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Guillaume Tusseau

DROIT COMPARÉ ET
THÉORIE GÉNÉRALE
DU DROIT
NOTES SUR QUELQUES
ALLERS-RETOURS APORÉTIQUES

Collection Dikè
DIKÈ

Collection dirigée par Josiane Boulad-Ayoub et Bjarne Melkevik

«  Le soleil ne transgressera pas son orbe


(métra).

Ou alors les Érinyes, aides de la justice,


le découvriront.  »

(Héraclite, Aphorisme 94)

Les Érinyes, déesses de la vengeance, dont Héraclite fait les auxiliaires de la justice,
se métamorphosent à la fin de l’Orestie d’Eschyle en bienveillantes Euménides. Fille
de Thémis dans la mythologie, DIKÈ, alliée cependant aux nouvelles divinités Athéna
et Apollon, s’humanise dans la tragédie, se laïcise, se politise en s’associant aux progrès
de la démocratie, du débat juridique et politique, du développement des lois.

DIKÈ n’était pas, à Athènes, la mimésis d’une essence de la justice, elle était à la
fois l’idée abstraite du droit et, sous de multiples formes, l’action judiciaire.

La collection «  DIKÈ  », comme la Pnyx et l’Agora athéniennes, offre un espace


public, un lieu de rencontre pour penseurs venus d’horizons et de disciplines différents,
du droit, de la philosophie du droit, de la philosophie politique, de la sociologie, prêts
à débattre des questions juridiques urgentes et disposés à une critique aussi polymorphe
et diverse que les structures complexes du droit contemporain qu’ils tenteront de mettre
à jour. Penseurs persuadés que DIKÈ, élevée à la dignité autonome du concept, est
toujours enchaînée au juste et à l’injuste et que, privée de déterminations concrètes,
la justice n’est qu’une forme vide. Persuadés aussi que l’ambivalence des structures
juridiques invite à procéder à une enquête sur la généalogie des formes historiques du
droit.
DROIT COMPARÉ ET THÉORIE
GÉNÉRALE DU DROIT
Guillaume Tusseau

DROIT COMPARÉ ET THÉORIE


GÉNÉRALE DU DROIT
NOTES SUR QUELQUES ALLERS-RETOURS
APORÉTIQUES
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.
We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.

Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année de la Société de dévelop-


pement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble
de leur programme de publication.

Maquette de couverture  : Laurie Patry


Mise en page  : Emmanuel Gagnon

© Les Presses de l’Université Laval


Tous droits réservés. Imprimé au Canada
Dépôt légal 2e trimestre 2021

ISBN 978-2-7637-5541-0
PDF 9782763755427

Les Presses de l’Université Laval


www.pulaval.com

Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie de ce livre par quelque


moyen que ce soit est interdite sans l’autorisation écrite des Presses de l’Université
Laval.
À David, esprit libre et juris(im)prudent
« 40. Changer le style de pensée, c’est ce qui compte dans ce que
nous faisons. Changer le style de pensée, c’est ce qui compte
dans ce que je fais, et persuader les gens de changer leur style
de pensée, c’est ce qui compte dans ce que je fais.

« 41. (Ce que nous faisons, pour une grande partie, c’est poser la
question du changement de style de la pensée.) »

Wittgenstein L., « Leçons sur l’esthétique », in Wittgenstein


L., Leçons et conversations sur l’esthétique, la psychologie et la
croyance religieuse, Barrett C. (éd.), suivies de Conférence sur
l’éthique, Rhees R. (éd.), trad. fr. Fauve J., prés. Chauviré C.,
Paris, Gallimard, 1992, liv+186 p., p. 65.
Table des matières

Avant-propos................................................................................................ 1

Introduction
Inconfort(s) et refuge dans l’« ego-histoire »............................................ 3
I. Les droits comparés................................................................................................. 4
II. Les théories générales du droit............................................................................. 6
III. Les enjeux d’une rencontre................................................................................. 8

Chapitre 1
Une démarche inductive : du droit comparé vers la théorie
générale du droit.......................................................................................... 13
I. Présentation de la démarche.................................................................................. 13
II. Échec : l’ancrage implicite dans la théorie du droit............................................ 17

Chapitre 2
Une démarche déductive : de la théorie générale du droit
vers le droit comparé................................................................................... 21
I. Présentation de la démarche.................................................................................. 22
II. Échec : l’ancrage implicite dans le droit positif................................................... 25

Chapitre 3
Une échappatoire à l’antinomie : une métaméthodologie
d’orientation pragmatiste........................................................................... 37
I. L’objection gnoséologique...................................................................................... 39
II. L’objection d’ethnocentrisme............................................................................... 51

Conclusion
Un soulagement nécessairement précaire................................................. 63

Bibliographie................................................................................................ 67

XI
Avant-propos

Cet ouvrage trouve son origine immédiate dans les travaux du Colloque « Le droit
comparé : de la périphérie au centre ? », organisé sous la direction scientifique
d’Isabelle Boucobza par le Centre d’études juridiques et politiques (CEJEP), à
l’Université de La Rochelle, les 29 et 30 septembre 2016 (https://cejep.univ-laro-
chelle.fr/COLLOQUE-Le-droit-compare-de-la-peripherie-au-centre.html
[consulté le 5 février 2021]). Par la suite, j’ai eu l’occasion de présenter et de
discuter cette recherche lors d’événements organisés par l’École doctorale de
l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), l’Universdad libre de Bogotá, l’Alma
mater studiorum Università di Bologna et l’Academia mexicana de derecho Juan
Velásquez. Le développement de ma réflexion a considérablement bénéficié des
multiples remises en cause et questionnements impliqués par les travaux du projet
OPT-IN (Nuevo programa de posgrado para la formación de OPeradores Trans-
nacionales e INternacionales para la defensa de la naturaleza y la construcción de
la paz en la Comunidad Andina), déposé dans le cadre de l’appel à projets
Erasmus+ Capacity Building in Higher Education EAC/A03/2016 de l’Educa-
tion, Audiovisual and Culture Executive Agency de la Commission européenne.
Cette publication, dont je suis redevable au dédicataire de ces pages, se trouve
définitivement placée sous le signe des amitiés intercontinentales – tout à la fois la
cause et la conséquence de ce dont il est ici question.

1
Introduction
Inconfort(s) et refuge dans l’« ego-histoire1 »

1. Proposer une réflexion sur le thème « droit comparé et théorie générale du


droit » peut sembler à la fois témoigner d’un manque de modestie et relever d’une
stratégie de l’échec. Une telle démarche présuppose d’être crédité d’un talent suffi-
sant pour aborder, simultanément qui plus est, deux domaines du savoir acadé-
mique réputés pour les importantes aptitudes qu’ils sollicitent : compétences
linguistiques, esprit d’abstraction, esprit d’analyse, esprit de synthèse, ouverture
vers d’autres systèmes juridiques que le sien propre, ouverture vers d’autres disci-
plines que le seul droit, etc. Pour autant, une telle interrogation réunit sèchement
en un seul et unique énoncé deux incontestables parents pauvres du système
académique hexagonal2. D’excellents juristes n’ont-ils pas ainsi qualifié le droit
comparé de « science collatérale du droit3 », tandis que la théorie générale du droit

1. V. p. ex. Nora P. (dir.), Essais d’ego-histoire, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1987,
375 p.
2. De manière générale, v. Lyon-Caen A., Rapport de la Commission de réflexion sur les études de droit, Paris,
La documentation française, 2002, 41 p., accessible à l’adresse http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
rapports-publics/024000294/index.shtml (consulté le 5 février 2021) ; Conseil national du droit, Attrac-
tivité et mixité des études et des professions de droit. Rapport aux ministres de la justice et de l’enseignement
supérieur, de la recherche et de l’innovation, 2019, accessible à l’adresse https://www.vie-publique.fr/sites/
default/files/rapport/pdf/204000097.pdf (consulté le 5 février 2021). Concernant la théorie du droit,
v. p. ex. Troper M., Michaut F. (dir.), L’enseignement de la philosophie du droit. Actes du colloque interna-
tional, Paris, LGDJ, Bruxelles, Bruylant, coll. « La pensée juridique », 1997, 170 p. Concernant le droit
comparé, v. p. ex. Mouly C., « L’enseignement du droit comparé en France », Revue internationale de droit
comparé, Vol. 40(4), 1988, pp. 745-750 ; Aa. Vv., Le droit comparé aujourd’hui et demain, Paris, Société
de législation comparée, 1996, 160 p. ; Picard E., « L’état du droit comparé en France, en 1999 », Revue
internationale de droit comparé, Vol. 51(4), 1999, pp. 885-915 ; Fauvarque-Cosson B., « L’enseignement
du droit comparé », Revue internationale de droit comparé, Vol. 54(2), 2002, pp. 293-309 ; Fauvarque-
Cosson B., « Development of Comparative Law in France », in Reimann M., Zimmermann R. (ed.),
Oxford Handbook of Comparative Law, Oxford, Oxford UP, 2008, xix+1430 p., pp. 35-67 ; Du Bois
de Gaudusson J. (dir.), Le devenir du droit comparé en France, Aix-en-Provence, PUAM, 2005, 225 p. ;
Tusseau G., « Quelques impressions sur la comparaison juridique en France : une croissance inorganique
et sous-théorisée », Anuario di diritto comparato, 2013, pp. 429-445. Pour un éclairage comparatiste de ce
point de vue, v. p. ex. Husa J., « Comparative Law, Legal Linguistics and Methodology of Legal Doctrine »,
in Van Hoecke M. (ed.), Methodologies of Legal Research. Which Kind of Method for What Kind of Disci-
pline?, Oxford, Portland (Oregon), Hart Publishing, 2011, xvi+294 p., pp. 209-228, p. 209.
3. Carbonnier J., Droit civil, Vol. 1, Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, Paris, Presses
universitaires de France, coll. « Quadrige », 2004, xxiv+1496 p., p. 60.

3
4 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

est fréquemment raillée pour son ésotérisme et son inutilité fatale pour la pratique
juridique4 ?
Au-delà de ce sentiment mitigé, il ne reste pas moins que la question se
révèle d’une actualité évidente et d’une difficulté redoutable. Cela tient d’abord à
la variété des définitions dont fait l’objet chacune des disciplines, activités, orien-
tations, enseignements, recherches, écrits, travaux, etc. en cause. Les unes et les
autres se trouvent regroupées, tout au long de continuums reposant sur des airs de
famille à la Wittgenstein5, en deux grandes nébuleuses qui – et c’est là tout l’enjeu
du sujet – se rejoignent par endroits.

I. LES DROITS COMPARÉS


2. Ainsi que l’avait noté Roscoe Pound, « Beaucoup, sinon tout, dépend […] de ce
qui est comparé et de comment c’est comparé6. » En conséquence, et à de multiples
égards, diverses visions du droit comparé existent. Elles s’opposent premièrement
quant à son objet. S’agit-il par exemple de la législation, dans la tradition de la
vénérable Société de législation comparée7 ? S’agit-il au contraire des formants
législatif, jurisprudentiel et doctrinal ainsi que des cryptotypes, pour faire réfé-
rence à la pensée de Roberto Sacco8 ? S’agit-il plutôt des éléments déterminants ou

4. V. p. ex. à ce sujet Melkevik B., « Pourquoi étudier la philosophie du droit ? Quelques réflexions sur
l’enseignement de la philosophie du droit », Bulletin de la Société de philosophie du Québec, Vol. 25(1),
1999, pp. 16-19 ; Sherr A., Sugarman D., « Theory in Legal Education », International Journal of the
Legal Profession, Vol. 7(3), 2000, pp. 165-177 ; Cotterrell R., « Pandora’s Box: Jurisprudence in Legal
Education », International Journal of the Legal Profession, Vol. 7(3), 2000, pp. 179-187 ; Cownie F.,
« The Importance of Theory in Law Teaching », International Journal of the Legal Profession, Vol. 7(3),
2000, pp. 225-238 ; Vasconcelos Vilaça G., « Why Teach Legal Theory Today? », German Law Journal,
Vol. 16(4), 2015, pp. 781-819 ; Wall J., « On Hating and Despising Legal Philosophy », Journal of Legal
Philosophy, Vol. 46(1), 2021, pp. 29-50.
5. V. p. ex. Wittgenstein L., Le cahier bleu et le cahier brun, préf. Imbert C., trad. fr. Goldberg M., Sackur
J., Paris, Gallimard, coll. « Tel », Vol. 331, 1996, 313 p., p. 57 : « Nous avons tendance à penser qu’il doit
par exemple y avoir quelque chose de commun à tous les jeux, et que cette propriété commune justifie
que nous appliquions le terme général ‘jeu’ à tous les jeux ; alors qu’en fait les jeux forment une famille
dont les membres ont des ressemblances de famille. Certains d’entre eux ont le même nez, d’autres les
mêmes sourcils, et d’autres encore la même démarche ; et ces ressemblances se chevauchent. L’idée qu’un
concept général est une propriété commune à ses cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et
trop simples sur la structure du langage. » V. également ibid., pp. 200-201, 238 ; Wittgenstein L., Les cours
de Cambridge (1932-1935), Ambrose A. (ed.), trad. fr. Rigal E., Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1992,
267 p., pp. 49-50, 63, 88, 90-91, 102, 116, 143-144. V. p. ex. sur ce thème Plaud S., Ludwig Wittgenstein.
Sortir du labyrinthe, Paris, Belin, 2017, 285 p., pp. 117-134.
6. Pound R., « What May We Expect from Comparative Law? », American Bar Association Journal, Vol. 22(1),
1936, pp. 56-60, pp. 58-59.
7. V. https://www.legiscompare.fr/web/ (consulté le 5 février 2021).
8. Sacco R., « Legal Formants: A Dynamic Approach to Comparative Law (Installment I of II) », American
Journal of Comparative Law, Vol. 39, 1991, pp. 1-34 ; Sacco R., « Legal Formants: A Dynamic Approach
to Comparative Law (Installment II of II) », American Journal of Comparative Law, Vol. 39, 1991,
INTRODUCTION 5

non des systèmes juridiques, tels que les conçoit Léontin-Jean Constantinesco9 ?
S’agit-il encore des cultures10, des traditions juridiques11, des consciences12 et/ou
des « cosmologies juridiques13 » ?
Ces visions se séparent deuxièmement au sujet de la méthode du droit
comparé, présentée alternativement comme formaliste, fonctionnaliste, structu-
relle, analytique, historique, recherchant un noyau commun, fondée sur le droit
en contexte, macrocomparatiste ou encore microcomparatiste14.
De l’aveu même des comparatistes, diverses conceptions du droit comparé
se distinguent troisièmement en fonction de sa vocation ou de sa finalité. Ainsi
que le notait par exemple dès les années 1970 Léontin-Jean Constantinesco,
« Science destinée à découvrir les lois d’évolution de l’humanité, les lois d’évolu-
tion des droits, ‘biologie universelle des lois’, science des phénomènes juridiques,
instrument susceptible de servir l’élaboration d’une histoire comparée du droit ou
de dégager des principes universels de droit positif, de classer les institutions pour
servir la théorie générale du droit, d’améliorer le droit sur le plan législatif, judi-
ciaire ou pratique : méthode permettant de voir comment les autres droits
résolvent les mêmes problèmes, de découvrir le profil idéal des institutions juri-
diques, de dégager le fonds commun nécessaire à l’unification juridique interne ou
internationale, ou enfin le fonds commun de l’humanité civilisée ; instrument aidant
le droit international privé, la sociologie juridique, ou la philosophie juridique,
selon les auteurs et les époques, le droit comparé paraît changer continuellement
d’objectif et servir toujours autre chose15. »
De même, plus récemment, Esin Örücü constate que
« Des objectifs aussi variés qu’aider la réforme du droit et le développement de
politiques publiques, fournir un outil de recherche pour atteindre une théorie
universelle du droit, offrir une perspective critique aux étudiants et une assistance
à la pratique juridique internationale, faciliter l’unification et l’harmonisation

pp. 343-401 ; Sacco R., La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Paris, Economica,
coll. « Etudes juridiques comparatives », 1991, 175 p.
9. Constantinesco L.-J., Traité de droit comparé, t. 1 Introduction au droit comparé, Paris, LGDJ, 1972,
243 p. ; Constantinesco L.-J., Traité de droit comparé, t. 2 La méthode comparative, Paris, LGDJ, 1974,
412 p.
10. V. p. ex. Capeller W., Kitamura T. (dir.), Une introduction aux cultures juridiques non occidentales. Autour
de Masaji Chiba, Bruxelles, Bruylant, 1998, 288 p.
11. Glenn P.H., Legal Traditions of the World. Sustainable Diversity in Law, 5th ed., Oxford, New York,
Auckland, Oxford University Press, 2014, xxvi+423 p.
12. V. p. ex. Commaille J., Lacour S. (coord.), Dossier « After Legal Consciousness Studies », Droits et société,
n° 100, 2018.
13. Redwood French R., The Golden Yoke. The Legal Cosmology of Buddhist Tibet, Ithaca, Cornell University
Press, 1995, xviii+404 p.
14. V. p. ex. Van Hoecke M., « Methodology of Comparative Legal Research », accessible à l’adresse http://
www.lawandmethod.nl/tijdschrift/lawandmethod/2015/12/RENM-D-14-00001.pdf (consulté le
5 février 2021).
15. Constantinesco L.-J., Traité de droit comparé, t. 1 Introduction au droit comparé, op. cit., pp. 171-172.
6 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

internationale du droit, aider les juridictions à combler les lacunes du droit et


même œuvrer en vue de la paix universelle et de la tolérance ont été attribués au
droit comparé. Ces objectifs peuvent être regroupés en pratiques, sociologiques,
politiques et pédagogiques16. »
Ainsi qu’elle le résume dans un autre ouvrage,
« Le droit comparé est un sujet énigmatique, paradoxal et fuyant en ce que, dès
lors que quelqu’un pense l’avoir dominé, une autre difficulté point à l’horizon.
Les difficultés commencent avec le nom du sujet, continuent avec sa définition,
ses buts, ses objectifs, sa méthodologie et son utilisation pratique, et culminent
avec sa valeur et sa signification pour la science juridique17. »
Il s’ensuit, pour le dire avec Edouard Lambert, que « la même étiquette
recouvre les produits les plus variés18. »

II. LES THÉORIES GÉNÉRALES DU DROIT


3. De manière tout à fait semblable, jurisprudence, legal theory, théorie du droit,
philosophie du droit, allgemeine Rechtslehre, etc., constituent des pavillons suscep-
tibles d’abriter des marchandises extrêmement hétérogènes : histoire de la philoso-
phie du droit, axiologie juridique, raisonnement juridique, argumentation
juridique, méthodologie de la science du droit, théorie des concepts juridiques,
théorie de la norme juridique, théorie de l’ordre juridique, etc. Selon Michel
Troper, par exemple,
« On parle de philosophie du droit dans un sens très large pour désigner une
réflexion systématique sur la définition du droit, son rapport avec la justice, la
science du droit, la structure du système ou le raisonnement juridique. Elle peut
être présentée de bien des manières, et les ouvrages qui portent le titre de ‘philo-
sophie du droit’ n’ont en commun que d’offrir un point de vue très général sur le
droit. Certains présentent les doctrines ; d’autres, les questions traitées. La
première approche a l’avantage de mettre en évidence la cohérence d’une pensée
sur un ensemble de problèmes, mais l’inconvénient de masquer la diversité des
opinions sur un même problème. Les avantages et les inconvénients de la seconde

16. Örücü E., « Developing Comparative Law », in Örücü E., Nelken D. (ed.), Comparative Law. A Hand-
book, Oxford, Portland (Oregon), Hart Publishing, 2007, x+469 p., pp. 43-65, p. 44. V. également
ibid., p. 53 ; Monateri P. G., « Eléments de comparaison des études comparatistes », in Legrand P. (dir.),
Comparer les droits, résolument, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les voies du droit », 2009,
630 p., pp. 69-98 ; Cotterrell R., « Comparatists and Sociology », in Legrand P., Munday R. (ed.), Compa-
rative Legal Studies: Traditions and Transitions, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, vi+520 p.,
pp. 131-153, p. 135.
17. Örücü E., The Enigma of Comparative Law. Variations on a Theme for the Twenty-First Century, Leiden,
Boston, M. Nijhoff, 2004, vi+242 p., p. 1.
18. Lambert E., in Aa. Vv., Congrès international de droit comparé tenu à Paris du 31 juillet au 4 août 1900.
Procès-verbaux des séances et documents, 2 Vol., Paris, LGDJ, 1905-1907, 623 p., 623 p., Vol. 1, pp. 26-60,
p. 29.
INTRODUCTION 7

méthode sont inverses. […] Aujourd’hui, les livres qui portent ce titre sont d’une
extrême diversité non seulement quant aux points de vue doctrinaux, mais aussi
quant aux contenus. Il n’existe d’accord ni sur une définition du droit, ni sur une
définition de la philosophie du droit, ni sur le point de savoir si elle est une
branche de la philosophie ou une partie de la science juridique, ni sur une liste des
questions dont elle devrait s’occuper, ni sur ses fonctions, ni sur l’expression
même de ‘philosophie du droit’, à laquelle certains préfèrent ‘théorie générale du
droit’ ou, en anglais, general jurisprudence. Ces différences terminologiques
reflètent en partie d’autres oppositions d’ordre théorique ou épistémologique,
entre philosophie du droit des juristes et philosophie du droit des philosophes ou
entre jusnaturalisme et positivisme juridique19. »
Insistant encore sur la pluralité des perspectives envisageables, Eric Millard
et Xavier Magnon, chacun auteur d’un ouvrage de théorie du droit, ne manquent
pas de préciser qu’ils se limitent à présenter, chacun pour sa part, l’une des
multiples théories envisageables20. Tout en retenant que « chercher une définition
de la philosophie du droit est une perte de temps inutile », Norberto Bobbio n’en
propose pas moins la tentative de mise en ordre suivante :
« les différentes recherches […] désignées par l’expression ‘philosophie du droit’,
peuvent être regroupées comme suit : a) des propositions, systématiquement
élaborées, de réforme de la société présentées sur le fondement, déclaré ou non, de
tel ou tel but général (la liberté, l’ordre, la justice, le bien-être, etc.) et suivant
quelques maximes élevées au rang de principes suprêmes de la conduite de
l’homme en société (les principes de justice, tels que ‘à chacun selon ses mérites’,
‘à chacun selon ses besoins’, etc.) ; b) l’analyse et la définition de notions générales,
qui sont considérées comme communes à tous les ordres juridiques, dont la clari-
fication sert généralement à délimiter le domaine du droit vis-à-vis des domaines
voisins de la morale et de la coutume, tels que la justice, le droit, l’ordre juridique,
la norme, l’obligation, la sanction, la validité, l’efficacité, le droit subjectif, le
pouvoir, etc. ; c) l’étude du droit en tant que phénomène social, y compris notam-
ment des recherches sur l’origine historique du droit, sur les différentes phases de
son évolution, sur la fonction du droit comme moyen de contrôle social, sur la
relation entre développement social et développement juridique, sur le rapport
entre société et droit, et ainsi de suite ; d) les études sur la science juridique, plus
spécifiquement sur les travaux des juristes (ou des juges) visant la découverte,
l’interprétation et la formulation de règles juridiques, et en général également sur
la notion de science juridique et ses rapports avec les autres sciences. À l’exception
du premier groupe de recherches, qui n’a pas de nom spécifique en plus du nom
commun, et qui confine à la philosophie politique, les trois autres groupes, à
mesure que les disciplines individuelles progressent et se différencient les unes des

19. Troper M., La philosophie du droit, 5e éd., Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? »,
Vol. 857, 2018, 127 p., pp. 7-9.
20. Millard E., Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 2006, 136 p., pp. 1-5 ;
Magnon X., Théorie(s) du droit, Paris, Ellipses, coll. « Universités. Droit », 2008, 167 p., pp. 5-27.
8 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

autres, peuvent désormais être désignés au moyen de noms distincts et plus carac-
téristiques : théorie générale du droit, pour le premier ; sociologie du droit, pour
le second ; méthodologie juridique, pour le troisième21. »
Ni l’objet, ni la méthode, ni la finalité de ces différentes orientations ne
coïncident pleinement. Aussi est-il possible d’envisager de contourner cette
double difficulté – pour mieux se concentrer sur d’autres – en tentant très modes-
tement de proposer quelques réflexions susceptibles d’être éclairantes, stimulantes
ou intéressantes du point de vue de la discussion de l’activité de comparaison
juridique, tout en restant relativement agnostique quant à la définition précise de
l’un et de l’autre des objets que l’énoncé du titre de cet ouvrage semble prendre le
parti – qui n’a rien d’évident22 – de distinguer.

III. LES ENJEUX D’UNE RENCONTRE


4. En contrepoint de la relative atonie française en la matière, un intense débat
s’est engagé depuis plusieurs années au sujet de la comparaison juridique au niveau
international. De nombreux acquis de la science comparative du début du
XXe siècle se sont trouvés remis en cause. Dans la mesure où la méthodologie
juridique est assez naturellement associée, quelles que soient les manières dont on
tente de définir l’une et l’autre, à la théorie générale du droit, cette discussion de
la part des comparatistes s’engage très fréquemment sur des sentiers que ne renie-
raient pas les théoriciens du droit. À titre d’exemple, l’interrogation sur l’opéra-
tion intellectuelle en quoi consiste la « comparaison »23 conduit à problématiser ses
conditions de possibilité et, si l’on admet qu’elle est possible, ses conditions de
validité épistémique24. Dans la mesure où la théorie de la science et la méthodo-

21. Bobbio N., Giusnaturalismo e positivismo giuridico, pref. Ferrajoli L., Roma, Bari, Laterza, coll. « Biblioteca
universale », Vol. 649, 2011, xviii+218 p., pp. 29-30. V. également Bobbio N., « Nature et fonction de
la philosophie du droit », Archives de philosophie du droit, n° 7, 1962, pp. 1-11, pp. 1-2. Pour d’autres
propositions, v. p. ex. Villey M., Philosophie du droit. Définitions et fins du droit ; les moyens du droit, Paris,
Dalloz, 2001, xix+339 p. ; Villey M., Leçons d’histoire de la philosophie du droit, préf. Sève R., Paris, Dalloz,
2002, 318 p. ; Champeil-Desplats V., Méthodologies du droit et des sciences du droit, 2e éd., Paris, Dalloz,
coll. « Méthodes du droit », 2016, xiv+440 p.
22. V. spéc. Pfersmann O., « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », Revue
internationale de droit comparé, Vol. 53, 2001, pp. 275-288.
23. Matthes J., « The Operation Called ‘Vergleichen’ », in Matthes J. (Hrsg.), Zwischen den Kulturen? Die
Sozialwissenchaften vor dem Problem des Kulturvergleichs, Göttingen, Otto Schwartz & Co., 1992, 419 p.,
pp. 75-99.
24. V. p. ex. Legrand P., Munday R. (ed.), Comparative Legal Studies: Traditions and Transitions, op. cit. ;
Reimann M., Zimmermann R. (ed.), Oxford Handbook of Comparative Law, op. cit. ; Örücü E., Nelken
D. (ed.), Comparative Law. A Handbook, op. cit. ; Örücü E., « Methodology of Comparative Law », in
Smits J.M. (ed.), Elgar Encyclopedia of Comparative Law, 2nd ed., Cheltenham, Northampton (Mass.),
E. Elgar, 2012, xvii+1000 p., pp. 560-576 ; Oyen E. (ed.), Comparative Methodologies. Theory and Practice
in International Social Research, London, Sage, 1990, 227 p. ; Chodosh H.E., « Comparing Comparisons:
In Search of Methodology », Iowa Law Review, Vol. 84, 1999, pp. 1025-1131 ; Van Hoecke M. (ed.),
INTRODUCTION 9

logie de la dogmatique juridique sont fréquemment présentées comme parties


intégrantes de la théorie générale du droit25, une connexion assez naturelle s’éta-
blit de la sorte.
Outre les introductions générales de nombreux manuels ou traités de droit
comparé, des travaux remarquables, voire classiques, se sont déjà penchés de
manière plus ciblée et plus spécifique sur la juxtaposition des termes « droit
comparé » et « théorie du droit », à l’instar de ceux de Richard Tur26, Stephen C.
Hicks27, Geoffrey Samuel28, Jonathan Hill29, John Bell30, Esin Örücü31, William
Twining32, Otto Pfersmann33 ou Catherine Valcke34, pour ne mentionner que
quelques-uns parmi eux.

