Vous êtes sur la page 1sur 49

Troubles à symptomatologie

somatique et apparentés
Pr. N. Arfi
Dr.Kouachi
Dualisme cartésien ; physique/psychique

La clinique révèle, en effet, la fréquence des intrications entre pathologies somatiques


et troubles mentaux

Elles peuvent se manifester sous la forme de :

Comorbidités, que l'on sait aujourd'hui beaucoup plus fréquentes que ne le voudrait le
hasard

Chevauchements symptomatiques, qui se traduisent par le fait qu'un même symptôme


peut être l'expression d'une maladie physique aussi bien que d'une affection
psychiatrique.

la possibilité que certaines pathologies psychiatriques s'expriment sous une forme


exclusivement somatique et inversement
De nombreuses pathologies somatiques peuvent se manifester, au moins initialement,
sous la forme d'un trouble mental : trouble anxieux, dépressif, psychotique, ou
confusionnel, notamment.

Ces « Troubles mentaux organiques » (CIM-10) ou « Troubles mentaux dus à une


autre affection médicale » (DSM-5) soulèvent la question de leur statut nosographique
: trouble mental d'étiologie organique ou pathologie organique à
expression psychiatrique ?
Cette question étiologique et étiopathogénique suscite aujourd'hui de nombreux
travaux de recherche qui, là encore, mettent en évidence de nombreux liens entre
troubles mentaux et organiques.
Il est établi que des facteurs psycho-environnementaux, tels qu'une accumulation
d'événements stressants, peuvent précipiter la survenue de troubles mentaux et
organiques chez des sujets vulnérables. L'étude de l'impact des facteurs psychologiques
dans le déclenchement et l'évolution des pathologies somatiques est à l'origine du
courant psychosomatique
Dans la médecine moderne, la recherche sur l'étiopathogénie des maladies déborde
son modèle initial déterministe et mono-causal, pour s'élargir à une approche plus
ouverte, fondée sur la notion de facteurs de risque.

Partant de ce point de vue, de très nombreuses études ont, au cours des 30 dernières
années, établi le fait que des pathologies somatiques représentent un facteur de risque
pour la survenue et le pronostic de troubles mentaux, et que la réciproque est
également vraie.
Les leçon du mardi de Charcot à la Pitié-Salpêtrière, :

Débat sur l’organogénèse et la psychogénèse de l’hystérie (dualisme cartésien,


physique et psychique)

L’hystérie est pensée sur le modèle neurologique (x ; épilepsie), origine


neurologique fonctionnelle (lésion neuronale dynamique et potentiellement
réversible

Freud s’émancipe rapidement de la pensée de Charcot, pour fonder une théorie de l’appareil
psychique, appareil considéré comme non directement superposable au cerveau organique
quoique nécessairement lié à ce dernier ;
Les théories freudiennes s’émancipent de la médecine classique : l’explicitation
psychopathologique de la conversion hystérique s’intègre au cœur d’une œuvre vaste dont elle
constitue le paradigme heuristique
L’idée de l’existence d’un inconscient pulsionnel en interaction avec les impératifs sociaux
rappelés par la conscience vigile amène à considérer la conversion comme une symbolisation,
au minimum partielle, qui rend compte d’un conflit psychique mettant en défaut un
refoulement totalement opérant qui serait œuvre de sublimation, une appétence
pulsionnelle inconsciente
Freud considérait la dissociation comme étant le fondement de tous les symptômes
hystériques

Freud identifiait, parmi les symptômes


hystériques, ceux en rapport avec une
dissociation (somnambulisme, fugue,
personnalité multiple), par rapport à ceux dus
à une conversion (paraplégies hystériques,
anesthésies)
Physique / psychique

Fréquence des intrications entre pathologies somatiques et troubles mentaux :

Comorbidités
Chevauchements symptomatiques,
Expression de certaines pathologies psychiatriques sous une forme exclusivement
somatique et inversement

Troubles à symptomatologie somatique et apparentés du DSM-5 :

Troubles somatoformes, Troubles somatisation, troubles douloureux, troubles


somatoformes indifférenciés et hypocondrie avec symptômes somatiques de la CIM-
10 et du DSM-IV-TR

