L'absurde est un mouvement littéraire du milieu du XXème siècle, de 1938 à 1960 environ.
C’est l’expression de l’impuissance de l’homme à trouver un sens à l’existence et de la
confrontation de l’homme avec un monde qu'il ne comprend pas.
Dans le langage courant, le mot “absurde” désigne ce qui n'a pas de sens (par exemple, une
décision absurde). Ce concept a été défini par Camus dans Le Mythe de Sisyphe (1942), repris
dans L'Etranger (1942), puis au théâtre dans Caligula et Le Malentendu (1944).
L'Absurde commence avec la prise de conscience du caractère machinal de l'existence et
de la certitude de la mort à venir au bout d'une vie où le temps fait succéder inexorablement
chaque jour l'un à l'autre : « Sous l'éclairage mortel de cette destinée, l'inutilité apparaît. » .
Le personnage de Sisyphe, condamné par les dieux à rouler éternellement aux enfers un
énorme rocher au sommet d’une montagne et à le voir redescendre la pente à l’instant même
où il parvient au sommet, est le symbole de la condition humaine, enfermée dans une
éternelle répétition des cycles de transports, travail, repas, sommeil.
Ordinairement, l’homme n’a pas conscience de l’absurdité de son existence,
mais sitôt qu’il s’élève à la conscience de sa condition, comme le Sisyphe de
Camus, il prend toute sa dimension tragique.
L'Absurde naît de l'étrangeté du monde qui existe sans l'homme et qu'il ne
peut véritablement comprendre.
L’absurde est ainsi la conséquence de la confrontation de l’homme
avec un monde qu'il ne comprend pas et qui est incapable de donner un
sens à sa vie : « Ce divorce entre l'homme et sa vie, l'acteur et son décor,
c'est proprement le sentiment de l'absurdité. »
Les personnages de Camus, Meursault dans L’Étranger (1942) ou l’empereur
sanguinaire dans Caligula (1945), sont profondément conscients de
l’absurdité de l’existence.
Les origines de la littérature de l’absurde
1. Les désillusions politiques
Le mouvement littéraire absurde exprime l'absurdité de la condition humaine.
Ce mouvement naît après les deux guerres mondiales du XXème siècle. Une fois
de plus, l’horreur de la guerre se manifeste comme une expérience dépourvue
de sens, absurde. La guerre froide et les menaces nées d’Hiroshima pérennisent
ce malaise. Comment trouver un sens à l'existence après une telle expérience ?
Mais si le rejet de la raison restait optimiste chez les surréalistes, encore animés
de la foi dans une révolution sociale et politique, les écrivains de l’absurde ne
croient plus en cette ultime justification de l’existence. Alors que les
existentialistes, autour de Jean-Paul Sartre (1905-1980), s’engagent résolument
dans la voie du marxisme, Albert Camus (1913-1960) condamne toute idéologie
faisant du meurtre un moyen d’action politique. C’est ce refus qui l’amène à
rompre avec le parti communiste.
2. L’influence de l’existentialisme
Au XIXe siècle, le naturalisme offrait l’image d’un homme parfaitement
déterminé par l’hérédité et le milieu. La liberté se trouvait catégoriquement
niée. Cette perspective est renversée par l’existentialisme. Pour Jean-Paul
Sartre, le déterminisme n’est qu’une construction abstraite de la pensée,
déconnectée de l’expérience vécue qui pose au contraire notre liberté totale à
chaque instant. Nous sommes entièrement responsables de nos actes. Or
comment assumer la liberté et la responsabilité absolue de l’homme dès lors
qu’il échoue à trouver un sens à son existence ? Pour la littérature de l’absurde,
c’est à chaque instant que l’homme fait l’expérience du non- sens de sa vie.
La littérature de l’absurde (1942-1968)
Ce concept, qui produit un effet de non-sens, est souvent utilisé pour décrire un
certain type de littérature. Parmi les romans les plus connus traitant de la
figure absurde de L’Étranger d’Albert Camus.
La littérature de l’absurde, principalement représentée par le théâtre de l’absurde, est
née après la Seconde Guerre mondiale. Il décrit de nombreuses parties d’Eugène
Ionesco, Samuel Beckett ou de Fernando Arrabal.
Le théâtre de l'absurde terme formulé par l'écrivain et critique Martin Esslin en 1962,
est un type de théâtre apparu dans les années 1950 : il marque une nette rupture avec
le théâtre traditionnel. Il traite du vide de l'existence, de la difficulté à communiquer.
