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Thème n°7 : Intégration, conflit,

changement social
• Chapitre 1 - Quels liens sociaux dans des
sociétés où s'affirme le primat de l’individu ?

• Chapitre 2 - La conflictualité sociale :


pathologie, facteur de cohésion ou moteur du
changement social ?
Chapitre 1 - Quels liens sociaux
dans des sociétés où s'affirme le
primat de l’individu ?
• Après avoir présenté l'évolution des formes de
solidarité selon Durkheim, on montrera que les
liens nouveaux liés à la complémentarité des
fonctions sociales n'ont pas fait pour autant
disparaître ceux qui reposent sur le partage de
croyances et de valeurs communes.
• On traitera plus particulièrement de l'évolution du
rôle des instances d'intégration (famille, école,
travail, État) dans les sociétés contemporaines et
on se demandera si cette évolution ne remet pas
en cause l'intégration sociale.
Notions
• Solidarité mécanique / organique, cohésion
sociale.

• Acquis de première : socialisation, sociabilité,


anomie, désaffiliation, disqualification,
réseaux sociaux.
Introduction

• La naissance de la sociologie à la fin du XIXe


siècle
(profonds changements : démocratisation progressive,
industrialisation, urbanisation, laïcisation,
individualisation…)
• Interrogation centrale : lien social et cohésion
sociale
= capacité de la société à unir tous ses membres et à
entretenir des relations sociales, des réseaux de sociabilité
Un certain nombre d’indicateurs de la
fragilisation du lien social :
– Le chômage de masse et phénomènes d’exclusion (SDF,
marginaux)
– La désyndicalisation, la montée de l’abstention aux élections,
le repli communautaire… signes d’un manque d’esprit civique,
d’une perte d’engagement pour le collectif.
– L’augmentation des inégalités (inégalité des chances face à la
réussite scolaire, inégal accès à un emploi stable, à un
logement décent…)
– La hausse récente des conflits sociaux pour le partage des
richesses, le mouvement étudiant, les émeutes urbaines…
– La croissance des divorces, la montée du racisme, la
croissance de la délinquance, l’existence de discriminations
sociales, spatiales, ethno-raciales…
• La cohésion sociale correspond à une
situation dans laquelle les membres d’une
société entretiennent des liens sociaux,
partagent les mêmes valeurs et ont le
sentiment d’appartenir une même collectivité

• La cohésion sociale suppose donc une société


intégrée comme le pense Emile Durkheim
(1868-1917).
La cohésion sociale suppose donc du lien
social
Le lien social désigne l’ensemble des relations
qui unissent les individus faisant partie d’un
même groupe social ou d’une même société.

Ce lien peut être plus ou moins fort dans le


temps et dans l’espace.
Différents liens sociaux :
Qui unissent l’individu à ses groupes sociaux
d’appartenance ou à la société
• Les liens familiaux
• les liens amicaux
• les liens professionnels
• les liens religieux
• les liens communautaires
• Le lien politique (droits et devoirs du citoyen)
• Le lien marchand (contrats, conventions reliant le
salarié-consommateur au marché)
• Le lien social implique une sociabilité des
individus.
La sociabilité se définit comme la capacité
d’un individu ou d’un groupe à nouer des liens
sociaux, à s’intégrer dans des réseaux sociaux.
Elle se développe, notamment, par la
socialisation.
• L’intégration sociale suppose que les individus
appartiennent à un groupe social et aient des
relations sociales au sein de ce groupe.
– Cela passe par un processus de socialisation ou
par un processus d’acculturation (donc processus
d’intégration)
– Le groupe accepte l’individu et lui reconnaît son
appartenance (ou au contraire exclusion, rejet)

Qu’est-ce qu’une société intégrée ?


