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Droit public des

affaires/Immobilier

La domanialité
publique
et sa gestion

Édition et publication : SCET – Intersem

Réalisation :
Décembre 2007 SCET – Juridique et financier
La domanialité publique et sa gestion Décembre 2007
Guides du Réseau

LISTE DES ABRÉVIATIONS

CG3P Code Général de la Propriété des Personnes Publiques

CGCT Code Général des Collectivités Territoriales

DP Domaine public

SP Service public

BEA Bail emphytéotique administratif

AOT Autorisation d’occupation temporaire

COT Convention d’occupation temporaire

LOA Location avec option d’achat

CAA Cour administrative d’appel

CE Conseil d’État

CJCE Cour de justice des communautés européennes

AMF Autorité des Marchés Financiers

EP Établissement public

Q/R Question/Réponse

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La domanialité publique et sa gestion Décembre 2007
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SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS 2


INTRODUCTION 4

1re Partie
La domanialité publique : quelle définition ? 5
Sous-partie I – Le régime de protection du domaine public 6

FICHE I A : L’INALIÉNABILITÉ ET L’IMPRESCRIPTIBILITÉ 7


FICHE I B : LES RÈGLES GÉNÉRALES D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC 8
FICHE I C : LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC 10

Sous-partie II – Les biens relevant du domaine public 12

FICHE II A : LES CRITÈRES DE L’APPARTENANCE D’UN BIEN AU DOMAINE PUBLIC 13


FICHE II B : LES THÉORIES DE L’ACCESSOIRE
ET DE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE GLOBALE 15
FICHE II C : LES EXCLUSIONS LÉGISLATIVES DU DOMAINE PUBLIC 17
FICHE II D : DES DÉFINITIONS SPÉCIALES 18
SOUS-FICHE II D 1 : LE DOMAINE PUBLIC FLUVIAL 19
SOUS-FICHE II D 2 : LE DOMAINE PUBLIC MARITIME 20
SOUS-FICHE II D 3 : LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER 21
SOUS-FICHE II D 4 : LE DOMAINE PUBLIC FERROVIAIRE 23

2nde Partie
La domanialité publique : quelles possibilités de gestion ? 24
Sous-partie III – La vente, le transfert, l’échange des biens du domaine public 25

FICHE III A : LES CESSIONS ENTRE PERSONNES PUBLIQUES 26


FICHE III B : LES ÉCHANGES 28
FICHE III C : LES TRANSFERTS DE GESTION 29

Sous-partie IV – L’occupation du domaine public 31

FICHE IV A : LES SERVITUDES SUR LE DOMAINE PUBLIC 32


FICHE IV B : LES RÉGIMES D’OCCUPATION CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS : LE BEA 33
FICHE IV C : LES RÉGIMES D’OCCUPATION CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS,
LES AOT COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 35

Sous-partie V – La sortie du domaine public pour intégrer le domaine privé 36

FICHE V A : LES OBJECTIFS DE L’INTÉGRATION DANS LA SPHÈRE PRIVÉE 37


FICHE V B : LA PROCÉDURE DE DÉSAFFECTATION – DÉCLASSEMENT 38
FICHE V C : LES EXCEPTIONS À LA CHRONOLOGIE DÉSAFFECTATION-DÉCLASSEMENT 39

INDEX DE QUESTIONS/RÉPONSES 40
CONCLUSION 41

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INTRODUCTION

Le domaine des collectivités est constitué de l’ensemble des biens qui leur appartiennent ou qui sont à leur disposition.
Le domaine est public lorsque le bien est propriété de la personne publique, est mis à la disposition directe du public ou
est indispensable à l’exécution d’un service public.
Dans ce cas, le domaine fait l’objet d’une protection juridique renforcée dans le cadre de ce que l’on appelle le « droit de
la domanialité publique », dont les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité sont le plus souvent des obstacles à la
réalisation de montages immobiliers complexes.
La domanialité publique constitue ainsi une contrainte réelle pour les collectivités et les SEM, qui doivent
en intégrer les règles et les principes dans leurs opérations. On constate d’ailleurs une sollicitation de plus en plus
fréquente de leur part sur le choix du montage immobilier le mieux adapté en terme de contrainte, ou encore pour béné-
ficier d’un appui dans la mise en œuvre des procédures de classement et de déclassement de voiries et d’équipements
publics dans des opérations de rénovation urbaine, par exemple.
Jusqu’en 2006, le droit de la domanialité publique était régi par des textes épars comme le Code du domaine de l’État
et la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime. L’absence de texte fondateur a conduit le juge admi-
nistratif à se saisir de l’ensemble de cette matière et à en faire un droit essentiellement jurisprudentiel. C’est à ce dernier
que l’on doit, par exemple, la consécration de la règle de la domanialité publique virtuelle, qui interdisait à une collecti-
vité publique propriétaire d’un bien de le déclasser pour le vendre, alors qu’elle avait d’ores et déjà décidé de dédier ce
bien à l’exercice d’un service public ce qui avait pour effet immédiat de le faire entrer dans le champ de la domanialité
publique. Les choses étaient néanmoins appelées à changer, ce qui a été le fait de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative
à la partie législative du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P).
Entré en vigueur le 1er juillet 2006, le CG3P regroupe l’ensemble des dispositions législatives afférentes à la gestion du
domaine public et privé des personnes publiques et constitue désormais le texte de référence incontournable pour les
acteurs du droit. En rupture avec l’état d’esprit précédent, arc-bouté sur une vision particulièrement stricte de la doma-
nialité publique et son impossible aliénation, le CG3P innove en insistant sur la propriété publique et sa possible
valorisation.
On y constate une volonté nouvelle de faire des collectivités des gestionnaires de leur patrimoine en leur reconnaissant,
par exemple, la possibilité de vendre, d’échanger ou de transférer des biens publics leur appartenant.
Cette innovation aurait pu justifier à elle seule un guide sur les possibilités de gestion des biens du domaine public.
Mais cette voie n’aurait pas permis de prendre en compte les autres innovations non moins fondamentales du CG3P
comme la possibilité désormais reconnue aux collectivités de constituer des servitudes sur leur domaine public, ou encore
la possibilité de prononcer le déclassement d’un bien, et donc virtuellement son aliénation, alors même que sa désaffec-
tation est certaine et décidée mais différée et donc non accomplie.
On notera également la possibilité désormais offerte aux collectivités territoriales d’assortir leurs autorisations
d’occupation temporaire (AOT) du domaine public de droits réels, à la condition toutefois que le titulaire de l’autorisation
poursuive l’accomplissement, pour le compte d’une collectivité, d’une mission de service public ou en vue de la réalisa-
tion d’une opération d’intérêt général.
La partie législative du CG3P devrait s’accompagner d’une partie réglementaire dont les décrets sont en attente.
Il nous est apparu nécessaire de compléter la famille des Guides du Réseau SEM-SCET en vous proposant, dès à présent,
ce Guide, interprète, au plan pratique, du renouvellement du droit de la domanialité publique et qui procéde au recense-
ment des possibilités d’interventions désormais offertes aux acteurs, que sont les collectivités et les SEM, soucieux de
sécuriser au mieux leurs opérations immobilières.
Tel est l’objet du présent guide qui se divise en deux parties portant, d’une part, sur la définition de la domanialité
publique et de son régime protecteur et, d’autre part, sur les modalités de gestion du domaine public. Nous avons pris le
soin pour chaque thème d’en faire une présentation théorique appuyée d’illustrations pratiques sous forme de fiches
synthétiques dans le but de faciliter votre lecture d’un droit qui se veut essentiellement technique. Nous avons également
choisi de concentrer notre travail sur le domaine public immobilier, qui nous semble être au cœur des préoccupations des
SEM et des collectivités. Forts de ces constatations, nous vous en souhaitons une excellente lecture.

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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1re Partie
La domanialité publique :
quelle définition ?

La domanialité publique vise un ensemble spécifique de biens immobiliers qui fait l’objet d’un
régime protecteur par rapport à celui du droit privé.

La présentation du régime juridique de la domanialité publique fait l’objet d’une première


sous-partie qui est ainsi l’occasion de montrer en quoi la domanialité publique constitue une
contrainte à intégrer pour les collectivités et les SEM.

La seconde sous-partie est consacrée aux biens entrant dans le champ d’application de la
domanialité publique et à sa définition générale.

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Sous-partie I – le régime de protection


du domaine public

Le régime de la domanialité publique protège tout aussi bien les cessions des biens du domaine public
(Fiche I A) que leur occupation (Fiche I B).
En effet, ces actes sont régis pas les règles générales et spécifiques contrastant avec la liberté contractuelle
qui caractérise les relations privées. Par ailleurs, le domaine fait l’objet d’une police particulière pour sa
conservation (Fiche I C).

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Fiche I A : L’INALIÉNABILITÉ
ET L’IMPRESCRIPTIBILITÉ

Le CG3P (article L.3111-1) reprend les dispositions de l’article L.1311-1 du CGCT qui indiquent que les biens du domaine
public sont inaliénables et imprescriptibles.
Toutefois, des dérogations visant à permettre une gestion plus souple sont désormais prévues. Elles constituent l’une des
innovations les plus importantes du nouveau Code sur laquelle nous reviendrons dans la seconde partie du guide.

1 – Le principe de l’inaliénabilité
DÉFINITION
Le principe de l’inaliénabilité, consacré par l’Édit de Moulins de février 1566, interdit de céder, vendre et même exproprier
les biens incorporés naturellement ou volontairement au domaine public. La cession d’un bien appartenant au domaine
public d’une collectivité locale se heurte, par conséquent, à ce principe, qui interdit la vente d’une dépendance du
domaine public tant que celle-ci n’a pas été au préalable déclassée, c’est-à-dire quand la sortie du domaine
public a été prononcée en vertu d’un acte administratif spécifique (Conseil Constitutionnel, décision n° 86-217 du
18 septembre 1986) (cf. Fiche V B).

DISPOSITIONS DÉROGATOIRES
Rompant avec l’état du droit précédent, le CG3P innove en permettant des dérogations au principe de l’inaliénabilité
(article L. 3112-1-2 et 3). Sont ainsi autorisés sous certaines conditions les cessions entre personnes publiques,
les échanges entre personnes publiques et/ou privées de biens relevant du domaine public (cf. Sous-partie III,
Fiches III A, B, C).

APPLICATIONS PRATIQUES
L’inaliénabilité n’a qu’une valeur relative. Elle signifie que le domaine public ne peut être aliéné tant qu’il reste affecté à
l’usage public ou à un service public.
Les conséquences liées à l’inaliénabilité sont les suivantes :
• nullité des aliénations (dont la vente);
• impossibilité d’exproprier le domaine public;
• interdiction de constituer des droits réels civils sur le domaine public (sauf exception du BEA);
• interdiction de la propriété commerciale et des baux non précaires : bail commercial, bail rural, bail à location
d’immeuble…

2 – Le principe de l’imprescribilité
Le principe d’imprescriptibilité, posé par un édit de Colbert d’avril 1667, interdit d’acquérir par prescription, c’est-
à-dire par possession prolongée, la propriété d’une dépendance du domaine public ou de tout autre doit
réel grevant un de ces biens.
Ce principe, qui ne souffre aucune exception, est destiné à garantir l’affectation du domaine, en s’opposant aux revendi-
cations des particuliers qui s’établissent sans posséder de titre les y autorisant sur des parcelles du domaine public
(CE, 13 octobre 1967, Cazeaux).
Le principe de l’imprescriptibilité s’applique aux actions en revendication des biens irrégulièrement aliénés, aux actions
en réparation des dommages causés au domaine (contravention de voirie) et aux œuvres d’art faisant partie du domaine
public mobilier.

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Fiche I B : LES RÈGLES GÉNÉRALES


D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC

Le domaine public fait l’objet d’une protection particulière. Tout d’abord, il peut être occupé ce qui constitue, il faut bien
le remarquer, une chose favorable. Mais ce droit d’occupation ne peut jouer qu’à la condition de respecter certaines règles
générales.
Ainsi, l’occupant du domaine public doit disposer d’un titre, lui permettant une occupation compatible avec l’affectation
du domaine. De plus, cette occupation ne peut être accordée qu’à titre temporaire et possède un caractère précaire et
révocable. Ces règles sont posées par les articles L 2122-1 à 3 du CG3P.

