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ISBN : 978-2-7096-6093-8
www.editions-jclattes.fr
À Mounir Mahjoubi
le ministre de l’Intelligence Artificielle
Au pied du mur
La rupture AlphaGo
L’Homme marginalisé
par l’industrialisation de l’intelligence
Le moment transhumaniste
17 % de NEETs
La neuroplasticité
La neurologie donne un point de vue bien particulier su
l’apprentissage. Qu’est-ce en effet qu’apprendre d’un point de
vue neuronal ? Créer des connexions entre neurones18. Qu’est
ce que se souvenir ? Activer des connexions neuronales déjà
créées. Les observations qui ont été faites sur le
fonctionnement du cerveau aident notamment à comprendre
dans quelles conditions et avec quels leviers on apprend le
mieux19 : on retiendra quelque chose si on y voit un intérêt
pour notre survie, si cela est lié à une émotion ou si cela fait
écho à quelque chose que l’on sait déjà – ce sont les fameux
« moyens mnémotechniques » que nous utilisons tous.
Les dernières découvertes concernant le cerveau ont mis en
évidence sa fantastique plasticité : même si avec l’âge les
changements sont plus difficiles, le cerveau est capable
durant toute la vie de supprimer et de recréer des liens entre
neurones. En 24 heures, 10 % des connexions synaptiques
sont remplacées dans certains groupes de neurones20 ! Ce qu
caractérise l’identité génétique d’un cerveau donné n’est pas
« sa structure », car il n’y en a pas a priori, mais bien sa
capacité à apprendre. Le cerveau doit sa grande valeur non
pas à ce qu’il est mais à sa capacité à s’adapter.
Nous sommes collectivement en train d’expérimenter cette
plasticité du cerveau à l’heure où l’usage des nouveaux outils
numériques remodèle nos capacités de concentration et de
mémorisation. Dans son livre à succès Ce qu’Internet fait à
notre cerveau21, le journaliste Nicholas Carr décrit de quelle
façon notre cerveau, qui avait été formaté depuis des siècles
par les « outils de l’esprit » traditionnels – alphabet, cartes
presse écrite, montre –, est en train de connaître une
réorganisation profonde du fait de nos nouvelles pratiques
numériques. Là où le livre favorisait la concentration longue et
créative, Internet encourage la rapidité, l’échantillonnage
distrait et la perception de l’information par de nombreuses
sources. Une évolution qui nous rendrait déjà plus dépendants
des machines que jamais, accros à la connexion, incapables
d’aller chercher une information sans le secours d’un moteur
de recherche, doués d’une mémoire défaillante et finalement
plus vulnérables aux influences de toutes sortes.
La grenouille et l’orthodontiste
La mort du travail ?
La fin du bricolage éducatif
L’hyperpersonnalisation de l’éducation
Le scénario Gattaca
1 sur 1 4,2
1 sur 10 11,5
5 générations de sélections de 1
60
sur 10
10 générations de sélections de 1
120
sur 10
La seconde voie pour rester dans la course avec l’IA est celle
du cyborg, proposée par Elon Musk. Elle est beaucoup plus
prometteuse, dans un premier temps au moins. Pour une
bonne raison : elle sera technologiquement plus rapidement
au point, et plus puissante. La sélection et la manipulation
génétique impliquent de savoir parfaitement quelles zones de
l’ADN toucher pour parvenir aux deux objectifs principaux
qu’auront tous les parents : rendre très intelligents et faire
vivre longtemps en bonne santé. Or, s’il est facile de repére
les marques génétiques liées à la couleur des yeux ou au type
de métabolisme hépatique, ce qui détermine l’intelligence est
le fruit d’un cocktail subtil de facteurs. Ces deux qualités
essentielles que sont l’intelligence et la santé ne sont pas
comme des interrupteurs que l’on pourrait allumer ou éteindre
à sa guise. Ils sont très complexes. Par ailleurs, la crainte que
l’humain OGM ne soit plus humain sera forte.