Chapitre 2
Intégration sociale Régulation sociale

Normes Valeurs Liens Hiérarchie Ordre social


sociales communes sociaux sociale légitime

Mode de
Conscience Contrôle
vie Sociabilité
collective social
commun

Modération des
passions
individuelles

Cohésion sociale
• Si l’individu n’est pas régulé, il est :
– soit dans une situation d’anomie = livré à ses
passions, soit parce que les règles sociales ne sont
pas assez contraignantes, soit parce qu’elles sont
mal définies ;

– soit dans une situation de déviance = il


transgresse les normes et les valeurs en vigueur
dans la société.
• En conséquence, une société peut maintenir
sa cohésion sociale si :
– Elle est capable de transmettre aux générations
suivantes les valeurs et les normes partagées par
tous (conscience commune et relations sociales
intenses) ;
– Elle est capable de s’adapter à l’évolution des
mœurs initiée par les jeunes générations ;
– Elle est capable de rassembler tous les groupes
sociaux autour de projets communs qui les
rendent solidaires.
I – La transformation du lien social
A – Solidarités mécanique et organique

• Dans De la division du travail social (1893),


Emile Durkheim cherche à comprendre les
liens qui unissent les individus pour former
une société.
« Comment se fait-il que tout en devenant plus
autonome, l’individu dépende plus étroitement
de la société ? Comment peut-il être à la fois
plus personnel et plus solidaire ? »
• La réponse de Durkheim :
La division du travail social croissante,
qui accompagne ces transformations, ne
provoque que le passage d'une solidarité
à une autre, celui d’une société à «
solidarité mécanique » à une société à
une « solidarité organique ».
Sociétés traditionnelles Sociétés modernes
Organique ou « par
Solidarité Mécanique ou « par similitude »
complémentarité »
Communautés restreintes Société élargie
Modèle de groupe
(famille, tribu, clan, village) (ville, nation)
Faible Forte
Division du travail (Complémentarité et
(similitude des fonctions)
interdépendance)
Forte : Valeurs, croyances et
sentiments homogènes et
partagés.
Conscience collective Présente mais en déclin
Importance des normes
(impératifs sociaux et
interdictions)
Se développent : diversité des
Consciences individuelles Faibles et limitées
valeurs et des croyances
Justice restitutive ou
Justice répressive
coopérative

Contrôle social (droit)


(Sanction des fautes, pression (réparation des fautes, droits
du groupe) des individus)
• Ces deux formes de solidarité ne s'excluent pas
l'une l'autre. Elles peuvent coexister.

Nos sociétés tendent bien vers


l'individualisme mais elles préservent aussi
les liens communautaires.

Exemples : liens fondés sur la similitude et la proximité


d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et coutumes),
de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture
(style de vie) ou de valeurs (causes à défendre)
B – Le processus d’individualisation

• Dans les sociétés modernes, l’autonomie des


individus progresse et tend à rendre les liens
sociaux plus personnels, plus électifs et plus
contractuels

Montée de l’individualisme
Individu rationnel
Economique
Individu
innovateur

Libertés
Politique
individuelles

Individualisme
Méthodologique
méthodologique
Individualisme

Individualisme
universaliste

Individualisme
Sociologique
particulariste

Egoïsme
• Pour le sociologue, l’individualisme
correspond au processus d’autonomisation
de l’individu :

– Les sociétés anciennes se caractérisaient par leur


« holisme » (expression de Louis Dumont) et par
leur structure hiérarchique
– La société moderne (au moins en Occident) est
dominée par des valeurs d'égalité et de liberté,
caractéristiques de l'individualisme.
L’individualisme universaliste ou abstrait

• Dans un premier temps, l’homme se libère des


contraintes communautaires et de l’autocratie
politique pour devenir un citoyen au plan
politique et un salarié consommateur au
niveau économique.

(La première modernité : la raison et la


conscience d’une commune humanité)
L’individualisme particulariste ou concret
• A partir des années 60 : valorisation de l’individu
particulier avec ses problèmes propres

– Un individualisme positif : l’individu choisit sa


relation sans pression du social. Il s’agit donc d’un
individualisme relationnel.

– Un individualisme négatif s’il aboutit à la


naissance d’un individu solitaire coupé de la
société, au comportement anomique, qui n’a plus
le sentiment de faire partie d’un collectif (repli
sur soi ou sur de petites communautés.
Individualisme concret
ou particulariste

Négatif Positif

Individu Individu
Egoïsme Repli sur soi
autonome singulier

Relations
Attitude Réalisation de
Solitude sociales
ségrégative soi
électives
Ainsi :
• L’individualisme ne doit donc pas se
confondre avec l’égoïsme
(parfaitement compatible avec l’ouverture à
autrui et la construction du lien social à partir de
l’autonomie même des individus)

• Mais il est indissociable des exigences de


construction de l’identité individuelle et
sociale qui sont sources de tensions et de
clivages.
• De plus, l’individualisme doit être relié à
l’organisation de la société :
– D’une part, donne naissance à l’individualisation
des mœurs car ces transformations affaiblissent le
poids des institutions intégratrices.