Epistemology and Methodology of Comparative Law, Oxford, Portland (Oregon), Hart Publishing, coll.
« European Academy of Legal Theory Monographs Series », 2004, x+398 p. ; Pegoraro L., Diritto costi-
tuzionale comparato. La scienza e il metodo, Bologna, Bononia University Press, coll. « Ricerche di diritto
pubblico comparato », 2014, 318 p. ; Pegoraro L., « Derecho constitucional y método comparativo », in
Serna de la Garza J.M. (coord.), Metodología del derecho comparado. Memoria del Congreso internacional de
culturas y sistemas jurídicos comparados, México, D.F., UNAM, Instituto de investigaciones jurídicas, Serie
« Doctrina Jurídica », n° 272, 2005, xiii+524 p., pp. 69-99 ; Monateri P.G. (ed.), Methods of Comparative
Law, Cheltenham, Northampton (Mass.), E. Elgar, 2012, xi+325 p. ; Van Hoecke M., « Methodology
of Comparative Legal Research », op. cit. ; Van Hoecke M. (ed.), Methodologies of Legal Research, op. cit. ;
Samuel G., An Introduction to Comparative Law. Theory and Method, Oxford, Portland (Oregon), Hart
Publishing, 2014, xiv+210 p. ; Hirschl R., Comparative Matters. The Renaissance of Comparative Consti-
tutional Law, Oxford, Oxford University Press, 2014, xi+304 p. ; Frankenberg G., Comparative Law as
Critique, Cheltenham, Northampton (Mass.), Edward Elgar, 2016, xii+281 p. ; Valcke C., Comparing
Law. Comparative Law as Reconstruction of Collective Commitments, Cambridge, Cambridge University
Press, 2018, xiv+231 p.
25. Van Hoecke M., Ost F., Arnaud A.-J., « Théorie générale du droit », in Arnaud A.-J. (dir.), Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., Paris, LGDJ, 1993, xxxvii+758 p., pp. 610-613,
p. 611.
26. Tur R., « The Dialectic of General Jurisprudence and Comparative Law », Juridical Review, 1977,
pp. 238-249.
27. Hicks S.C., « The Jurisprudence of Comparative Legal Systems », Loyola of Los Angeles International and
Comparative Law Journal, Vol. 6(1), 1983, pp. 83-104.
28. Samuel G., « Comparative Law and Jurisprudence », International and Comparative Law Quarterly,
Vol. 47, 1998, pp. 817-836 ; Samuel G., « Droit comparé et théorie du droit », Revue interdisciplinaire
d’études juridiques, Vol. 57, 2006, pp. 1-35.
29. Hill J., « Comparative Law, Law Reform and Legal Theory », Oxford Journal of Legal Studies, Vol. 9(1),
1989, pp. 105-115.
30. Bell J., « Comparative Law and Legal Theory », in Krawietz W., MacCormick N., Von Wright G.H. (ed.),
Prescriptive Formality and Normative Rationality in Modern Legal Systems. Festschrift for Robert S. Summers,
Berlin, Duncker & Humblot, 1994, xxx+705 p., pp. 19-31.
31. Örücü E., Symbiosis Between Comparative Law and Theory of Law. Limitations of Legal Methodology, Mede-
delingen van het Juridisch Instituut, Erasmus Universiteit Rotterdam, No 16, 1982, 25 p.
32. Twining W., « Comparative Law and Legal Theory: The Country and Western Tradition », in Edge I.D.
(ed.), Comparative Law in Global Perspective, Ardsley (NY), Transnational Publishers, 2000, xiii+433 p,
pp. 21-76 ; Twining W., Globalisation and Legal Theory, London, Edinburgh, Dublin, Butterworths, coll.
« Law in Context », 2000, xii+279 p.
33. Pfersmann O., « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », op. cit.
34. Valcke C., Comparing Law. Comparative Law as Reconstruction of Collective Commitments, op. cit.
10 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

C’est pourquoi il ne s’agit pas ici de tenter une cartographie ou une synthèse
métalinguistique de ces travaux dans l’espace de la discussion actuelle, ni d’offrir
une manière de regretter l’absence de contact entre eux, de combiner l’un et
l’autre, de dissoudre l’un dans l’autre ou, au contraire, d’opposer, théorie générale
du droit et droit comparé. Il s’agit plutôt de tenter d’expliciter, du point de vue
d’un enseignant-chercheur qui a tour à tour (?) et (?) ou (?) tout ensemble (?) – là
sont finalement les problèmes cruciaux – prétendu s’adonner à la théorie générale
du droit et au droit comparé35, sous la forme de remarques qui n’auront rien de
très systématique, l’inconfort qui peut être ressenti. À ce titre, ce sont avant tout
les allers-retours entre préoccupations ou perspectives comparatistes, d’une part,
et préoccupations ou perspectives théoriques, d’autre part, qui semblent éclairants
ou, à tout le moins, suggestifs en vue de formuler quelques réflexions plus dignes
d’intérêt, moins afin d’emporter véritablement la conviction de qui que ce soit,
qu’afin de nourrir avant tout la discussion sur une thématique qui fournit, de
manière plus générale, l’une des « controverses36 » disciplinaires les plus impor-
tantes à l’heure actuelle.
De manière quelque peu schématique ou idéal-typique, c’est-à-dire en
négligeant sciemment un nombre important de nuances37, si l’on formule l’hypo-
thèse selon laquelle « droit comparé » et « théorie générale du droit » désignent des
activités (disciplines, perspectives, préoccupations, etc.) discrètes, il est possible

35. V. p. ex. Tusseau G., Les normes d’habilitation, préf. Troper M., Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque
de thèses », Vol. 60, 2006, xviii+813 p. ; Tusseau G., Contre les « modèles » de justice constitutionnelle. Essai de
critique méthodologique / Modelli di giustizia costituzionale. Saggio di critica metodologica, pref. Pegoraro L.,
éd. bilingue, trad. it. Morandini A., Bologna, Bononia University Press, coll. « Ricerche di diritto compa-
rato », 2009, 87+106 p. ; Tusseau G., Para acabar con los « modelos » de jurisdicción constitucional: Un ensayo
de crítica, 2a ed., révisée et augmentée, trad. esp. en collaboration avec García Berrio Hernández T., pres.
Ferrer Mac-Gregor E., México, Porrúa, col. « Biblioteca de Derecho Procesal Constitucional », Vol. 50,
2011, xix+171 p. ; Tusseau G., « Sur le métalangage du comparatiste : de la prétention à la neutralité à
l’engagement pragmatiste », Revus. Journal for Constitutional Theory and Philosophy of Law, n° 21, 2013,
pp. 91-115 ; Tusseau G., « Oltre i ‘modelli’ di giustizia costituzionale, verso una comparazione pragma-
tista », trad. it. Bagni S., in Bagni S. (a cura di), Giustizia costituzionale comparata. Proposte classificatorie
a confronto, Bologna, Bononia University Press, coll. « Ricerche di diritto pubblico comparato », 2013,
245 p., pp. 23-46 ; Tusseau G., « Más allá de los ‘modelos’ de justicia constitucional, hacia una compa-
ración pragmatista », trad. cast. López Ulla J.M., in Bagni S. (coord.), Justicia constitucional comparada,
México, Porrúa, col. « Biblioteca de Derecho Procesal Constitucional », Vol. 106, 2014, xvi+408 p.,
pp. 21-60 ; Tusseau G., « Au-delà des ‘modèles’ de justice constitutionnelle, pour un comparatisme prag-
matiste », in Pegoraro L., Bagni S., Pavani G. (a cura di), Metodologia della comparazione. Lo studio dei
sistemi giudiziari nel contesto euro-americano, Bologna, Filodiritto editore, 2014, 192 p., pp. 160-175.
36. Sur cette perspective, v. p. ex. Aa. Vv., « Controverses et communication », Hermès. La Revue, n° 73,
2015 ; Latour B., « Les controverses scientifiques », 2012, accessible à l’adresse https://www.sam-network.
org/video/les-controverses-scientifiques (consulté le 5 février 2021) ; Latour B., « Cartographie de contro-
verses », accessible à l’adresse http://www.bruno-latour.fr/node/31.html (consulté le 5 février 2021).
37. V. Weber M., « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales », in Weber M.,
Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, coll. « Recherches en sciences humaines », Vol. 19, 1965,
543 p., pp. 146-199, pp. 189-192.
INTRODUCTION 11

d’imaginer deux mouvements entre eux, selon que l’on conçoit le droit comparé
comme présupposé de la théorie générale du droit, qui en serait la résultante, ou
au contraire la théorie générale du droit comme présupposé du droit comparé, qui
en serait la résultante. Deux premiers chapitres démontreront qu’aucune de ces
deux manières d’associer droit comparé et théorie générale du droit n’est sans
écueils importants. Aussi une échappatoire sera-t-elle esquissée dans un troisième
chapitre, sans qu’il soit pour autant possible d’en espérer, pour conclure, un soula-
gement durable.
Chapitre 1

Une démarche inductive : du droit comparé


vers la théorie générale du droit

5. Le premier mouvement, explicitement formulé et explicitement assumé aussi bien


par certains promoteurs du droit comparé que par ceux de la théorie générale du
droit, prend les allures d’une démarche de type inductif. Il vise à rendre possible la
formulation d’une théorie du droit qui soit générale, parce qu’adossée à une analyse
du phénomène juridique qui dépasse le seul système juridique auquel est assujetti (ou
dans lequel a été formé ou dans le cadre duquel enseigne, etc.) celui qui parle ou qui
écrit. La démarche peut alors être qualifiée dans une certaine mesure d’« empirique »,
ou « a posteriori », puisqu’elle prétend partir des faits que constituent les différentes
manifestations du droit, pour tenter, par induction, d’en abstraire un noyau commun
de concepts, d’institutions, de mécanismes, de raisonnements, etc., dont la réunion
et la systématisation constitueront la théorie générale du droit. Cette dernière est alors
le produit d’un travail qui a pour point de départ l’étude empirique du droit positif.
Si elle ne manque pas d’attraits, cette perspective aboutit pourtant à une impasse.

I. PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE
6. Du point de vue de la théorie générale du droit, John Austin, fondateur de
l’analytical jurisprudence1, exprime une telle vision de manière particulièrement
nette. Dans son ouvrage The Province of Jurisprudence Determined, qui vise à définir
le champ de la discipline intitulée « jurisprudence » qu’il crée en marchant dans les
pas de Jeremy Bentham2, il s’exprime ainsi :

1. Sur la trajectoire historique qui conduit à ce type de théorie, v. spéc. González Vicen F., « Sobre los orígenes
y supuestos del formalismo en el pensamiento jurídico contemporáneo », Anuario de filosofía del derecho,
1961, pp. 47-75. Sur la pensée d’Austin, v. p. ex. Cattaneo M.A., Il positivismo giuridico inglese. Hobbes,
Bentham, Austin, Milano, A. Giuffrè, 1962, vii+318 p. ; Moles R.N., Definition and Rule in Legal Theory. A
Reassessment of H.L.A. Hart and the Positivist Tradition, Oxford, Blackwell, 1987, vii+285 p. ; Morrison W.,
Jurisprudence. From the Greeks to Post-modernity, Abingdon, Routledge, 2016, xix+576 p., pp. 213-245 ;
Botero A., « Esbozo de la teoría general del derecho de Bentham y Austin », Revue d’études benthamiennes,
n° 16, 2019, accessible à l’adresse http://journals.openedition.org/etudes-benthamiennes/5357 (consulté
le 5 février 2021).
2. V. spéc. Bentham J., Of the Limits of the Penal Branch of Jurisprudence, Schofield P. (ed.), Oxford, Oxford
UP, 2010, xl+351 p. Sur la pensée juridique de Bentham, v. p. ex. Hart H.L.A., Essays on Bentham. Studies
in Jurisprudence and Political Theory, Oxford, Clarendon Press, New York, Oxford University Press, 1982,

13
14 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

« Considérées comme un tout, et impliquées les unes par les autres ou liées les
unes aux autres, les règles de droit positif ou les règles d’une communauté parti-
culière ou spécifiée, forment un système ou un corps de droit. Lorsqu’elle apparaît
limitée à l’un quelconque de ces systèmes, ou à l’une de ses composantes, la juris-
prudence est particulière ou nationale.
« Bien que chaque système juridique ait ses différences spécifiques et caractéris-
tiques, il existe des principes, des notions et des distinctions communs aux divers
systèmes. Ils forment des analogies ou des similitudes par lesquelles de tels
systèmes sont associés.
« Beaucoup de ces principes sont communs à tous les systèmes ; – aux systèmes
limités et grossiers des communautés primitives et aux systèmes plus vastes et plus
matures des sociétés évoluées. Mais les systèmes plus vastes et plus matures des
sociétés évoluées sont associés par de nombreuses analogies qui s’établissent entre
tous les systèmes, ainsi que par de nombreuses analogies qui se font jour exclusi-
vement entre eux. En conséquence, les divers principes communs aux systèmes les
plus matures sont l’objet d’une science extensive qui (contrairement à une juris-
prudence particulière, d’un côté, et à la science de la législation, de l’autre) a été
dénommée Jurisprudence Générale (ou comparative), ou philosophie (ou prin-
cipes généraux) du droit positif.
« Tout comme les principes qui sont abstraits des systèmes positifs forment le sujet
de la jurisprudence générale, l’exposition de ces principes est de même son objet
exclusif ou approprié. […] Si la possibilité d’une telle science paraît douteuse, la
cause tient à ce que dans chaque système particulier, les principes et les distinctions
que ce système a en commun avec les autres sont compliqués par ses particularités
individuelles et sont exprimés dans un langage technique qui lui est propre.
« Je n’entends pas affirmer que ces principes et ces distinctions sont conçus avec une
exactitude et une pertinence semblables dans chaque système particulier. De ce
point de vue, les divers systèmes diffèrent. Mais, globalement, ils se présentent
comme à peu près conçus de la même manière, des conceptions primitives des
barbares aux conceptions exactes des juristes romains ou des juristes modernes
éclairés3. »
Parmi ces concepts figurent ceux d’obligation, de droit, de liberté, de
dommage, de sanction, de réparation, etc. Selon la démarche suggérée par Austin

272 p. ; Tusseau G., Jeremy Bentham et le droit constitutionnel. Une approche de l’utilitarisme juridique,
Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 2001, 320 p. ; Tusseau G., Jeremy Bentham. La guerre
des mots, Paris, Dalloz, coll. « Les sens du droit. Essai », 2011, 185 p. ; Bozzo-Rey M., Tusseau G. (dir.),
Bentham juriste. L’utilitarisme juridique en question, Paris, Economica, coll. « Etudes juridiques », Vol. 36,
2011, viii+353 p. ; Tusseau G. (ed.), The Legal Philosophy and Influence of Jeremy Bentham. Essays on Of the
Limits of the Penal Branch of Jurisprudence, London, New York, Routledge, coll. « Routledge Research in
Constitutional Law », 2014, xii+422 p.
3. Austin J., The Province of Jurisprudence Determined and The Uses of the Study of Jurisprudence, Intro. Hart
H.L.A., London, Weidenfeld and Nicholson, 1954, xxxi+396 p., pp. 365-366.
1 – UNE DÉMARCHE INDUCTIVE : DU DROIT COMPARÉ VERS LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT 15

– quoique son texte ne soit pas totalement cohérent à cet égard –4, l’étude de
différents droits positifs, c’est-à-dire le droit comparé, permet d’identifier ces
concepts communs, de les abstraire et de fournir sa substance à la discipline origi-
nale qu’est la théorie générale du droit. Telle est d’ailleurs la manière dont son
projet est compris par l’un des auditeurs de ses lectures à l’Université de Londres,
John Stuart Mill. Selon ce dernier,
« Il existe aussi un certain terrain commun de conceptions ou de notions géné-
rales, chacune en elle-même très large, et certaines d’entre elles très complexes, qui
peuvent être identifiées à travers tous les corps de lois, et sont partout les mêmes.
Ces conceptions ne sont pas préexistantes ; elles sont le résultat de l’abstraction, et
émergent dès que l’on tente de regarder une pluralité de lois dans son ensemble,
ou d’en comparer une partie avec une autre, ou de considérer les personnes et les
faits de la vie, d’un point de vue juridique5. »
7. Du point de vue des comparatistes, il n’est pas rare qu’une telle vision de
la relation dynamique entre droit comparé et théorie générale du droit soit tout
aussi explicitement affirmée, le premier étant à l’origine de la possibilité pour la
seconde de se constituer en tant que savoir. Cette idée, que Frederick Pollock
place à la source historique de l’entreprise comparatiste6, semble à titre d’exemple
consubstantielle du projet intellectuel et pratique qui s’est exprimé lors du Congrès
fondateur de Paris en 1900. À travers la méthode comparative, l’identification
exhaustive des invariants du phénomène juridique doit être en mesure de proposer
de celui-ci une analyse valable universellement. Sous la plume d’Edouard Lambert
synthétisant plusieurs des contributions, il est ainsi possible de lire :
« L’idée commune à toutes les communications de ce groupe, c’est que le droit
comparé a pour mission de révéler au jurisconsulte les lois naturelles auxquelles
obéissent ces manifestations de la vie sociale dont l’ensemble compose le droit, de
lui faire saisir le lien et la raison d’être des transformations de la vie juridique, de
lui permettre de découvrir quelles sont pour chaque institution les formes qui

4. V. à ce sujet Barberis M., « John Austin, la teoria del diritto e l’universalità dei concetti giuridici », Mate-
riali per una storia della cultura giuridica, Vol. 33(2), 2003, pp. 407-427 ; Barberis M., « Universal Legal
Concepts? A Criticism of ‘General’ Legal Theory », Ratio Juris, Vol. 9(1), 1996, pp. 1-14.
5. Mill J.S., « Austin on Jurisprudence », [1863], The Collected Works of John Stuart Mill, Vol. 21, « Essays
on Equality, Law, and Education », Robson J.M. (ed.), Intro. Collini S., Toronto, University of Toronto
Press, London, Routledge and Kegan Paul, 1984, lxxxiii+502 p., pp. 166-205, spéc. pp. 170-172, p.
ex. p. 170. V. également Mill J.S., « Austin’s Lectures on Jurisprudence », [1832], ibid., pp. 52-58, spéc.
p. 56 : « Hence, if we were to strip off from the arrangement and technical language of each system of
law, whatever is purely accidental, and (as it may be termed) historical, having a reference solely to the
peculiar history of the institutions of the particular people; if we were to take the remainder, and regularize
and correct it according to its own general conception and spirit; we should bring the nomenclature and
arrangement of all systems of law existing in any civilized society, to something very nearly identical. »
6. Pollock F., « The History of Comparative Jurisprudence », Journal of the Society of Comparative Legislation,
Vol. 5(1), 1903, pp. 74-89, spéc. p. 74.
16 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

correspondent aux diverses phases du développement social, aux divers régimes


économiques7. »
Certains auteurs attribuent selon lui au droit comparé une fonction
spécifique :
« Cette fonction est de provoquer un rapprochement continu entre les législations
qui forment l’objet du travail de comparaison, de dégager, dessous la diversité
apparente des législations, le fond commun d’institutions et de conceptions qui y
est latent ; de rassembler ainsi un dépôt de maximes communes à ces législations
et de l’enrichir constamment par des empiètements successifs sur le domaine du
particularisme8. »
Quelques décennies plus tard, Max Rheinstein dresse de la science du droit
comparé un portrait très proche. Selon lui,
« Ces sciences auxquelles nous nous référons sous les noms de linguistique
comparée ou religion comparée ont des objectifs plus limités et des méthodes
différentes. Elles recueillent et observent les phénomènes qui sont accessibles à
l’observation, les analysent et les classent, et tentent, sur la base d’une telle obser-
vation et ne s’aventurant jamais au-delà de celle-ci, de savoir quelles généralisa-
tions peuvent être opérées. Elles s’abstiennent ou du moins doivent s’abstenir de
spéculer, et elles visent à être des sciences exactes, semblables aux sciences natu-
relles. Qu’elles ne puissent atteindre ce but tient à la complexité de leurs phéno-
mènes, qui peuvent rarement, si jamais ils peuvent l’être, être séparés les uns des
autres avec l’exactitude que connaissent les phénomènes naturels. Même parmi les
sciences naturelles, nous trouvons différents degrés d’exactitude. Il est plus facile
pour le physicien que pour le physiologiste d’isoler les phénomènes qu’il tente
d’observer, et cette opération est beaucoup plus difficile pour les sciences sociales,
au sein du domaine desquelles, au sens le plus large, nous devons placer les
sciences de la linguistique comparée ou des religions comparées. À ce même
domaine appartient également la science du droit comparé, quand celui qui s’y
adonne tente d’observer, de décrire, de classer et d’enquêter sur les phénomènes
juridiques, dans leurs rapports entre eux et avec d’autres phénomènes. En ce sens,
le droit comparé est la science du droit en général, se fondant sur l’observation et
l’exactitude. Son objet est constitué des droits de tous les temps et sous tous les
climats. S’éloignant de la spéculation, il s’efforce de les recueillir, de les observer,
de les analyser et de les classer et, comme les autres sciences au sens étroit du
terme, il cherche des collocations, des coïncidences et des séquences typiques,
c’est-à-dire en d’autres termes des ‘lois’ ; des lois, bien sûr, non au sens de textes

7. Lambert E., op. cit., p. 32.


8. Ibid., p. 38. V. p. ex. dans le même sens Saleilles R., « Conception et objet de la science du droit comparé »,
in Aa. Vv., Congrès international de droit comparé tenu à Paris du 31 juillet au 4 août 1900. Procès-verbaux
des séances et documents, 2 Vol., Paris, LGDJ, 1905-1907, 623 p., 623 p., Vol. 1, pp. 167-189, spéc. pp.
173-174. Sur leur projet, v. spéc. Jamin C., « Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité. À propos du
centenaire du Congrès international de droit comparé de Paris », Revue internationale de droit comparé,
Vol. 52, 2000, pp. 733-751.
1 – UNE DÉMARCHE INDUCTIVE : DU DROIT COMPARÉ VERS LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT 17

législatifs, de précédents ou d’autres normes relatives au devoir-être du comporte-


ment humain, mais des lois au sens où le terme est employé dans les ‘sciences’, des
lois du type des lois de la gravitation de Newton ou de la loi de Gresham en
économie ; des lois, comme il peut aussi être approprié d’en observer, non pas au
sens de nécessités intrinsèques immuables, mais au sens où le terme est compris
dans les sciences naturelles modernes, c’est-à-dire simplement comme des coïnci-
dences ou des séquences que l’observation révèle comme se produisant typique-
ment dans certaines conditions9. »
Selon W.J. Kamba, à l’identique, le droit comparé fournit la matière
première de la théorie générale du droit :
« Il est impossible de comprendre comment la théorie du droit pourrait exister
sans le droit comparé.
« La comparaison juridique globale et systématique est essentielle à une définition
du droit comme phénomène social et pour comprendre la nature du droit et sa
fonction dans une société en général. Le droit comparé est indispensable au théo-
ricien du droit et au philosophe du droit :
« (i) pour la formulation de théories générales du droit : la généralisation doit
procéder en rassemblant des exemplaires particuliers de droits, c’est-à-dire de
systèmes juridiques.
« (ii) pour tester ces théories générales, par exemple déterminer à quel point l’idée
occidentale du droit, étroitement associée à des agences spécialisées de produc-
tion, d’interprétation, d’application et de mise en œuvre, est universelle ; exposer
dans quelle mesure les caractéristiques des systèmes juridiques occidentaux consti-
tuent les caractéristiques des systèmes juridiques de toutes les sociétés. Les
réponses à ces questions ne peuvent être données de manière satisfaisante qu’à
travers une recherche juridique comparative10. »
Cette démarche inductive, empiriste et a posteriori, qui a donc fait l’objet
des efforts croisés des théoriciens du droit aussi bien que des comparatistes, s’ex-
pose toutefois, dans sa manière d’articuler théorie générale du droit et droit
comparé, à certaines difficultés.

II. ÉCHEC : L’ANCRAGE IMPLICITE DANS LA THÉORIE DU DROIT


8. L’écueil tient au fait que la démarche précédente ne peut tout simplement pas
être totalement inductive, empirique et a posteriori. Il lui est impossible, bien
qu’elle prétende partir des droits positifs pour aller vers la théorie générale, de faire

9. Rheinstein M., « Teaching Tools in Comparative Law. A Book Survey », American Journal of Comparative
Law, Vol. 1, 1952, pp. 95-114, pp. 98-99.
10. Kamba W.J., « Comparative Law: A Theoretical Framework », International and Comparative Law Quar-
terly, Vol. 23, 1976, pp. 485-519, p. 494.
18 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

l’économie, en amont de son examen du droit positif, d’une présupposition d’élé-


ments relevant de la théorie générale du droit.
Avant de procéder à l’examen du droit au sein de différentes sphères entre
lesquelles est ainsi mise en place une comparaison, il est en effet nécessaire d’iden-
tifier ces sphères elles-mêmes. Or cela ne peut être opéré qu’au moyen de concepts
qui, par hypothèse, ne peuvent pas être fournis par ces sphères elles-mêmes. À
titre d’exemple, afin d’identifier les éléments qui entrent dans le champ d’étude de
la jurisprudence, Austin développe une théorie très approfondie des concepts juri-
diques. Il s’ensuit que, selon lui, la « clé de le la science du droit11 » est le concept
de commandement. C’est à travers cette notion, qu’il présente comme élémen-
taire, qu’il parvient à fournir l’élucidation d’un réseau complexe de concepts juri-
diques (règle de droit, obligation, sanction, droit subjectif, etc.) et politiques
(souveraineté, État, indépendance, obéissance, etc.) fondamentaux. Dès lors,
l’analyse comparative d’où il prétend inférer les concepts généraux qui sont
immanquablement présents dans tout ordre juridique n’a pas ces éléments pour
résultat et pour produit, mais bien davantage comme présupposés et comme
conditions. Par ailleurs, Austin développe certains propos qui, loin d’une perspec-
tive empiriste, ont bien davantage à voir avec une perspective idéaliste telle que
pouvaient la développer les auteurs allemands de son époque12. Il écrit ainsi :
« J’entends donc, par ‘Théorie générale du droit’ (General Jurisprudence), la science
qui s’occupe de l’exposition des principes, notions et distinctions qui sont
communs à tous les systèmes juridiques, visant par-là les systèmes les plus vastes
et les plus matures qui, en raison de leur ampleur et de leur maturité, sont les plus
instructifs.
« Parmi ces principes, notions et distinctions qui sont l’objet de la théorie générale
du droit, certains peuvent être considérés comme nécessaires, en ce que nous ne
pouvons pas imaginer de manière cohérente un système juridique (ou un système
juridique évolué dans une communauté déterminée) sans les concevoir comme
formant des éléments constitutifs de celui-ci13. »
Dès lors, ces concepts semblent bien avoir un caractère a priori, et ne pas
être tirés a posteriori de l’étude des droits positifs.
9. Dans le même sens, la démarche envisagée par les comparatistes au
Congrès de 1900 s’appuie sur des concepts qui, nécessaires à l’identification de
l’objet étudié, ne peuvent en être abstraits. Aussi Lambert, de même que de

11. Austin J., The Province of Jurisprudence Determined and The Uses of the Study of Jurisprudence, op. cit., p. 13.
12. V. p. ex. Larenz K., Methodenlehre der Rechtswissenschaft, 6. Aufl., Berlin, Heidelberg, Paris, Springer,
1991, xviii+494 p. ; Jouanjan O., Une histoire de la pensée juridique en Allemagne (1800-1918). Idéalisme et
conceptualisme chez les juristes allemands du XIXe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Lévia-
than », 2005, 223 p.
13. Austin J., The Province of Jurisprudence Determined and The Uses of the Study of Jurisprudence, op. cit., p. 367.
1 – UNE DÉMARCHE INDUCTIVE : DU DROIT COMPARÉ VERS LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT 19

nombreux autres auteurs, insistent-ils sur les limites qui s’imposent au champ de
la comparaison. Il précise de ce fait :
« Je me borne pour l’instant à constater que la comparaison pourra embrasser tout
au moins l’ensemble des législations latines et germaniques. Entre ces deux
groupes de législations, les éléments susceptibles de servir à la constitution d’un
fonds juridique commun sont nombreux et apparents ; les uns sont d’ordre histo-
rique ; d’une part, l’existence d’un certain nombre de sources communes
auxquelles se sont alimentées toutes ces législations : les coutumes germaniques
derrière la diversité desquelles apparaissent tant de conceptions communes, et
entre lesquelles il y a eu pendant la période franque tant d’emprunts réciproques ;
le droit féodal dont la noblesse avait colporté partout les conceptions universelles ;
le droit romain et le droit canonique dont je viens de rappeler le caractère de droit
de la chrétienté ; d’autre part, ces phénomènes d’interpénétration, d’imitations
juridiques qui ont été trop bien mis en lumière dans un grand nombre de commu-
nications pour qu’il soit utile d’insister. D’autres éléments sont d’ordre scienti-
fique : c’est notamment le caractère international qu’a revêtu presque jusqu’à nos
jours la branche la plus florissante de la littérature juridique, la littérature du droit
romain moderne. Enfin, les éléments les plus nombreux peut-être sont d’ordre
économique ; rapprochement dans les conditions de la vie sociale ; révélation de
besoins économiques identiques ; apparition de créations similaires dans la
pratique de ces divers pays14. »
10. Cet exemple rend perceptible le fait que des concepts généraux, c’est-à-
dire détachables des objets comparés, sont nécessaires à l’opération de compa-
raison. Tel est par exemple le cas du concept de « législation », employé afin de
délimiter l’objet de l’activité comparative. Il en va de même du concept de
« sources communes auxquelles se sont alimentées toutes ces législations ». Ce
dernier, dont la référence est précisée sur trois plans par Lambert, n’appartient à
aucune des législations comparées. Il est cependant présupposé afin de procéder à
leur confrontation, puisqu’il délimite le champ dans lequel l’examen des droits
positifs se révèle, selon l’auteur, pertinent. Par extension, le droit comparé présup-
pose une définition préalable de son propre objet, c’est-à-dire ce qu’est le droit, et
de ce que sont les éléments comparés. Or celle-ci ne peut être fournie que par un
autre type d’activité intellectuelle, qui relève de la théorie générale du droit.
Roberto J. Vernengo estime à ce sujet
« [qu’] aucune science ne reçoit son objet d’une quelconque connaissance prés-
cientifique antérieure ; le champ thématique que la science explore est délimité à
travers certains critères, qui revêtent un caractère a priori par rapport à l’expé-
rience invoquée par la suite afin de vérifier ou falsifier les hypothèses qui sont

14. Lambert E., op. cit., p. 44.


20 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

formulées à son sujet, et que la connaissance scientifique propose pour faire face à
des données qui n’apparaissent que de manière chaotique15. »
De manière générale, « Tout programme de recherche implique une manière
de regarder, et d’imposer une mise en ordre à ce qui est perçu16. » Il convient donc
d’affirmer que toute saisie de « données » en vue d’en tirer des enseignements géné-
raux se fonde nécessairement sur des prénotions, des concepts ou, en termes
kantiens, des « conditions transcendantales » qui la rendent possible17. « A l’évi-
dence, avant de pouvoir ‘comparer’, il faut d’abord déterminer ce qui est comparé,
c’est-à-dire ‘ce qu’est le droit’18. » De ce point de vue, il y a là, à l’inverse de l’empi-
risme dont peut se réclamer la démarche qui souhaite tirer une théorie générale du
droit de l’examen du phénomène juridique dans toute la variété de ses manifesta-
tions, une perspective qui se rapproche d’une forme d’idéalisme juridique, qui
part de la théorie générale du droit pour s’orienter vers le droit comparé, de
manière non plus inductive, mais déductive.