1 – L’affectation conforme ou compatible


« Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique. Aucun droit d’aucune
nature ne peut être consenti s’il fait obstacle au respect de cette affectation » (L 2121-1 CG3P).
En pratique, on distingue :
• l’utilisation conforme à la destination propre de la dépendance domaniale qui correspond à l’usage normal du bien :
par exemple, la circulation sur les voies publiques, les sépultures dans les cimetières ou les concessions de places dans
les halles et les marchés;
• l’utilisation compatible avec l’affectation qui n’est pas conforme mais qui ne compromet pas pour autant la desti-
nation de l’affectation : par exemple, les canalisations sous une voie, les terrasses de café sur la voirie, les kiosques à
journaux, les distributeurs d’essence.
Le cas des superpositions d’affectation : la superposition d’affectation est le principe selon lequel un immeuble
dépendant du domaine public peut faire l’objet de plusieurs affectations compatibles entre elles. La pratique admi-
nistrative a développé cette pratique plus connue sous l’appellation « superposition de gestion ». Le CG3P consacre pour
la première fois cette règle sous la forme législative. Ainsi :
« Un immeuble dépendant du domaine public en raison de son affectation à un service public ou à l’usage du public
peut, quelle que soit la personne publique propriétaire, faire l’objet d’une ou de plusieurs affectations supplémentaires
relevant de la domanialité publique, dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec ladite affectation.
La superposition d’affectations donne lieu à l’établissement d’une convention pour régler les modalités techniques et
financières de gestion de cet immeuble, en fonction de la nouvelle affectation.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article ».


Pour qu’il y ait superposition d’affectation, les conditions suivantes doivent être respectées (L. 2123-7, L. 2123-8 CG3P) :
• le bien doit relever du domaine public;
• la nouvelle affectation que reçoit le bien doit encore le faire relever de la domanialité publique;
• la nouvelle affectation doit être compatible avec la première affectation;
• la superposition est subordonnée à la passation d’une convention ayant pour objet de régler les modalités techniques
et financières de gestion du bien en fonction de ses affectations.
• la superposition d’affectations donne lieu à indemnisation du préjudice subi par la personne publique qui consent à la
superposition à hauteur des dépenses qu’elle doit engager ou de la privation de revenus entraînée par la superposi-
tion.
• enfin, cette réforme est applicable quelle que soit la personne publique propriétaire.
Un décret viendra préciser les modalités d’application des conventions de superposition d’affectation. Des conventions
types par nature d’ouvrage (par exemple convention pour les passages à niveaux, pour le passage des tramways sur la
voirie routière…) devraient être élaborées, ce qui permettrait de lever les obstacles rencontrés en cette matière.

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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2 – Le titre précaire et révocable


La précarité du titre et sa révocabilité sont inhérentes à toute occupation du domaine public et constituent des « prin-
cipes généraux de la domanialité publique ». Ils ne cèdent que devant les occupations résultant de l’octroi des conces-
sions funéraires, dont la jurisprudence reconnaît qu’elles n’ont pas « le caractère précaire et révocable qui s’attache, en
général, aux occupations du domaine public » (CE, Ass, 21 octobre 1955, Delle Méline)!

3 – Les règles financières d’occupation du domaine public


L’occupation ou l’utilisation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance (article L. 2125-1). La rede-
vance est calculée par l’autorité compétente compte tenu des avantages de toute nature procurés à l’occupant autorisé
(article L. 2125-3). Elle fait l’objet d’un paiement annuel et d’avance. Le versement anticipé peut être exécuté soit
sous forme d’acomptes, soit à l’inverse pour toute la redevance dans le cas où l’autorisation n’excède pas 5 ans (article
L. 2125-4).
Le CG3P définit limitativement les cas de gratuité justifiés par des motifs d’intérêt public. Ce sera le cas lorsque
l’occupation ou l’utilisation du domaine public est la condition naturelle et forcée de l’exécution de travaux ou de la
présence d’un ouvrage intéressant un service public bénéficiant à tous ou lorsque cette occupation ou utilisation
contribue directement à la conservation du domaine public lui-même, alors l’occupation peut être gratuite (article
L. 2125-1).
Les fiches IV A – B – C du présent Guide traitent des modes d’utilisation du domaine public qu’il s’agisse de servitudes,
de baux de longue durée type BEA ou d’AOT.

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Fiche I C :
LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC

L’intégrité matérielle et le respect de l’affectation des dépendances du domaine public font l’objet d’une protection spéci-
fique qui repose sur l’exercice de la police de la conservation du domaine.
Cette police se distingue de la police administrative générale dont le but est le maintien de l’ordre public, de la sécurité,
de la tranquillité et de la salubrité publique et qui s’applique à l’ensemble des biens publics et privés.
La police de la conservation, qui protège l’intégrité matérielle et l’affectation des biens, se limite aux biens relevant
du domaine public. L’autorité publique qui exerce cette police spéciale peut donc édicter toutes mesures, réglementaires
ou individuelles, pour préserver l’intégrité de l’ensemble des biens faisant partie de son domaine public.
Les infractions à la police de la conservation sont réprimées par les contraventions de voirie qui se répartissent sous
deux grandes rubriques, à savoir :
• d’une part, les contraventions de voirie routière dont le contentieux relève du juge judiciaire;
• d’autre part, les contraventions de grande voirie dont le contentieux relève du juge administratif.
Ces contraventions de voirie revêtent d’une part un caractère répressif, puisque les faits portants atteinte à l’intégrité du
domaine constituent des infractions assorties d’une amende pénale et d’autre part, un caractère restitutif, le contreve-
nant devant réparer les dommages causés au domaine public.

Les contraventions de grande voirie


Aux termes de l’article L. 2132-2 du CG3P : « Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret,
selon le montant de l’amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour
les dépendances du domaine public n’appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l’intégrité ou de
l’utilisation de ce domaine public, soit d’une servitude administrative mentionnée à l’article L. 2131-1. Elles sont consta-
tées, poursuivies et réprimées par voie administrative ».
Les contraventions de grande voirie s’appliquent aux atteintes portées à l’intégrité des dépendances du domaine public,
mais également aux atteintes portées à l’utilisation de ce domaine, notamment dans les cas d’occupation sans titre du
domaine public. Ces contraventions ne peuvent être établies que si elles sont expressément établies par un texte spécial.

APPLICATIONS PRATIQUES
Les faits constitutifs d’une contravention de grande voirie sont divers et nombreux.
Sur le domaine public maritime naturel : en application de l’article L. 2132-3 CG3P, constituent des infractions sanc-
tionnables :
• l’exécution sans autorisation de travaux (irrégularité de la construction d’un mur sur le rivage en l’absence
d’autorisation, CE, 12 octobre 1973, Kreitmann);
• l’exécution de travaux qui excédent ceux prévus par l’acte d’autorisation, (plagistes qui construisent des installations
durables alors que l’autorisation ne portait que sur des installations provisoires);
• le refus de retirer les ouvrages et installations alors que l’occupant du domaine a vu son autorisation expirer;
• l’extraction de sables et galets en l’absence d’autorisation;
• le dépôt d’objets divers qui compromet l’intégrité…
Sur le domaine public maritime artificiel : en application de l’article L. 2132-3 CG3P, constituent des infractions sanc-
tionnables :
• le refus d’obtempérer aux ordres donnés par les officiers de surveillance des ports;
• le stationnement de véhicules sur les quais et les terre-pleins;
• l’abandon d’épaves ou de navires échoués;
• le rejet ou l’écoulement de substances polluantes ou déchets dans les eaux du port…

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1 - La domanialité publique : qu’est ce que c’est ? décembre 2007
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Sur le domaine public fluvial : en application des articles L 2132-5 et suivants du CG3P, constituent des infractions
sanctionnables :
• l’implantation de clôtures ou de digues pour la protection des propriétés riveraines;
• les stationnements non autorisés de péniches;
• les déversements de résidus polluants dans le lit d’une rivière…
Sur le domaine public ferroviaire : en application de l’article L. 2132-12 du CG3P, constituent des infractions sanc-
tionnables :
• le déversement de détritus ou d’eaux usées sur les emprises des voies ferrées;
• les chutes d’arbres ou d’éboulement de roches sur les lignes de chemin de fer;
• la dégradation de passages à niveau.
Les contraventions de grande voirie sanctionnent les atteintes portées aux dépendances du domaine public, autres que
celle portées aux voies publiques terrestres qui sont sanctionnées dans le cadre des contraventions de voirie routière (ar-
ticles L 116-2 et L 116-4 du Code de la voirie routière).
L’infraction est constatée par un procès-verbal, établi par des officiers de la police judiciaire ou par des agents habilités
à constater les contraventions sur certaines dépendances du domaine public. Le procès-verbal est transmis au maire,
mais, en application des articles L.774-2 et suivants du Code de justice administrative, c’est le préfet qui doit le notifier
au contrevenant, en l’accompagnant d’une citation à comparaître devant le tribunal administratif.
Les sanctions encourues par l’auteur de l’infraction sont le paiement d’une amende de 5e classe et des frais du procès-
verbal et la réparation des dommages causés au domaine public.

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Sous-partie II – les biens relevant du domaine public

Les biens qui relèvent du domaine public d’une personne publique doivent respecter deux critères :
• le critère de l’affectation;
• le critère de l’appartenance à une personne publique (Fiche II A).
Par ailleurs, les théories de l’accessoire et de la domanialité publique globale permettent une lecture extensive du champ
de la domanialité publique (Fiche IIB). Néanmoins, la loi exclut certains types de biens du champ de la domanialité
publique (Fiche IIC).
Enfin, il existe certains régimes particuliers de domanialité – maritime, fluvial, routier et ferroviaire notamment – qui
répondent à certaines règles spécifiques (Fiche II B).
Le tableau introductif « AVANT/AVEC le CG3P » fait état des innovations récentes et de l’axe désormais suivi par le légis-
lateur visant à restreindre volontairement le champ de la domanialité publique pour lutter contre l’hypertrophie généra-
lisée caractéristique des dernières décennies, qui a eu pour effet de restreindre le champ d’intervention des collectivités
sur leurs biens publics.

Mettre le cap vers une restriction contrôlée de la domanialité publique


AVANT le CG3P AVEC le CG3P
1 / Critère organique : 1 / Maintien du critère organique mais l’article L 2 donne la possibilité
le bien est la propriété d’une à « d’autres personnes publiques » de disposer d’un DP (Autorité
personne publique des Marchés Financiers, Groupement d’Intérêt Public).
2 / Critère fonctionnel : 2 / Maintien des 2 critères fonctionnels alternatifs avec les différences
Les deux • affectation à l’usage du public suivantes :
critères + aménagement spécial ; • l’affectation à l’usage du public est désormais
d’entrée OU suffisante ; il n’est plus fait état d’un aménagement
dans le DP • affectation à un service public indispensable ;
+ aménagement spécial • la notion d’aménagement indispensable remplace
l’aménagement spécial. Il faut donc une affectation à un SP
avec un aménagement indispensable ;
• la domanialité publique virtuelle disparaît.
Critères alternatifs : Critères cumulatifs (plus difficile à remplir) :
• lien physique • lien physique : bien indissociable d’un bien relevant du DP ;
L’accessoire
OU • lien fonctionnel : bien nécessaire au fonctionnement du bien relevant
• lien fonctionnel du DP.
Domanialité publique horizontale :
La domanialité font partie du DP l’ensemble de Idem mais la théorie de la domanialité publique globale devra
publique biens inclus dans une emprise s’apprécier à la lecture de la règle qui classe les réserves foncières
globale foncière déterminée où le SP dans le domaine privé des collectivités.
s’exerce (aéroport …)
Font partie du domaine privé des
Le CG3P intègre les immeubles de bureaux dans le champ de la
collectivités :
domanialité privée à l’exclusion de ceux formant un tout indivisible
• les immeubles de bureaux ;
Les exclusions avec des biens immobiliers relevant du DP.
• les réserves foncières ;
législatives Cette innovation importante pourra faciliter les montages immobiliers
• les chemins ruraux ; complexes.
• les bois et forêts relevant du La notion d’indivisibilité s’appréciera au cas par cas.
régime forestier.
Domaine public maritime
Les régimes Domaine public routier
Pas d’innovation majeure
spécifiques Domaine public fluvial
Domaine public routier

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Fiche II A : LES CRITÈRES DE L’APPARTENANCE


D’UN BIEN AU DOMAINE PUBLIC

Aux termes de l’article L. 2111-1 CG3P, un bien appartient au domaine public s’il remplit les deux critères cumulatifs
suivants :
• être la propriété d’une personne publique;
• être affecté soit à l’usage direct du public, soit affecté à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un
aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public.

1 – Premier critère : appartenance du bien


à une personne publique
PRINCIPE
Le bien doit être la propriété d’une personne publique : Les personnes publiques concernées sont toutes les
personnes morales de Droit public : l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements EPCI, les établissements
publics de l’État et des collectivités territoriales sans distinguer entre EPA et EPIC. Sont également visées les « autres
personnes publiques dans les conditions fixées par les textes qui les régissent » (articles L1 et L 2 CG3P).
La propriété doit être pleine et entière.

APPLICATIONS PRATIQUES

Q/R n° 1 – Un GIP peut-il être propriétaire d’un domaine public ?