– D’autre part, déplacement de la frontière entre ce qui


relève de la sphère privée et de la sphère publique.
L’individualisme s’accompagne également d’une
fragilisation des individus :
• Recul des liens de dépendance personnelle
(des tutelles traditionnelles et des liens de
subordination : parenté, paternalisme, patronage)

• Progression des relations plus impersonnelles à


travers la médiation d’institutions
(droit du travail associé au salariat, Etat-providence
et redistribution, administration et services publics)
Participent positivement à l’autonomie de
l’individu
Mais, que se passe-t-il lorsque ces
conditions ne sont pas réalisées ?
L’analyse de Robert Castel
• La promotion du salariat : historiquement
indissociable de la promotion de l’individu
Diminution des tutelles traditionnelles et les liens
de subordination par l’intermédiaire de collectifs
qui mettent en place un système de protection

L’affaiblissement de ces collectifs entraîne le


recul des protections et débouche sur un
individualisme négatif
(un individualisme sans attaches, sans protections
ni statut ni reconnaissance)
Désaffiliation : moindre intégration par le
travail, appauvrissement des liens sociaux
et familiaux
Ainsi, dans les sociétés modernes, les liens
sociaux peuvent être appréhendés à partir
d’une double dimension

• les différentes formes de protection


« Compter sur »
• les différentes formes de reconnaissance
« Compter pour »

Telle est la perspective de Serge Paugam


(une multiplicité des liens sociaux)
Une multiplicité de la nature des liens sociaux
(dans leur double dimension de protection et de
reconnaissance)
• lien de filiation
• lien de participation élective À partir de ces quatre
• lien de participation aux activités types de liens sociaux
socioprofessionnelles les individus déclinent
leur identité
• lien de citoyenneté

La référence à la nation, l’appartenance à des


groupes sociaux plus restreints, la profession ou les
origines familiales se combinent et constituent le
système de relations au sein duquel les individus
développent leur vie sociale.
La qualité, la force, la stabilité ou l’adaptabilité de ces
liens sociaux sont à l’origine de ressources diverses
(notion de capital social )
II – Les principales instances
d’intégration face aux mutations
socioéconomiques et à la montée de
l’individualisme
A – La famille
• Instance fondamentale de la socialisation primaire
(Les processus de socialisation et la construction des
identités sociales)

À l’origine du lien de filiation : le fondement de


l’appartenance sociale à travers l’expérience
originelle de l’attachement
Met à la disposition de ses membres une série de
ressources – affectives et morales, sociales et
relationnelles, matérielles et monétaires –

Participe à leur intégration sociale, remplit la


fonction de solidarité et contribue au lien social
Des liens familiaux multiples

Famille

La
Le couple Les enfants
parentèle
= =
=
lien lien
lien de
conjugal parental
parenté
• La montée de l’individualisme fragilise-t-elle
l’institution familiale ? Affaiblit-elle ses
fonctions d’intégration et de solidarité ?
Depuis le XVIIIe siècle, l’institution familiale a
connu une série de transformations :
Famille Famille Famille
traditionnelle moderne contemporaine

Dates XVIème-XVIIIème XIXème-1960 1960 à nos jours

Type de mariage Mariage arrangé Mariage d’amour Mariage d’amour

Stabilité du Divorce possible


Divorce interdit Divorce banalisé
mariage mais réprouvé

Répartition des Faible division du Modèle de la femme Modèle de la femme


tâches travail au foyer active

Objectifs du Unir des familles et L’épanouissement


Une famille heureuse
mariage agrandir le patrimoine individuel

Parentale (modèle
Autorité Patriarcale Paternelle
égalitaire)
Une désinstitutionalisation

• L’autonomie de chacun des membres s’est


étendue et la famille est devenue le lieu de la
recherche du bonheur privé.
Évolution de la fécondité, de la nuptialité
et de la divortialité
Processus d’individualisation, de
privatisation et de pluralisation