Il est positivement défini par la présence de pensées, émotions ou comportements


Troubles somatoformes
Troubles à symptomatologie somatique
Syndromes somatiques fonctionnels
Symptômes médicalement inexpliqués
DSM-IV DSM -V

Trouble à symptomatologie
Troubles somatoformes somatique et apparentés

Ensemble de symptômes, syndromes ou Présence de pensées, émotions ou


plaintes de type physique ou concernant comportements « excessifs ou
la santé physique et pour lesquels inappropriés », à l'origine d'un
aucune anomalie organique identifiable retentissement fonctionnel ou d'une
de type lésionnel ne peut être souffrance subjective et accompagnant
incriminée des symptômes somatiques rattachés ou
non à une cause somatique identifiée

Définition négative Définition positive

Opposition entre origine psychique Absence d’opposition physique/psychique


ou physique des symptômes
somatiques
DSM-IV DSM 5

Trouble à symptomatologie
Troubles somatoformes
somatique et apparentés

Trouble somatisation, Trouble douloureux,


Trouble somatoforme indifférencié Trouble à symptomatologie somatique

Hypocondrie Crainte excessive d’avoir une maladie

Conversion Trouble de conversion (trouble à


symptomatologie neurologique
fonctionnelle)

Le trouble : Peur d'une dysmorphie


Facteurs psychologiques influençant
corporelle
d’autres affections médicales

Trouble factice
TROUBLE À SYMPTOMATOLOGIE SOMATIQUE ET APPARENTÉS

 Trouble à symptomatologie somatique 300.82 (F45.1)


 Crainte excessive d’avoir une maladie 300.7 (F45.21)
 Trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle)
 Facteurs psychologiques influençant d’autres affections médicales 316 (F54)
 Trouble factice 300.19 (F68.10)
 Trouble factice auto-induit
 Trouble factice imposé à autrui (précédemment trouble factice par procuration)
 Autre trouble à symptomatologie somatique spécifié 300.89 (F45.8)
 Trouble à symptomatologie somatique non spécifié 300.82 (F45.9)
Trouble à symptomatologie somatique 300.82 (F45.1)

A- Détresse ou altération du C- État symptomatique durable


quotidien (> plus de 6 mois)

Symptômes somatiques

B- Pensées, sentiments ou comportements excessifs / préoccupations sur la santé :


1. Pensées concernant la gravite des symptômes
2. Niveau élevé d'anxiété concernant la santé ou les symptômes
3. Temps et énergie dévolus aux symptômes ou aux préoccupations sur la
santé

Spécifier si : Avec douleur prédominante (antérieurement trouble douloureux)


Spécifier si : Chronique : symptômes sévères, un handicap marqué et une durée prolongée (plus de 6 mois)
Spécifier la sévérité actuelle :
•Léger : Seulement 1 symptôme du critère B présent.
•Moyen : 2 symptômes ou plus du critère B présents.
•Grave : 2 symptômes ou plus, associés a des plaintes somatiques multiples (ou 1 symptôme somatique très sévère)
Crainte excessive d’avoir une maladie 300.7 (F45.21)

A- Préoccupation concernant le fait d'avoir ou de développer une maladie grave

B- Symptômes somatiques absents ou d'intensité mineure si présents. En cas de


problème médical ou risque de maladie ; préoccupation disproportionnée

C- Anxiété importante concernant la santé


D- Comportements excessifs concernant la santé
E- Préoccupations > 6 mois
F- Préoccupation n’est pas liée à un autre trouble mental

Spécifier le type :
•À type de demande de soins
•À type évitant les soins
Facteurs psychologiques influençant d’autres affections
médicales 316 (F54)

A- Présence d‘un symptôme ou d'une affection médicale

1-Influence sur l’évolution, développement, exacerbation,


B- Des facteurs ou retard a la guérison
psychologiques ou 2- Interférence avec le traitement
comportementaux 3- Facteurs de risque additionnels pour la santé
influencent négativement 4- Influence le processus physiopathologiques sous-jacents,
l'affection médicale : précipitent ou exacerbent les symptômes ou nécessitent
PEC médicale

C- Facteurs psychologiques et comportementaux non liés à un autre trouble mental

Spécifier la sévérité actuelle :