En tant que personne morale de droit public, le GIP peut disposer d’un domaine public dans les conditions fixées par les
textes qui les régissent (article L. 2). Mais, dans la mesure où il n’existe pas de texte commun à tous les GIP, il est recom-
mandé d’inscrire dans la convention constitutive du GIP que celui-ci dispose d’un domaine public dans l’attente du texte
général sur les GIP qui pourra régler globalement la question.

Q/R n° 2 – Un bien appartenant à une personne privée peut-il relever de la domanialité publique?
Un bien appartenant à une personne privé ne remplit pas les deux critères d’appartenance d’un bien au domaine public
et ne peut, en conséquence, appartenir au champ de la domanialité publique (CE 13 janvier 1933 Chemin de Fer Paris
Orléans).
C’est ainsi que le juge administratif a annulé une délibération d’une commune qui avait classé dans la voirie communale
un chemin qu’elle entretenait, au motif que l’une des parcelles d’assiette de ce chemin était restée la propriété d’une
personne privée (CE 18 février 1994 Commune de Dompnac).

Q/R n° 3 – Les biens de retour appartiennent-ils au domaine public de la collectivité ?


À la différence des biens de reprise, propriété du concessionnaire, les biens de retour sont considérés comme propriété
ab initio de la collectivité concédante.
Dans ces conditions, à partir du moment où le bien de retour est affecté soit à l’usage direct du public, soit à un service
public avec aménagement indispensable, le bien appartiendra au domaine public de la collectivité et le régime juridique
contraignant de la domanialité publique s’appliquera à lui (imprescriptibilité, inaliénabilité).

Q/R n° 4 – Un terrain mis à la disposition d’une collectivité en vertu d’un bail emphytéotique
peut-il relever du domaine public de la collectivité ?
Dans la mesure où la collectivité n’est pas propriétaire du terrain qui lui est seulement mis à disposition dans le cadre
d’un bail de longue durée, le terrain ne relève pas de son domaine public, et ceci vaudra même si des équipements publics
y auront été réalisés.

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Q/R n° 5 – Est-il envisageable de mettre en place une copropriété sur le domaine public ?
Aucune copropriété n’est possible sur le domaine public pour deux raisons :
• d’une part, parce que l’existence de parties communes en indivision entre les copropriétaires est contraire à la propriété
exclusive d’une personne publique sur un bien appartenant à son domaine public;
• d’autre part, parce qu’une personne publique ne peut se voir imposer, comme le permet le régime de la copropriété,
une décision émanant de l’assemblée générale des copropriétaires relativement à ces biens.
Le juge admet néanmoins le cas d’une copropriété préexistante à l’acquisition par la collectivité d’une partie de
l’immeuble1.

2 – Second critère : affectation du bien


PRINCIPE
Le bien doit être soit affecté à l’usage direct du public, soit affecté à un SP pourvu qu’en ce cas, il fasse l’objet d’un
« aménagement indispensable ». Les deux critères sont alternatifs :
• l’affectation à l’usage du public : la simple ouverture à l’usage du public ne saurait se confondre avec l’affectation.
Ainsi, le fait qu’une plage ou une forêt soient ouvertes au public ne suffit pas pour les faire dépendre du domaine public.
La qualification sera différente si le domaine est nettoyé régulièrement par la personne publique. Il y aura, dans ce cas,
affectation de la plage ou de la forêt à l’usage du public;
• l’affectation à un service public pourvu qu’en ce cas, il fasse l’objet d’un aménagement indispensable à
l’exécution des missions de service public : le CG3P substitue la notion d’aménagement indispensable à celle
précédemment exigée par le juge d’aménagement spécial.

APPLICATIONS PRATIQUES
Q/R n° 6 – Que faut-il entendre par aménagement « indispensable » et comment cette notion se
différencie-t-elle de celle précédente d’aménagement « spécial » ?
L’aménagement spécial qui était précédemment exigé par le juge n’est plus suffisant.
Désormais, l’aménagement doit être indispensable. La notion d’aménagement indispensable laisse entendre que
l’aménagement devra être en quelque sorte consubstantiel au service, c’est-à-dire que sans lui, le service ne pour-
rait pas fonctionner. On attend néanmoins une précision de ce critère par la jurisprudence.

Q/R n° 7 – La domanialité publique virtuelle survit-elle au CG3P ?


La théorie de la domanialité publique virtuelle a été développée par le juge administratif à partir de sa décision EUROLAT
de 1985. Cette règle avait pour conséquence de faire entrer un bien dans le champ de la domanialité publique au seul
motif que la personne publique prévoyait, de façon « certaine et effective », son affectation à un service public moyen-
nant des aménagements à réaliser et non encore réalisés.
La rédaction de l’article L. 2111-1 du CG3P, qui exige que les biens « fassent l’objet d’un aménagement indispensable
à l’exécution des missions de SP », met fin à la théorie de la domanialité publique virtuelle. En effet, ce sera désormais
la réalisation certaine et effective des travaux qui permettra de classer le bien dans le domaine public et non plus la seule
prévision certaine et effective de son affectation à un service public. Mais attention, les travaux n’auront pas nécessai-
rement été achevés pour que le bien entre dans le domaine public. Ainsi l’entrée du bien dans le domaine public n’est
pas subordonnée à l’achèvement des travaux.
Cette innovation devrait faciliter la réalisation de montages immobiliers complexes et valider ceux préexistants.

1 – CE 11 février 1994 : La préservatrice foncière; Q° écrite n° 38306, JO Sénat 07 fév. 02 p. 347 et sa réponse publiée au JO Sénat du 25 avril 2002, p. 1183.

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Fiche II B : LES THÉORIES DE L’ACCESSOIRE ET


DE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE GLOBALE

Les théories de l’accessoire et de la domanialité publique globale permettaient jusqu’alors une lecture extensive du
champ de la domanialité publique. Afin de répondre à l’objectif clairement affiché de restriction de la sphère de la doma-
nialité publique, le CG3P entend désormais dans un sens restrictif ces deux notions d’origine jurisprudentielle.

1 – La règle de l’accessoire
PRINCIPE
La règle de l’accessoire permet d’étendre le régime de la domanialité publique aux biens immobiliers des personnes
publiques constituant des éléments indissociables et concourant à l’utilisation du bien appartenant au domaine public.
Jusque-là, le juge faisait application de cette règle :
• soit en cas de lien physique : la voûte qui surplombe un égout communal, par exemple;
• soit en cas de lien fonctionnel entre la dépendance principale et celle sur la qualification de laquelle il y avait une inter-
rogation : les murs de soutènement d’une voie publique, par exemple.
Désormais, l’article L. 2112-2 CG3P dispose que « font également partie du domaine public les biens des personnes
publiques mentionnées à l’article L. 1 qui, concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en
constitue un accessoire indissociable ». L’article prévoit donc deux conditions cumulatives pour qu’un bien soit
considéré comme un accessoire du domaine public :
• le bien doit être indissociable du bien appartenant au domaine public. Cette notion d’indissociabilité est nouvelle. Elle
s’apparente à première vue à la notion d’indivisibilité. L’indissociabilité et l’indivisibilité devront être précisées par le
juge qui nous donnera, au fil de sa jurisprudence, les critères de définition;
et
• le bien doit être nécessaire au fonctionnement du bien appartenant au domaine public.

APPLICATIONS PRATIQUES
Pour comprendre les conséquences pratiques de la règle de l’accessoire, on envisagera les deux cas suivants :
• premier cas : un immeuble propriété d’une collectivité avec au RdC un commissariat et aux étages supérieurs des
logements;
• second cas : un immeuble propriété d’une collectivité avec au RdC un commissariat et aux étages supérieurs des
bureaux.
Le RdC de l’immeuble à usage de commissariat de police appartient au domaine public dans la mesure où les deux
critères, organique (propriété de la personne publique) et fonctionnel (affectation à l’exercice d’une mission de SP avec
aménagement indispensable), sont remplis.
Dans ces conditions, la question se pose de savoir si les étages supérieurs peuvent relever du domaine public de la collec-
tivité en application de la règle de l’accessoire. En d’autres termes, les logements ou les bureaux répondent-ils aux deux
critères posés par l’article L. 2112-2 CG3P :
Commissariat + logements à l’étage (autres que logements de fonction) :
• les logements sont indissociables physiquement du commissariat (entrée commune…);
• mais ils ne sont pas nécessaires au fonctionnement du commissariat.
Ainsi, les deux critères d’indissociabilité et de concours à l’utilisation du bien appartenant au domaine public posés par
l’article L. 2112-2 CG3P ne sont pas remplis. Les logements qui appartiennent au domaine privé de la collectivité coexis-
tent donc avec le commissariat qui relève du régime de la domanialité publique;

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Commissariat + bureaux à l’étage :


• les bureaux sont indissociables physiquement du commissariat;
• le cas échéant, ils peuvent être nécessaires au fonctionnement du commissariat. Dans ce cas, les deux critères précités
sont remplis et l’ensemble de l’immeuble relève du domaine public de la collectivité.
Attention, dans le cas précis d’un immeuble de bureaux, il faut faire une lecture combinée des articles L 2112-2
relatif à la règle de l’accessoire et L 2211-1 CG3P relatif à l’appartenance des bureaux au domaine privé des collecti-
vités à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec un bien du domaine public (cf. fiche suivante IIC).

2 – La domanialité publique globale


PRINCIPE
La règle de la domanialité publique globale permet d’étendre le régime de la domanialité publique à l’ensemble des biens
inclus dans une emprise foncière déterminée où le service public s’exerce, alors même que le bien en cause n’a pas fait
l’objet d’aménagement et n’est pas utilisé par le service public.
La domanialité publique globale renvoie à une domanialité publique horizontale qui conduit à incorporer dans le domaine
public des biens qui, par eux-mêmes, ne remplissent pas les conditions pour lui appartenir.
Le CG3P ne consacre pas cette théorie d’origine jurisprudentielle mais la règle se trouve néanmoins maintenue.

APPLICATIONS PRATIQUES
Il s’agit par exemple des terrains dans l’enceinte d’un port ou d’un aéroport (cf. Sous-fiche II D 2 – Le domaine public
maritime).

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Fiche II C : LES EXCLUSIONS LÉGISLATIVES


DU DOMAINE PUBLIC

PRINCIPE
La loi exclut certains biens du domaine public sous certaines conditions. Il s’agit en conséquence de biens relevant du
domaine privé des collectivités. Il en va ainsi (articles L 2211-1 et 2 CG3P) :
• des réserves foncières;
• des biens immobiliers à usage de bureaux, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immo-
biliers appartenant au domaine public;
• des chemins ruraux;
• des bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier.

APPLICATIONS PRATIQUES
Les biens immobiliers à usage de bureaux des personnes morales de droit public font partie de leur domaine privé « à
l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public ».
Les conditions pour qu’un immeuble de bureaux appartienne au domaine privé d’une collectivité sont donc doubles. Il
doit s’agir :
• d’un bien immobilier à usage de bureaux,
• et d’un bien immobilier qui ne forme pas un ensemble indivisible avec un bien immobilier appartenant au domaine
public.
Pour comprendre les conséquences pratiques de cette nouvelle règle, on envisagera l’exemple d’un immeuble abritant
les bureaux des magistrats. Le régime de domanialité applicable dépendra des considérations de l’espèce :
• si les bureaux des magistrats sont situés au-dessus des salles d’audience et à l’intérieur du palais de Justice, ils forme-
ront un ensemble indivisible avec un bien immobilier appartenant au domaine public et ils continueront ainsi de
relever du domaine public;
• mais si les bureaux sont situés dans un immeuble séparé, ils relèveront du domaine privé de la collectivité en applica-
tion de l’article L. 2211-1 CG3P.

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Fiche II D : DES DÉFINITIONS SPÉCIALES

Le CG3P consacre l’existence de domaines publics spéciaux :


• fluvial,
• maritime,
• routier,
• ferroviaire,
• aéronautique
• mobilier.
Ces biens sont concernés par les règles générales évoquées ci-dessus mais répondent également à certaines règles spéci-
fiques. Nous étudierons successivement le domaine public fluvial, maritime, routier et ferroviaire.

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Sous-fiche II D 1 : LE DOMAINE PUBLIC FLUVIAL

Jusqu’en 2003, le domaine public fluvial appartenait uniquement à l’État. Il est désormais partagé entre l’État et les
collectivités. Le CG3P entérine cette pluralité de propriétaires distinguant entre le domaine public fluvial naturel et le
domaine public fluvial artificiel.

1 – Le domaine public fluvial naturel


Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eau et des lacs appartenant à l’État, aux collectivités territo-
riales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial (article L. 2111-7 du CG3P).
Les limites des cours d’eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant
de déborder. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article (article L. 2111-9
du CG3P).