Désinstitutionalisation au moins
relative de la famille
Quelques tendances :
• La famille s’est autonomisée vis-à-vis de la
parentèle : les parents ne choisissent plus le
conjoint de leur enfant ; les relations avec les
ascendants et les collatéraux se distendent ; la
famille nucléaire a tendance à se replier sur
soi. Les relations au sein de la famille
conjugale se sont privatisées. Elles ne sont
plus soumises au regard de la parentèle.
• La famille s’est démocratisée : les rapports
entre conjoints et ceux entre les parents et les
enfants sont de plus en plus égaux.
La femme a une profession et s’autonomise
vis-à-vis de son mari.
Les enfants ont acquis des droits et sont
considérés comme des adultes en devenir.
Dans l’interaction, ils socialisent leurs parents
tout autant qu’ils sont socialisés par eux.
Enfin, l’amour a remplacé l’intérêt au cœur de
ces relations familiales.
• La famille s’est individualisée : les membres
de la famille cherchent à développer leur
identité propre au lieu de vouloir construire
un groupe social homogène. L’éducation des
enfants insiste davantage sur la construction
de leur personnalité que sur la reproduction
sociale et familiale.
Le groupe familial conserve une place
essentielle

• La sociabilité des individus La stabilité de


• L’intensité affective des relations leurs rapports

• L’entraide familiale recouvre des dimensions variées :


– flux de services
– flux de biens
– flux financiers relativement importants

Mais les ressources familiales et les liens


! sociaux sont inégaux selon les milieux sociaux
B – L’école
• L’école contribue à la cohésion sociale de
plusieurs manières :
– Elle transmet des normes et des valeurs qui servent
de base à la culture commune

– Elle diffuse des savoirs et des qualifications qui


permettent aux individus de trouver une place dans la
division du travail

– Elle participe également à leur épanouissement : la


compréhension du monde et autonomie
• Que devient cette fonction d’intégration dès
lors que l’institution scolaire poursuit
plusieurs objectifs, parfois contradictoires, et
se trouve confrontée à de multiples défis ?
Par exemple :

• Compatibilité entre objectif de


démocratisation de l’éducation et une
fonction de sélection ?
• Respect d’une égalité des chances entre les
élèves ?
• Les inégalités scolaires reflètent très
largement les inégalités sociales, économiques
et culturelles /le principe méritocratique
• La prééminence du rôle de l’école et du
diplôme en matière d’insertion
professionnelle :
– Accentuation des problèmes de l’emploi et la
dévaluation des titres scolaires
– La mobilisation des familles et leurs stratégies
éducatives s’accentuent et contribuent ainsi à
creuser les inégalités scolaires.
• Des publics scolaires plus hétérogènes à la fois
sur le plan social et culturel
Davantage de difficultés à
transmettre une culture commune

• Dans ce contexte, l’échec scolaire est perçu


comme un stigmate et vécu comme une forme de
mépris
L’institution scolaire est alors le théâtre
de diverses manifestations anomiques :
violences, absentéisme, décrochage
scolaire et déscolarisation
C – Le travail
• Le travail contribue à la construction de
l’identité sociale au sein de laquelle l’identité
professionnelle forme une composante
importante
– Les relations de travail remplissent une fonction
de socialisation secondaire et influencent la
sociabilité des individus.
– Les relations professionnelles donnent accès à
diverses formes de participation sociale
(syndicats, associations professionnelles).
• Le travail assure un revenu d’activité qui
conditionne l’accès à la société de
consommation.
L’activité professionnelle facilite alors le
développement de liens marchands et de liens
électifs souvent associés aux loisirs.
• Par l’intermédiaire de son travail, il fait la
preuve de la maîtrise qu’il a sur un
environnement qui peut être technique,
naturel, relationnel etc.
Il en retire une estime de soi et un
sentiment d’épanouissement qui contribuent à
asseoir sa personnalité et la confiance en soi
Le travail fait donc logiquement l’objet
d’un investissement affectif important
• Le travail donne accès à des droits sociaux qui
concourent à la protection des individus face
aux différents risques de la vie sociale.
• En attribuant un statut social aux individus, le
travail concourt à leur reconnaissance sociale,
à leur dignité et à leur autonomie
Conformément aux analyses de
Durkheim, il rend compatibles le
processus d’individualisation et la
cohésion sociale
Cependant :
• Les mutations de l’emploi (chômage, instabilité et
précarité)

• Les mutations de l’organisation du travail (flexibilité,


mobilité, intensification du travail et
l’individualisation de la gestion des ressources
humaines)
Affectent la fonction
d’intégration du travail
Exemples
• L’expérience du chômage, souvent douloureuse, risque de
dégénérer en un processus cumulatif de rupture des
différents types de liens sociaux.

