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Introduction :

Même si la notion de développement durable reste très discutée, elle s’est imposée comme
incontournable dans la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2007. Cela peut
s’observer à travers le Pacte écologique de Nicolas Hulot signé par la plupart des candidats, à
travers l’intégration de cette thématique dans de nombreux débats ou bien encore par la
dénomination d’un nouveau ministère dit « de l’écologie du développement et de
l’aménagement durables ».
Mentionné pour la première fois dans le rapport Brundtland en 1987, comme désignant le
développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre à leurs propres besoins, cette notion suscite des interrogations,
en particulier en ce qui concerne ses relations avec la croissance économique. Si la question
de la compatibilité des deux notions semble moins discutée aujourd’hui, les débats portent
davantage sur le niveau de croissance naturellement soutenable pour l’environnement ;
Comment concilier une progression générale du niveau de vie sur l’ensemble de la planète
avec la préservation des grands équilibres écologiques ? Ne faut-il pas remettre en cause le
modèle de croissance en place, organisé sur la seule économie de marché ?
Pour répondre à cette problématique nous montrerons dans un premier temps qu’une
croissance élevée ne semble pas conciliable avec un développement durable, puis dans un
second temps nous verrons qu’une prise de conscience semble s’opérer dans de nombreux
pays ouvrant ainsi la perspective d’un nouveau modèle de croissance plus soucieux des
questions environnementales.

I) Sur les bases du modèle économique actuel, il semble impossible de concilier


une croissance élevée et un développement durable.

1) Des signaux alarmants qui montrent l’incompatibilité d’une


croissance élevée et d’un développement durable sur les bases du
modèle actuel.

• Une croissance économique grande consommatrice d’énergie


Au cours des trente dernières années, la consommation mondiale d’énergie a doublé, en
passant de 5 à plus de 10 milliards de tonnes équivalent pétrole (TEP). Pour la seule année
2005, la croissance de la demande mondiale d’énergie a été de 2.7%. Conséquence logique,
on estime que la part des émissions de CO2 imputable aux pays développés est de 70%. Le
document 1 montre que les découvertes annuelles de réserves pétrolières ne suffisent plus
depuis une vingtaine d’années à compenser la progression de la consommation mondiale de
pétrole. Pour la seule année 2004 le différentiel observé est de -20 milliards de barils et cette
situation est quasi constante depuis le début de la décennie 1990.
Les conséquences climatiques sont désormais connues, même si leur amplitude donne encore
lieu à débats. Selon les rapports du GIEC (groupement international des experts sur le climat),
durant le XXème siècle la température moyenne de la planète s’est élevée de 0.6°C et les
prévisions pour les années à venir ont de quoi inquiéter. Toujours selon le GIEC, à l’horizon
2050 la température moyenne devrait croître de 1.4°C selon les modèles les plus optimistes à
5.8°C pour les plus pessimistes.
• Une pression insupportable pour l’environnement.
La pression continue sur les ressources renouvelables et non renouvelables, qu’il s’agisse des
ressources énergétiques, le l’eau, de la déforestation, conduit la planète vers un double risque.
D’une part, un risque climatique majeur , nous avons précédemment évoqué le réchauffement
de la planète, rappelons à titre d’exemple l’essor de la monoculture soja au Brésil qui a fait
perdre à la forêt amazonienne l’équivalent de trois fois la surface de la France au cours des
dix dernières années. Les prélèvements dans les nappes phréatiques ont atteint un tel stade
dans des pays comme les Etats-Unis ou la Russie que l’on sait dés à présent qu’ils ne pourront
pas être renouvelés. D’autre part, cette évolution conduit à un risque de conflit pour l’accès à
ces ressources dont les besoins et la disponibilité évoluent en sens inverse. Cette pression est
déjà particulièrement sensible pour l’accès au pétrole. L’accès à l’eau est un autre enjeu
imminent, rappelons que d’ores et déjà un milliard d’hommes est privé d’un accès aisé à l’eau
potable.

2) Une situation aggravée par la croissance particulièrement rapide


de certains pays en situation de rattrapage économique.

• Une accélération du processus.


