cahiers du
CINEMASHLVAMA AANEMHO OWNS = €D1PO AEPier Paolo Pasolini
Cahiers Si l'on compare -Edipo Re»
au =Vengelo», ce aun ne peut
manguer de faire & bien des égards, la
esprit est
vous étiez
visagé, alors qu’ici vous semblez beau-
coup plus directement, plus personnel
Jement impliqué.
Pier Paolo Pasolini Sens doute, mais
cela demande des précisions. I'étai
rieur au _mythe de l'Evan-
tend par la que le Christ
Dieu : n’étant pas croyant
il est evident que jéteis extérieur
une telle idée, Mais d'autre part, | éta
tres proche du mythe de levangile si
Von entend par 18 un mythe religioux
au sens le plus large du terme. Fe
roche aussi d'une idée-force du monde
moderne, que j'y traitais : celle de le
possibilité dun dialogue entre marxis
tes et chrétiens. Il faut donc s'entendre
sur les mots. Certes, je suis plus pro-
che du mythe cedipien — l'amour du
fils pour le mére, la haine du pere —
mais la aussi Je dois preciser : yen
Suis plus proche dans la mesure ou
je Tat vécu, Jen suis plus éloigné dans
mesure OU je l'ai dépassé, comme
iI est normal, alors que je n’ai_ pas
dépassé mon «appartenance» a le
mythologie chrétienne (méme s'il ne
agit pas dans mon cas de la mytho-
logie chrétienne eu sens officiel du
terme)
Cahiers Un autre point commun ux
deux films, c'est une vision profondé-
ment tragique, la mise & nu d'une sorte
douleur fondamentale.
soln A ‘ne puis répondre,
Ce sont des questions que je ne me
ose jamais de facon directe. Je crois
Quill s'agit 1d davantage de limpres-
sion d'un spectateur que de celle d'un
auteur.
fahlers Pour poser la question iff
remment, Il semble qu’ = Edipo a ét
Un film tres difficile & tourner, méme
tous mes films
sont diffciles & toumer sur le plan
physique. Les endroits o¥ j'ai tourné
SII Vangelo» n’étalent guére plus ac-
ces
bles que le Maroc ou j'ai tourné
ipo». Simplement, pour = Edipo =,
Ly 2 eu de plus grandes difficultes de
regio, ot de phe grandes ifioutie
inancieres.
Cahiers Depuis combien de temps pen-
siez-vous faire ce film?
Pasolini Jy ai pensé pour la premiere
fois alors que je tournais encore « Ac-
it alors une idée un peu
“Kdipo Re”
fen air, qui a dormi en moi pendent
deux ou trois ar été dernier,
& Cannes, J'ai jet de « Théo:
tourner maintenant,
vais = Théoreme
ipo > a pris forme
un film ov Tinceste
st multiplié au moins par cing, et se
trouve mélé @ lidée de Dieu, ‘car la
personne avec laquelle les cing mem-
bres de la famille commettent l'inceste
t tout simplement Diew
du divin et di
vent au coour dé
donné vie & = Edipo », qui
8 ma = Fantaisie «
fen priorite.
Cahiers Est-ce que lidée ne vous est
jamais venue de consacrer un film en:
tier aux souvenirs d'enfance, comme
ceux que l'on voit dans le ‘prologue
d'«Edipo =?
ces thomes
‘est imposé
et que j'ai tourné
Pr Pale Pai,
olini Si javais fait cela,
le film
aurait été plus beau, beaucoup plus
beau. Mais sur le moment, cela ne
quand je pense &
rorétement, Jespére quil sera
‘en fait je n'ai jams
faire un film
beau, j'ai besoin d'autres
dans ce cas précis, lexci-
cexcitants
tant était le développement merxiste-
freudien du theme d'Edipe.