• De même, pauvreté, marginalisation et exclusion sont,


directement ou indirectement, liées à l’absence de travail et
entraînent différentes formes de disqualification sociale.

• Le renforcement des contraintes professionnelles, dans un


environnement économique plus risqué, place les travailleurs
dans des situations de stress qui génèrent des problèmes de
santé et un mal-être aux conséquences plus ou moins graves.
D – L’Etat

• Objectif central pour l’État et de la plupart des


politiques publiques : la cohésion de la société

• La légitimité de l’État démocratique : volonté


générale/souveraineté
nationale/citoyen/participation aux décisions
politiquesL’égalité entre les citoyens, les libertés et les
droits dont ils disposent tout comme les devoirs
auxquels ils sont tenus, sont ainsi constitutifs de
leur appartenance à la communauté nationale
(transcende toutes les différences sociales et
culturelles)
Cependant, le lien de citoyenneté peut
rencontrer des difficultés :
• La citoyenneté politique ne saurait à elle seule
assurer la cohésion de la société.
Le creusement des inégalités et le chômage
produisent une insécurité économique et sociale
qui risque de provoquer des ruptures cumulatives
des différents liens sociaux.
Désaffiliation et disqualification sociale empêchent
alors les individus d’exercer convenablement les
différents rôles sociaux qui forment la trame de la
vie sociale.
• La confiance et la réciprocité qui assurent les
relations sociales sont menacées par la
défiance à l’égard des institutions et le repli
sur les solidarités primaires.

• Le déficit de capital social affecte ainsi les


relations sociales au point de provoquer une
accentuation des phénomènes de
ségrégation économique, sociale et spatiale.
• La montée de l’individualisme : perçu comme un
facteur d’affaiblissement de la participation
politique
– hausse des taux d’abstention
retrait des
– baisse de l’engagement et du citoyens
militantisme politique ou syndical

• Mais, la dégradation des conditions de vie d’une


partie de la population éclaire aussi cette distance
croissante entre une partie des citoyens et la politique.
• Le pluralisme culturel croissant dans les sociétés
démocratiques
demandes de reconnaissance d’identités
et de particularismes
Tension et conflits avec les valeurs
collectives

• Les différentes formes de discriminations


Tentation de repli des minorités

Le développement des politiques d’intégration témoigne


de l’effort des pouvoirs publics pour assurer la cohésion
de la société.
Autre exemple : la ville
• La ville moderne n’a jamais été homogène
socialement : la différenciation des quartiers a
toujours été le reflet de la hiérarchie sociale.
– D’une part, la relative homogénéité sociale des
quartiers favorisait la solidarité mécanique
– D’autre part, la division sociale du travail au sein de
la ville favorisait la solidarité organique entre les
quartiers.
Exemple :
les "grands ensembles" des banlieues

- Etaient vécus comme un progrès au moment où ils


ont été construits
- L’enrichissement de la population et une relative
mobilité sociale ascendante permettaient de passer
d’un quartier à l’autre.
Mail (en construction – 1964)
Le Grand Ensemble : du « meilleur des
mondes » (Cartes postales colorisées)…
Sarcelles
Poissy
Gennevilliers
Bobigny
…à la « tragédie finale ».
(Photographies de Mathieu Pernot)
La Courneuve – 8 juin 2000
Meaux – 24 avril 2004
Un autre exemple, La Cité de la Muette était, un ensemble de
1 200 logements construits entre 1931 et 1934
Drancy
La crise économique, la montée du
chômage et de la précarité vont
mette à mal cette intégration urbaine

