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QUE SATS=} ER Le droit des traités JEAN COMBACAU Professeur A |’Université Panthéon-Assas INTRODUCTION 1. Un droit sans loi. — Le droit international est un systéme juridique anarchique. On veut dire quil ignore, dans sa production comme dans sa réalisation, Je phénoméne du pouvoir iégal grace auquel, dans ordre interne, Etat, sujet éminent et dispensateur initial de tout droit, produit des normes opposables 4 une collectivité d’assujettis, au nom de la supériorité de Vintérét général qu’il prétend représenter sur la multitude de leurs intéréts particuliers. Dans ce milieu, la loi, ou toute autre variété d’acte juridique unilatéral reproduisant le modéle du « droit objectif » qu'elle porte a sa perfection, est le mode caractéristique de normalisation des relations sociales par la voie du droit. Il n’est pas le seul cependant ; les sujets conser- vent des pouvoirs légaux, c’est-d-dire une aptitude 4 voir leurs comportements produire des effets de droit, notamment ceux qu’ils attendent de leurs « actes juri- diques » : actes unilatéraux (comme le testament), bi- ou plurilatéraux — I’acte collectif, la convention et, au premier rang de ses espéces, le contrat. Mais ces actes ne tirent leurs effets, et en définitive leur qualité juridi- que dactes, que d’une régle de droit objectif qui attache aux intentions des sujets, et aux comporte- ments qui leur donnent corps, les conséquences qu’elle ordonne. Rien de tel en droit international, of aucun étre ne joue par rapport aux Etats-sujets internationaux le réle qu’assume I’Etat-sujet interne par rapport 4 ses 3 »~-—--propres- assujettis.-Pas..de-super-Etat-pour-représenter Lintérét général d’une « communauté internationale », dont les aspirations supposées ne trouvent pas d’organe apte a les exprimer et 4 vouloir légalement , pour elle ; et pas de « loi » internationale pour enca- drer les actes de sujets que nul n’assujettit, éperdument attachés qu’ils sont a leur puissance de vouloir. Pas de loi : est-ce 4 dire pas de droit, et une parfaite anomie des comportements dans un état de nature ot chaque acteur déterminerait sa conduite en fonction des cir- constances concrétes, une fois ainsi, une fois autre- ment, selon les intéréts du moment, sans obéir a des régles qui viendraient la « normaliser » ? La réalité est plus originale : le systéme international est a la fois organisé légalement et anarchique : organisé selon un mode légal en ce que le comportement individuel des sujets obéit 4 des régles qui le déterminent au moins partiellement ; anarchique en ce que les Etats, égaux (comme le sont entre eux les sujets internes) mais sou- verains (c’est-d-dire soustraits 4 toute autorité supé- rieure, qualité dont l’existence méme de l’Etat et du droit objectif prive les sujets internes), ne tolérent ce mode légal, distingué de sa variété « législative », qu’a Ja condition qu’aucun d’eux ne se voie opposer un élé- ment quelconque du systéme juridique international s'il n’a pas consenti 4 la production de ses effets légaux. Dans un tel contexte, l’'acte conventionnel se voit assigner une place encore plus éminente que dans Yordre juridique interne, mais il y change de significa- tion, par la disparition de la loi. D’abord rien ne valide plus les actes, ni ne déter- mine plus leurs effets, sinon d’autres régles qui, éma- nant elles aussi de l'accord des Etats entre eux, ne sont pas supérieures aux actes qu’elles prétendraient régir ; Pédifice conventionnel juxtapose des conventions égales émanant d’Etats égaux, et nulle clef de votite ne 4 vient plus en réunir les éléments, sinon ce seul prin- cipe : Pacta sunt servanda, « on doit observer ce dont on est convenu », principe métajuridique plus que régle de droit, axiome de base sans quoi aucun énoncé légal ne peut étre pris au sérieux, et qui impose aux sujets de tenir pour du droit ce qu’ils ont dit étre tel. Privée du support et de la couverture d’une loi expri- mant le droit objectif, la convention entre Etats est ainsi portée au premier rang des modes de formation du droit, avec la coutume qui, par des voies différentes, exprime aussi leur accord, et chargée des fonctions que se répartissent en droit interne la loi de l’Htat et les conventions entre ses sujets. A celles-ci répondent les accords bilatéraux ou plurilatéraux restreints par les- quels les Etats aménagent leurs rapports comme le font en droit interne les particuliers, posant des régles, ins- tituant des situations légales, etc., faites pour valoir dans le cercle étroit qwils forment pour la durée de cette opération. A celles-la correspondent les conven- tions multilatérales larges d’ot résultent les régles qui ont vocation a régir un grand nombre d’Etats et, plus ambitieuses encore, celles qui visent 4 se rapprocher de Puniversalité et constituent, avec les régles coutumiéres elles-mémes a vocation universelle, le « droit interna- tional général » : général par le nombre d’Etats qu'il lie et par objet sur lequel il porte. Ensuite si rien n’occupe dans le droit international la place de la loi, rien n’y vient établir existence des Stres légaux au regard de V'universalité des sujets. La ou le droit interne, et le mode législatif qu’il comporte, permettent de rendre « absolument » opposables a tous ceux qu’ils désignent I’existence d’une norme, dune institution, d’une situation légale, le droit inter- national est sans pouvoir pour le faire : ici comme ailleurs, la