•Léger : Augmente le risque médical (p. ex. observance irrégulière d'un traitement antihypertenseur).
•Moyen : Aggrave une affection médicale sous-jacente (p. ex. anxiété aggravant un asthme).
•Grave : Entraine une hospitalisation médicale ou une visite aux urgences.
•Extrême : Entraine un risque grave menaçant la vie (p. ex. ignorer les symptômes d'une attaque cardiaque).
Trouble factice 300.19 (F68.10)

Trouble factice auto-induit

A. Falsification de signes ou de symptômes physiques ou psychologiques, ou


induction de blessures ou de maladies, associée à une tromperie identifiée

B. L'individu se présente comme malade, invalide ou blesse.

C. Comportement de tromperie évident, même en l'absence de bénéfices


externes objectivables

D. Le comportement n'est pas lié à un autre trouble mental

Spécifier si :
•Épisode unique
•Épisodes répétés (deux événements ou plus de falsification d'une maladie et/ou d'induction d'une blessure)
Trouble factice 300.19 (F68.10)

Trouble factice imposé à autrui

A. Falsification de signes ou de symptômes physiques ou psychologiques, ou


induction de blessures ou de maladies chez autrui, associée à une tromperie
identifiée

B. Le sujet fait passer une autre personne présente (la victime) pour malade, invalide
ou blessée

C. Comportement de tromperie évident, même en l'absence de bénéfices externes


objectivables

D. Le comportement n'est pas lié à un autre trouble mental

N.B. : Le diagnostic s'applique au coupable et non a la victime.


Spécifier si :
•Épisode unique
•Épisodes répétés (deux événements ou plus de falsification d'une maladie et/ou d'induction d'une blessure)
Autre trouble à symptomatologie somatique spécifié 300.89
(F45.8)

Existence de symptômes caractéristiques d'un trouble à symptomatologie somatique,


entrainant une détresse ou un handicap, qui prédominent sans remplir l'ensemble des
critères de l'un des troubles de cette classe

Ex :

1. Trouble à symptomatologie somatique bref : Durée des symptômes < 6 mois


2. Crainte excessive d’avoir une maladie, brève : Durée des symptômes < 6 mois
3. Crainte excessive d’avoir une maladie, sans comportement excessif relatif à la
santé (critère D non rempli)
4. Grossesse nerveuse (pseudocyèse) : Croyance erronée d'être enceinte associée à
des signes objectifs et a des symptômes associes a la grossesse
Trouble à symptomatologie somatique non spécifié 300.82
(F45.9)

Existence de symptômes caractéristiques des troubles a symptomatologie somatique,


entrainant une détresse ou une altération du fonctionnement, qui prédominent sans
remplir l'ensemble des critères de l'une des catégories diagnostiques de cette classe

La catégorie des troubles à symptomatologie somatique non spécifiés ne doit pas être
utilisée en dehors des situations inhabituelles ou l'information est insuffisante pour
faire un diagnostic plus spécifique
TROUBLES CONVERSIONS

Présentations cliniques variées (mouvements anormaux, paralysies, acouphènes,


mutisme, dysarthries, somatisations, des douleurs multiples...)

Près de 5 % des consultations à l’hôpital général, jusqu’à 30 % en milieu spécialisé


neurologique [10,44].

De 20 % à 50 % des troubles conversifs révisé comme maladies neurologiques, et10 %


des pathologies initialement appréhendées comme neurologique seront finalement
reconsidérés comme psychogènes [28,42].

Association fréquentes des dimensions conversives et des symptômes somatiques à


l’organicité authentique

L’élimination d’une organicité est limitée à la sensibilité des examens paracliniques

L’explication psychopathologique positive est loin d’être systématiquement retrouvée


en l’absence d’argument en faveur d’une étiologie somatique aux symptômes

Limites des connaissances, existence de maladies


Trouble de conversion (DSM IV)

A. Symptômes ou déficits touchant la motricité volontaire ou les fonctions sensitives


ou sensorielles suggérant une affection neurologique ou médicale générale

B. Facteurs psychologiques associés au symptôme ou au déficit (survenue ou


aggravation précédée par des conflits ou d'autres facteurs tel le stress)