À partir des années 1980, un certains nombre de


phénomènes (violence urbaine, montée des
communautarismes) révèlent les risques que fait
peser la « crise urbaine ».
On doit noter un double mouvement
d’exclusion et de ségrégation qui remet en
cause le rôle intégrateur de la ville :
– L’exclusion se manifeste par la transformation
des grands ensembles en zones de relégation
sociale ; La pauvreté se concentre dans ces
quartiers sensibles, la mixité sociale se
défait.
– La ségrégation se manifeste par le fait qu’il
n’y a plus de contacts entre les différents
quartiers.
En conséquence, les « quartiers sensibles » et leur
population se marginalisent de plus en plus.
• Le chômage met à mal la solidarité familiale.
Les jeunes les moins encadrés par la famille
échouent à l’école et n’arrivent pas à trouver un
emploi car ils sont discriminés et stigmatisés
• L’intériorisation du stigmate les conduit à
rejeter tout ce qui peut représenter l’autorité
nationale et étatique
• Cette absence d’intégration économique,
sociale et politique se traduit par une perte des
repères, une anomie, qui conduit une partie
des jeunes vers la délinquance
(« expérience d'autodestruction », processus «
d'auto-exclusion »)
Cependant le lien social n’a pas disparu ni dans
les villes ni dans les quartiers « sensibles »

Son affaiblissement, peut-être provisoire, ne fait que


traduire la croissance des inégalités et la panne de la
mobilité sociale.
– La banlieue n’est pas un « ghetto »
– La catégorie « jeunes de banlieues »
= nouvelle « classe dangereuse » ?
– La solidarité nationale s’exerce à travers la politique de
la ville même si elle est encore largement insuffisante
Question urbaine ou question sociale ?
Chapitre 2 - La conflictualité sociale :
pathologie, facteur de cohésion ou
moteur du changement social ?
Problématiques

• La place des conflits dans l'intégration sociale :


s'opposent-ils ou participent-ils à celle-ci ?

• Quelle place occupent les conflits dans les


transformations et changements sociaux
(dynamique sociale) ?
Quelques définitions
Conflit : situations d'affrontements ouverts et explicites.
Conflit social : d’une manière large, on peut définir les conflits
comme l’expression d’antagonismes entre des individus ou des
groupes pour la recherche, la possession ou la gestion de biens
matériels et symboliques (richesse, pouvoir, prestige) ; l’objectif
de tout conflit étant de modifier les rapports de force.
Les conflits sociaux s'expriment notamment lors de
mouvements sociaux.
Un mouvement social est un type particulier d'action collective
qui s’inscrit dans la durée et cherche à imposer des changements
dans la société par des opérations de contestation.
Exemple : mouvement ouvrier, féministe, écologiste...
L’action collective peut se définir comme un phénomène social
de protestation ou de revendication conduit par un ensemble
d’acteurs sociaux qui se rassemblent afin d’atteindre des
objectifs communs.
I - Une première problématique : les
conflits et l'intégration
• Les conflits sont-ils une pathologie sociale ?
Cette idée est assez proche d'un certain sens
commun qui voit dans la multiplication des conflits
un « problème » ou un « dysfonctionnement »

• Or permanence et institutionnalisation des


conflits
Si les conflits sont un problème voire une menace
pour la société, pourquoi se maintiennent-ils ?
A – Le conflit, une pathologie sociale
• Durkheim : la distinction entre le « normal »
et le « pathologique » :
Idée qu’une augmentation du nombre et
de l'intensité des conflits signale un
défaut d'intégration
(Durkheim parle parfois de « guerre des classes »)

Grille de lecture ne fonctionne que rarement


Le pathologique réside dans une rupture de
tendance
• Un certain niveau de conflit est « normal » au
sens où il est statistiquement constant
(de la même façon Durkheim dit que le crime est un fait
social normal)
La question porte alors moins sur
l'existence de conflits en tant que tels que
sur leur degré, leur intensité et leurs
formes
Exemple d’un même conflit dans une usine :
Le degré de solidarité
Négociation sociale (intégration)
Différentes entre les différentes
Grève
formes parties prenantes
Séquestration du dirigeant
n'est pas le même
Une reprise de l’analyse de Durkheim :
Talcott Parsons (L’approche fonctionnaliste)

• Les conflits : une menace pour la société


Idée centrale du fonctionnalisme qui voit la
société comme un corps biologique dont chaque
organe a une fonction
Vision très consensuelle de la société : les conflits
sont exclus par la puissance de ses normes et de
la socialisation (fabrique des hommes incapables
de dissensus)

Le conflit ne peut découler que de défauts des


normes ou de la socialisation
B – Le conflit comme un facteur de
cohésion
• L’analyse de Georg Simmel (1858 – 1918)
Le conflit n'est pas le contraire d'une
relation sociale mais bien un type
particulier de relation
Être en conflit avec un individu ou un
groupe, c'est en connaître et
reconnaître l'existence plutôt que de
l'ignorer
Le conflit comme une relation sociale positive,
c'est-à-dire créatrice de liens et de solidarité