convention ne fait droit qu’entre les parties et, on le verra, ce qu’elle énonce n’est réputé vrai que 5 ement; dans les relations qu’elies entretiennent. Aussi, par son mode d’étre méme, le droit internatio- nal. impose-t-il de distinguer toujours deux paliers d’existence des étres légaux qu'il accueille. D’une part “chacun apparait objectivement, par le jeu des régles qui régissent sa production ; pour s’en tenir a ce type d’étres, une régle se forme par la voie conventionnelle et existe dés lors en soi avec l'ensemble des attributs inhérents 4 sa nature normative : apte 4 produire des droits, des pouvoirs et des obligations dans le chef de ses destinataires. Mais apte en puissance seulement d’autre part, tant que des destinataires actuels ne sont pas venus réaliser cette potentialité normative par des actes leur rendant la régle opposable, la faisant exister pour eux en ce qu’ils entrent effectivement dans la caté- gorie de ses destinataires. Dans ce mécanisme qui consiste pour un sujet international a se mettre en rela- tion avec un étre légal extérieur en s’accrochant indivi- duellement a lui, on identifie sans mal la forme, essen- tiellement caractéristique du droit international, de la « reconnaissance », acte par lequel un sujet atteste Pexistence 4 son égard d’un étre légal et s’engage a tirer d’elle les conséquences que le droit y attache. Dans le monde artificiel du droit, ou rien n’existe natu- rellement et ou tout, y compris les faits — grace a la qualification qu’il leur impose —, est également insti- tué, dans un monde ou en outre aucune autorité supé- rieure aux Etats également souverains n’a le pouvoir Wattester Pexistence légale de ce qu’aurait produit le droit, Pobjectivité virtuelle des étres légaux ne peut étre consacrée que par un acte subjectif établissant leur existence seulement relative, aux yeux de ceux qui acceptent de se les voir opposer. Ainsi la convention, virtuellement porteuse d’effets de droit, n’est rien de plus qu’un texte tant quw’ils n’ont pas été pris en charge par des Etats individuels ; c’est par ia reconnaissance 6 de ces effets, et entre ceux-la sculs qui y procédent, que ses virtualités (la production de normes, la détermina- tion d’un statut, la fondation d’une institution) se réalisent légalement. Le traité — ou la convention, les deux mots sont a peu prés interchangeables — peut donc se définir comme un ensemble d’énoncés établi de fagon concertée, destiné a produire les effets de droit international qu’en attendent ses auteurs, dans les relations entre sujets internatio- naux qui se le sont reconnu opposable. C’est a cet objet qu’est consacré ce petit essai, que le lecteur voudra bien prendre pour ce qu’il est : quand le moins ambitieux des manuels de droit international consacre au droit des traités plus d’espace que ne lui en laisse le format de la collection qui l’accueilic, on n’y trouvera évidemment pas exposé systématique d’une réglementation complexe, mais une présentation théorique des prin- cipes qui en ordonnent les éléments a premiére vue dis- parates et, espére-t-on, une introduction 4 l’esprit du droit international dans son ensemble. 2. Le droit des traités, — Les mécanismes qui prési- dent a la confection des traités et 4 la détermination de leur signification (chap. 1), a la facon dont les sujets se les rendent opposables (chap. II) et aux effets qui en résultent pour eux (chap. IID), aux événements enfin qui jalonnent leur existence (chap. IV) constituent le « droit des traités ». Ce singulier recouvre en réalité une pluralité de corps de régles, ressortissant respecti- vement au droit international et aux droits internes des Etats ; chacun a sa facon, ceux-ci comblent certaines des lacunes que celui-la laisse volontairement subsister dans la mesure de l’autonomie qu’ils se reconnaissent mais, si l’on n’a pas cru devoir borner ici I’étude du droit des traités 4 sa face internationale, c’est malgré tout 4 elle que I’on s’attachera pour I’essentiel. tumiére, et résulte de la pratique suivie par les Etats et. plus. réecemment par les organisations internatio- ““nales. Vers 1950, elle a paru suffisamment cohérente et homogene pour se préter a une codification ; vingt ans d’efforts de la Commission du droit international puis de la Conférence des Nations Unies convoquée a cette fin ont abouti le 23 mai 1969 a la conclusion de la convention de Vienne sur le droit des traités (citée ci-aprés « CV »), applicable aux traités conclus entre Etats’. L’existence et le statut de ce « Traité des trai- tés » appellent deux remarques. En premier lieu il est techniquement paradoxal dincorporer dans un traité les régles qui sont appelées a régir tous les autres, mais c’est la conséquence inévi- table de Pindisponibilité du mode législatif en droit in- ternational (supra). De méme que, dans le droit interne d’un Etat qui réduit sa constitution matérielle a des « lois constitutionnelles », d’autres lois peuvent les modifier ou les écarter selon la procédure legislative ordinaire, de méme les régles du droit des traités ne régissent la passation et les effets d’un traité particulier que si les Etats qui le concluent conviennent entre eux qwelles constituent un modéle satisfaisant et ne les mettent pas 4 Pécart en incluant dans ses clauses pro- pres des mécanismes différents. En d’autres termes la convention de Vienne constitue un ensemble de droit supplétif (ou dispositif) : ses régles s'imposent a un Etat agissant individuellement, mais ne 8’opposent pas a ce que des Etats y dérogent de concert 3 nombre de ses articles (« sauf disposition contraire du traité », «a moins que le traité n’en dispose autrement »,..) rappel- 1. A part de rapides allusions aux traités conclus entre Etats et organi- sations internationales ou entre organisations ¢lles-mémes (une conven- tion du 20 mars 1986 transpose pour lessentiel les régles de la convention de 1969 a leur cas particulier), eux seuls retiendront notre attention. 