Vous êtes sur la page 1sur 73

MÉTHODOLOGIE

PRINCIPES
Collection dirigée PB' Annie REITHMANN

SAVOIR REDIGER

Cécile VAN DEN AVENNE


SOMMAIRE

PARTIE 1

Du mot au texte: maîtriser l'écrit 7

1. Les mots sans mal 9


t Petit précis d'orthog raphe 9
Orthographe lexicale 9
Orthographe grammaticale 16
Orthographe: conseils méthodologiques lB
• le bon mot à la bonne place 20
Quelques confusions classiques 20
Uste des paronymes les plus courants 22
2 . De l'oral â l'écrit : la question du • style ~ 24
• Problèmes de syntaxe 26
Les phrasessegmentées 26
Lesanacoluthes ou ruptures de construction 27
Les structures interrogatives 2B
Les digressions 29
l/ya 30
On/nous 30
La thématisation enfrançais 31
De la jWdapositlon à la coordination et subordination 32
Les pronomsrelatifs :pronomsvagues/pronomsprécis 33
• Problème de mo rphologie : la négation 37
• Problèmes de lexique 3B
• Syntaxe et lexique : l'expressio n de ['abst raction 39
3 . La cohésion textuelle 42
• Cohérence sémant ique : progress ion de l'information,
co ntinuité, non-contradiction 42
• le système anaphorique 42
Les expressions dépourvues de référent clair 43
Accords en genre et en nombre 44
Reprises lexicales 45
1 l es te mps du pané 48 1 Qua nt ificateurs, appréciat ifs et argumen tation 80
L'opposition pau @simple/pauécompos@ 48 Peu/unpeu 81
L'oppositionpau@ simpl~ ou passécomposé/imparfait 49 A peine 82
Usage duplus-que-parfaitet du passé antéri~ur 50 Presque 83
Problémes de cohén!nc~ dans l'utilisation des t~mps ; M~me 83
observation d'exemples 50 1 Nom inalisation et argument ation 83
1 La ponctuation 51 1 Interrogation et argumentat ion 84
la virgule 52 1 Application : cont rôle d'orientation argumentative 87
Le deux-points 53
Le point-virgule 53
Problème de ponctuation 54
PARTIE III
Ecrits scolaires ou académiques :
PARTIE Il _-_ __
..maÎtriser
.. quelques
_ __
techniques
_ _ _ -- _ _ _ _ _
91..

_ __ _-_.__.__
Argumenter:
.... .. écrire pour
._- -_....persuader _-_ __
... ._...- .._.... _.__...._..._.-
55 1. L'éc:rlt a rgu me nt'
1 Préalable à toute rédact ion : comprendre un sujet
95
95
L Le. procéd•• logique. de l'argumentation : Rep@fef'les termes dés 95
micanlsme . de la rhétorique persuasive 59 Repérerles articulations 97
1 le syllogisme 60 Formulerla thése 98
1 la preuve 61 Enjeu du sujet 99
1 l'argument d'auto rité 62 Récofterdes exemples :affer dans le sens de l'auteur 100
1 l e raisonnement par a nalogie 63 Réfuter 101
I l e raisonnement par l'absurde 63 Confirmer sa these 103
Ile plan 103
2. L'argumentation dans la langu e : Plans explicatifs 104
le. outil. linguistique s de l'argumentation 65 Plan d'une démonstration 105
• Relier pour argumente r : des out ils de connexion 65 Applkation 109
Marquerla caure 65 1 les transitions 111
Marquer laconséquence, le but 68 1 Conclure 111
Marquerla concession 69 Une doublefonction :récapitulationet prospection 112
MarqueruM opposition ou une restriction :mais,cependant, la conclusion-action 114
routefois, néanmoins, pourtant 73 1 Développer une pensée 115
Ponctuer les moments d'un raisonnement :or 75 Dlfinirun mot, une notion 115
Apporterd'autresarguments 77 Illustrer : utiliserdes eJCemples 117
Amsi n
L'utilisationdes connecteurs :observation d'un exemple SO

- .- -,-
• Introdu ire liB PARTIE 1
Débuterun teKte : l'ancrage fflondatif 119
Capter fa bienveillance (captatio benevotentiae) 120
Cernerle sujet 122
Formuler une position 122
Annoncer le plan 122
• Applicat ion : const ructio n de textes argume ntatifs 726
Texte l :contrela grammairescolaire 726
TexteZ : maispourquoiémigrent-ils ? 727
2. Plst• • pour commenter un texte 731
• Compréhension du texte 131
• Plan du commentaire 132
Untexte argumentatif 132
Untexte explicatif 132
• Introduction 133
• Conclusion
• Application : un exemple de commenta ire de texte
133
733 DU MOT
Compréhensiondu text e 135
Construction du plan
• A vous maintenant
136
136
AU TEXTE:
MAÎTRISER L'ÉCRIT
BIBLIOGRAPHIE 139

