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Module optionnel 21

Stratégie de prescription des examens de laboratoire

Stratégie dans la prise en charge d’une


douleur thoracique

Dr. Ludovic GLADY


18/02/2019 Biologiste Médical
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
2 grandes pathologies pour lesquelles la biologie est
nécessaire :

Le syndrome coronarien aigu

L’insuffisance cardiaque
Rappels anatomiques
Le cœur
Rappels anatomiques
I. Le syndrome coronarien aigu (SCA)
Rappels : Le syndrome coronarien aigu (SCA)
Le Syndrome Coronarien Aigu (SCA) regroupe :

• IDM complet (douleur (signes cliniques d’ischémie) + ECG + cTn positif) avec sus-décalage ST = STEMI

• IDM sans onde Q (douleur (signes cliniques d’ischémie) + ECG + cTn positif) sans sus-décalage ST = NSTEMI

• Le syndrome de menace ou angor instable (Douleur (signes cliniques d’ischémie) , mais ECG et cTn négatif)

IDM = Infarctus du myocarde


cTn = troponine cardiaque
Rappels : l’infarctus du myocarde (IDM)
Nécrose myocardique causée par un obstruction +/- prolongée des artères
coronaires entrainant une nécrose myocardique +/- étendue.

Deux mécanismes d’occlusion principaux :


1. Formation d’un thrombus issu d’une plaque athéromateuse préexistante

Thrombose

2. Spasme coronaire (forme pure = Printzmetal  sus décalage ST caractéristique sur l’ECG)

(Autres causes : embolie coronaire, dissection coronaire)

 Souvent association et auto-entretien de ces deux mécanismes (thrombus + spasme)


Rappels : l’infarctus du myocarde (IDM)
Facteurs de risque :
• Tabac  spasmes coronaires liés à l’hypoxie induite par le CO + action toxique des substances de la
fumée de cigarette sur l’endothélium vasculaire (> 4000 substances toxiques)
• Hypercholestérolémie  formation de plaque d’athérome instable
• Âge  diminution de la plasticité vasculaire + augmentation exposition aux autres FR
• Sexe masculin  rôle de protection des œstrogènes chez la femme + habitudes de vie masculines

• Diabète
• HTA  diminution de l’élasticité vasculaire à long terme + favorise la formation et libération de
thrombus
• Hérédité  habitudes de vie (alimentation/cigarette) + facteurs génétiques
• Sédentarité  majoration des autres FR
 Maladie coronaire sous-jacente (connue ou non) : angor +/- stable , +/- traité
Rappels : l’infarctus du myocarde (IDM)
Epidémiologie :
• Douleurs thoraciques = 1er motif d’appel au SAMU et 2ème motif de consultation aux urgences
• 6% des IDM ne sont pas diagnostiqués et renvoyés à domicile avec une mortalité de 2-3x
supérieure à celle des patients hospitalisés

• Prévalence : 120 000 cas/an

• Mortalité : 12 000 morts/an

• Concerne les hommes dans 2/3 des cas (> 55 ans)

• Chez les femmes, 60% des cas se présentent après 75 ans

• Mais dans 5% des cas, le patient est âgé entre 20-40 ans
Diagnostic à la phase aigüe
Symptômes/Signes cliniques :
– IDM typique : douleur rétrosternale, constrictive, non-sensible à la TNT, pan-radiante (dos,
mâchoire, épaules, bras G) et oppressante.
– IDM atypiques : douleurs épigastriques, douleurs abdominales, sensation de malaise vagal ,
mort subite …
– IDM asymptomatique : indolore, découverte fortuite sur ECG (20% des cas)
Diagnostic à la phase aigüe
Attention :
– FAUX POSITIFS :
• Aucun symptôme spécifique de d’IDM  faisceau d’arguments multidisciplinaires nécessaire (clinique +
ECG + bio) pour ne pas conclure faussement à un IDM
• Selon certaines études, seuls 10% des patients se présentant aux urgences avec une douleur thoracique
font réellement un IDM

- FAUX NEGATIFS :
- Formes asymptomatiques/paucisymptomatiques
- Consultation trop précoce : pas encore d’élévation des cTn (délai de 3h minimum)

Conclusion : ne pas rejeter l’hypothèse d’un IDM devant des signes non-typiques surtout si FR CV !
ECG + dosage de la troponine en cinétique !
Diagnostic à la phase aigüe
• Diagnostic : ECG
 ECG : Est suffisant pour poser le diagnostic d’IDM si anomalies typiques (STEMI)
– Au moins 12 dérivations = 12 angles de vision de l’activité électrique du cœur
– Permet :
1. D’affirmer l’ischémie
2. Connaitre +/- la zone du myocarde impactée (touche rarement l’ensemble du myocarde) :
3. Connaitre le mécanisme ischémique  attitude thérapeutique adaptée
4. De poser le diagnostic et de classer l’IDM :
 IDM avec onde Q de nécrose
 IDM sans onde Q de nécrose
 IDM avec décalage ST (STEMI)  pas de biologie nécessaire

