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Lettre de Manuel Valls en réponse à la lettre de Christian Paul et Christiane Feral-Schuhl, co-présidents de la commission droits et libertés à l'âge du numérique
Lettre de Manuel Valls en réponse à la lettre de Christian Paul et Christiane Feral-Schuhl, co-présidents de la commission droits et libertés à l'âge du numérique
Lettre de Manuel Valls en réponse à la lettre de Christian Paul et Christiane Feral-Schuhl, co-présidents de la commission droits et libertés à l'âge du numérique
Paris, le 5 mai 2015
N° 2060
Madame la présidente, Monsieur le président,
Par courrier du 30 avril, et dans la foulge de la recommandation de la commission de réflexion et
de propositions sur le droit et les libertés a I'dge du numérique sur le projet de loi relatif au
renseignement, vous m’avez fait part de vos inquiétudes persistantes sur le projet d'article L. 851-4
du code de la sécurité intérieure.
Celui-ci vise a Vinstauration, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme dun disposi
de traitement par algorithme de certaines données de connexion transitant par les réseaux aux fins,
de détection d'une menace terroriste
Vous m’interrogez. sur les conditions précises d’encadrement et les garanties qui doivent étre
apportées & ce type de dispositif, s'agissant d'une technique distincte des méthodes de surveillance
habituellement utilisées encontre des personnes représentant une menace grave au regard des
finalités prévues par la loi
Vos remarques et votre souci légitime que le débat public soit particuliérement approfondi sur ce
point ont retenu toute attention, Vous estimez que, a la veille de I’examen du texte au sénat,
Vécriture législative pourrait encore étre renforcée afin de préciser ou d’introduire certaines
garanties supplémentaires.
‘Tout d’abord, vous souhaiter voir expressément préciser que les dispositifs de traitement
algorithmique ne pourront procéder 4 aucune captation du contenu des échanges.
Iln’y a aucune divergence de fond avee le Gouvernement ou le texte issu de la séanee publique sur
ce point, le projet d'article adopté disposant que les algorithmes ne peuvent concerner que les
seules métadonnées (« informations ou documents mentionnés a article L. 851-1 »). Cela
signifie que, pour étre conformes d la loi, les dispositifs algorithme devront distinguer et séparer
Madame Christiane FERAL-SCHUHL
Monsieur Christian PAUL
Co-présidents de la Commission
de réflexion et de propositions
sur le droit et les libertés a 1
e du numériqueles données de connexion des contenus des échanges, et n’appliquer le « traitement
thmique » qu’aux seules données de connexion. Aucune donnée de contenu ne pourra étre
ni, a fortiori, conservée.
Sous réserve des régles légistiques, le Gouvernement n’aurait aucune difficulté a soutenir un
amendement supplémentaire explicitant la rédaction actuelle par I'exclusion formelle du
traitement des contenus (correspondances) par le dispositif de détection de ’algorithme.
Par ailleurs, lors des discussions avec les représentants des hébergeurs qui ont conduit a
améliorer et compléter la rédaction par un amendement du Gouvernement, il a été rappelé a ces
demiers que article L. 861-3, dans sa nouvelle rédaction, autorisera ceux des opérateurs ou
hébergeurs qui le souhaiteraient & procéder eux-mémes a la séparation entre les métadonnées et
les contenus. Ainsi, s‘ils le souhaitent pour des raisons d’argument commercial en direction de
leurs clients, ils pourront n’envoyer vers le dispositif technique qui fera fonctionner lalgorithme
que les seules métadonnées concernées par le champ d’application de la réquisition.
En deuxiéme lieu, vous m’interroger. sur la possibilité de renforeer le rdle dévolu la
Commission nationale de contrdle des techniques de renseignement pour Vattribution
cette derniére d’un avis conforme.
Comme le Gouvernement a eu loceasion de le dire au cours des débats, l'abandon par l'exécuti
de ses responsabilités régaliennes et Poctroi dun pouvoir de décision impératif a la commission
indépendante en cette matiére présentent un risque constitutionnel fort, une disposition analogue
ayant été disjointe par le Conseil d’Etat lors de la rédaction de la loi de 1991. Votre souci est
cependant indirectement satisfait par la création d°un mécanisme de recours juridictionnel direct
et effectif a travers la formation spécialisée du Conseil d’Etat qui disposera, elle, d’un pouvoir
injonetion a ’égard du Gouvernement.
Saisi d'une demande en ce sens par la Commission en cas de désaccord avec le Gouvernement
sur la mise en oeuvre ou la poursuite de l’usage dun traitement par algorithme, le Conseil d’ Etat
pourrait enjoindre I’exécutif de cesser l'opération et de détruire les données éventuellement
recueillies. En application du code de justice administrative, les procédures de référé, done de
décision en urgence, seront applicables.
Fajoute que "exclusion formelle au cours des débats de la possibilité d’autoriser en urgence le
déploiement d'un tel dispositif garantira un avis préalable systématique de la commission, qui
pourra examiner ou faire expertiser non seulement les critéres de conception mais également le
code-source de I'algorithme. Chaque modification de lalgorithme sera soumise @ autorisation
expresse par une procédure identique.
En outre, la loi prévoit un mécanisme en deux étapes particuliérement protecteur de la vie privée.
En effet, identification des données de connexion qui seraient recueillies et temporairement
conservées par le dispositif aprés un « matching positif » ne seront accessibles aux services de
renseignement qu’aprés une demande individuelle faite pour chaque donnée, ce qui permettra &
la commission de vérifier systématiquement et individuellement que la personne correspondante
constitue bien une menace. Si tel n’était pas le cas, les données seraient détruites, Si ’algorithme
était défectueux ear mal ciblé, il devrait étre modifié ou abandon
Afin de permettre a la Commission de veiller précisément au paramétrage, elle disposera dune
capacité d’expertise indépendante, y compris en formation pléniére ou siggera un spécialiste desEnfin, le caractére temporaire de cette disposition jusqu’é fin 2018 garantira toute dérive
ultérieure et exigera la tenue d’un nouveau débat parlementaire, éclairé par un bilan précis, pour
prolonger un tel dispositif.
En troisiéme lieu, vous considérez que Varticle L. 851-4 devrait préciser que cette
technique de renseignements ne pourra donner licu 4 aucune reproduction durable,
provisoire, transitoire ou accessoire des informations et documents, méme anonymisés,
traités par Valgorithme.
Je vous confirme qu’aucune extraction des informations et documents traités par l'algorithme ne
sera autorisée, et done aucune reproduction, Seules les données ayant « positivement matché »
pourront, aprés autorisation spécifique pour chacune d’entre elles, étre rendues accessibles aux
services de renseignement pour exploitation, toujours sous le contréle de la CNCTR.
Le ou les algorithmes mis en ceuvre, dans leur fonctionnement propre, ne pourront pas davantage
servir a la collecte d’un stock de données numériques indifférenciées, méme anonymisées. Seuls
les résultats corespondant aux critéres de l'algorithme pourront faire objet dun recueil et les
différents critéres d°un algorithme devront nécessairement étre soit simultanés, soit combinables
dans une séquence temporelle réduite.
Conscient de Vintérét du débat parlementaire pour éclairer ces enjeux, le Gouvernement reste
ouvert aux améliorations rédactionnelles qui pourraient étre proposées dans la poursuite de la
navette.
Je vous prie de croire, Madame la présidente, Monsieur le président, a assurance de mes
sentiments les meilleurs.
au .Q ae
u S,
Manuel VALLS