8 lent d’ailleurs le rdle subsidiaire dans lequel sa qualité de traité cantonne la Convention par rapport a toute disposition conventionnelle contraire. En second lieu les régles énoncées dans la Conven- tion obéissent elles-mémes a un des principes essentiels qu'elle proclame, celui de l’effet relatif des traités : cles ne valent comme régles conventionnelles que dans les relations entre Etats qui y sont parties (leur nombre saccroit réguliérement)', Pour eux les énoncés qu'elle inclut font droit, et se substituent a toutes autres for- mulations des régles qui les liaient coutumiérement et qui, du fait de leur commune appartenance au cercle des parties, se voient désormais préférer la formulation conventionnelle de la coutume ; dans la mesure ou, comme toute convention dite de codification, elle fait en outre une place a des régles nouvelles introduites 4 Yoceasion du recensement de la coutume applicable, ces régles font droit elles aussi, mais comme purement conventionnelles, dans les rapports entre eux. En revanche, dans les relations entre Etats qui ne sont pas, ou pas tous, parties 4 la Convention, son texte cesse d’étre applicable en tant que tel puisqu’ils ne se le sont pas également reconnu opposable ; ce n’est pas a dire bien sir que les régles coutumiéres du droit des traités soient devenues caduques dans leurs relations 3 elles continuent a faire droit en cette qualité, et rien ne Soppose d’ailleurs a ce qu’un Etat tiers se juge tenu par une régle dans l’énoncé méme qu’en donne la Convention s’il Pestime fidéle 4 ce qu’elle prétend codi- fier ; mais d’une part il lui est toujours loisible de nier la conformité de la formulation conventionnelle a la régle coutumiére qu’on lui oppose ou que lui-méme 1, V. Pétat et les modalités de la participation dans le recueil annuel des Nations Unies, Traités multilatéraux pour lesquels le Secrétaire géné- ral exerce les fonctions de dépositaire (5t/L#G/SER.D/...). invoque ; d’autré “part, la” possible “présomption “de conformité que vaut 4 la plupart des dispositions de la Convention le sérieux des travaux qui ont conduit a son adoption ne s’étend évidemment pas aux disposi- tions dont le caractére novateur est généralement _ attesté. Il importe donc, ici comme dans tout exposé des régles qui composent le droit des traités, de ne s’appuyer sur la convention de Vienne que dans la mesure ou elle se présente comme le recensement fidéle du droit coutumier, et de tenir compte de celui-ci pour le reste, chaque fois notamment qu’une de ses régles met en cause la situation d’un Etat qui, comme c’est le cas en particulier de la France, a refusé la qualité de partie qui aurait permis de lui en opposer les termes. 10 Chapitre I LE TRAITE COMME TEXTE LEGAL Oublions, le temps d’un chapitre, quels effets légaux un traité produira sur les parties entre qui va s’établir bient6t un lien conventionnel, et envisa- geons-le pour ce qu’il est tant que ce lien n’est pas formé : un texte légal. Un texte d’abord, mais écrit a plusieurs, et en cela sa qualité de traité le rapproche d’autres actes dont les énoncés sont dus 4 une plura- lité d’auteurs : la convention (notamment le contrat), Lacte collectif... Un texte légal ensuite, dont la signifi- cation s’apprécie par référence 4 un code de déchiffre- ment particulier, celui-la méme qu’ont utilisé ses auteurs ; ils n’ont pas voulu faire ceuvre littéraire — le texte ne s’apprécie pas en termes de beauté — ni scientifique — il n’entend pas décrire ou expliquer le vrai — ni morale — il n’a pas pour objet de prescrire le bien —- mais produire des effets de droit, ceux que le systéme juridique dans son ensemble attache a un texte auquel il reconnait la qualité de traité; c’est done par référence aux catégories du droit, et en par- ticulier du droit international des traités, que ce texte prend un sens : celui que lui attribuent ses auteurs et celui que lui reconnait le droit objectif. On étudiera U ‘Ye traité dans cette perspective; et’on se demandera comment le texte lKégal est établi et quelle est sa signification. I. — Etablissement du traité 1, Participation 4 lopération. A) Sujets participants. — Avant toute détermination de Paptitude d’un sujet particulier a participer 4 un ré- gime conventionnel individualisé (infra, p. 44), une question préalable doit étre résolue, celle de la « capa- cité de traiter » et de ses titulaires. Envisagée comme une aptitude abstraite, en elle-méme sans intérét tant que d’autres sujets ne lui donnent pas corps en acceptant d’entrer en relations conventionnelles avec tre qui en est investi, l’aptitude a traiter est un attri- but fondamental de tout sujet de droit international, et méme ce a quoi se reconnait sa personnalité. Dans la mesure ot imputation d’un acte juridique a un étre plutét qu’a la multiplicité des étres dont il se compose ou. 4 l’étre qu’il compose avec d’autres est ce qui fait de lui un « sujet » du systéme de droit auquel se rattache Pacte