Cahiers Il y a dans = Edipo » plusieurs
plans dlstints
souvenirs. personnels,
fantasmagories,
un film qui se situe
plans. La premiere
jouvenirs dente:
ce, a la fois trés synthétisés et tres
riches, puis il y a Ia partie fantesma-
gorique, que j'appelle hallucinatoire, et
Qui me semble la meilleure. Elle est
totalement inventée, puisque la je ne
suis parti de rien de connu, que je
me suis laissé guider per le pur plaisir
de limagination. Ma seule ba
ce quion peut lire dans tout
pédie. On ouvre enc;
lit : Edipe, roi de Th
dire peu ‘de choses. Comme dans
= LEvangile », je n’al rien voulu recons-
truire d'un point de vue archéologique
‘ou philologique. Je n'ai donc lu & ce
sujet aucun texte grec, critique ou
historique, ou philologique, concernant
ce «Moyen Age» grec ou je voulais
situer l'histoire. J'ai tout inventé
moi, c'est la
du film. Eneul a
Qui rest ni plus ni moins que « 'CEd)
pe» de Sophocle. La, et je ne sais si
Fai réussi, je voulais’ un peu faire ce
‘que Godard dans «La Chinoise » ap-
pelle « troisieme mouvement » du film
ly @ enfin la demiére partie, sans
doute la plus erbitraire, un peu didac-
tigue méme, qui me semble toutefois
‘essez heureuse sur le plan plastique
Crest le moment de ia sublimation
Quest-ce que la sublimation? C'est un
choix idéologique, mais naturellement
tun choix ideologique incertain. D'abord
Edipe est un poste décadent, puis un
poéte marxiste, puis plus rien, quel-
Qu'un qui va mourir (la Je me suis servi
éléments empruntés & «CEdipe &
Colonne »).
Cahiers Si vous m'accordez une ques-
tion un peu indiscréte : révez-vous en
couleur ou en noir et blanc? Les cou-
leurs du prologue sont réellement oni-
rique
Pasolini Je réve des deux fagons. Tou-
tefois je dois dire que plutdt que celle
du prologue (je ne crois pas avoir
Jamais révé de couleurs semblables), les
reves que J'ai faits (par exemple, je
me souviens d'un réve, vieux de dix
fans, ou T'explosion d'un volean mettai
foule effrayée) ont inspire
couleurs des épisodes de la peste
Lidée densevelir
oripeaux bariolés,
C'est moi qui I'al eue, et c'est une ide
Qui a les couleurs de mes propres
reves.
Cahiers L'idée du prologue et de I'épi-
logue estelle venue tout de suite?
Pasolini Immédiatement, oul. Le film
‘est pratiquement né d'eile. En tant que
ist peut-étre un de
mes défauts) je ne connais jamais
d'hésitations. En tant que metteur en
scéne, quand je toure, et surtout
quand je monte, j'ai des inquiétudes
infinies, mais, comme scéneriste,
mais. J'ai une idée, et je sens immé-
aGiatoment une sorte de bonheur, ou d
violence qui me guident. Iéerie inci
le scénario, du premier au dernier mot,
sans connaltre angoisse de Ihést
tion. Mes scénarios naissent comme ils
nnaissert, ils ne sont jamais récrits
Cahiers ‘Bien que ce soit un mot qui
appartienne au vocabulaire idéaliste le
plus dévalué, on pourrait done parler
inspiration ?
Pasolini Si par inspiration on entend
désir de créer, oul. Il s'agit d'une avi-
Gite, presque dune voracité dagir. Je
Wal pas de temps a perdre, une idée
‘me vient, Je m'en empare. C'est vrai-
ment de la voracité plutot que de
inspiration. Linspiration intervient seu
nt impre-
ynt_du tournage. En
si les autres cinéastes
un film est toujours
Imprévu parce quion ne sait jamais
Points en sont réeliement ins.
pirés.
Cahiers Vous avez opéré
ments importants par rapport au texte
de Sophocle ?
change-
Pasolini Par rapport a Sophocie, non
Fal opéré des reductions, mais pas de
veritables changements. Le seul chan
gement important, per rapport & So-
Phocle, crest qu'é la fin Je! supprimé
trusion des filles : parce qu'au fond,
méme. Et les filles
Por @ mon Edipe,
1 Antigone. I'y a ainsi une exclusion,
Par ‘rapport au texte, plutbt quune
Inodifiewtion
Cahiers Et les paroles du Sphinx?
Pasolini Les paroles du Sphinx n'e
tent pas dans. le texte de Sophec!
On en parie seulement. Cela concerne
«antefatto » (les faits antécédents).
Le Sphinx fait partie de le mythologie.
de ce quion lit dans les encyclopedies
ou les manuels scolaires, pos du texte
luiméme. Il n'est pes précisé comment,
‘i en quels termes, CEdipe a rencontré
le Sphinx. ‘opéré un change
iment par rapport 8 la mythologie popu-
laire non par rapport &
isant_du Sphinx, tout
dEdipe +
Edipe peut faire 'amour avec sa mere
seulement & condition de refouler le
Sphinx dans l'abime, c'est-a-dire dans
80n propre inconscient.
