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SEMIOLOGIE DES DELIRES

I introduction
II définition
III analyse sémiologique
IV diagnostic différentiel
V étiologies
VI conclusion

Pr K. BESSEDIK / Dr K.CHENAOUI
I / INTRODUCTION
 Le délire représente l’un des symptômes
majeur de la sémiologie psychiatrique.
 Dans l’état de délirant, l’individu perçoit,
inconsciemment et de façon distordu, le
monde et ceux qui l’entourent.
 Ce n’est ni une illusion, ni une erreur de
jugement.
I / INTRODUCTION
 La réalité, commune aux autres, lui est
devenue particulière, personnelle et propre
au délirant.
 La communication avec son entourage est
ainsi devenue difficile parfois impossible. Le
sujet infiltre dans sa perception du monde,
et sans s’en rendre compte, les éléments de
son délire.
I/ INTRODUCTION
 Le praticien peut y être confronté à divers
occasions (service d’urgences, cabinet,
expertise, contexte chronique ou trouble aigu
du comportement…).
• Les idées délirantes (le délire) peuvent êtres
verbalisées directement dans le discours du
patient.
• Mais aussi êtres révélées par des troubles des
conduites dans le cas où la conviction délirante
amène le patient à « agir » son délire.
I/ INTRODUCTION
• Il convient avant tout de réaliser un bilan
étiologique approprié, permettant d’intégrer
les idées délirantes dans le cadre d’une
pathologie psychiatrique ou médicale

• Une fois ce premier bilan réalisé et une


affection médicale écartée, il faudra
préciser les signes pouvant orienter le
diagnostic psychiatrique.
II/ DEFINITION
 Le délire est un trouble du contenu de la pensée.

ETHYMOLOGIE
(mot latin delirare = dérailler =sortir du
sillon=déraisonner=divaguer…..)

 Le délire est une conviction inébranlable et


irréductible d’une conception fausse de la réalité
qui se traduit par une altération du lien de
réalité de l’individu avec le monde extérieur,
mais aussi avec la réalité de son propre corps et
de son monde psychique .
II/ DEFINITION
 C’est donc une idée fausse (idée délirante) ,
sans fondement à laquelle le sujet attache
une foi absolue, non soumise à la preuve et à
la démonstration, non rectifiable par le
raisonnement.
 C’est aussi une idée ou un ensemble d'idées,
de discours et de représentations, en
complet décalage avec ceux des sujets
d'une même culture ou d'un même groupe.
II/ DEFINITION
 Le délire doit être distingué des croyances et
des idéologies plus au moins fanatiques ,
pour certaines partagées à certains moments
d’une évolution sociale en fonction d’aspects
culturels ou religieux .
 De même des interprétations créatrices
artistiques contemporaines .
III/ ANALYSE SEMIOLOGIQUE
 Tout délire nécessite une analyse
sémiologique précise
 Différents éléments rendent l’analyse
sémiologique difficile :
 Le manque d’informations objectives
 L’existence éventuelle d’un certain degré de
critique de l’idée délirante
 Les difficultés de communication de certains
patients (méfiance, confusion …)
III/ ANALYSE SEMIOLOGIQUE
 Les idées délirantes peuvent être centrées
sur le même thème ou avoir des thèmes
multiples. Elles sont sous-tendues par un ou
plusieurs mécanismes et peuvent s’organiser
selon une logique propre ou être sans lien
direct entre elles.
 Sept étapes sont nécessaires pour préciser
les caractéristiques du syndrome délirant :
III/ ANALYSE SEMIOLOGIQUE
 Début du délire,
 Thèmes délirants,
 Mécanismes,
 Degré de systématisation,
 Mode d’extension,
 Degré de conviction,
 Participation émotionnelle.
 1/ DÉBUT DU DÉLIRE

a/ Modes d’entrée dans le processus délirant:


 Aigu : « coup de tonnerre dans un ciel serein » Magnan.
« folie d’un moment s’opposant à la folie de
l’existence » Henri Ey ,
délire d’emblée exprimé, parfois précédé par des
prodromes (bizarreries comportementales, anxiété,
troubles du sommeil, tristesse, euphorie…).
 Progressif : installation sur plusieurs jours voir
semaines, Rechercher les modifications observées
(propos et comportements bizarres, changement des
habitudes, anxiété, perplexité, méfiance, irritabilité,
repli sur soi, accentuation de traits de la personnalité).
1/ DÉBUT DU DÉLIRE
b/ Ancienneté
 Date des premiers symptômes délirants,
 Épisode inaugural ou récidive,
 Processus chronique (> 6 mois) avec phases
d’exacerbation des symptômes.
1/ DÉBUT DU DÉLIRE
c/Facteurs déclenchant
 Evénements importants de vie: échec ou
succès, rupture sentimentale, décès d’un
proche, stress émotionnel, traumatisme
psychique…
 Contexte de puerpéralité 
 Prise ou sevrage médicamenteux ou
toxiques : corticoïdes, amphétaminiques,
hormones thyroïdiennes…
 Facteur organique 
2/THÈMES DU DÉLIRE

 Thème = sujet, idée sur lequel porte le


délire ; contenu du délire
 Les thèmes peuvent varier à l’infini
 Parfois existence d’un thème unique ou
prédominant
 Parfois coexistence de plusieurs thèmes avec
ou sans liens entre eux
2/THÈMES DU DÉLIRE
La persécution :
 conviction absolue du patient qu’on cherche à
lui nuire (objet d’agressions, victime de
préjudices, sujet d’allusions malveillants, cible
d’une surveillance ou d’une conspiration).
 Sensation floue, flottante = vécu persécutif
 Idée précise, ciblée avec un persécuteur
désigné, évaluer la dangerosité potentielle .
 Toujours chercher le point de départ
 Extension possible avec notion de complot.
 Thème principal de la paranoïa.
2/THÈMES DU DÉLIRE
La mégalomanie (grandeur) :
 Tendance à la surévaluation de soi: Idées de
richesse, de puissance, de notoriété
 Elles sont en général exprimées sans réticence,
et même souvent avec un comportement
hautain et démonstratif.
 Parfois secondaire à la persécution.
 Fréquente dans les manies délirantes , et
autrefois dans la neurosyphilis.
2/THÈMES DU DÉLIRE
Idées mystiques et ésotériques :
 Thèmes en rapport avec la religion, l’existence
de forces occultes, de phénomènes surnaturels
 Exemple: mission divine, possession
démoniaque, thème messianique…
2/THÈMES DU DÉLIRE
Erotiques et sexuelles :
 Pulsions,désinhibition
 Notion de viol à distance

Hypochondrie :
Le malade a la conviction erronée d’une perte
d’intégrité ou d’un mauvais état de santé de son corps.
Négation :
 Le malade exprime des idées de négation de sa
personne physique et morale, auxquelles peuvent
s’associer des idées de négation du monde extérieur
 Négation d’organe : conviction d’absence ou de mort
d’un ou plusieurs organes de son propre corps =
syndrome de Cotard
2/THÈMES DU DÉLIRE
Idées de transformation :
 Les objets du monde extérieur ou les corps
subissent une transformation qui les met en accord
avec le vécu délirant
 Notion de délire métabolique
 Ex: idée délirante de transformation complète en
un animal : Loup = lycanthropie.

Idées fantastiques :
• Conviction s’apparentant aux thèmes de la sciences-
fiction.
• assez typique du délire paraphrénique
2/THÈMES DU DÉLIRE
Idées de culpabilité, d’indignité, de ruine:
 elles sont sous-tendues par l’humeur dépressive et la
perte de l’estime de soi dans les mélancolies délirantes.
Elles sont le plus souvent associées à des idées suicidaires.
• fréquentes dans les mélancolies délirantes.