Solidarité contre l'adversaire (Simmel prend l'exemple des


« unions sacrées » pendant les guerres)

Solidarité avec l’adversaire puisque le conflit implique au


moins un accord sur l'importance de l'enjeu.
Importance de désigner un adversaire pour
mobiliser un groupe
Routinisation ou institutionnalisation de certains
conflits (« dialogue social » entre W et K)

En ce sens que l'on peut parler de régulation des conflits


Les conflits obéissent à des règles mais contribuent en
outre à en produire de nouvelles
Pour Simmel le conflit est une « forme de socialisation »
permettant la « résolution des contraires »
On peut ainsi distinguer :
• Les conflits « dans les règles »
Ils se déroulent dans un cadre régulé et routinisé
(les partis politiques s'affrontent ainsi généralement
dans le cadre des règles électorales)
• Les conflits « sur les règles »
Ils tendent à remettre en cause ce cadre
(Certains partis remettent en cause les lois
électorales ou le principe même de tel ou tel scrutin)

En pratique, les conflits portent le plus souvent sur les


deux aspects à la fois
II – Une deuxième problématique :
conflit et changement social
Le changement social "étant toute transformation observable
dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas
provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de
l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire". (Guy Rocher)

Ex : individualisation, urbanisation,
industrialisation, féminisation de la population
active, « libération » des mœurs…
Les mouvements sociaux sont-ils porteurs de
changement social ou au contraire des freins à ce
changement ?
A – Le conflit comme facteur de
changement social

• Cette problématique se place dans une


inspiration marxienne
Marx faisait de la lutte des classes le
principal moteur de transformation
des sociétés
Situation
commune
d’exploitation

Prise de Mobilisation
conscience et collective et Renversement du
organisation passage au capitalisme
progressive niveau politique

Contradictions
du capitalisme

Il s'agit pour nous de prendre une position moins


radicale, étudier la façon dont les conflits « produisent »
la société :
les conflits transforment les valeurs et les normes
Mouvement ouvrier
• De nombreuses transformations :
En particulier la construction d'un statut
salarial protecteur
Mouvement féministe
• Évolution du droit :
– Égalisation des droits hommes et femmes
• politique (droit de vote, parité...)
• au sein de la famille (responsabilité parentale et non
plus autorité paternelle)
– Évolution en terme de santé (lois sur l'avortement,
la contraception...)
• Évolution des mentalités sur les identités
sexuées
(exemple : partage des tâches hommes / femmes au sein
du foyer domestique)
• Et d’autres :
– Mouvements écologistes
– Mouvements consuméristes
– Mouvements « noirs », des droits civils
– Mouvements LGBT…
• Ralf Dahrendorf (1929-2009) : L'enjeu des
conflits réside le plus souvent dans la
conservation ou la modification d'une répartition
de l'autorité qui donne à certains groupes la
possibilité d'imposer leurs vues et leurs intérêts.

• Howard Becker (1928-) : Les « entrepreneurs de


morale », met également en évidence le rôle des
conflits dans la construction des normes : des
législations sur les stupéfiants aux mouvements
de lutte contre le racisme ou l'homophobie, les
exemples sont nombreux d'acteurs qui cherchent
à transformer les normes et, plus généralement,
la société.
B – Les conflits comme résistance au
changement

Si les conflits peuvent entrainer un changement social,


les transformations sociales peuvent aussi générer des
conflits
• Les conflits sociaux offensifs (conquête de nouveaux
droits ou d'avantages sociaux)

• Les conflits sociaux défensifs : ils prennent pour enjeu


la résistance au changement et visent à s'opposer à
des transformations sociales jugées défavorables ou
peu souhaitables.
Les conflits qu'engendrent par exemple les
délocalisations, la transformation des services
publics, les conséquences de la mondialisation se
font au nom de la défense d’ « acquis » contre les
effets jugés menaçants de ces transformations.
Autre exemple
• Les mouvements dits « NIMBY » (pour « Not
In My Backyard », « Pas dans mon jardin ») :
Désignent des mobilisations qui refusent, par
exemple, l'installation d'une activité polluante
près d'un quartier résidentiel, mais ne se
soucient pas qu'elle s'installe ailleurs

