Dans le cadre de son
enguéte sur les réseaux
de renseignement
clandestins en Belgique,
la Commission sénatoriale
« Gladlo » a rouvert
le passionnant dossier
du « Public Information
Office », un réseau de
renseignement privé
contrélé, au début des
années '80, par le baron
Benoit de Bonvolsin.
En exclusivité,
« Télémoustique » lave
le voile sur les travaux
€ huis clos des
parlementaires et déctit
tun étrange milieu oll se
mélent barbouzes,
affalristes et fanatiques
extréme drolte,
INGT-CING janvier
1973, Les accords de
Paris sanctionnent
Péchee de la politique a’inter-
vention américaine au Viet
nam, Les soldats U.S. qui
talent partis & la chasse aux
Viets en criant «We are the
best and the brightest», revien-
nent au pays, la queue entre
les jambes. Plus globalement,
c'est la orédiblité méme des
Etats-Unis, leur « politique de
dissuasion» & l'égard des
mouvements révolutionnalres
du tiers-monde qul est enta
mée, L’Amérique triomphante
26 éncutqee
TELE MovsTrav™e
perd confiance. Le « syndrome
Vietnamien » prend naissanece.
‘A Bruxelles, co 26 janvier
1973, les milleux progressistes
¢t pactfistes jubilent. Fort iogi-
quement, is récuperent le
fiasco vietnamien et orient vic-
toire, Le « Drapeau Rouge » —
quotidien aujourd'hui disparw
du Parti communiste — donne
Te ton :« Aucun événement n'a
‘uss! profondément miarqué
‘cee derniéres années l'opinion
mondiale que la guerre du Viet.
nam, Le phénoméne universel
de la “contestation”, c'est-a-
dire en fait, la remise en cause
do Midéologie capitaliste, de
Forde étabii et u mode de vie
‘amérleain par une grande par-
tle do la jeunesse du "monde
libre”, trouve pour beaucoup
son origine dane la guerre me-
née par les Etats-Unis au
Vietnam. »
Plan VdB
‘Au sein du gouvernement
Leburton — qul se forme le 26
Janvier 1973 —, le ministre de
la Défense nationale, Paul Van-
den Booynants, pariage d'une
28 jun 1531
SOCIETES MAFIEUSES ET RENSEIGNEMENTS PARALLELES
LES DESSOUS DE EAP BONVOISIK
certalne maniére I'analyse de
PPéditorial communtste : la dé-
falte américaine au Vielnam et
Je dégott provoqué dans opi
‘lon par cette premiére guerre
telévisée risquent d'alourdir la
pression des milleux « contes-
tatalres » encore irés acts en
Belgique, dens la foulée des
événements de 1968. Mals,
C'est bien connu, VdB n'est
pas horime & se lalsser im-
pressionner.
Disposant” dja du porte
foulllo. do la Défense dans
Vexéoutit précédent, il mijote
dopuls plus d'un an, un plan de
«Défense militaire du terri=
tolre » (OMT) dont la philoso
phie sous/acente est Juste
ment de renforoer la lutte con-
{re la «menace intérieure »
Entouré de personnalltés trés
marquées a droite — Nicolas
de Kerkhove d'Ousselghem,
Marius Henin, Benoft de Bon=
woisin... —, 'VdB préconise
ain! un rapprochement des ta
‘hes de l'armée ot d'une gen-
‘émousque 27que « existence méme de nos
lbertés, de notre régime démo-
cratique, voir mame do la ne-
tion et du monde occidental »
est menacée. Et ost offcier
stigmatise « le prinelpe univer-
sel de révolution permanent
‘communiste » qui «impose
daffaibir sans cesse le poten-
tio! du monde occidental et est,
fen definitive, la clef mame do
toute la stratégie de temps de
palx du bloc communiste »
Ce haut gradé du SDRA af-
firme encore dans ce docu:
‘ment que la « subversion » est
telle qu'elle conduit le monde
‘ocidental & se gangréner par
‘un pourtisserent et une dégé~
nérescence qui lenvahiront
progressivement, Et Il accuse
rotamment les centres « Infor-
Jounes » et la RTB de époque
détre des «nids de subver-
sion ». Conclusion : armée
‘9st Iittéralement en position
de légitime défense et il faut
‘done mettre en place une ac-
tion antisubversive perma-
rrente ». Celle-ci passeralt par
tun travail de documentation
pour les cacires sur « le nouvel
fennemi quiils doivent appren-
dre & connaftre, (..) Pennemi
de Iintérieur v
Le rapport Weber fait enfin
référence & la formation
d'officiers-contérenciers capa-
bles de fournir un travail de
‘«satelisation de l'information
objective », Ainsl, «les cadres
de réserve de l'armée et meme
los mass-médias bien pensants|
devralent étre amenés a établit
ce relals nécessaire & la diffu-
sion et & la propagation de la
bonne parole (sicl). »
Le ministre ment
En février 1974, "hebdoma-
daire Le Journal d'Europe, dis-
paru depuis, publie le doou-
‘ment Weber. Aussitdt, le minis-
tre de la Défense nationale est
appelé & justifier les considéra-
tions émises par le SDRA. Lors
dune conférence de presse,
\VdB déclare que lo rapport We-
ber n'est qu’« un document de
routine » qui n’a pas été sul
d'effets... Gros mensonge.