Catinrs "A Vorgine, Vous ne pensiez
tourer ce film au Maroc, mais en
Boum
mandé de faire un film avec eux, et
J'ai 6t6 lé-bas effectuer des repérag
Mais je n'ai pas trouvé ce que je
Fee que, bien gi
reroya
la révolution industrielle en pleine cam-
agne qui en fait un pays véritablement
Poetique, cette présence méme rendait
mon entreprise impossible : les vieux
villages de bois ont été completement
détruits. II n'y a plus rien de vieux,
maintenant, en Roumanie, au sens
“
libére du mythe d'CEdipe, des rites
agrestes, du mythe du Roi de la Pluie
‘et autres, du mythe du Pere en somme.
De toute facon, mon voyage n'a pas
été inutile parce que jy ai trouvé de
la musique, des chants populaires, a
substitués au Choour de Sophoel
Siques, juste
tres différenciée : le réle de la musi-
‘que Japonaise n'est pas le méme que
celui des chants populaires roumains.
Pasolini La musique japonaise est re-
prise la fin. C'est un peu ce quon
ourrait appeler vulgairement = Le
Theme du destin d'Edipe ». (Elle
vient lorsque Cedipe, comme je
le disais tout & Theure en’ plaisantant,
devient un poste décadent). Les chants
roumains, eux, sont de vrais chants,
populaires, réalistes, du peuple qui
ploie sous un ferdeau : épidemie de
este ou régime tyrannique ; ils sont,
Je le répéte, une forme d'équivalenc
du Chosur que je ne pouvais. évidem-
ment utliger tel quel dens le film.
Cahiers Comment avez-vous choisi les
‘acteurs 7
Pasolini Franco Citti, 'y ai pensé des
t6 fidele & ma
ce choix
= Aecattone -. Je suis re
Premiére idée. A origin
Stait irrationnel, mais mai
‘comprends
critiques me_reprochent
avoir fait dEdipe un
tuel : c'est précisément cela que je ne
voulais pas, et que Franco ne pouvait
@tre. Parco’ qu'un intellectuel, par na-
ture, sait deja, tandis qu’Edipe ne
connait pas la vérité, et ne la décou-
vre que peu & peu. Tout d'abord. il
ne veut méme pas la voir, cotte vérits,
puis petit & petit, une fois sur le che:
min, il veut la connaitre. C'est This.
toire d'un homme destiné & T'action, &
faire des choses, non & les connaitre,
& les comprendre. J'ai done choisi un
Innocent, un homme simple, afin que
3a découverte de la vérité soit, de
fagon vraisemblable, dramatique, “puis
agressive.
Cahiers Quelle a été Ia réaction de
acteur face au personage?
Pasolini Franco sait que, lorsqu'll tra-
vaille avec moi, je lutiise pour ce
auil ose done jamais de
était un
Wu sens enfantin du
Je ‘veux dire : intimidé.
Cahiers Lorsquion voit Franco Citti
dans = Accattone », ou méme dans
«Mamma Roma » is
Quil s'agit d'un acteur en train dinter-
préter un role, Dans «Edipo =, oul,
Pasolini Moi, oui, je savais quill était
tun acteur, méme dans = Accattone
Je savais ‘quill avait, non pas le sens
critique dun acteur petit-bourgeois, eu
‘sens scolaire ou. académique,, mais
Quil était bel et bien co quil est
convenu dappeler =un acteur_né
Certains des acteurs que jutiise sont
‘ctours. uniquement parce qu’a un mo-
ment donné leur visage est _photoge-
nique. Franco a quelque chose en plus.
Gahiers ‘Ce oui est trés beau sur le
personnage de Silvana Mangano (Jo-
Caste), clest absence totale de psy-
chologie. Elle est plutot une sorte de
fantéme.
Pasolini Crest exactement co que ji
6j8 dit, un homme
destine & agir et non & com-
prendre, dont 'évolution vers sa vérité
cachée ‘est tout le drame, Jocaste est
toute différente : elle est un pur mys-
tere, Toutefois, je dois dire, tout bien
pesé, qu’a mon sens le personage
‘de _Jocaste est plus reuse! que
site" change
mais elle n’évolue pas. Dou I
fantOmatique que vous signalez.
Cahiers Et en ce qui conceme les
autres acteurs?
