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Du commerce et de la démocratie

dans les Amériques

Séminaires du GRIC
Christian Deblock et Mathieu Arès

Montréal, 28 septembre 2007


« In our own century, President Roosevelt's good neighbor policy, as Vice President
Gore said, sought to unite the hemisphere by urging mutual respect among all and
recognizing even then, long ago, the importance of our interdependence. Three
decades later, President Kennedy's Alliance For Progress inspired the peoples of the
Americas with its vision of social justice and economic growth. Today, we can build
on those foundations and do what could not be done in former times.
We can create a partnership for prosperity where freedom and trade and economic
opportunity become the common property of the people of the Americas. Just
imagine it: a hemisphere where disputes among or within nations are peacefully and
honorably resolved; where cultures and nations are universally and mutually
respected; where no person's rights are denied and labor is not abused; where ideas
and trade flow freely across borders; where work is rewarded and families and
communities are strong. Just imagine it.
My fellow Americans, this is a magic moment. Let us seize it ».

– Remarks by the President Clinton to Members Of The Summit Community, Host Officials, and Officials From Florida on the Goals of the
Summit, Miami, 9 décembre 1994 (http://www.clintonfoundation.org/legacy/120994-speech-by-president-to-summit-community-
members.htm)
Point de départ :
On a souvent du mal à suivre les ÉUA, tant leur politique à l’égard de l’AL paraît
(et est) complexe, ambivalente et inconsistante, naviguant entre
l’unilatéralisme et la coopération, entre l’interventionnisme et le
désintéressement, entre le paternalisme et l’égalité de traitement, entre la
carotte et le bâton, etc.

Cinq constats peuvent néanmoins être faits


(1) Ils ont été à l’origine de toutes les grandes initiatives dans les Amériques
• 1890 : l’Union internationale des républiques américaines (International Union of
American Republics). (Union panaméricaine …..Organisation des États américains)
• 1933 : Politique de bon voisinage date de 1933,
• 1961 : l’Alliance pour le progrès de 1961
• 1994 : le Partenariat pour le développement et la prospérité de 1994.
Ces initiatives sont venues aussi bien des Républicains que des Démocrates
Trois moments : (1) enthousiasme ; (2) critiques ; (3) frustrations et désintérêt….et on recommence
…. en mieux..
Contexte de l’époque est important, mais très grande continuité et détermination
(2) Caractéristiques particulières : les ÉUA sont toujours prêts à coopérer et à répondre aux
appels, ce n’est pas n’importe comment ni avec n’importe qui. Il y a un préalable : il faut
partager leur vision de la démocratie, de la sécurité et du commerce.
• Les principes : la démocratie, la prospérité et la sécurité sont indivisibles : il n’y a pas de
prospérité sans démocratie, ni de sécurité sans prospérité.
• Les valeurs : les droits individuels et les quatre libertés (Roosevelt)
• Le modèle : une communauté des démocraties, intégrée par les valeurs et le commerce
• La forme : des institutions intergouvernementales, des marchés ouverts, le pluralisme
démocratique, les droits individuels

(3) Les États-Unis : primus inter pares : Destinée manifeste


• Une mission : ouvrir la voie aux autres (le Nouveau monde)
• Une responsabilité : diffuser le « rêve américain » (Nouvelle frontière)
• Une vision optimiste du progrès : Rostow et les Étapes de la croissance économique

(4) Les initiatives ont préparé le terrain (laboratoire institutionnel)


• Union panaméricaine augure de la SDN
• Bon voisinage : accords de réciprocité, banque interaméricaine
• Alliance pour le progrès : la lutte contre la pauvreté par les réformes sociales et le commerce
• Partenariat pour le développement et la prospérité : Charte interaméricaine pour la démocratie,
société civile

(5) Un projet en construction … qui progresse.