28 sinvateue
‘Années '70, manifestations contre le projet VdB. « L'armée
pasa
‘en légitime défense, »
Car, parallélement, Paul Van-
den Boaynants décide, avec le
{général Roman, de la création
une nouvelle structure mill-
tale Issue directement de la
doctrine Weber : le « Public In-
formation Office » (PIO).
Caserné & ’époque a Duren
(RFA), lo major Jean Bougerol
test rappelé dare-dare en Belgi-
que par le général Roman, On
lui donne six mois pour définir
le « tableau d'organisation » ot
les « concepts d'utilisation » du
PIO, fin d’accomplir cette
‘mission, Bougorol regoit un bus
eau au SDRA 8, la branche
des services secrets miltaires
chargée de la «contre
Information », Début 1975, le
PIO est pret a se mettre en
marche. L’armée de VaB dis-
pase de son « instrument de Ié-
gitme défense» face & la
‘subversion »
«Mission complexe »
Depuls longtemps, plusieurs
fenquéteurs ont cherché a défi
i avec précision les missions
{qu’a pu effectivement accom-
plir le PIO. Rencontré récem-
‘ment, Jean Bougerol rious parle
d'une « organisation provisoire,
Issue des conclusions du rap-
port Weber et destinge a pro-
dire une Information de dé-
fense facealatres sensible ra-
dicalisation des milieux contes-
tatalres dans les années '70 »
Lex-patron du PIO évoque
‘ausel le concept de « conféren-
cers de choc mieux formés que
‘ceux du « speakers bureau »et
agissant ausein d'une structure
plus hiérarchisée ».
C'est un peu court. Pour en
savoir plus, « Télémoustique »
‘donc percé le secret de I'au-
dition & huls clos de Bougerol,
le 18 mars denier, par la Com-
mmission « Gladio ». Pressé de
questions, Vofficior était alors
Contraint @'admettre que le PIO
était bien plus qu'un « orga
rilsme de contérenciers de
coho ». Ila ainsi expliqué que
cette organisation était « une
sorte d’entonnolr ol entraient
des gouttes d'informations sur
les milloux contestataires »
«Sila goutte était verte, c’étalt
ppour la Défense nationale, si
lle état rouge, c’étalt pour la
Gendarmerie, si elle était
jaune, cela pouvait étre pour la
‘sécurité des Aifalres étrangé:
ros, si elle étalt bleue, o’était
pour la SOreté de I'Etat».
“iLest aussi apparu ala Com-
mmission « Gladio » que les 8s
nombreux voyages de Bouge-
rol étalent un autre aspect de
son travail pour le PIO. Ainsi,
dans le cadre de ce quill ap-
pelle sa « mission complexe »,
‘9 miltaire d’active a particips
dos tractations avec des oifi-
clers des phalanges chrétien-
res Iibanalses Beyrouth. 1
s'est aussi rendu en Irlande
pour étudier avec certains of
Cicls les disposi de lutte anti-
IRA. a également ssjourné &
‘Talwan ol Il regut une forma
tion en matiére de « guerre
psychologique » ot de « contre
Information ».
Toujours dans le cadre de
cette « mission complexe » le
major a donné des cours au
sein de corcies d'otficiers de
réserve sur les « techniques
d'infiltration subversives ».
Comme le falsait habllement
remarquer_un_parlementaire
lors du passage de Bougerol
devant la Commission « Gla:
dio», «on a le sentiment que
‘ces cours pouvalent étre enten-
dus au premier et ay deyxiéme
dogré. Au premier degrs,
était une explication de le
stratégie contre-évolutionnare
pour combatte les techniques
inftvation communiste, Ony
para callers des « barbares
Kirghizes » et autres avec ung
butalté tout fait remarque-
blo, C'est une premiére lecture
ily en a une autre. Bougera|
déorivalt de manidre ts pré-
cise les bonnes techniques &
utiliser pour prendre le pouvo,
inflter apparel d°Etat et ip
clémanteler. Dans ces cours,
précisalt ailleurs: « Apres
cola, il n'y @ plus qu’é ramas-
ser le pouvoir». Réponse du
major Bougerol: + Javaig
conscience du fat qu'une inter
prétaton pouvat se dégagey
Ge certains de mes totes, Lop
textos auxquols la Commission
falt rr
des offciers de réserve, Lor
{que je m’adrosssis& des gong
ul oxeroent le métior mili,
jlutlsals un vocabulaire, ung
technique d'approche parte |
brutale qui devatmarquer cof
personnes...»