INDEX 741

- -.
Du mot au texte: maîtriser l'écrit

1. Les mots sans mal

Petit précis d'orthographe

Même si t'ort hographe est dite « science des ânes », il n'en reste
pas moins qu'avoir une mauvaise ort hographe, pour un étudia nt
rendant un t ravail écrit, de même que plus tard dans la pratique
d'écrits professionnels, est to ujours pénalisant.

l' orthographe du français est particulièrement complexe parce


qu'elle n'est pas totalement univoque d'un point de vue phoné-
tique: un son n'est pas transcrit par une seule graphie et une seule
graphie ne tran scrit pas un seul son. Par exemple, le son [f] peut
êt re aussi bien t ranscrit par la graphie f que par la graphie ph. la
graphie r peut aussi bien noter le son It] dans nous rations, que le
son [sJ dans uneration.
D'autre s langues ont une écriture davanta ge phonétique, l'espa-
gnol par exemple, ce qui en facilite l'apprent issage, notamm ent
par des ét udiants ét range rs. l 'orth ograph e du français, qui se
présente (et ce malgré les réformes) comme une sorte de super-
positio n de différentes couches de langues fossilisées (les
fameuses ort hographes étymologiques), demande un long usage
et une longue familiarité pour être enti èrement maîtrisée.
Cependant, ne désespérons pas !

On distingue ort hographe lexicale et orthographe grammatica le.


l 'ort hographe lexicale est celle des mots à proprement parler, telle
qu'elle est consignée dans les dictionnaires.
l 'orthographe grammatic ale est cette des mots dans (a phrase, elle
concerne les phénomènes d'accord et de conjugaison.

Orthographe lexIcale

l'orthographe du français est si complexe qu'il est impossible de


réduire sa maîtr ise à quelques « trucs » qu'il suffirait d'appre ndre.

- ,-
Savoir rédig.e
".' - _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

la meilleure façon de se l'approprier de façon naturelle est d'en- Dans blé ou allée, la prononciation n'est pas la même que dans
tretenir une relation quotidienne avec l'écrit. Lire to us les jours, père ou sèm e. Faites attention également à la différence entre des
différents types d'écrits (litté rat ure, journaux, manuels), écrire prés et près de...
également un peu chaque jour, avec le dictionnaire à portée de
main pour vérifier tout doute que vous pourriez avoir. Cette fami- De manière générale, on trouve è lorsque la syllabe qui suit est
liarité quotid ienne avec l'é crit vous sera ut ile également pour formée d'une consonne et d'un e muet, et dans le cas cont raire.
é

maîtriser peu à peu tes codes de l'expression écrite, ce que nous Exemptes : enlèvement, discrètement. il sèmera et tém oin, léser.
verrons ultérieurement. téléphone...

Au fil de vos lectu res et de vos travaux d'écriture, faites-vous des Attent ion aux mots de la même famille, dont le e prononcé lE] ne
fiches personnelles consignant « vos fautes bien à vous », celles comporte plus d'accent : enlever. sem er, discret (ici. c'est la
que vous faites régulièrement, les mots qu' il vous arrive de présence de t qui permet le son le]).
confondre... Avec un mémento de ce type, vous éliminerez peu à
peu les erreurs qui se glissent dans vos écrits. Remarque : le dernier rapport du Conseil supérieur de la langue
française sur les rectifications de l'orthographe (1990) autorise
Si c'es t à vous de fournir la plus grosse partie du t ravail, voici que le mot événement soit ortho graphié évènement, selon une
cepend ant quelques remarques sur des points classiques d'achop- graphie en accord avec ta prononciation contemporaine. les deux
pement en ort hographe lexicale . l ors d'enquêtes menées en graphies sont consignées dans les dictionna ires. Sachez cependant
France, après exam en de copies de première année à l'université, il que vous pouvez tomber sur un correcteu r te vieill e école » qui
a été consta té que tes quatre causes principales de faute s d'ortho- aura fait de cett e perte rare son cheval de bataille...
graphe étaient les suivantes : It en est de même pour les mots suivants : abrègement, affé terie,
• l'accent circonflexe; allègement. allègrement. assèchement. cèleri. complètement,
• les consonnes doubles ; crèmerie. empiëtement, hébètem ent. règ fementaire, réglem entai-
• les lettres grecques : rement, réglementation. règlementer. sécheresse...
• les fi nales« -ant »/« -eer » et e -eece »/« -ence ».
Ce sont ces points que nous allons part iculièrement observer. ainsi L'accent grave pour distinguer des hom onymes
que d'a utres. l 'un des emplois de l'accent grave (quand il n'est pas sur un e) est
de permettre de différencier des homonymes.
Lesaccents et le tréma Distinguez bien à. la préposition, de a, la forme du verbe « avoir » ;
là, adverbe, et la. article ou pronom personnel ; çà. adverbe (dans
l'accent aigu et l'accent grave sur le e çà et là), de ça, pronom démonstratif.
Placés sur le e. l'accent aigu é ou l'accent grave changent le son
è Distinguez bien où. marquant le lieu, de ou, conjonction de coor-
tran scrit : é tran scrit le son [el, t ranscrit le son [E]. les copies
ê dination.
d'étudian ts laissent voir une grande confusion dans l'emploi de ces
accents (de nomb reuses copies laissent voir aussi une absence Attention: les expressions latines a priori, a posteriori, a minima ne
to ta le d'e mploi des accents , tout est écrit e, au correcteur de comporten t pas d'accent sur le a.
« d ém êler »]. Un peu d'attention et de relecture permettent d'évi-
ter les confusions.

