Antigone

A. Introduction
• Publiée en 1944= dernière année de
l’occupation mais écrite en 1942 (au moment
du Vel d’Hiv)
• 2 interprétations:
- Apologie du gouvernement de Vichy (gardes ont
des imperméables en cuir // Gestapo)

- Eloge des Résistants (Antigone représente la

figure de la résistance)
 B. Origine
• Antigone de Sophocle
• Pièce jouée en -441
• Le plus grand succès de Sophocle avant celui
d’Œdipe Roi
• Pièce en vers
• Rappel du mythe d’Œdipe
 C. Comparaison Anouilh/Sophocle
1)Style
• Parfois, traductions littérales de Sophocle
• Parfois, familiarité de ton (≥≤noblesse de style chez
Sophocle)
• Pièce écrite en prose
• Vocabulaire courant et parfois vulgaire (gardes et
nourrice)
• Nombreux anachronismes: tartines, cartes postales,
films, voitures, ….
 2) Atmosphère, décor et costumes

• Chez Anouilh, décor neutre et fonctionnel

rien qui rappelle la Grèce antique.
• Même constat pour les costumes.
 3)La dimension sacrée/morale
• Chez Sophocle, contexte religieux: Antigone
obéit aux lois divines qu’elle considère comme
supérieures aux lois humaines= repos éternel
pour l’âme
• Son geste est donc d’essence religieuse.
• Les personnages vivent une tragédie qui les
dépasse et qui confronte les hommes et les
dieux, le ciel et la terre.
• Chez Anouilh: aucune référence religieuse!
Créon qualifie le geste d’Antigone et le cérémonial de
« passeport dérisoire » et de « geste absurde ».
• Antigone ≠ héroïne du devoir et de la piété familiale
 4. Les personnages
• Anouilh a conservé la plupart des personnages de
Sophocle mais il en a modifié profondément les
traits.
• Suppression de Tirésias, vieux prêtre (//voix de
Dieu)
• Création des personnages de la nourrice et de 2
gardes supplémentaires.
 1.La nourrice
• Indispensable à Anouilh pour 2 raisons:
- elle représente l’univers de l’enfance
(//Antigone, petite fille)
- elle va souligner, par contraste, la solitude
d’Antigone. Elle l’aime mais elle ne la
comprend pas.
Le dialogue entre la nourrice et Antigone est un
dialogue de sourds.
 2. Les gardes
• Chez Sophocle: 1 seul garde
• Chez Anouilh: 3 gardes
• Pourquoi?
Créer un contraste saisissant entre leur langage grossier et le
pathétique de la situation.
• Rôle ?
Ils représentent, comme la nourrice, la race de ceux qui ne se posent
pas de questions.
Ils ne sont pas méchants mais sont incapables d’élever leur pensée.
C’est aussi la raison pour laquelle Anouilh a donné à Antigone le garde
comme dernier témoin: il la comprend encore moins que les autres!
 3. Ismène
• Sœur d’Antigone
• Chez Sophocle et Anouilh: peu courageuse, elle se
soumet à la loi.
• Chez Anouilh: belle jeune fille « rose et dorée
comme un fruit », féminine et coquette.
A la fin, la peur de perdre Antigone suscite chez elle
un revirement: elle souhaite accompagner sa sœur
dans la mort :
« Antigone, pardon! Antigone, tu vois, je viens, j’ai du courage. J’irai
maintenant avec toi. »
 4. Hémon
• Fils de Créon et fiancé d’Antigone
• Chez Sophocle: jeune homme noble et courageux
car il ose affronter son père. Il crache au visage de
son père, tire l’épée pour le frapper et se donne lui-
même la mort.
• Chez Anouilh, il se comporte comme un enfant
devant son père.
Refus de devenir un homme
Son dernier cri = appel au secours à l’adresse
d’Antigone
 5.Créon
• Roi
• Chez Sophocle, tyran, furieux quand il voit Antigone faire la
loi à sa place.
• Anouilh a mis en scène un Créon humain.
• Insistance sur le fait que Créon a dû assumer la fonction de
roi à la mort d’Œdipe //ouvrier qui retrousse ses manches.
• Seul: sa femme, Eurydice, passe son temps à tricoter
Le page est trop petit pour l’aider.
• Pas une brute, il a de l’affection pour Antigone. Il l’aime
malgré son sale caractère! Il essaie même de la sauver.
 Comment Créon veut-il sauver Antigone?

