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Logique stoïcienne

Principe de psychologie antique


Le coeur de la Logique stoïcienne, Pierre Hadot l'appelait : discipline
de l'assentiment (sunkatathésis). Je l'appelle simplement :
Psychologie. Ou : Examen de conscience.

Cela consiste tout simplement, à examiner ce qu'on dit quand on parle :


à ne pas se raconter d'histoire, et à ne pas en faire une histoire.

"Ce concombre est amer? Jette-le", dit Marc Aurèle. Sans dramatiser,
mais sans non plus, sous prétexte que tu veux devenir sage, faire
croire, à toi-même ou à d'autres, que tu trouves cette amertume
savoureuse.

Ni se raconter d'histoire, ni en faire une histoire.


Pourquoi parler de “psychologie”?
Damascius (6e siècle) écrivait : "C'est l'âme qui se change elle-même
en connaissance ou en méconnaissance des choses" (SVF, t.II, §846)

Le terme "psychologie" qui sert à désigner une science moderne qui ne


naît pas avant le 19e s peut sembler anachronique, mais je l'ose
cependant, parce que continuer aujourd'hui à parler de "logique" pour
désigner ce que les stoïciens signifiaient sous ce terme, c'est muséifier
le stoïcisme dans un langage technique obsolète, ou en donner l’image
d’une sagesse savante ou scientifique (la Logique désignant en
Philosophie des Sciences, la science des Formes du Raisonnement).
L'objectif du principal exercice de la psychologie stoïcienne est de libérer la représentation (fantasia) des jugements
(hypolepseis) qui la recouvrent, la déforment, l'alourdissent, la dramatisent.

A partir d'une sensation (aesthésis) qui se donne à moi spontanément mêlée de jugement (ex : je sursaute en
entendant la foudre),

je dois analyser/dissoudre ce jugement

et je peux choisir ou refuser de lui donner mon assentiment (sunkatathésis)

puis le reformuler activement en image ou représentation adéquate (fantasia kataleptikè), c'est-à-dire une
représentation qui s'en tient au fait, objective, et que les stoïciens qualifient de "vraie".

Connaissance, vérité, liberté : même chose.

En effet ce sont les jugements qui nous troublent et il faut les euphémiser pour adoucir notre regard sur les choses;
"Ce qui nous trouble, ce ne sont pas les choses, mais nos jugements sur les choses", Epictète, Manuel, §5. Tel est
bien le climat de la sagesse : vivre sans trouble.

Une paix intérieure, une tranquillité en résulte : quand j'épouille les mots des émotions cachées qui les chatouillent,
les choses perdent le pouvoir de me troubler.

Connaissance, vérité, liberté? Rajoute : le bonheur. Tout cela est la même chose.
Principe : Juger sans Juger
Il s'agit, pour le dire autrement, de juger sans juger : "juger" au sens
large puisque nous énonçons quelque chose sur quelque chose, mais
"sans juger" au sens restreint d'un jugement de valeur, d’une
évaluation.

Ces jugements de valeurs qui s'insinuent dans bon nombre de nos


énoncés et les alourdissent résultent de la projection subjective de nos
désirs et de nos aversions, de nos préférences et de nos craintes. Ils
font écran et nous empêchent de voir les choses telles qu'elles sont,
objectivement. Il faut donc épurer nos jugements.
Deux exercices
1. Exercices de pensée : Epictète, Manuel, §5 ou Marc Aurèle,
Pensées, VIII, 49 : "Ne dis pas "On m'a fait du tort", et VIII, 50 :
"Un concombre amer! Jette-le! Des ronces? Contourne-les!" Il s'agit
d'observer le mouvement naissant contenu implicitement dans le
jugement naturel et ne pas le solidifier, ne pas en rajouter. Ne pas
en faire un plat. Ne pas exagérer et passer à autre chose.
2. Exercice de méditation assise : assis, respirant, observer les
sensations agréables, désagréables ou neutres et observer comme
l'esprit les représentent, s'il y ajoute des jugements, et comment l'effet
dilatoire de la conscience permet de suspendre finalement ces
mouvements naissants que les jugements auraient mécaniquement
poussé à accomplir.

Parallèle possible avec Vipassana (Bouddhisme) - on en reparlera plus


loin.
Conseils pratiques de la Paranétique (direction de Conscience) :

1. pratiquer au réveil et au coucher en passant en revue sa journée, et


sa nuit et vérifier les exagérations qui se glissent dans nos jugements.
Puis toutes les heures. Enfin, continuellement, à chaque fois qu'on
prend la parole, au fil même du discours;

2. Se faire aider d'un ami avancé dans cette pratique pour valider
l'objectivité de nos énoncés.

3. Ne pas se faire payer pour ça. Principe de gratuité cher à Socrate et


aux philosophes anciens.

Ce type d'exercice relève de ce qu'appelle volontiers : Examen de


conscience.
Résonances :
Evocation des résonances orientales et occidentales, anciennes et
moderne de cet exercice :

1. En Inde : Krishnamurti disait qu'une "pensée sans jugement est la


plus haute forme d'intelligence".
2. On retrouve chez les bouddhistes, les taoïstes, une défiance
prononcée contre le langage : ils nous exhortent à une "parole
juste", ou à "parler peu", voire à nous taire.
3. La Communication Non-violente de Marshall Rosenberg qui nous
invite à observer "sans juger", est l'une des expressions modernes
les plus adéquates de cette ancienne sagesse.
La Logique aide-t-elle à “vivre selon la Nature”?
En quoi cette méthode consiste-t-elle à vivre "selon la Nature"? Ici, le
mot Nature s'entend au sens de la Nature humaine, c'est-à-dire de la
Raison. Il s'agit de vivre "raisonnablement", et l'exercice de la raison
consiste dans cet examen de conscience qui passe en revue nos
énoncés, pour les purger de ces désirs et aversions qui les solidifient ;
la Raison les passe au crible pour les rendre plus conformes à ce que
nos sens perçoivent, c'est-à-dire plus exacts, plus légers et plus simples
que ce que nos émotions nous en disent. Vivre selon la Nature, c'est
dans ce contexte, vivre selon notre nature raisonnable, selon la
Raison. vivre avec exactitude et simplicité.

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