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Sous-section 2 : Les règles spéciales applicables aux actions

en contestation de la filiation (pas eu le temps de le traiter,

cette partie du cours est mise en ligne)

Introduction : l’ordonnance du 4 juillet 2005 a supprimé les

actions attitrées qui existaient en matière de paternité

légitime : action consistant à dénier à l’enfant la qualité de

« légitime », nombreuses actions en contestation de

paternité légitime que le droit avait ouvertes (désaveu par

le mari lui-même, action intentée par la mère, puis par tout

intéressé sur le fondement des fameuses interprétations de

334-9 et de 322 al. a contrario mentionnées

précédemment). Voir le tableau dans le document du Sénat

précité.

Cette multitude d’actions a été supprimée. Que reste-t-il ?


I.- Preuve

1.- Moyens : la preuve de la non-paternité ou de la non-

maternité est libre et elle peut notamment résulter d’une

expertise biologique. Cf art. 310-3 al. 2.

2.- Objet : il s’agit de démontrer, selon les cas, que la mère

légale n’a pas accouché de l’enfant ou que le mari ou

l’auteur d’une reconnaissance n’est pas le père (sous-

entendu biologique) de l’enfant (voir article 332).

II.- Titulaires et délai des actions

L’article 334 pose le principe selon lequel la filiation peut

être contestée par toute personne qui y a intérêt dans le

délai prévu à l’article 321. Donc action largement ouverte

(voir aussi l’article 336) mais la filiation devient plus

rapidement inattaquable qu’autrefois.


On retrouve ici trace du droit antérieur (loi et jurisprudence)

en ce sens que la loi distingue trois hypothèses (en

revanche, peu importe qu’on soit dans un cas de

contestation de la filiation paternelle ou maternelle, et qu’il

s’agisse d’un enfant né dans le mariage ou non : de ce point

de vue, la réforme a bien réalisé l’harmonisation attendue).

A.- Conditions de la contestation de la filiation établie par

une possession d’état constatée par un acte de notoriété

Règle spéciale posée par l’article 335 (autrefois, c’était 30

ans, cf ancien article 311-7). Donc supériorité de la filiation

sociologique sur lien biologique plus vite acquise dans le

temps qu’autrefois. L’acte de notoriété pourra être contesté


sur le fondement soit de la preuve que la PE n’existe pas,

soit de la preuve qu’elle est contraire au lien biologique.

B.- Conditions de la contestation d’une filiation établie par

titre et possession d’état

Antérieurement à l’ordonnance du 4 juillet 2005, la

contestation de la filiation légitime différait de la

contestation de la filiation naturelle en cas de titre

conforme à une possession d’état. L’ordonnance a unifié les

règles.

1.- Filiation établie par un titre (acte de naissance ou de

reconnaissance) corroboré par la possession d’état (on parle

ici des enfants nés hors mariage ou dans le mariage, peu

importe)
Comme autrefois, on estime que cette situation justifie une

protection de la filiation plus grande. Voir article 333 : seuls

peuvent agir l’enfant, le père, la mère, celui qui se prétend

le parent véritable, et ce pendant 5 ans après que la

possession d’état a cessé. Mais de toute façon la

contestation est irrecevable (sauf si elle émane du MP)

quand l’enfant a joui de la possession d’état pendant 5 ans

depuis sa naissance ou depuis la reconnaissance si celle-ci a

été faite ultérieurement (art. 333 al. 2).

Dans la majorité des cas, ces 5 ans courront à compter de la

naissance. Toutefois ce point de départ sera différé si le titre

est postérieur à la naissance (ex. : reconnaissance

ultérieure) ou si la PE n’a commencé que plus tard. C’est la

coexistence du titre et de la PE qui doit avoir duré au moins

5 ans pour mettre la filiation à l’abri de toute contestation.


Au regard du droit antérieur, la rupture est double : d’une

part, cinq ans de possession d’état suffisent à conforter la

filiation, et non plus dix (sous l’empire de l’ancien article 339

al. 3, les intéressés pouvaient agir pendant 10 ans) ; d’autre

part, passés cinq ans de possession d’état conforme, la

filiation ne peut plus être attaquée par quiconque, sauf le

Ministère public.

Ce délai posé par l’article 333 est un délai de forclusion ou

délai préfix. Cela signifie qu’il n’est pas susceptible de

suspension Une reconnaissance mensongère confortée par 5

ans de possession d’état devient ainsi inattaquable , au

détriment de la vérité biologique.

Voir civ. 1ère, 1er février 2017, n° 15-27.245.