Pasolini Je les
traitement
4 lintérieur du film, une sorte de désa-
Cralisation quasi humoristique. Dans la
mesure ou je m’étais jeté dans le
mythe & &me et corps perdus, javais
besoin aussi de maintenir une certaine
un certain détachement, pour
emporter
0 aural
font ete le frein
& mokméme
‘choi
ger. Crest Iu! qui regarde le Sphinx, et
‘son regard suffit & le désacralis
sans son regard, le Sphinx aurait été,
‘soit esthétisant, soit simple
Ieitaire. Ainsi de Carmelo‘campe un Créon ambigu, avec un pro:
longement presque comique. En ce qui
conceme Tiresias, Javais tout d'abord
tongé 8 Orson Welles, Je rai pu
Cahiers ii aureit été trée different de
Julian’ Beck.
Pasolini Je ne dirais pas tres different
I-aurait été une variante, mais pas le
contraire. Courait toujours até un Tir
Sias profondément mythique, jou par
lun tres grand acteur (comme. Julian
Beck lest aussi). Welles, simplement
‘urait probablement ajouté au person:
nage une dimension morale, pimentée
6. son intelligence et de sa cruauté
orainaires.': i aurait ete un Tiresias
secusateur. Julian Beck, non, il est plus
sens le plus mystérieux du mot. Il a
fait tomber le moralisme du person
nage au profit de son prophetisme.
Cahiers li me semble que ce film est
véritablement unique dans l'histoire du
cinéma, non tant & cause de son sujet
gu’a cause de attitude de auteur.
cor il est tree embigu
je suis plongée dans co
jusqu'au cou (comme tout le
monde, dire2-vous, mais toute mon cou:
vre, poésies, romans, etc. démontre
que je lai vécu d'une fagon trauma-
tique un peu particuliére), deutre part
Fai voulu avoir une attitude extréme-
ment détachée vis-d-vis de lul. Je me
‘suis imposé (méme pas : ce fut natu:
Fel) de considérer le mythe avec le
maximum objectivité. Je parlais tout
& Theure de recul humoristique. Je
ourrais aussi bien parier d'un certain
esthétisme de image. C'est de cette
contradiction apparente que provient, Je
crois, la particularité du film : un mé-
lenge inextricable d'abandon total & la
Crate (ama Bee, ed) ce
force du mythe, dens le méme temps
qu'une grande résistance contre lui
Cahiers Ne pourrait-on pas voir le film
comme une sorte de meditation sur les
choses — dordinaire cachées, enfouie:
— qui rendent possible (ou' impossi
bie) le fait de faire des films, ou dos
poésies, ou = de l'art» en général ?
Pasolini Vous voulez dire que dans
= Edipo = je me suis reposé & nouveau
le probleme du cinéma, de comment
faire du cinéma?
Cahiers Pas seulement : je veux dire
gue le film est une double recherche
des origines, sur le plan biographique
ft esthetique.
Pasolini Pour parler banalement, je
considere + Edipo» comme le plus
Cinématographique de tous mes films,
‘Alors que pour tous mes autres films,
fet surtout’ pour = Accattone +, Ber-
nardo Bertolucci a raison lorsqu'll dit
quion_ne peut pes perier de cinéma
(le r’avais pes de formation cinéphi
lique, je n’aimais pas certains plans
ourtant typiques du cinéma, une cer-
taine forme de récit pourtant validée
par tout le cinéma; je manifestais une
forme de refus, conscient ou incont
cient, jo ne sais, @ faire du cinéma, je
préférais faire de la peinture, ou je
ne sais trop quoi), ici, pour la pre-
miere fois, j'ai accepté ies régles, cer-
taines régies inhérentes @ ceite forme
expression. Par exemple, dans tous
les films, il y a un personnage qui
sort du champ, le leissent vide, et un
autre qui y entre : je n’avais jamais
fait cola, Je considérais quill s'agissait
d'une régle banale. Peut-stre parce que
Jaime le cinéma aujourd'hui plus qu’au-
trefois, dans « Edipo = j'ai utilisé meme
cette figure, ll_ny avait jamais non
plus, dans mes films, de cadrage avec
un personage. sn amorce, pour tes
memes relsons = dans’ Eapo iy en
2 bemvcoup. leat imtie do pournaore
Fiqwentae : en ce-sene, iy 2 bien
fer'cote “découverte du cindna. dont
Vous’ perianal fat porta," on
ene, Go" Site voions etneiome” go
Seat manfestes. f. moloreque fal
Vout fare ce fl (et four vor, te
Sreore, un dlément Se défense contre
ievmyhey En vat, cote etude ne
mapas rouse comme avec = Vange-
Ia er Loreqcon ‘wavalle, on 80 pose
Souvent de four problémes, cule
feralont leer mboeesi qrepree’ up
tt en ce sone, meme Tereur eet utle
So cae eoeretie secre
Quel recul souhane a" te reine
Gven toe fable par, et que Toutes
thes résatancee ont sié inves
Goktre Aracvovs’ pu wor les rushes
gr cours de’ tourage?