• Une vision lockienne du contrat social
• Les échecs sont moins leur échec, que celui d’une Amérique latine incapable de leur imposer
un projet alternatif.
Les explications
• Il y a trois manières de considérer leur panaméricanisme

(1) Impérialisme libéral : thèse de N. Ferguson (ce qui n’exclut pas la brutalité)
• Interventions nombreuses (l’arrière-cour) et expansionnisme continental
• Exportations des valeurs américaines (liberté, démocratie et marché)
• Promotion et protection des intérêts commerciaux américains
• Vision unilatérale de la sécurité, de la démocratie et de la prospérité dans
l’hémisphère

Impérialisme pas très consistant


Incompréhension : deux solitudes
Les Démocrates, davantage que les Républicains, ont porté le flambeau du méliorisme
L’Amérique latine a plus besoin des États-Unis que l’inverse n’est vrai
Qui est demandeur ?
A sample of U.S interventions in Central America, South America, and the Caribbean
• 1850-56: U.S. soldiers defend American-built transisthmian • 1910: U.S. forces land in Nicaragua and control--for the next
railroad in Panama thirty-eight years--the country's finances

• 1852-53: U.S. Marines land in Argentina to protect American • 1912: United Fruit begins operations in Honduras
interests during a revolution
• 1914-34: U.S. troops occupy Haiti
• 1855: U.S. forces sent to Uruguay to protect American lives
and property
• 1916-24: U.S. Marines occupy the Dominican Republic

• 1856: William Walker, with a mercenary army, conquers


• 1918: U.S. army lands in Panama to protect United Fruit
Nicaragua.
plantations

• 1857: Cornelius Vanderbilt funds the war against Walker,


• 1920-21: U.S. troops support a coup in Guatemala
and hires American mercenary Sylvanus M. Spencer to lead
Costa Rican forces
• 1926-33: U.S. marines occupy Nicaragua and wage war against
• 1885: Washington sends--in one of the first acts of "gunboat Sandino's peasant army
diplomacy"--the USS Wachusett to Guatemala to defend
American lives and property • 1936-79: U.S. support for the Somozas

• 1898: America defeats Spain and annexes or assumes control • 1954: CIA-United Fruit coup in Guatemala
of Cuba, the Philippines, Puerto Rico (and also annexes
Hawaii)
• 1961: CIA-supported invasion of the Bay of Pigs
• 1903: The Hay-Bunau-Varilla Treaty makes the U.S. the
"sovereign" power in the Panama Canal Zone • 1966: U.S. Green Berets take part in "Operation Guatemala";
over 8,000 Guatemalans killed
• 1904: Roosevelt announces his corollary to the Monroe
Doctrine, and takes customs control of the Dominican • 1981-90: U.S. funds contra war in Nicaragua
Republic
• 1983: U.S. invasion of Granada
• 1905: U.S. Marines land in Honduras
• 1989: U.S. invasion ousts Panamanian dictator and former CIA
• 1906-09: U.S. forces occupy Cuba operative, Manuel Noriega.
(2) Libéralisme de la raison : thèse de S. Weintraub

• Intégration économique de facto qui pousse à l’intégration de jure


• Échec relatif des projets d’intégration sud-sud
• Convergence démocratique
• Dialogue politique renforcé sur les problèmes d’intérêt commun (sécurité,
immigration, infrastructures, etc.

Opinion publique américaine ex. ALENA


Partenariat pour le développement et la prospérité : l’argument de Feinberg
Conception stato-centrée de la coopération interaméricaine : oublions une intégration à
l’européenne
Une logique : de bons voisins sont des voisins prospères
(3) Internationalisme libéral : thèse de G. John Ikenberry.

Repose sur
• La démocratie et la promotion des droits civils, politiques et économiques
• La liberté économique, la promotion de la liberté d’entreprise, le marché et l’élimination du
nationalisme économique
• Le libre-échange et l’égalité d’accès aux marchés et aux ressources, l’élimination des barrières
commerciales, le commerce sans discrimination, la protection de l’investissement, etc.
• Le multilatéralisme : le respect de la règle de droit, les institutions de coopération
intergouvernementales, le règlement pacifique des conflits, etc.
• La responsabilité de la puissance.