C. Symptôme ou déficit n'est pas produit intentionnellement ou feint

D. Non complètement expliqué par une affection médicale générale, ou substance, ou


être assimilé à un comportement ou une expérience culturellement déterminés

E. Symptôme à l'origine d'une souffrance

F. Symptômes ou déficit non limité a une douleur ou a une dysfonction sexuelle, ne


survient pas exclusivement au cours de l‘évolution d'un Trouble somatisation, pas
mieux expliqué par un autre trouble mental
Trouble de conversion (DSM V)
(trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle)

A- Un ou plusieurs symptômes d'altération de la motricité volontaire


ou des fonctions sensorielles

B- Incompatibilité C- Non liés à un D- Détresse, altération du


clinique démontrée autre trouble fonctionnement, ou
avec une affection médical ou mental nécessite une évaluation
médicale reconnue médicale

Spécifier le type de symptôme :


•(F44.4) Avec faiblesse ou paralysie
•(F44.4) Avec mouvements anormaux (p. ex. tremblements, mouvements dystoniques, myoclonie, trouble de la marche)
•(F44.4) Avec des symptômes de déglutition
•(F44.4) Avec des troubles de l’élocution (p. ex. dysphonie, trouble de l'articulation)
•(F44.5) Avec attaques ou crises épileptiformes
•(F44.6) Avec anesthésie ou perte sensorielle
•(F44.6) Avec symptôme sensoriel spécifique (p. ex. perturbations visuelles, olfactives ou auditives)
•(F44.7) Avec symptômes associés
Spécifier si : Épisode aigu : symptômes présents depuis moins de 6 mois/ Persistant : symptômes survenant depuis 6 mois ou plus.
Spécifier si : Avec facteur de stress psychologique (spécifier le facteur de stress)/ Sans facteur de stress psychologique
Symptômes moteurs :

Troubles de la coordination, équilibre, marche (abasie), station debout (astasie),


faiblesse localisée voire parésie d'un membre ou de plusieurs membres, contractures
musculaires, phénomènes dystoniques, tremblements, myoclonies, aphonie, diplopie,
difficultés de déglutition, sensation de boule dans la gorge (globus), rétention d'urine

Symptômes sensitifs et sensoriels :

Diminution ou perte de la sensibilité tactile ou douloureuse, cécité, surdité, voire


pseudo-hallucinations (à la frontière des troubles dissociatifs) à contenu
fantasmatique, puéril ou naïf, (sans autres symptômes psychotiques)

Convulsions ou crises épileptoïdes :

Avec symptômes moteurs et/ou sensitifs, plus fréquents chez les jeunes patients
Éléments clinique en faveur :

Anomalies fonctionnelles ne respectant pas les lois de l'anatomie (classiques


anesthésies en gant ou en chaussette, par exemple, ou perte uniforme de tous les types
de sensibilité, tactile, thermique, douloureuse et proprioceptive)

Discordances cliniques (parésie d'un membre cédant lorsque l'attention du patient est
détournée ou lorsqu'il s'habille, normalité des réflexes ostéotendineux ou du tonus)

Attention à la classique « belle indifférence hystérique », attitude de détachement


paradoxal à l'égard des implications du trouble (à valeur diagnostique très médiocre)
À repérer :

• Présence de symptômes semblables chez un ou des membres de l'entourage du


patient, voire chez le patient lui-même

• Quête d'attention de l'entourage ou surtout l’équipe médicale par l'intermédiaire du


symptôme exposé

• Effet de la suggestion sur le symptôme

• Succession chronologique entre contexte traumatique ou situation de conflit et la


survenue du symptôme

• Symptôme neurologique permettant de facto d'échapper à un conflit interne

• Association entre symptômes de conversion et symptômes dits dissociatifs

• Prédominance des troubles moteurs et sensitifs de conversion au niveau de


l'hémicorps gauche (plus nette pour les troubles sensitifs)
Facteurs de bon pronostic

 Début aigu des troubles

 Présence de facteurs de stress identifiables

 Prise en charge précoce


TROUBLES à SYMPTOMATOLOGIE SOMATIQUE :

DSM-5 est caractérisé par un ou plusieurs symptômes somatiques à l'origine


d'une détresse ou d'un retentissement fonctionnel significatif.

Prévalence difficile à apprécier, serait plus importante chez les femmes

Coexistence fréquente d'une affection médicale générale concomitante ou antérieure


(hernie discale, arthrose, polyarthrite rhumatoïde, etc.)