« Mais attendu que M. Z... s'est borné, dans ses conclusions

d'appel, à invoquer la prééminence de la vérité biologique ;


qu'après avoir constaté la possession d'état de l'enfant à

l'égard de M. X..., l'arrêt énonce que le législateur a choisi

de faire prévaloir la réalité sociologique à l'expiration d'une

période de cinq ans pendant laquelle le père légal s'est

comporté de façon continue, paisible et non équivoque

comme le père de l'enfant, ce qui ne saurait être considéré

comme contraire à l'intérêt supérieur de celui-ci ; que la

cour d'appel, qui a ainsi procédé à la recherche

prétendument omise, a légalement justifié sa décision ».

Voir aussi (sur le caractère du délai) : Cass. 1re civ.,

15 janv. 2020, no 19-12348

Critique très virulente de cet article dans DF septembre

2016, Etude n° 17.

Sur l’action du MP : l’article 336, inspiré de l’ancien article

339 al. 2 (reconnaissances mensongères dont l’inexactitude

résultait de preuves intrinsèques, comme par exemple la


comparaison de l’âge de l’enfant et de l’auteur de la

reconnaissance ; fraude aux règles de l’adoption depuis la

loi du 5 juillet 1996). La formulation retenue pour désigner

le droit d’action du parquet est un peu plus large et peut

englober l’hypothèse de la reconnaissance maternelle d’un

enfant né à la suite d’une convention de gestation pour

autrui réalisée à l’étranger ou en France (en violation du

droit civil et pénal français).

Nb sur la jpce de la Cour européenne des droits de l’homme

en la matière (voir manuel Gouttenoire et Farge, p. 468 et s.

n° 1387 et s.)

-elle pose une exigence minimum en matière de

contestation de paternité : le requérant doit pouvoir agir, ce

qui est impossible s’il n’a connaissance de sa non-paternité


qu’après le délai de prescription (voir CEDH, 5 avril 2018,

Doktorov c/ Bulgarie)

-mais elle protège l’enfant d’une contestation de sa filiation

par le père légal, lorsque l’action ne vise qu’à détruire un

lien juridique qui s’est inscrit dans le temps

* irrecevabilité pour prescription d’une action en

contestation de paternité fondée sur des preuves

génétiques (voir CEDH 31 mai 2018, Bagniewski c/ pologne)

* mais s l’enfant n’est pas opposé à la remise en cause de sa

filiation, la CEDH considère que les Etats ne doivent pas

empêcher cette remise en cause (CEDH, 7 juin 2018,

Novotny contre république tchèque)

-Si l’action en contestation du père légal est conjuguée avec

une action en établissement de la filiation, , la Cour

n’impose pas aux Etats de faire primer la vérité biologique


mais elle juge que la revendication du père biologique doit

être examinée.

Voir CEDH,14 janvier 2016, Mandet contre France (voir

infra).

Voir CEDH 13 octobre 2020, Koychev c/ Bulgarie

En France, le critère de l’intérêt de l’enfant aboutit à des

solutions qui font tantôt prévaloir la vérité biologique,

tantôt la vérité sociologique.

Voir Mathieu Géraldine, « L’intérêt supérieur de l’enfant et

le droit à la connaissance de ses origines », dans : Conseil de

l’Europe éd., L’intérêt supérieur de l’enfant – Un dialogue

entre théorie et pratique. Strasbourg, Conseil de l'Europe,

« Hors collection », 2017, p. 136-139. DOI :


10.3917/europ.coll.2017.01.0136. URL :

https://www.cairn.info/--9789287183972-page-136.htm

Conclusion

D’un côté, le législateur a entériné l’affaiblissement continu

de la filiation anciennement légitime en permettant qu’on

conteste la filiation y compris dans l’hypothèse d’une

conformité du titre et de la possession d’état mais d’un

autre côté, l’article 333 permet cette contestation dans des

conditions plus strictes que dans le droit antérieur.

2.- Titre sans possession d’état

a.- Titre seul : s’il n’est pas corroboré par une possession

d’état, le seul titre (acte de naissance ou acte de

reconnaissance) est fragile.


L’action en contestation est ouverte à tout intéressé et dans

le délai du droit commun de dix ans à compter de la

naissance ou de l’acte de reconnaissance (art. 334 renvoyant

à l’article 321).

b.- PE seule : voir supra si le constat est intervenu par acte

de notoriété ; si c’est par jugement que la PE a été

constatée, l’autorité de ce jugement interdit aux parties

d’agir en contestation et son effet absolu oblige les tiers à

agir par la voie de la tierce opposition (art. 324) pendant le

délai de 10 ans à compter du jugement (art. 321).