Particularités essentielles

• Conceptions lockienne de la société, mais conception positive du progrès


• Le respect des institutions démocratiques
• Méliorisme,
• sous ses deux formes : (1) ouvrir la voie de la gouvernance ; (2) développement des
capacités
• Deux visions : conservatrice ou réformiste
• Multilatéralisme procédurier, légaliste, contractuel
• Le réciprocitarisme commercial : égalité de traitement, non discrimination, loyauté
commerciale
Démocratie

Liberté économique Commerce Droits de l’homme

Sécurité
La doctrine Monroe

« The Monroe Doctrine is solely a policy of self-defense, which is intended to preserve


the independence and integrity of the Americas. It was, and is, designed to prevent
aggression in this hemisphere on the part of any non-American power, and likewise to
make impossible any further extension to this hemisphere of any non-American
system of government imposed from without. It contains within it not the slightest
vestige of any implication, much less assumption, of hegemony on the part of the
United States. It never has resembled, and it does not today resemble, policies which
appear to be arising in other geographical areas of the world, which are alleged to be
similar to the Monroe Doctrine, but which, instead of resting on the sole policies of
self-defense and of respect for existing sovereignties, as does the Monroe Doctrine,
would in reality seem to be only the pretext for the carrying out of conquest by the
sword, of military occupation, and of complete economic and political domination by
certain powers of other free and independent peoples ».

– Statement by the Secretary of State, (Cordell Hull), 5 juillet, 1940. La déclaration a été faite en réaction à une note transmise par le ministre
des Affaires étrangères du Reich. (http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/WorldWar2/hull14.htm)
Economic Charter of the Americas (propositions américaines, 26 février 1945)

• The fundamental economic aspiration of the peoples of the Americas, in common


with peoples everywhere, is to be able to exercise effectively their natural right to
live decently and work and exchange goods productively in peace and with security.
• This aspiration must be given full recognition in the development of a positive economic
program. (…) All the acts and policies of Governments in the economic field must be
directed to providing the conditions in which this may be possible.
• At the same time, the freedom of action in the economic field that underlies the
institutions of political and personal liberty must be preserved and strengthened.
Indeed, two pillars on which a positive economic program can be built to satisfy the
basic desires of the peoples of the Americas are rising levels of living and the economic
liberty that will encourage full production and employment. (…)
• Individuals and groups of individuals must be encouraged to undertake new ventures.
An atmosphere of confidence based on freedom from economic discrimination is an
essential prerequisite to the development of natural and human resources and to
the expansion of markets. The ability to trade without discrimination and without
undue restriction will, however, provide a solid basis for the political and personal
liberties of the peoples.
• The economic strength of the Americas, based on rising levels of living and on economic
liberty, and attained through cooperation to provide a sense of security and freedom of
opportunity, will constitute a beacon of hope to the world.
La Charte de Punta del Este (17 août 1961) Les objectifs à atteindre sur dix ans :