Nature subjective de la douleur,

Propension à la chronicité qui caractérise de nombreux troubles somatoformes


douloureux,

la plainte douloureuse est un des symptômes somatiques les plus difficilement


mobilisables sur le plan thérapeutique
Intérêt clinique de certains symptômes ou attitudes :

Réticence à envisager une contribution psychologique aux symptômes somatiques ou


à leur retentissement rendent plus compliques la démarche diagnostique et
l’établissement d’une alliance thérapeutique de qualité

Comportements d'évitement de l'incertitude par la multiplication des examens et des


consultations
Ou encore , l'évitement des symptômes somatiques qui se traduisent alors par un
évitement des circonstances présumées responsables de troubles, etc.
Ces symptômes ou attitudes constituent une cible thérapeutique potentielle

Il faut également noter qu'à l'échelle d'une population générale, les individus qui
rapportent le plus de symptômes somatiques sont aussi ceux qui signalent le plus de
troubles émotionnels
ce qui laisse entendre que le processus de somatisation ne doit pas être compris comme
une alternative à une expression psychique de la détresse psychosociale, mais comme
l'une des manifestations possibles de cette dernière.
Spécialité médicale Syndrome somatique fonctionnel
Gastroentérologie Syndrome de l’intestin de irritable
Dyspepsie non ulcéreuse

Gynécologie Syndrome prémenstruel


Algies pelviennes chroniques
Vulvodynies

Rhumatologie Fibromyalgie

Cardiologie Précordialgies à coronaires saines

Pneumologie Syndrome d’hyperventilation ou spasmophilie

Infectiologie Syndrome de fatigue chronique


Neurologie Céphalées de tension
Stomatologie Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM)
ORL Rhinite chronique non allergique
Allergologie Intolérance environnementale idiopathique
Hypocondrie ou crainte excessive d'avoir une maladie

Le terme a été créé par Hippocrate et on en trouve les premières descriptions


précises dans les travaux de Galien : « une forme de mélancolie dans laquelle
symptômes abdominaux et symptômes psychiques coexistent » .
On appelle préoccupation hypocondriaque un souci exagéré concernant l'état de
santé physique.
Le trouble est habituellement sous-tendu par une interprétation erronée de certaines
sensations corporelles, signes physiques ou comportements personnels que le
patient juge anormaux et dont il tire le sentiment d'être atteint d'une maladie plus ou
moins grave, quelles que soient les mesures prises pour le rassurer ou le convaincre
du contraire.
Ces mesures (p. ex. prescription d'un examen complémentaire) peuvent même
s'avérer contre-productives en renforçant l'anxiété par conditionnement opérant
Les interprétations catastrophistes du patient sont souvent influencées par un modèle offert par
un proche ou divulgué par les médias ou les ouvrages médicaux, soit qu'il se laisse abuser
par une perturbation de ses perceptions proprioceptives et intéroceptives, soit qu'il interprète
de manière exagérément pessimiste des anomalies liées à une maladie en cours. Des
antécédents personnels de maladies graves, notamment dans l'enfance, ou la connaissance de
situations médicales ayant donné lieu à des hésitations ou à un retard diagnostique, peuvent
aussi jouer un rôle favorisant. Certains contextes de vie, source d'insécurité ou témoins du
temps qui passe (départ des enfants devenus grands, départ à la retraite, décès du conjoint)
peuvent également jouer un rôle déclencheur.
D'une manière générale, ce sont plutôt les sensations corporelles viscérales qui font l'objet
d'une scrutation vigilante, tout particulièrement le fonctionnement digestif (crainte d'avoir un
cancer),mais il peut tout aussi bien s'agir du fonctionnement cardiaque, de l'état cutané ou de
diverses fonctions « neurologiques » comme le sommeil, la motricité ou la mémoire (crainte de
présenter une maladie de Parkinson ou une maladie d'Alzheimer).
Dans le DSM-5 :

La coexistence de préoccupations hypocondriaques et de symptômes


somatiques pénibles rentre désormais dans le cadre général du trouble à symptomatologie
somatique.