juridique dont il s’agit, la capacité de produire un tel acte est ’exigence minimum de lattribution de la personnalité ; peu importe pour le reste que le sujet ne puisse pas entrer dans n’importe quelle relation conventionnelle, ni avec n’importe qui : sa person- nalité ne dépend que de son aptitude abstraite 4 nouer une telle relation. La possibilité de la transformer en aptitude concréte résulte de son habileté 4 trouver au moins un autre sujet disposé a le considérer comme tel {a le « reconnaitre » comme sujet) et 4 entrer en rela- tion conventionnelle avec lui, A permettre en somme, si lon veut reprendre ici une distinction contestable, Pexercice d’une prérogative dont le droit international 12 “ne lui accorde automatiquement que Ia jouissance. Toute question de reconnaissance étant ainsi hors de cause, il devient relativement aisé de dresser la liste des étres ayant la capacité de traiter, confondue avec la liste des sujets de droit international. Tous les Etats en sont dotés (CV, 6), du moment quwils ont cette qualité au regard du droit interna- tional. La capacité des collectivités composantes des Etats fédératifs et des autres formations infra-étatiques comme celle des étres « préétatiques » (les mouve- ments de libération nationale) est plus douteuse : n’en- trant pas dans les attributs de ces étres au statut incer- tain, elle suit le sort de la décision concernant leur personnalité ; et comme celle-ci dépend largement de leur reconnaissance, par tel partenaire dans une rela- tion bilatérale ou par une organisation internationale exergant une fonction de légitimation collective, la question de la capacité de traiter cesse de se régler objectivement comme elle le fait pour Etat, sur la base d’une personnalité opposable 4 tous, pour étre résolue cas par cas au gré des relations qui s’établissent entre l’étre dont il s’agit et les autres sujets, selon qu’ils sont ou non disposés a entrer en relations convention- nelles avec lui; on évite généralement de parler de « traités » pour désigner ces accords dont il n’est pas sir quils lient des parties ayant également un statut de sujet international. Pour les organisations internationales au contraire, Paffirma- tion par la convention de 1986 d’une capacité régie Par les régles propres 4 chacune d’elles implique l’assertion de son existence, au moins dans les rapports entre l’organisation ct ses membres ; mais ses « régles propres » étant inopposables aux Etats tiers et aux autres organisations, la capacité pour ceux-ci et pour celle-ld @entrer en relations conventionnelles suppose une reconnais- sance mutuelle de I’existence méme de lorganisation en cause, substituée comme sujet 4 la collectivité de ses membres : 4 nou- veau la capacité de conclure cesse d’étre un attribut objectif d'un 13 sujet. existant objectivement pour étre “associée 4” Pattestation subjective de son existence par le sujet qui souhaite entrer en relations conventionnelles avec lui. B) Individus ayant qualité pour représenter les sujets ~ participants. a) Recensement. — L’ensemble de V’opération de conclusion, qu’on traite ici pour n’y plus revenir, est mené pour le compte de l’Etat ou de l’organisation internationale par un ou plusieurs de ses organes, de ses agents, ou des agents de ses organes. Deux caté- gories d’organes et d’agents doivent étre distinguées. Les uns ont ex officio qualité pour représenter l’Etat auquel ils ressortissent (CV, 7 — il n’existe pas de for- mule homologue pour les organisations internatio- nales). Il s’agit d’une part des organes auxquels est reconnue l’aptitude légale 4 le représenter dans ses relations internationales : chefs de ’Etat, du gouverne- ment, de la diplomatie (ministre des Affaires étran- géres) qui constituent les seuls canaux officiels par les- quels elles transitent en l’absence de rapport spécial daccréditation, et les seules autorités centrales de Etat que les autres Etats aient 4 connaitre ; d’autre part des chefs de mission diplomatique et des représen- tants de I’Etat aux conférences et auprés des organisa- tions internationales, mais seulement pour la conclu- sion des traités que l’Etat accréditant négocie avec YEtat accréditaire ou qui se négocient au sein de la conférence ou de l’organisation. Les autres doivent justifier auprés des participants 4 la fois de leur qualité d’agents de la personne morale qwils prétendent représenter et de la compétence que leur reconnait cette derniére pour mener en son nom les opérations conventionnelles, compétence qu'elle peut d’ailleurs assortir de conditions restrictives, par exemple en ne les habilitant qu’a signer le traité ad re- Jerendum, assurant ainsi aux organes centraux une 4 miaitrise complete sur les agissements du réprésentant. Cette habilitation résulte soit des « pleins pouvoirs » (définition dans CV, 2/1 c), soit de comportements des organes centraux ou de documents émanant d’eux qui attestent sans équivoque leur intention et celle des au- tres participants 4 lopération conventionnelle de ne pas requérir la production de ces documents formels. Dans Ie cas de la France, et pour s’en tenir a ses institutions actuelles, le pouvoir de traiter n’est constitutionnellement attri- bué qu’au président de la République, mais dans des termes qui impliquent un partage avec d’autres autorités, que l'article 52 de la Constitution omet de préciser. Le clivage binaire qu'il opére entre le « traité », que le chef de Etat est chargé de négocier (généralement par l'intermédiaire d’un plénipotentiaire) et de ratifier, et I’ « accord international non soumis 4 ratification », de la négociation duquel il est simplement informé, ne corres- pond ni a la pratique ni méme a d’autres dispositions constitu- tionnelles concernant les relations conventionnelles de la France, et on verra le peu de cas qui en est fait (infra, p. 46). En réalité la grande majorité des conventions internationales sont conclues par des agents de l’Exécutif autres que le président de la Répu- blique, dont beaucoup appartiennent 4 des administrations qui ne sont soumises hiérarchiquement ni au chef du gouvernement ni au premier responsable de la diplomatic. 