Hommage au Dr Gaston FERDIERE (1907-1990). Article d'Eric CHAMS paru en janvier 1991 dans le numéro 14 de la revue LIBERTES. Le Dr Ferdière, proche du mouvement surréaliste, est connu pour sa pratique des électrochocs sur Antonin Artaud. Eric Chams montre que cette pratique qui a suscité à l'époque de violentes polémiques n'a été qu'une partie infime de l'activité de ce psychiatre.
Note : cet hommage, supprimé vers le 1er septembre 2009 à la demande d'un petit Torquemada (dont l'un des plus proches amis est un familier des profanateurs de cimetières), avait à cette date été vu par plus de 228 lecteurs.
Hommage au Dr Gaston FERDIERE (1907-1990). Article d'Eric CHAMS paru en janvier 1991 dans le numéro 14 de la revue LIBERTES. Le Dr Ferdière, proche du mouvement surréaliste, est connu pour sa pratique des électrochocs sur Antonin Artaud. Eric Chams montre que cette pratique qui a suscité à l'époque de violentes polémiques n'a été qu'une partie infime de l'activité de ce psychiatre.
Note : cet hommage, supprimé vers le 1er septembre 2009 à la demande d'un petit Torquemada (dont l'un des plus proches amis est un familier des profanateurs de cimetières), avait à cette date été vu par plus de 228 lecteurs.
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Hommage au Dr Gaston FERDIERE (1907-1990). Article d'Eric CHAMS paru en janvier 1991 dans le numéro 14 de la revue LIBERTES. Le Dr Ferdière, proche du mouvement surréaliste, est connu pour sa pratique des électrochocs sur Antonin Artaud. Eric Chams montre que cette pratique qui a suscité à l'époque de violentes polémiques n'a été qu'une partie infime de l'activité de ce psychiatre.
Note : cet hommage, supprimé vers le 1er septembre 2009 à la demande d'un petit Torquemada (dont l'un des plus proches amis est un familier des profanateurs de cimetières), avait à cette date été vu par plus de 228 lecteurs.
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SOUVENIR DU Dr GASTON FERDIERE
Par Eric CHAMS
Le Docteur FERDIERE est mort il y a quelques jours. C’était un ami ues cher de "Radio Paris, de "Libertés"-
augue! il collabora - et de Denis Clair. Eric CHAMS lui consacrera une émission spéciale sur ies 106,7 FM de
Radio Pars le ler janvier 2 14 heures.
“Tel quien lui-méme enfin Iéterité le change”..
Gaston Ferditre avait beau aimer Mallarmé
pessionnément, Ia mort ne Ini va pas bien. Sans doute la
‘ort ne vacelle bien a personne; pourtant elle va mieux
& Mondherlatt figé dans sun univers de masques giecs ou
‘mueé dane un cilence de plus en plus
sanvahiseant qu'i Henry Miller ou 3 Gaston Ferdibre
Podte, médecin, peychiatre et chef de service, fou de
littgranure et de peinture, compagnon des premiers jours
de la grande aventure surréaliste, faisant le coup de poing
‘dans les meetings davant la guerse, se battant pour faire
liberer Leonide Pliouchtch, aidant Arcaud & reprendre 1a
plume, rivelisant Thhuwour aver Dali, fidBle et iy
Seno sez amitiée comme dant eee rages, le Dr Ferd
frappait demblée por an spe intelligence.