À l'inverse, s'il n'existe pas de symptôme somatique pénible, le diagnostic approprié est
celui de « crainte excessive d'avoir une maladie ou nosophobie ».
La plainte hypocondriaque revêt fréquemment, une allure atemporelle : le passé et le
futur sont absorbés dans un présent immobile pouvant désespérer les initiatives
thérapeutiques les plus dynamiques :

• Inquiétude durable et excessive avec multiplication des consultations et des


explorations médicales

• Comportement revendicateur , sentiment d’etre victime de l’incompétence


médicale et exigence d’une réparation du préjudice subi
Le DSM V distingue deux formes cliniques qui partagent néanmoins un mécanisme général d’évitement de la confrontation avec la peur d’etre malade

 Avec demande de soins  Avec évitement des soins


Forme classique Moins fréquent
La peur est évitée par la Évitement plus radical «ne pas
multiplications des soins s’exposer à la confirmation
de ses craintes »
Modèles explicatifs

Modèles fondés sur la notion de somatisation:

Premier modèle explicatif : somatisation ; expression par des symptômes somatiques


d'une détresse psychologique
somatisation comme mécanisme de défense : détresse psychologique induite par des
conflits ou d'autres facteurs de stress est au moins en partie «déplacée » sur un symptôme
somatique, venant atténuer la détresse psychologique attendue
Dans la théorie freudienne, un tel mécanisme de défense psychique, de nature
inconsciente, est appelé « conversion hystérique », en référence à une métaphore
inspirée de la thermodynamique, selon laquelle l'énergie psychique liée à une
représentation désorganisatrice ou anxiogène pourrait être convertie en énergie
d'innervation ou en énergie somatique, permettant ainsi à la représentation redoutée d'être
« refoulée », chassée de la conscience, ou du moins désinvestie.
Le symptôme somatique constituerait une sorte de mise en scène du fantasme inconscient
lié à la situation conflictuelle et la fonction ou l'organe atteint,
 nombre d'auteurs, d'orientations théoriques diverses, y compris de référence cognitiviste,
sont prêts à adhérer au modèle de la somatisation comme moyen d'échapper à une situation
de conflit psychologique volontiers non conscient

 Une variante plus triviale de ce même modèle veut que le ou les symptômes somatiques
soient la simple expression physique des émotions suscitées par les facteurs de stress
causaux, leur survenue servant ainsi de prétexte pour dériver l'attention sur d'autres
sources de préoccupation que la source originelle.

ce premier modèle explicatif n'exclut pas une éventuelle origine organique : dans ce cas
de figure, un symptôme anodin qui aurait pu être transitoire (la cause initiale étant guérie ou
contrôlée) se pérennise, car venant se mettre « au service » d'une autre cause au déterminisme
psychologique.
Le deuxième modèle explicatif de la somatisation fait jouer un rôle majeur à un phénomène
d'amplification des sensations somatiques suscitées par un contexte de détresse.
Ce mécanisme, fréquemment invoqué dans les modèles cognitifs et comportementaux ,
implique une « attention particulière portée aux sensations corporelles, mais aussi une
anxiété relative à la santé et une tendance à rapporter les symptômes somatiques à des causes
somatiques plutôt que psychologiques » .
Il semble notamment favorisé par les difficultés d'un individu à identifier son propre état
émotionnel et à le différencier des sensations corporelles qui l'accompagnent .
Le troisième modèle explicatif met l'accent sur l'utilisation par un patient de ses symptômes
somatiques éventuellement très banals, dans un contexte de détresse psychique, pour rechercher
une aide légitime auprès du système de soins.
Les symptômes somatiques peuvent ainsi donner une raison (ou un alibi) pour être écouté,
réconforté, pris en charge, dans un contexte éprouvant
Le quatrième modèle rappelle que c'est également l'offre de soins qui peut créer la
demande.
En situation de détresse, les patients peuvent avoir l'impression que leurs symptômes
somatiques seront plus facilement entendus et pris en charge que des symptômes se
rapportant davantage à la sphère psychologique.