Mais n’est pas suffisant pour poser le diagnostic


d’IDM dans la plupart des cas (NSTEMI)
(12% des cas seulement  décalage ST pathognomonique)
Complications de l’IDM
1. Complications précoces:  Peuvent survenir dès les premières minutes de l’IDM
• Arythmie ventriculaire (tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire, bradycardie)
• Rupture cardiaque: paroi libre, ou septum inter ventriculaire
• Défaillance cardiaque ou choc cardiogénique
• Troubles conductifs : BAV +/- complets

 fort taux de mortalité précoce de l’IDM

2. Complications tardives:
• Mort subite par TV/FV
• Insuffisance cardiaque chronique
• Syndrome de Dresler : Péricardite +/- épanchement
• Anévrismes du VG, migration de thrombus
• Persistance de BAV  Pacemaker
Prise en charge de l’IDM
Rapidité !
La plus précoce possible  diminution morbi-mortalité  réactivité du laboratoire +++
(reco internationales TAT* cTn < 1h)  « filières urgentes thrombolyses » dans services
type « USIC »

Grandes lignes de traitement :


– Repos strict
– Oxygène au masque
– Antiagrégants plaquettaires + héparine
– Analgésiques ( morphiniques)
– Dérivés nitrés …

+ Angioplastie ou thrombolyse !

*TAT = Turn Around Time = Délais entre le prélèvement sanguin et le rendu des résultats
Diagnostic de l’IDM
Place et intérêt des marqueurs biochimiques

Troponine I et C
CK / CK-MB

Myoglobine
LDH

ASAT
Diagnostic à la phase aigüe
• Diagnostic : LA BIOLOGIE
Cinétique des marqueurs biochimiques :

Historique des marqueurs biochimiques :


Diagnostic à la phase aigüe
Eliminons les marqueurs obsolètes :
• Myoglobine (Non remboursable : 23€):
– Proche de l’hémoglobine
– Stockage de l’O2 dans le muscle
– Marqueur le plus précoce de myolyse car très petite taille (1-3h après IDM)
– Se normalise rapidement  risque FN
– Marqueur sensible : augmentation proportionnelle à la taille de la nécrose
(forte concentration intracellulaire) stratification
– Non-cardiospécifique
– Elimination rénale donc interprétation difficile si IR
– Néphrotoxique  intérêt dans les rhabdomyolyses
– Avait surtout un intérêt prédictif négatif : pas d’augmentation = pas d’IDM
– Plus d’intérêt depuis la mise sur le marché des troponines
Diagnostic à la phase aigüe
Eliminons les marqueurs obsolètes :
• C(P)K (B7 : 1,89€) :
– Créatine-kinase ou créatine phosphokinase
– Permet de mobiliser l’ATP issu de la phosphocréatine lors
d’un effort musculaire
– Marqueur de cytolyse précoce, sensible mais aspécifique
(rhabdomyolyses, myosites, polymyosites, myopathies,
cancers, hypothyroïdies, effort physique intense …)
– Plusieurs isoformes existent :
• CK-MB : cœur
• CK-MM : muscle strié (99%)
• CK-BB : SNC (100%) et tractus GI
• CK4 = CK mitochondriale : cœur, cerveau, foie
– Dans sérum sain : CK-MM : 95%, CK-MB : 5%, CK-BB : traces

• CK-MB (B25 : 6,75€):


– Isoenzyme plus cardiospécifique
– Apparition précoce (3-4h après début IDM, pic entre 12-18h)
– Gold-standard avant avènement des troponines
– Proportionnel à la zone infarcie
– Plus grand intérêt car moins spécifique que troponines
– Pas de variation dans les angors instables
Diagnostic à la phase aigüe
Eliminons les marqueurs obsolètes :
• LDH (B7, 1,89€) :
– Tétramère de 5 isoenzymes
– Enzyme catalysant la transformation du lactate et
en pyruvate
– Marqueur de cytolyse non-spécifique
– Augmentation modeste et tardive
– Utile en onco-hématologie
Diagnostic à la phase aigüe
Eliminons les marqueurs obsolètes :
• Autres examens obsolètes :
• Myosine chaînes lourdes et légères
– Non-cardiospécifique
– Dosage en RIA
– Cinétique trop lente