Pasoln’ Nom, Jot tout vy & la foe,
Jervoue late imeginer Tépouvante, a
agedie que fut fot Ge vor dun
seul couple resultat'Ge tout um mole
Si'veval, Cut une chowe presque
iaupporaba :
slave Le montage 2 6tb cficie 7
Pasolini: Difele, ou comme toujours,
moins que’ dhablude. Moine que
Ghabtude’ dons la mesure. ov pour Ta
premiere fol, justement, J reapoctas
Eerteines regies acquses, En tournant
fovals present, &Feeprt le fa que
Jo"tateals un fm, ot cela ms. ot
en Ge teat chacken™ sek
dea foe, jo ravaie aucun ‘éoment
pour aie un racoord. correct
Cahiers Dans « Eepo , vous. changiez
pour le premire tow doperateur ‘Ce
Ret plus Dell Coll mois Fuzzoln
cela vous sil pose des probleme?
Poaoim si change per neceeate
isDelli Colli n’était pas libre, Rottunno
qui devait le remplacer, non plus, et
Jai pris Ruzzolini, dont je suis tres
‘un Delli Colli_ peut-étre
tun peu plus rude, mais avec les mé-
mes ceractéristiques fondamentales. I!
avait dailleure travaillé avec mol, com-
me assistant-opérateur, sur « Il Vange-
lo +, = La Ricotta = et = Uccellacci e
uccellini»
Cahiers Excusez-moi
prologue. Ou acti été tourné ?
Pasolini Seurais voulu le tourner sur
les lieux mémes de mon enfence, &
Sacile, dans le Frioule, Cela a été im
possible pour des produc:
tion, Je voulais tou ou.
vrire» & Milan, prés des usines, et
la partie « bourgeoise » & Bologne (ou
Jal €té étudiant, moi-méme un = poste
fent », en somme). Devant tourner
2 Milan et Bologne, j'ai di choisir un
troisiéme lieu point trop éloigne de
den revenir au
ces deuxla : je me suis rabattu sur
la campagne milanaise.
Cahiers Ls images qu'on
°F
volt correspondent & des
précis, ou «réinventés » ?
Pasolini Ce sont des souvenirs « ans
logiques », plutét qu'exacts. Par exem-
ple, je me souvenais de saules, et le
scénario parle de saules : j'ai di les
remplacer par des peupliers. Quant au
pré (mais un pré cest plus abstral
plus géométrique), il correspond plus
cactement au pré od ma mere mem.
7 lorsque j'étais
enfant. Les (la robe et le
chapeau jaune de la mere) je les ai
fait reproduire d'aprés de vieilles pho-
tographies. Le costume de lofficier est
fentique & celui dun officier des an-
nées 30.
Cahiers On n'a jamais vu une enfance
racontée aussi totalement et en aussi
peu de plans (sinon, trés différemment,
dans = Au hasard, Balthazar -).
Pasolini Pour moi aussi, c'est la une
des réussites du film.
Cahiers Une impression trés forte que
mia fait le film cest (si vous voulez
sur un modéle un peu borgésien) non
seulement que la partie antique poi
vait &tre le réve de la partie modern
‘et aussi bien le contraire : que la
partie moderne peut étre le réve, Ihal-
lucination de la partie antique. ily a
la un telescopage des temps tres trou-
lant. Y avez-vous pense ?
Pasolini Pas du tout, j'y pense main
tenant, maie cela me semble tras beau,
‘et Jedopte immédiatement cette idée.
Jo dirai dorénavant & tout le monde
que je lei eue avant de faire Ie film!
ire Ge Dept, ln pritrese enous Ges etre.
En tout cas, ce qui m'a impressionné,
moi, c'était’ de retrouver le grande
place de Bologne, aujourd'hui, pleine
de monde, apres notre plongée dans
la pré-histoire : c’était cela le reve.
Cahiers En tout cas. les procédes em-
pour filmer le partie moderne
yeaucoup plus « irréalistes » que
employés pour filmer la. part
tentique : courtes foceles, etc.