Autre problème de taille : la technologie génétique ne
pourra profiter par définition qu’aux nouvelles générations1. I
sera difficile à entendre pour les humains nés alors que les
connaissances eugéniques seront encore trop modestes pou
permettre d’augmenter tout le monde dès la naissance, qu’ils
deviendront des grands-parents débiles pour leurs petits-
enfants… La volonté d’augmentation sera forte et immédiate
« Neuro subito2 ! » Il faudra augmenter les gens le plus vite
possible, et il ne sera pas concevable d’attendre vingt-cinq
ans qu’une nouvelle génération correctement modifiée naisse
et grandisse, au risque de mettre au rebut une génération
entière. Comme le re-paramétrage du vivant est trop lent, le
recours à la technologie électronique s’imposera.
Elon Musk lui-même a souligné en avril 2017 que la piste
génétique était trop lente, au moins pour la période de
transition, face à une IA qui galope : « La révolution de l’IA
rend le cerveau humain obsolète. » Il oublie seulement un
point : les modifications génétiques se transmettent de
génération en génération alors que ses implants Neuralink
devront être intégrés dans le cerveau à chaque génération. Un
dernier point est préoccupant : il est possible que les implants
de type Neuralink augmentent davantage les capacités
intellectuelles des gens déjà doués, ce qui accentuerait les
inégalités.
Pauvreté et cerveau
Neuroéthique
Pour aller plus loin que le test de Turing jugé trop facile,
un nouveau test, le Winograd Schema Challenge, a été
proposé. Il s’appuie sur les travaux d’un Québécois,
Hector Levesque. Chercheur au département des
sciences informatiques de l’université de Toronto,
Levesque a conçu une alternative au fameux test de
Turing censée être plus pertinente afin de déceler de
l’intelligence chez une machine3.
Laurence Devillers, chercheuse en IA au CNRS, va plus
loin et pense que nous devons pouvoir évaluer les
robots tout au long de leur vie puisqu’ils vont évoluer et
changer à notre contact. Elle considère que des tests de
contrôle technique des automates dotés d’IA
s’imposeront pour vérifier qu’ils ne nous manipulent pas
et ne nous mentent pas.
Laurence Devillers pense aussi qu’il est crucial de
monitorer le comportement des humains au contact des
automates afin de nous prémunir contre un attachement
excessif vis-à-vis des cerveaux de silicium et éviter que
nous soyons trop influençables.
Le champ de l’évaluation des différents cerveaux est
immense. Depuis la mesure de notre complémentarité
avec l’IA, jusqu’au contrôle de notre coévolution, la fin
du travail n’est pas près de menacer les psychologues
de l’IA. D’ailleurs Google vient de créer PAIR – People +
AI Research – pour aider les êtres humains à apprivoiser
l’IA.
Quelques pistes
Transhumanisme et chrétienté
Les convictions transhumanistes prennent déjà aujourd’hui
dans la Silicon Valley en particulier, l’allure d’une véritable
religion. Exactement comme n’importe quelle religion, cet
ensemble de croyances influence le rapport des hommes aux
autres et à eux-mêmes, leur livre les grandes lignes d’une
morale, et constitue une grille de lecture à travers laquelle
comprendre le monde et ses évolutions2. Avec le
transhumanisme, un nouveau paradigme religieux émerge
celui de l’Homme-Dieu. Ce n’est plus le renoncement de
l’athée qui se voit seul dans l’univers, c’est désormais
l’affirmation fière de ce que l’homme peut tout faire, y compris
créer du vivant et se recréer lui-même.
Le transhumanisme, véritable religion 3.0, opère, en fait, un
retour inattendu vers la position « spiritualiste » des formes
religieuses traditionnelles selon laquelle l’esprit existe en
dehors et indépendamment du corps. Cette approche avait été
démentie par la biologie moderne qui n’avait nul besoin
d’ajouter un « souffle » – spiritus en latin – dans notre cerveau
pour expliquer son fonctionnement. En considérant possible
et même inéluctable, qu’à terme notre conscience
s’affranchisse de notre enveloppe biologique, la religion
transhumaniste revient de fait à penser qu’il peut exister un
« moi » en dehors du corps.
C’est sur cette vision que les transhumanistes radicaux
s’appuieront pour promouvoir l’abandon de notre corps
biologique.
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