Lloeil clair et vif derritre ses Tunettes, Je timbre
pointy et Je verbe précis, 1a répartie immédiate et
cinglamte, il y avait chez Iui quelque chose dun tutin
amusé ef réliécn Sur la gnille Ge son jardin, un ecmteau:
‘chien méchant mals persplcace. Le chien ne m'ayparus 3
iméshant ni vraiment porapicsce. Le mafire était & coup)
sir perepioase at pouvait pratiguer Ia méchanceté avec
tout Ye talent dm. prdcigément - eynique. Provacateur 2
Je lui posais 1a question... “Si je n'étais pas provocsteur,
je ne serais pas surréaliste”
Il avait gardé pour André Breton comme, je erois,
tous les auinenuques surrealistes(1), une amilié et une
cconsidéraiion indéfecuibles. Quand 1 uaversa, dau Jes
années de Taprés-puerre, le difficile période Artaud, celle
cob on Vaseveait de touter parts davoir torturé le polte, un
soutien lui fut plus précieux que tout autre: celui d'André
Breton. Je lui relus les longues et belles pages de La Towr
de Feu (2) ob le fondateur du surréalisme, ancien étudiant
cn paychisitie Iui-méme, évoque le 23 septembre 1959
avec un Tyrime mesuré et dans sa prose de ues grand
eorivain Velfondrement G'Artaud et le devouement
constant de son médecin. Pendant que je lisais, devout
pits dela fengue, je voyais le Dr Ferditre, assis dans son
favteuil, remuer lee lbvrae su rythme dee
ceonnsieeait par earn Pac une geile fois je ai entendn le
Dr Ferditre émettre la moindre réserve & T'endroit de
Breton. Ily avait quelque chose de touchant dans cette
manitre qui avait, lorsqu’il en parlait, de regarder au
Join, dans ses souvenirs. Ses rapporis avec Eluard furent
fratemels, avec Aragon toujours difficiles avant de
venir impossibles, aver Suupault siuancés, avec Dali
vyersatiles par Ie favte du peintee, IL semblait qu’
Braton ile foseent, rans que jamais Ferditre ne eonseniit
Jes reconnaitre tls, ceux dum pire et dun fil, un pire un
Jhrazar quid
peu lointain que son fils aimerait en secret et dont il
niaurait pas & se débarrasser. Onze ans séparaient Jeurs
naissances, vingt-quatre ans devaient sépazer leurs morts.
‘Sa grande maison prés de Fontainebleau, romplie de
livres et de tableaux (52 demitre épouse était Ia peintre
surréaliste belge Jane Graverol) ob voisinaient ses
collections de cannes de verre et de “bois flottes", un
moulin & paitves offett, 4 Jui Taide pur et du, pat te Dalat
Lama, des photos de René Crevel et de Maurice de
Gandillae, “I'un des demiers esprits universels", et des
affiches du festival cinématographique ¢’Avoriaz dont il
fut Tun des animateurs, sa grande maison, op pleine
objets disparates et d'un goit parfois éurange, était tout
sauf une maison de souvenirs mors. Il y Mlottait pourtant
un sentiment dabsence. A cet univers quill me fit vister
si gentiment et si joyeusement, grimpant cun ciage 8
autre, se baissant pour ouvrir des tiroirs dzbordant de
eure 'Eluerd, de tableaux en cheveux dont il m'expliqua
Ja technique, & cet univers manquait quelque chose
dindéfinissable, peut-iue "ces voix chires aui se sont
tues" et, parmi ces voix, celle du Testament de Léo Ferré
la voix ¢'André Breton...
A 82 ans, ls tee emplie de projets, prenant le wain
eux fois Ia semaine pour rendre visite 2 ses malades (il
mavoua avoir cessé de condusre depuis peu, st vision
rocrume ayant faibli), iauguram pat-ci une galerie de
peinturc, parla une exposition av Musée des Ants ct
Traditions popslairer, préparant un livre sur tel aspect
méconnu du surréalisme. le Dr Ferditre. complétement
toumé vers Favenir, vivait comme on vit & 20 ans, Mais
sa mémoire ravait pas 20 ans... Une phrase me revient
quil me dit spontanément comme je m’Sionnais de la
précision de ses souvenirs: “Je souftve d'une hypertrophic
de 1a memoire”. Je crois effecuvement quil en souffrais,
que v4 puissance Je wavail, ses ectivités multformes et
idaient d'une
fertaine manidce 4 aublier cotte enwffrance’ It ealitade
intellectuelle que son immense érudition. sa soif
approfondissement - il était le contraire d'un
touche-J-tout et, comme Breton, méprisait Cocteau ~ et sa
tubs vive intelligence avaient fini par eréer, peutére &
son corps défendant. Cette solitude habitait sa demeure,
ralgré la voix forte de sa bonne qui croyait le mener par
le bout du nex alors quill me langsit de petits cline docil
famucée sitdt qu’aile tournsit le doe, malgré le chien
jerpant et courant en tous sens, malgré la lumitre qui
baignait tout ce beau désordre.
permenentes, sa curiosité inlasceble ITai passé sept heures avec le Dr Feeditre, en t8te 8
‘Gre. Il insists pour que nous déjeunions ensemble. Il
avait Ia veille envoye sa bonne acheter un lapin et
seiniblat en €xe fort rout. Cela avait un ped air de fete.