2 – Le domaine public fluvial artificiel


Le domaine public fluvial artificiel est constitué :
• des canaux et plans d’eau appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 2111-7 ou à un port auto-
nome et classés dans son domaine public fluvial;
• des ouvrages ou installations appartenant à l’une de ces personnes publiques, qui sont destinés à assurer l’alimentation
en eau des canaux et plans d’eau ainsi que la sécurité et la facilité de la navigation, du halage ou de l’exploitation;
• des biens immobiliers appartenant à l’une de ces personnes publiques et concourant au fonctionnement d’ensemble
des ports intérieurs, y compris le sol et le sous-sol des plans d’eau lorsqu’ils sont individualisables (article L. 2111-10
du CG3P).

APPLICATIONS PRATIQUES
Q/R n° 8 – Quelles modalités faut-il suivre pour organiser le transfert d’un élément du domaine
public fluvial de l’État vers celui des collectivités territoriales ?
Le transfert intervient dans le cadre du renforcement de la décentralisation. Il appelle les remarques suivantes :
• il s’agit d’un transfert en pleine propriété, à titre gratuit;
• la collectivité territoriale qui souhaite obtenir un tel transfert doit en faire la demande par une délibération de
l’assemblée délibérante;
• la Région est prioritaire. Si une autre collectivité fait la demande de transfert, elle n’en bénéficiera que si la région n’a
opéré aucune démarche dans le délai de 6 mois à compter de la demande;
• le transfert est refusé si la cohérence hydraulique ne peut pas être assurée. Cette précision est apportée par l’article
L. 3113-1 CG3P. Sur les modalités du transfert, il convient de se reporter aux articles 10 et suivants du décret
n° 2005-992 du 16 août 2005 relatif à la constitution et à la gestion du domaine public fluvial de l’État, des collecti-
vités territoriales et de leurs groupements.

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Sous-fiche II D 2 : LE DOMAINE PUBLIC MARITIME

Le domaine public maritime se compose d’un domaine public naturel et d’un domaine public artificiel. Cette division est
enfin consacrée par le CG3P.

1 – Le domaine public maritime naturel


Le domaine public maritime naturel de l’État comprend :
• le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage
de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en
l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles;
• le sol et le sous-sol des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer;
• les lais et relais de la mer […] (article L. 2111-4 CG3P).
Le domaine public maritime naturel appartient au domaine public de l’État. Il est inaliénable et imprescriptible (article
L. 3111-2 CG3P).

2 – Le domaine public maritime artificiel


Le domaine public maritime artificiel est constitué :
• des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui sont destinés à
assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime;
• à l’intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers, situés en aval de la limite transver-
sale de la mer, appartenant à l’une des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 et concourant au fonction-
nement d’ensemble des ports maritimes, y compris le sol et le sous-sol des plans d’eau lorsqu’ils sont individualisables,
(article L. 2111-6 du CG3P).

APPLICATIONS PRATIQUES
Q/R n° 9 – Les ports appartiennent-ils au domaine public artificiel de la collectivité ?
Un port est constitué par l’ensemble des terrains compris à l’intérieur de la circonscription portuaire que l’administration
doit délimiter, tant du côté mer que du côté terre (article 1er du Code des ports maritimes). Les ports maritimes, militaires,
de commerce ou de pêche, ainsi que leurs dépendances (digues, jetées, postes d’amarrage, grues, écluses, hangars,
terrains compris dans l’enceinte de ports…) appartiennent au domaine public artificiel.
Font également partie du domaine public maritime artificiel :
• les havres et les rades (ports naturels non aménagés);
• les ouvrages établis dans l’intérêt de la navigation, même lorsqu’ils sont situés en dehors des limites des ports mari-
times, tels que les feux flottants, balises et bouées en mer, les phares et leurs dépendances…;
• les plages situées au-delà du rivage, dès lors qu’elles sont affectées à l’usage du public. Il convient, en application de
la nouvelle définition de la domanialité publique de ne pas confondre l’affectation à l’usage du public avec l’ouverture
au public (cf. fiche I A). Ainsi, le fait qu’une plage soit ouverte au public ne suffit pas pour la faire dépendre du domaine
public;
• les plages artificielles soustraites à l’action du flot en vertu d’une autorisation administrative (exemple : concessions de
plage accordées à des personnes privées ou à des collectivités publiques);
• les ouvrages de protection (exemple : les digues garantissant les propriétés du littoral contre les atteintes de la mer).

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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Sous-fiche II D 3 : LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER

DÉFINITION
« Le domaine public routier comprend l’ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée
à l’article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées » (article L. 2111-14
du CG3P).
De son côté, l’article L.111-1 du Code de la voirie routière définit le domaine public routier comme comprenant
« l’ensemble des biens du domaine public […] des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre à
l’exception des voies ferrées ».
Cette définition a été complétée par la doctrine administrative qui a défini l’emprise de la route comme correspondant à
la surface du terrain appartenant à la personne publique et affectée à la route ainsi qu’à ses dépendances.
L’emprise recouvre donc « l’assiette » de la route stricto sensu, à savoir la chaussée mais également la plate-forme qui
est la surface de la route comprenant la ou les chaussées, les accotements (espace entre la chaussée et le fossé) et éven-
tuellement le terre-plein central (séparation de deux chaussées).
La notion de dépendances a été précisée par la jurisprudence en vertu de la théorie de l’accessoire (cf. fiche I B). Il a été
jugé que la notion de « dépendances de la route » était constituée des éléments autres que la chaussée qui sont néces-
saires à la conservation et à l’exploitation de la route ainsi qu’à la sécurité des usagers (TA Clermont-Ferrand, 2 décembre
1960, Toupelc/Maire Mauriac).

APPLICATIONS PRATIQUES

Q/R n° 10 – Quelles sont les dépendances qui peuvent être considérées comme des accessoires au
domaine public routier ?
Constituent des dépendances des voies publiques :
• le sous-sol de voies publiques : selon le principe civiliste, la propriété du sol emporte la propriété de dessous et de
dessus (article 552 du Code civil). Sur ce fondement, la jurisprudence a considéré que le sous-sol des voies publiques
est soumis aux mêmes règles que ces dernières et appartient par présomption légale à la collectivité territoriale proprié-
taire de la voie (CE, 15 juillet 1957, Dayre). Cependant, des ouvrages tels que des galeries ou des caves situés à une
grande profondeur sous la voie publique ne sont pas considérés comme des éléments de cette voirie (CE, 17 décembre
1971, Véricel et autres; CAA de Lyon, 28 janvier 1993, Société française de brasserie);
• les talus : les talus d’une route font de plein droit partie du domaine routier dès lors qu’ils sont nécessaires au soutien
ou à la protection de la chaussée (CE, 9 mars 1956, Cabot). Les talus de remblai constituent une dépendance du
domaine de la voirie dès lors qu’ils sont nettement délimités et que leur existence résulte du travail de l’homme (CE,
3 juillet 1935, Enjolras). Les talus de déblais font partie du domaine routier lorsqu’ils ont été compris dans les limites
de la route au moment de leur construction (CE, 29 octobre 1934, De Chillaz);
• accotements et fossés : les accotements constituent des dépendances de la voirie (CE, 29 novembre 1961, dépar-
tement des Bouches-du-Rhône). Les fossés, dès lors qu’ils assurent l’écoulement des eaux de la chaussée, relèvent
également du domaine routier (CE, 26 mai 1965, commune de Livron);
• murs de soutènement, clôture et murets : les murs de soutènement édifiés afin de maintenir la chaussée ou pour
protéger les usagers font partie des dépendances de la voirie dès lors qu’ils sont édifiés sur le domaine public (CE,
3 mars 1926, Ville de Pontivy);
• les trottoirs : les trottoirs doivent être considérés comme des dépendances de la voie. Ils font donc partie intégrante
de l’emprise du domaine public routier (CE, 28 janvier 1910, Robert; CE, 14 mars 1975, Chatard);
• les pistes cyclables : elles font corps avec la chaussée en bordure de laquelle elles ont été établies (C. Cass,
16 décembre 1965, Caisse de sécurité sociale de Saint-Nazaire);

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1 – La domanialité publique : quelle définition ? Décembre 2007
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• les arbres et les espaces verts : les arbres et plantations situés en bordure des voies publiques constituent des acces-
soires du domaine public routier (CE, 7 mars 1986, Mme Richou; CE, 28 juillet 1999, Commune de Chalou-Moulineux).
En revanche, les espaces verts sans lien fonctionnel avec la voirie, et qui n’ont pas un caractère nécessaire ou indispen-
sable au bon fonctionnement ou à l’entretien de la voie publique considérée, ne sont pas des dépendances du domaine
public routier. Ils représentent des aménagements d’embellissement qui ne contribuent ni à la conservation ni à
l’exploitation de la route;
• les égouts : les ouvrages qui sont destinés à l’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales des immeubles limi-
trophes de la voie constituent une dépendance de cette voirie (CE, 1er décembre 1937, Commune d’Antibes);
• les installations implantées dans l’emprise des voies publiques : une jurisprudence abondante est venue
préciser l’appartenance au domaine routier d’un certain nombre d’ouvrages ou d’installations érigés sur le domaine
public. La jurisprudence a considéré que relèvent du domaine public les bornes, les panneaux de signalisation (CE,
18 décembre 1959, époux Blanc), les pylônes, candélabres (CE, 12 novembre 1955, Cazauran) et les appareils de signa-
lisation (CE, 2 avril 1996, Ville de Marseille). Par ailleurs, a également été considéré comme relevant de la dépendance
du domaine routier un terre-plein central de la chaussée formant un îlot directionnel (CE, 9 février 1977, communauté
urbaine de Lyon) et un bac à fleurs situé au centre d’un carrefour (TC, 19 avril 1982, ville de la Roche-sur-Yon);
• les ouvrages d’art : la notion d’ouvrages d’art recouvre les ponts, les tunnels, les bacs et passages d’eau. La jurispru-
dence considère les ponts comme faisant partie de la voie dont ils assurent la continuité (CE, 26 septembre 2001, dépar-
tement de la Somme). Le Conseil d’État a jugé en effet que les ponts ne constituaient pas des éléments accessoires au
cours d’eau qu’ils traversent mais qu’ils relevaient du domaine routier (CE, 27 mai 1964, Chervet). Les tunnels, tout
comme les ponts, font partie du domaine public routier.
• les parkings situés sur et sous la voie publique : les parcs publics de stationnement, aménagés en surface ou sous
la voie publique, font partie du domaine routier (CE, 18 octobre 1995, commune de Brive-la-Gaillarde).
En revanche, ne font pas partie des dépendances des voies publiques :
• les espaces verts sans lien fonctionnel avec la voirie;
• les réseaux d’assainissement, d’eau, d’électricité, de télécommunications.

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Sous-fiche II D 4 : LE DOMAINE PUBLIC FERROVIAIRE

DÉFINITION
« Le domaine public ferroviaire est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique mentionnée
à l’article L. 1, non compris dans l’emprise des biens mentionnés à l’article L. 2111-14 et affectés exclusivement aux
services de transports publics guidés le long de leurs parcours en site propre » (article L. 2111-15 du CG3P).
On entend par « transports guidés » les appareils de transports publics guidés urbains de personnes (métros, tramways
sur fer ou sur pneus et autres systèmes de transports guidés urbains) et les systèmes de transports publics guidés non
urbains de personnes à vocation touristique ou historique, à l’exception de ceux relevant du réseau ferré national
(chemins de fer touristiques ou historiques, draisines à pédales et autres systèmes de transports guidés à vocation touris-
tique ou historique).
Toutefois, les dispositions de l’article L. 2111-15 du CG3P indiquent que font partie du domaine public ferroviaire les biens
qui sont affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de leur parcours, à l’exception de ceux
compris dans l’emprise du domaine public routier. Or, le Conseil d’État, dans un arrêt du 23 février 2000, « Société de
distribution de chaleur de Saint-Denis », indique que « les travaux de construction d’une ligne de tramway en site propre
sur la voirie communale ayant pour objet d’améliorer la circulation sur le domaine public routier constituent un aména-
gement réalisé dans l’intérêt du service et conforme à la destination du domaine public routier ». Par conséquent,
lorsque les transports publics guidés en site propre, tels qu’une ligne de tramway, sont situés sur une
emprise du domaine public routier, ils ne relèvent pas du domaine public ferroviaire mais du domaine public
routier.
Le domaine public ferroviaire comprend :
• les voies ferrées (rails, traverses, ballast et les terrains sur lesquels ils sont implantés), les ouvrages d’art qui font partie
intégrante de ces voies (tunnels, ponts, viaducs) et les ouvrages qui servent à la protection des voies (terrassements,
fossés…) et à sa conservation (canalisation d’évacuation des eaux de ruissellement…);
• les bâtiments affectés à la réception et au transport des voyageurs et des marchandises (gares de voyageurs, de
marchandises, garages servant à l’entrepôt des véhicules, emplacements liés aux dépôts de marchandises, boutiques,
buffets de gare, les cours et les places de gare, ainsi que les voies d’accès qui ne sont pas classées dans le domaine
public routier…);
• les ouvrages utilisés pour l’exploitation technique de la voie ferrée (caténaires, installations de signalisation, passages
à niveau, maisons des gardes-barrières, etc.).