L'absence de liens déjà établis avec un professionnel de santé est un facteur déterminant
d'une telle présentation somatique, comme cela a été montré dans une étude multinationale
coordonnée par l'OMS sur le pourcentage de présentations somatiques de la dépression en
centres de soins primaires.
Modèles cognitifs et comportementaux

Schématiquement, les modèles cognitifs et comportementaux des troubles somatoformes


font intervenir plusieurs mécanismes, biologiques, émotionnels, cognitifs, comportementaux
et sociaux, dans l'amplification des sensations corporelles et de leur retentissement .
Les mécanismes cognitifs font intervenir d'une part une attention excessive portée aux
sensations corporelles, souvent renforcée de façon paradoxale par des efforts d'évitement, et
d'autre part l'attribution à ces sensations corporelles d'une signification menaçante
(catastrophisme) en ce qui concerne leur retentissement futur ou ce qu'ils dévoilent
de l'état de santé du patient.
Dans l'hypocondrie sans symptômes somatiques pénibles, dénommée désormais
« crainte excessive d'avoir une maladie », ces interprétations peuvent s'autonomiser sous la
forme de ruminations anxieuses de plus en plus indépendantes des sensations corporelles.
Ces interprétations dysfonctionnelles peuvent être favorisées par une personnalité anxieuse
ainsi que par l'exposition récente ou ancienne à la maladie, que celle-ci concerne le patient,
un proche ou même une personnalité médiatique.
Les mécanismes biologiques:

reposent sur une réactivité excessive de l'axe hypothalamohypophysaire et du système


nerveux autonome au stress.
Cette hyperréactivité pourrait expliquer en partie, et de façon non spécifique, les liens entre
exposition à des traumas infantiles et risque accru de développer un trouble somatoforme à l'âge
adulte .
Elle pourrait être elle même à l'origine de la production de sensations corporelles pouvant donner
lieu à des interprétations inquiétantes et ce d'autant plus que l'individu éprouve des difficultés à
différencier son état émotionnel des sensations corporelles qui l'accompagnent .
Les mécanismes émotionnels et comportementaux

Ils sont dominés par la peur et l'évitement qu'elle suscite. Il faut distinguer l'évitement des
symptômes somatiques, relativement évident à identifier et l'évitement des symptômes
psychologiques, notamment de la peur, parfois plus subtil.
L'évitement des symptômes somatiques renforce négativement ceux-ci par conditionnement
opérant (skinnerien).
Un exemple typique concerne les patients souffrant d'un syndrome de fatigue chronique qui
évitent tout effort de peur d'augmenter encore leur fatigue à court terme et de ce fait renforcent
leur fatigabilité à long terme.
Il faut noter que les modèles les plus comportementaux des troubles somatoformes réservent
également une part importante au conditionnement répondant (pavlovien) .
Selon ces modèles, un stimulus conditionnel (p. ex. distension du tube digestif) acquiert une
dimension pénible ou menaçante par association avec un stimulus inconditionnel (p. ex.
douleurs abdominales lors d'une gastroentérite aiguë infectieuse).
Secondairement, ce stimulus conditionnel entraîne des sensations corporelles pénibles, y
compris en l'absence du stimulus inconditionnel.
Il faut ici ajouter que l'évitement des symptômes somatiques peut contribuer à une absence
d'extinction de ce conditionnement initial.
Ces différents mécanismes biologiques, cognitifs, émotionnels, comportementaux et sociaux ne
sont bien évidemment pas indépendants mais se renforcent mutuellement.

Par exemple, le catastrophisme renforce à la fois non seulement l'attention portée aux sensations
corporelles et l'activation neurovégétative qui en découle mais aussi l'attractivité
des comportements d'évitement.
Apport de l'imagerie cérébrale fonctionnelle
En montrant des anomalies fonctionnelles objectivables, l'imagerie cérébrale a contribué à rendre
caduque la notion de symptômes médicalement inexpliqués, récemment abandonnée par le
DSM-5.
Exploités avec finesse, ces résultats peuvent également faciliter la prise en charge de certains
patients en proposant une physiopathologie décentrée de l'organe périphérique désigné par les
symptômes, ainsi qu'un rationnel pour la thérapeutique proposée (psychotropes, techniques
psychothérapeutiques).
L'identification de cibles thérapeutiques innovantes, par exemple en stimulation magnétique
transcrânienne , fait également partie des apports potentiels de l'imagerie à ce champ clinique.
Néanmoins le recours à l'imagerie cérébrale comme outil diagnostique demeure pour
l'instant une perspective lointaine.
Traitement