5) Statut. — Quelle que soit la modalité retenue, ’agent ou Porgane de l’Etat ou de l’organisation agit en tant que « repré- sentant » : ses actes et ses comportements sont automatiquement imputés 4 la personne morale dont il est censé exprimer la vo- lonté, et on verra les conséquences de cette attribution lorsqu’on examinera les conditions de validité des engagements (infra, p. I11). Il en résulte nécessairement un contréle étroit des auto- rités supérieures du sujet représenté sur les agissements des repré- sentants, dont les exigences s’accentuent 4 mesure que s’accroit la distance qui les sépare de lautorité de qui émane lhabilita- tion ; si le représentant est lui-méme un organe de 1’Etat, tirant sa compétence de sa fonction constitutionnelle (chef d’Etat ou de gouvernement ct, dans les cas ot il agit de facon autonome, ministre des Affaires étrangéres), il exprime « immédiatement » la volonté de celui-ci ; si au contraire il n’en est qu’un agent, sou- mis au pouvoir hiérarchique, sa compétence se mesure a la délé- gation qui lui en est faite par l’organe ou méme par l’agent pri- maire qui lui délivre ses pouvoirs, de qui il exprime la volonté et 1S ir _les:«. instructions.» de-qui-il-agit; selon un-ra) port de repré- sentation qui peut étre ainsi plusieurs fois médiatisé, 2, Consistance de opération. de conelure, la nature des agents appelés 4 Participer 4 sa mise au point, etc., et ne suivent d’autres régles que celles qui résul- tent de Pégalité des Etats ct, si la négociation passe par les repré- sentants de chacun d’eux sur Je territoire des autres, celles que comporte le droit diplomatique. Plus organisées sont les négo- actes qu’on examinera tout 4 Pheure, résulte d'un réglement adopté par les participants dés Pabord , dans le second elle obéit aux régles Propres de organisation : tantét, parce que celle-ci compte parmi ses fonctions principales celle délaborer des trai- tes O.1.7., UNESCO...), l’acte constitutif comporte des dispositions regissant la fagon dont elle s’en acquitte ; tantét c'est la pratique des Organes compétents qui en organise les modalités (voir p. ex. les multiples procédures de négociation de conventions interna- elles, si Je cadre de Popération conventionnelic leur en laisse la latitude, avant de passer 4 la négociation sur Je fond et en ayant sn vue les positions qu’ils entendent tenir au cours de cette future Stape, 2) Au Premier rang des questions de procédure figure ailleurs celle de Vadoption du texte (CV, 9), négociation, et dont la fonction est dy mettre un terme ; dés le moment ow le projet de traité est adopté, Son existence objective comme traité est établie, avec les conséquences légales qui s’attachent 4 cette qualifi- 16 cation : c’est un étre juridique parfait, se prétant au jeu des actes unilatéraux par lesquels les Etats se situeront désormais par rapport 4 lui. Du point de vue de la politique juridique, la technique dadoption joue un role déterminant puisque cest d’elle surtout que dépend la possibilité pour un Etat participant a la né- gociation de maintenir sur ses pairs une pression suffi- sante pour qu’ils acceptent ses exigences individuelles : selon que la participation d’un Etat ou d’un groupe @Etats minoritaires 4 !' adoption parait ou non néces- saire au succés du futur régime conventionnel, les Etats de la majorité introduiront ou non telle clause, la feront ou non disparaitre, en modifieront ou non la ré- daction... ; le choix d’un mode d@ adoption permettant a la minorité de bloquer l’opération en refusant dy contribuer renforce évidemment sa main en lui don- nant les moyens de contraindre la majorité, a peine d’échec, 4 poursuivre indéfiniment la négociation. Le choix dépend de ce dont les participants 4 la négocia- tion sont convenus : si Yadoption est nécessairement un acte unanime quand il s’agit d’un traité bilatéral ou, le plus souvent, d’un traité restreint, ce mode n’est plus acceptable quand le texte est négocié entre un nombre important d’Etats, dont chacun disposerait sinon d’un veto inconditionné ; le réglement de procé- dure de la conférence ou de Porgane de négociation prévoit alors un vote a la majorité qualifiée des partici- pants, qui est souvent (c’est d’ailleurs la régle que retient a titre supplétif la Convention) fixée aux deux tiers des suffrages exprimés. 