De bric ot de.
Lune des personnes ail
ura été plus quo probable
ment « marquée » par les cour
« antisubversifs» de Bougar
n'est autre que Voiier de ré-
serve Paul Latinus. Calui qu
quolques années plus tard |
créera organisation do rons
‘gnoment parallle « Westland
New Post» ragolt notamme
tos ensolgnements du malof
sur les « barbares Kirghzes 5
au soin du BROC : Ie « Baba
Reserve Officer Club». EN}
1975, cotte association d'of§
ciers d'acive et de 163079 =I
oii 'ontrowalt, notamment
colonel Paul Detrembleur, {tg
patron du SDRA entre 1981
41964 — était assigné pout
che de révellr quelque Pl
esprit « patrotque » dos O.Fi
regroupés a '6poque dans 48
cetcles jugs trop « mous id
+ folkloriques :
Dans esprit exact de |e
«Défense miltare d’ex- crets étrangers et que lors de Magazine” dans "inforep
Qube de lectsure dus Nouvel, tt@me droite luttant contre la certains accompagnements du C'est ainsi qu'un ancien
Europe Magazine, d’ed sont décadence: morale de Occ major Bougero, elle a méme mouvement fasciste "Jeure
issue, on le sait, les activistes dent : le « Rouvre » du finan- bénéficlé de certificais de s¢- Europe", Jacques Vander
ae et ee ae isurt cler Richard van Wick, con- curt OTAN! Curleux mélange Bemden, est parachuté &
Go la Jeunesse. Argument de damné Ilya quelques années entre intéréts miltares, privés — 18te de la revue de presse a”
Bougorel Ls Plo dovatr&- dans le cadre du glganiosquo ot allaniques. tsubversve du PIO privé.
corer oulse es demandes dossier de traude fecale dv Les lations PIO-PDG sont ss page
Envormafon av” sinon"‘on Orédt commercial et nancier encore plus patentes & part
30 eésoustiquepage 30
Sociétés mafieuses
Quid de PDG? Ila 616 justo-
‘ment question trés longuement
de cette socisté, en février der-
nier, devant le tribunal correo
tionnel de Bruxelles, dans le
‘cadre d'un procés pour fraude
fiscale of on trouvait le baron
de Bonvoisin sur le banc des
seasion d'un
tore, le eub-
stitut du. procureur’ du. Roi,
M, Godbill, a alors affirms que
les activités, de PDG s'inscrl-
vaient dans une « mouvanos
‘mafieuse » de sociétés belges
ot étrangeres au sein desquel-
les apparaissent des escrocs,
espions, truands, trafiquants et
des fanatiquos d’extréme
droite. Une véritable tolle
d'araignée illustrée en au-
dlence publique au moyen d'un
schéma, Point commun de la
plupart de ces frmes, elles ont
Cconnu des failites retentissan-
tes ot des ennuls avec le fisc.
Dans enguéte du parquet
de Bruxelles eur la « mou-
vance » PDG apparaissent
galement des noms qui nous
raménent tout droit & Vaffalre
Latinus et au « Westland New
Post ». Ainsi celul de Karel de
Lombaerde, un ancien Waffen
SS qui a ét6, on le sait, lo
«mentor» idéologique ‘du
WNP. Selon le substitut God-
bille, de Lombaerde était no-
tamment en contact avec ia so-
ciété « Universal Services »,
dont certains documents inter:
es établissent des liens avec
lune “société d’importexport
tis présonte dans le com
merce des armes. Toujours
dans le cadre de cette « mou-
vance» PDG décrite par
M. Godbille, Karel de Lom-
baerde a travaillé également
our le compte de la société
‘International Contact » qui,
fen collaboration avec des per
sonnes de la région de Nico, se
serait occupée de t'implanta-
tion et de la gestion de ca-
sinos...
‘André Dehaut est un autre
nom cité par le substitut God-
bille lors du procés PDG-de
Bonvoisin pour avoir regu des
préts d'argent de la « mou.
vance ». C8 garagiste apparait
par alllours dans un autre dos-
sler sulfurouxet... non élucid
Lattentat commis en 1981 con:
32. tiimoustqne
poate
Feud)
tre le major Vernaillen, un offi
cir de gendarmerie gui menait
tune bien dérangeante enquéte
sur un scandale touchant au
trafic de stupéfiant et impli-
quant certains de ses colle
ues. Il so fait que dans cette
affaire, la Mazda utilisée par le
‘commando criminel avait pré-
tendument ét6 volée Dehaut.