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2 - La domanialité publique : quelles possibilités de gestion ? Décembre 2007
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2nde Partie
La domanialité publique :
quelles possibilités de gestion ?

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2 - La domanialité publique : quelles possibilités de gestion ? Décembre 2007
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Sous-partie III – la vente, le transfert, l’échange


des biens du domaine public
Avant le CG3P, le principe d’inaliénabilité des biens publics s’appliquait aussi bien aux cessions entre
personnes publique et privée qu’aux cessions entre personnes publiques (CAA Paris, 8 juillet 2004, Région
Ile-de-France). Le CG3P maintient cette règle mais il l’aménage désormais en autorisant la circulation des
propriétés publiques à travers les opérations :
• de transfert (Fiche III A);
• d’échange (Fiche III B);
• de cessions des biens du domaine public des collectivités (Fiche III C).
Ces mécanismes devraient constituer des leviers précieux d’interventions pour les collectivités et les SEM les accompa-
gnant dans leurs projets immobiliers. Ils devraient également être l’occasion de mettre en adéquation l’exercice des
compétences des collectivités et de leurs groupements avec la propriété immobilière, en leur permettant de devenir
propriétaires des biens mobiliers ou immobiliers sur lesquels ils interviennent.
Le tableau introductif « AVANT/AVEC le CG3P » fait état de ces évolutions en insistant sur la volonté du législateur
d’assouplir les règles de la domanialité publique.

Assouplir les règles de la domanialité publique en permettant de


recourir aux mécanismes de cessions, d’échanges et de transferts

AVANT le CG3P AVEC le CG3P


Le principe de l’inaliénabilité est maintenu, mais il
est aménagé grâce à l’autorisation désormais faite de
Application stricte du principe de
Le principe recourir :
l’inaliénabilité des biens du domaine
d’inaliénabilité • aux cessions ;
public
• aux transferts ;
• aux échanges.
Les cessions sont autorisées sous réserve des conditions
suivantes :
Interdiction d’y recourir entre personnes • la cession doit avoir lieu entre personnes publiques ;
publiques et entre personnes publiques et • elle doit porter sur un bien relevant du DP mobilier ou
Les cessions
personnes privées (CE, 08 juillet 2004 : immobilier des collectivités ;
Région IdF) • elle doit favoriser l’exercice des compétences de la personne
publique qui les acquiert et doit relever de son domaine
public.
Les échanges sont autorisés :
• entre personnes publiques, en vue de permettre
l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de SP.
L’acte d’échange comporte des clauses permettant de
Les échanges Interdiction d’y recourir sauf cas spécial préserver l’existence et la continuité du SP ;
• entre personne publique et personne privée : dans ce cas,
l’échange doit intervenir après déclassement. Il doit être
passé en vue de permettre l’amélioration des conditions
d’exercice d’une mission de SP.
(1) Les conventions de gestion : (1) Les conventions de gestion : le mécanisme est étendu
libres pour l’Etat, les transferts de à l’ensemble de personnes publiques. Les collectivités
gestion entre collectivités locales locales peuvent donc y recourir librement sous réserve de
nécessitaient en revanche une respecter les cinq conditions d’application. Le CG3P prévoit
Les transferts décision préalable de l’Etat ; une indemnisation du préjudice de la personne qui consent
au transfert.
(2) Les mutations domaniales :
pour l’Etat (2) Cette prérogative de l’Etat est maintenue mais le CG3P
prévoit désormais le versement d’une indemnité à la
collectivité dépossédée.

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2 - La domanialité publique : quelles possibilités de gestion ? Décembre 2007
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Fiche III A :
LES CESSIONS ENTRE PERSONNES PUBLIQUES

PRINCIPE
Le CG3P autorise les cessions amiables sans déclassement préalable entre personnes publiques :
« Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être
cédés à l’amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu’ils sont destinés à l’exercice des
compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public ».

L’application de l’article L. 3112-1 CG3P suppose la réunion des trois conditions cumulatives suivantes :
• La cession doit intervenir entre des personnes publiques : les personnes publiques sont l’État, les collectivités terri-
toriales et leurs groupements, les établissements publics visés à l’article L. 1. Les personnes publiques de l’article L. 2
ne sont pas concernées sauf dispositions des textes qui les régissent;
• La cession doit porter sur un bien relevant du domaine public mobilier ou immobilier des collectivités;
• Le bien cédé doit être destiné à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et
doit relever de son domaine public. Ainsi, l’Etablissement Public du Louvre ne pourra pas vendre la Joconde à
l’Etablissement Public Météo-France chargé de surveiller l’atmosphère2, par exemple.

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : cession d’un bien entre personnes publiques
On prendra le cas d’un Établissement public local qui pensait être propriétaire de son immeuble mais qui découvre qu’il
ne l’est pas dans la mesure où l’immeuble a été construit sur un terrain mis à sa disposition par la Commune. C’est donc
la Commune qui est le véritable propriétaire de l’immeuble construit sur son terrain. On se trouve face à un conflit
d’intérêt entre l’Etablissement public local qui utilise l’immeuble pour exercer sa mission de service public et la Commune
qui est en droit d’en revendiquer la propriété.
Quelles sont les solutions offertes par le CG3P?

AVANT le CG3P AVEC le CG3P

La règle de l’inaliénabilité n’autorisait aucune solu- La collectivité publique propriétaire peut désormais
tion pour faire coïncider la propriété des immeubles procéder à la cession amiable de l’immeuble à titre
avec l’exercice des compétences. onéreux à l’établissement public, à la condition toute-
fois que le bien relève bien de son domaine public au
L’application rigide de ce principe allait même jusqu’à
sens de l’article L. 2111-1 CG3P et qu’il soit destiné à
empêcher d’avoir recours au mécanisme de la renon-
l’exercice des compétences de l’Etablissement public.
ciation à accession pourtant pratiquée couramment
dans les relations privées entre entreprises.

Les transferts de voiries pourront également bénéficier de cette procédure de cession, à la condition toutefois de répondre
aux conditions cumulatives précédentes et notamment d’avoir lieu entre personnes publiques.

2 - C. Boisgiraud, « Les transferts de propriétés entre personnes publiques », JCP/La semaine juridique – Administrations et Collectivités Territoriales, n° 43, 23 oct. 2006, p. 1375.

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Q/R n° 11 – Les cessions et transferts (cf. fiche III C) peuvent-ils être réalisés au profit des groupe-
ments de communes dont celles-ci sont membres ? En d’autres termes, comment concilier ces
nouveaux dispositifs de cessions et d’échanges avec le principe applicable actuellement qui est
celui de la mise à disposition du groupement de communes des biens communaux nécessaires à
l’exercice de la compétence posé par l’article L. 5211-2 du CGCT ? Le CG3P permet-il aux
communes de vendre purement et simplement des immeubles du domaine public communal à
l’EPCI dont elles sont membres ?
Cette question (AN n° 104946 Mme Marylise Lebranchu) a appelé la réponse ministérielle suivante :
Avec le CG3P, il n’est plus désormais nécessaire de déclasser un bien avant de le transférer d’une personne publique à
une autre, dans la mesure où ce bien doit rester affecté à l’usage direct du public ou d’un service public. Ces
mesures sont de nature à permettre une simplification des cessions de biens entre les collectivités territoriales et leurs
groupements, notamment dans le cadre de l’intercommunalité.
Toutefois, il convient de rappeler que dans le cadre du transfert de compétence d’une collectivité territoriale au profit
d’un groupement, le régime de droit commun est celui de la mise à disposition des biens nécessaires à l’exercice de
cette compétence. La possibilité de céder les biens en pleine propriété relève d’un régime dérogatoire et suppose que
la collectivité territoriale et son groupement trouvent un accord amiable afin de conclure la cession d’un bien qui relève
du domaine public. En effet, les articles L.1321-1 et suivants du CGCT, prévoient que « le transfert d’une compétence
entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à
la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence. […]. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition
assume l’ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion […] ».
La mise à disposition permet à l’EPCI d’exercer pleinement ses compétences avec et sur les moyens matériels utiles à ses
fins. Ce transfert ne constitue pas un transfert en pleine propriété, mais simplement la transmission des droits et obliga-
tions du propriétaire. Le bénéficiaire se substitue au propriétaire en matière contractuelle, financière et contentieuse dans
la prise de possession du bien. Seul le droit d’aliéner n’est pas transmis à l’EPCI en vertu du régime de protection du
domaine public. De la même manière, la collectivité propriétaire conserve sa compétence pour consentir un bail emphy-
téotique.
La mise à disposition ne donne lieu à aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire puisqu’il n’y a pas de transfert
de propriété. La loi ne prévoit pas davantage que les biens du domaine des communes puissent faire l’objet d’un contrat
de location entre les communes et l’EPCI.
Ainsi, les articles L.3112-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoient la possibi-
lité de céder des biens du domaine public, à l’amiable, entre personnes publiques, sans déclassement préalable,
ne remettent pas en cause l’application du principe de droit commun de mise à disposition. Ils constituent uniquement
une faculté pour les collectivités et leurs groupements de déroger, dans le cadre d’un accord à l’amiable, au principe
d’inaliénabilité des biens relevant du domaine public sans un déclassement préalable.

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Fiche III B : LES ÉCHANGES

PRINCIPE
Il existe deux possibilités d’échange :

Entre personnes publiques Entre personne publique et personne privée


« en vue de permettre l’amélioration des conditions « en vue de permettre l’amélioration des conditions
d’exercice d’une mission de service public, les biens d’exercice d’une mission de service public, les biens
mentionnés à l’article L. 3112-1 peuvent également mentionnés à l’article L. 3112-1 peuvent être échangés,
être échangés entre personnes publiques dans les après déclassement, avec des biens appartenant à des
conditions mentionnées à cet article. L’acte personnes privées ou relevant du domaine privé d’une
d’échange comporte des clauses permettant de personne publique. L’acte d’échange comporte des clauses
préserver l’existence et la continuité du service permettant de préserver l’existence et la continuité du service
public » (article L. 3112-2 CG3P). public » (article L. 3112-3 CG3P).

L’article L. 3112-3 CG3P doit être rapproché de l’article L. 2141-3 CG3P qui autorise le déclassement sans désaffectation
préalable pour permettre un échange avec un bien d’une personne privée ou publique (cf. Fiche V B). Par l’effet de
l’échange, l’auteur du déclassement va acquérir un immeuble régi par le droit privé.
Alors que l’échange entre personnes publiques ne nécessite pas de déclassement préalable, l’article L. 3112-3 CG3P
impose le respect d’un déclassement préalable à l’échange entre personnes publique et privée;
Dans les deux cas, l’échange doit être réalisé en vue d’améliorer les conditions d’exercice d’une mission de service public.
L’acte d’échange doit en conséquence comporter des clauses permettant de préserver l’existence et la continuité du
service public;
Enfin, l’échange suppose la préexistence de deux biens et un transfert réciproque de propriété.

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : échange entre personnes publique et privée
On prendra l’exemple d’un échange par une commune d’un immeuble abritant la cantine scolaire. L’échange de
l’immeuble se fait contre la remise d’un terrain appartenant à une personne privée. L’immeuble abritant la cantine scolaire
relève du champ de la domanialité publique et est en cours de déclassement. Selon quelles modalités l’échange doit-il
intervenir?
En application de l’article L. 3112-3 CG3P, la commune doit procéder à l’échange en vue d’améliorer les conditions
d’exercice de sa mission de service public; mais le CG3P n’impose pas pour autant à la commune de construire une
nouvelle cantine scolaire sur le terrain échangé par la personne privée.
La commune pourra vraisemblablement construire la nouvelle cantine sur un autre terrain lui appartenant, tout en
dédiant le terrain échangé à l’agrandissement du terrain de football par exemple. On reste bien dans ce cas dans une
mission de service public dont la continuité est assurée; MAIS ATTENTION l’acte d’échange devra comporter des
clauses permettant de préserver l’existence et la continuité de la cantine scolaire tant que la nouvelle cantine ne sera pas
construite ni installée.

Q/R n° 12 – Quelles seront les règles applicables aux actes d’échange ?