Reflète aussi une certaine


individualisation des conflits
III – Mutation des conflits et de leurs
formes

• S'interroger sur l'évolution des conflits non


seulement dans leurs enjeux, mais aussi dans
leurs formes et leurs modalités.
A – Un déclin des conflits du travail ?
Source : Dares
Lecture : en 2014, 1,4% des entreprises ont connu au moins une grève dans l'entreprise ou l'un
de ses établissements et le nombre de journées non travaillées pour fait de grève rapporté aux
effectifs salariés équivaut à 81 jours pour 1000 salariés
Dès la fin du XIXe siècle, les conflits du travail se sont
institutionnalisés
Salariés Emeute Grèves
Naissance
Intérêts Action
des
conflictuels collective
syndicats
Rituels de
Patrons Négociations
l’action

Partenaires
Etat
sociaux

Règles
négociées

Institutionnalisation
des conflits
Evolution du nombre de grèves, grévistes et jours de grève en France
dans le secteur privé (1946-2000)
Précarité plus
forte

Crainte de
perdre son
emploi
Moindre
Chômage de
participation aux
masse
actions collectives
Affaiblissement
du conflit social
Moindre
syndicalisation

Moindre
Valeurs
engagement
individualistes
collectif
Causes et conséquences de la crise du syndicalisme
Difficultés
économiques et Perte de légitimité
chômage des syndicats

Stratégies de gestion
de la main d’œuvre Recul des conflits du
par les entreprises travail

Recul des idéologies


Crise du Remise en cause de
de transformation la citoyenneté
du capitalisme syndicalisme éco et sociale

Transformations
Remise en cause du
socioculturelles
droit du travail
(structure sociale, valeurs…)

Formes
Institutionnalisation alternatives de
des syndicats mobilisation
Un déclin à relativiser : les conflits du travail
changent de forme

Le nombre de grèves longues diminue mais de


nouvelles formes de conflit se développent :
– hausse des grèves courtes mais surtout des débrayages
(cessation de travail pendant moins d'une journée) qui
réduisent le coût du conflit pour les salariés et ne sont pas
comptabilisés dans les journées de grève.

– montée des situations conflictuelles sans arrêt de travail :


manifestations, pétitions, refus des heures
supplémentaires
– de plus, hausse des recours individuels aux prud'hommes
(recours au droit comme alternative au conflit)
B – La diversification des conflits
sociaux
1 – De nouveaux enjeux
• Ronald Inglehart (1934-) : évolution des
valeurs dans les pays occidentaux, passage de
valeurs « matérialistes » à des valeurs « post-
matérialistes »
Les conflits concerneraient moins la
répartition des ressources, les revenus, les
salaires ou le pouvoir que des questions
liées à l'identité, à la reconnaissance ou
aux « droits culturels ».
Une opposition schématique qui ne doit pas
être surestimée :
• Certains mouvements renvoient clairement à des
questions de reconnaissance (« droits civiques », la
liberté sexuelle)
• Les questions « matérialistes » demeurent
importantes (les retraites en France, les mouvements
d'opposition aux politiques d'austérité en Europe, le
mouvement « Occupy Wall Street » sur la question des
inégalités économiques…)
Mais la distinction n'est pas toujours facile : les conflits du
travail mêlent aussi bien les questions « matérialistes » que
des questions de reconnaissance
2 – Les formes des conflits

• Les formes conventionnelles (formes routinisées,


comme la manifestation par exemple ou la grève)
• Les formes non-conventionnelles (formes de
happening médiatiques, usage de la violence…)

Remarque : une forme non-conventionnelle peut


devenir conventionnelle : la grève qui a une longue
histoire de pratique illégale est devenue aujourd’hui un
droit
3 – Les acteurs et leurs degrés
d’organisation
• La réussite d’un mouvement social dépend de sa
capacité à construire une mobilisation collective : un
rassemblement dans l'action d'individus ou de
catégories sociales en vue de défendre des positions
communes ou de promouvoir des fins collectives.
Suppose une capacité à mobiliser des ressources
« humaines » (militants), matérielles, médiatiques
(Internet, réseaux sociaux…)…

• On parle de groupe mobilisé pour désigner un groupe


social fortement organisé et prompt à l'action.

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