15. Vernengo R.J., « Racionalidad y conocimiento cientifico en la jurisprudencia », in Schmill Ordóñez U.,
Vernengo R.J., Pureza metódica y racionalidad en la teoría del derecho. Tres ensayos sobre Kelsen, México,
Instituto de investigaciones jurídicas, UNAM, 1984, 135 p., pp. 51-95, p. 54. V. dans le même sens
Nino C.S., Consideraciones sobre la dogmática jurídica (con referencia particular a la dogmática penal),
México, UNAM, 1989, 116 p., p. 18 : « Todo científico selecciona su objeto de investigación de acuerdo
con determinados criterios clasificatorios metacientificos y el jurista debe hacerlo propio. Uno de los
problemas fundamentales de la teoría general del derecho consiste en establecer criterios para acotar el
objeto de la ciencia del derecho » ; Weitz M., Theories of Concept. A History of the Major Philosophical
Tradition, London, New York, Routledge, 1988, xxi+310 p., p. 58 ; Ponsard R., « La possibilité d’une
analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridiquement critique », Annuaire international de
justice constitutionnelle, n° 31, 2015, pp. 37-63, pp. 38, 42-44 ; Ponsard R., « De la nécessité des concepts
dans l’analyse du droit. Fabriquer consciemment des instruments d’analyse scientifiquement autonomes,
ajustés et visionnaires », Revue française de droit constitutionnel, n° 120, 2019, pp. 797-824.
16. Buchanan J.M., « The Domain of Constitutional Political Economy », in Buchanan J.M., The Economics
and the Ethics of Constitutional Order, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1991, viii+258 p.,
pp. 3-18, p. 17.
17. Kant E., Critique de la raison pure, trad. fr. et notes Tremesaygues A., Pacaud B., préf. Serrus C., 7e éd.,
Paris, Presses universitaires de France, 2004, xxxi+584 p.
18. Örücü E., The Enigma of Comparative Law, op. cit., p. 168.
Chapitre 2

Une démarche déductive : de la théorie générale


du droit vers le droit comparé

11. Afin de remédier aux apories d’une démarche qui se présente comme empi-
riste, il est possible de tenter de se tourner vers la théorie générale du droit. Un tel
mouvement est en toute hypothèse inévitable, de sorte qu’en l’espèce, celui-ci est
rendu explicite plutôt que laissé implicite. L’objectif est alors naturellement de
faire de la théorie non pas la résultante d’une analyse comparée des droits, mais sa
condition. Il s’agit de se fonder sur des concepts neutres, issus non d’un droit
positif particulier, mais d’un discours parfaitement général et détaché de tout
ancrage local, qui soit en mesure de fournir des outils d’analyse de tout droit
possible et imaginable1.
À rebours de ce qu’il était possible d’affirmer précédemment, la démarche
est qualifiable d’« idéaliste », « rationaliste » ou « a priori ». Mais elle n’en établit pas
moins une solidarité très nette entre droit comparé et théorie générale du droit :
sans concepts généraux, il est impossible de procéder à une comparaison neutre,
équilibrée, objective, scientifique, détachée, etc. de différents droits. Selon cette
perspective, qui renverse l’analyse précédente, la théorie générale du droit définit
les conditions a priori de l’expérience juridique, de sorte que le droit comparé ne
rend pas possible la théorie générale du droit, mais est rendu possible par elle. Elle
fournit des métaconcepts qui, en raison de leur indépendance vis-à-vis de tout
droit positif déterminé, permettent d’appréhender, au niveau des différents droits
positifs et au-delà des terminologies diverses retenues par chacun d’eux, des
concepts identiques2. Si elle ne manque pas d’attraits, cette perspective aboutit,
tout comme la précédente, à une impasse.

1. Sur cette conception de la théorie juridique, v. p. ex. Kelsen H., Reine Rechtslehre. Einleitung in die Rechtswis-
senschaftliche Problematik, Liepzig, Wien, Franz Deuticke, 1934, xiv+236 p., p. 1 ; Raz J., The Authority of
Law. Essays on Law and Morality, 2nd ed., Oxford, Oxford University Press, 2009, xiii+340 p., pp. 104-105 :
« Legal philosophy has to be content with those few features which all legal systems necessarily possess » ;
Raz J., « Can There Be a Theory of Law », in Golding M.P., Edmundson W.P. (ed.), The Blackwell Guide to the
Philosophy of Law and Legal Theory, Oxford, Basil Blackwell, 2005, ix+355 p., pp. 324-342, p. 324 ; Shapiro
S.J., Legality, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2011, 472 p., pp. 13-22.
2. V. p. ex. à ce sujet Frändberg Å., « An Essay on the Systematics of Legal Concepts. A Study of Legal
Concept Formation », Scandinavian Studies in Law, Vol. 31, 1987, pp. 83-115, p. 84.

21
22 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

I. PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE
12. L’une des illustrations les plus systématiques d’une démarche de ce type est
offerte par Charles Eisenmann, notamment à propos de la décentralisation des
ordres juridiques3. Selon lui,
« [La théorie générale du droit] tend à embrasser du regard tous les systèmes –
d’abord tous les systèmes réalisés, mais même (car elle peut dépasser l’expérience
passée ou présente par l’imagination) les systèmes possibles ; mais à chacun d’eux,
elle ne demande, et elle n’en retient, que des données et idées de portée générale
propres à les faire comprendre tous ; sa préoccupation va seulement à leurs
problèmes communs et à la constitution d’un système complet de types de règle-
ments ou d’institutions. On pourrait dire que la ‘théorie générale’ s’élève au-dessus
de chaque droit positif, non point parce qu’elle prétendrait s’élever au-dessus du
droit positif, mais au contraire parce qu’elle vise à saisir et comprendre tout le droit
positif, et même tout droit positif.
« Mais, une fois construites dans cet esprit et selon cette méthode ‘universaliste’,
les théories générales prennent figure d’introductions à l’étude des droits positifs,
précisément parce qu’elles présentent sur un sujet une vue d’ensemble des
problèmes qui se posent à tout législateur et des solutions entre lesquelles il peut
choisir, – en un mot parce qu’elles dessinent les cadres où se situe et qui serviront
à analyser n’importe quel droit positif. […] Poser les problèmes fondamentaux
relatifs à la centralisation et à la décentralisation, tels qu’ils se présentent pour un
système de droit public, pour une société politique quelconques ; analyser le jeu
de solutions qu’ils peuvent y recevoir et entre lesquelles les droits positifs se parta-
geront ; exposer les résultats juridiques de leur application, tels sont les objectifs
– et les seuls – vers lesquels ce travail voudrait aider à progresser4. »

3. Eisenmann C., Centralisation et décentralisation. Esquisse d’une théorie générale, Paris, LGDJ, 1948, 331 p.
Pour une tentative de mise en œuvre, v. également Tusseau G., « Le(s) concept(s) de ‘pluralisme syndical’.
Esquisse analytique », Revue de droit du travail, n° 11, 2007, pp. 636-642.
4. Eisenmann C., Centralisation et décentralisation, op. cit., pp. 5-6. V. dans le même sens Eisenmann C.,
Cours de droit constitutionnel comparé, Diplôme d’études supérieures, Droit public, 1950-1951, Paris,
Les cours de droit, 1951, 222 p., pp. 83-84. D’autres écrits témoignent toutefois d’une perspective plus
nuancée et tentant de se situer à égale distance des démarches inductive et déductive. V. p. ex. Eisen-
mann C., Cours de droit constitutionnel comparé, op. cit., pp. 14-15 : « 1°) Comme nous l’avons dit aucune
étude de droit constitutionnel, même d’un droit constitutionnel particulier ou d’une Constitution déter-
minée, ne peut se faire sans utilisation de notions générales, de notions de types abstraits. À plus forte
raison une étude de comparaison, laquelle tend de façon presque nécessaire à dégager des types abstraits.
2°) Ces notions qui seraient l’objet du droit constitutionnel général ne peuvent être élaborées à part des
droits constitutionnels positifs, in abstracto, elles ne peuvent l’être qu’à partir de ces droits. Ce sont des
abstractions ou plutôt elles reposent sur des opérations d’abstraction, mais qui s’opèrent à partir de l’expé-
rience, des faits et de la réflexion sur eux. La science du droit constitutionnel suppose bien un système
de notions abstraites, certaines extrêmement générales, désignant notamment des types constitutionnels.
Mais ces notions s’élaborent au contact des faits, et même, plus, au cours du travail sur les faits, c’est-à-dire
sur le droit positif. [… Les concepts] ne sont pas transcendants, mais immanents aux études portant sur
la réalité constitutionnelle, parce qu’ils en sont l’instrument, parce qu’ils en donnent l’armature, en même
temps d’ailleurs qu’ils en sont un produit : il existe là un double mouvement, ces concepts se dégagent de
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 23

Cette orientation méthodologique fondamentale, dont Eisenmann offre


une formulation particulièrement nette en affirmant par exemple encore que « Le
but théorique, scientifique, d’une étude de droit comparé doit être de permettre
de classer les institutions des différents pays dans les catégories qui leur conviennent
à tous5 », se retrouve chez d’autres auteurs. Chef de file de l’École de la théorie
pure du droit de Brno, Frantisek Weyr note ainsi que
« La doctrine juridique […] doit préparer un système homogène et complet de
notions générales – système qui, à notre avis, est l’instrument indispensable de la
connaissance systématique du contenu concret des droits. Ces notions sont ‘géné-
rales’ parce que, comme il a été dit, elles sont ‘valables’ pour toute connaissance
concrète du contenu des droits. […] C’est pour cela qu’on peut appeler ces
notions, concernant la nature propre du droit, des ‘notions formelles’ et, dès lors
distinguer entre le contenu (concret, individuel) et la forme (abstraite, générale) du
droit. [… L’auteur] doit : 1° donner de ces concepts des définitions valables
partout et 2° construire un système homogène des notions ainsi acquises6. »
Il ajoute que
« La méthode comparative traditionnelle ne réussit pas, et d’ailleurs ne peut pas
réussir à construire un pareil système [homogène de notions valables partout].
Elle doit, dans ce domaine, céder la place à l’activité constructive de la théorie
générale du droit, qui n’a de contact avec le contenu concret et les institutions-
types des divers droits qu’en ce sens que les notions générales élaborées par elle
n’ont d’autre fonction, ni d’autre but que de servir d’instruments de la connais-
sance systématique du contenu concret desdits systèmes juridiques7. »
Dans le sillage du normativisme kelsénien, Otto Pfersmann estime pour sa
part que
« Si l’on veut s’orienter dans l’ensemble des systèmes juridiques, il faut par consé-
quent des concepts suffisamment fins et suffisamment généraux en vue d’appré-
hender une multitude de structures possibles. Le droit comparé ne fait qu’imputer
les concepts théoriques de structures possibles à des ordres juridiques actuels en
ajoutant ‘en droit français’, ‘en droit communautaire’ etc. […] On pourra dès lors
appeler ‘droit comparé’ la discipline qui permet de décrire les structures de n’im-
porte quel système juridique à l’aide de concepts généraux présentant la finesse

ces études concrètes ; en même temps ils servent à ces études, y sont appliqués, sont utilisés pour elles, par
un phénomène universel dans la connaissance scientifique. »
5. Eisenmann C., « Intervention au colloque » in Mosler H. (Hrsg.), Verfassungsgerichtsbarkeit in der
Gegenwart. Länderberichte und Rechtsvergleichung. Internationales Kolloquiumveranstaltetvom Max-
Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, Heidelberg 1961, Köln, Berlin, Carl
Heymanns Verlag KG, « Beiträge zum ausländischen öffentlichen Recht und Völkerrecht », Bd. 36, 1962,
xliii+1047 p., p. 875.
6. Weyr F., « Remarques générales sur la nature juridique de la méthode comparative », trad. fr. Roubier P.,
Mankiewicz H., in Introduction à l’étude du droit comparé. Recueil d’études en l’honneur d’Edouard Lambert,
Paris, LGDJ, 1938, t. 1, lv+735 p., pp. 312-313.
7. Ibid., p. 314.
24 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

nécessaire et suffisante. Elle permet ainsi d’interpréter les énoncés de la science du


droit qui n’a besoin que des concepts appropriés à chacun des systèmes qu’elle
décrit et pour lequel elle développe l’ensemble des solutions possibles des cas qui
s’y présentent. […] En tant qu’il décrit des structures juridiques à l’aide de
concepts généraux, le comparatiste élimine les connotations extrajuridiques des
énoncés non interprétés et il les identifie dans un espace continu de variantes. Si
l’usage des noms de concepts par les doctrines juridiques nationales tend à natu-
raliser et à rationaliser les données des systèmes respectifs de référence, le droit
comparé situe n’importe quelle donnée de n’importe quel droit positif national
dans l’ensemble des structures possibles8. »
13. Cette vision de la relation entre théorie générale du droit et droit
comparé consiste à présenter tout d’abord une grille conceptuelle abstraite et
générale, couvrant de manière exhaustive les possibilités théoriques susceptibles
de se présenter dans le droit positif. Ce modèle d’intelligibilité du droit, construit
indépendamment de tout ordre juridique positif particulier, est ainsi complet,
ordonné et systématique. Il fait état des possibles théoriques parmi lesquels le
droit positif opère des choix9. Ensuite, l’étude minutieuse des institutions relevant
de chaque État conduit à la production d’une casuistique comparative à partir des
dispositifs existants, c’est-à-dire au moyen des concepts préalablement construits,
à identifier puis à classer les multiples éléments qui sont constitutifs de son droit
positif au sein des différentes classes élaborées.
Ce métalangage théorique neutre, indépendant des langages-objets analysés,
est capable de subsumer les catégories employées par chacun d’eux – qu’ils soient
distincts sur le plan temporel ou spatial – sous des concepts plus généraux autori-
sant à les confronter sur le plan intellectuel dans une opération comparatiste10. Il
offre la réponse à la question, classique dans la méthodologie du droit comparé,
du tertium comparationis. La comparaison de deux objets consiste à les mettre en
relation. Sur un plan intellectuel, ceci suppose la subsomption de chacun d’eux
sous un modèle de référence (1) commun et (2) indépendant de l’un et de l’autre11.
Ainsi que l’écrivait Gustav Radbruch, « en présence de plus de deux concepts,
chacun se laisse rapporter à l’autre non directement, mais indirectement, lorsqu’il
se voit rapporté au même concept tiers12. » Dénommé « tertium comparationis »

8. Pfersmann O., « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », op. cit., pp. 285-287.
9. V. en ce sens Tur R., « The Dialectic of General Jurisprudence and Comparative Law », op. cit., pp. 246, 249.
10. V. p. ex. en ce sens, quoique dans le cadre d’une vision spécifique de ce qu’est le droit comparé, Picard E., « Le
droit comparé est-il du droit ? », Annuraire de l’Institut Michel Villey, Vol. 1, 2009, pp. 173-251, pp. 228-233.
11. Constantinesco L.-J., Traité de droit comparé, t. 2 La méthode comparative, op. cit., pp. 34-38, 78-79 ;
Pegoraro L., Rinella A., Introducción al derecho público comparado, trad. cast. Astudillo C., Lima, Palestra,
2006, 141 p., pp. 60-61.
12. Radbruch G., « Über die Methode der Rechtsvergleichung », Monatsschrift für Kriminal Psychologie und
Strafrechtsreform, Bd. 2, 1905, pp. 422-425. V. également Rabel E., « Aufgabe und Nowendigkeit der
Rechtsvergleichung », Rheinische Zeitschrift für Zivil- und Prozessrecht, 1924, pp. 279-301 ; Knapp V.,
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 25

(« le troisième élément de la comparaison »), celui-ci désigne la propriété que les


éléments comparés (comparatum et comparandum) partagent, et faute de laquelle
ils ne pourraient pas être mis en rapport. Ainsi, pour comparer les carottes et les
pommes de terre, il est nécessaire d’avoir à l’esprit (même si on n’en est pas
conscient) un concept tel que celui de « légume », de « comestible », d’« ingrédient
potentiel de potage » ou d’« objet qui pousse dans le sol », etc. Si l’on prend un
exemple juridique, la Corte costituzionale italienne, la Sala constitucional de la
Corte suprema de justicia du Costa Rica, la Corte de constitucionalidad du Guate-
mala et le Verfassungsgerichtshof autrichien ne peuvent être comparés qu’à travers
l’utilisation d’un concept unique tel que celui de « juridiction constitutionnelle »,
qui permet de les saisir ensemble. Même lorsque l’opération de comparaison
aboutit au constat de divergences considérables, elle implique, par sa réalisation
même, une confrontation des objets qui ne peut avoir lieu qu’à l’aide d’un tertium
comparationis. Il s’agit là de concepts théoriques que l’on peut dire « généraux », en
ce qu’ils sont applicables à plusieurs droits positifs. Ils prennent place dans un
métalangage que l’on peut bâtir afin de rassembler, manipuler, confronter, etc. les
unités du langage-objet que sont les institutions positives comparées. De ce point
de vue, la théorie générale du droit n’est pas le résultat, mais la condition du droit
comparé.
Mais tout comme la démarche inductive précédente, cette démarche déduc-
tive se heurte à de sérieuses objections, qui la rendent intenable.

II. ÉCHEC : L’ANCRAGE IMPLICITE DANS LE DROIT POSITIF


14. La revendication fondamentale de l’approche déductive tient à la possibilité
d’identifier, de manière totalement indépendante de tout objet, des concepts
susceptibles de fournir une grille d’appréhension de cet objet même. Elle repose
en d’autres termes sur la conviction qu’il est possible d’adopter ce que Hilary
Putnam dénomme le « point de vue de Dieu13 ».
Dans le domaine des sciences dites « dures », l’épistémologie contemporaine
est dominée par une forme plus ou moins modérée de « conventionnalisme »14.

« Quelques problèmes méthodologiques dans la science du droit comparé », Revue roumaine des sciences
sociales (Série de sciences juridiques), Vol. 12(1), 1968, pp. 75-85, spéc. pp. 75-78 ; Van Hoecke M.,
« Methodology of Comparative Legal Research », op. cit., pp. 27-28.
13. V. Putnam H., Raison, vérité et histoire, trad. fr. Gerschenfeld A., Paris, Les éditions de Minuit, coll.
« Propositions », 1994, 242 p., p. 61. V. également Nagel T., Le point de vue de nulle part, trad. fr. Kronlund
S., Combas, Editions de l’Eclat, 1993, 291 p.
14. Sur les différents courants épistémologiques, v. Popper K.R., « Trois conceptions de la connaissance », in
Popper K.R., Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, trad. fr. De Launay M.-I. et De
Launay M.B., Paris, Payot, coll. « Bibliothèque scientifique », 1985, 610 p., pp. 150-182 ; Popper K.R.,
« Le but de la science », in Popper K.R., La connaissance objective. Une approche évolutionniste, trad. fr.
et préf. Rosat J.-J., Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1998, 578 p., pp. 295-315 ; Barberousse A.,
26 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

Celui-ci conteste l’idée, attribuée de manière paradigmatique à une tradition asso-


ciant René Descartes15, Auguste Comte16 et Claude Bernard17, selon laquelle les
théories scientifiques partent de l’observation, identifient fidèlement et objective-
ment les entités et les processus qui existent indépendamment du sujet connais-
sant, présentent au terme d’un examen suffisamment approfondi la réalité en soi,
en tirent des lois par induction et fournissent ainsi des indications sur la nature
véritable du monde.
Selon cette représentation commune, « il est tenu pour acquis que les scien-
tifiques découvrent les mécanismes intimes objectivement réels de la nature.
Ceux-ci attendent d’être découverts. Les dévoiler demande simplement des
efforts, imposant parfois d’importantes ressources18. » Ce que Ronald N. Giere
décrit comme un « réalisme objectif » repose ainsi sur trois thèses essentielles : (1)
l’idée que la science consiste en la découverte de vérités qui forment les connais-
sances permanentes ; (2) l’idée que les vérités découvertes ont la forme de lois, et
(3) l’idée que la science progresse vers la vérité19. Au contraire, le conventionna-
lisme conçoit les théories scientifiques comme de simples instruments. Elles
résultent de décisions, visant à organiser de manière intelligible des phénomènes
a priori dépourvus de tout ordre intrinsèque, Roderick Macdonald allant jusqu’à
affirmer qu’« Une théorie n’est ni vraie ni fausse. Elle nous permet d’imaginer le

Kistler M., Ludwig P., La philosophie des sciences au XXe siècle, Paris, Flammarion, coll. « Champs Univer-
sité », 2000, 353 p. ; Andler D., Fagot-Largeault A., Saint-Sernin B., Philosophie des sciences, 2 Vol., Paris,
Gallimard, 2002, 1334 p. ; Laugier S., Wagner P. (dir.), Philosophie des sciences I. Théories, expériences et
méthodes, Paris, Vrin, coll. « Textes clés de philosophie des sciences », 2004, 368 p. ; Laugier S., Wagner P.
(dir.), Philosophie des sciences II. Naturalismes et réalismes, Paris, Vrin, coll. « Textes clés de philosophie
des sciences », 2004, 424 p. ; Lakatos I., Histoire et méthodologie des sciences. Programmes de recherche et
reconstruction rationnelle, trad. fr. Malamoud C., Spitz J.-F., Intro. Giard L., Paris, Presses universitaires de
France, coll. « Bibliothèque d’histoire des sciences », 1994, xliii+268 p. Pour un exposé clair et convaincant,
v. spéc. Fourez G., La construction des sciences. Les logiques des inventions scientifiques, 4e éd., Bruxelles, De
Boeck Université, coll. « Sciences, éthiques, sociétés », 2002, 382 p. Dans le domaine juridique, v. p. ex.
Villa V., Teorie della scienza giuridica e teorie delle scienze naturali. Modelli ed analogie, Milano, A. Giuffrè,
1984, viii+251 p. ; Villa V., « La science juridique entre descriptivisme et constructivisme », in Amselek P.
(dir.), Théorie du droit et science, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Léviathan », 1994, 328 p.,
pp. 281-291 ; Samuel G., « Epistemology and Comparative Law: Contributions from the Sciences and
Social Sciences », in Van Hoecke M. (ed.), Epistemology and Methodology of Comparative Law, op. cit.,
pp. 35-77 ; Ponsard R., « De la nécessité des concepts dans l’analyse du droit. Fabriquer consciemment des
instruments d’analyse scientifiquement autonomes, ajustés et visionnaires », op. cit.
15. Descartes R., Discours de la méthode, Paris, Hatier, 2012, 128 p.
16. Comte A., Cours de philosophie positive, préf. Pérignon S., 6 Vol., Paris, Anthropos, 1968-1969,
lxiv+xv+608 p., 566 p., 672 p., xii+588 p., iv+624 p., xl+854 p. ; Comte A., Discours sur l’esprit positif :
ordre et progrès, Paris, J. Vrin, 1974, xv+172 p.
17. Bernard C., Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, Londres, Madrid, New York,
J.-B. Baillière, 1865, 400 p.
18. Giere R.N., Scientific Perspectivism, Chicago (Ill.), University of Chicago Press, 2006, 151 p., p. 1.
19. Ibid., p. 4. Pour une discussion de différents types de réalisme, v. p. ex. Van Fraassen B.C., The Scientific
Image, Oxford, Clarendon Press, 1980, xi+235 p. ; Varenne, F., Théorie, réalité, modèle, Paris, Editions
matériologiques, coll. « Sciences & philosophie », 2012, 259 p.
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 27

réel et de modeler ce réel selon les valeurs auxquelles nous adhérons. Son utilité
principale se trouve dans les questions qu’elle nous oblige à nous poser20. » De ce
point de vue, l’observation ne se limite pas à prendre passivement acte de l’exis-
tant. Ainsi que le note Gérard Fourez,
« Il n’y a pas une information dans le monde que je recevrais comme telle […].
Observer implique une certaine organisation active de la vision. […] Je ne verrai les
choses que dans la mesure où elles correspondent à un certain intérêt. […] Quand
j’observe ‘quelque chose’, il me faut toujours ‘le’ décrire. Pour cela, j’utilise une
série de notions que je possédais auparavant ; celles-ci se réfèrent toujours à une
représentation théorique, générale implicite. Sans ces notions qui me permettent
d’organiser mon observation, je ne sais que dire. […] Donc, pour observer, il faut
ramener ce qu’on voit à des notions possédées auparavant. Une observation, c’est
une interprétation : c’est intégrer une certaine vision dans la représentation théo-
rique que l’on se fait de la réalité21. »
De manière très suggestive, Karl R. Popper a eu l’occasion de faire part de
l’expérience suivante :
« Il y a 25 ans, j’ai essayé de démontrer cette même idée devant un groupe d’étu-
diants en physique, à Vienne, en donnant à ceux-ci au début du cours les instruc-
tions suivantes : ‘Prenez du papier et un crayon, observez attentivement et
consignez ce que vous avez observé !’ Ils m’ont demandé, bien évidemment, ce
que je voulais qu’ils observassent ; il est manifeste que la consigne ‘observez !’ est
absurde (sa forme n’est pas même correcte, sauf à supposer que le complément
d’objet d’un verbe transitif est implicite et sans équivoque). L’observation est
toujours sélective. Elle requiert qu’on ait choisi l’objet, circonscrit la tâche, qu’on
parte d’un intérêt, d’un point de vue, d’un problème22. »
De telles analyses rejoignent la critique formulée à l’encontre d’une
démarche de type inductif, en ce qu’elle souligne que toute observation empirique
est nécessairement « chargée de théorie »23. Elle n’atteint jamais un « donné ». Ainsi
que le note Wilfrid Sellars, « Nous avons admis que nous n’acquérons pas un concept
de quelque chose du fait d’avoir remarqué ce genre de chose, mais qu’au contraire