Idées d’influence :
 Le malade a le sentiment d’être commandé par une force
extérieure.
 On lui impose des idées ou des sentiments, on l’oblige ou
on l’empêche d’accomplir certains gestes, on parle par sa
bouche, l’emprise de la force étrangère s’exerçant par
toute sorte de vecteurs (machine à influencer)
2/THÈMES DU DÉLIRE
Revendication : demande de réparation suite à un préjudice
subi :
 Quérulent processif : convaincu d’avoir été lésé; plaintes,
multiples procès…
 Inventeur méconnu : revendique la priorité des découvertes.
 Sinistrose délirante : revendication de réparation d’un
préjudice corporel, survenant après un accident de travail,
accident de la voie publique, intervention chirurgicale…
 Idéaliste passionné : transmet ses convictions mystiques,
politiques ou sociales; porteur d’une mission.
 Filiation revendiquée : conviction délirante d’être issue d’une
ascendance illustre.
 Délire de revendication hypochondriaque : le malade accuse
le médecin d’incompétence, de préjudice dans les suites d’une
intervention (délire dit « chirurgical »), vol d’organes…
2/THÈMES DU DÉLIRE
Thèmes passionnels
sont surtout à type de jalousie et
d’érotomanie .
Il peut y avoir des idées délirantes de
jalousie même en cas de réelle infidélité
du conjoint .
le jaloux délirant peut présenter des idées
d’empoisonnement, hypocondriaques , de
persécution et devenir potentiellement
dangereux .
3. MÉCANISMES
 Processus par lequel l’idée délirante se
construit. Mode d’élaboration du délire
 Il existe plusieurs mécanismes délirants
 Unique ou plusieurs en même temps
 4 principaux
 Hallucination
 Interprétation
 Intuition
 Imagination
3. MÉCANISMES
a. Hallucinations
 C’est une perception sans objet à percevoir
 Différent de l’hallucinose qui est une perception
sans objet à percevoir mais où le sujet a
conscience du trouble : critique donc pas
d’adhésion, pas de délire
 2 types :
 Hallucinations psychosensorielles
 Hallucinations psychiques
3. MÉCANISMES
b. Interprétation
 Explication erronée, fausse donnée à une
perception réelle juste
 La signification erronée est inaccessible à la
critique
 Mécanisme prédominant dans les délires
paranoïaques
3. MÉCANISMES
c. Intuition
 Le patient admet une idée délirante comme
vraie, sans vérification ni justification logique : il
sait et c’est tout
 Connaissance directe, subjective qui s’impose au
sujet avec la force de l’évidence
 Brusque prise de conscience ne reposant sur
aucun support objectif, sur aucune déduction:
sorte de révélation.
3. MÉCANISMES
d. Imagination
 Le sujet croit à la réalité des productions de son
imagination
 Le + souvent, le sujet construit autour de lui un
monde avec des évènements et des situations où
il joue le premier rôle.
 Mécanisme prédominant dans la paraphrénie
 Proximité sémiologique avec la mythomanie

4. DEGRÉ DE SYSTÉMATISATION OU ORGANISATION DU DÉLIRE

 Correspond à la cohérence de la
construction délirante, à l’agencement et
à l’enchaînement des idées délirantes

 2 types :
 Délires systématisés ou paranoïaques
 Délires non systématisés ou paranoïdes
4. DEGRÉ DE SYSTÉMATISATION OU
ORGANISATION DU DÉLIRE
 Délires systématisés :
 Délire cohérent avec une logique interne
 Prédominance des interprétations
 Persistance d’un même thème prévalent
 Réaction affective et comportement en rapport
avec le thème délirant
4. DEGRÉ DE SYSTÉMATISATION OU
ORGANISATION DU DÉLIRE
 Délires non systématisés :
 Délire mal organisé, flou
 Plusieurs mécanismes concomitants
 Thèmes multiples
 Réactions affectives et comportements
imprévisibles
 Exemple : BDA, schizophrénie
5. DEGRÉ D’EXTENSION
 On distingue :
• Délire en secteur: Le délire ne s’exerce que
dans un seul domaine où le sujet investit toute
sa charge affective = délire en secteur (exemple
de la jalousie délirante). Le sujet ne délire que
dans un domaine précis et possède une pensée
normale et adaptée dans les autres domaines.
• Délire en réseau :  Extension du délire qui
touche progressivement tous les domaines de la
vie du sujet = délire en réseau ( exemple du
complot)
6. DEGRÉ DE CONVICTION OU
ADHÉSION
 Présente par définition
 Cas le plus fréquent, avec conviction
délirante inébranlable et adhésion totale au
délire
 Parfois, adhésion plus partielle
 L’adhésion est parfois telle qu’elle peut
emporter la conviction de l’entourage
 Cas des délires à deux ou des délires
partagés
7. PARTICIPATION ÉMOTIONNELLE/ RÉACTION AU DÉLIRE