Les collectivités devront tout d’abord consulter les Domaines et délibérer au vu de cet avis. On attend ensuite la publica-
tion d’un décret en CE qui devrait fixer les autres modalités pratiques applicables aux échanges (articles L 1111-1 et
L 1111-2).

Q/R n° 13 – Un échange pourrait-il se voir requalifier en vente dans l’hypothèse où la soulte


serait disproportionnée ?
En application de la jurisprudence de la Cour de cassation qui requalifie un échange en vente dès lors que la soulte est
disproportionnée (Cass. 3e civ. 15 mars 1977), il semble en effet qu’un échange avec une soulte trop importante risque
de se voir requalifier en vente.

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Fiche III C : LES TRANSFERTS DE GESTION

PRINCIPE
Les collectivités territoriales en tant que gestionnaires de leurs domaines sont libres de modifier l’affectation domaniale
de leurs biens. Ainsi, par exemple, une commune peut décider de modifier l’affectation d’un bien lui appartenant en vue
de permettre à une autre personne publique de l’utiliser pour une autre activité de service public. Le changement
d’affectation ainsi opéré pourra désormais s’accompagner d’un transfert de gestion. En effet, le CG3P autorise deux types
de transferts de gestion sans transfert de propriété :
• le transfert de gestion consenti à l’amiable : il s’agit des conventions de gestion (1.1);
• le transfert de gestion subi par la collectivité : il s’agit des mutations domaniales (1.2).

1.1 – Les conventions de gestion entre personnes publiques

Avant le CG3P, le transfert de gestion était régi par les articles L 35 et R 58 du Code du Domaine de l’État pour les biens
appartenant à l’État et par l’article 16 du décret-loi du 5 juin 1940 pour les biens des collectivités. Mais, sous l’empire de
ce décret-loi et des conclusions de Commissaire du gouvernement Rémy Schwartz sur l’arrêt d’assemblée du Conseil
d’État du 2 décembre 1994 Département de la Seine St Denis, ces transferts entre collectivités nécessitaient une décision
de l’État.
Désormais, le CG3P étend la possibilité de recourir aux conventions de gestion à l’ensemble des personnes publiques.
Ainsi :
« Les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 peuvent opérer, entre elles, un transfert de gestion des immeu-
bles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en
fonction de leur affectation » (article L. 2123-3 CG3P).
Les 6 conditions suivantes doivent être respectées :
• le bien doit relever du domaine public;
• la nouvelle affectation reçue par le bien doit le faire entrer dans le domaine public;
• la convention doit prévoir la durée pendant laquelle la gestion est transférée;
• les conditions de retour du bien dans le patrimoine de la personne publique propriétaire sont encadrées : le retour doit
être gratuit et intervenir dès que l’immeuble n’est plus utilisé conformément à l’affectation prévue au transfert de
gestion;
• une indemnisation du préjudice subi par la personne publique qui consent au transfert à hauteur des dépenses
qu’elle doit engager ou de la privation de revenus entraînée par l’opération doit être versée;
• enfin, l’article prévoit la possibilité à l’initiative de la personne publique propriétaire de mettre fin de façon prématurée
au transfert de gestion. Une telle faculté est ouverte à l’exception du cas où le transfert découle d’un arrêté de cessibi-
lité pris au profit du bénéficiaire de l’acte déclaratif d’utilité publique. Il est prévu, s’il est fait usage de cette faculté par
la personne publique propriétaire, une indemnisation de la personne publique bénéficiaire en tenant compte de
l’amortissement effectué et, le cas échéant, des frais de remise en état acquittés par le propriétaire.

1.2 – Les mutations domaniales

La théorie des mutations domaniales permet à l’État de prononcer de manière autoritaire, dans certaines situations,
l’affectation d’une dépendance du domaine public appartenant à une autre personne publique. Le CG3P maintient et
encadre cette faculté :
« Lorsqu’un motif d’intérêt général justifie de modifier l’affectation de dépendances du domaine public appartenant à
une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public, l’État peut, pour la
durée correspondant à la nouvelle affectation, procéder à cette modification en l’absence d’accord de cette personne
publique. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article » (article L. 2123-4 CG3P).

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Les conditions cumulatives suivantes doivent être respectées :


• Il faut un motif d’intérêt général;
• le changement d’affectation ne doit pas être à durée indéterminée;
• lorsque l’affectation pour laquelle a été opérée la mutation domaniale cesse, le bien retourne à la personne publique
propriétaire;
• la collectivité dépossédée a désormais le droit au versement d’une indemnité (article L. 2123-6 CG3P).

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : Convention de gestion
On prendra le cas d’une commune propriétaire d’un immeuble affecté à un service public d’intérêt communautaire. Elle
passe une convention de transfert de gestion avec l’EPCI affectataire. La convention prévoit l’affectation du bien, le temps
de la mise à disposition et l’indemnisation de la collectivité propriétaire. L’EPCI est chargé de gérer la dépendance doma-
niale immobilière en fonction de son affectation.
Ainsi, désormais :
• l’intervention de l’État n’est plus requise;
• la commune propriétaire conserve la maîtrise de l’affectation du bien;
• la durée du transfert de gestion doit être déterminée dans l’acte qui prévoit ce transfert;
• dès que le bien n’est plus utilisé conformément à l’affectation, il fait retour gratuitement à la collectivité propriétaire.

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Sous-partie IV – l’occupation du domaine public

Tout d’abord, l’occupation du domaine public répond à certaines règles précises rappelées dans la première
partie du Guide qui fondent le régime juridique protecteur des biens publics (Fiche I B).
Par ailleurs, le CG3P innove à différents titres en ce qui concerne l’occupation du domaine public en autori-
sant la constitution de servitudes sur le domaine public (Fiche IV A), en réaffirmant le régime juridique du
BEA et en élargissant son champ d’application (Fiche IV B) en autorisant les collectivités territoriales à
délivrer des autorisations d’occupation temporaire (AOT) au même titre que l’État et sous certaines
conditions (Fiche IV C).
Le tableau introductif « AVANT/AVEC le CG3P » fait état de ces innovations et insiste sur la volonté nouvelle
de valoriser le domaine public.

Valoriser le domaine public

AVANT le CG3P AVEC le CG3P


• affectation conforme ou • affectation conforme ou compatible ;
Les règles générales
compatible ; • titre précaire et révocable ;
d’occupation du DP
• titre précaire et révocable ; • versement d’une redevance. Les possibilités d’occupation
• versement d’une redevance ; gratuite sont prévues dans le CG3P (article L 2125-1 CG3P).
Innovation importante : des servitudes établies par
Interdiction d’établir des servitudes,
conventions passées entre les propriétaires peuvent grever
Les servitudes sauf à ce qu’elles soient préexistantes
des biens des personnes publiques qui relèvent du domaine
à l’incorporation du bien dans ce
public, dans la mesure où leur existence est compatible avec
domaine.
l’affectation des biens sur lesquels ces servitudes s’exercent.
• sur le domaine public ou privé d’une • le champ d’application des BEA est étendu aux édifices de
collectivité territoriale ; culte ;
• en vue de l’accomplissement d’une • le régime juridique est maintenu moyennant une
mission de SP de la collectivité ou innovation : l’autorisation de recourir au crédit-bail
Le BEA en vue de la réalisation d’une pour le financement des ouvrages ;
opération d’intérêt général entrant • l’interdiction de recourir au BEA sur des parcelles entrant
dans les compétences de la dans le champ d’application des contraventions de grande
collectivité intéressée ; voirie est maintenue mais le CG3P contourne cette
• interdit sur le domaine des interdiction en autorisation la passation d’AOT sur
contraventions de grande voirie. le domaine public des collectivités locales.
CG3P :
• maintien des « AOT Etat » ;
Loi de 1994 : • création d’une nouvelle catégorie : les « AOT Collectivités
• les AOT sont réservées à locales » :
l’occupation du domaine public  Comme pour le BEA, l’AOT doit être conclue en vue de
Les AOT
artificiel de l’Etat ; l’accomplissement d’une mission de SP ou de la réalisation
• elles sont constitutives de droits d’une opération d’intérêt général ;
réels  L’AOT doit porter sur le domaine public artificiel ;
 A la différence du régime Etat, l’AOT collectivité locale
sera constitutive de droits réels que si le titre le prévoit

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Fiche IV A :
LES SERVITUDES SUR LE DOMAINE PUBLIC

PRINCIPE
La servitude est définie par l’article 637 du Code civil comme une charge qui grève un bien immobilier (le « fond
servant ») au profit d’un autre immeuble (le « fond dominant »). La servitude constitue un démembrement de
propriété. Elle porte dès lors atteinte à l’exclusivité du propriétaire sur son bien. Elle est perpétuelle et constitue un
droit réel3.
L’article 639 du Code civil distingue trois sortes de servitudes :
• les servitudes dérivant de la situation naturelle des lieux qui sont liées à la terre (écoulement des eaux, irrigation,
bornage, clôture);
• les servitudes imposées par la loi soit pour l’utilité publique (« servitudes administratives », à l’image des servitudes
d’urbanisme ou de passage des piétons sur le littoral), soit pour l’utilité privée (notamment les servitudes de passage
en cas d’enclave ou de distance pour les plantations par rapport au voisinage…);
• les servitudes établies par le fait de l’homme (par exemple une convention entre deux voisins).

AVANT le CG3P AVEC le CG3P


Le juge considérait que le La constitution de servitudes conventionnelles sur le domaine public postérieure-
domaine public, parce qu’il est ment à l’appartenance du bien au domaine public est désormais autorisée. Cette
inaliénable et imprescriptible, innovation est fondamentale et constitue l’un des éléments majeurs de la réforme
ne pouvait être assujetti à des dans la mesure où la possibilité d’établir des servitudes sur les biens du domaine
servitudes au sens des articles public devrait grandement favoriser la mise en place de montages immobiliers
du Code civil susvisés. Toutefois, complexes publics-privés. Ainsi : « Des servitudes établies par conventions
la jurisprudence avait admis passées entre les propriétaires, conformément à l’article 639 du Code civil,
leur existence à condition peuvent grever des biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1,
qu’elles soient préexistantes à qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible
l’incorporation du bien dans ce avec l’affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s’exercent »
domaine. (article L. 2122-4 CG3P).

APPLICATIONS PRATIQUES
Le CG3P prévoit une innovation majeure en permettant la constitution de servitudes conventionnelles sur le
domaine public existant, à condition qu’elles soient compatibles avec l’affectation du bien qu’elles grèvent.
Cette nouvelle disposition est la condition d’une bonne sécurisation juridique de toute une série d’opérations en particu-
lier les divisions en volumes et vise à assurer une meilleure coexistence des propriétés publiques et privées.
Cas pratique : Imaginons un terrain propriété de la collectivité qui souhaite y construire un immeuble avec une crèche
au RDC et des logements à l’étage. La commune souhaite vendre les lots « logements ».
Quelle est la domanialité des biens?
• La crèche : dans la mesure où l’immeuble est propriété de la collectivité et que la crèche est affectée à une mission de
SP avec aménagement indispensable, la crèche relève de la domanialité publique.
• Les logements : ils ne constituent pas un accessoire à la crèche au sens de l’article L. 2112-2 CG3P (cf. Fiche I B) et
n’entrent pas en conséquence dans le champ de la domanialité publique.
• Ainsi, les deux domanialités – publique pour la crèche et privée pour les logements – coexistent dans ce même
ensemble immobilier.
Quid du régime des servitudes?
Des servitudes peuvent être établies sur le domaine public à la condition toutefois d’être compatibles avec l’affectation
crèche. Dans l’hypothèse où un changement d’affectation rendrait la servitude incompatible avec la nouvelle affectation,
la doctrine considère qu’une réponse normale devrait être celle de l’expropriation de la servitude.

3 – Définition des droits réels : la constitution de droits réels permet de conférer à un preneur des prérogatives et des obligations dévolues ordinairement au propriétaire. Les droits
réels peuvent découler notamment des démembrements de la propriété (droits réels sur la chose d’autrui tel que l’usufruit, droits d’usage et d’habitation), de droits de superficie
(propriété sur les plantations et les constructions), de l’établissement de servitudes (charge d’exploitation d’un fond par un autre), de la qualité d’emphytéose (droit de jouissance
de longue durée sur un bien, baux emphytéotiques, baux à construction et à réhabilitation).

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Fiche IV B : LES RÉGIMES D’OCCUPATION


CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS : LE BEA

Le CG3P étend le régime des occupations constitutives de droits réels pour les collectivités territoriales
(article L. 2122-20 CG3P).
D’une part, il maintient le régime existant issu de la loi du 5 janvier 1988 instituant le BEA, codifié aux articles L 1311-2
et suivant du CGCT. D’autre part, il offre aux collectivités locales la possibilité de recourir au mécanisme d’autorisation
d’occupation prévu pour l’État par la loi du 25 juillet 1994, codifié aux articles L 1311-5 et suivants du CGCT
(cf. fiche IV C).