Une serait pas seul. Tl prit un peu de vin, veillant bce que
je reprene de chaque plat. Nour tions eur ea torracce
ans le dour coleil dix moie dioctohre 1989. Te n'si pae
prété grande attention au lapin, je avoue. ni au giteau
Quill accucilit avee un plaisir enfantin.
Nous avons parlé, d'André Breton bien sir dont il
voysit encore de temps & autre la douxidme fomme,
Facqueline, da Vietor Haga quil n'ximait pas (aver une
ertaine injustice, reconnut-il malgr& tout... de
Nietzsche dont il avait conn I'un des psychiatres en
1944 A Musingen, de Sartre dont il nlexeusait aucune
cereur, de Freud quill avait mangué de peu & son arivée &
Pans, de Mallarme, le seul poete, peuteure, qui comptit
récllement a ses yeux et sur lequel il prononga Jes
ccouféiences dés lee années 30, de Jean Moréas qui, selon
lui, avait influencé son premier recueil (3), de
Johan-Riemie avee [oquiel sl antrotinn vers 1980 une:
correspondance et auguel il devait consacrer une étude (4)
‘qui restera la premitre, de Valentine Hugo, sa grande et
noble amie quill veilla jusqu't sa mort en 1968, d Henry
Miller et de leur ami commun le peintre noir-américain
Beauford-Delaney renconmé en 1963, de Victor Serge qui
avait neberge la Bande & Bonnot et pariicipé & ta
tévulution de 1917 et quil segue & Paris & 2a liberation, en
1037, da Damia dont lae brae blancs amblaiant encore
Némnouetillor 3 plus de $0 ans de distance. de Francis
James et @André Malraux dont il appréciait surtout, en
féministe convaincu, les épouses, de Benjamin Péret, de
Georges Duhamel, de Reverdy, de Lacan ("un poite™.),
de Jacques Soustelle avec leque il avait tondé en 1926 les
Etugianis socialisies de Lyon et les Amis Anatole
France vers 1930, Hen! Miclisux wuyuel il we passait
pas en vouloir de tui evoir emprunté 2a premitre femmes,
Marie-Louise, de Jean Piaget, de Charles Randowin
Frost Toiovier. disciple de Freud avee lequel it tenta
vers 1938 une ouverture de la psychiatrie a Is
pychanalyse qui devait se heuster au vefus de Pierre Janet,
de Georges Bataille et de Roger Caillois, etc, Nous
avons parle, palé, de Georges Hugnet, Ramuz, Desnos,
Beilmer, James Ensor, Jung, Jean Rostand, ete. Sa
Imémvite éiait prudigieuse, ses suuveniis intacts, quils
fissent i dix ou soinante ans de distenee... I y avait auesi
leg grives de 36 auxgneliee il participa aetiverent avec
Raymond Bussitres. 'ami Bubu. Taide aux Républicains
espagnols avec Théodore Fraenkel 4 Barcelone et le
Guépéou en arritxe-plan, la dénoneiation du systéme
psychiatrique soviétique, l'aide 4 Pliouchtch et a
Sakharov, son voyage au Chili en 1976 et sa présidence
e Torganisation ide medicale Santé-Chill, les années
de Rodce et te marché uit pour sauver les iaicinés
condamnés par le régime de Vichy, sea conférences ur
Kats, Bakounine, Proust. la torcellerie (5), ene
expositions dineuvres daliénés en 1942. le fameux
‘Congrés des Ecrivains pour la Défense de la Culture de
1935 o¥ Breton giffle Ehrenbourg et 4 la suite duquel se
suicida René Crevel, ses prises de position anarchistes et
pacifistes (6) jamais démenties, la polyctinique
Auberviliers ol il continuait de consulter, ces mille
choses, enfin, qui font ment: Rimbaud: non, fa vraie vie
rest pas ailleurs, Le monde « la valeur qu'on lui donne,
Certains, loin de Vesbrouffe des fumistes et des charlatans
aux titres ronflants, savent la lui donner, Je erois qu'on
peut les nommer humanistes.
