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Paris, le 5 mai 2015 N° 2060 Madame la présidente, Monsieur le président, Par courrier du 30 avril, et dans la foulge de la recommandation de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés a I'dge du numérique sur le projet de loi relatif au renseignement, vous m’avez fait part de vos inquiétudes persistantes sur le projet d'article L. 851-4 du code de la sécurité intérieure. Celui-ci vise a Vinstauration, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme dun disposi de traitement par algorithme de certaines données de connexion transitant par les réseaux aux fins, de détection d'une menace terroriste Vous m’interrogez. sur les conditions précises d’encadrement et les garanties qui doivent étre apportées & ce type de dispositif, s'agissant d'une technique distincte des méthodes de surveillance habituellement utilisées encontre des personnes représentant une menace grave au regard des finalités prévues par la loi Vos remarques et votre souci légitime que le débat public soit particuliérement approfondi sur ce point ont retenu toute attention, Vous estimez que, a la veille de I’examen du texte au sénat, Vécriture législative pourrait encore étre renforcée afin de préciser ou d’introduire certaines garanties supplémentaires. ‘Tout d’abord, vous souhaiter voir expressément préciser que les dispositifs de traitement algorithmique ne pourront procéder 4 aucune captation du contenu des échanges. Iln’y a aucune divergence de fond avee le Gouvernement ou le texte issu de la séanee publique sur ce point, le projet d'article adopté disposant que les algorithmes ne peuvent concerner que les seules métadonnées (« informations ou documents mentionnés a article L. 851-1 »). Cela signifie que, pour étre conformes d la loi, les dispositifs algorithme devront distinguer et séparer Madame Christiane FERAL-SCHUHL Monsieur Christian PAUL Co-présidents de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés a 1 e du numérique les données de connexion des contenus des échanges, et n’appliquer le « traitement thmique » qu’aux seules données de connexion. Aucune donnée de contenu ne pourra étre ni, a fortiori, conservée. Sous réserve des régles légistiques, le Gouvernement n’aurait aucune difficulté a soutenir un amendement supplémentaire explicitant la rédaction actuelle par I'exclusion formelle du traitement des contenus (correspondances) par le dispositif de détection de ’algorithme. Par ailleurs, lors des discussions avec les représentants des hébergeurs qui ont conduit a améliorer et compléter la rédaction par un amendement du Gouvernement, il a été rappelé a ces demiers que article L. 861-3, dans sa nouvelle rédaction, autorisera ceux des opérateurs ou hébergeurs qui le souhaiteraient & procéder eux-mémes a la séparation entre les métadonnées et les contenus. Ainsi, s‘ils le souhaitent pour des raisons d’argument commercial en direction de leurs clients, ils pourront n’envoyer vers le dispositif technique qui fera fonctionner lalgorithme que les seules métadonnées concernées par le champ d’application de la réquisition. En deuxiéme lieu, vous m’interroger. sur la possibilité de renforeer le rdle dévolu la Commission nationale de contrdle des techniques de renseignement pour Vattribution cette derniére d’un avis conforme. Comme le Gouvernement a eu loceasion de le dire au cours des débats, l'abandon par l'exécuti de ses responsabilités régaliennes et Poctroi dun pouvoir de décision impératif a la commission indépendante en cette matiére présentent un risque constitutionnel fort, une disposition analogue ayant été disjointe par le Conseil d’Etat lors de la rédaction de la loi de 1991. Votre souci est cependant indirectement satisfait par la création d°un mécanisme de recours juridictionnel direct et effectif a travers la formation spécialisée du Conseil d’Etat qui disposera, elle, d’un pouvoir injonetion a ’égard du Gouvernement. Saisi d'une demande en ce sens par la Commission en cas de désaccord avec le Gouvernement sur la mise en oeuvre ou la poursuite de l’usage dun traitement par algorithme, le Conseil d’ Etat pourrait enjoindre I’exécutif de cesser l'opération et de détruire les données éventuellement recueillies. En application du code de justice administrative, les procédures de référé, done de décision en urgence, seront applicables. Fajoute que "exclusion formelle au cours des débats de la possibilité d’autoriser en urgence le déploiement d'un tel dispositif garantira un avis préalable systématique de la commission, qui pourra examiner ou faire expertiser non seulement les critéres de conception mais également le code-source de I'algorithme. Chaque modification de lalgorithme sera soumise @ autorisation expresse par une procédure identique. En outre, la loi prévoit un mécanisme en deux étapes particuliérement protecteur de la vie privée. En effet, identification des données de connexion qui seraient recueillies et temporairement conservées par le dispositif aprés un « matching positif » ne seront accessibles aux services de renseignement qu’aprés une demande individuelle faite pour chaque donnée, ce qui permettra & la commission de vérifier systématiquement et individuellement que la personne correspondante constitue bien une menace. Si tel n’était pas le cas, les données seraient détruites, Si ’algorithme était défectueux ear mal ciblé, il devrait étre modifié ou abandon Afin de permettre a la Commission de veiller précisément au paramétrage, elle disposera dune capacité d’expertise indépendante, y compris en formation pléniére ou siggera un spécialiste des Enfin, le caractére temporaire de cette disposition jusqu’é fin 2018 garantira toute dérive ultérieure et exigera la tenue d’un nouveau débat parlementaire, éclairé par un bilan précis, pour prolonger un tel dispositif. En troisiéme lieu, vous considérez que Varticle L. 851-4 devrait préciser que cette technique de renseignements ne pourra donner licu 4 aucune reproduction durable, provisoire, transitoire ou accessoire des informations et documents, méme anonymisés, traités par Valgorithme. Je vous confirme qu’aucune extraction des informations et documents traités par l'algorithme ne sera autorisée, et done aucune reproduction, Seules les données ayant « positivement matché » pourront, aprés autorisation spécifique pour chacune d’entre elles, étre rendues accessibles aux services de renseignement pour exploitation, toujours sous le contréle de la CNCTR. Le ou les algorithmes mis en ceuvre, dans leur fonctionnement propre, ne pourront pas davantage servir a la collecte d’un stock de données numériques indifférenciées, méme anonymisées. Seuls les résultats corespondant aux critéres de l'algorithme pourront faire objet dun recueil et les différents critéres d°un algorithme devront nécessairement étre soit simultanés, soit combinables dans une séquence temporelle réduite. Conscient de Vintérét du débat parlementaire pour éclairer ces enjeux, le Gouvernement reste ouvert aux améliorations rédactionnelles qui pourraient étre proposées dans la poursuite de la navette. Je vous prie de croire, Madame la présidente, Monsieur le président, a assurance de mes sentiments les meilleurs. au .Q ae u S, Manuel VALLS

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