20. Macdonald R., « Normativité, pluralisme et sociétés démocratiques avancées », in Younes C., Le Roy E. (dir.),
Médiation et diversité culturelle. Pour quelle société ?, Paris, Karthala, 2002, 311 p., pp. 21-38, p. 23.
21. Fourez G., La construction des sciences, op. cit., pp. 32-33.
22. Popper K.R., Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, op. cit., 610 p., p. 79.
23. V. spéc. en ce sens Hanson N.R., Patterns of Discovery. An Inquiry into the Conceptual Foundations of
Science, Cambridge, Cambridge University Press, 1958, ix+240 p. ; Kuhn T.S., La structure des révolutions
scientifiques, trad. fr. Meyer L., Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2008, 284 p., pp. 157-188 ; Feyera-
bend P., Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance, trad. fr. Jurdant B., Schlum-
berger A., Paris, Le Seuil, 1979, 349 p. ; Sellars W., Empirisme et philosophie de l’esprit, préf. Rorty R., trad.
fr. Cayla F., Combas, Editions de l’éclat, coll. « Tiré à part », 1992, 125 p. ; Sellars W., « Foundations for a
Metaphysics of Pure Process: The Carus Lectures », The Monist, Vol. 64, 1981, pp. 3-90 ; Vattimo G., De la
realidad. Fines de la filosofía, trad. cast. Martínez Riu A., Barcelona, Herder, 2013, 254 p. ; Barberousse A.,
Kistler M., Ludwig P., La philosophie des sciences au XXe siècle, op. cit., pp. 130-137, 144-148, 178-179.
28 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

posséder l’aptitude à remarquer un genre de chose suppose de posséder déjà le concept


de ce genre de chose, et ne saurait donc en rendre compte24. » Mais elle se prolonge
dans une autre critique, qui affecte à son tour la thèse déductive qui accorderait le
primat aux concepts, et donc à la théorie générale du droit, sur le droit positif, et
donc sur le droit comparé.
15. En effet, les thèses conventionnalistes conduisent à affirmer qu’il n’existe
pas d’observation neutre, universelle et anhistorique. Les concepts employés pour
appréhender les phénomènes ne résultent pas de la nature des choses, i.e. de l’objet
analysé, mais du sujet observateur, qui les surimpose à une masse jusque-là plus
ou moins informe de perceptions de natures diverses (olfactives, tactiles, visuelles,
sonores, etc.). Marqués de ce fait par une forte dépendance vis-à-vis d’un projet
intéressé et d’une forme d’engagement, eux-mêmes solidaires de déterminants
contextuels, ils s’insèrent immanquablement dans une histoire, une culture, une
langue, une structure économique, etc.25. Les scientifiques ne bénéficient à cet
égard d’aucune « sorte d’extra-territorialité sociale26 ». Gaston Bachelard affirmait
en ce sens que
« dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est préci-
sément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique.
Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question.
S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne
va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit27. »
Gianni Vattimo et Santiago Zabala se font à ce titre les avocats d’une « pensée
faible », propre à développer un sens de l’affaiblissement des vérités, des objectivités,
des absolus ou des fondements28. Ainsi que le relève encore John Dewey, qui propose
de manière radicale de se débarrasser de la perspective qui distingue l’observateur de
l’objet observé29, bien plus que des « données » (data, givens), les objets que la science

24. Sellars W., Empirisme et philosophie de l’esprit, op. cit., p. 91. Sur la pensée de Sellars à ce sujet, v. spéc.
Bandini A., Wilfrid Sellars et le mythe du donné, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Philosophies »,
2012, 170 p., passim.
25. Ibid., passim, spéc. pp. 29-92, 143-149, 269-286 ; Stengers I., Schlanger J., Les concepts scientifiques.
Invention et pouvoir, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1991, 190 p. ; Fuller S., Social Epistemology,
Bloomington (Ind.), Indiana University Press, coll. « Science, Technology, and Society », 1988, xv+316 p.,
pp. 233-249 ; Le Moigne J.-L., Les épistémologies constructivistes, 4e éd., Paris, Presses universitaires de
France, coll. « Que sais-je ? », Vol. 2969, 2012, 127 p., p. ex. pp. 45, 68-69, 82.
26. Neurath O., « Empirical Sociology. The Scientific Content of History and Political Economy », in
Neurath O., Empiricism and Sociology, Neurath M., Cohen R.S. (ed.), Dordrecht, Boston, D. Reidel
Publishing Company, 1973, xiv+473 p., pp. 319-421, p. 406.
27. Bachelard G., La formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objec-
tive, 5e éd., Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 1967, 257 p., p. 14.
28. V. p. ex. Vattimo G., Zabala S., Hermeneutic Communism. From Heidegger to Marx, New York, Columbia
University Press, 2011, viii+256 p., p. 97.
29. Dewey J., Reconstruction en philosophie, préf. Rorty R., trad. fr. Di Mascio P., Paris, Gallimard, 2014,
269 p., spéc. pp. 179-180.
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 29

tire, découpe, isole, sélectionne, abstrait, reconstruit, etc. à partir du flux matériel
informe, sont des « prises » (takens)30. De nombreux auteurs ont ainsi insisté, à l’en-
contre de la démarche déductive, sur le caractère nécessairement relatif des concepts
théoriques au moyen desquels est appréhendée la variété des droits positifs comparés.
Mark van Hoecke remarque ainsi :
« En d’autres termes, derrière ces concepts et ces divisions, il y a une vision du
monde sous-jacente et un choix de valeurs, d’intérêts et de principes qui expliquent
les théories que ces concepts et ces divisions englobent. La réalité est décrite,
comprise et ordonnée, et en fait partiellement créée, à travers de tels concepts et
grappes de concepts, qui traduisent une vision du monde sous-jacente. Les
concepts, en effet, ne sont pas des outils neutres. Ils sont guidés par la théorie. La
formation des concepts et la construction des théories sont étroitement liées dans
chaque discipline31. »
Les « Science and technology studies » ont démontré à quel point la science,
loin d’être totalement détachée du contexte social dans lequel elle prend place, est
étroitement imbriquée dans celui-ci32. Afin d’en rendre compte, ce courant a
imaginé de recourir au concept de « co-production » :
« Le terme ‘co-production’ est un raccourci pour exprimer la proposition selon
laquelle les manières dont nous connaissons et représentons le monde (à la fois la
nature et la société) sont inséparables de la façon dont nous choisissons d’y vivre.
Le savoir et ses incarnations matérielles sont à la fois des produits du travail social
et constitutifs des formes de la vie sociale ; la société ne peut pas fonctionner sans
connaissance, pas plus que la connaissance ne peut exister sans soutiens sociaux
appropriés. La connaissance scientifique, en particulier, n’est pas un miroir trans-
cendant de la réalité. Elle intègre des pratiques sociales et s’inscrit dans des
pratiques sociales, des identités, des normes, des conventions, des discours, des
instruments et des institutions. […] La science, dans le cadre co-productionniste,

30. Dewey J., The Quest for Certainty: A Study of the Relation of Knowledge and Action. Gifford Lectures 1929,
New York, Minton, Balch & Company, 1929, 318 p., pp. 170-194, spéc. p. 178. V. dans le même sens
James W., L’idée de vérité, trad. fr. Veil L., David M., Paris, F. Alcan, coll. « Bibliothèque de philosophie
contemporaine », 1913, xv+258 p., pp. 79-81, 113. V. également James W., Philosophie de l’expérience.
Un univers pluraliste, préf. Lapoujade D., trad. fr. Galetic S., Paris, Le Seuil, Les empêcheurs de penser en
rond, 2007, 234 p., pp. 148-149, 165-171, 191, 215 ; Bedoya Giraldo H., La construcción epistémica del
derecho, Bogotá, Universidad Externado de Colombia, col. « Teoría jurídica y filosofía del derecho », n° 86,
2017, 212 p., passim, spéc. pp. 45-103, 129.
31. Van Hoecke M. « Legal Doctrine: Which Method(s) for What Kind of Discipline », in Van Hoecke M.
(ed.), Methodologies of Legal Research, op. cit., pp. 1-18, p. 16.
32. V. spéc. Jasanoff S. « Ordering Knowledge, Ordering Society », in Jasanoff S. (ed.), States of Knowledge. The
Co-production of Science and Social Order, London, Routledge, coll. « International Library of Sociology »,
2004, xii+317 p., pp. 13-45. V. également Jasanoff S., Le droit et la science en action, trad. fr. et prés.
Leclerc O., Paris, Dalloz, coll. « Rivages du droit », 2013, 208 p. Pour une présentation d’ensemble, v.
p. ex. Pestre D., Introduction aux science studies, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2006, 122 p. V.
également Pickering A. (ed.), Science as Practice and Culture, Chicago, London, The University of Chicago
Press, 1992, viii+474 p.
30 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

n’est comprise ni comme une simple réflexion de la vérité sur la nature, ni comme
un épiphénomène d’intérêts sociaux et politiques. Plutôt, la co-production est
symétrique en ce qu’elle attire l’attention sur les dimensions sociales des engage-
ments cognitifs et des compréhensions cognitives, tout en soulignant simultané-
ment les corrélats épistémiques et matériels des formations sociales. La
co-production peut donc être considérée comme une critique de l’idéologie
réaliste qui sépare de façon persistante les domaines de la nature, des faits, de
l’objectivité, de la raison et de la mesure politique (policy) de ceux de la culture,
des valeurs, de la subjectivité, de l’émotion et de la politique (politics)33. »
16. À l’inverse de certains courants jusnaturalistes, qui pouvaient affirmer
que les concepts à travers lesquels ils structuraient le phénomène juridique étaient
donnés par avance, voire innés et immédiatement offerts à l’intuition puis à la
déduction34, la théorie des sciences contemporaine soutient donc, de manière plus
ou moins appuyée, une forme de relativisme épistémique. Selon Paul Boghossian,
qui a pu critiquer cette position35, tout comme il existe des relativistes moraux
pour qui les faits moraux universels n’existent pas, il existe des relativistes selon
lesquels les faits épistémiques universels n’existent pas. Les faits par lesquels une
croyance est justifiée sur le fondement d’une preuve varient d’une communauté à
une autre. Il est donc envisageable que différentes personnes parviennent à conclu-
sions opposées, de manière tout aussi rationnelle, à partir des mêmes « données »36.
Clarifiant cette perspective, cet auteur écrit :
« Relativisme épistémique :
A. Il n’existe pas de faits absolus au sujet de ce qu’un élément d’information parti-
culier justifie (Non-absolutisme épistémique)
B. Si les jugements épistémiques d’une personne S veulent avoir la moindre pers-
pective d’être vrais, nous ne devons pas comprendre les énoncés qu’elle profère
comme revêtant la forme suivante :
‘E justifie la croyance B’
Comme exprimant la prétention
E justifie la croyance B
mais davantage comme exprimant la prétention :

33. Jasanoff S. « The Idiom of Co-production », in Jasanoff S. (ed.), States of Knowledge. The Co-production of
Science and Social Order, op. cit., pp. 1-12, pp. 2-3.
34. V. p. ex. Grotius H., Le droit de la guerre et de la paix, trad. fr. Barbeyrac J., 2 Vol., Caen, Centre de philoso-
phie politique et juridique, Université de Caen, 1984, xliii+1001+42 p. ; Pufendorf S., Le droit de la nature
et des gens ou Système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence et de la politique,
trad. fr. Barbeyrac J., 2 Vol., Caen, Presses universitaires de Caen, 2009, cxxxiv+613 p., 506+34 p.
35. V. spéc. Boghossian P., La peur du savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance, Marseille,
Agone, 2009, 193 p.
36. Boghossian P., « Epistemic Relativism Defended », in Goldman A.I., Whitcomb D. (ed.), Social Epistemo-
logy. Essential Readings, Oxford, New York, Oxford University Press, 2011, ix+357 p., pp. 38-53, p. 38.
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 31

Selon le système épistémique C, que moi, S, j’accepte, l’information E justifie la


croyance B. (Relationnisme épistémique)
C. Il existe de nombreux systèmes épistémiques alternatifs fondamentalement
différents, mais aucun fait en vertu duquel l’un de ces systèmes est plus correct
que n’importe quel autre (Pluralisme épistémique)37. »
Humberto Maturana offre par exemple, dans le cadre d’une philosophie
particulièrement originale, une version extrême de relativisme. Il repousse l’idée
d’objectivité dans le discours, sinon comme forme d’argument d’autorité visant à
forcer ses interlocuteurs à se ranger à ses propres opinions, et considère que les
« objets » ne jouissent d’aucune réalité indépendante de nos actions et de notre
langage. La constitution des objets s’opère à travers la participation des « observa-
teurs », nécessairement engagés, sans qu’il soit envisageable d’affirmer l’existence
d’un accès privilégié à une réalité objective38. Indépendamment d’une telle version
forte du constructivisme, selon laquelle les entités mêmes auxquelles réfèrent les
représentations sont construites, il est possible d’admettre un constructivisme
faible ou tempéré, selon lequel, à tout le moins, les représentations des faits sont
des constructions sociales39. Karl Mannheim retient par exemple une vision
modérée en affirmant que
« Personne ne nie la possibilité de la recherche empirique et personne ne soutient
que les faits n’existent pas. […] [M]ais la question de la nature des faits, est, en soi,
un problème considérable. Ils existent toujours pour l’esprit dans un contexte
intellectuel et social. Qu’ils puissent être compris et formulés implique déjà l’exis-
tence d’un appareil conceptuel40. »
17. Une telle thèse rejoint l’idée, courante dans l’épistémologie contempo-
raine, selon laquelle il n’existe aucune observation possible des faits « bruts ». C’est
pourquoi il existe toujours un nombre infini de théories pour rendre compte d’un
nombre fini de perceptions empiriques. En fonction des concepts adoptés, des
théories différentes peuvent rendre compte, de diverses manières, des mêmes
données sensibles. Selon Willard Van Orman Quine, par exemple,
« si vous prenez, dans leur totalité, la portion éparpillée de l’univers spatio-
temporel qui est constituée de lapins, puis celle qui est constituée de parties de
lapins non détachées, puis celle qui est constituée de segments temporels de lapin,
vous trouverez les trois fois la même portion éparpillée de l’univers. La seule

37. Ibid., pp. 47-48.


38. Maturana H., La objetividad. Un argumento para obligar, trad. cast. Rojas F.A., Santiago de Chile, Dolmen,
1997, 149 p., spéc. pp. 20-37, 47, 75-84, 110, 113-114. V. dans le même sens Vattimo G., De la realidad.
Fines de la filosofía, op. cit., p. 212.
39. Sur ces deux orientations, v. Latour B., Woolgar S., La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques,
Paris, La Découverte, coll. « Sciences et société », 1988, 299 p., spéc. pp. 91, 180, 188, 251, 256. V. égale-
ment Giere R.N., Scientific Perspectivism, op. cit.
40. Mannheim K., Idéologie et utopie, trad. fr. Rollet P., préf. Wirth L., Paris, Librairie Marcel Rivière, coll.
« Petite bibliothèque sociologique internationale », 1956, 233 p., p. 114.
32 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

différence réside dans la manière dont vous avez découpé en tranches cette portion
de l’univers41. »
Il est donc possible d’appréhender d’au moins trois manières différentes ce
même ensemble de phénomènes. Trois descriptions distinctes, aussi complètes et
aussi vraies (ou fausses) les unes que les autres, peuvent en être données, selon que
pour le découper, la science s’est dotée, à titre de « filtre ontologique42 », du concept
de lapin, du concept de partie de lapin ou bien du concept de segment temporel
de lapin43. Ainsi que l’écrivait déjà Carnap « Dans le monde des objets de la connais-
sance […], il y a un nombre illimité de formes d’ordre ; mais ce qui doit être mis en
ordre, les éléments fondamentaux, forme une seule catégorie homogène44. »
Une approche de ce type ne signifie pas pour autant l’acceptation d’un rela-
tivisme absolu. En effet, toutes les ontologies ne se valent pas. Le choix est notam-
ment guidé par la recherche d’un « pouvoir explicatif réel45 » par lequel « nous
réduisons la complexité du flot de nos expériences à une simplicité conceptuelle
maniable46. » Il dépend donc de son utilité en vue de la réalisation d’une certaine
tâche. Pour les sciences empiriques traditionnelles, il s’agit notamment d’élaborer
un découpage du monde qui autorise la prédiction des événements futurs. Aussi
Quine va-t-il jusqu’à suggérer que les objets physiques eux-mêmes ne sont rien de
plus que des intermédiaires commodes dans le cadre d’une science désireuse de

41. Quine W.V.O., « Relativité de l’ontologie », in Quine W.V.O., Relativité de l’ontologie et quelques autres
essais, trad. fr. Largeault J., Paris, Aubier, coll. « Analyse et raisons », 1977, 187 p., pp. 39-81, p. 44. V.
également Quine W.V.O., Le mot et la chose, trad. fr. Dopp J., Gochet P., av.-prop. Gochet P., Paris, Flam-
marion, 1977, 399 p., pp. 90-98, 116-117, 119, 124-125. Sur sa pensée en général, v. p. ex. Leclercq B.,
Introduction à la philosophie analytique. La logique comme méthode, préf. Benmakhlouf A., Bruxelles, De
Boeck, 2008, 311 p., pp. 197-237.
42. Descola P., La composition des mondes. Entretiens avec Pierre Charbonnier, Paris, Flammarion, coll.
« Champs. Essais », 2014, 377 p., p. 238.
43. Quine W.V.O., La poursuite de la vérité, 2e éd. révisée, trad. fr. Clavelin M., Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre
philosophique », 1993, 153 p., p. 60 ; Quine W.V.O., « Les deux dogmes de l’empirisme », in Jacob P.
(éd.), De Vienne à Cambridge. L’héritage du positivisme logique de 1950 à nos jours, Paris, Gallimard, coll.
« Nrf – Bibliothèque des Sciences humaines », 1980, 434 p., pp. 87-113 ; Duhem P., La théorie physique,
son objet, sa structure, 2e éd., Paris, Marcel Rivière & Cie, Éditeurs, coll. « Bibliothèque de philosophie
expérimentale », 1914, xvi+524 p., p. ex. p. 255 ; Neurath O., « Anti-Spengler », [1921], in Neurath O.,
Empiricism and Sociology, op. cit., pp. 158-213, p. 203 ; Neurath O., « Empirical Sociology. The Scientific
Content of History and Political Economy », op. cit., p. 407 ; Samuel G., « Taking Methods Seriously (Part
Two) », Journal of Comparative Law, Vol. 2, 2007, pp. 210-237, pp. 232-233.
44. Carnap R., La construction logique du monde, [1928], Intro. Schwartz E., trad. fr. Rivain T., Schwartz E.,
Paris, Librairie philosophique J. Vrin, coll. « Mathésis », 2002, 370 p., p. 270 (§ 162).
45. Quine W.V.O., « On What There Is », in Quine W.V.O., From a Logical Point of View. 9 Logico-Philo-
sophical Essays, 2nd ed. revised, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1964, vi+184 p.,
pp. 1-19, p. 10.
46. Ibid., p. 17. V. également ibid., pp. 15-16 : « Comment allons-nous trancher entre des ontologies rivales ?
[…] Notre acceptation d’une ontologie est, je pense, semblable en principe à notre acceptation d’une
théorie scientifique, par exemple un système de physique : nous adoptons, du moins dans la mesure où
nous sommes raisonnables, le schéma conceptuel le plus simple dans lequel les fragments désordonnés de
l’expérience immédiate peuvent être mis en ordre. »
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 33

prédire l’expérience future en fonction de l’expérience passée47. Ils sont culturelle-


ment postulés, tout comme le sont par exemple les nombres irrationnels48, et tout
comme pourraient l’être d’autres entités, si elles se révélaient utiles49. Dans une
perspective pragmatiste, l’essentiel des opérations intellectuelles consiste ainsi à
élaborer un ordre conceptuel qui, par ses découpages discrets, discipline un flux
perceptuel continu en fonction de certains buts50.
18. Cette conception de la science présente certains attraits pour la recherche
en droit. Elle conduit à aborder la démarche comparatiste comme comprenant
une étape de choix de conventions par lesquelles l’objet va être délimité et appré-
hendé. À ce titre, dans la mesure où le droit positif se présente essentiellement
sous une forme linguistique, il s’agit de déterminer le cadre conceptuel qui régit le
métalangage que le comparatiste développe à propos d’un langage-objet fait d’un
flux a priori indifférencié. Ainsi que le met en évidence la critique de la démarche
inductive, toute observation est nécessairement effectuée au moyen d’un cadre
conceptuel et à travers lui. Mais cette remarque se double à présent d’une autre
difficulté, qui atteint la démarche déductive. Pas plus que les « faits », les cadres
conceptuels ne sont donnés par avance et, ainsi que le font par exemple valoir les
études d’épistémologie sociale, pas plus que les premiers ils ne sont indépendants
des contextes locaux.
De ce fait, toute démarche qui se prétend déductive ne peut prendre pour
point de départ qu’un ensemble de concepts, de modèles d’intelligibilité, de grilles
de lecture ou de théories qui sont nécessairement affectés d’un certain « parochia-
lism ». Par un retournement qui semble nécessaire, et selon une réflexion que
Slavoj Žižek attribue à Hegel, « Le genre universel est toujours l’une de ses propres
espèces51. » Ce qui prend l’allure d’un ethnocentrisme inévitable nuit à première
vue à la scientificité, à la neutralité et à l’objectivité revendiquées d’une étude
comparative scientifique. Mais il convient de remarquer que c’est précisément en
raison de la théorie générale du droit sur laquelle elle s’appuie que la comparaison
juridique s’expose à cette critique. Les concepts que celle-là offre ne peuvent tout
simplement pas être neutres, objectifs et totalement détachés de toute pensée juri-
dique nécessairement locale. La théorie du droit ne peut être « générale » en ce sens
précis. Il est impossible de générer des métaconcepts ou des métalangages qui ne
soient pas conceptuellement ancrés dans un langage-objet ou, en matière

47. Quine W.V.O., « Les deux dogmes de l’empirisme », op. cit.


48. Quine W.V.O., « On What There Is », op. cit., p. 18.
49. Quine W.V.O., « Les deux dogmes de l’empirisme », op. cit., p. 110.
50. James W., Introduction à la philosophie, [1911], trad. fr. Galetic S., Paris, Les empêcheurs de penser en
rond, Le Seuil, 2006, 209 p., pp. 51-72, 105.
51. Žižek S., The Thicklish Subject. The Absent Centre of Political Ontology, London, New York, Verso, 1999,
409 p., p. 103.
34 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

comparative, dans l’un des comparanda. Cornélius Castoriadis a su exprimer cette


idée de manière particulièrement nette :
« Le langage, par exemple, est un présupposé non pas de fait mais logique ou si
l’on veut transcendantal de la perception pleine. Mais ce dont il s’agit ici n’est
jamais un langage en général, ou la faculté d’être-parlant en général, mais l’acces-
sion à un langage déterminé ; et c’est en droit, et non pas en fait, qu’il n’existe pas
de langage transcendantal ou pur, l’idée d’un tel langage étant contradictoire en
elle-même, et plusieurs fois plutôt qu’une. Dire donc qu’un sujet a accès à un
monde (ou que l’être-là rencontre les étants dans l’horizon de l’être), c’est dire,
transcendentalement et ontologiquement, qu’il est dans et par tel langage52. »
19. À ce titre, si l’on s’intéresse à nouveau à la figure de John Austin, il est
manifeste que les concepts de théorie générale du droit qu’il faisait siens afin de
bâtir une science du droit positif étaient assez largement indétachables du contexte
dans lequel celui-ci s’exprimait. Cette situation conduit par exemple Pauline C.
Westerman à considérer, de manière radicale, que
« Le système juridique lui-même fournit les concepts nécessaires pour étudier un
certain développement juridique ou social. Cela signifie que le droit n’est pas
seulement l’objet de la recherche, mais aussi la perspective théorique à partir de
laquelle cet objet est étudié. Ses concepts et ses catégories ne sont pas seulement
des concepts utilisés par les agents qui font, interprètent et appliquent le droit,
mais sont en même temps les outils conceptuels qu’utilise le juriste53. »
C’est ainsi qu’Austin admettait tirer essentiellement les concepts généraux
de son universal jurisprudence et sa manière d’ordonner le matériau juridique, des
écrits des juristes romains, des décisions des juges anglais, et des codes français et
prussiens54. C’est précisément parce qu’il était pétri des analyses pandectistes

52. Castoriadis C., L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, 538 p., p. 487.
53. Westerman P.C., « Open or Autonomous? The Debate on Legal Methodology as a Reflection of the
Debate on Law », in Van Hoecke M. (ed.), Methodologies of Legal Research, op. cit., pp. 87-110, p. 90. V.
l’illustration qu’en propose Yan Thomas au sujet du droit romain : Thomas Y., « La langue du droit romain.
Problèmes et méthodes », Archives de philosophie du droit, n° 19, 1974, pp. 103-125, p. 113 : « Le droit
romain, comme tout système historique de droit, repose sur une ‘Weltanschauung’, qui est une certaine
manière de découper le monde. Ce découpage, qui ne correspond jamais parfaitement à celui qu’avec les
mêmes mots la langue commune réalise, se fonde sur un certain nombre de principes et d’éléments de base
(les principales catégories juridiques) dont l’ensemble forme une structure à laquelle se rapportent tous les
autres éléments du système. Il s’agit là des invariants qui, à une époque historique donnée, définissent un
ordre juridique. Ils apparaissent sous la forme de mots-clés dont une exacte compréhension est indispen-
sable à celle de tous les autres aspects du droit ; ils expriment une vision originale du monde, qui donne
la mesure même de la spécificité des règles juridiques par rapport à celles des autres systèmes normatifs. »
Pour une discussion critique, v. Van Roermund B., « Theory and Object in Law: the Case for Legal Scho-
larship as Indirect Speech », in Van Hoecke M. (ed.), Methodologies of Legal Research, op. cit., pp. 277-286.
54. Austin J., The Province of Jurisprudence Determined and The Uses of the Study of Jurisprudence, op. cit.,
p. 373. V. dans le même sens la perception qu’en a Mill : Mill J.S., « Austin on Jurisprudence », op. cit.,
pp. 172-174, insistant sur l’importance du droit romain dans la mise au point des concepts théoriques
d’Austin.
2 – UNE DÉMARCHE DÉDUCTIVE : DE LA THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT VERS LE DROIT COMPARÉ 35

allemandes dont il avait pris connaissance afin de pouvoir mettre au point son
enseignement de jurisprudence à l’Université de Londres qu’il a fait progresser la
structuration dogmatique et théorique du droit anglais55. La théorie générale du
droit, dans sa construction même, se révèle ici indissociable d’un droit positif ou
d’une culture juridique déterminés. Un tel état de fait est de même particulière-
ment perceptible dans les travaux de Raymond Carré de Malberg, qui a sur un
certain nombre d’auteurs, qui prennent les concepts de « leur » droit comme grille
de lecture universelle du droit, l’avantage d’être parfaitement explicite dans sa
démarche consistant à tirer des concepts généraux d’un droit particulier56. Mais il
reste que c’est « d’après les données fournies par le droit constitutionnel français »
qu’est développée sa « contribution à la théorie générale de l’État ».
Une telle perspective court le risque de prendre pour l’expression de concepts
théoriques ou de vérités éternelles ce qui n’est que strictement conjoncturel. Outre
le platonisme qui lui est sous-jacent, l’élaboration de concepts théoriques à partir
de ces données peut se révéler dupe des idéologies dont sont hic et nunc porteurs
les discours juridiques57. La doctrine peut ainsi être conduite à appauvrir la fonc-
tion critique de la science du droit58, qui consiste précisément à élucider les stra-
tégies et les argumentations des acteurs, ainsi que l’arrière-plan culturel à partir
duquel elles se déploient59. En outre, cette méthode de construction des concepts
théoriques s’expose à une forme d’ethnocentrisme qui rend ses outils impropres à
l’étude d’autres types de régulations juridiques géographiquement, historique-
ment ou culturellement éloignées des énoncés où la doctrine a puisé ses concepts.
Diachroniquement, en élaborant ses concepts théoriques à partir d’un état donné

55. Lobban M., The Common Law and English Jurisprudence, 1760-1850, Oxford, Clarendon Press, 1991,
xvi+315 p., pp. 17-79.
56. V. spéc. l’énoncé intégral du titre de ses ouvrages, Carré de Malberg R., Contribution à la théorie générale
de l’État spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, Paris, Sirey, t. 1, 1920,
xxxvi+837 p. t. 2, 1922, xiv+642 p. ; Carré de Malberg R., Confrontation de la théorie de la formation du
droit par degrés avec les idées et les institutions consacrées par le droit positif français relativement à sa formation,
Paris, Sirey, 1933, vii+174 p.
57. Sur ce risque, v. p. ex. Samuel G., Epistemology and Method in Law, Aldershot, Ashgate, 2003, xxvi+384 p.,
pp. 18-19 ; Ponsard R., « La possibilité d’une analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridi-
quement critique », op. cit., pp. 38, 47-52.
58. Sur cette fonction, v. p. ex. Kelsen H., Der soziologische und der juristische Staatsbegriff. Kritische Unter-
suchung des Verhältnisses von Staat und Recht, Tübingen, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), 1922, iv+253 p. ;
Kelsen H., « Gott und Staat », Logos. Internationale Zeitschrift für Philosophie der Kultur, Bd. 11, 1922-
1923, pp. 261-284 ; Kelsen H., Reine Rechtslehre. Einleitung in die Rechtswissenschaftliche Problematik,
op. cit., pp. 16-18, 35-38, 116-117 ; Kelsen H., Théorie pure du droit, 2e éd., trad. fr. Eisenmann C.,
Paris, Dalloz, coll. « Philosophie du droit », Vol. 7, 1962, 496 p., pp. 141-148, 372-419, 452 ; Troper M.,
« Les fonctions de la recherche en droit public interne », in La recherche juridique (Droit public), av.-prop.
Dupuis G., Paris, Economica, coll. « Recherches Panthéon – Sorbonne. Université de Paris I », Série
« Sciences juridiques. Administration publique », 1981, vi+120 p., pp. 45-50, p. 47.
59. V. spéc. Kahn P.W., The Cultural Study of Law. Reconstructing Legal Scholarship, Chicago, London, The
University of Chicago Press, 1999, ix+169 p.
36 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

d’un droit positif, celle-ci se prive de la possibilité d’effectuer un travail d’ordre


historique. Rien ne garantit en effet que le concept qui a été tiré d’un état du droit
donné à l’instant t soit pertinent dans le nouvel état du droit, à l’instant t+1.
Synchroniquement, la doctrine qui tire ses concepts d’un droit national particu-
lier se prive corrélativement de la possibilité d’analyser tout autre droit positif60.
Il s’ensuit donc que, dans son principe même, tout comme la démarche
inductive, l’établissement d’une relation déductive entre théorie générale du droit
et droit comparé apparaît compromis.