3) A la différence de l’adoption, Pauthentification du texte (CV, 10) est normalement un acte individuel, et elle émane de certains seulement des sujets qui ont par- ticipé a la négociation. En droit strict, elle a en effet pour fonction d’arréter le texte comme « authenti- que », c’est-a-dire de reconnaftre dans Pinstrumentum 17 ‘ou il est consigné le reflet fidéle du negotium sur lequel a porté l’acte collectif d’adoption ; il s'agit donc néces- sairement d’un acte individuel, par lequel chaque Etat n’engage que lui, s’interdisant en particulier de remet- tre en cause le contenu du texte sur lequel accord a été obtenu. Cette fonction de forclusion explique le glissement qui peut s’opérer entre ’effet légal d’authentification et un effet politique oblique. Certes, en apposant sa signature au bas du ou des instruments qui constituent le traité ou de lacte final de la conférence dans lequel il se trouve inclus —. c’est ainsi que s’opére tradition- nellement l’authentification — le représentant ne rend pas normalement opposables 4 son Etat national les dispositions substantielles qui constituent son texte : en régle générale, nous le verrons (infra, p. 38), la si- gnature n’a pas pour fonction d’exprimer le consente- ment de I’Etat a étre lié et ne fait pas de I’ « Etat ayant participé 4 la négociation » qu’il est encore un « Etat contractant », et moins encore un « Etat partie » (sur ces expressions, v. CV, 2/1 fet 8). Il n’en reste pas moins que, dans la pratique d’un Etat, faire signer un traité par son représentant signifie souvent manifester approbation de son contenu, et constitue alors annonce implicite d’une intention dy devenir partie ultéricurement, méme si on ne doit pas attacher une importance excessive 4 cette signification, que la prati- que contemporaine a considérablement brouillée et qui est de toute fagon sans portée légale. L’usage, aujour- hui fréquent, qui consiste a faire authentifier par le président de la conférence ou de Porgane international au sein duquel s’est faite adoption une convention dont le texte prévoit en outre quelle sera ouverte 4 la signature —— fit-elle « différée » — des Etats qui ont participé 4 la négociation, redonne a ce dernier acte une fonction autonome et, de ce moment situé a la 18 charniére entre l’opération d’établissement du texte et Vopération de formation de l’engagement individuel, tend déja a faire un premier élément de la seconde ; c'est ce qui explique les précautions dont les Etats entourent des actes d’authentification (la signature _ peut par exemple n’étre donnée qu’ad referendum, ou se déclasser en un simple paraphe : CV, 10 b), qui auraient peu de sens s’ils n’ouvraient la voie a ’expres- sion d’une volonté de se rendre opposable le fond du traité, 3. Statut du texte 4 Pissue de Popération d’établisse- ment, — II reste que, a ce stade, le traité n’est qu’un texte et qu’il ne produit aucun des effets que son objet est de lui faire produire ; lactualisation de ses effets potentiels (instituer une norme applicable entre des sujets internationaux ou un étre légal existant comme tel a leurs yeux) dépend d’actes unilatéraux des futurs participants au régime conventionnel, qui n’ont pas été encore accomplis. Mais, si l’on envisage la conclusion des traités comme une opération complexe, chaine dactes juridiques dont seul le dernier, rendu possible par la succession des chainons antérieurs, produit Veffet conventionnel, aucun de ces actes n’est légale- mentindifférent ; l’établissement du texte rend possible le déroulement des opérations ultérieures mais il pro- duit en outre des effets propres tenant a sa seule exis- tence objective en tant que texte, hors de tout effet de ses clauses substantielles. 1) Les dispositions non substantielles du traité entrent en vigueur immédiatement, ce qui se comprend sans peine si l’on se contente de justifications pratiques. — Les clauses finales (ou « articles finals ») du traité sont celles qui concernent sa technique de conclusion et d’entrée en vigueur, le mode d’acquisition de la qua- lité de partie et la possibilité d’y apporter des réserves, 19 les conditions dé modification et d’extinction des enga- gements, etc. : bref; toute la logistique conventionnelle du « droit des traités », étrangére pour I’essentiel a la teneur de Ia convention dont le texte vient d’étre mis sau point. Lentrée en vigueur immédiate de certaines de ces dispositions est nécessaire, celles dont l'objet est précisément d’ordonner les opérations antérieures 4 entrée en vigueur des clauses substan- tielles du traité; elles sont donc par nature détachables de Tensemble du texte et opérent hors de toute logique convention- nelle puisque c’est de leur jeu que résulteront ultérieurement les effets conventionnels du traité. Analyser ce mécanisme comme une entrée en vigueur anticipée mais partielle, résultant de la seule adoption du texte (en ce sens CY, 24/4), ne résout nulle- ment la question théorique des origines de ces effets : puisqu’ils ne découlent pas du traité, ils ne peuvent trouver leur base légale que dans le droit international général, dont Vadoption du texte, opérant a la maniére d’un acte-condition, déclencherait Je jeu: mais alors il faut supposer l’existence d’une régle coutumiére ren- voyant 4 la collectivité des Etats participant a la négociation de n’importe quel traité, la compétence pour déterminer, par adoption des clauses finales, les régles relatives 4 la formation du lien conventionnel entre les futures Parties et donnant a ces regles un effet Jégal. La méme explication pourrait rendre compte en théorie de la possibilité d’une application Provisoire, totale ou partielle, d’un traité non encore entré en vigueur (CV, 25), hors de tout accord conclu en ce sens par les Etats participant a la négociation et sur la base d’une disposition du traité. — Parmi les dispositions non substantielles qui entrent ainsi en vigueur