Fiche n°338 - Janvier 2010

Ciguatéra : les remèdes traditionnels

sources d’antidotes
L a ciguatéra est une
intoxication importante
liée à la consommation
de produits de la mer.

, *3/2 450
Elle concerne environ
400 millions de personnes
vivant dans les zones
d’endémie, principalement

 
évalue à 100 000 le nombre
de personnes intoxiquées
chaque année, mais ce
chiffre, basé sur le nombre
de déclarations, est

, -./0112
largement sous-estimé. En
l’absence de traitement, le
poids socio-économique
de la ciguatéra est d’autant
plus lourd pour les
populations insulaires qu’il Heliotropium foertherianum%&'(

) 


)*
) 

entraîne une transition des +  

)
habitudes alimentaires
associée à l’émergence de 
  la carangue ou le poisson perroquet, pré-
maladies cardiovasculaires,  
 !

"
# sentent le plus grand risque d’intoxication.
d’obésité ou de diabète.
gratteux »… De tels témoi- Les symptômes de la ciguatéra apparais-
gnages abondent dans de nombreux pays sent quelques heures après l’ingestion

 
      
  mais peuvent durer des mois, voire des
et leurs confrères1 ont n’osent plus se nourrir de leurs pêches. années : dysfonctionnement du système
élucidé les mécanismes Avec une prévalence2 estimée à 100 nerveux central (inversion des sensations
de cette maladie. Ces 000 cas par an, la ciguatéra — plus com- de chaud et de froid), picotements et four-
  
 
    millements des extrémités, vomissements,
connaissances leur ont partie du globe — représente un problème diarrhées… La médecine moderne ne
permis de développer de santé publique majeur. Cette intoxica-            
des tests pour dépister tion alimentaire résulte de la consom- propose que de traiter ces symptômes. En
en laboratoire, parmi mation de poissons ou de bénitiers revanche, les remèdes traditionnels à base
contaminés par des toxines marines, les  
  

!    

une centaine de plantes
médicinales candidates,
celles qui possédaient
effectivement des
molécules actives. Leurs
travaux ont abouti au dépôt
par l’IRD d’un brevet pour
ciguatoxines, produites par une algue
microscopique (Gamberdiscus spp).
Comme de nombreuses toxines, celles-
ci s’accumulent dans les organismes
et leur concentration augmente au fur et
à mesure des échelons de la chaîne ali-
mentaire, des poissons brouteurs jusqu’à
l’homme. Parmi les 400 espèces de pois-
l’IRD (UMR 152), en association avec l’Ins-
titut Pasteur de la Nouvelle-Calédonie et
l’Institut Louis Malardé en Polynésie fran-
çaise, ont dépisté les molécules actives à
partir des plantes médicinales.
Etudier les ciguatoxines pour les contrer
Première étape, leurs recherches ont porté
sur les mécanismes moléculaires de cette
 
de la ciguatéra, l’acide
  
 "
sons concernées, les pêcheurs des zones maladie, liés aux modes d’actions des ci-
tropicales savent maintenant d’expérience guatoxines. Ces dernières font partie des
que les grands poissons prédateurs, 
 
 Il
rosmarinique. comme le barracuda, la murène, le mérou,  $#

Institut de recherche pour le développement - 44, boulevard de Dunkerque, CS 90009

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Fiche n°338 - Janvier 2010
Pour en savoir plus

CONTACTS :

Dominique LAURENT,   », précise Dominique Laurent,    
chercheur à l’IRD qui a dirigé ces travaux au sein de l’UMR !         -
 
  # 152. Grâce à des techniques de dosage   
      "  
chimique et de biologie moléculaire, sur contre la gratte. Les analyses moléculaires
Adresse : des modèles cellulaires de souris et  ont en effet révélé que la molécule active
IRD Polynésie française 88
   
  contenue dans les extraits de cette plante
BP 529 entre la toxicité des ciguatoxines et leurs correspond à l’acide rosmarinique. Bien
98713 Papeete - Tahiti &$ 9&- connu pour ses activités anti-virales, anti-
Unité Pharmacochimie des 
*
 8)
 )    *"%  *$-
substances naturelles et 6;8)», commente Mariko matoires, cette molécule n’avait encore ja-
pharmacophores redox - Matsui, ex-doctorante à l’IRD dont la thèse       
PHARMACOCH (UMR 152 - IRD portait sur ces travaux. dans le traitement d’intoxication alimen-
et Université Paul Sabatier - Les remèdes traditionnels à l’épreuve taire comme la ciguatéra. L’acide rosmari-
Toulouse 3)
!      
 &
  nique traite non seulement les symptômes
test de laboratoire rapide, dans lequel les mais aussi les causes de la gratte. L’IRD a
RÉFÉRENCES : effets des ciguatoxines sont mimés par donc déposé un brevet pour développer, à
l’utilisation d’un inducteur connu des pro- partir de sa structure chimique initiale, des
KUMAR-ROINE SHILPA,
   $   
    &     & "
MATSUI MARIKO, REYBIER K.,
DARIUS H. T., CHINAIN M., ' "  
 $  
  renforcé, tout en conservant son innocuité.
PAUILLAC S., LAURENT  & 
  Ces investigations auront duré globalement
DOMINIQUE. Ability of certain 


   &) #   - une vingtaine d’année, mais elles illustrent
plant extracts traditionally used teur », résume Shilpa Kumar-Roiné, docto-   &        
    rante à l’IRD qui vient de soutenir sa thèse alliant l’ethnopharmacologie à la biologie
to inhibit nitric oxide production in sur le sujet. Plusieurs plantes possèdent moléculaire, la tradition et la modernité.
raw 264.7 macrophages. Journal  &*$ ;


6, 2009, 123 fallu adapter un test de détection utilisant
(3), p. 369-377. doi:10.1016/j. une toxine pour révéler leur action détoxi-
jep.2009.03.039
 <      
 - Rédaction DIC – Mina VILAYLECK

MATSUI MARIKO, KUMAR- dates, une espèce a donné des résultats

ROINE SHILPA, DARIUS H. T., 
  
 "   "  =
CHINAIN M., LAURENT <
, aussi appelée
DOMINIQUE, PAUILLAC S.  "
Characterisation of the anti- Cette dernière est la plante médicinale 1. Ces travaux ont été réalisés en collabora-
$% 
 la plus fréquemment utilisée dans les re- tion avec des chercheurs de l’Institut Pasteur
7&
 L. (labiatae), a mèdes traditionnels contre la ciguatéra, en de Nouvelle-Calédonie et de l’Institut Louis

  
  Nouvelle-Calédonie, mais aussi au Vanua- Malardé de Polynésie française et en parte-
traditional medicine. Journal tu, à Tonga, en Micronésie, en Polynésie nariat avec les neurophysiologistes du CNRS
4
6, 2009, de Gif-sur-Yvette et de l’Ecole polytechnique
française et jusqu’au Japon. Ce petit ar-
126, 427-433. doi:10.1016/j.
buste à cime étalée en ombrelle peut at- de Palaiseau.
jep.2009.09.020
teindre 5 mètres de haut et sert opportuné-
ment comme plantes ornementales sur… 2. La prévalence d’une infection est le nombre
MOTS CLÉS : les plages. Était-ce un acte préventif des de personnes contaminées dans une popula-
Ciguatéra, gratte, plantes anciens qui a été perpétué ? tion à un moment donné.
médicinales, remèdes
traditionnels

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