60. Sur ces risques, v. p. ex. Lombardi G., Premesse al corso di diritto pubblico comparato. Problemi di metodo,
Milano, A. Giuffrè, 1986, 119 p., pp. 31-34 ; Muir Watt H., « Further Terrains for Subversive Compa-
rison: The Field of Global Governance and the Public/Private Divide », in Monateri P.G. (ed.), Methods of
Comparative Law, op. cit., pp. 270-290, pp. 273-274 ; Frankenberg G., « Stranger than Paradise: Identity
& Politics in Comparative Law », Utah Law Review, 1997, pp. 259-274 ; Pegoraro L., Diritto costituzionale
comparato. La scienza e il metodo, op. cit., p. 31 ; Somma A., Introduzione al diritto comparato, Roma,
Laterza, col. « Manuali Laterza », Vol. 342, 2014, ix+192 p., pp. 66, 70-92.
Chapitre 3

Une échappatoire à l’antinomie :


une métaméthodologie d’orientation pragmatiste

20. La situation apparaît particulièrement difficile. En effet, étant donné les


termes de l’énoncé « droit comparé et théorie générale du droit », l’alternative
entre une relation inductive et une relation déductive semble épuiser toutes les
possibilités logiquement concevables. Or, selon une logique de « bipolarité des
erreurs » identifiée par Gaston Bachelard1, chaque branche de l’alternative conduit
à une impasse, à laquelle ne peut remédier que l’autre branche de l’alternative,
non sans faire tomber dans un abîme de difficultés qui ne sont solubles qu’au
moyen de la stratégie antagoniste, elle-même vouée à l’échec. Quelle que soit la
démarche choisie, se fait jour une antinomie dont la structure est comparable à
celles qu’a pu mettre en évidence Alf Ross dans Towards a Realistic Jurisprudence2.
Dans un article résumant en français la perspective de cet ouvrage, il écrit :
« Sur ce dualisme fondamental de la notion de source du droit il est possible de
développer toute une série d’antinomies. […]
Première antinomie
Thèse : Les propositions de la théorie des sources du droit n’appartiennent pas
elles-mêmes au droit positif, mais valent indépendamment de tout système de
droit.
Antithèse : Les propositions de la théorie des sources du droit changent avec les
systèmes de droit donnés et doivent en conséquence être considérées comme ses
parties.
La preuve de la thèse est facile, car si les propositions de la théorie des sources du
droit appartiennent elles-mêmes au droit positif, elles doivent alors être reconnues
par les sources mêmes du droit, ce qui conduit évidemment à un cercle vicieux,
soit à une régression infinie. Il s’ensuit que la question qu’est-ce qu’une source du
droit ? ne peut être résolue qu’en se fondant sur la notion du droit elle-même.

1. Bachelard G., La formation de l’esprit scientifique, op. cit., p. 20. V. à cet égard Ost F., Van de Kerchove M.,
« De la ‘bipolarité des erreurs’ ou de quelques paradigmes de la science du droit », Archives de philoso-
phie du droit, n° 33, 1988, pp. 177-206, expliquant que pour le droit comparé, les deux erreurs sont
respectivement le relativisme et l’universalisme. V. également Ponthoreau M.-C., Droit(s) constitutionnel(s)
comparé(s), Paris, Economica, coll. « Corpus. Droit public », 2010, viii+401 p., pp. 203-206.
2. Ross A., Towards a Realistic Jurisprudence. A Criticism of the Dualism in Law, trad. angl. Fausbøll A.,
Copenhagen, E. Munksgaard, 1946, 304 p. 37
38 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

Mais l’antithèse paraît être aussi évidente, car l’expérience nous apprend, sans
aucun doute, que les sources du droit varient suivant les systèmes et peuvent se
développer différemment ; il ne semble pas qu’il existe un seul phénomène histo-
rique dont on pourrait dire, d’une façon générale, qu’il est une source du droit et le
devrait être. La législation elle-même, quelle que soit l’imprécision de ce terme, ne
constitue pas une forme nécessaire et absolue du droit. […] L’origine de cette anti-
nomie peut être exposée le plus succinctement de la manière suivante : les proposi-
tions de la théorie des sources du droit sont, dans leur contenu, conditionnées par
le droit positif mais en même temps, dans leur forme (en qualité de fondement de
la connaissance de toute règle de droit positif), elles en sont indépendantes3. »
En l’espèce, si l’on tentait de reproduire cette présentation4, l’antinomie
pourrait prendre la forme suivante :
Thèse : Le droit comparé permet d’identifier les concepts que partagent les diffé-
rents ordres juridiques, dont la réunion forme la théorie générale du droit.
Antithèse : La théorie générale du droit fournit au juriste les concepts au moyen
desquels il lui est possible d’étudier le droit, qu’il s’agisse de son droit ou de tout
autre droit.
Il semble à ce stade impossible de s’en extraire, de sorte qu’il faut simple-
ment ( ?) trouver les moyens de vivre – et travailler – avec la difficulté. Si l’on en
croit Ludwig Wittgenstein, en effet,
« La véritable découverte est celle qui me donne la capacité de cesser de philoso-
pher quand je le veux. – Elle est celle qui apporte la paix à la philosophie, de sorte
que celle-ci n’est plus tourmentée par des questions qui la mettent elle-même en
question. […] En philosophie, il n’y a pas une méthode, mais bien des méthodes,
comme autant de thérapies différentes5. »

3. Ross A., « Le problème des sources du droit à la lumière d’une théorie réaliste du droit », [1934], in
Ross A., Introduction à l’empirisme juridique. Textes théoriques, trad. fr. et éd. Millard E., Matzner E., Paris,
LGDJ, coll. « La pensée juridique », 2004, 231 p., pp. 23-37, pp. 29-30.
4. Pour une autre tentative, v. Tusseau G., « Debating Legal Pluralism and Constitutionalism: New Trajecto-
ries for Legal Theory in the Global Age », in Tusseau G. (ed.), Debating Legal Pluralism and Constitutiona-
lism: New Trajectories for Legal Theory in the Global Age, Cham, Springer, coll. « Ius Comparatum – Global
Studies in Comparative Law », Vol. 41, 2020, vi+340 p., pp. 1-92, pp. 11-12.
5. Wittgenstein L., Recherches philosophiques, trad. fr. Dastur F., Elie M., Gautero J.-L., Janicaud D., Rigal E.,
Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2014, 372 p., p. 89 (§ 133). V. de même ibid., p. 154 (§ 309) : « Quel est
ton but en philosophie ? – Montrer à la mouche comment sortir du piège à mouches » ; Wittgenstein L.,
Dictées : à Friedrich Waismann et pour Moritz Schlick, années 1930, trad. fr. et éd. dir. Soulez A., prés.
Baker G., postf. McGuinness B., Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2015, 377 p., pp. 80, 100, 108,
168, 169, 211, 212 ; Wittgenstein L., Remarques mêlées, Von Wright G.H., Nyman H. (ed.), trad. fr.
Granel G., prés. Cometti J.-P., Paris, Flammarion, 2002, 219 p., p. 106 : « Paix dans les pensées. C’est le
but auquel aspire celui qui philosophe » ; Wittgenstein L., Les cours de Cambridge (1930-1932), Lee D.
(ed.), trad. fr. Rigal E., Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1988, xi+134 p., pp. 1, 25 ; Wittgenstein L.,
Les cours de Cambridge (1932-1935), op. cit., pp. 43, 112-114 ; Hijab W., « Compte-rendu de la séance
du Club de sciences morale de Cambridge du 14 novembre 1946 », in Wittgenstein L., Correspondance
philosophique, éd. et trad. fr. Rigal E., Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », 2015, 902 p.,
pp. 864-865, p. 864 : « La forme générale d’une question philosophique est : ‘Je suis dans un imbroglio, et
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 39

L’une des manières de se dégager de la sorte de l’antinomie pourrait consister


à recourir à une métaméthodologie d’orientation pragmatiste. Celle-ci permettrait
de faire face à la double aporie sur laquelle achoppent l’une et l’autre des deux
manières de mettre en relation droit comparé et théorie générale du droit. Deux
séries de remarques peuvent être formulées à ce niveau, dont chacune est liée à des
débats philosophiques extrêmement complexes qu’il n’est possible que d’effleurer.
Elles devraient permettre, sinon d’affronter ces problématiques dans leur totalité, à
tout le moins de s’en soulager quelque peu et d’explorer quelques réponses aux deux
salves d’objections qu’affrontent les perspectives idéal-typiques précédemment
envisagées. Sans que ces difficultés soient totalement indépendantes, puisque
répondre à l’une implique de s’exposer un peu plus à l’autre, il est possible de distin-
guer une difficulté d’ordre gnoséologique et une difficulté d’ordre ethnocentrique.

I. L’OBJECTION GNOSÉOLOGIQUE
21. La première difficulté a fondamentalement trait à la relation entre les éléments
appréhendés par les concepts que fournit la théorie du droit et ces concepts eux-
mêmes. Elle se rapporte en d’autres termes à la vaste question de la « primauté »
entre le concept et le « réel », qui recoupe celle de la relation entre le sujet connais-
sant et l’objet connu. Ainsi que le note Jean-Pierre Cléro du point de vue philo-
sophique,
« L’œil humain ne peut rien voir sans qu’il ne se le soit accordé par une sorte de
spirale où son étonnement devant ce qui lui apparaît être un donné oublie sa
propre activité de se le donner ou, du moins, l’activité d’autres personnes qui ont
contribué à le lui donner.
Cet oubli du travail qu’il a fallu faire, que les autres ont fait pour nous, que nous
avons fait sur nous-mêmes, pour avoir l’illusion d’une transcendance, est à l’ori-
gine d’un usage idéologique de l’expérience par lequel certains s’imaginent,
veulent croire eux-mêmes et faire croire aux autres que leur discours part de l’ex-
périence comme d’un donné absolu, ou qu’il se trouve cautionné par l’expérience,
alors que l’expérience est tout aussi faite que la théorie elle-même6. »
Cette réserve mal placée est également contestée par Sellars, selon lequel
celui qui procède de la sorte

je ne sais pas comment m’en sortir.’ […] une fois que l’esprit […] a [mis] en ordre [les sources d’embarras],
il est satisfait et cesse de se poser la question » ; Wittgenstein L., « Philosophie, §§ 86-93 du Big Types-
cript », trad. fr. et av.-prop. Cometti J.-P., in Wittgenstein L., Philosophica I, Mauvezin, Trans-Europ-
Repress, 1997, 140 p., pp. 26-27, 39 ; Wittgenstein L., « Notes pour le cours sur l’‘expérience privée’ et les
‘sense data’ », in Wittgenstein L., Philosophica II, trad. fr. Rigal E., Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1999,
251 p., pp. 1-113, p. 7. V. également James W., L’idée de vérité, op. cit., pp. v, 56 ; Lock G., Wittgenstein.
Philosophie, logique, thérapeutique, trad. fr. Balibar J., Mangeot P., Lock G., Paris, Presses universitaires de
France, coll. « Philosophies », 1992, 125 p., pp. 110-125.
6. Cléro J.-P., Essai sur les fictions, Paris, Hermann, coll. « La République des lettres », 2014, x+570 p., p. 302.
40 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

« comm[e]t malheureusement une méprise sur la portée de ses découvertes en ne


les situant pas à leur juste place et, par une modestie pardonnable à tous sauf au
philosophe, il confon[d] son propre enrichissement créatif du cadre de la connais-
sance empirique, avec une analyse de la connaissance telle qu’elle était. Il
interpr[ète] en tant que data les particuliers et les arrangements de particuliers
qu’il a fini par être apte à distinguer, et il les estim[e] être des objets antécédents
de connaissance qui, d’une quelconque façon étaient présents dans le cadre dès le
début. Ainsi c’est dans l’acte même de prise en considération [taking] qu’il en
[vient] à parler du donné7. »
De manière radicale, Arthur Schopenhauer a pu écrire que
« Le monde est ma représentation. [… L’homme] sait, en un mot, que le monde
dont il est entouré n’existe que comme représentation, dans son rapport avec un
être percevant, qui est l’homme lui-même. […] Tout ce qui existe existe pour la
pensée, c’est-à-dire, l’univers entier n’est objet qu’à l’égard d’un sujet, perception
que par rapport à un esprit percevant, en un mot, il est pure représentation8. »
22. La prise en compte des arguments d’une conception apparentée au
conventionnalisme conduit à se rapprocher de l’attitude d’auteurs tels que Quine9
ou Putnam. Selon la philosophie « internaliste » ou « réaliste pragmatiste » de ce
dernier, il est radicalement impossible d’avoir un quelconque accès à la réalité
brute dans toute sa pureté. Les « faits » ne sont jamais saisis qu’à travers un cadre
conceptuel, et il est impossible à l’homme de s’extraire de lui-même pour adopter
sur eux le point de vue, totalement extérieur et totalement surplombant, de
Dieu10. Selon Putnam, « la question ‘De quels objets le monde est-il fait’ n’a de sens
que dans une théorie ou une description11. » C’est pourquoi
« L’internalisme ne nie pas que le savoir reçoit des inputs de l’expérience […]. Mais
l’internalisme nie qu’il y ait des inputs qui ne soient pas dans une certaine mesure
influencés par nos concepts, par le vocabulaire que nous utilisons pour les rapporter

7. Sellars W., Empirisme et philosophie de l’esprit, op. cit., p. 123.


8. Schopenhauer A., Le monde comme volonté et comme représentation, trad. fr. Burdeau A., Paris, F. Alcan,
1912, édition numérique, 1634 p., p. 30 accessible à l’adresse https://www.schopenhauer.fr/oeuvres/
fichier/le-monde-comme-volonte-et-comme-representation.pdf (consulté le 5 février 2021). Sur la corré-
lativité entre intellect et matière, l’un n’existant que pour l’autre, v. ibid., pp. 809-812.
9. Quine W.V.O., Le mot et la chose, op. cit., p. 55 : « S’il y a un sens à appliquer le qualificatif de ‘vraie’ à une
phrase, c’est à une phrase exprimée dans les termes d’une théorie donnée et considérée du point de vue
de cette théorie, complète avec les réalités que cette théorie ‘pose’. » V. également ibid., p. 121 : « De n’être
capable de parler de la vérité d’une phrase qu’au sein d’une théorie plus ample, plus englobante, on n’est
guère embarrassé […], parce que nous travaillons toujours au sein d’une certaine langue. »
10. Putnam H., Raison, vérité et histoire, op. cit., pp. 61-87. V. également Putnam H., Fait/valeur : la fin d’un
dogme et autres essais, trad. fr. Caveribère M., Cometti J.-P., Paris, Tel Aviv, L’éclat, coll. « Tiré-à-part »,
2004, 187 p., pp. 119-120 ; Forrai G., Reference, Truth and Conceptual Schemes. A Defense of Internal
Realism, Dordrecht, Kluwer, coll. « Synthese Library », Vol. 296, 2001, 150 p. ; Neurath O., Foundations
of the Social Sciences, Chicago, Ill., The University of Chicago Press, coll. « International Encyclopedia of
Unified Science », Vol. II, No. 1, 1944, iii+51 p., pp. 43, 46.
11. Putnam H., Raison, vérité et histoire, op. cit., p. 61.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 41

et les décrire, ou qu’il y ait des inputs qui admettent une description unique, indé-
pendante de tout choix conceptuel12. »
Déjà, les fondateurs du pragmatisme américain avaient établi, a l’instar de
William James, que « Ce que nous disons de la réalité dépend ainsi de l’angle sous
lequel nous la regardons. Qu’elle soit ne dépend que d’elle, mais ce qu’elle est dépend
de l’angle choisi et ce choix dépend de nous13. » Cornélius Castoriadis souligne de
même
« [qu’] Il n’existe pas de lieu et de point de vue extérieur à l’histoire et à la société,
ou ‘logiquement antérieur’ à celles-ci, où l’on pourrait se tenir pour en faire la
théorie – pour les inspecter, les contempler, affirmer la nécessité déterminée de leur
être-ainsi, les ‘constituer’, les réfléchir ou les refléter dans leur totalité. Toute pensée
de la société et de l’histoire appartient elle-même à la société et à l’histoire14. »
Cette situation relève de l’inscription de toute démarche cognitive dans ce
que Karl Mannheim a conceptualisé comme l’« idéologie » au sens « total »15. Il
s’agit d’une Weltanschauung globale ou d’une perspective d’ensemble qui touche
les formes de la connaissance et implique
« des systèmes de pensée fondamentalement divergents et […] des modes d’expé-
rience et d’interprétation largement différents. Nous touchons le plan théorique
ou noologique toutes les fois que nous considérons non seulement le contenu,
mais aussi la forme et même la charpente conceptuelle d’un mode de pensée16. »
23. Il en résulte que les éléments de droit positif appréhendés lors d’une
comparaison au moyen des concepts généraux construits par la théorie du droit ne
sauraient être purs. Ils ne peuvent qu’être, d’ores et déjà, médiatisés par des
concepts préalables17. Il n’existe donc aucun « donné » au sens plein du terme.
Pour Sellars,

12. Ibid., p. 66.


13. James W., Le pragmatisme, trad. fr. Ferron N., préf. et éd. Madelrieux S., Paris, Flammarion, coll.
« Champs », 2007, 350 p., p. 261. V. également James W., Philosophie de l’expérience, op. cit., pp. 148-149,
165-171, 191, 215 ; Carnap R., La construction logique du monde, op. cit., p. 188 (§ 100) : « Le ‘donné’
n’existe jamais dans la conscience à l’état de matériau pur, non traité, mais toujours déjà au sein de combi-
naisons et de configurations plus ou moins complexes. La synthèse cognitive, le traitement du donné
pour former et représenter les choses, la ‘réalité’, se produit le plus souvent sans intention, ni selon une
procédure consciente. »
14. Castoriadis C., L’institution imaginaire de la société, op. cit., p. 8.
15. Mannheim K., Idéologie et utopie, op. cit., spéc. pp. 41-48, 55-64. Pour une analyse, v. p. ex. Kupiec A.,
Karl Mannheim. Idéologie, utopie et connaissance, Paris, Le Félin Kiron, coll. « Les marches du temps »,
2006, 163 p. V. également Gramsci A., « La science et les idéologies ‘scientifiques’ », L’homme et la société.
Revue internationale de recherches et de synthèses sociologiques, n° 13, 1969, pp. 169-174.
16. Mannheim K., Idéologie et utopie, op. cit., p. 44.
17. Putnam H., Raison, vérité et histoire, op. cit., pp. 61-62, 66-68. V. également Putnam H., Représentation et
réalité, trad. fr. Engel-Tiercelin C., Paris, Gallimard, coll. « Nrf essais », 1990, 226 p., pp. 179-190. V. dans
le même sens Davidson D., « On the Very Idea of a Conceptual Scheme », Proceedings and Addresses of the
American Philosophical Association, Vol. 47, 1973-1974, pp. 5-20.
42 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

« Rejeter le Mythe du Donné revient à rejeter l’idée que la structure catégorielle du


monde – si d’aventure il a une structure catégorielle – s’impose à l’esprit de même
qu’un sceau impose une image sur de la cire molle18. »
Si les éléments empiriques que l’on pourrait considérer comme fondamen-
taux sur le plan de l’origine des connaissances jouissent d’une forme de statut
privilégié, c’est en raison de leur valorisation au regard d’un ensemble de normes
sociales déterminées et susceptibles d’évoluer. D’un point de vue génétique ou
causal, les perceptions ont un rôle essentiel dans le développement de la connais-
sance, qu’elles conditionnent largement. Aussi est-ce dans les « vécus élémen-
taires » subjectifs que Rudolf Carnap situe la base de sa Construction logique du
monde19, où différents niveaux d’objets s’organisent de manière étagée. Mais
ceux-là ne doivent leur autorité épistémique qu’au fait de prendre place dans ce
que Sellars nomme l’« espace des raisons »20, c’est-à-dire une certaine structure de
justification. Aussi les concepts théoriques se limitent-ils, d’un point de vue scien-
tifique, à réordonner ou redécouper des découpages conceptuels préexistants après
leur confrontation à ce qu’ils tentent d’appréhender21. De ce point de vue, les
idées d’« expérience pure » ou d’« existences brutes22 » ne paraissent pouvoir être
comprises que de manière asymptotique. Selon James, par exemple,
« L’‘expérience pure’ est le nom que j’ai donné au flux immédiat de la vie, lequel
fournit la matière première de notre réflexion ultérieure, avec ses catégories concep-
tuelles. Il n’y a que les nouveaux-nés, ou les hommes plongés dans un demi-coma
dû au sommeil, à des drogues, à des maladies ou à des coups, dont on peut supposer
qu’ils ont une expérience pure au sens littéral d’un cela qui n’est encore aucun quoi
défini, bien qu’il s’apprête à être toutes sortes de quoi […]. L’expérience pure, dans

18. Sellars W., « Foundations for a Metaphysics of Pure Process: The Carus Lectures », op. cit., Lecture I, § 45,
accessible à l’adresse http://www.ditext.com/sellars/carus.html (consulté le 5 février 2021). V. Bandini A.,
Wilfrid Sellars et le mythe du donné, op. cit., spéc. pp. 55-67.
19. Carnap R., La construction logique du monde, op. cit., spéc. pp. 138-146 (§§ 64-68). V. également ibid.,
pp. 132-134 (§§ 58-59), 157 (§ 75), 200-201 (§§ 108-109), 289-290 (§§ 177-178).
20. V. par la suite Brandom R.B., L’articulation des raisons. Introduction à l’inférentialisme, trad. fr. Tiercelin C.,
Cometti J.-P., Paris, Editions du Cerf, 2009, 229 p. Sur les engagements argumentatifs qu’assume tout
locuteur de ce point de vue, v. p. ex. Brandom R.B., Between Saying and Doing. Towards an Analytic Prag-
matism, Oxford, Oxford University Press, 2010, xxi+251 p., pp. 111-114, 176-200.
21. V. p. ex. Granger G.-G., « A quoi sert l’épistémologie ? », Droit et société, n° 20-21, 1992, pp. 39-44,
pp. 41-42.
22. Dewey J., Essays in Experimental Logic, Chicago, The University of Chicago Press, 1916, vii+444 p., p. ex.
p. 35 : « The position taken in the essays is frankly realistic in acknowledging that certain brute existences,
detected or laid bare by thinking but in no way constituted out of thought or any mental process, set
every problem for reflection and hence serve to test its otherwise merely speculative results. It is simply
insisted that as a matter of fact these brute existences are equivalent neither to the objective content of the
situations, technological or artistic or social, in which thinking originates, nor to the things to be known of
the objects of knowledge. Let us take the sequence of mineral rock in place, pigiron and the manufactured
article, comparing the raw material in its undisturbed place in nature to the original res of experience,
compare the manufactured article to the objective and object of knowledge, and the brute datum to the
metal undergoing extraction from raw or for the sake of being wrought into a useful thing. »
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 43

cet état, n’est qu’un autre nom pour désigner le sentiment ou la sensation. Mais son
flux tend à se remplir de points d’inflexion aussitôt qu’il se produit, et ces parties
saillantes se trouvent alors identifiées, fixées et abstraites, si bien que l’expérience
s’écoule maintenant comme si elle était criblée d’adjectifs, de noms, de prépositions
et de conjonctions. Sa pureté n’est qu’un terme relatif, désignant la proportion de
sensation non encore verbalisée qu’elle renferme encore23. »
24. La possibilité même de déterminer une priorité gnoséologique entre
concepts et empirie peut être considérée comme douteuse, puisque les concepts
apparaissent façonnés afin d’appréhender des phénomènes qui eux-mêmes ne
sont accessibles qu’à travers des concepts préalables, dont la construction résulte
nécessairement d’une confrontation avec les phénomènes, etc.
Ainsi que le relevait Popper,
« toute hypothèse retenue aura toujours été précédée par des observations, par
exemple celles mêmes qu’elle est destinée à expliquer. Mais celles-ci présuppo-
saient à leur tour l’adoption d’un cadre de référence, d’une grille d’attentes, d’un
cadre théorique24. »
Dans les termes de James, « Dans le monde où nous vivons, il est impos-
sible, sauf par une rétrospection théorique, de débrouiller l’écheveau des contribu-
tions respectives de l’intellect et des sens25. » Ceci tient au fait que, selon lui,
« L’expérience est un processus qui nous donne continuellement de nouveaux
matériaux à digérer. Nous les traitons intellectuellement en les confrontant avec la
masse de croyances dont nous nous trouvons déjà possesseurs : assimilant, reje-
tant, ou réarrangeant plus ou moins26. »
De ce fait,
« Bien qu’une partie de notre expérience puisse s’appuyer sur une autre partie pour la
faire ce qu’elle est, sous l’un quelconque des aspects sous lesquels on peut l’envisager,
l’expérience, dans son ensemble, se suffit à elle-même et ne repose sur rien27. »

23. James W., « La chose et ses relations », in James W., Essais d’empirisme radical, trad. fr. et préf. Garreta G.,
Girel M., Marseille, Agone, coll. « Banc d’essais », 2005, 236 p., pp. 89-107, p. 90. V. également James W.,
L’idée de vérité, op. cit., pp. 55-56. Pour une discussion, v. p. ex. Lapoujade D., William James. Empirisme
et pragmatisme, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, Le Seuil, 2007, 153 p., spéc. pp. 25-58.
24. Popper K.R., Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, op. cit., p. 80.
25. James W., Introduction à la philosophie, op. cit., p. 100. V. également ibid., p. 55 ; Blanché R., L’épisté-
mologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Vol. 1475, 1972, 127 p., pp. 78-87,
120-121 ; Neurath O., « Empirical Sociology. The Scientific Content of History and Political Economy »,
in Neurath O., Empiricism and Sociology, op. cit., pp. 319-421, p. 391 : « Here, then, as also elsewhere in
the empirical sciences, one cannot sever fact-finding from theory-formation » ; Ponsard R., « De la néces-
sité des concepts dans l’analyse du droit. Fabriquer consciemment des instruments d’analyse scientifique-
ment autonomes, ajustés et visionnaires », op. cit., p. 806.
26. James W., L’idée de vérité, op. cit., p. 53. V. dans le même sens ibid., pp. 76, 86, 116, 167.
27. Ibid., p. 108. V. également ibid., pp. 161-162.
44 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

25. Il s’ensuit une orientation vers une vision holiste de la connaissance.


Celle-ci conduit à renoncer à la représentation de notre connaissance comme une
pyramide de justifications au sommet (ou à la base) de laquelle se trouverait un
ensemble de fondements (croyances indémontrées, évidences, données empi-
riques, etc.) insusceptibles d’être questionnés, au profit d’une vision selon laquelle
les différentes croyances ou thèses trouvent leur justification dans leur apparte-
nance à un ensemble cohérent, mais parfaitement faillible, contestable, ajustable
et révisable, d’éléments, qu’elles contribuent à soutenir tout en étant justifiées par
les autres éléments de cet ensemble28. À l’encontre de l’idée d’énoncés protoco-
laires indiscutables, Otto Neurath a été l’un des premiers à faire valoir cette autre
perspective. Selon lui,
« Il n’y a aucun moyen qui permettrait de faire, d’énoncés protocolaires dont on se soit
définitivement assuré de la pureté, le point de départ des sciences. Il n’y a pas de tabula
rasa. Nous sommes tels des navigateurs obligés de reconstruire leur bateau en
haute mer, sans jamais pouvoir le démonter dans un dock et le rebâtir à neuf avec
de meilleures pièces29. »
Aucun élément ne jouit donc de la moindre préséance intrinsèque et insus-
ceptible d’être remise en question en fonction de l’état de ses relations avec les
autres composantes de l’ensemble. À ce titre, « La distinction épistémologique
entre ce qui fonde et ce qui reçoit un fondement est une question de centre de