immédiatement, celle qui concerne l’éventuel dépét du traité a une importance particulicre. Le dépét (CV, 76-77) est Vopération qui consiste 4 confier 4 une personne, morale (Etat ou organisation internationale) ou physique (organe de Tun ou de lautre), les fonctions d’administration d'un traité multilatéral ; comme, a défaut de déposi- taire, les actes individuels des sujets ayant participé a la négociation (actes ayant pour objet d’acquérir la qualité de partie ou de la perdre, réserves et objec- 20 ~ tions, 5 examinera dans les chapitre yants) doivent étre soit « échangés » entre eux (ins- truments de ratification) soit « notifiés » unilatérale- ment a chacun, tout traité associant un nombre important de sujets ferait Pobjet d’un nombre consi- dérable de communications entre chacun d’eux et chacun des autres ; le dépositaire, constitué en inter- médiaire unique de toutes ces communications, regoit les actes de chaque Etat ou organisation et les réper- cute lui-méme auprés de tous les autres. II s’agit 1a d'une fonction délicate car le dépositaire peut étre amené a prendre dans l'exercice d’une mission qui parait d’abord purement technique des initiatives que contesteront certains de ceux de qui il tient ses pou- voirs; c’est ce qui explique l’accent mis par la Convention sur le « caractére international » de ses fonctions et sur l’impartialité avec laquelle il doit s’en acquitter (CV, 76). 2) Dispositions substantielles. — L’existence méme du texte est par ailleurs opposable aux Etats ayant participé 4 la négo- ciation, qui doivent « s’abstenir d’actes qui priveraient [le] traité de son objet ou de son but », dés le moment ov ils ont pris 4 son sujet une position individuelle qui, sans aller jusqu’a Jeur en rendre Ja substance opposable, dépasse la scule partici- pation 4 V’opération collective d’adoption (CV, 18). Il ne s’agit certes pas pour I’Etat de respecter des prescriptions qui ne sont encore que virtuellement enfermées dans le texte, mais de se conduire de facon telle que, si le traité vient ultérieurement 4 entrer en vigueur pour lui, les conditions d’exécution de ses engagements n’aient pas été altérées entre-temps de son propre fait et que les autres Etats qui Pont conclu avec lui en fonction des circonstances qui prévalaient lors de la négociation ne jugent pas modifiées les conditions au vu desquelles ils se sont eux-mémes engagés. Ainsi serait inacceptable l’attitude d'un Etat qui, ayant signé mais non encore ratifié une convention comportant une réduction échelonnée des droits de douane sur un produit, procéderait avant qu’elle n’entre en vigueur 4 une augmentation du taux sur la base duquel devra étre ensuite cal- culé V’abaissement du tarif douanier. Il n’y a la rien d’autre qu’une application du principe de bonne foi qui, on le répéte, 21 international général, sans rapport avec Je contenu du traité proprement dit et sans base conventionnelle. IL. — Signification du traité Un traité, on I’a dit, est un acte juridique écrit. En tant qu’acte juridique il vise 4 produire un effet de droit, c’est la son « objet », au sens ot I’on entend ce mot dans la théorie des actes : l’effet de droit que recherche son auteur; parler de la signification du traité, c’est donc d’abord envisager l’objet de cet acte, chercher l’effet de droit que ses auteurs en attendent, s'interroger en somme sur ce qu'il veut faire (la recherche de ce qu’il fait effectivement, c’est-a-dire de sa signification objective telle qu’elle résulte des régles qui lui sont extérieures, ressortit quant a elle 4 l’étude des effets du traité, infra, chap. III). Mais pour agir ainsi légalement sur la réalité, les auteurs du traité ont emprunté la voie du langage : en tant qu’acte écrit, le traité est un assemblage de mots et de phrases articulé en un discours ; s‘interroger sur la signification du traité, c’est done aussi déterminer le sens du texte par lequel, et pas toujours de facon claire et univoque, les auteurs de l’acte ont matérialisé Paccord qui les a réunis sur l’objet vers lequel ils tendaient : c’est se de- mander ce que le traité veut dire. Pragmatique et sémantique se conjuguent ainsi dans la recherche de la signification du traité. : 1. Ce que le traité veut faire : objet de Pacte, — L’effet de droit visé par les auteurs du traité — son « objet » — peut étre de deux sortes, et des dispositions du méme traité peuvent se cétoyer qui appartiennent a l’une et 2 Pautre. 22 "impose" que des obligations “dé” comportément tirées du droit © ~ A) Dispositions normatives. : - mo a ) Notion. — L’objet le plus fréquent des traités est de régir (norm-aliser) des conduites. Le texte énonce : conventionnellement des normes légales, dont le traité prétend opérer soit la création soit (traités de codifica- tion du droit coutumier) la révélation. Tl ne s’agit pas pour Tinstant de déterminer 4 qui ces normes seront opposables (infra, chap. II) ; ce qui doit nous retenir, crest le fait qu’un texte énonce collectivement des pro- positions normatives ; que ces propositions sollicitent le destinataire de faire ou de ne pas faire quelque chose (et quelque force quil y emploie : invitation ou pres cription) ou qu’elles l’autorisent a faire ou ne pas are quelque chose (habilitation)..., toutes ont pour o jet de déterminer pour l’avenir la conduite du destinataire de 1a norme, et de poser un modéle auquel cette conduite pourra étre confrontée ; chacune des normes en cause s’articulant par ailleurs 4 d’autres