• H-FABP
– Apparition précoce (30min) mais fugace (12-24h)
– Peu cardiospécifique
– Dosage peu répandu

• ALT/AST
– Peu spécifique
– Cinétique trop lente

• Protéine S100A1
– Cardiospécifique, augmentation précoce
– Dosage non-automatisé et peu répandu
Diagnostic à la phase aigüe

Le seul marqueur d’intérêt pour l’exploration des SCA:


le dosage de la troponine
(recos ESC/ACC : TAT (délais entre le prélèvement et le rendu de résultats) < 60 minutes)
Le dosage de la troponine (B65 : 17,55€)
• Protéine hétérotrimérique du muscle strié (dont le myocarde) :
• Troponine C (TnC)
• Troponine T (TnT)
• Troponine I (TnI)

• Se trouve sur les filaments fins des myofibrilles

• Régule la contraction des muscles striés en régulant l’interaction


dépendant du calcium entre la myosine et l’actine

• 2 pools intracellulaires :
• Libre cytosolique (8%)
• Lié aux myofibrilles

• Il existe des isoformes cardiaques  cardiospécifique

• Seules les isoformes cardiaques des troponines I (cTnI) et T (cTnT) sont utilisables en cardiologie (aucun Mab
spécifique de l’isoforme cardiaque de TnC)
Le dosage de la troponine
• TnTc et TnIc :
• Spécifiques du myocarde
• Très sensibles
• Augmentation précoce (2-4h après début IDM)
• Pic atteint entre 10-24h
• Retour à la normale pas trop rapide (t1/2 longue) : permet le
diagnostic tardif d’un IDM

• Dosage immunologique (type ELISA) : la qualité du dosage dépend de


la qualité/affinité/spécificité de l’Ac primaire utilisé :

• Dosage de TnTc ou TnIc laissé au choix du laboratoire ou plutôt du


fabriquant de l’analyseur présent au laboratoire
• TnIc (SIEMENS, ABBOTT, BIOMERIEUX …)
• TnTc  ROCHE est le seul à proposer ce dosage …

Méthodes de dosage non-superposables


 Si une cinétique est débutée sur 1 automate de laboratoire, elle doit être effectuée en totalité sur cet
automate
Le dosage de la troponine

 Pour un même échantillon, suivant

les automates de biochimie utilisés, les

concentrations varient

de 162 ng/l à 1315 ng/l  x8 !


Le dosage de la troponine
Dosage de troponine positif si > 99ème percentile d’une population saine

Exemple pratique du calcul du 99ème percentile d’un dosage de troponine :


Le dosage de la troponine
3 générations de troponines disponibles sur le marché :
1. Troponine classique ou conventionnelle (c-Tn)
• Dosages de 1ère génération (anciens automates) ou en biologie délocalisée
• Peu sensibles  Détection tardive

2. Troponine contemporaine sensible (s-Tn) (improprement appelés « ultra-sensibles »)


• Dosages de 2nd génération
• Dosage de troponine le plus répandu dans les laboratoires
• Plus sensible : détection de concentrations plus faibles de troponines que 1ère génération  détection
plus précoce
• Critère : CV 10% au 99ème percentile (au seuil de positivité)

3. Troponine hautement sensible (hs-Tn) (improprement appelés « hypersensibles »)


• Dosages en cours de développement
• Pas encore disponible sur tous les automates
• Plus sensible que les s-cTn  abaissement du seuil de detection
• Critère : CV < 10% au 99ème percentile + détection de troponine chez 50% d’une population saine.
Le dosage de la troponine
• Pour les valeurs douteuses de troponine, une étude en cinétique est nécessaire.

 Observation de la nécrose myocardique en cours par une augmentation de la


troponine sur 2 prélèvements distincts (0 et 3h par exemple).

 Exemple (valeurs seuils variables selon les kits réactifs) :

 Avec les troponines hautement sensibles : cinétique H0-H1 envisageable.


Diagnostic à la phase aigüe
Exemple avec les cs-Tn :
ECG
typique avec
sus-décalage Thrombolyse ou angioplastie selon le
du segment IDM
délais d’apparition des douleurs
ST
=
STEMI
Pas de biologie nécessaire

Patient
H0 H3
avec ECG
douleur (dans les
thoracique 10 min) < 99ème Pas
aigüe percentile IDM