28. Pour une présentation, v. Dutant J., Engel P., Philosophie de la connaissance. Croyance, connaissance, justi-
fication, Paris, J. Vrin, coll. « Textes clés de philosophie de la connaissance », 2005, 448 p. ; Davidson D.,
« A Coherence Theory of Truth and Knowledge », in Davidson D., The Essential Davidson, Intro. Lepore
E., Ludwig K., Oxford, Clarendon Press, 2006, 282 p., pp. 225-241 ; Lehrer K., « The Coherence Theory
of Knowledge », Philosophical Topics, Vol. 14, 1986, pp. 5-25 ; Elgin C.Z., « Non-foundationalist Epis-
temology: Holism, Coherence, and Tenability », in Steup M., Sosa E. (ed.), Contemporary Debates in
Epistemology, Malden (Mass.), Oxford, Victoria, Blackwell, 2005, x+348 p., pp. 156-167 ; Young J.O.,
« The Coherence Theory of Truth », Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2018, accessible à l’adresse http://
plato.stanford.edu/entries/truth-coherence/ (consulté le 5 février 2021) ; Lehrer K., Theory of Knowledge,
2nd ed., Boulder (Colorado), Westview Press, 2000, x+250 p. ; Thagard P., Coherence in Thought and Action,
Cambridge (Mass.), London, MIT Press, 2000, xiv+312 p. Dans le même sens, dans le domaine juridique,
v. p. ex. Hage J., « The Method of a Truly Normative Legal Science », in Van Hoecke M. (ed.), Methodolo-
gies of Legal Research, op. cit., pp. 19-44.
29. Neurath O., « Enoncés protocolaires », [1932-1933], trad. fr. in Soulez A. (coord.), Manifeste du Cercle de
Vienne et autres écrits, 2e éd., trad. fr., Paris, J. Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 2010,
352 p., pp. 207-218, p. 211. V. également Neurath O., « Anti-Spengler », op. cit., p. 199 ; Neurath O., « Radi-
kaler Physikalismus und ‘Wirkliche welt’ », Erkenntnis, Bd. 4(1), 1934, pp. 346-362 ; Neurath O., « Unified
Science and Its Encyclopedia », Philosophy of Science, Vol. 4(2), 1937, pp. 265-277, p. 276 ; Neurath O.,
Foundations of the Social Sciences, op. cit., p. 47 ; Zolo D., Reflexive Epistemology. The Philosophical Legacy of
Otto Neurath, trad. angl. McKie D., Dordrecht, Boston, Kluwer Academic Publishers, coll. « Boston Studies
in the Philosophy of Science », Vol. 118, 1989, xx+203 p. ; Prono M.I., « Otto Neurath: relevancia y actua-
lidad de su concepción pluralista de la racionalidad », Tópicos, n° 19, 2010, pp. 83-99 ; Jacob P., L’empirisme
logique. Ses antécédents, ses critiques, Paris, Editions de Minuit, coll. « Propositions », 1980, 306 p., p. 121 ;
Barberousse A., Kistler M., Ludwig P., La philosophie des sciences au XXe siècle, op. cit., pp. 10-27.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 45

gravité30. » Aux yeux de Wittgenstein, « La même phrase peut être traitée tantôt
comme quelque chose que l’on vérifie par l’expérience, tantôt comme une règle de
vérification31. » Les critères utilisés à cette fin n’échappent donc pas davantage au
processus de l’activité épistémique, de sorte qu’ils sont eux-mêmes susceptibles
d’être révisés. Alors,
« Pour être cohérent, chaque membre d’un ensemble de croyances doit être
expliqué par d’autres membres de l’ensemble, et jouer un rôle dans l’explication
des autres.
« Certains philosophes estiment que la théorie de la vérité comme cohérence est
particulièrement appropriée dans le domaine éthique […]. Nos croyances morales
incluent des principes moraux, concernant les caractéristiques qui rendent telle
ou telle chose moralement bonne ou mauvaise, ainsi que des jugements particu-
liers concernant la valeur morale de certaines actions ou de certains états de
choses. Nous pouvons expliquer ou justifier nos jugements particuliers sur le
fondement des principes généraux et nous pouvons expliquer ou justifier les prin-
cipes généraux en montrant comment ils s’agencent les uns avec les autres dans
une théorie morale cohérente et correspondent à nos jugements particuliers au
sujet de cas précis32. »
La perspective cohérentiste héritée de Neurath33 invite, dans les termes de
Sellars, à considérer que
« La connaissance empirique, de même que son extension sophistiquée, la science,
est en effet rationnelle non pas du fait qu’elle possèderait un fondement, mais
parce qu’elle est une entreprise se corrigeant d’elle-même, et pouvant mettre en
péril n’importe quelle affirmation, quoique pas toutes à la fois34. »
Ainsi que le note également Jean-Pierre Cometti,
« Ce que la théorie de la connaissance [traditionnelle] ignore, c’est que la connais-
sance n’a pas pour critère l’adéquation de nos représentations, mais le type

30. Quine W.V.O., Le mot et la chose, op. cit., p. 47.


31. Wittgenstein L., De la certitude, trad. fr. Moyal-Sharrock D., Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de
philosophie », 2006, 210 p., p. 42.
32. Wrenn C., Truth, Cambridge, Malden (Mass.), Polity, coll. « Key Concepts in Philosophy Series », 2015,
xi+200 p., pp. 58-59.
33. V. p. ex. Neurath O., « Enoncés protocolaires », op. cit., p. 213 : « Le processus de transformation des
sciences consiste en ce que des énoncés utilisés à une époque donnée ont été ultérieurement écartés pour
être le plus souvent remplacés par d’autres. […] Si l’on nous propose maintenant un nouvel énoncé, nous
le comparons avec le système qui est à notre disposition et nous effectuons alors un contrôle pour savoir si
ce nouvel énoncé est en contradiction avec le système ou non. » V. également Neurath O., Foundations of
the Social Sciences, op. cit., pp. 13-14, 24-26, 42. V. à ce sujet Zolo D., Reflexive Epistemology. The Philoso-
phical Legacy of Otto Neurath, op. cit. V. également, malgré ce qui le sépare de Neurath, Carnap R., Logische
Syntax der Sprache, Wien, J. Springer, 1934, xii+274 p., pp. 243-250 (§ 82).
34. Sellars W., Empirisme et philosophie de l’esprit, op. cit., p. 83. V. dans le même sens Ajdukiewicz K., « Logic
and Experience », Synthese, Vol. 8(6-7), 1950-1951, pp. 289-299 ; Goodman N., Faits, fictions et prédic-
tions, av.-prop. Putnam H., trad. fr. Abran M., Larose R., Gauthier Y., Houde R., Paris, Les éditions de
minuit, coll. « Propositions », 1984, 132 p., spéc. pp. 53, 80-82.
46 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

d’accord qui se réalise entre les hypothèses que l’on fait et la manière dont les
conséquences en sont satisfaites au regard des problèmes que l’on vise à résoudre.
Les résultats auxquels on parvient n’ont en ce sens rien à voir avec quelque vérité
ou critère de vérité qui leur préexisterait, si bien qu’ils sont par là même ouverts à
toute révision qui serait imposée par les circonstances35. »
Aussi sont-ce essentiellement des « versions » différentes de ce qui est décrit
qui sont confrontées les unes aux autres36. À titre d’illustration, Bruno Théret
propose en ce sens, au sujet d’une étude relative à la typologie comparée des orga-
nisations constitutionnelles de type fédéral, de construire et négocier des
compromis entre approche théorico-déductive « top-down » et approche empirico-
inductive « bottom-up » :
« Un tel compromis est rendu possible par le fait que ces deux approches ne
sauraient être totalement autonomes puisqu’il n’existe pas de faits bruts qui pour-
raient advenir directement à notre conscience dans toute leur supposée pureté
factuelle. La saisie empirique des faits est toujours marquée au sceau de nos
préconceptions, c’est-à-dire d’un état antérieur de théorisation plus ou moins
implicite, matrice cognitive grâce à laquelle nous nous représentons et saisissons
les faits sociaux37. »
26. Concept et empirie – et donc théorie du droit et droit comparé – s’im-
pliquent donc mutuellement, de manière « cyclique » ou « circulaire », appelant
constamment une réactualisation l’un de l’autre. James parlait à ce titre d’une
conception « ambulatoire38 » de la connaissance. Autorisant le rattachement à la
famille, plurielle, des épistémologies dites « constructivistes »39 et au paradigme de

35. Cometti J.-P., La démocratie radicale. Lire John Dewey, Paris, Gallimard, 2016, 338 p., p. 125.
36. Goodman N., Manières de faire des mondes, trad. fr. Popelard M.-D., Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2006,
228 p., p. ex. pp. 19, 22, 131-152. V. également Di Robilant E., Modelli nella filosofia del diritto, Bologna,
Il Mulino, coll. « Saggi », Vol. 72, 1968, 210 p., p. ex. p. 201 ; Rosch E., « Principles of Categorization », in
Margolis E., Laurence S. (ed.), Concepts. Core Readings, Cambridge, London, The MIT Press, 1999, x+652 p.,
pp. 189-206, pp. 190-191 ; Rorty R., Objectivisme, relativisme et vérité, trad. fr. Cometti J.-P., Paris, Presses
universitaires de France, coll. « L’interrogation philosophique », 1994, 248 p., pp. 105-132, présentant la
recherche comme un effort pour imaginer de nouveaux contextes et recontextualiser les pensées.
37. Théret B., « Du principe fédéral à une typologie des fédérations : quelques propositions », in Gaudreault-
DesBiens J.-F., Gélinas F. (dir.), Le fédéralisme dans tous ses états. Gouvernance, identité et méthodologie / The
States and Moods of Federalism. Governance, Identity and Methodology, Bruxelles, Bruylant, Cowansville,
Québec, Y. Blais, 2005, xxi+474 p., pp. 99-133, p. 110.
38. James W., L’idée de vérité, op. cit., pp. 122-126.
39. V. spéc. Le Moigne J.-L., Les épistémologies constructivistes, op. cit. ; Le Moigne J.-L., Le constructivisme.
Tome 1, Les enracinements, Paris, Budapest, Torino, L’Harmattan, coll. « Ingénium », 2004, 298 p. ; Le
Moigne J.-L., Le constructivisme. Tome 2, Epistémologie de l’interdisciplinarité, Paris, Budapest, Torino,
L’Harmattan, coll. « Ingénium », 2002, 362 p. ; Le Moigne J.-L., Le constructivisme. Tome 3, Modéliser pour
comprendre, Paris, Budapest, Torino, L’Harmattan, coll. « Ingénium », 2003, 335 p. ; Le Moigne J.-L., La
théorie du système général. Théorie de la modélisation, 4e éd., 1994, 2006, xxiv+338 p., accessible à l’adresse
http://www.intelligence-complexite.org/inserts/ouvrages/0609tsgtm.pdf (consulté le 17 février 2021).
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 47

la « pensée complexe »40, cette perspective valorise l’idée d’une boucle récursive
fondée sur
« l’inséparabilité entre l’acte de connaître un ‘objet’ et l’acte de ‘se’ connaître
qu’exerce le sujet connaissant : cette interaction cognitive entre l’objet ou le
phénomène à connaître et le sujet connaissant forme à la fois la connaissance de
l’objet (en ‘organisant le monde’) et le mode d’élaboration de la connaissance par
le sujet (‘l’intelligence s’organisant elle-même’)41. »
Une telle démarche se découvre une certaine affinité avec la « pensée en
spirale » qui est celle des peuples indigènes. Repoussant l’idée d’un déterminisme
linéaire entre substances particulières figées, elle met en valeur les processus d’inter-
connexion qui opèrent dans le mouvement de la pensée. La spirale intègre ainsi
élégamment toutes les parties et toutes les étapes du raisonnement comme si elles
contribuaient à égalité à sa propre dynamique. Ce mouvement solidaire n’a pas de
terme logique ni temporel, mais fonctionne à l’inclusion toujours renouvelée d’élé-
ments nouveaux, placés dans une relation de complémentarité et de réciprocité42.
Ainsi que le relève Charles C. Ragin en envisageant plus précisément la
méthode comparative,
« En pratique, cependant, il n’existe pas d’ordinaire de tel fossé intentionnel entre
la formation des hypothèses et des concepts, d’une part, et l’analyse des données,
d’autre part. La plupart des découvertes, à tout le moins la plupart des décou-
vertes intéressantes, résultent le plus souvent d’un type de formation des concepts
et des hypothèses ancré dans des analyses de données préliminaires. En d’autres
termes, la plupart des hypothèses et des concepts sont raffinés, souvent refor-
mulés, après que les données ont été collectées et analysées. Les études initiales des
données présentes conduisent souvent à constater l’inadéquation des formula-
tions théoriques initiales, et un genre de dialogue s’établit entre les outils concep-
tuels que le chercheur développe pour comprendre les données, et l’analyse de ces
données elle-même43. »

40. Morin E., La méthode. Tome I, La nature de la nature, Paris, Editions du Seuil, 1977, 398 p. ; Morin E., La
méthode. Tome II, La vie de la vie, Paris, Editions du Seuil, 1980, 471 p. ; Morin E., La méthode. Tome III,
La connaissance de la connaissance : anthropologie de la connaissance, Paris, Editions du Seuil, 1986, 243 p. ;
Morin E., La méthode. Tome IV, Les idées : leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation, Paris, Editions
du Seuil, 1991, 261 p. ; Morin E., La méthode. Tome V, L’humanité de l’humanité : l’identité humaine, Paris,
Editions du Seuil, 2001, 357 p. ; Morin E., La méthode. Tome VI, Ethique, Paris, Éditions Points, 2014,
271 p. ; Morin E., Introduction à la pensée complexe, Paris, Editions Points, 2014, 158 p.
41. Le Moigne J.-L., Les épistémologies constructivistes, op. cit., p. 72, faisant référence aux travaux de Jean
Piaget. V. également ibid., pp. 67-89, 101, 108.
42. V. p. ex. Gavilán Pinto V.M., El pensamiento en espiral. El paradigma de los pueblos indígenas, Santiago,
Ñuke Mapuförlaget, 2012, 162 p.
43. Ragin C.C., The Comparative Method. Moving Beyond Qualitative and Quantitative Strategies, Berkeley,
Los Angeles, London, University of California Press, 1987, xv+185 p., p. 164. V. dans le même sens
Brady H., Collier D. (ed.), Rethinking Social Inquiry. Diverse Tools, Shared Standards, Lanham (Md.),
Rowman & Littlefield, 2004, xx+362 p., p. 37 décrivant le processus de recherche comme un cycle reliant
les étapes suivantes : (1) définition d’une question de recherche ; (2) spécification de la théorie ; (3) sélec-
48 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

27. In fine, en radicalisant cette conception et en lui offrant une formulation


très générale, il semble possible d’affirmer que la valeur de la construction proposée
se mesure au caractère « satisfaisant », c’est-à-dire intellectuellement ou pratique-
ment « payant »44, – chacun étant juge de ce qui lui agrée – du monde qu’elle
permet de construire et de l’histoire qu’elle permet corrélativement de raconter45.
Selon James,
« Toute idée qui, soit au point de vue pratique, soit au point de vue intellectuel,
nous aide dans nos rapports avec la réalité ou avec ce qui s’y rattache, qui n’entrave
pas notre marche en avant en nous réservant des déceptions, qui convient en fait
et adapte notre vie à l’agencement total de la réalité, répondra suffisamment à ce
qu’on exige d’elle. En ce qui concerne cette réalité, elle sera vraie.
« Le vrai pour nous résumer, n’est pas autre chose que ce qui est avantageux dans
l’ordre de nos pensées46. »
Aussi l’enquête scientifique, faite de paris conceptuels successifs qui sont
tour à tour testés du point de vue de leurs conséquences pratiques pour celui qui
les emploie, a-t-elle partie liée avec les intérêts locaux de celui qui la mène. James
note encore en ce sens que « Nous disons que telle théorie résout ce problème de
façon globalement plus satisfaisante que telle autre, mais cela veut dire plus satis-
faisante pour nous, et les critères de satisfaction varient selon chaque personne47. »
Tout concept dépend donc d’un intérêt cognitif48. Il s’ensuit, selon Cléro, que
« Si l’on a besoin de ces commensurabilités [entre objets d’études du comparatiste],
il faut pouvoir se les donner et, plutôt que de rencontrer l’ontologie comme un
obstacle, admettre le primat de la déontologie et du pratique afin de se donner les
opérations ontologiques, c’est-à-dire les commensurabilités dont on a besoin49. »

tion et observation de cas ; (4) inférences descriptives ; (5) inférences causales ; (6) test et reformulation de
la théorie ; (7) retour à l’étape de définition d’une question de recherche.
44. L’expression est de William James, cité par Dewey J., « Le développement du pragmatisme américain »,
Revue de métaphysique et de morale, Vol. 29(4), 1922, pp. 411-430, p. 421 n. 1. V. p. ex. James W.,
Introduction à la philosophie, op. cit., p. 61 : « Eprouvez tout concept au moyen de cette question : ‘Quelle
différence sensible la vérité de ce concept entraînera-t-elle pour quelqu’un ?’ ». V. également ibid., p. 114 ;
James W., Philosophie de l’expérience, op. cit., pp. 26, 148-149.
45. Sur cette idée, v. p. ex. Rorty R., Objectivisme, relativisme et vérité, op. cit., p. 83.
46. James W., L’idée de vérité, op. cit., p. iii. V. également ibid., pp. 63, 76, 103-104, 116, 134, 167, 207-210.
47. James W., Le pragmatisme, op. cit., p. 125. V. dans le même sens James W., L’idée de vérité, op. cit., pp. 76,
209-210 ; Dewey J., Reconstruction en philosophie, op. cit., passim ; Cassirer E., Language and Myth, trad.
angl. Langer S.K., New York, Dover Publications Inc., 1953, x+103 p., pp. 37-39 ; Nagel E., The Structure
of Science. Problems in the Logic of Scientific Explanation, Indianapolis, Cambridge, Hackett Publishing
Company, 1979, xiii+618 p., pp. 485-487.
48. V. p. ex., très explicitement, Treiber H., « The Dependence of the Concept of Law upon Cognitive Inte-
rest », Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, Vol. 66, 2012, pp. 1-47.
49. Cléro J.-P., Essai sur les fictions, op. cit., p. 234. V. dans le même sens Bourcier B., La pensée cosmopolitique
de Jeremy Bentham (1748-1832), 2 Vol., Th. Philosophie, Université de Rouen, 2016, 523+367 p., Vol. 1,
pp. 45-124.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 49

De manière plus abrupte, au regard de cette forme de « souveraineté concep-


tuelle de l’homme50 » identifiée par Quine, Richard Rorty propose de reformuler
le concept de vérité ou de science de sorte à n’en faire que ce que l’on gagne à
croire, dans la continuité de ce que les utilitaristes ont fait pour la redéfinition de
la morale51.
28. De ce point de vue, c’est donc vers une forme de pragmatisme, où droit
comparé et théorie générale du droit s’appellent consciemment l’un l’autre, que
s’oriente la métaméthodologie proposée52. Dans le même sens, Rudra Sil et Peter J.
Katzenstein ont pu proposer une forme d’« éclectisme analytique ». Selon ces
auteurs,
« L’éclectisme analytique ne constitue pas un modèle de recherche alternatif. C’est
une position intellectuelle qu’un chercheur peut adopter lorsqu’il poursuit des
recherches qui engagent, mais qui ne cadrent pas parfaitement avec, les traditions
de recherche établies dans une discipline ou un domaine donné. Nous identifions
l’éclectisme analytique en fonction de trois caractéristiques qui le distinguent de la
pratique conventionnelle intégrée dans les traditions de recherche. Premièrement,
il procède au moins implicitement sur la base d’un éthos pragmatiste, manifesté
concrètement par la recherche d’arguments théoriques de portée moyenne qui
pourraient potentiellement porter sur des questions concrètes de politique et de
pratique. Deuxièmement, il aborde des problèmes d’envergure qui, contrairement
à des problèmes de recherche plus étroitement ciblés conçus pour tester des théo-
ries ou combler des lacunes dans les traditions de recherche, intègrent davantage la
complexité et le désordre de certaines situations du monde réel. Troisièmement, en
construisant des arguments de fond liés à ces problèmes, l’éclectisme analytique
élabore des histoires causales complexes qui renoncent à la parcimonie afin de saisir
les interactions entre différents types de mécanismes causaux normalement
analysés isolément les uns des autres dans des traditions de recherche distinctes53. »

50. Quine W.V.O., Le mot et la chose, op. cit., p. 30. V. également ibid., p. 183.
51. Rorty R., L’homme spéculaire, trad. fr. Marchaisse T., Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1990,
438 p., p. 342. V. dans le même sens James W., « Pragmatism’s Conception of Truth », in James W., Prag-
matism and Other Writings, Gunn G.B. Intro. et ed., New York, Penguin Books, 2000, xxxix+358 p., acces-
sible à l’adresse http://www.sophia-project.org/uploads/1/3/9/5/13955288/james_truth.pdf (consulté le 5
février 2021), p. 8 : « ‘the true’ is only the expedient in the way of our thinking, just as ‘the right’ is only
the expedient in the way of our behaving. » V. également Leiter B., Naturalizing Jurisprudence. Essays on
American Legal Realism and Naturalism in Legal Philosophy, Oxford, New York, Oxford University Press,
2007, viii+287 p., pp. 133-134.
52. V. spéc. James W., Le pragmatisme, op. cit., pp. 255-279.
53. Sil R., Katzenstein P.J., « Analytic Eclectism in the Study of World Politics: Reconfiguring Problems and
Mechanisms Accross Research Traditions », Perspectives on Politics, Vol. 8, 2010, pp. 411-431, p. 412. Sur
le principe de prolifération, conduisant à maximiser la formulation d’hypothèses et de théories, y compris
lorsqu’elles sont incompatibles avec les points de vue reçus, v. spéc. Feyerabend P.K., Realism, Rationa-
lism, and Scientific Method. Philosophical Papers Volume 1, Cambridge, New York, Melbourne, Cambridge
University Press, 1981, xiv+353 p., pp. 104-109, 140-145.
50 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

En dépassant les « paradigmes54 » de Thomas S. Kuhn, les « programmes de


recherche55 » de Imre Lakatos ou les « traditions de recherche56 » de Larry Laudan,
qui représentent les uns et les autres des engagements épistémologiques fonda-
mentaux qui conditionnent et gouvernent le champ, le contenu, la progression et
la validation de l’enquête scientifique, il s’agit de développer la créativité en
surmontant les limites et les hiérarchies scientifiques conjoncturelles préexistantes
et en favorisant une communication très libre entre approches cognitives57.
En conséquence, une multiplicité de méthodologies peut être développée et
mérite de l’être58. Si métalangage comparatiste il y a, celui-ci ne peut définitive-
ment pas être neutre, mais nécessairement impliqué et solidaire d’un « acte d’atten-
tion59 » particulier ou d’une « perspective60 » déterminée, qui contribuent, à l’égal
d’une multiplicité d’autres, à ordonner une forme d’équilibre nécessairement
instable entre « concepts » et « percepts ». En insistant sur le fait qu’« il n’existe pas
de point de vue absolument public et universel [, que] des perceptions privées et
incommunicables demeurent toujours, et [que] le pire est que ceux qui les
cherchent depuis l’extérieur ne savent jamais où61 », cette sensibilité conduit à faire
face de manière d’autant plus pressante à une seconde objection, tout en permet-
tant de l’affronter de manière plus sereine.

54. Kuhn T.S., The Structure of Scientific Revolutions, 3rd ed., Chicago, Ill., London, University of Chicago
Press, 1996, xiv+212 p.
55. Lakatos I., Histoire et méthodologie des sciences, op. cit. Pour une utilisation du point de vue de la doctrine
juridique, v. p. ex. Baumert R., « Les programmes doctrinaux en droit constitutionnel », Jus politicum.
Revue de droit politique, n° 24, 2020, pp. 209-230.
56. Laudan L., Progress and its Problems. Towards a Theory of Scientific Growth, London, Henley, Routledge and
Kegan Paul, 1977, x+257 p.
57. V. spéc. Sil R., Katzenstein P., Beyond Paradigms. Analytical Eclecticism in the Study of World Politics,
Palgrave, MacMillan, coll. « Political Analysis », 2010, xv+263 p., pp. 1-2, 4, 10, 43-48.
58. Se prononçant également en ce sens, v. p. ex. Grossfeld B., The Strength and Weakness of Comparative Law,
Oxford, Clarendon Press, 1990, x+123 p., pp. 11-12 ; Palmer V.V., « From Lerotholi to Lando: Some
Examples of Comparative Law Methodology », The American Journal of Comparative Law, Vol. 53(1), 2005,
pp. 261-290 ; Husa J., « Methodology of Comparative Law Today: From Paradoxes to Flexibility? », Revue
internationale de droit comparé, Vol. 58, 2006, pp. 1095-1117 ; Adams M., Bomhoff J., « Against ‘Compara-
tive Method’: Explaining Similarities and Differences », in Adams M., Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory
in Comparative Law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2012, ix+342 p., pp. 279-301 ;
Berthelot J.-M., L’intelligence du social. Le pluralisme explicatif en sociologie, Paris, Presses universitaires de
France, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 1990, 249 p. ; Berthelot J.-M., « Programmes, paradigmes, disci-
plines : pluralité et unité des sciences sociales », in Berthelot J.-M. (dir.), Epistémologie des sciences sociales,
Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige Manuels », 2012, xii+593 p., pp. 457-519.
59. Wittgenstein L., Les cours de Cambridge (1932-1935), op. cit., pp. 213-219, 250.
60. Sur le « perspectivisme scientifique », offrant une forme de voie médiane entre « réalisme objectif » et
constructivisme radical, v. Giere R.N., Scientific Perspectivism, op. cit.
61. James W., Talks to Teachers on Psychology: and to Students on Some of Life’s Ideals, New York, Henry Holt
and Company, 1899, xi+196 p., p. v.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 51

II. L’OBJECTION D’ETHNOCENTRISME


29. La seconde difficulté consiste fondamentalement à affirmer qu’outre sa naïveté
en son principe même, l’idée d’un métalangage neutre et compréhensif, que la
théorie générale du droit fournirait au droit comparé, dissimule mal, précisément
sous couvert d’y échapper, une forme d’ethnocentrisme. Selon Rorty, « De fait,
nous ne disposons d’aucun langage pouvant servir de matrice neutre permanente, au
sein de laquelle on pourrait formuler toutes les hypothèses explicatives recevables,
et nous n’avons pas la moindre idée quant à la manière d’en construire un62. » Cette
difficulté n’est autre qu’une version de problèmes herméneutiques très généraux,
mis en évidence notamment par Hans-Georg Gadamer63. Il est impossible de
comprendre un objet culturel dans ses « propres » termes, c’est-à-dire en se libérant
de ses habitudes, croyances, préjugés, attentes, interprétations, formes de vie, etc.
Tout observateur est toujours placé dans une certaine disposition intellectuelle ou
situé dans des modèles et des préconceptions en fonction desquels, inévitablement,
il organise ses perceptions et ses pensées, et qui les conditionnent nécessairement64.
30. De façon significative, Louis Assier-Andrieu rapporte la manière dont,
chacun ramenant l’inconnu au connu lors de leur premier contact, les Aztèques
ont assimilé les cavaliers d’Hernán Cortès à des centaures mythologiques, tandis
que les conquistadors considéraient les premiers comme des bêtes65.
Du point de vue anthropologique, Philippe Descola a établi l’existence de
manières très diverses de « découper dans la trame des choses66 », « d’habiter le
monde et de lui donner un sens67 » et, par voie de conséquence, de connaître le
monde. Elles relèvent selon lui de quatre catégories68 :

62. Rorty R., L’homme spéculaire, op. cit., p. 384.


63. Gadamer H.-G., Vérité et Méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, éd. fr. Fruchon P.,
Grondin J., Merlio G., Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1996, 533 p., spéc. pp. 286-292,
312-321.
64. V. également Skinner Q., « Meaning and Understanding in the History of Ideas », History and Theory,
Vol. 8, 1969, pp. 3-53, spéc. p. 6 ; Dunn J., « The Identity of the History of Ideas », Philosophy, Vol. 43,
1968, pp. 85-104. De manière fondamentale, v. Wittgenstein L., Remarques philosophiques, Rhees R. (ed.),
trad. fr. Fauve J., Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1975, 330 p., p. 87 (VI, § 58) : « De tous les langages qui
ont comme centre les divers hommes, langages que je comprends tous, celui qui m’a comme centre a une
place à part. Il est particulièrement adéquat. Comment puis-je exprimer cela ? Autrement dit comment
puis-je, par des mots, re-présenter ce privilège de façon correcte ? Ce n’est pas possible. Car si je le fais dans
le langage dont je suis le centre, le point de vue exceptionnel de la description que fait ce langage dans ses
propres termes n’est pas sujet d’étonnement, alors que, selon le mode d’expression d’un autre langage, mon
langage n’occupe pas la moindre position privilégiée. »
65. Assier-Andrieu L., L’autorité du passé. Essai anthropologique sur la Common Law, Paris, Dalloz, coll. « Les
sens du droit », 2011, 271 p., p. 127.
66. Descola P., Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2013,
623 p., p. 127.
67. Ibid., p. 534.
68. Ibid., pp. 163-333 ; Descola P., La composition des mondes, op. cit., pp. 124-125, 195-217.
52 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