a I intérieur d'un systéme juridique, il s’en trouvera parmt elles qui attachent des conséquences différentes a la conduite des destinataires de la premiére selon qu’elle a été ou non conforme au modéle qu'elle définit. En somme, ce qui caractérise une proposition normative, ¢ est qu’elle sadresse 4 quelqu’un, pour définir 4 son usage un éle de comportement. oe me) Varibids L rogles et normes individuelles. — AYinté- rieur du genre que constituent les propositions nor- matives, les traités — comme les actes juridiques internes — offrent une multiplicité d’especes, dont quel- ques-unes peuvent étre signalées sans glisser de la théo- tie des traités dans la théorie des normes convention- nelles et en s’en tenant a celles qui permettent des qualifications pertinentes au regard du droit des traités. ié jstinction tient 4 la généralité de la norme conventionaelle. que doit eappréeier en Fonction de son mode Wopération. Tantét elle gouverne le comportement de ses desti- 23 ‘4 nataires (dé “quelque maniéré” qu’ils’ soient determinés) dans une situation individualisée, concréte ct insusceptible de reproduc- tion, en sorte que, une fois qu’ils ont agi dans le sens prescrit, Ja norme a épuisé ses effets et que les droits et obligations qui en résultaient sont éteints du fait de son exécution ; tantét elle n’opére que dans les situations qu’elleeméme caractérise en termes abstraits, de fagon telle que V’hypothése retenue comme condition d’opération de la norme puisse se reproduire indéfi- niment aussi longtemps que celle-ci reste en vigueur, la mettant a méme d’opérer chaque fois que Thypothése se réalise. On peut ainsi opposer normes 4 structure catégorique, déterminant la conduite de leurs destinataires en fonction d’une condition déja_supposée réalisée effectivement par la norme, fic et nunc, et normes 4 structure hypothétique qui, sans étre moins obliga- toires, ne déclenchent réellement le jeu de lobligation que si une condition se réalise mais le déclenchent aussi souvent quelle se réalise; par exemple un traité par lequel un Etat sengage a fournir une prestation déterminée 4 un autre en échange d’une contrepartie monétaire apparticnt au premier type normatif, et un traité par lequel le méme Etat svengage a préter une assistance militaire 4 son cocontractant si («a condition et chaque fois que ») celui-ci est Pobjet d’une agres- sion reléve du second. On le notera 4 ce propos, une norme ne perd pas son caractére de régle par le fait que ses assujettis sont individualisés (comme c’est le cas ici, s’agissant du traité bilatérat ou moltilatéral restreint) : la qualité de régle d'une norme ne tient pas au caractére indéfini du nombre de ses des. tinataires mais 4 celui du nombre des applications qui peuvent en étre faites, ¢) Suite ; traités-contrats et traités-lois. — Cette remarque nous met sur la voie d’une nouvelle distinc- tion entre les traités, trés discutée en doctrine, selon quwils sont de nature contractuelle ou législative. Les premiers (« traités-contrats ») auraient pour objet exclusif l’institution entre les parties d’un rapport de créancier 4 débiteur (et d’un rapport réciproque si le traité est synallagmatique) ; des normes quils posent résulteraient des droits et des obligations pour chaque partie dans ses relations avec l’autre (ou chacune des autres), comme ils le font en droit interne d’une norme contractuelle, génératrice de relations juridiques pure- 24 ment intersubjective entre des personnes ne poursui- vant pas le méme but. Dans les seconds au contraire (« traités-lois ») les parties auraient pour but commun de poser des normes d’ou résultent objectivement des droits et des obligations au profit et a la charge de cha- cune d’elles ; 4 ces droits correspondent certes les obli- gations réflexes des autres, et a ces obligations des droits, mais la relation intersubjective entre parties se dissoudrait, chacun des Etats se trouvant a Pégard des normes posées par le traité dans une situation | juridi- que statutaire analogue 4 celle que fait le droit interne aux personnes assujetties 4 une loi; Ja relation commutative entre parties, fondée sur l’échange des prestations, s’estomperait ainsi au profit de leur commune soumission a la convention, d’ot elles tire- raient directement leurs obligations et leurs droits. Les traités-lois, qui ont toujours pour contenu des. régles (et non des normes individuelles), devraient a leurs caractéristiques un régime juridique partiellement différent du droit commun des traités ; ainsi la dispari- tion de ’élément de réciprocité exclurait la possibilité pour un Etat d’invoquer la non-exécution de son enga- gement par l’autre partie comme motif pour ne pas exécuter le sien, et surtout favoriserait Pidée que les Etats dont l’accord a permis la conclusion du traité n’en sont pas les principaux destinataires, ou en tout cas pas les seuls : agissant collectivement comme légis- lateur conjoint et non individuellement comme contractants, ils produiraient des conventions dont les normes s’adressent a leurs sujets internes autant ou plus qu’a eux-mémes, et affectent directement la situa- tion juridique de ceux-ci (infra, chap. III, sur le pro- bléme de |’ « immédiateté »). Il est d’usage de dire que la distinction des traités-contrats et des traités-lois est sans portée positive, et certes elle a un carac- tére doctrinal et n’est pas reprise en termes exprés dans la 25

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