Mesures générales
Une faible proportion de patients présentant des troubles somatiques consulte en psychiatrie :
cette démarche est favorisée par l'association à d'autres troubles mentaux, en particulier anxieux
ou dépressifs,
Plusieurs mesures non spécifiques peuvent jouer un rôle favorable sur l'évolution des troubles
somatoformes :

• ne pas contester la légitimité d'une plainte somatique, notamment en cas de douleurs,


même si le caractère fonctionnel est fortement suspecté ;

• mener de front une démarche diagnostique négative (rechercher et éliminer les causes
organiques plausibles) et positive (rechercher des facteurs psychologiques déclencheurs ou
d'entretien), en évitant que la contribution psychogène soit évoquée « en dernier recours », ce
qui la discrédite aux yeux du patient et suggère parallèlement une hiérarchie de valeurs aux
yeux du praticien ;

• savoir utiliser avec parcimonie les examens complémentaires, avis médicaux spécialisés et
hospitalisations, en connaissant leur pouvoir iatrogène ;
• éviter de dire à un patient qu'il n'a « rien » ou que les examens ne montrent « rien », même si
c'est pour le rassurer ;

• préférer des explications positives, même si elles sont schématiques, en termes par
exemple de mécanismes physiologiques à l'origine des symptômes ou de cercles vicieux
jouant un rôle de renforcement (cf. modèles explicatifs), à un aveu d'ignorance de la cause
des symptômes ;

• repérer systématiquement les troubles anxieux ou dépressifs associés, même si le patient


prétend qu'ils sont purement « secondaires » à ses symptômes ;

• savoir être modeste dans ses ambitions thérapeutiques (atténuation des symptômes et de leur
retentissement plutôt que guérison) et optimiser l'alliance thérapeutique en négociant
objectifs et moyens avec le patient ;

• lorsque le patient est vu par un généraliste ou un spécialiste non psychiatre, présenter le


recours au psychiatre comme un moyen d'évaluation et d'approfondissement de la démarche
diagnostique et pas comme un passage définitif de relais.
Thérapeutiques spécifiques

Les antidépresseurs sérotoninergiques peuvent être indiqués pour traiter les troubles de l'humeur
associés aux troubles somatoformes, mais aussi la composante douloureuse des syndromes, voire
la fatigue, indépendamment d'une symptomatologie dépressive. Les inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine sont ainsi le traitement médicamenteux le plus efficace dans le
syndrome du côlon irritable
Les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline sont eux
efficaces dans le traitement de certains troubles somatoformes douloureux, notamment dans la
fibromyalgie
Il faut cependant tenir compte de la propension accrue aux effets indésirables(et donc du risque
de non-observance, voire de rupture du lien thérapeutique) chez les patients souffrant de troubles
somatoformes.
L'exercice physique semble être un moyen thérapeutique efficace dans les tableaux dominés par
la fatigue et/ou la douleur, malgré une motivation souvent médiocre des patients.
La relaxation, associée ou non à l'apprentissage d'exercices respiratoires, a des indications
proches, qui s'étendent à divers symptômes de déterminisme neurovégétatif.
Elle est souvent intégrée aux techniques comportementales et cognitives.

Les thérapies comportementales et cognitives ont été évaluées, souvent dans des essais
contrôlés, dans diverses catégories de troubles somatoformes et elles bénéficient ainsi du
meilleur niveau de preuve. Elles ont l'avantage de pouvoir être plus facilement acceptées par
certains patients, car se concentrent sur les facteurs d'entretien ou d'aggravation des troubles sans
présupposer une origine purement psychogène.
Elles associent restructuration cognitive
Les thérapies systémiques, de couple ou familiales, peuvent également désamorcer les facteurs
de renforcement liés aux interactions familiales.
L'hypnose, « voie royale » historique de traitement de la conversion hystérique, avant
l'avènement de la psychanalyse, continue à être utilisée dans quelques cas de symptômes
pseudo neurologiques.
Les psychothérapies d'inspiration psychanalytique ont donné lieu à quelques essais contrôlés
chez des patients souffrant de douleurs chroniques ou d'un syndrome du côlon irritable .
Elles ont d'autant plus de chance de s'avérer efficaces que les patients sont disposés à faire des
liens entre leur vie affective, leur univers psychique et leurs symptômes somatiques.

Vous aimerez peut-être aussi