« Les formules autorisées par la combinaison de l’intériorité et de la physicalité sont


très réduites : face à un autrui quelconque, humain ou non humain, je peux
supposer soit qu’il possède des éléments de physicalité et d’intériorité identiques
aux miens, soit que son intériorité et sa physicalité sont distinctes des miennes, soit
encore que nous avons des intériorités similaires et des physicalités hétérogènes, soit
enfin que nos intériorités sont différentes et nos physicalités analogues. J’appellerai
‘totémisme’ la première combinaison, ‘analogisme’ la deuxième, ‘animisme’ la troi-
sième et ‘naturalisme’ la dernière. Ces principes d’identification définissent quatre
grands types d’ontologie, c’est-à-dire de systèmes de propriétés des existants,
lesquels servent de point d’ancrage à des formes contrastées de cosmologies, de
modèles du lien social et de théories de l’identité et de l’altérité69. »
Le totémisme associe des ensembles d’unités sociales à des objets naturels.
Les différences entre ces derniers servent à rendre compte des distinctions qui
doivent être établies au niveau social. L’analogisme subdivise l’existant en une
multitude d’éléments qui ne sont séparés les uns des autres que par de faibles
écarts, de sorte que la recherche de continuités et de ressemblances entre eux
permet, sans que l’homme soit doté d’une position privilégiée, de rendre la diver-
sité supportable. L’animisme tient à l’imputation par les humains à des non-
humains (animaux, plantes, etc.) d’une intériorité ou d’une culture identique à la
leur, malgré leur hétérogénéité physique. La différenciation s’opère non par l’âme,
mais par les corps, de sorte qu’à la discontinuité naturelle s’oppose une continuité
culturelle. Le naturalisme repose sur la continuité des physicalités et la disconti-
nuité des intériorités. L’Occident raisonne principalement de cette dernière
manière et considère que la différence qui oppose les humains aux autres êtres
vient de notre conscience, de notre subjectivité, de notre maîtrise des symboles,
etc., les mouvements antispécistes tendant à remettre en cause une telle
conception70. De ces ontologies découlent des attitudes cognitives et épistémiques
distinctes, qui démontrent à quel point un appareil conceptuel particulier est
nécessairement enchâssé dans une situation très locale71.
31. Parmi les comparatistes, Pierre Legrand est l’auteur qui défend avec le
plus de vigueur la thèse selon laquelle les droits qui sont l’objet de la comparaison

69. Descola P., Par-delà nature et culture, op. cit., p. 176.


70. V. p. ex. Singer P., Animal Liberation. The Definitive Classic of the Animal Movement, New York, Harper-
Collins, 2009, xiii+311+32 p. ; Regan T., The Case for Animal Rights, 2nd ed., Berkeley, Los Angeles,
University of California Press, 2004, lv+425 p. ; Regan T., Animal Rights, Human Wrongs. An Introduction
to Moral Philosophy, Lanham (Md.), Rowman & Littlefield Publishers, 2003, xiii+141 p. ; Bonnardel Y.,
Lepeltier T., Sigler P. (dir.), La révolution antispéciste, préf. Larue R., Paris, Presses universitaires de France,
2018, 356 p. ; Jeangène Vilmer J.-B., Ethique animale, préf. Singer P., Paris, Presses universitaires de
France, 2008, 304 p.
71. V. également Nisbett R.E., The Geography of Thought. How Asians and Westerners Think Differently… and
Why, London, Yarmouth, Maine, Nicholas Brealey Publishing, 2003, xxiii+263 p. ; Nisbett R.E., Peng K.,
Choi I., Norenzayan A., « Culture and Systems of Thought: Holistic vs. Analytic Cognition », Psychological
Review, Vol. 108, 2001, pp. 291-310.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 53

sont solidaires d’environnements culturels, intellectuels, linguistiques, historiques,


sociaux, psychologiques, etc., qu’ils incorporent au point d’être difficilement
commensurables les uns aux autres72. Il en résulte notamment que le transfert d’une
règle juridique d’un système à un autre est à ses yeux radicalement impossible :
« Un élément crucial de la qualité de règle de la règle – sa signification – ne survit
pas au voyage d’un système juridique à un autre. […] A mesure que les mots
traversent les frontières, une rationalité et une moralité différentes interviennent
pour souscrire et réaliser les mots empruntés : la culture hôte continue d’articuler
ses recherches morales selon des standards de justification traditionnels. Ainsi, la
forme verbale importée se voit nécessairement attribuer une signification diffé-
rente, locale, qui en fait ipso facto une règle différente73. »
Sur le plan méthodologique, le passage d’une culture à l’autre qu’implique
toute comparaison satisfaisante ne peut jamais être opéré qu’à partir d’un point de
vue déterminé, de sorte que toute prétention à concevoir une langue et une grille
conceptuelle, c’est-à-dire les éléments d’une théorie générale du droit, capables de
surplomber plusieurs droits, est illusoire. Le biais induit par la culture originelle
de l’auteur74, et notamment la première culture juridique dans laquelle il a été
formé, paraît inévitable75. Ainsi que le souligne encore Legrand,

72. V. p. ex. Legrand P., Le droit comparé, 4e éd., Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? »,
Vol. 3478, 2011, 127 p. ; Legrand P., « La comparaison des droits expliquée à mes étudiants », in Legrand P.
(dir.), Comparer les droits, résolument, op. cit., pp. 209-244 ; Legrand P., « Sur l’analyse différentielle des
juriscultures », Revue internationale de droit comparé, Vol. 51, 1999, pp. 1053-1071 ; Legrand P., « The
Same and the Different », in Legrand P., Munday R. (ed.), Comparative Legal Studies: Traditions and Tran-
sitions, op. cit., pp. 240-331 ; Legrand P., « ‘What Can You Say, Words It Is, Nothing Else Going’ », Inter-
national Journal for the Semiotics of Law, Vol. 26(4), 2013, pp. 805-832 ; Legrand P., Pour la relevance des
droits étrangers, Paris, IRJS éd., 2014, x+454 p.
73. Legrand P., « The Impossibility of ‘Legal Transplants’ », Maastricht Journal of European and Comparative
Law, Vol. 4, 1997, pp. 111-124, p. 117. En faveur de la position inverse, v. p. ex. Del Vecchio G.,
« Sull’idea di una scienza del diritto universale comparato », in Elsenhans T. (Hrsg.), Bericht über den
III. Internationalen Kongress für Philosophie, Heidelberg, Carl Winter´s Universitätsbuchhandlung, 1909,
xv+1138 p., pp. 1037-1052, p. 1047.
74. V. p. ex. Douglas M., « Cultural Bias », in Douglas M., In the Active Voice, London, Boston, Routledge &
Kegan Paul, 1982, xi+306 p., pp. 183-254.
75. Legrand P., Le droit comparé, op. cit., p. ex. pp. 5-6, 11, 13-14, 46, 58-59, 83. V. p. ex. dans le même sens
Izorche M.-L., « Propositions méthodologiques pour la comparaison », Revue internationale de droit comparé,
Vol. 53, 2001, pp. 289-325 ; Izorche M.-L., « Approches épistémologiques de la comparaison des droits », in
Legrand P. (dir.), Comparer les droits, résolument, op. cit., pp. 123-146, pp. 140-141 ; Crossman B., « Turning
the Gaze Back on Itself: Comparative Law, Feminist Legal Studies, and the Postcolonial Project », Utah
Law Review, 1997, pp. 525-544 ; Dannemann G., « In Search of System Neutrality: Methodological Issues
in the Drafting of European Contract Law Rules », in Adams M., Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory in
Comparative Law, op. cit., pp. 96-119, p. 100 ; Ponthoreau M.-C., Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s),
op. cit., pp. 65-73, 94-97, 124, 205 ; Zoller E., « Qu’est-ce que faire du droit constitutionnel comparé ? »,
Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n° 32, 2000, pp. 121-134 ; Zoller E.,
« La méthode comparative en droit public », in Le droit à l’épreuve des siècles et des frontières. Mélanges en
l’honneur du Professeur Bertrand Ancel, Paris, LGDJ, 2018, 1604 p., pp. 1571-1594.
54 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

« Toute altérité est recueillie par un horizon de compréhension propre au soi – une
précompréhension – qui s’inscrit dans une tradition, donc qui renvoie à une
prétention de vérité émanant d’un contexte vivant de convictions, d’habitudes et
de jugements de valeur communs. C’est dire que ce qui est, pour le comparatiste,
n’existe qu’à la mesure de la signification, en fait culturellement déterminée, que
cela prend pour lui76. »
Selon Catherine Valcke, il est possible d’identifier trois segments dans « l’ob-
jection du biais d’origine de l’observateur extérieur » :
« (1) la connaissance des règles de compréhension d’arrière-plan d’un système
juridique est essentielle pour comprendre ses règles juridiques formelles ; (2) les
règles de compréhension d’arrière-plan diffèrent selon les systèmes juridiques ; et
(3) étant de nature culturelle, ces règles ne peuvent pas être intériorisées par une
réflexion consciente77. »
Le risque est celui que Joachim Matthes a dénommé « Nostrifizierung » ou
« notrification ». Cette opération consiste à appréhender et comprendre autrui
comme s’il était identique à nous-mêmes. Elle résulte notamment du fait que les
tertia comparationis au moyen desquels la comparaison est effectuée se révèlent
souvent des projections culturelles de l’univers dont provient le comparatiste. À ce
titre, ils risquent de ne pas autoriser de comparaison permettant de mettre en regard
deux droits distincts compris dans leurs propres termes, mais uniquement une
lecture qui réduit l’altérité à la « mêmeté »78. Telle est également la conclusion, invi-
tant à la prudence, que suggèrent les socioépistémologues. Les constructions concep-
tuelles demeurent marquées par les contextes qui président à leur élaboration.
Malgré sa critique de la méthode d’élaboration des concepts théoriques à
partir d’un droit positif donné, qui conduit par exemple à couler la lecture des
institutions étrangères dans le moule des institutions nationales, la prétention à
bâtir un métalangage théorique neutre n’échapperait pas, bien que située à un
niveau de langage supérieur, à son inscription dans un contexte déterminé, qui
conduit à ce que
« le chercheur est toujours, d’une manière ou d’une autre, partie prenante du
champ d’observation ; il a investi son objet ne serait-ce que par sa langue, par les
catégories et les concepts qu’il utilise, par son expérience historique, par les savoirs
préalables auxquels il se réfère, etc. Sa position est donc décentrée79. »

76. Legrand P., « Sur l’analyse différentielle des juriscultures », op. cit., p. 1058.
77. Valcke C., Comparing Law. Comparative Law as Reconstruction of Collective Commitments, op. cit., p. 113.
V., de manière plus détaillée, ibid., pp. 112-121.
78. Matthes J., « The Operation Called ‘Vergleichen’ », op. cit., pp. 83-84. V. également sur ce risque Busino G.,
« Pour une ‘autre’ théorie de la comparaison », Revue européenne des sciences sociales, Vol. 24, n° 72, 1986,
pp. 209-216.
79. Werner M., Zimmermann B., « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales. Histoire,
sciences sociales, Vol. 58(1), 2003, pp. 7-36, p. 11.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 55

Ainsi, les catégories théoriques proposées à titre de grille de lecture d’une


pluralité de droits n’ont aucune validité éternelle ni universelle80. Surtout, elles ne
peuvent être élaborées que dans une langue81, et à partir de questionnements qui
présentent nécessairement un caractère local et situé. Toute grille de lecture théo-
rique apparaît ainsi marquée par les « cryptotypes82 » de son auteur, voire par ce
que Louis Althusser présentait comme la « philosophie spontanée des savants83 ».
Ainsi que l’indiquait Wittgenstein dans ses Carnets, « ta connaissance de l’esprit en
général ne vient que de toi-même84. »
32. C’est pourquoi la réflexion épistémologique envisagée ne peut prétendre
parvenir miraculeusement à une situation de transcendance archimédienne vis-à-
vis des attaches qui sont celles de l’auteur. À tout le moins un effort délibéré doit-il
être réalisé afin de porter méthodiquement à la conscience ces présupposés et d’en
maîtriser, autant que possible, l’impact sur le choix du sujet de recherche, l’orien-
tation de l’étude, la construction des démonstrations, etc. Il apparaît indispensable
d’identifier aussi clairement et explicitement que possible ce que Guy Jucquois
appelle « la topique », c’est-à-dire le lieu depuis lequel le sujet connaissant s’exprime

80. V. p. ex. Barnes B., Bloor D., « Relativism, Rationalism, and the Sociology of Knowledge », in Hollis M.,
Lukes S. (ed.), Rationality and Relativism, Oxford, B. Blackwell, 1982, viii+312 p., pp. 21-47 ; Casto-
riadis C., L’institution imaginaire de la société, op. cit., pp. 8, 19, 48-54, 59, 247 ; De Verdalle L., Vigour C.,
Le Bianic T., « S’inscrire dans une démarche comparative. Enjeux et controverses », Terrains et travaux, n° 21,
2012, pp. 5-21, pp. 14-15 ; Balkin J.M., « Understanding Legal Understanding: The Legal Subject and the
Problem of Legal Coherence », Yale Law Journal, Vol. 103, 1993-1994, pp. 105-176, spéc. pp. 140-143 ;
Werner M., Zimmermann B., « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », op. cit., pp. 7-36 ;
Vattimo G., De la realidad. Fines de la filosofía, op. cit.
81. Sur cet aspect, v. spéc. Großfeld B., « Comparatists and Language », in Legrand P., Munday R. (ed.), Compara-
tive Legal Studies: Traditions and Transitions, op. cit., pp. 154-194 ; Grossfeld B., Core Questions of Comparative
Law, trad. angl. Grosswald Curran V., Durham (N.C.), Carolina Academic Press, 2005, xiii+261 p., passim,
spéc. pp. 9-17, 45-53, 89, 105, 125, 161-166. Sur la dépendance de la pensée vis-à-vis du langage, v. spéc.
Sapir E., « The Status of Linguistics as a Science », in Sapir E., Selected Writings in Language, Culture and
Personality, Mandelbaum D.G. (ed.), Berkeley, University of California Press, 1949, xv+617 p., pp. 160-166 ;
Whorf B.L., « Sciences and Linguistics », in Whorf B.L., Language, Thought, and Reality. Selected Writings of
Benjamin Lee Whorf, Carroll J.B. (ed.), foreword Chase S., Cambridge (Mass.), London, The Technology Press
of Massachusetts Institute of Technology, John Wiley & Sons, 1956, xi+278 p., pp. 207-219 ; Whorf B.L.,
« Languages and Logic », ibid., pp. 233-245. Pour une discussion, v. p. ex. Gipper H., Gibt es ein sprachliches
Relativitätsprinzip? Untersuchungen zur Sapir-Whorf-Hypothese, Frankfurt am Main, S. Fischer, « Conditio
humana », 1972, xx+349 p. ; Ajdukiewicz K., « Sprache und Sinn », Erkenntnis, Vol. 4, 1934, pp. 100-138 ;
Ajdukiewicz K., « Das Weltbild und die Begriffsapparatur », Erkenntnis, Vol. 4, 1934, pp. 259-287.
82. V. sur cette notion Sacco R., « Legal Formants: A Dynamic Approach to Comparative Law (Installment I of
II) », op. cit. ; Sacco R., « Legal Formants: A Dynamic Approach to Comparative Law (Installment II of II) »,
op. cit. ; Sacco R., La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, op. cit., spéc. pp. 105-108.
83. Althusser L., Philosophie et philosophie spontanée des savants, 1967, Paris, François Maspero, coll. « Théorie.
Cours de philosophie pour scientifiques », 1974, 157 p. Sur Althusser et le droit comparé, v. par ailleurs
Marrani D., « Althusser in Avatar: Comparative Law as a Science and the Haunting of the Subject », in De
Sutter L. (ed.), Althusser and Law, Abingdon, Routledge, coll. « Nomikoi. Critical Legal Thinkers », 2013,
ix+160 p., pp. 95-110.
84. Wittgenstein L., Carnets : 1914-1916, trad. fr., intro. et notes Granger G.G., Anscombe G.E.M., Von
Wright G.H. (éd.), Paris, Gallimard, 1997, 249 p., p. 157.
56 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

et le lieu où se situe l’objet analysé : « Il s’agit de procéder à une interprétation


consciente, ce qui suppose la topicalisation du processus de comparaison, la distan-
ciation par rapport à l’objet et la finalisation des objectifs de la comparaison85. »
Du point de vue d’une discipline telle que le droit comparé, tel est précisé-
ment l’enjeu du recours à la théorie du droit. Dans une perspective scientifique, il
s’agit de rendre aussi explicites que possible et aussi accessibles que possible sur le
plan intersubjectif ces présupposés et les choix qu’ils conduisent à opérer. S’ils
sont à proprement parler inévitables, leur claire exposition doit faciliter une
discussion ouverte et sans quiproquos86, et permettre à chacun d’assumer la
responsabilité de ses thèses87. Ainsi que l’indique Rorty dans une version radicale
dont on peut ne pas partager toutes les conséquences,
« [Le] holisme [de Sellars et de Quine] résulte de leur adhésion à la thèse que la
justification ne relève pas d’une relation spéciale entre des idées (ou des mots) et
des objets, mais est de l’ordre de la conversation, de la pratique sociale. La justifi-
cation conversationnelle est, pour ainsi dire, naturellement holiste, alors que la
notion de justification qui s’enracine dans la tradition de la théorie de la connais-
sance est réductrice et atomistique. […] La prémisse cruciale de cet argument est
que nous saisissons ce qu’est la connaissance dès lors que nous comprenons
comment nos croyances se justifient socialement ; ainsi, il n’est nul besoin de la
concevoir comme une exactitude de la représentation.
« À partir du moment où la conversation remplace la confrontation, la notion de
l’esprit-miroir-de-la-nature peut être abandonnée. L’idée que la philosophie serait
une discipline qui rechercherait – parmi les représentations qui forment le ‘miroir’

85. Jucquois G., « Le comparatisme, éléments pour une théorie », in Jucquois G., Vielle C. (éd.), Le compa-
ratisme dans les sciences de l’homme. Approches pluridisciplinaires, Bruxelles, De Boeck Université, coll.
« Méthodes en sciences humaines », 2000, 469 p., pp. 17-46, p. 32.
86. En ce sens, v. spéc. Fourez G., La construction des sciences, op. cit., p. 236, invoquant « une éthique de
chercheurs qui essaient de mettre en évidence les diverses possibilités et bifurcations éventuelles des dévelop-
pements technologiques. Leur objectif est de donner aux divers groupes intéressés suffisamment d’éléments
pour que le débat, finalement politique […] puisse se faire dans une certaine rationalité partagée et selon
les principes de la démocratie. On peut considérer le T.A. [Technology Assessment] comme une sorte de
processus de critique idéologique. » V. également ibid., p. 327. Du point de vue des comparatistes, v. spéc.
Legrand P., Le droit comparé, op. cit., pp. 73-125 ; Ponthoreau M.-C., « Le droit comparé en question(s) entre
pragmatisme et outil épistémologique », Revue internationale de droit comparé, Vol. 57, 2005, pp. 7-27, spéc.
p. 18 ; Ponthoreau M.-C., Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), op. cit., pp. 82-84 ; Lemmens K., « Compa-
rative Law as an Act of Modesty: A Pragmatic and Realistic Approach to Comparative Legal Scholarship »,
in Adams M., Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory in Comparative Law, op. cit., pp. 302-325, spéc. p. 314 ;
Detienne M., Comparer l’incomparable. Oser expérimenter et construire, Paris, Le Seuil, 2009, 188 p., p. 62.
87. V. en ce sens Carrette J., « Etudes religieuses comparatives et éthique de la connaissance : de la moralité des
catégories », in Legrand P. (dir.), Comparer les droits, résolument, op. cit., pp. 509-536, p. 513 ; Dewey J.,
Experience and Nature, 2nd ed. [1929], Chicago, La Salle (Ill.), Open Court, 1994, xx+360 p., pp. 27-29 ;
Ponsard R., « La possibilité d’une analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridiquement
critique », op. cit., p. 45 ; Le Moigne J.-L., La théorie du système général. Théorie de la modélisation, op.
cit., passim. Sur les engagements argumentatifs qu’assume tout locuteur, v. p. ex. Brandom R.B., Between
Saying and Doing, op. cit., pp. 111-114, 176-200.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 57

– celles qui ont un statut privilégié, devient alors proprement inintelligible. Un


holisme conséquent est incompatible avec l’idée que la philosophie est une entre-
prise ‘conceptuelle’, ‘apodictique’, indiquant les ‘fondements’ du reste de la
connaissance, expliquant quelles représentations sont des ‘données pures’ et
quelles autres sont ‘purement conceptuelles’, présentant une ‘notation canonique’
(plutôt qu’une découverte empirique), ou isolant des ‘catégories heuristiques
transculturelles’. En concevant la connaissance comme une affaire de conversa-
tion et de pratique sociale, plutôt que comme une tentative de refléter la nature,
nous ne serons pas enclins à envisager une métapratique qui serait la critique de
toutes les formes possibles de pratiques sociales. C’est pourquoi le holisme induit
(comme Quine l’a montré en détail, et comme Sellars l’a noté en passant) une
conception de la philosophie qui n’a rien à voir avec la quête de la certitude88. »
33. Il ne semble donc pas tenable ni opportun de soutenir que la théorie
générale du droit est en mesure de permettre au comparatiste de se doter d’un
métalangage totalement neutre. Ainsi que le note Günter Frankenberg, « la
neutralité fictive stabilise l’influence et l’autorité de la perspective propre du
comparatiste, et entretient la bonne conscience avec laquelle les comparatistes
déploient les dichotomies, distinctions et systématisations qu’ils s’imposent à eux-
mêmes89. » En effet, du point de vue d’une théorie de l’émancipation,
« Chaque individu ne peut avoir sur le monde qu’un point de vue. Rien, a priori,
n’autorise à concevoir ces points de vue comme partagés ou comme susceptibles
de converger sans difficulté. Aucun individu […] n’est en mesure de dire aux
autres, à tous les autres, ce qu’il en est de ce qui est et, même lorsqu’il paraît en avoir
le pouvoir, n’a l’autorité nécessaire pour le faire90. »
Aussi certains auteurs relèvent-ils le caractère « colonisateur » de certaines
formes de savoir, notamment mises en valeur par la pensée occidentale91.

88. Rorty R., L’homme spéculaire, op. cit., p. 195.


89. Frankenberg G., « Critical Comparisons: Re-thinking Comparative Law », Harvard International Law
Journal, Vol. 26, 1985, pp. 411-455, p. 425. V., de manière plus ample, Frankenberg G., Comparative
Law as Critique, op. cit.
90. Boltanski L., De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard, coll. « Nrf. Essais »,
2009, 294 p., p. 96.
91. V. p. ex. De Sousa Santos B., Vers un nouveau sens commun juridique. Droit, science et politique dans la
transition paradigmatique, trad. fr. Gonzales Lajoie N., Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », Vol. 39, 2004,
xiii+703 p. ; De Sousa Santos B., Refundación del Estado en América latina. Perspectivas desde una episte-
mología del Sur, Quito, Abya-Yala, Universidad Politécnica Salesiana, 2010, 237 p. ; Lander E. (coord.),
La colonialidad del saber. Eurocentrismo y ciencias sociales: perspectivas latinoamericanas, 2a ed., Buenos
Aires, Fundación Centro de Integración, Communicación, Cultura y Sociedad, Consejo Latinoameri-
cano de Ciencias Sociales, 2011, 264 p. ; Escobar A., Más allá del Tercer mundo. Globalización y diferencia,
Bogotá, Instituto colombiano de antropología e historia, Popayán, Universidad del Cauca, 2005, 274 p. ;
Zóttola L., Indisciplinados aproximaciones a sentipensar la investigación, Santiago del Estero, EDUNSE,
Editorial Universitaria, col. « Ciencia y técnica », 2018, 169 p. ; Aa. Vv., Prácticas otras de conocimiento(s).
Entre crisis, entre guerras, 3 Vol., pres. Escobar A., pról. De Sousa Santos B., San Cristóbal de Las Casas,
Chiapas, México, Cooperativa editorial Retos, 2018, 487 p., 487 p., 171 p. ; Cullinan C., Wild Law. A
Manifesto for Earth Justice, foreword Berry T., 2nd ed., Cambridge, Green Books, Cape Town, EnAct Inter-
58 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

De plus, ainsi que le relève Jack M. Balkin, postuler l’existence d’un obser-
vateur impartial et détaché, sans culture ni histoire juridiques, revient soit à se
figurer un individu qui n’a pas les compétences pour réaliser une compréhension
des phénomènes humains, soit à ériger implicitement, voire par inadvertance, une
culture particulière au niveau d’un idéal. À rebours d’une telle démarche et en lien
avec la manière dont peut être affrontée l’objection gnoséologique, il est essentiel
de mettre en évidence la contribution active du sujet connaissant à la construction
de l’objet connu, et de souligner par exemple à quel point décrire le droit conduit
immanquablement à le transformer92 :
« La compréhension juridique n’est pas la réception passive d’un objet inerte par
une conscience qui ne serait pas affectée par l’acte de compréhension. À l’inverse,
la compréhension juridique, comme toute compréhension, affecte nos croyances
et nos vies. C’est quelque chose que nous faisons subir à l’objet d’interprétation, et
que l’objet interprété nous fait subir. […] Le pouvoir de l’idéologie consiste préci-
sément dans le pouvoir que les outils de notre compréhension ont sur nous. Nous
avons besoin d’outils de compréhension afin de donner un sens au monde, mais,
tout comme nos membres et nos yeux, ces outils deviennent une partie de nous.
Ceux qui donnent forme aux outils de notre compréhension ou les contrôlent ont
un certain pouvoir sur nous, parce que nous sommes, dans une large mesure, les
outils de notre propre compréhension93. »
34. Outre un champ d’application pour cette vision renouvelée, ouverte-
ment pragmatiste, instrumentale et relativiste de la théorie du droit, la pratique
du droit comparé offre précisément une manière de stimuler sa créativité, en
développant son caractère auto-critique et réflexif. En retenant que chaque
discours est dépendant de la « perspective » du locuteur, que celui-ci choisit tout
autant qu’il se trouve constitué par elle, le pragmatisme fonde un anti-réduction-
nisme méthodologique. Il refuse tout essentialisme des catégories et conduit à
raisonner, selon une expression chère à Charles Sanders Peirce, en termes
d’« enquête94 », c’est-à-dire moins en termes de conventions ou de décisions

nationnal, 2011, 206 p. ; Ávila Santamaría R., La utopía del oprimido. Los derechos de la pachamama (natu-
raleza) y el sumak kawsay (buen vivir) en el pensamiento crítico, el derecho y la literatura, México, Akal / Inter
pares, 2019, 398 p., spéc. pp. 253-261, valorisant la méthode du « sentipensar ». Relayant cette perspective
du point de vue de la méthodologie du droit comparé, v. spéc. Bagni S., « All you Need [to Compare] is
Love », in Bagni S. (coord.), El constitucionalismo por encima de la crisis. Propuestas para el cambio en un
mundo (des)integrado, Bologna, Filodiritto, 2016, 252 p., pp. 10-25 ; Bagni S., « ‘All you Need [to Compare]
is Love’ Revisited », Comparative Law Review, Vol. 9, 2018, pp. 54-73 ; Amico di Meane T., « Metodologia e
Diritto comparato alla ricerca della ‘creatività’. Verso un approccio flessibile », Annuario di diritto comparato
e di studi legislativi, Vol. 10, 2019, pp. 165-197 ; Restrepo Medina M.A. (ed.), Interculturalidad, protección
de la Naturaleza y construcción de paz, Bogotá, D.C., Editorial Universidad del Rosario, 2020, xiv+522 p.
92. V. spéc. en ce sens Forray V., Pimont S., Décrire le droit… et le transformer. Essai sur la décriture du droit,
Paris, Dalloz, coll. « Méthodes du droit », 2017, vii+371 p.
93. Balkin J.M., « Understanding Legal Understanding: The Legal Subject and the Problem of Legal Cohe-
rence », Yale Law Journal, Vol. 103, 1993-1994, pp. 105-176, p. 166.
94. Peirce C.S., « The Fixation of Belief », Popular Science Monthly, Vol. 12, November 1877, pp. 1-15.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 59

conceptuelles offrant des grilles de lecture du droit positif, qu’en termes de


processus d’élaboration et de réélaboration de conventions. De ce point de vue,
« Le pragmatisme est une méthode d’évaluation pratique des conventions. La ques-
tion propre à la méthode pragmatique peut désormais se formuler ainsi : avec
quelles idées doit-on passer des conventions pour augmenter, consolider son senti-
ment de confiance, pour élargir son champ d’action ou son champ de pensée ?95 »
Une telle perspective conduit de la sorte à révéler et problématiser le contexte
qui structure les objets autant que la démarche qui se rapporte à eux. À partir d’une
réflexion portant sur la systématique des concepts juridiques, Åke Frändberg note
ainsi :
« Il existe quelque chose qui pourrait être appelé ‘le cadre général de la pensée juri-
dique’ ou, pourquoi pas, ‘la théorie fondamentale de la pensée juridique’. Cela
consiste en concepts, en méthodes, en jugements de valeur, en ‘principes’ et en
d’autres habitudes et modes de pensée plus ou moins conscients et réfléchis qui sont
globalement communs aux membres de la profession juridique dans une société
donnée à un moment donné. […] La théorie fondamentale ne se présente jamais
d’une manière explicite et systématique dans le droit de tous les jours ; elle est impli-
cite, par exemple, dans la pensée de la dogmatique juridique, du juge et de l’avocat
au sujet des problèmes juridiques, et dans leur comportement linguistique96. »
La comparaison juridique peut contribuer à mettre au jour cette structure
mentale. S’il paraît impossible de s’évader de soi par une quelconque forme
d’épochè, l’étude comparative offre précisément un moyen précieux pour opérer
un décentrement vis-à-vis de ses propres conditionnements et faire l’expérience de
ceux-ci. Elle permet, ainsi que le relèvent à propos de difficultés comparables les
spécialistes de l’« histoire croisée », « d’en contrôler les incidences à partir d’un
travail d’objectivation des rapports multiformes à l’objet – tout en sachant que
cette objectivation restera toujours partielle –, afin de mieux maîtriser les biais
qu’ils sont susceptibles d’introduire dans les résultats de l’enquête97. »
Le processus comparatiste implique des ajustements successifs au sein même
de la grille d’analyse qui est appliquée à l’objet d’étude98, selon un mouvement qui
se rapproche d’une forme de dialectique99. À titre d’exemple, à l’occasion d’une

95. Lapoujade D., William James. Empirisme et pragmatisme, op. cit., p. 122. Sur les liens qui en résultent entre
science, enquête, libéralisme et démocratie, v. spéc. Dewey J., Le public et ses problèmes, trad. fr. et prés.
Zask J., Paris, Gallimard, 2015, 336 p. ; Dewey J., Logique. La théorie de l’enquête, 2e éd., trad. fr. et prés.
Deledalle G., Paris, Presses universitaires de France, coll. « L’interrogation philosophique », 1993, 693 p. ;
Cometti J.-P., La démocratie radicale, op. cit., pp. 99-133.
96. Frändberg Å., « An Essay on the Systematics of Legal Concepts. A Study of Legal Concept Formation »,
op. cit., p. 113.
97. Werner M., Zimmermann B., « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », op. cit., pp. 20-21.
98. V. p. ex. Pegoraro L., Diritto costituzionale comparato. La scienza e il metodo, op. cit.,p. 146 ; Van Hoecke M.
« Legal Doctrine: Which Method(s) for What Kind of Discipline », op. cit., p. 16.
99. V. p. ex. en ce sens Althusser L., Philosophie et philosophie spontanée des savants, 1967, op. cit., pp. 97, 113-114.
60 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

étude comparative sur les précédents juridictionnels, Jan Komárek explique avoir
opéré un va-et-vient entre théorie et droit positif afin de construire un concept de
précédent nécessairement influencé par la jurisprudence locale, mais en même
temps suffisamment autonome et général pour servir de grille de lecture dans le
cadre de l’opération de comparaison100. Une démarche de ce type est parfaitement
courante dans les sciences dures. Aux dires de Carl G. Hempel,
« Ce processus peut se comparer à ce mode de construction d’un pont sur une
rivière : on dispose d’abord des pontons ou des piliers provisoires enfoncés dans le lit
de la rivière, puis on utilise le pont comme une plateforme pour consolider et même
éventuellement pour déplacer les fondations, puis de nouveau on ajuste et on
agrandit la superstructure, de manière à réaliser progressivement un système entier
dont les fondations et la structure soient de plus en plus solides101. »
Ces ajustements permettent, sinon de gagner en détachement, à tout le
moins de progresser dans la conscience des attachements. Selon Frankenberg,
« nous pouvons transcender la perspective, nous apprenons, comprenons et éprouvons
de l’empathie vis-à-vis de ce que nous trouvons ‘étrange’, ‘étranger’ ou ‘exotique’, à la
condition de toujours reconnaître que nous sommes les participants d’une culture et les
observateurs de toutes les autres. Transcender la perspective signifie réaliser que nous
utilisons notre langage, qui est lié à notre culture, pour appréhender ce qui est nouveau
et apparemment différent de nous. Alors que nous ne pouvons nous débarrasser à
volonté de nous-mêmes, de notre histoire cognitive et de son bagage de présuppositions
et de perspectives, nous pouvons néanmoins essayer d’en rendre compte honnêtement
et consciemment, en les soumettant à un réexamen auto-critique102. »
Ainsi il semble possible, dans une mesure nécessairement limitée, de prendre
ses distances vis-à-vis de soi, de s’observer et de se comprendre, de suspendre sa
participation et son engagement dans une pratique en développant des métapra-
tiques tendanciellement critiques103.