• Il lui propose d’étouffer l’affaire

• Il lui révèle l’absurdité du cérémonial funèbre
• Il lui donne une leçon de morale politique
• Il décrit à Antigone son idéal // conflit générationnel
- Créon plus sympathique qu’Antigone?
- A la fin, il se relèvera pour accomplir son travail. Il est
courageux mais sans illusion, sur le monde, sur les autres
et sur lui-même.
- Chez Sophocle, Créon reconnait sa faute. Il a des remords.
- Ici, après la mort d’Antigone et des siens, il retourne
tranquillement à ses activités.
- Il est profondément sceptique, ne croit en rien et fait son
travail parce qu’il le faut bien!
- // absurde
 6. ANTIGONE
Prologue
« Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va
surgir soudain de la maigre jeune fille, noiraude et renfermée
que personne ne prenait au sérieux dans la famille. »
« Alors, voilà, cela commence. La petite Antigone est prise. La
petite Antigone va pouvoir être elle-même pour la première
fois. »
= se déclarer
• Physique
Sophocle: remarquable par sa beauté un peu sévère, sa maturité
et sa dignité

Anouilh: petite, maigre, mal peignée, noiraude, pas coquette.

« Sans être laide, elle n’est pas belle comme nous » (Ismène)
« Elle aurait voulu être un garçon » (nourrice)
Elle ne se sent pas comme une vraie femme. Avec Hémon, elle
tient à s’assurer qu’il l’aime vraiment.
« N’aurait-il pas dû épouser Ismène? Aime-t-il Antigone comme
femme?
• Une amoureuse de la vie
On nous présente Antigone comme animée d’un amour
passionné de la vie, de la vie sous toutes ses formes!
= vie en accord avec la nature et conservation des joies de l’enfance et
de ses illusions

• Une rebelle
- Sale caractère selon la nourrice, Hémon, Créon et
Ismène
- Elle est celle qui dit: NON
• Un idéal d’absolu
Pourquoi Antigone a-t-elle voulu enterre son frère?
- Devoir (rituel religieux)//Sophocle mais Créon lui montre l’absurdité
de ce cérémonial.
- Pour elle-même = acte gratuit
- Créon va alors lui révéler la vérité sur ses 2 frères= défaillance
d’Antigone
- Créon va lui décrire maladroitement sa vision du bonheur
- Réaction d’Antigone: elle dit NON au bonheur, à la vie, à une vie de
compromission et de lâchetés où se dégraderait son idéal d’absolu.
+ hantise de perdre sa pureté et son enfance éternelle
+ peur de l’usure, refus de l’habitude (=loi de l’existence)
• Mais à l’approche de sa mort, changement: « Et Créon avait raison,
c’est terrible maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus
pourquoi je meurs ».

• Elle finit par évoquer « le petit garçon » qu’elle aurait pu avoir avec
Hémon et ajoute: « Je le comprends seulement maintenant
combien c’était simple de vivre ».
Pour quelle raison Antigone meurt-elle?
• Ni revendication de tradition religieuse
• Ni l’affirmation d’une autonomie/liberté
• Ni le refus d’une vie sordide et mensongère
• La mort d’Antigone est dénuée de sens, Antigone
meurt pour RIEN.
= Absurde
L’Antigone moderne illustre l’écroulement de
toutes les certitudes dans un monde privé de
signification.
 D. Sens de la pièce
• Cette pièce définit 2 comportements de
l’homme devant l’existence:
- Morale du oui (= Créon)
- Morale du non (= Antigone)