En général, il n'y a pas vraiment d'intrigue dans la pièce, pas de logique dans le
dialogue des personnages. Le langage n'est plus un moyen de communication, mais il
exprime le vide de la pensée et la solitude des personnages (car pas de dialogue
logique), donc de l'être humain.
On retrouve dans le théâtre de l'absurde des marques de distanciation
(procédé qui pousse le spectateur à garder un esprit critique, pour cela, les
personnages peuvent par exemple annoncer qu'ils jouent un rôle).
· Rupture totale par rapport aux genres plus classiques, tels que le
drame ou la comédie. (Bouleversement des conventions du genre théâtral).
· Traite de la dimension absurde de l’homme et de la vie en général,
celle-ci menant à la mort.
· Rejet global du théâtre occidental pour son adhésion à la
caractérisation psychologique, à une structure cohérente, une intrigue et la
confiance dans la communication par le dialogue.
Héritiers d'Alfred Jarry et des surréalistes, Samuel Beckett (En attendant
Godot, 1953, Fin de partie, 1957) ou Ionesco introduisent l'absurde au sein
même du langage, exprimant ainsi la difficulté́ à communiquer. Ils
montrent des antihéros aux prises avec leur misère métaphysique …
Les caractéristiques du théâtre de l'absurde
• Refus du réalisme, des personnages et de l’intrigue. (Pas de personnalités marquées ni
d’intrigue dans le sens « narratif » du terme. En fait, il ne se passe rien !)
• Le lieu où se déroule l’action n’est pas souvent cité avec précision (dans « en attendant Godot »,
on sait que l’action se déroule dans une lande, sans plus de précision) ou avec trop de précision
absurdes comme dans la didascalie qui ouvre la cantatrice chauve. Le temps est lui-même
tourné à l’absurde par certains moyens (pendule sonnant un nombre improbable de fois).
• La toile de fond de l’action est souvent la satire de la bourgeoisie, de son langage figé et de son
petit esprit.
• La scène se déroule souvent dans un climat de catastrophe mais le comique s’y mêle pour
dépasser l’absurde. (Rhinocéros D’Ionesco)
• Le langage mis en scène n’est plus un moyen de communication mais exprime le vide,
l’incohérence et représente la vie, laquelle est elle-même absurde.
• Volonté de dresser un tableau de la condition humaine prise dans son absurdité. L’absurdité est
que la vie mène à la mort.
• L’absurde n’y est pas démontré, mais simplement mis en scène ; c’est au spectateur qu’il revient
de comprendre...
Les procédés de la littérature de l’absurde :
L’inadaptation du langage
Si le théâtre reste l’expression privilégiée des écrivains de l’absurde, c’est qu’il permet de
confronter une réalité visible à un discours qui ne correspond pas nécessairement à cette vérité.
Ainsi, dans La Cantatrice chauve de lonesco, après que la pendule a sonné dix-sept coups,
Monsieur Smith s’écrie « Tiens, il est neuf heures ».
La désarticulation du langage
Les dialogues de Ionesco sont incohérents, contradictoires ; les personnages ne se comprennent
pas et en viennent à se jeter des insultes dépourvues de sens. Les mots se désagrègent parfois en
cacophonie burlesque. Le terme ultime de cette désagrégation du langage est le silence, que les
personnages d’En attendant Godot de Beckett cherchent difficilement à rompre sans avoir rien à se
dire et qui envahit toute la pièce d’Acte sans paroles (1958), réduisant la représentation à une
pantomime.
Les incohérences de la logique
Derrière les mots, c’est la logique elle-même qui est visée. Les conversations accumulent les clichés
ou les truismes. Dans Rhinocéros(1958), le logicien développe des syllogismes aboutissant à des
conclusions absurdes. L’absurde n’est pas simplement dans l’inadéquation du réel et de la pensée,
il est déjà dans la pensée même.
Le dépassement de l’absurde
En prenant conscience de l’absurde, l’homme dépasse sa condition et trouve sa
noblesse. « Il faut imaginer Sisyphe heureux » écrit Camus. Le comique
particulier des pièces de lonesco et de Beckett, et qui pour la première fois
peut-être, devient l’expression même du tragique humain, constitue sans doute
la dignité suprême de l’homme : dépasser son impuissance par le rire.
Le rire, une arme pour dépasser l’absurde
Sisyphe dépasse l'absurde parce qu'il a conscience de sa situation. C'est par
cette conscience qu'il dépasse son destin. Et Camus écrit qu'il faut « imaginer
Sisyphe heureux ». Le spectateur qui assiste à une pièce du théâtre absurde
est un peu comme Sisyphe… Il a conscience de sa situation. Et il en rit. Et en en
riant, il dépasse cette condition.