Son. propriéiaire? Faez Al
Aljaz, un « journaliste arabe »
ui epparait également dans le
dossier WNP pour avoir fait
Cortains « dons » et demandes
de missions & Latinus...
Quel complot?
Selon des informations ré-
‘contes publiées par nos contre
es du «Morgen», Faez Al-
Aljaz a entretenu par ailleurs
d'étroltes relations avec Van-
clen patron de la gendarmerie
pour la province du Brabant, le
‘colonel René Mayerus — iui
‘méme en rapport avec Letinus
selon le quotidien néerlando-
phone. Iles frappant de cons-
{ater que cet officier a été
aussi, pendant plusiours an-
niées, le contact d'information
dde Jean Bougerol la gendar-
merie dans le cadre du travail
Jean Bougerol. Cl-dessus (a
droite) & Vabbaye d’Aulne, au
temps de la tillice de Jésus-
Christ.
de renseignement du PIO sur
les milioux contostataires,
De plus, on nous explique &
bonne source que bien apres
la disparition officielle du PIO
militaire et alors qu'll talt pen-
sionné, Mayerus continualt &
étte fland de renseignements
politiques. En 1980 et 1981, ce
haut gradé de la gendarmerie
jovait encore, en effet, de son
prestige pour accéder aux lo-
‘caux dela gendarmerie, rue de
Louvain. Objectif: consulterles
dossiers infofpol de a Brigade
desurvelllance et derecherche
(BSR). Ce petit mansge a duré
Pendant plusieurs mois jusqu’a
ce que le lioutenant-colonel
Marchoul intime ordre & ees
subordonnés de ne plus don-
ner d'informations au colonel
fe. Mayerus, nl méme de lero
cevoir en leurs bureaux.
‘Notons enfin que Mayorus a
falt partio en 1981 du consell
Tadministration de la société
«European Institut Manago-
‘ment » (EIM). Cette filale du
groupe Unibras projetalt &
Pépoque de faire du gardien-
nage de dépdts d'armes de
FOTAN en Belgique et on yre-
‘rouvalt au poste de « secré-
{aire générale », Pancienne col-
laboratrice du PIO, tant elvil
que militaire, Myrése Legon.
Bien introdult la gendarme-
tie, Jean Bougorol Iétalt tout
autant & la Soreté de IEtat ott
Iraitalt principalement aveclo
‘commisaire principal Victor
Massart. On dit depuis long-
temps dans les couloirs du
square de Méeus que Massart
alivré des pans entiers de dos-
slats de a Sdreté surles milioux
« subversiis » aupatron de PIO
ot & sa collaboratrioe, Myrése
Legon.
Interrogé & ce sujet par la
‘Commission « Gladio », Bouge:
rolaconfirmé que Massart était
‘un amiet un « fournisseur d'in-
formations » pour les missions
duPIO. Hasardounon, avecle
‘commissaire Massart, on
tombe de nouveau sur'un des
acteurs ceniraux de Vaffalre
Latinus-« Westland New Post »,
C'est cefonctionnalre de a S0-
reté qui, sur les conseils d'un
proche du FrontdelaJeunesse,
Robert Thomas, recrute Paul
Latinus comme informateur ré-
munéré de la Soreté de Etat en
1979, puts le confle a officer
traltant Christian Smets,
En 1983, lorsque Latinus et
ses amis sabordent littérale
ment le « Westland New Post »
pour dénoncer la prétendue co!
lusion du commissaire Smets
avec leur organisation de ten-
seignement paralléle, Massart
este principal rolais de cos ac-
cusations au sein de la Sireté
En 1983 également — ily apra
tiquementsimultansité entrees,
deux affaires —, lebaron Benot
do Bonvoisin entame une vio-
lente campagne contre les
« complots » du commissalre
‘Smets et dela Sdret6 de Etat.
Encauso, une note de le Sareté
rédigée.en 1981 en grande par
tie grace aux investigations de
‘ce fonctionnaire, Objet: les
«relations entre Nouve-Europe
Magazine (NEM), NEM-Clubs
ft Front de la Jeunesse (Fi)
d'une part, etle CEPIC, d'autre
part ». Conclusion :« llapparalt
{que Benoft de Bonvolsin, trésc-
tlerduCEPIC, soutient, par so-
clétés et personnes interpo-
‘s6e8, financiérement_ divers
mouvements, dont Ie Front do
la Jeunesse »
‘Alors qui a comploté dans
otto affair? La SOreté contre
le baron? Ou'inverse? Au vu
de ce que Fon salt maintenant
cchacun jugera, mals pour no- |
tre part, nous aurions plutét
tendance a crolre Smets
lorsqu'l nous déclare : « Lat-
‘us voulat ma peau parce qui
est possible que, sans le sa
Yolr, en travalant sur 'extréme
droite, nous ayons touché des
Intéréis occultes dont nous
ignorions Pimportance »..
Michel Bouffioux.