Mais Anouilh ne prend pas parti car, à la fin,

les 2 personnages principaux prennent la
position adverse!
Antigone: est assaillie par le doute et donne
raison à son oncle: « Et Créon avait raison, c’est
terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus
pourquoi je meurs. J’ai peur…
Oh! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement
maintenant combien c’était simple de vivre… ».
Créon prononce un « oui » peu enthousiaste.
« Le bonheur…Un pauvre mot, hein…Il ne faudrait
jamais devenir grand ».
• Mise en scène d’un conflit générationnel:
Créon, l’adulte et Antigone, égérie d’une
adolescence guidée par la recherche d’absolu
et d’opposition au monde installé.
 E. L’absurde dans Antigone
• Tout est privé de signification
• La mort est la seule issue pour Antigone mais c’est une mort
privée de sens (« Je ne sais plus pourquoi je meurs »).
• Elle entraîne avec elle Hémon et Eurydice pour une cause à
laquelle elle ne croyait plus, condamnée par un homme au
nom d’une cause à laquelle il ne croit plus: « Tous ceux qui
avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et
puis ceux qui croyaient le contraire-même ceux qui ne croyaient
en rien et qui se sont trouvés pris dans l’histoire sans y rien
comprendre. Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien
pourris.
 Quelles attitudes les personnages incarnent-ils
face à l’absurde?
Antigone
• Le tragique= divorce inéluctable entre la vie réelle et la vie rêvée. Antigone refuse
toute concession=recherche d’un idéal d’absolu
• = existentialisme désespéré
Les gardes
• = représente l’humanité ordinaire. Ils fuient la vraie réalité de l’existence en menant
une vie dissipée et dans le divertissement.
• = ignorance du sentiment d’absurdité
Hémon
• = prise de conscience de l’absurdité de l’existence
= suicide
Créon
• Acceptation de l’absurdité/ SISYPHE
• Il exerce son métier parce qu’il faut le faire
 F. Liens avec Camus
•Créon incarne une morale de vie, avec ses difficultés, ses compromissions.
cfr « Mourir, ce n’est rien, commence par vivre. C’est moins drôle et c’est plus long ».
La vie l’emporte, Créon l’a acceptée, au nom d’une nécessité biologique.
« Tu imagines un monde où les arbres aussi auraient dit non contre la sève, où les bêtes
auraient dit non contre l’instinct de la chasse ou de l’amour? Les bêtes, elles, au moins, sont
bonnes et simples et dures… »
Cette vision de l’existence est proche de CELLE DE CAMUS.
« L’homme absurde dit oui et son effort n’aura plus de cesse »
« Il faut imaginer Sisyphe heureux »
Anouilh pense donc aussi à cette idée de vie absurde et sans espoir mais où l’homme peut
continuer sa tâche!
La vie réserve tout de même quelques petits moments de bonheur: « La vie, c’est un livre qu’on
aime, un enfant qui joue à vos pieds… La vie, ce n’est peut-être tout de même que le bonheur ».
C’est peut-être là, la clé du bonheur!
ET Créon n’aura pas de cri de révolte ou de désespoir.
 Conclusion
• L’œuvre d’Anouilh PARAIT amère. Elle est coupée de tout
arrière-plan moral ou religieux. Elle débouche sur une
tragédie de l’absurde et remet en question les valeurs de
l’idéal ou de l’héroïsme qui sous-tendent la tragédie grecque.
• MAIS il faut néanmoins nuancer! Le message d’Anouilh n’est
pas entièrement négatif:
« Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien
tranquilles » (dit 2x)!
Antigone amène les hommes à se poser des questions, sur
l’homme, sa dignité, sa conscience, le sens de la vie, ses actes;
les valeurs d’un oui et d’un non.