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e ie onal Obsérvateur SKK IA ON A TROUVE UN REMEDE CONTRE L7ALCOOLISME Dossier LE PHENOMENE BACLOFENE On a trouve un remede contre l’alcoolisme Aprés des décennies de déceptions thérapeutiques, un médicament offre enfin des résultats spectaculaires. Une vaste étude vient d’étre lancée par les autorités ’espoir désormais porte un nom: bacloféne. En pharma- cie depuis 1974, communé- mentprescrit pour soignerles contracturessurvenant au cours d’af- fections neurologiques comme la sclérose en plaques, voici qu'un vieux médicament révéle aprés des années de service une vertu cachée: libérer Jes alcooliques de leur addiction, y compris dans les cas extrémes. Bien sdir, le traitement ne convient pas & tous les patients - l’alcoolisme est un état complexe. Bien sir, la forte dose requise - jusqu’a quatre fois la poso- logie usuelle ~ pose la question des effets secondaires. Mais au-dela des précautions nécessaires, le bacloféne, ou Lioresal de son nom commercial, se révéled’une efficacité inhabituelle pour les soignants. En envoyant un questionnaire détaillé aux médecins prescripteurs, nous avons ainsi recensé 1500 patients sevrés a travers la France (voir p. 92). Ces demniéres années, de plus en plus de praticiens, souvent des géné- ralistes, se sont mis a prescrire le «baclo» hors AMM (autorisation de mise surle marché), c’est-a-dire pour une indication autre que celles men- tionnées sur la notice. L'initiative est légale, pourvu quelle serve l'intérét LeNouvel Observatour24mat 2012-61248 du malade, Et partout en France, ces prescripteurs - autour de 500 - décri- vent des résultats «totalement enthousiasmants ». « Nous avons pesé en nos ames et consciences les risques et les bénéfices et nous avons tranché pour une balance trés en faveur du baclofene>, lisait-on en février dans unetribunedu « Monde» signéed'un collectif de praticiens. Un constat pat- tagé parles Suissesetles Américains. Et voici quele2mai!ANSM, Agence nationalede Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (le nouveau Témoignages )4 Autres remédes nom de[Afssaps) rendait un avis pru- demment favorable pour cet usagedut bacloféne. «De nouvelles données observationnelles montrent des béné- {ices cliniqueschezcertains patients», estime l’Agence, qui recommande une prescription «au cas par cas». Car telle est la difficulté: trouver la «dose seuil », quiest tres variabled'un maladea autre, indépendantedeson poids et de sa morphologie. Lalcool tue 45000 personnes par anrien qu’en France, dont 10000 par cancers, auxquels s’‘ajoutent notam- ment les accidentés dela route et les victimes de crimes conjugaux (pres de la moitié de ceux-ci a lieu sous emprise éthylique). La boisson est aussi Vorigine de nombreux délite- ments familiaux et de marginalisa- tions au travail et sur les trottoirs des grandes villes. Démunis, certains médecins parent de « désert théra- peutique». Les médicaments pres- crits jusqu'ici se sont révélés peu efficaces, comme lAotal et le Revia, les deux plus courants, dont effet a été qualifié, en 2009, de «minime» par le magazine «Prescrire», Effets secondaires indépendant des firmes pharmaceu- tiques (voir p. 94). Lagrande nouveauté, clest qu’avec le bacloféne on obtient enfin des résultats. Publiée en 2012 dans la revue internationale « Alcohol and Alcoholism », étude Rigal and Co, dirigée par Philippe Jaury, généra- liste et professeur A 'université Paris- Descartes, montre que 58% des buveurs mis sous bacloféne arrétent complétementdeboireou diminuent leur consommation: un ou deux verres de temps en temps, mais pas plus. De nombreux rescapés parlent d'«indifférence a Valcool ». Voici qui ébranle aussi le dogme de Yabstinence — avec toute l'énergie déployée pour ne pas boire que cela suppose - classiquement présentée comme la base de’toute thérapie. «Entreles mains de médecins compé- tents, ce médicament est susceptible de faire beaucoup mieux que les autres», estime Michel Detilleux, interniste & ’hdpital Cochin. La per- ception de cette maladie trop long- temps reléguée dans le champ des comportements et du manque de volonté peut changer. » Cette thérapeutique inattendue repose sur les révélations d’un ancien cardiologue du Presbyterian Hospital de New York, Olivier Amei- sen. En 2008, dans «le Dernier Verte » (Denoél), il raconte com- ment, en plein naufrage éthylique, il stest tiré d’affaire en s'auto- prescrivant du baclofénea trés forte dose, et retrace les recherches qu'il a menées pour établir que cette molécule, en agissant favorable- ment sur un récepteur cérébral, le GABA-B, supprimele craving, cette irrépressible envie de boire au centre de la maladie. 89

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