100. Komárek J., « Reasoning with Previous Decisions », in Adams M., Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory in
Comparative Law, op. cit., pp. 49-73.
101. Hempel C.G., Eléments d’épistémologie, préf. Brenner A., trad. fr. Saint-Sernin B., Paris, Armand Colin,
coll. « Bibliothèque des classiques », 2012, 202 p., p. 168. V. également, plus généralement, Hempel C.G.,
Fundamentals of Concept Formation in Empirical Science, Chicago, London, The University of Chicago
Press, coll. « International Encyclopedia of Unified Science », Vol. II(7), 1952, iii+93 p.
102. Frankenberg G., « Critical Comparisons: Re-thinking Comparative Law », op. cit., pp. 442-443. V. égale-
ment Frankenberg G., Comparative Law as Critique, op. cit., pp. 70-112. V. par ailleurs dans ce sens Descola
P., Par-delà nature et culture, op. cit., p. 419 ; Ascarelli T., « Premesse allo studio del diritto comparato »,
in Ascarelli T., Studi di diritto comparato e in tema de interpretazione, Milano, Giuffrè, 1952, liii+335 p.,
pp. 3-40, p. 10 ; Pegoraro L., Diritto costituzionale comparato. La scienza e il metodo, op. cit.,p. 41.
103. V., quoique de manière moins nuancée, Kahn P.W., The Cultural Study of Law. Reconstructing Legal Scholarship,
op. cit., pp. 31-40 ; Kahn P.W., « Freedom, Autonomy, and the Cultural Study of Law », in Sarat A., Simon J.
(ed.), Cultural Analysis, Cultural Studies, and the Law. Moving Beyond Legal Realism, Durham, London, Duke
University Press, 2003, iii+366 p., pp. 154-187, spéc. pp. 177-180. V. également Berthoud G., « La compa-
raison : une idée ambigüe », Revue européenne des sciences sociales, Vol. 24, n° 72, 1986, pp. 5-15.
3 – UNE ÉCHAPPATOIRE À L’ANTINOMIE : UNE MÉTAMÉTHODOLOGIE D’ORIENTATION PRAGMATISTE 61

35. L’approche pragmatiste semble par ailleurs particulièrement précieuse en


ce que, ouverte au débat, elle comporte une dimension très libérale sur le plan épis-
témologique104. Empêchant par principe tout monolithisme, elle est de nature à
susciter un débat métaméthodologique. Celui-ci doit favoriser l’identification des
diverses manières possibles d’aborder la comparaison juridique, les présupposés
méthodologiques ou substantiels dont ils sont solidaires, et les résultats que l’on
peut en attendre. À l’instar de Marie-Claire Ponthoreau, selon laquelle « Il n’y a pas
de bonne méthode. Il n’y a que des démarches comparatives argumentées qui justi-
fient les choix opérés » et qui « se prononce [en conséquence] pour un comparatisme
pluraliste105 », il ne semble pas, en effet, qu’il faille, en la matière, se faire le défenseur
d’une orthodoxie qui ne retienne qu’une seule et unique méthode de comparaison
admissible106. La diversité en la matière doit être admise et recherchée, selon les
objets étudiés, les propos des auteurs, les outils mobilisés, les fins assignées à l’opé-
ration comparative : « La méthode comparative doit déboucher sur le pluralisme
herméneutique ou mieux sur le pluralisme en tant que principe herméneutique107. »
Si l’une des richesses du droit comparé est notamment sa dimension subversive108,
c’est dans la variété des décentrements, la multiplicité des renouvellements de points
de vue, et la richesse des narrations qu’il permet de produire, bref pour la vigueur
des surprises dont il est porteur, qu’il mérite d’être cultivé109.

104. Insistant sur cet aspect, v. spéc. Husa J., « Farewell to Functionalism or Methodological Tolerance? », Rabels
Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatsrecht, Bd. 67(3), 2003, pp. 419-447 ; Lemmens K.,
« Comparative Law as an Act of Modesty: A Pragmatic and Realistic Approach to Comparative Legal Scho-
larship », in Adams M., Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory in Comparative Law, op. cit., pp. 302-325.
105. Ponthoreau M.-C., Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), op. cit., p. vi. V. également ibid., pp. 62, 101, 205.
106. V. également en ce sens Somma A., Introduzione al diritto comparato, op. cit., pp. 147-148, 153-154,
176 ; Van Hoecke M., « Methodology of Comparative Legal Research », op. cit. ; Hirschl R., Comparative
Matters, op. cit. ; Nielsen L.B., « The Need for Multi-Method Approaches in Empirical Legal Research »,
in Cane P., Kritzer H. (ed.), The Oxford Handbook of Empirical Legal Research, New York, Oxford, Oxford
University Press, 2010, xv+1094 p., pp. 951-975 ; Brady H., Collier D. (ed.), Rethinking Social Inquiry,
op. cit. ; Brewer J., Hunter A., Foundations of Multimethod Research. Synthesizing Styles, Thousand Oaks
(Calif.), Sage Publications, 2006, xxxi+206 p. ; Lieberman E., « Nested Analysis as a Mixed Method Stra-
tegy for Comparative Research », American Political Science Review, Vol. 99(3), 2005, pp. 435-352.
107. Jucquois G., « Le comparatisme, éléments pour une théorie », op. cit., p. 35.
108. Fletcher G.P., « Comparative Law as a Subversive Discipline », The American Journal of Comparative Law,
Vol. 46(4), 1998, pp. 683-700 ; Muir Watt H., « La fonction subversive du droit comparé », Revue inter-
nationale de droit comparé, Vol. 52, 2000, pp. 503-527. V. également Muir Watt H., « New Challenges in
Public and Private International Legal Theory: Can Comparative Scholarship Help? », in Van Hoecke M.
(ed.), Epistemology and Methodology of Comparative Law, op. cit., pp. 271-283, p. 272 ; Großfeld B.,
« Comparatists and Language », in Legrand P., Munday R. (ed.), Comparative Legal Studies: Traditions and
Transitions, op. cit., pp. 154-194.
109. V. dans le même sens Adams M., Bomhoff J., « Comparing Law: Practice and Theory », in Adams M.,
Bomhoff J. (ed.), Practice and Theory in Comparative Law, op. cit., pp. 1-21, p. 5. En faveur d’un cadre
méthodologique compréhensif, v. cependant Oderkerk M., « The Need for a Methodological Framework
for Comparative Legal Research - Sense and Nonsense of ‘Methodological Pluralism’ Comparative Law »,
Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht, Vol. 79, 2015, pp. 589-623.
Conclusion

Un soulagement nécessairement précaire

34. À partir de la nécessité d’affronter les objections que suscitent les différentes
manières d’agencer l’un avec l’autre droit comparé et théorie du droit, peuvent
ainsi sembler jetés, quoique de manière très partielle, les fondements métamétho-
dologiques de la recherche et les précautions dont elle devra s’entourer, afin
d’éviter les deux écueils identifiés par Mark van Hoecke. Selon lui,
« la plupart des recherches comparatives ont fait preuve d’un remarquable opti-
misme épistémologique naïf, procédant à des comparaisons comme si comparer des
systèmes juridiques n’impliquait aucun problème épistémologique spécifique, ou
comme si la réalisation de ces études pouvait être isolée de ces problèmes plus
théoriques qui pouvaient être laissés aux théoriciens du droit. […] D’un autre
côté, en réaction à ces problèmes, un pessimisme épistémologique fort a conduit à la
pure et simple négation de toute possibilité de comparer les systèmes juridiques,
et à plus forte raison de les harmoniser1. »
L’un des avantages notables d’une approche ouvertement pragmatiste paraît
notamment tenir dans la conscience qu’elle impose du caractère impliqué et relatif
de nos entreprises, qui ne sont rien d’autre que des pratiques sociales, à la fois
conditionnées et finalisées. Elle leur confère ainsi le caractère de tentatives pour,
modestement, dire des choses intéressantes aux autres, ou plus exactement les leur
soumettre afin qu’ils les discutent, dans le cadre d’une entreprise intellectuelle
intrinsèquement collective autant qu’individuelle2.
35. Dans la mesure où la méthode finalement retenue dépend de facteurs
contextuels locaux, il ne fait pas de doute que les conditions de ce choix peuvent

1. Van Hoecke M., « Deep Level Comparative Law », in Van Hoecke M. (ed.), Epistemology and Methodo-
logy of Comparative Law, op. cit., pp. 165-195, pp. 172-173. Tentant également de surmonter l’opposition
entre relativisme absolu et position de surplomb acculturel, v. Hartmut R., « Lebensformen vergleichen und
verstehen. Eine Theorie der dimensionalen Kommensurabilität von Kontexten und Kulturen », Handlung,
Kultur, Interpretation. Zeitschrift für Sozial- und Kulturwissenschaften, Bd. 8(1), 1999, pp. 10-42 ; Peters A.,
Schwenke H., « Comparative Law Beyond Post-Modernism », The International and Comparative Law Quar-
terly, Vol. 49(4), 2000, pp. 800-834. Pour une cartographie des types d’attitudes comparatistes, v. Franken-
berg G., Comparative Law as Critique, op. cit., pp. 77-112. Sur les difficultés du comparatisme, v. également
Siems M.M., « The End of Comparative Law », Journal of Comparative Law, Vol. 2, 2007, pp. 133-150.
2. Sur l’importance de la communauté dans la pensée pragmatiste, v. p. ex. Lapoujade D., William James.
Empirisme et pragmatisme, op. cit., pp. 130-145.

63
64 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

elles-mêmes faire l’objet d’une étude, le cas échéant comparatiste3. Ainsi que le
note Geoffrey Samuel,
« ce que le droit comparé devrait avoir comme premier objet, ce sont les modèles
qui peuvent être utilisés pour construire les faits [… de sorte qu’il] devrait
permettre d’étudier la structure interne de la connaissance juridique. […] Le droit
comparé, en d’autres termes, peut aller loin afin de tester la construction par
chaque système de sa propre réalité sociale perçue4. »
Dépassant les relations instrumentales entre théorie générale du droit et
droit comparé, une telle perspective établit une connexion plus intime entre eux.
Si l’on comprend la « Comparative jurisprudence [comme] l’étude comparative des
conceptions intellectuelles qui sous-tendent les institutions principales d’un ou
plusieurs systèmes juridiques étrangers5 », elle oriente vers une forme d’étude
comparative de la construction des consciences juridiques6. Elle ouvre l’objet des
études de droit comparé aux mentalités juridiques et aux déterminismes contex-
tuels qui président à l’élaboration des méthodes d’analyse comparative, et plaide
pour une forme de « comparaison des comparaisons »7 visant à « comprendre
comment les individus encapsulés dans une culture sont capables de pénétrer la
pensée d’individus encapsulés dans une autre8. »
36. La proposition qui vient d’être esquissée doit admettre avec lucidité
qu’elle ne « résout » donc à proprement parler aucun des deux problèmes fonda-
mentaux qu’elle a identifiés. Elle espère simplement avoir la vertu wittgenstei-
nienne de soulager, ne serait-ce que temporairement et de manière discutable et
révisable, de l’inconfort profond qui semble consubstantiel de la méthodologie
juridique comparatiste.

3. Concernant une comparaison des manières de réaliser la comparaison, v. p. ex. Besson S., Heckendorn
Urscheler L., Jubé S. (dir.), Comparing Comparative Law, Zürich, Schulthess, coll. « Publications de l’Ins-
titut suisse de droit comparé », Vol. 82, 2017, 220 p. ; Burger M., Calame C. (ed.), Comparer les compa-
ratismes. Perspectives sur l’histoire et les sciences des religions, Paris, Edidit, Milano, Archè, 2006, 238 p. ;
Rose R., « Comparing Forms of Comparative Analysis », Political Studies, Vol. 39, 1991, pp. 446-462.
4. Samuel G., « Comparative Law and Jurisprudence », op. cit., pp. 827, 833 et 836. V. dans le même sens
Samuel G., « Epistemology and Comparative Law: Contributions from the Sciences and Social Sciences »,
op. cit., spéc. pp. 74-76 ; Samuel G., « Taking Methods Seriously (Part Two) », op. cit., pp. 233-235 ;
Somma A., Introduzione al diritto comparato, op. cit., p. 66 ; Van Hoecke M., « Preface », in Van Hoecke M.
(ed.), Methodologies of Legal Research, op. cit., pp. v-ix, p. vii ; Valcke C., Comparing Law. Comparative Law
as Reconstruction of Collective Commitments, op. cit., pp. 121-132.
5. Ewald W., « Comparative Jurisprudence (I): What Was It Like to Try a Rat? », University of Pennsylvania
Law Review, Vol. 143, 1995, pp. 1889-2149, p. 2114.
6. V. spéc. Ewald W., « Comparative Jurisprudence (I): What Was It Like to Try a Rat? », op. cit. ; Ewald W.,
« Comparative Jurisprudence (II): The Logic of Legal Transplants », American Journal of Comparative Law,
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Guide to ‘Rats’ », American Journal of Comparative Law, Vol. 46, 1998, pp. 701-707.
7. V. p. ex. en ce sens Besson S., Heckendorn Urscheler L., Jubé S. (dir.), Comparing Comparative Law, op. cit.
8. Geertz C.C., Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, trad. fr. Paulme D., Paris, Presses universitaires
de France, coll. « Quadrige », 2012, 352 p., p. 218.
CONCLUSION 65

L’optique sur laquelle il importe de conclure est nettement déflationniste :


« Il y a toujours de la place pour une croyance meilleure, puisqu’une nouvelle
preuve, de nouvelles hypothèses, ou un vocabulaire entièrement neuf, peuvent
toujours se faire jour9. » Mais ce déflationnisme s’applique à lui-même de manière
réflexive, puisqu’il ne doit être compris que comme une hypothèse, rien de plus,
dont la pertinence et la fécondité doivent être continuellement testées et éprou-
vées10. En accord avec ce qu’indiquait Quine,
« La tâche du philosophe diffère alors de celle des autres théoriciens, dans le détail ;
mais non pas d’une manière aussi radicale que le supposent ceux qui imaginent
que le philosophe jouit d’un point d’observation privilégié situé à l’extérieur du
schème conceptuel qu’il prend à sa charge. Il n’y a pas de pareil exil hors du
cosmos. Le philosophe ne peut pas étudier et réviser le schème conceptuel fonda-
mental de la science et du sens commun sans posséder quelque schème concep-
tuel, que ce soit le même ou un autre, qui n’échappe pas davantage à l’obligation
d’un examen philosophique11. »
37. À ce titre, la perspective envisagée échappe à la contradiction dénoncée
par Anne Peters et Heiner Schwenke. D’après ces auteurs, les thèses « postmoder-
nistes » selon lesquelles tout raisonnement est nécessairement enfermé dans des
cadres épistémiques, linguistiques, culturels et moraux qui sont incommensu-
rables les uns aux autres, de sorte qu’ils rendent toute communication impossible
entre des ensembles clos et hermétiques de déterminations contextuelles, seraient
intenables. Outre qu’il s’exposerait à la critique formulée par Popper à l’endroit du
« mythe du cadre »12, un tel relativisme serait auto-contradictoire. En effet, en
prétendant se situer lui-même au-dessus et au-delà des cadres incommensurables
pour décrire leur isolement, il prétendrait réaliser la transcendance dont il nie la
possibilité même13. À l’inverse, en l’espèce, aucune prétention à échapper à sa
propre thèse n’est formulée. Ainsi qu’a pu le développer Gianni Vattimo, tout est
interprétation… y compris la phrase selon laquelle « tout est interprétation ». Tout

9. Rorty R., Objectivisme, relativisme et vérité, op. cit., p. 38.


10. V. spéc. Zolo D., Reflexive Epistemology. The Philosophical Legacy of Otto Neurath, op. cit., spéc. pp. xvii,
169-171, 179-180. V. p. ex. Neurath O., Foundations of the Social Sciences, op. cit., pp. 13-14, 24-28,
42. V. également, dans le domaine de la théorie de la vérité, Wrenn C., Truth, op. cit., p. 163. Pour un
comparatisme expérimental et constructif, v. Detienne M., Comparer l’incomparable, op. cit. Du point
de vue sociologique, v. Boltanski L., « Institutions et critique sociale. Une approche pragmatique de la
domination », Tracés. Revue de sciences humaines, n° 8, 2008, pp. 17-43, spéc. pp. 27-30 ; Boltanski L., De
la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, op. cit.
11. Quine W.V.O., Le mot et la chose, op. cit., p. 378.
12. Popper K., « The Myth of the Framework », in Popper K., The Myth of the Framework. In Defence of Science
and Rationality, Notturno M.A. (ed.), London, New York, Routledge, 1994, xiii+229 p., pp. 33-64.
13. Peters A., Schwenke H., « Comparative Law Beyond Post-Modernism », op. cit. V. également Baechler J.,
« Les présupposés de la comparaison dans les sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales,
Vol. 24, n° 72, 1986, pp. 17-32, p. 32.
66 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

dépend du contexte, y compris cette dernière thèse, de sorte que toute interpréta-
tion met en jeu l’historicité de l’interprète14.
Cette orientation d’ensemble autorise par conséquent un plaidoyer qui a
tout du cri du cœur le plus irrationnel, voire du saut de la foi, mais qui se fonde
tout autant sur un calcul d’utilité : il faut développer la théorie générale du droit
et le droit comparé comme disciplines académiques. Ce sont précisément ces deux
types de savoirs et de pratiques intellectuels, ces deux parents pauvres du système
universitaire français, qui nous permettent, pour détourner une allégorie imaginée
par Hilary Putnam, de sortir notre cerveau de la cuve du juridisme dans laquelle
il se trouve trop souvent exclusivement plongé15, de faire céder, conformément à
la portée subversive qui leur a plusieurs fois été prêtée16, le carcan de l’étude
dogmatique et purement interne du droit17, et de faire droit, dans les disciplines
juridiques, à ce que Richard Rorty appelait l’« esprit ludique18 ».

14. Vattimo G., De la realidad. Fines de la filosofía, op. cit. V. dans le même sens Wittgenstein L., Grammaire
philosophique, Rhees R. (ed.), trad. fr. et prés. Lescourret M.-A., Paris, Gallimard, 1980, 630 p., p. 61 : « ce
que veut dire une proposition, c’est de nouveau une proposition qui le dit. »
15. Putnam H., Raison, vérité et histoire, op. cit.
16. Fletcher G.P., « Comparative Law as a Subversive Discipline », op. cit. ; Muir Watt H., « La fonction subver-
sive du droit comparé », op. cit.
17. V. à ce sujet Thomas Y., Mommsen et « L’Isolierung » du droit (Rome, l’Allemagne et l’État), Paris, Diffusion
de Boccard, 1984, 52 p.
18. Rorty R., L’homme spéculaire, op. cit., p. 190. Plaidant pour le regard « vif et surtout amusé » du compara-
tiste, v. également Detienne M., Comparer l’incomparable, op. cit., p. 17.
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Sous la direction de Bjarne Melkevik
et Josiane Boulad-Ayoub

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Bjarne Melkevik, La philosophie du droit et sa pratique (2020)
Maxime Saint-Hilaire, Les positivismes juridiques au XXe siècle. Normativismes, sociolo-
gismes, réalismes (2020)
Yan Campagnolo, Le secret ministériel : théorie et pratique (2020)
Pierre Rainville, La répression de l’art et l’art de la répression : la profanation de la religion à
l’épreuve des mutations du droit pénal au sujet du blasphème et de la protection des identités
religieuses (2019)
Niklas Luhmann, Le droit de la société (2019)
Louis LeBel, L’art de juger (2019)
Élodie Bordes, Le silence et le droit. Rechercher sur une métaphore (2017)
Philippe Eon, Philosopher, en un mot. Variations sur le sens du mot spécial (2017)
Kevin Iselin, Le droit pénal à la lumière de l’existentialisme sartrien (2017)
Athanase Giocas, Le Bien justifié. Une lecture contemporaine de la synthèse philosophico-juri-
dique de Vladimir S. Soloviev (2016)
Otfried Höffe, Penser un droit pénal interculturel (2016)
Stamatios Tzitzis, L’incantation sadienne entre la force et le droit (2016)
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André Bélanger, Théorisations sur le droit des contrats : propositions exploratoires (2014)

91
92 DROIT COMPARÉ ET THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT

Françoise Michaut (dir), Jack M. Balkin, John Leubsdorf, Martha Minow et Joseph
William Singer, Le mouvement des Critical Legal Studies. De la modernité à la postmo-
dernité en théorie du droit (2014)
Jean-François Thibault, De la responsabilité de protéger les populations menacées. L’emploi de
la force et la possibilité de justice (2013)
Hugues Rabault, Un monde sans réalité ? En compagnie de Niklas Luhmann : épistémologie,
politique et droit (2013)
Bjarne Melkevik, Habermas, Légalité et Légitimité (2012)
Pascal Richard, Prolégomènes à une anthropologie du droit : une ontologie naïve (2012)
Jean-Jacques Sueur, Pour un droit politique. Contribution à un débat (2011)
William E. Conklin, Le savoir oublié de l’expérience des lois (2011)
Bjarne Melkevik, Habermas, droit et démocratie délibérative (2010)
Bjarne Melkevik, Philosophie du jugement juridique (2010)
Nathalie Le Bouëdec, Gustav Radbruch, Juriste de gauche sous la République de Weimar
(2010)
Françoise Michaut et Frank I. Michelman, Le Mouvement des Critical Legal Studies (F.
Michaut), suivi de Traces de gouvernement de soi par soi. Préface à la session 1985 de la
Cour suprême et La république du droit (Frank I. Michelman) (2010).
Bjarne Melkevik, Philosophie du droit. Volume 1 (2010)
Bjarne Melkevik, Droit, mémoire et littérature (2010).
Agata C. Amato Mangiameli, Dans un monde post-national (2009).
Patrick Forest (dir.), Géographie du droit. Épistémologie, développement et perspectives (2009).
Gilles Lhuilier, La loi, roman (2008).
Norbert Campagna, La souveraineté. De ses limites et de ses juges (2008)
José Calvo González, Octroi de sens. Exercices d’interprétation juridique-narratif (2008).
Olivier Jouanjan et Friedrich Müller, Avant dire droit. Le texte, la norme et le travail du
droit (2007).
Pascal Richard, Le jeu de la différence. Réflexions sur l’épistémologie du droit comparé (2007).
Bjarne Melkevik, Tolérance et modernité juridique (2006).
Bjarne Melkevik et Luc Vigneault (dir.), Droits démocratiques et identités (2006).
Pierre Rainville, Les humeurs du droit pénal au sujet de l’humour et du rire. (2005).
Bjarne Melkevik, Considérations juridico-philosophiques (2005).
Francisco D’Agostino, La bioéthique dans la perspective de la philosophie du droit (2005).
Stamatios Tzitzis, La personne. Criminel et victime (2004).
Vida Amirmokri, L’Islam et les droits de l’homme : l’islamisme, le droit international et le moder-
nisme islamique (2004).
INTRODUCTION 93

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Schmitt (2004).
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Bjarne Melkevik, Horizons de la philosophie du droit (2004).
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La controverse contemporaine qui s’élève au sujet de l’épistémologie de la
discipline du droit comparé nourrit une interrogation relevant de la théorie
générale du droit.

Si l’on postule qu’ils sont distincts l’un de l’autre, droit comparé et théorie
générale du droit peuvent entretenir deux types de rapports. Selon une
approche inductive, le droit comparé fournit, en définissant des invariants du
phénomène juridique, la matière d’une théorie du droit applicable à tous les
ordres juridiques. Selon une approche déductive, c’est au contraire la théorie
du droit qui, par les concepts généraux qu’elle fournit au comparatiste, permet
l’étude d’une pluralité de droits positifs.

Or aucune de ces deux démarches n’échappe à des difficultés considérables.


La première suppose nécessairement, en amont de la comparaison, que le
juriste soit doté de concepts théoriques. La seconde ne peut s’appuyer sur une
théorie du droit parfaitement neutre et détachée de tout ordre juridique positif.

Afin d’échapper à l’antinomie qui conduit, pour répondre à l’une de ces deux
séries d’objections, à s’exposer un peu plus à l’autre, une métaméthodologie
d’orientation pragmatiste est explorée. Du point de vue des difficultés gnoséo-
logiques, celle-ci propose une vision cohérentiste, fondée sur une interaction
constante des concepts et des objets au sein de l’enquête juridique. Du point
de vue du risque d’ethnocentrisme qu’affronte tout comparatiste, elle renonce
à toute perspective de surplomb et invite, précisément à travers l’opération
comparatiste, à une prise de conscience réflexive des présupposés non scien-
tifiques de toute démarche scientifique.

GUILLAUME TUSSEAU est professeur des universités à l’École de droit de


Sciences Po, membre de l’Institut universitaire de France, membre fondateur du
Centre Bentham, docteur honoris causa de l’Universidad privada Antonio Guillermo
Urrelo de Cajamarca (Pérou) et ancien membre du Conseil supérieur de la magistra-
ture. Ses recherches et ses enseignements portent sur le droit constitutionnel, le droit
comparé et la théorie du droit.

Droit

Presses de l’Université Laval


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