Dire un mot pour finir des effets d’une action en

contestation.

Si elle est rejetée, rien à dire.

Si elle est accueillie, elle entraînera anéantissement de la

filiation déclarée, et ce de façon rétroactive, avec toutes les


conséquences, patrimoniales et personnelles, qui en

résultent. Tempérament tiré du droit commun : la nullité de

la reconnaissance effectuée de mauvaise foi ne peut fonder

une action en restitution (solution jptielle, non légale. Elle se

fonde sur l’idée d’engagement volontaire et non

d’obligation légale).

Voir autre tempérament, légal, celui-là : art. 337 inspiré de

l’article 311-13 (possibilité pour le juge, dans l’intérêt de

l’enfant, une fois qu’il a fait droit à une demande de

contestation, fixer les modalités des relations de celui-ci

avec la personne qui l’élevait et dont par hypothèse le lien

de filiation a été rétroactivement annulé).

(nb : je ne dirai rien de l’action à fins de subsides).


Conclusion sur le rôle de la possession d’état en droit de la

filiation

1.- Le domaine dans lequel la PE produit des effets

juridiques s’est considérablement étendu avec la loi de 82,

confirmée en 2005 (cf art. 310-1 et 317) ;

La PE a trois effets possibles :

a.- mode autonome d’établissement de la filiation ;

b.- indice d’appoint (rôle beaucoup moins grand qu’avant

2005). Aujourd’hui : rôle de renforcement d’une

présomption de paternité affaiblie en fait (art. 313 et 314) ;

c.- Possession d’état comme élément de consolidation d’un

titre : voir art. 333.

2.- La preuve de la PE

Présomption qui révèle le lien de filiation sur la base d’un

certain nombre de faits, la PE doit elle-même être prouvée.

Reprenons ses trois rôles :


a.- il faut qu’elle ait été constatée officiellement (acte de

notoriété ou décision judiciaire) ;

b.- pas si clair. La doctrine est divisée sur le point de savoir

s’il faut un acte de notoriété ou pas pour faire rétablir la

présomption ;

c.- : par tous moyens.

3.- Contestation de la PE

*72 : la PE non confortée par un titre n’était incontestable

qu’au bout de 30 ans. L’ordonnance de 2005 avait réduit le

délai à 5 ans. La loi de ratification a porté le délai à 10 ans.

Tout intéressé peut agir. La preuve contraire doit être

apportée (inexistence de la PE ou non-conformité à la vérité

biologique).
* aujourd’hui si PE confortée par un titre, voir art. 333 qui

restreint alors l’action tant à l’égard des titulaires de l’action

qu’à l’égard des délais ; sinon, article 334.

En conclusion générale :

1.- L’ordonnance de 2005 se caractérise par un double

mouvement

a.- L’ouverture : le législateur a consacré les actions

prétoriennes fondées sur les articles 334-9 et 322 anciens a

contrario. Il a largement ouvert la contestation en cas de

contrariété entre titre et possession d’état, allant même au-

delà de l’article 322 al. 2 a contrario (ancienne manière)

dans l’hypothèse où la discordance apparaîtrait après

plusieurs années de possession d’état conforme au titre. La

contrainte des conditions de fond posées pour les actions


autrefois expressément prévues par la loi (art. 312 et 318

anciens) a été brisée ; les délais trop brefs (voir le désaveu)

ont disparu ; les précautions de preuve ont été abolies.

b.- Fermeture : les délais pour agir ont été raccourcis dans

certains cas afin d’assurer la stabilité des filiations (10 ans

selon le droit commun, et non plus 30 ans), avec un

verrouillage des actions lorsque la filiation juridique a été

vécue pendant au moins cinq ans à compter de son

établissement : dans bien des cas, la contestation de la

filiation ne sera plus possible. On peut s’interroger sur

l’opportunité de cette solution dans certaines hypothèses :

Malaurie et Fulchiron (éd. 2006, p. 524, n° 1349) prennent

l’exemple d’un enfant reconnu par le nouveau concubin de

sa mère à l’âge de 2 ans puis élevé par cet homme jusqu’à

l’âge de 8 ans. Puis l’homme abandonne la femme et rompt

tout lien avec cet enfant. Toute action est impossible


puisque l’enfant dispose d’un titre et d’une possession

d’état conforme ayant duré plus de cinq ans. L’enfant est

enfermé dans une filiation fictive et il est dans

l’impossibilité juridique d’établir une nouvelle filiation.

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