Pasolini J'ai fait cela pour un de ces
problemes qui se posent lors du tour.
age, et qui se revélent par la suite
nen étre pas : il s'agissait de relier
stylistiquement les deux parties. Si
Favais tourné de facon réaliste la par.
tie moderne, J'auraisobtenu un
contraste facile et ennuyeux. C’est pour
cela que je l'ai_montrée comme un
réve, avec les objectifs déforments. |!
re fallait pas donner Timpression, tout
& coup, de se trouver 8 Bologne au
sens réaliste du terme, mais détre &
ceux
Bologne, justement, comme en un réve
Cahiers’ Pourquoi, ‘dans la partie anti-
‘mig. des intertitres por-
texte?
pens
des personages. Plutot que dutil
Ja voix off, procédé du cinéma d'au
jourd'hul, j'ai utilisé les intertitres, pro:
cédé du cinéma muet.
Cahiers Sur quels critéres avez-vous
choisi les vétements de le partie anti-
que?
Pasolini Ce sont des habits inventés,
presque arbitraitement. J'ai consulté
dee ouvrages sur l'art azteque, sur
‘Sumer. Certaing costumes. proviennent
directement de l'Afrique noire. Cela
parce que la préhistolre, pratique-
ment, a été la méme partout. J'aurais
voulu aller plus loin, sur ce point pré~
cls : rendre les costumes encore plus
arbitraires et préhistoriques. Mais je
Wal pas eu le temps d'approfondir le
probleme.
Cahiers Justement, une fois le film ter-
miné, y atil des choses que vous
‘auriez almé reprendre ?
Pasolini Deux ou trois choses, oul
Hélas, je savais déj. alors que je les
toumais, que Jaurais di les tourer
différemment. Par exemple, jaurais
feimé créer une pause entre la mort du
ere et la rencontre du Sphinx. A ce
moment, le film aurait eu besoin d'un
moment de repos : il est trop plein
trop bourré de choses. I fallait une
parenthése, heureuse, presque humo-
Fistique. Je voulals tourer une danse
de Ninetto avec un oiseau bariolé,
rouge, vert, bleu. CEdipe regardait cette
danse, et ce moment desthétisme pur
aurait’ été utile. Une respiration, une
‘Question de rythme. Avant de tourner,
je voyais tous les enfants avec ces
clseaux. Au moment de tourner, il a
6té impossible d’en dénicher un’ seul
Je ne suis pas satisfait non plus de
la partie tournée en studio. Non tant
Femour entre le fils et la mere (ue
aime bien, parce qu'un it, en studio
‘OU pas, reste un it, concret, vrai, et
{que la scéne est tournée en gros plans),
mais tout ce qui conceme la partie
publique, que je n'aime pas. Savais
besoin d'étre plus libre. Je voulais ce
troisiéme mouvement du film (toujours
our citer Godard) extrémement fidele
2u texte de Sophocle, et touné tres
studio, ai da
‘et = inven
joureusement,
presque par miracle, j'ai pu tourner au
Maroc une scéne prévue en studio
la rencontre du vieux serviteur qui de.
vait tuer CEdipe, enfant. La campagne
marocaine @ sauvé la scéne.
Cahiers. Pourquoi interpr
méme le réle du Grand Prétre ? Votre
Feplique est la plus longue du film.
Pasolini Pour deux raisons. La premiere
parce que, sur place, je n'ai trouvé
Personne qui convensit. La seconde
arce que cette phrase est Ia premiere
du texte de Sophocle (ainsi commence
la tragédie), et qu'il me plaisait d'intro-
duire” mol-méme, en tant qu'auteur,
Sophocle @ l'intérieur de mon film.
Cahiers II me semble que le sentiment
de la mort est plus fort et plus pr
int dans la partie moderne que dans
la partie antique, Il est plus dans ce
pré vert ou sur le chapeau jeune de
a mére que dans le texte méme de
la tragédie.
Pasolini Certainement, parce que le
partie antique, c'est une angoisse vi-
tale, pas une angoisse de la mort
Méme lorsqu’on voit la peste, ce n'est
pes la mort qu'on voit, mais son aspect
hornble et extérieur. La tragédie af
fronte les themes de la vie alors que
les images denfance sont déjé tout
imprégnées de la mort par laquelle le
film se termine réellement. (Propo:
recuelllis au magnétophone et traduits
de italien par Jean-André Fieschi.)