• augmenter le revenu moyen par habitant de 2,5 % par année


• augmenter les bénéfices économiques du progrès par une répartition plus équitable des richesses, une
augmentation des revenus et des conditions de vie des plus pauvres et une augmentation de la part des
investissements dans la production nationale ;
• diversifier la production, rendre progressivement les économies moins dépendantes des exportations de
ressources naturelles et des importations de biens de capitaux, et stabiliser les prix et les revenus à
l’exportation ;
• rationaliser l’industrialisation de manière à augmenter la productivité de l’économie et à libérer les talents et
accorder une attention particulière au développement des industries de biens de capital ;
• augmenter substantiellement la production et la productivité agricoles, de même que la distribution ;
• encourager les programmes de réforme agraire, redistribuer les terres des latifundia et apporter
assistance et soutien financier aux petits producteurs ;
• éradiquer l’illettrisme, rendre l’école primaire obligatoire, moderniser les réseaux secondaires et
universitaires, renforcer la recherche et améliorer la compétence des travailleurs ;
• augmenter l’espérance de vie à la naissance de 5 années, améliorer la santé, développer l’accès à l’eau
potable, éliminer les maladies infectieuses, améliorer la nutrition, améliorer la fourniture de services
médicaux de base et la formation du personnel médical, intensifier la recherche scientifique, etc.
• augmenter la construction de logements populaires et fournir les services publics urbains ;
• maintenir la stabilité des prix ;
• renforcer les accords d’intégration économique, avec l’objectif de créer un marché commun latino-
américain et de contribuer ainsi à la croissance de la région ;
• développer des programmes de coopération pour réduire les fluctuations excessives des taux de change et
adopter les mesures nécessaires pour faciliter les exportations.
Partenariat pour le développement et l a prospérité: Démocratie, libre-
échange et développement durable aux Amériques, Miami, décembre 1994

Les chefs d'Etat et de gouvernement élus des Etats américains s'engagent a


faire progresser la pr ospérité, les valeurs et les institutions démocratiques
et la sé curité de notre hémisphère. Pour la première fois dans l'Histoire, les
Etats américains constituent une communauté de sociétés démocratiques. Bien
qu'ils se tro uvent confrontés à des défis différents en ce qui concerne le
développement, ils sont unis dans leur recherche de la prospérité par le biais de
marchés ouverts, de l'intégration de l'hémisphère et du développement durable.
Nous sommes résolus à raffermir et à développer des liens plus étroits de
coopération et à transformer nos aspirations en réalités concrètes.

Nous réitérons notre adhésion inébranlable aux principes du dro it


international, aux buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies et
celle de l'Organisation des Etats américains (OEA), y compris les principes
d'égalité souveraine des Etats, de non ingérence, d'autodétermination et de
résolution pacifique des différends. Nous reconnaissons l'hétérogénéité et la
diversité de nos ressources et de nos cultures, tout comme no us sommes
convaincus qu'en créant des partenariats vigoureux, nous serons à même de faire
progresser les intérêts et les valeurs qui nous sont communs.
Propos d’étape

(1) Truman : dans la politique étrangère des États-Unis, le politique et l’économique ne font
qu’un.
(2) Dans un monde divisé en États, les rapports de puissance comptent ; sur les marchés, les
intérêts comptent. Les théories réalistes et les théories des choix rationnels nous le
rappellent continuellement. Mais les idées comptent également, et il faut les prendre au
sérieux. Reconnaissons au moins à G. W. Bush ce mérite : celui d’avoir attiré notre
attention sur cette dimension de la politique étrangère américaine.
(3) Sur le plan des idées, le panaméricanisme des États-Unis participe d’un projet de
construction d’un monde centré sur les individus ; stato-centré et libéral, certes, mais
d’abord et avant tout individu-centré. C’est une tendance lourde comme nous le rappelle
Louis Dumont. Le contrat social peut être de type lockien ou rousseauiste, l’économie de
marché peut être de type hayeckien ou keynésien, l’internationalisme peut être de type
schumpeterien, machiavélien ou kantien (Doyle), on en revient toujours à l’individu.
(4) Il n’existe pas un seul modèle, et l’internationalisme libéral américain n’est qu’un modèle
parmi d’autres. Les critiques sont amplement justifiées, et entre le rêve de La petite maison
dans la prairie et Le cauchemar de Freddy, il n’y a qu’un pas. Mais c’est à l’intérieur de
l’internationalisme libéral qu’il faut poser le débat ; pas en dehors, en s’illusionnant sur les
vertus du nationalisme et du populisme.
(5) Ocampo disait que la pensée intellectuelle en Amérique latine était bloquée, comme la
société. C’est ce que les États-Unis ont toujours reproché à leurs voisins : d’avoir reproduit
chez eux les travers de l’ancien monde et de ne pas avoir pris le train de la modernité. Et
c’est ce qui donne un sens à leur « mission ».

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