 Dépend de nombreux facteurs :


 La thématique délirante
 L’intensité de l’angoisse associée au délire
 La présence de troubles thymiques
 La présence d’autres symptômes psychotique
(dissociation)
 Parfois, absence de réaction = froideur affective
du schizophrène
 Parfois, charge affective massive = cas du
paranoïaque
 Complications :
 Troubles de l’humeur
 Troubles du comportement et des conduites: fugues,
agitation, agressivité, errance, voyage pathologique…
IV/ DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
 Tout propos incohérent ne signifie pas délire (On peut
observer des propos incohérents, de manière
chronique dans le syndrome démentiel).
 On observe des signes délirants dans la confusion
mentale, ce n'est pas un délire au sens psychiatrique
du terme. Les symptômes délirants sont associés à
d'autres troubles (de la mémoire, de l'orientation) et
la cause ici est une souffrance cérébrale .
 Une conviction fausse n'est pas un délire si la
présentation d'éléments de preuve est acceptable par
la personne qui tient le discours fondé sur une
conviction fausse : le délirant, par opposition, est
imperméable à la persuasion.
IV/ DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
 Un discours faux n'est un délire que si la
personne qui le tient est convaincue, cela
élimine en particulier les discours des
psychopathes, des pervers, des simulateurs
et des mythomanes qui ne croient pas à leur
discours erroné mais s'en servent pour
manipuler ou désorienter autrui.
 La superstition n'est pas nécessairement un
délire si elle se situe dans culturel et surtout
si elle est sensible à la persuasion.
IV/ DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
 L’erreur : corrigible,
 Mythomanie : falsification de la réalité
pratiquée dans l’objectif de séduire et de se
faire valoir,
 Idées obsédantes : idées s’imposant au sujet
qui les reconnait comme siennes, ainsi que le
caractère absurde.
 Idées fixes : il les reconnait comme siennes
acceptables.
V/ ETIOLOGIES A EVOQUER DEVANT UN DELIRE
Délire aigue
**causes organiques:
- intoxication aigues( alcool, psychostimulants, plomb,co..)
-syndrome de sevrage( alcool, opiacés)
-causes neurologiques(HIC, épilepsie ,abcès, hémorragies
méningées)
-causes métaboliques( hypoglycémie, troubles acido-basiques,
dyskaliemie, dysnatrémie)
- causes endocriniennes(hyperthyroidie, hyperparathyroidie)
- causes infectieuses(méningites,encéphalites,endocardites..)
-chez sujet agé(deshydratation,RAU,douleur aigue..)
** troubles psychiatriques:
- épisode psychotique aigue
- épisode thymique aigue délirant (mélancolie délirante, manie
délirante, état mixte délirant)
V/ ETIOLOGIES A EVOQUER DEVANT UN DELIRE
 Délire chronique :
 **troubles organiques:
-démence
-encéphalopathies(infectieuses, inflammatoires,
urémiques..)
-épilepsies (temporale et occipitale)
 **troubles psychiques:
- schizophrénie.
-trouble schizo-affectif
-délires chroniques non schizophréniques ( paranoïa,
psychose hallucinatoire chronique, paraphrénie)
-troubles de l’humeur délirantes chroniques
VI/ CONCLUSION

 Il n’est pas toujours facile de reconnaitre un


délire; C'est pourtant bien utile car d'une part
le délirant a besoin d'aide et peut être
considérablement amélioré par les divers
moyens thérapeutiques disponibles aujourd'hui,
d'autre part les délires sont à l'origine - mais
pas nécessairement - de comportements
causant de graves dommages relationnels,
économiques, sociaux …
 Penser toujours à l'organicité en cas de
coexistence d'éléments confusionnels.

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