Tavaie tris vite compris quune émission de tois
heures serait tout & fait insuffisante pour tant de souvenirs
et encore tant de projets. Nous reprimes le
magnétophone. A 17h, nous avions enregisué prés de
quae heures: 1907-1937... Nous projetions encore deux
emissions au moins. Je quittsi Gaston Ferditre i
17830, Nous avivia buvardé sept heuies et 2 peine
tshissait il une tebs Iégre fatigue. Ia
ous sommes téléphonée depuis ing ow cix fie Frire
ses consultations. un colloque 3 Blois. une conférence 3
Ia foculté de Caen, un vernissage, il état tés pris. Nous
avons remis de mois en mois ces émissions. Nous
pensions évoquer les années 37 i SO au printemps
prochain, y évoquer Brauner, Queneau, Leiris, les
Jouhandeau, 12 peinture de Cezanne (7), Tasile de
(Chreeal-Benott et celui de Rodez. Lundi 10 décembre
1990, Gaston Ferditze eat mort.
st 82 ans. Nous
Avec tous ses souvenirs.
Le Dr Gaston Ferditre n'était pas seulement un
psychiatre amoureux de son métier et soucieux de
Vhumaniser (en 1976, il présidera Evolution
psyehiatrique et, fannée suivante, organisera le Congres
Echique et Psychiawie}, pas seulement un esthtie jaloux
se possédcr (Ses nombrcuses donations au Musée des Asks
tt Tracitions populaires, entre autres, témoignent de £3
générosité), pas seulement
grands aventuriers de Tesprit de ce sitcle Eluard. Desnos.
Breton et méme Artaud entre deux crises surent Festim
autant quid les estima. Et son beau livze, “Les Mauvases
Fréquentations' (8), est avant tout un livre damit)
ami fiddle et attensif des
Gaston Feratere exalt un homme de culure, ce
convictions, dintelligence, humour, dimégrité, un d=
ee hommes raree auxquele on voudrait dire: merci, morsi
Sexister, parce quis savent redonner un sens au nom
homme.
Dix jours aprés cette belle journée du 24 octobve
1989, je éléphonai & Maurice de Gandillac. Combien fut
heureux avoir de ses nouvelles lromme qun Tut le pest
camarade de jeux de Sarve au farcin du Luxembourg, Ie
Luaductour de Nicolas de Cues, de Dante, de Hegel, cic
universitaire Gnérite ot le mafira doouvre pour la France
de Tédition des Qenvres philosaphiques enmplies de
Nietzsche. Entendre la joie de ce vieux monsieur quest
Gandillac & Vvocation de son ami Ferdiére, d'un an son
cadet, cela ne se commente pas.
Merci d'avowr existé, Gaston Feraiére. En
remplissant voue vie, Cest aussi un peu la nue que vous
aver ensichies
Vous chien méchant mais perspicace doit sure bien
twice, Monvect pes Te eel, hdlas
Dole, e 13 décembre 1990
Notes page cutuanteores:
1) Cl. "Le Surbaliome’, date de Cellarse de
Cerity (1966), avec Ferdinand ALQUIE, Michel
EARROUGES, Gatton FERDIERE, Ares SAUY?, Jean
WAH ie 1008 48” Mactn
(2)"LaTow de Feu’, Amonin Artaud oul sat det
‘rucles notamment éhaaré BRETON et Casion
FERDIERE et trois letves ¢Anionin ARTAUD ax Dr
PERDIERE,
(9)G. FERDIERE:“Lterber”,plagucte de poses
pare en 1326,
(4) G. PERDIERE: “Jenan Ricus, xa vie of son
(9) “homme et te dible, bass du Colloge de
(Ceriy eves Maurice de GANDIUAC, Gaston PRADIEKE,
Lion POLIAKOV, wtf, Mouton.
(6)G., PERDIERE: ‘Paix. tate” 197
(7) Gf G, FERDIERE: “Clranne, cll. Cenes es
reals, Hacheie.
(2). 6, FERDIERE: Lez MavoiseeFréqursaion
1978, Bd. Jean Claude Sie,