< 99ème > 50% aug IDM


percentile de H0 NSTEMI
> 99ème
ECG percentile < 50% aug Pas
non typique, Dosage de H0 IDM
non- de la
informatif
troponine
=
NSTEMI
< 20% H0 Pas
IDM
> 99ème
percentile
IDM
> 20% H0 NSTEMI
Le dosage de la troponine : synthèse
Suivi de la reperfusion coronarienne
• Concept :
– Le débouchage (stent ou thrombolyse) entraine une libération massive des enzymes et
protéines issues de la cardiomyolyse et retenu en amont du caillot
– Une augmentation massive de ces marqueurs est un signe de la bonne reperfusion du
myocarde
– Marqueurs d’intérêt :
• CKMB
• Myoglobine (augmente massivement dans les 2H post-thrombolyse)
• Troponine (augmente entre 60-120 minutes après le reperfusion)
– Est également suivi par une normalisation progressive de l’ECG
II. L’insuffisance cardiaque
Physiopathologie
Incapacité du cœur à assurer un débit sanguin suffisant pour couvrir les besoins
métaboliques et énergétiques des tissus

• Epidémiologie :
• Concerne 600 000 personnes en France
• Incidence en progression avec le vieillissement de la population : 1-5 cas/1000hab/an
• Pronostic sombre : 50% de décès à 5 ans
• Pathologie très chère : 1,5-2,7 milliard d’euros/an pour la SS (↑ car vieillissement de la population)

• Etiologies :
1. Mauvaise contractilité
• Cardiopathies ischémiques (angor, IDM)
• Cardiomyopathies (myocardites congénitales, virales ou toxiques)

2. Obstacle à l’éjection
• HTA, rétrécissement aortique, HTPP, BPCO, asthme

3. Obstacle au remplissage
• Rétrécissement mitral ou tricuspidien, péricardite constrictive

4. Surcharge volumique
• Insuffisance mitrale, aortique, tricuspidienne, communication intercavitaire (shunt)

5. Valvulopathies
Physiopathologie

Le cercle vicieux de l’insuffisance cardiaque


Physiopathologie
Signes cliniques :
• Dyspnée
• D’effort
• De décubitus
• Paroxystique (AOP)

• Asthénie
• Hypotension
• Œdèmes des membres inférieurs
• Tachycardie
Physiopathologie
Critères diagnostiques de Framingham :
 2 critères majeurs
 1 critère majeur + 2 critères mineurs
BIOMARQUEURS VALIDES ET POTENTIELS DANS l’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Rôle et place de la biologie dans la prise en charge et le suivi de l’insuffisance cardiaque

2 marqueurs disponibles : BNP et NT-proBNP


Diagnostic
 Orienter le diagnostic (cardiaque ou pulmonaire) d’une dyspnée aigüe d’étiologie difficile

Classification
 Classification objective du degré d’IC

Pronostic
 Stratifier la sévérité et l’évolution probable d’une insuffisance cardiaque connue

Suivi thérapeutique
 Diminution du taux corrélé à une réponse positive au traitement
BNP ou NT-proBNP ?

Enzymatique

76 aa
32 aa
BNP ou NT-proBNP ?
• Synthèse :
• Peptides natriurétiques (ANP, BNP, CNP)
• BNP : Synthétisé et stocké sous forme de préproBNP, sécrétés par le myocarde (ventricules G) en
réponse à un étirement mécanique (surchage hémodynamique …) en réponse à des stimulis neuro-
hormonaux (ATII)
• NTproBNP = fragment N-Terminal du proBNP

• Rôle physiologique :
• Seul le BNP est actif physiologiquement
• Liaison aux récepteurs NPR-A et NPR-B (RCPG couplés au GMP cyclique)

Stimulation diurèse
et natriurèse
BNP ou NT-proBNP ? (coût identique : B78 = 21,06€)
BNP NT-proBNP
Demi-vie 20 minutes 120 minutes
Stabilité analytique 4h 3 jours
Clairance Endopeptidase + Récepteurs de clairance Rénale
Augmentation avec + ++++
l’âge
Seuil diagnostic 100 pg/ml <75 ans : 125 pg/ml > 75 ans : 450 pg/ml
Spécificité

Standardisation Aucune Bonne standardisation (mêmes valeurs de


 valeur d’un automate à un autre ne sont pas référence)
comparables

• Analytiquement : NT-proBNP plus facile à doser car stabilité pré-analytique plus longue
• Cliniquement : Handicap du NT-proBNP : influencé par le DFG et par l’âge
 Avantage pour le BNP même si conditions pré-analytiques délicates
BNP ou NT-proBNP ?
Apport de la biologie dans l’insuffisance cardiaque
Conclusion
• BNP et NT-proBNP sont les deux seuls marqueurs biologiques utilisés

• Caractéristiques très proches

– Avantage pour le NT-proBNP en terme de stabilité

– Avantage pour le BNP en terme d’interprétation clinique

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