Le développement de l’économie chinoise explique à lui seul pratiquement les ¾ de
l’augmentation de la consommation énergétique. La croissance économique moyenne de la
Chine (document 3) pour la période 1988-1997 était de 9.9% et de 8.9% pour la période 1998-
2007. Bien que particulièrement édifiant, cet exemple n’est pas le seul. Si on considère, par
exemple, le cas de l’Inde pour les deux mêmes périodes les croissances annuelles moyennes
enregistrées étaient de 5.9% et 6.5%. Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) en
2030, la demande mondiale d’énergie devrait atteindre 16 487 millions de tonnes. Même si les
pays en développement sont responsables des 2/3 de cette hausse, il faut, sur ce point,
particulièrement distinguer stocks et flux et rappeler que les pays de l’OCDE consomment la
moitié de l’énergie mondiale pour une population qui ne représente que 15% de la population
mondiale. Comme le souligne un rapport du WWF en 2002 (document 3) « l’humanité
dépasse désormais la capacité de la Terre à subvenir à ses besoins en ressources
renouvelables », il en résulte que l’empreinte écologique est de plus en plus forte, ce qui ne
peut qu’inquiéter si l’on considère le rattrapage de niveau de vie que sont en train d’opérer
nombre de pays par rapport à l’occident. Ainsi, l’empreinte écologique d’un consommateur
américain en 1999 établit de 9.6 hectares, contre 5 pour un européen et 1.4 pour un africain ou
un asiatique.
• Qui semble confirmer l’incompatibilité entre croissance élevée et développement
durable.
Si l’on se réfère au rapport Buntdland en 1987, le développement durable est un
développement qui correspond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs. Cette définition dépasse la notion de développement
en trois points ; d’une part, elle aborde l’environnement comme ressource naturelle, d’autre
part, elle en fait une ressource dont la reproduction échappe en partie au pouvoir des hommes
et enfin, elle alimente l’idée que des considérations éthiques et une action politique doivent
s’ajouter à une simple logique d’économie marchande. Le décalage entre cette représentation
du développement et le modèle actuel de croissance est tel que se sont développées des
propositions alternatives proposant un modèle de croissance zéro ou bien même un modèle de
décroissance.

II) Mais les signes d’une prise de conscience sont manifestes et ouvrent la voie
vers un modèle de croissance plus soucieux de créer les conditions d’un
développement durable.
1) Une prise de conscience de plus en plus manifeste même si
beaucoup reste à faire.
• Une opinion publique de plus en plus sensibilisée.
S’il revient au rapport Brundtland d’avoir rendu public la notion de développement durable,
c’est incontestablement avec le sommet de la Terre de Rio que la notion fut diffusée à un
public plus large. La prise en compte croissante de cette problématique est manifeste mais sa
mise en œuvre est complexe. Si la sensibilisation des opinions publiques occidentales est en
marche, la perspective d’une décroissance remettant en cause les niveaux de vie semble peu
vraisemblable. Même si on peut attendre des citoyens une mobilisation individuelle, les
réponses sont nécessairement étatiques et interétatiques.
• Un processus en marche.
C’est l’ONU en 1983 qui ouvre la voie en commandant à Mme Brundtland un rapport sur
l’environnement et le développement à l’issue duquel, en 1987, sera diffusée la notion de
développement durable. A la fin des années 1980, la création d’un groupe d’experts, le GIEC
(groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) marque la volonté,
notamment des Etats-Unis d’ouvrir un programme de négociations intergouvernementales.
C’est la conférence dite « sommet de la Terre » de Rio en 1992 qui ouvre les négociations
entre Etats destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il faudra attendre 1998
pour que soit ratifié à Kyoto un protocole fixant un objectif quantitatif de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. L’objectif global sur lequel se sont engagé les 156 pays
ayant ratifié le protocole est d’une réduction des émissions de 5.2% en 2008-2012 (document
4). Cet engagement collectif est assorti d’objectifs individuels, par pays en fonction de la
croissance estimée de leurs émissions. A titre d’exemples, l’objectif assigné à l’Europe est
une réduction de 8% et de 6% pour le Japon. Comme le souligne le document 4, l’incidence
des engagements pris est considérable et permettra une diminution de 20% du niveau
d’émissions en 2010 par rapport à ce qu’il aurait était si aucune mesure de restrictions n’avait
été adoptée. Il est par contre essentiel de signaler que les Etats-Unis, qui avaient pourtant joué
un rôle essentiel dans la première phase du processus, ne font pas partie des pays ayant ratifié
le protocole de Kyoto alors que l’objectif de réduction qui leur était assigné était de 7%.
L’entrée en application des engagements de Kyoto est effective depuis 2005 à la suite de la
Conférence de Johannesburg (2002).

