Chapitre II
le modèle keynésien simplifié
S2: Sciences économiques et Gestion
1. La critique keynésienne
1.1. La conception générale de l’économie
a. Le projet de Keynes: l’étude des variations de la production
et de l’emploi
La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie
décrit les économies dans lesquels nous vivons sous une
forme éloignée de la vision classique.
Pour lui le fonctionnement harmonieux des économies
capitalistes n’est pas spontané et qu’il débouche sur des
situations de sous-emploi massif des facteurs en
particulier sur un chômage involontaire de la main-d’œuvre.
C = cY + Co
(avec Co> 0 et 0<c<1)
C appelée propension marginale à consommer 0<c<1)
C0, appelée consommation autonome, est indépendante de Y, car
il est raisonnable d’admettre que même si le revenu national est nul, il
reste une certaine part de consommation incompressible et
indispensable. Il s’agit en quelque sorte du minimum vital.
Condition d’équilibre : Y = C(Y) + I
3.2. La fonction d’épargne
Au niveau microéconomique, l’épargne constitue la partie du revenu
disponible qui n’est pas dépensée immédiatement, mais conservée et
transférée dans le temps. Il en est de même au niveau macroéconomique,
où l’épargne constitue la part du revenu national non affectée à la
consommation. Keynes définit l’épargne (S) comme une renonciation à
l’acte de consommer et non comme un transfert de consommation vers le
futur.
3.3. Les propensions moyennes et marginales
3.4. La fonction d’investissement
Dans le modèle keynésien, l’investissement est avant tout
considéré comme une dépense, donc comme une composante
de la demande globale (DG), au même titre que la
consommation. La fonction d’investissement est alors une
équation de comportement qui décrit les plans
d’investissement des entreprises. Nous supposons que
l’investissement est une variable exogène, dite autonome, car
indépendante de Y. L’investissement peut dépendre du taux
d’intérêt ou des anticipations des entreprises, mais pas
directement du revenu national. La fonction d’investissement
s’écrit donc : I = I0
3.5. L’équilibre global en économie fermée
sans intervention de l’Etat
Y=C+I
Y= cY+ C0+ I0
Y= 1/(1-c) * (C0+ I0) = 1/s * (C0+ I0)
Stabilité de l’équilibre de sous-emploi
Le système économique n’atteindra cette situation d’équilibre de
sous-emploi qu’au bout de multiples tâtonnements car tout
repose sur les anticipations des entrepreneurs, et « l’erreur est
humaine ». Ainsi, sous l’hypothèse de rigidité des prix, le
processus de rééquilibrage suite à des prévisions
erronés va s’effectuer à travers des variations de stock.
Supposons que la production s’avère trop importante au regard de
la demande réelle. Cette augmentation de stocks correspond, en
tant que valeur réservée, à un investissement involontaire
pour les entreprises. Ainsi, même dans cette situation de
l’équilibre, l’épargne mesurée correspond à l’investissement
mesuré. A la période suivante, les entreprises vont ajouter leur
production à la baisse afin de réduire le montant excessif de
leurs stocks, et progressivement l’économie se rapprochera
spontanément de la production d’équilibre, où le niveau des
stocks sera constant et conforme aux désirs des entreprises.
Ce jeu entre investissement désiré à priori,
formation de stock et investissement réalisé à
postériori, assure donc un retour automatique
vers l’équilibre. Il existe donc une stabilité de
l’équilibre de sous-emploi: quelle que soit la
situation de départ, l’économie a tendance à s’en
rapprocher. Et cet état de chômage chronique
risque de se perpétuer car les agents
économiques n’ont aucune raison de modifier les
comportements ou les décisions qui y ont conduit.
3. Le multiplicateur
L’objet de la Théorie Générale est de montrer comment
une augmentation de l’investissement (privé ou public)
entraîne un accroissement plus important de la
production et de l’emploi. Le multiplicateur est alors le
coefficient qui compare l’ampleur de la modification
subie (la variation de revenu national) à l’ampleur de la
perturbation initiale (la variation de l’investissement).