PRINCIPE
Champ d’application du BEA
Le BEA peut être conclu par une collectivité territoriale, un de ses établissements publics ou un de ses groupements.
La personne publique donne à bail une dépendance immobilière de son domaine privé ou public – à condition que cette
dépendance demeure hors du champ d’application de la contravention de grande voirie – à un preneur dénommé
« emphytéote » pour la réalisation d’opérations définies par la loi.
Le BEA peut être conclu en vue4 :
• de l’accomplissement, pour le compte d’une collectivité territoriale, d’une mission de service public;
• de la réalisation d’une opération d’intérêt général entrant dans les compétences de la collectivité intéressée;
• de l’affectation à une association cultuelle. Cette disposition a été introduite par le CG3P.
Régime juridique
Le régime juridique du BEA est maintenu par le CG3P avec une innovation majeure : l’autorisation désormais faite
de recourir au crédit-bail pour le financement des ouvrages sous réserve de l’insertion de clauses dans le contrat
de crédit-bail permettant de préserver les exigences du service public.
Ainsi, le BEA s’inspire des dispositions de l’article L. 451-1 du Code rural :
• sa durée est de 18 à 99 ans;
• il doit obligatoirement être établi par un notaire;
• il ne peut porter que sur des immeubles;
• le locataire dispose de droits réels sur son titre et sur les ouvrages immobiliers qu’il peut hypothéquer, louer et sous-
louer. Il doit assumer toutes les charges et les grosses réparations et payer une redevance révisable comme les loyers
des baux commerciaux;
• Ces droits sont cessibles avec l’accord de la collectivité. Ils peuvent être hypothéqués après accord de la collectivité,
pour garantir des emprunts contractés en vue de financer la réalisation des ouvrages situés sur le bien loué. Le contrat
stipulant l’hypothèque doit, sous peine de nullité, être approuvé par la collectivité;
• le BEA peut être résilié par le tribunal en cas de non-paiement des redevances pendant deux ans;
• à l’expiration du BEA, l’ouvrage réalisé devient propriété de la collectivité sans que cette dernière n’ait à verser une
indemnité au preneur.
Exclusions
Le CG3P maintient l’interdiction de constituer des BEA sur des parcelles entrant dans le champ d’application des contra-
ventions de grande voirie. Mais le maintien de cette exclusion est d’autant plus regrettable que, suite à la loi du 13 août
2004 sur la décentralisation, les régions et département se sont vus transférer d’importantes dépendances domaniales
entrantes, pour la plupart d’entre elles, dans le champ d’application des contraventions de grande voirie.

4 – Le BEA peut également être conclu en vue : – d’opérations liées aux besoins de la Justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ainsi que d’un EP de santé ou d’une
structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique, jusqu’au 31 décembre 2007 – d’opérations liées aux besoins d’un service départemental d’incendie et
de secours, jusqu’au 31 décembre 2010.

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Cependant, le CG3P remédie à cette difficulté en donnant naissance à un nouveau mode d’occupation du domaine public
avec le recours désormais possible aux autorisations d’occupation du domaine public réservée jusque-là à l’État par la
loi du 25 juillet 1994 (cf. fiche IV C).
Passation des BEA
A la différence d’autres contrats complexes analogues, comme le contrat de partenariat ou le bail emphytéotique hospi-
talier, la passation des BEA n’est soumise à aucune procédure en droit interne5 et le CG3P n’apporte pas de précision
particulière sur le sujet. On insistera néanmoins sur la nécessité de recourir à une procédure de publicité et de mise en
concurrence pour les BEA qui correspondent à des marchés de travaux au sens du droit communautaire. Une récente
jurisprudence du TA de Nice a affirmé ce principe en considérant qu’en l’absence de règles nationales légales et régle-
mentaires applicables à la procédure de passation d’un BEA, un tel bail doit être qualifié de marché public soumis aux
dispositions de la directive communautaire 2004/18/CE du 31 mars 2004, dès lors qu’il a pour objet la réalisation
d’ouvrages répondant aux besoins précisés par un pouvoir adjudicateur (TA Nice (ord), 6 décembre 2006, S° CIRMAD
GRAND SUD).

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : construction d’un ouvrage mis à la disposition d’une collectivité dans le cadre d’un BEA
On prendra le cas d’une municipalité qui souhaite agrandir son Hôtel de Ville. À cette fin, elle consent à une personne
privée un bail emphytéotique administratif portant sur un terrain de son domaine public.
• Le bail court pour une durée de 65 ans, à charge pour son preneur d’édifier les bâtiments projetés.
• 30 % de l’ensemble immobilier est destiné à satisfaire les besoins de la collectivité.
• Le preneur à bail s’est engagé à louer à la collectivité les locaux pour la durée du bail.
• Le solde des bureaux est destiné à une libre utilisation par le preneur.

On se trouve donc dans le cas d’un BEA « aller-retour » dans la mesure où le preneur au BEA contracte avec la collec-
tivité une convention de location en retour du bâtiment construit par lui dans le cadre du BEA :

BEA
Collectivité Preneur

Convention de location
en retour

Selon le CE (arrêt SOFAP MARIGNAN IMMOBILIER du CE, 25 février 1994), les dispositions de l’article L. 1311-2 CGCT
n’excluent pas qu’un BEA soit conclu « en vue de la réalisation d’un ouvrage mis à la disposition de la collectivité elle-
même ». Comme l’opération avait pour objectif de privatiser le financement et l’exécution des travaux en question, le CE
a fait une application extensive de la condition d’intérêt général.

5 – Mais, lorsque le BEA est indissociable d’un contrat soumis à de telles règles, notamment une délégation de service public ou une concession de travaux publics, il s’y trouve
soumis indirectement - cf. CE Ass. 10 juin 1994, Commune de Cabourg.

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Fiche IV C : LES RÉGIMES D’OCCUPATION


CONSTITUTIFS DE DROITS RÉELS, LES AOT
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

PRINCIPE
Aux termes de l’article 2122-20 du CG3P, les collectivités locales ont la possibilité de recourir au mécanisme de
l’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, initialement prévu pour l’État par la loi du 25 juillet 1994, et
désormais codifié aux articles L 1311-5 et suivants du CGCT :
« Les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d’occupation temporaire
constitutives de droits réels, en vue de l’accomplissement, pour leur compte, d’une mission de service public ou en vue
de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de leur compétence. Le titulaire de ce titre possède un droit
réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice de cette activité.
Ce droit réel confère à son titulaire, pour la durée de l’autorisation et dans les conditions et les limites précisées dans
la présente section, les prérogatives et obligations du propriétaire.
Le titre fixe la durée de l’autorisation, en fonction de la nature de l’activité et de celle des ouvrages autorisés, et compte
tenu de l’importance de ces derniers, sans pouvoir excéder soixante-dix ans.
Ces dispositions sont applicables aux groupements et aux établissements publics des collectivités territoriales, tant pour
leur propre domaine public que pour celui mis à leur disposition », (article L. 1311-5 CGCT).
Champ d’application des « AOT collectivités territoriales »
Les « AOT collectivités territoriales » pourront être conclues en vue de :
• l’accomplissement d’une mission de SP;
• la réalisation d ‘une opération d’intérêt général relevant de la compétence de la personne publique.
Les AOT ne pourront être délivrées que sur les dépendances du domaine public artificiel des collectivités. En effet, le
domaine public naturel, notamment maritime, étant plus fragile, il nécessite une protection accrue incompatible avec
l’octroi de droits réels.
Régime juridique
• les AOT sont conclues pour une durée maximum de 70 ans;
• les AOT sont constitutives de droits réels. Toutefois, à la différence des AOT État, la délivrance de droits réels ne
constitue pour les AOT collectivités territoriales qu’une simple faculté et non un droit, sauf prescription
contraire du titre. Ainsi :
– Les « AOT État » seront constitutives de droits réels sur le domaine public de l’État sauf disposition contraire du titre;
– Les « AOT Collectivité teritoriale » ne seront constitutives de droits réels sur le domaine public des collectivités terri-
toriales que si le titre le prévoit et en vue de l’accomplissement d’une mission de service public ou de la réalisation
d’une opération d’intérêt général de la compétence de la collectivité.
Passation des AOT
Le CG3P n’apporte pas de précision particulière sur le sujet. On insistera néanmoins sur la nécessité de recourir à une
procédure de publicité et de mise en concurrence pour les AOT qui correspondent à des marchés de travaux au sens du
droit communautaire (voir la jurisprudence susvisée relative à la passation des BEA p. 34).

APPLICATIONS PRATIQUES
Une communauté de communes, qui s’est vu transférer la propriété du port dans le cadre de la loi du 13 août 2004 rela-
tive à la décentralisation, peut désormais passer une « AOT collectivité territoriale » avec une SEM à la condition de satis-
faire une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général.
La question se pose donc de savoir si la construction d’un immeuble sur le domaine public maritime peut être considérée
comme satisfaisant à la condition d’intérêt général.
Est considéré comme satisfaisant l’intérêt général « les activités ayant trait à l’exploitation du port (…) ou qui sont de
nature à contribuer à leur animation ou à leur développement » (article L. 1311-5 II CG3P). Il conviendra donc de
s’attacher à la destination de l’immeuble, qui permettra par exemple l’exploitation de commerces liés à l’activité
nautique, pour considérer que l’AOT contribue au développement du port et à son animation.

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Sous-partie V – la sortie du domaine public


pour intégrer le domaine privé

Après avoir envisagé les possibilités de cessions, transferts, échanges et occupation du domaine public, il
nous reste à appréhender, dans cette dernière sous-partie, la possibilité pour une personne publique de sortir
son bien du domaine public en vue de l’intégrer dans la sphère privée et de le soustraire au régime protec-
teur de la domanialité publique (Fiche V A).
Pour sortir un bien du domaine public, la collectivité propriétaire doit le désaffecter puis le déclasser
(Fiche V B).
Mais le CG3P prévoit certaines exceptions à cette chronologie qui devraient permettre une amélioration, en
pratique, de la gestion des biens du domaine public. Il s’agit, par exemple, de la possibilité pour l’État de
déclasser un immeuble non encore désaffecté ou encore de la possibilité pour les collectivités d’échanger
des biens non encore désaffectés (Fiche V C).
Le tableau introductif « AVANT/AVEC le CG3P » montre dans quelle mesure le CG3P facilite la sortie du domaine public
par rapport au droit préexistant.

Faciliter la sortie du domaine public

AVANT le CG3P AVEC le CG3P


Désaffectation - • La désaffectation est un fait ; • La désaffectation est un fait ;
Déclassement • Le déclassement est un acte • Le déclassement est un acte formel ;
formel ; • La désaffectation doit précéder le déclassement. Mais des
• La désaffectation doit précéder le exceptions sont désormais prévues :
déclassement.
1 / Déclassement avant désaffectation pour l’Etat et
ses établissements publics sous réserve :
• que l’immeuble appartienne au domaine public artificiel et
soit affecté à un SP ;
• que la désaffectation de l’immeuble ait été décidée ;
• que les nécessités du SP justifient que la désaffectation soit
postérieure au déclassement.
Attention : cette exception ne concerne que l’État.
Les collectivités locales et leurs établissements publics en sont,
pour le moment, exclus.

2 / L’échange de certains biens affectés à un SP : le


déclassement d’un bien affecté à un SP peut, afin d’améliorer
les conditions d’exercice de ce SP, être prononcé en vue de
permettre un échange. La désaffectation devrait intervenir
après l’échange.

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Fiche V A : LES OBJECTIFS DE


L’INTÉGRATION DANS LA SPHÈRE PRIVÉE

Le domaine privé des collectivités est soumis à un régime de droit privé. Dès lors, les biens qui le constituent sont alié-
nables et prescriptibles. Les collectivités peuvent donc céder leurs biens moyennant le respect de certaines conditions.

1 – La vente
Aux termes de l’article L. 3113-14 du CG3P, « les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements
publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le Code général des
collectivités territoriales ».
Le CGCT soumet les projets de cessions d’immeubles ou de droits réels immobiliers des collectivités territoriales, leurs
groupements et leurs établissements publics à l’avis du service des Domaines :
• article L. 2241-1 CGCT pour les communes de plus de 2000 habitants;
• article L. 3213-2 CGCT pour les départements;
• article L. 4221-4 CGCT pour les régions;
• article L. 5211-37 CGCT pour les EPCI;
• article L. 5722-3 CGCT pour les syndicats mixtes.
Après délibération, au vu de l’avis du service des Domaines, l’exécutif des collectivités territoriales, de leurs établis-
sements publics et de leurs groupements, est chargé d’appliquer la décision permettant la cession du bien.
Pour ce faire, ces personnes publiques ont qualité pour passer l’acte de cession en la forme administrative, le réceptionner
et l’authentifier, sous réserve de la purge des privilèges et hypothèques grevant le bien. En effet, le maire, le président du
Conseil général, le président du Conseil régional, le président de l’établissement public local ou le président du grou-
pement de collectivités peuvent passer un acte en la forme administrative lorsque la collectivité dont il dépend acquiert
ou vend pour son propre compte un terrain, que celui-ci soit situé sur le territoire de la collectivité ou sur celui d’une autre
collectivité.
Ces dispositions confèrent au pouvoir exécutif des attributions « d’ordre notarial », puisqu’elles permettent qu’un acte
soit passé en la forme administrative au lieu de prendre la forme notariée.

