANQUE ET BUREAUX DE REPRÉSENTATION

L’intermédiaire en opérations de banques (ou « IOB ») et le bureau de représentation


partagent ce trait commun d’évoluer au cœur du secteur bancaire, sans toutefois
exercer d’activités de banque 166, mais se distinguent l’un de l’autre en ce que, par
exemple, l’intermédiaire en opérations de banque peut prendre part à la conclusion

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d’un contrat bancaire (§ I), ce qui n’est absolument pas le cas du bureau de
représentation (§ II).

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§I L’INTERMÉDIAIRE EN OPÉRATION DE BANQUE 167

L’on peut être surpris d’apprendre, à la lecture de la Loi bancaire, qu’un intermédiaire .32.2
en opérations de banque « peut se voir confier » ou « peut recevoir des fonds »
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(B), alors même que, comme précisé plus haut, le rôle de ce professionnel est, en
principe et par prudence, limité à celui d’un mandataire (A). Mais ce droit conféré à
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l’intermédiaire en opérations de banque n’est pas spécifique au droit marocain : le


droit français prévoit une telle possibilité 168.
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(A) L’intermédiaire en opérations de banque, étant d’abord


un intermédiaire, peut-il être un mandataire ?
272:

Le régime juridique des intermédiaires en opérations de banque est posé au Titre


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VII de la Loi bancaire « Relations entre les établissements de crédit et leur clientèle
et intermédiaires en opérations effectuées par les établissements de crédit »,
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dont il occupe le Chapitre 2. Cet emplacement, au sein de la Loi bancaire, reflète


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166. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte, s’agissant des intermédiaires en opérations de banque,
comme nous le verrons.
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167. Sur les intermédiaires en opérations de banque, voir l’excellent ouvrage qui, bien que traitant
de cette activité en droit français, peut être source d’étude et d’inspiration en droit marocain :
E. BOURETZ, Intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, en financement
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participatif – Agent lié – Quelle réglementation et sous quel contrôle ?, RB Édition, 2018.
168. Sur le statut et l’activité d’intermédiaire en opérations de banque, v. notamment : Th. SAMIN, « Le
statut d’intermédiaire en opérations de banque : jument de Roland ou Belle au bois dormant ? »,
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Banque & Droit, n° 91, sept.-oct. 2003, p. 3 et s. ; H. BOUCHETEMBLE, « Refonte de l’activité


d’intermédiaire en opérations de banque : une réforme en demi-teinte », Dr. et patrimoine, n° 213,
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2012, p. 48.

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