Cet effet de multiplication peut être exposé sous la forme
d’ondes successives (et décroissants) de dépenses.
Nous appellerons k le multiplicateur d'investissement. Il nous
indique que, lorsqu'un accroissement de l'investissement global
se produit, le revenu augmente d'un montant égal à k fois
l'accroissement de l'investissement. [...]
Pour expliquer ce phénomène de multiplication, prenons un exemple
d’une économie décrite comme suit :
C = 100 + 0,8 Y
I = 300
⇔ K = 1/1- 0,8 = 5 et Ao = Co + Io = 400 ⇔ Y = 5 * 400 = 2000
Supposons ΔI = 100 ⇒ ΔY = 5 *100 = 500
Cette multiplication résulte du fait que chaque accroissement de la
demande donne lieu à un accroissement de la production, mais aussi à
un accroissement du revenu du même montant, qui donnera naissance
à un accroissement de la production et donc à un nouvel
accroissement de la demande, …
Vagues de (1) (2) Variation (3) Variation (4) Création
dépenses Variation de de la de l’épargne Variation de d’emplois
l’investisse consommation (s=1-c =0,2) la
ment (c=0,8) production
(effectué en = variation
totalité en du revenu
1) national (1)
+ (2)
Secondaires
0 0
4 +0 +51,2 +12,8 +51,2
5 +0 +41 +10,2 +41
6 +0 +32,8 +8,2 +32,8
7 +0 +26,2 +6,6 +26,6
8 +0 +21 +5,2 +21
9 +0 +16,8 +4,1 +16,8
10 +0 +13,4 +3,4 +13,4
Total(10) (=100) (=346) (=86,6) (=446)
…. … … …. ….
Multiplicateur d’investissement
K = 1/(1-c) = 1/s
Multiplicateur correspond à l’inverse de la propension
à épargner
Valeur du multiplicateur sera d’autant plus élevée
que la propension à consommer sera forte
Plus le propension marginale à consommer est
élevée dans la société
Propension marginale à
plus l’effet multiplicateur
Propension marginale à
est
Multiplicateur
important.
consommer épargner
C=0 S=1 K=1
C=1 S=0 K +∞
4. L’égalité Epargne-Investissement ex post
et le paradoxe de la frugalité
Le principe du multiplicateur permet également
de comprendre la raison pour laquelle l’égalité
entre l’investissement et l’épargne est
qualifiée par les keynésiens d’égalité ex post
au sens où un investissement engendre
toujours, nécessairement, un montant
d’épargne strictement équivalent.
L’égalité investissement-épargne est à la fois le
reflet d’une identité comptable ( I=S car
Y=C+I et Y=C+S) et la conséquence du
fonctionnement du circuit économique, ce que
l’on symbolise souvent par: I=S.
La volume d’épargne n’est pas une
contrainte pour la communauté
puisqu’il s’ajuste
automatiquement à ses besoins
d’investissement. Mais, par contre S, I
le désire d’épargne, en contrariant
le processus du multiplicateur,
peut très vite transformer
S1=0,2Y
l’épargne en une entrave pour la ΔS
croissance économique.
L’épargne de précaution, ce désir I0 = E1 S=0,2Y-
d’une frugalité accrue, se traduit 200 200 E0 100
par une amputation dans les ΔY
achats de consommation et 0 Y
constitue donc une réduction de 1000 1500
revenu pour d’autres agents -100 Y1* Y0*
économiques.
Effet d’une hausse des
Ce paradoxe de frugalité montre
désirs d’épargne
qu’une vertu individuelle se mue
au plan collectif en un vice social.
5. Les freins au jeu du multiplicateur
L’économie doit se trouver dans une
situation de sous-emploi généralisé
L’impact du multiplicateur est limité
par une fuite partielle de la dépense
vers les entreprises étrangères.
Si l’investissement additionnel ne se
reproduit pas, le revenu national
revient à sa valeur initiale.
6. L’intervention de l’Etat
6.1. Ecart déflationniste, Ecart inflationniste
L’écart déflationniste est l’écart entre le prix
global de plein emploi ( niveau de revenu de
plein emploi) et la demande global pour ce
niveau de plein emploi. (PG > DG).