2) Un pessimisme tempéré par ceux qui croient en la capacité de nos


économies à sortir de ce dilemme pour le moment insoluble.
• Des espoirs en partie fondés sur le progrès technique :
Pour certains analystes, dont les arguments sont cités par le document 2, le progrès technique
doit à terme fournir les moyens de surmonter nombre des difficultés précédemment évoquées.
Les innovations permettent déjà de réaliser de substantielles économies d’énergie, ainsi les
voitures actuelles consomment-elles beaucoup que celles d’il y a vingt ans, les normes des
nouvelles constructions leurs confèrent des performances énergétiques beaucoup plus élevées.
Le progrès technique a également permis d’optimiser les méthodes d’extraction des matières
premières, ou encore de développer le recyclage d’un nombre croissant de biens usagers. Si
on considère plus particulièrement le domaine des transports, différentes voies peuvent être
exploitées : substituer de nouvelles énergies aux énergies fossiles, mettre au point des
véhicules plus sobres, modifier les comportement des usagers en orientant davantage les
pratiques vers les transports collectifs, le covoiturage…

• Le développement durable : une opportunité à saisir.


La conciliation de la croissance et du développement durable implique une prise de
conscience par les industriels des opportunités que peut représenter le marché très porteur des
« éco-innovations ». Dans cette logique la recherche et le progrès technique orientés vers des
productions plus respectueuses de l’environnement, constituent des sources de croissance
économiques et de créations d’emplois. Certaines firmes multinationales l’ont parfaitement
compris et orientent une partie de leur production et leur communication sur leur savoir-faire
en la matière. Ainsi, le succès du groupe Toyota en 2006 dont les ventes et l’image de marque
sont confortées par la mise sur le marché de produits identifiés comme plus respectueux de
l’environnement comme les moteurs hybrides. Cette évolution est une confirmation empirique
des travaux d’économistes à l’origine de la courbe environnementale de Kuznets, qui postule
qu’à partir d’un certain niveau de revenu par habitant, la dégradation de l’environnement est
appelée à diminuer. La courbe ainsi présentée est une courbe en « U » inversé à l’image de la
courbe associant richesse et inégalités mise au point par Kuznets. Cette représentation
optimiste fait du développement un facteur de croissance plus propre. Cette évolution est
attribuée en premier lieu aux progrès technologiques, en second lieu à l’effet de
« composition » selon lequel les activités industrielles les plus polluantes diminuent et des
activités tertiaires plus propres se développent, enfin en troisième lieu l’évolution de la
structure de la demande, davantage orientée vers des biens supérieurs influence fortement les
stratégies productives.

Conclusion :

Comme nous venons de le rappeler la question de la compatibilité d’un niveau de croissance


soutenu et d’un développement durable reste particulièrement sensible. Tout d’abord parce
que la résolution des dérèglements environnementaux est empreinte d’une inertie
considérable. En effet les dérèglements climatiques actuels sont la répercutions des
dommages causés à l’environnement pendant les Trente Glorieuses. En conséquence, même si
nous étions capables de modifier radicalement et immédiatement notre mode de croissance,
les effets ne s’en feraient sentir qu’à l’horizon 2050. D’autre part, l’échelle de cette
problématique est planétaire, ce qui implique une réponse interétatique d’autant plus difficile
à mettre en œuvre que les intérêts à court et moyen termes sont divergents et que les niveaux
de développement atteints sont très hétérogènes. Pourtant, ce pessimisme peut-être en partie
tempéré du fait qu’une prise de conscience croissante des opinions publiques est en marche.
Cela tient au constat indéniable des dérèglements en cours dont nous sommes tous les témoins
et à une communication de plus en plus efficace sur ces sujets, à l’image du succès rencontré
par le film documentaire d’Al Gore en 2006 « une vérité qui dérange ».

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