2 – L’échange
Article L. 3113-23 du CG3P : « Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent
céder des biens et des droits, à caractère mobilier et immobilier, par voie d’échange. Ces opérations d’échange
s’opèrent dans les conditions fixées par le Code général des collectivités territoriales ou par le Code de la santé
publique ».
L’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. Il s’opère par le seul
consentement, de la même manière que la vente (articles 1702 et 1703 du Code civil).
Les cessions par voie d’échange sont poursuivies dans les mêmes conditions que les cessions réalisées par le biais de la
vente, dont la procédure est décrite ci-dessus.

3 – La location
Contrairement aux biens du domaine public qui ne peuvent faire l’objet que d’une mise à disposition temporaire (cf. Fiche
I A et I B), les collectivités peuvent mettre leurs biens privés en location selon les règles du droit privé, en recourant notam-
ment aux baux commerciaux et autres types de baux qui ne sont pas précaires.

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Fiche V B : LA PROCÉDURE DE DÉSAFFECTATION


– DÉCLASSEMENT

PRINCIPE
Le déclassement est un acte administratif qui fait perdre à un bien son caractère de dépendance du domaine public.
La désaffectation est l’opération qui consiste à ne plus utiliser un bien à l’usage direct du public ou en vue de
l’accomplissement d’une mission de service public.
Ces deux notions, qui peuvent paraître similaires, sont en fait deux conditions nécessaires et cumulatives avant la cession
d’un bien qui relevait du domaine public, le déclassement étant l’acte qui constate la fin de l’affectation du bien à l’usage
du public ou d’un service public. L’équation est la suivante :
Domaine public = affectation à l’utilité publique + inaliénabilité
Fin de l’affectation = fin de la nécessité de protection + fin de la règle de l’inaliénabilité = autorisation de déclasser
et de céder le bien
On comprend donc que l’affectation est la clé de voûte de la domanialité publique et qu’à partir du moment où
l’affectation cesse, le bien peut être déclassé puis cédé légalement.
La chronologie désaffectation-déclassement
Pour sortir un bien du domaine public, il faut le désaffecter puis le déclasser : « Un bien d’une personne publique
mentionnée à l’article L. 1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du
domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement » (article L. 2141-1 CG3P) :
• La désaffectation est un fait, c’est-à-dire que le bien ne doit plus être affecté à l’usage du public ou à un service
public. Il appartient à la collectivité d’apporter la preuve matérielle de la désaffectation;
• Le déclassement est une décision de la collectivité de faire sortir le bien de son domaine public pris sous la forme d’une
délibération.
Attention : la désaffectation doit précéder le déclassement (CAA Versailles, 23 mars 2006 Cne Chesnay). En cas de non-
respect de la chronologie, le risque serait de voir prononcer l’illégalité de la décision autorisant le déclassement ainsi que
la nullité des actes de mutation. Des exceptions sont néanmoins prévues par le CG3P (cf. fiche suivante V C).

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : désaffectations et déclassements dans les opérations de renouvellement urbain.
Lorsque l’opération d’aménagement est une opération de renouvellement urbain, il est fréquent que certains terrains
(ou volumes) sur lesquels des équipements publics doivent être réalisés appartiennent d’ores et déjà au domaine public
(voies, parkings, halles et marchés du centre-ville qui sont le siège d’équipements publics désaffectés mais non encore
déclassés).
Au moment de prendre la décision de les déclasser, la collectivité sait que le terrain et les nouveaux équipements qui seront
réalisés dessus sont destinés à être rétrocédés à la collectivité. La question se pose alors de savoir si ces terrains (ou
volumes) peuvent être déclassés puis cédés à l’aménageur alors qu’ils sont destinés à revenir à terme à la collectivité :

AVANT le CG3P AVEC le CG3P


La théorie de la domanialité publique virtuelle (cf. Fiche II A) interdisait à la Le CG3P met fin à cette théorie. Il est
collectivité de déclasser l’immeuble à partir du moment où la décision avait donc désormais possible à la collectivité
été prise au préalable d’affecter cet immeuble à un autre service public ou au de déclasser le bien en vue de le céder,
même service public en cas de reconstruction de l’équipement, moyennant alors même que la décision a été préala-
des aménagements spéciaux. La collectivité se trouvait donc contrainte d’en blement prise de l’affecter à un autre
assurer la construction soit directement, soit en recourant au mandat. service public.

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Fiche V C : LES EXCEPTIONS À LA CHRONOLOGIE


DÉSAFFECTATION-DÉCLASSEMENT
PRINCIPE
Le CG3P prévoit des exceptions au respect de la chronologie « désaffectation-déclassement » posée par l’article L. 2141-
1 CG3P, qui permet de sortir un bien du domaine public. Il s’agit :
• d’une part, du déclassement d’un immeuble non encore désaffecté;
• d’autre part, de l’échange de certains biens affectés à un service public.
L’article L. 2141-2 CG3P autorise l’État et ses EP à procéder au déclassement d’un immeuble non encore désaf-
fecté : « Par dérogation à l’article L. 2141-1, le déclassement d’un immeuble appartenant au domaine public artificiel
de l’État ou de ses établissements publics et affecté à un service public peut être prononcé dès que sa désaffectation a
été décidée alors même que les nécessités du service public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans
un délai fixé par l’acte de déclassement. Ce délai ne peut être supérieur à une durée fixée par décret. Cette durée ne
peut excéder trois ans. En cas de vente de cet immeuble, l’acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit
si la désaffectation n’est pas intervenue dans ce délai » (article L. 2142-2 CG3P).
Les 3 critères cumulatifs suivants doivent donc être respectés :
• que l’immeuble appartienne au domaine public artificiel de l’État ou de ses EP et qu’il soit affecté à un service public;
• que la désaffectation de l’immeuble ait d’ores et déjà été décidée et qu’elle intervienne dans un délai maximum de 3 ans;
• que les nécessités du SP justifient que la désaffectation soit postérieure au déclassement.
En cas de vente de l’immeuble déclassé par l’État, « l’acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la
désaffectation n’est pas intervenue dans le délai de 3 ans ».
L’article L. 2141-3 CG3P autorise le déclassement d’un bien affecté à un service public en vue d’un échange sous
certaines conditions : « Par dérogation à l’article L. 2141-1, le déclassement d’un bien affecté à un service public peut,
afin d’améliorer les conditions d’exercice de ce service public, être prononcé en vue de permettre un échange avec un
bien d’une personne privée ou relevant du domaine privé d’une personne publique. Cet échange s’opère dans les
conditions fixées à l’article L. 3112-3 ».
Ainsi, l’échange de biens du domaine public avec des biens appartenant à des personnes privées ou relevant du domaine
privé d’une personne publique ne peut avoir lieu que si le but de l’opération est d’améliorer les conditions
d’exercice du service public (cf. Fiche III B).
La question se pose du moment auquel la désaffectation devra intervenir. Le CG3P ne prévoit pas de délai mais la désaf-
fectation devra vraisemblablement intervenir après l’échange.

APPLICATIONS PRATIQUES
Cas pratique : les modalités à respecter pour procéder à la vente d’un immeuble de l’État déclassé mais non
encore désaffecté.
On prendra le cas où l’État souhaite déménager un service public dans un autre immeuble. Il envisage, pendant le temps
nécessaire à la construction du nouvel immeuble, de vendre l’immeuble occupé, c’est-à-dire non encore désaffecté, en
application de l’article L. 2141-2 CG3P.
Tout d’abord, il convient de veiller au respect des trois critères posés par l’article L. 2141-2 CG3P pour procéder au déclas-
sement d’un immeuble non encore désaffecté :
• l’immeuble doit appartenir au domaine public artificiel de l’État ou de ses EP et être affecté à un service public;
• la désaffectation doit avoir été décidée et intervenir dans un délai maximum de 3 ans;
• les nécessités du service public doivent justifier que la désaffectation intervienne postérieurement au déclassement.
En cas de vente du bien, l’acte doit prévoir une clause résolutoire subordonnant la cession à la désaffectation posté-
rieure du bien dans le délai maximum de 3 ans. En cas de défaillance de cette condition, la résolution interviendra de
façon automatique sans volonté, ni intervention des parties, c’est-à-dire sans mise en demeure préalable ou formalisme
quelconque. Il faudra donc prévoir dans l’acte de vente :
• les conditions de la restitution du prix avec éventuellement des garanties qui en découlent;
• le délai dans lequel le prix sera restitué;
• les intérêts de retard;
• ainsi que toutes les conséquences découlant du retour de l’immeuble dans le domaine public.

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INDEX DE QUESTIONS/RÉPONSES

Q/R n° 1 – Un GIP peut-il être propriétaire d’un domaine public ? 13

Q/R n° 2 – Un bien appartenant à une personne privée


peut-il relever de la domanialité publique ? 13

Q/R n° 3 – Les biens de retour appartiennent-ils au domaine public de la collectivité ? 13

Q/R n° 4 – Un terrain mis à la disposition d’une collectivité en vertu d’un bail


emphytéotique peut-il relever du domaine public de la collectivité ? 13

Q/R n° 5 – Est-il envisageable de mettre en place une copropriété sur le domaine public ? 14

Q/R n° 6 – Que faut-il entendre par aménagement « indispensable » et comment cette


notion se différencie-t-elle de celle précédente d’aménagement « spécial » ? 14

Q/R n° 7 – La domanialité publique virtuelle survit-elle au CG3P ? 14

Q/R n° 8 – Quelles modalités faut-il suivre pour organiser le transfert d’un élément
du domaine public fluvial de l’État vers celui des collectivités territoriales ? 19

Q/R n° 9 – Les ports appartiennent-ils au domaine public artificiel de la collectivité ? 20

Q/R n° 10 – Quelles sont les dépendances qui peuvent être considérées


comme des accessoires au domaine public routier ? 21

Q/R n° 11 – Les cessions et transferts (cf. fiche III C) peuvent-ils être réalisés au profit des
groupements de communes dont celles-ci sont membres ?
En d’autres termes, comment concilier ces nouveaux dispositifs de cessions et
d’échanges avec le principe applicable actuellement qui est celui de la mise à
disposition du groupement de communes des biens communaux nécessaires à
l’exercice de la compétence posé par l’article L. 5211-2 du CGCT ?
Le CG3P permet-il aux communes de vendre purement et simplement des
immeubles du domaine public communal à l’EPCI dont elles sont membres ? 27

Q/R n° 12 – Quelles seront les règles applicables aux actes d’échange ? 28

Q/R n° 13 – Un échange pourrait-il se voir requalifier en vente


dans l’hypothèse où la soulte serait disproportionnée ? 28

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CONCLUSION

Ce guide a été l’occasion de montrer que le domaine public est soumis à un régime exorbitant du droit commun parce
qu’il répond à une destination d’intérêt général. Par comparaison, les biens du domaine privé remplissent une fonction
d’ordre patrimonial ou financier, et c’est la raison pour laquelle ils obéissent à un régime de droit privé.
Notre ambition consistait à recenser les différentes modalités de gestion du domaine public et à montrer comment
le CG3P permet désormais de valoriser le domaine public des collectivités. Nous espérons que la lecture de ce Guide
vous aura éclairé sur ce point et que la domanialité publique est désormais une matière plus facilement appréhendable
par chacun.

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Décembre 2007
Guides du Réseau

La domanialité publique et sa gestion


Décembre 2007
Ce guide a été réalisé par : Amicie MAUCOUR-ISABELLE
avec la collaboration de Bernadette CONSTANT, SCET - Juridique et Financier
Édition & coordination Pôle SCET - INTERSEM : François CAILLIBOT
Il est à destination exclusive des membres du Réseau SEM-SCET.
Sa diffusion en dehors du Réseau INTERSEM n’est pas autorisée, sauf accord exprès de la SCET. Aux termes de l’article 40 de la loi du 11 mars
1957, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause
est illicite ».
L’article 41 de la même loi n’autorise que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé et du copiste et non destinées à une
utilisation collective » et « les analyses et courtes citations », « sous réserve que soient indiquées clairement le nom de l’auteur et la source ».
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