Il représente la quantité dont il faudrait majorer
le demande globale pour obtenir le plein emploi.
Puisque cette demande n’est pas effective,
l’équilibre économique se situe à un contraction
de k fois l’écart déflationniste.
Le multiplicateur dans ce cas, amplifie tout
fléchissement de l’investissement.
L’écart inflationniste est l’écart entre dépenses
projetées et l’offre maximale disponible. Tel que
Dépenses projetées > offre maximale disponible via
le plein emploi.
L’excès de demande par rapport à la production
disponible va alors susciter une hausse cumulative
des prix et des salaires. Le PIB nominal (exprimé en
termes monétaires) se gonfle sans que la production
réelle et le pouvoir d’achat du revenu national ne
soit modifié.
Cette spirale inflationniste de s’arrêtera que si l’Etat
applique des mesures de redressement, soit en
faisant pression à la baisse sur les désirs de
consommation et/ou d’investissement, soit en
La plupart du temps, l’Etat doit donc réguler la
incitant à l’épargne.
demande globale, soit par la restreindre (écart
inflationniste) soit, le plus souvent, pour la
renforcer (écart déflationniste).
6.2. La Régulation budgétaire conjoncturelle
Les dépenses publics ont un effet multiplicateur identique à celui des
investissements privés. Leur hausse constitue donc un moyen privilégié
pour combler un écart déflationniste et symétriquement des coupes dans
les dépenses budgétaires réduisent plus que proportionnellement un écart
inflationniste.
Côté prélèvements, il est commode de construire une fonction d’impôts
sous la forme: T = T0 + tY où T0 est le montant des recettes fiscales
indépendantes du revenu et où t est le taux marginal d’imposition
supposé constant et compris entre 0 et 1.
Ces impôts réduisent le revenu disponible des ménages, ce qui les oblige à
comprimer leurs dépenses de consommation. La propension à consommer
des ménages ne dépend plus alors du revenu distribué par les entreprises,
mais du revenu disponible (après paiements des impôts et charges
sociales), Yd=Y-T, et la fonction de consommation s’écrit:
C = C0 + cYd = C0 +c(Y - T)
Y = C0 +c(Y - T) + I0 +G
Y = C0 +c(Y - T0 -tY) + I0 +G
Y (1 -c(1 - t)) = C0 - cT0 +I0 +G
Donc, en présence de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires,
la condition d’équilibre sur le marché des produits (en économie fermée)
s’écrit:
Y = (C0 - cT0 +I0 + G) * 1/(1-c(1-t))
Une majoration des impôts déplace vers le
bas la droite de consommation et donc
également celle de la demande globale. En
cas d’écart inflationniste, ils peuvent
contribuer à combler l’écart et à freiner ainsi
la hausse des prix excessive.
Inversement des allégements et
dégrèvements fiscaux peuvent contribuer à
relancer l’économie. Mais leur efficacité est
moins forte qu’une augmentation des
dépenses publiques et ce programme peut
causer un déficit plus considérable que ne le
ferait un programme dépensier.
Une hausse des dépenses publiques, surtout
si elle est de caractère massif, ne doit être
compensée par une baisse de
l’investissement privé ou de la
consommation. Trois facteurs peuvent
contrarier l’effet multiplicateur d’une
progression des dépenses de l’Etat:
Un impact négatif sur l’état de confiance
de la population.
Une augmentation du prix des biens
d’investissements
Une hausse du taux d’intérêt
Les multiplicateurs publics
Le multiplicateur de dépenses publiques
Le multiplicateur de dépenses publiques
exprime l’accroissement du revenu qui
résulte d’un accroissement dG des
dépenses publiques. On suppose que le
montant des impôts n’est pas modifié ce
qui crée un déficit budgétaire
dY/dG = 1/(1-c(1-t))
Un accroissement des dépenses publiques
entraîne un accroissement plus que
proportionnel du niveau de revenu.
Le multiplicateur fiscal d’impôts autonomes
Le multiplicateur fiscal exprime l’augmentation
du revenu découlant d’une diminution des
impôts. Ici, le niveau des dépenses n’est pas
modifié, il y a donc accroissement ou création
d’un déficit budgétaire.
dY/dT = -c/(1-c(1-t)) dY = (-c.dT)/(1-c(1-t))
La variation du revenu est de sens opposé à celle
des impôts. Le multiplicateur fiscal est inférieur
à celui des dépenses publiques. Si l’état a un
objectif de relance, il vaut mieux qu’il augment
ses dépenses plutôt que baisser les impôts.
Le multiplicateur de budget équilibré
On suppose maintenant, que l’état augmente d’un même
montant ses ressources et ses dépenses. On a donc une
modification de G et de T et dG = dT. Donc l’offre globale
va être analysée comme la somme des deux effets.
Y = (1/(1-c(1-t))dG + (-c/(1-c(1-t))dT
Y = (1-c)/(1-c(1-t))dG
Commenter
4/ Quels seraient les effets d’une modification a) du taux d’imposition; b) du taux de
transferts sociaux
Scénarios de politiques économiques
La modélisation d’une économie repose sur les équations suivantes:
(1) La consommation: C=cYd+C 0 (Yd est le revenu disponible)
(2) L’investissement: I = I0
(3) Les dépenses publiques: G = G 0
(4) Les impôts: T = tY+T0
(5) Les importations: M =m Y +M 0
(6) Les exportations: X=X0
L’estimation des paramètres donne les valeurs suivantes:
C=0,9; C0=30; I0=150; G0=200; t=20%; T0=20; m=22%; M0=12; X0=150.
Pour que toute la population active soit occupée, il faut que la production soit d’un
montant de Ype =1100.
1/ Expliquer la signification de m, M 0 et X0. Déterminer l’expression algébrique du
revenu d’équilibre et du multiplicateur de dépenses autonomes. Commenter les
valeurs à l’équilibre de différentes variables endogènes du modèle ainsi que le solde
budgétaire et le solde extérieur.
2/ L’Etat désire équilibrer la balance commerciale. Quelles sont les conséquences?
3/ L’Etat désire réduire de moitié le taux de chômage, mais le pays étant membre d’une
union monétaire, le déficit budgétaire ne doit être supérieur à 3% du PIB. De
combien doivent augmenter les dépenses publiques?
4/ Les élections approchant, l’Etat décide de limiter le taux de prélèvement obligatoire
à 20% sans pour autant affecter le niveau du revenu national. Quelles solutions
s’offrent à lui?
Soit une économie fermée sans secteur public. La
fonction de consommation est: C=100+0.8Y, où Y est
le revenu national. On suppose que l’investissement
est exogène est égale à 50.
1/ Dans la fonction de consommation C = 100+0.8y,
donnez la signification de 100
2/ Montrez que cette fonction de consommation vérifie
la loi psychologique fondamentale de Keynes
3/ Représentez graphiquement la fonction de
consommation
4/ Déterminez la fonction d’épargne
5/ Représentez graphiquement la fonction d’épargne
6/ Déterminez le niveau du revenu d’équilibre
7/ Si les entreprises décident d’augmenter leur
investissement à 100, quel sera l’effet sur le revenu
d’équilibre?
Soit une économie fermée avec secteur public dont les
données sont ainsi (chiffre en millions):
Pmc =0.5, C0=10, dépenses publiques autonomes=15,
Recettes fiscales = 8, investissement autonome = 10.
On note que le revenu devant conduire cette économie vers
le plein emploi est de 100 millions.
1/ Déterminez la fonction consommation de cette économie
2/ Déterminez la fonction de demande globale
3/ Calculez le niveau d’équilibre et montrez qu’il s’agit d’un
équilibre de sous-emploi.
4/ Pour parvenir au plein emploi, l’Etat décide d’augmenter
les dépenses publiques. On suppose que ces dépenses
soient financées par un emprunt public. Déterminez le
montant de dépenses à engager pour atteindre l’objectif
du plein emploi.