- 10 - -11-
Savoir rédige..'' - _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

L'accent circonflexe Récapitulatif : l'accent circonfl exe


L'accent circonflexe est l'une des difficultés de l'orth ographe de la
tangue française parce qu'il est une trace historique d'un ancien
état de langue (trace d'un ancien s. comme dans forêt, s que l'on Terminaison de conjugaison Distinction d'homonymes
ret rouve dans forestier : ou bien t race d'une ancienne voyelle en al passé simple al sur u
hiatu s, comme dans sûr, qui s'écrivait anciennement seur).
Il sert esse ntiellement de nos jou rs à disti nguer des mots qui nous aimâmes, nous suivîmes, mûr/mur : unfruit mûrsur
seraient homographes (s' écrivant de la même manière). nous voulûmes un mur
vous aimâtes, vous suivît es, dO/du : donne-moi dupain,
Exemples vous voulût es c'est mondû
• dO, part icipe passé de « devoir », et du, article; sOr/sur : surcet arbre, lesfruits
• mûr, adject if, et mur, nom : sont sur.j'en suis sOr
• sûr = certain, et sur = aigre ou sur préposition ;
• tâche = t ravail. et tache = souillure. b) imparfa it du subjonct if bl sur a
qu'il etmët . qu'il suivit, qu'il tâche/ t ache : sa tAche est
Prenez garde à distinguer crû. participe passé du verbe « croître » voulût d'effacerles taches
et cru, participe passé du verbe « croire » ; les pronoms possessifs mâtin/matin : ce matin,j'ai vu
le vôtre, lanôtre et les déterminants possessifs notre, votre (c'est ungros mAtin (chien)
notreami/ifest des nôtres).
cl plus-que-parfa it du c) sur 0
subjo nct if côte/co te : sa côte de porc ala
qu'il e ût aimé , qu'il eOt suivi, cote
qu'il eût voulu nôtre/notre : notrefrère n'est
pasle vôtre
vôtre/vot re : votre frère n'est
pasle nôtre

- ,, - -,, -
Savoir rédige!"' - _ Du mot au texte: maîtriser l'êcrlt

Let réma Faite s-vous vos fiches personnelles, n'hésitez pas à vérifier dans le
Il se place toujours sur la deuxième voyelle, qui se trouve ainsi dictionnaire.
détachée de la voyelle précédente.
Exemples: a/eul. na/t. sto /que, aiguë, exiguë, contiguë , caphar- Même chose pour les consonne s doubles. Certaines ont une vraie
naüm... fonction, celle de distinguer des homonymes : cane et canne ;sale
et salle ; vile et vilfe... Ce ne sont généralemen t pas celles-là qui
Remarque: le rapport du Conseil supérieur de la langue française posent problème. Ce sont les autre s, celles qui ne sont ni pronon-
sur les rectifications de l'orthographe préconise que dans les cas cées ni utiles pour la distinction d'h omonymes , celles dont on
de aigüe, exigüe, contigüe... le t réma se place sur le u qui est apprend des listes en classe primaire (mais qui bien souvent ont
prononcé, et non sur le e, qui ne l'est pas. résisté à l'apprentissage...) : deux p dans apparaître, un seul dans
apercevoir... A vos fiches et dictionnaires!
Les finales muettes
Les adverbes en « -m ent »
De nom breuses consonnes finales en français son t dites
« muettes » : elles ne sont pas prononcées à l'oral. Mais on ne peut Ils sont très souvent mal ort hographiés. Deux principes sont à
(es oublier à l'é crit. Très généralem ent, elles ont pour fonction retenir, l'un concerne la prononciat ion, l'aut re la finale de l'adjec-
d'assurer la cohésion au sein d'une famille de mots, c'est-à-dire tif sur lequel l'adverbe est formé.
qu'elles vont appara ître prononcées dans d'aut res mot s de la
même famille. • Si l'adverbe est prononcé avec une finale « -ament ». l'orth o-
Exemples: canard, canarder (tirer sur quelqu'un comme dans la graphe de cette finale est «-amment » ou « -emment ».
chasse aux canards) ; cafard, cafarder ; parlement, parlementer ;
teint. teinter, etc. - Sil'adjectif sur lequel l'adverbe est formé se termine per « -ant »,
l'adverbe se termine par« -amment ».
A chaque fois donc que vous hésitez sur une finale, pensez à un Exemple : constant/constamment
mot de la même famille.
Il en va de même pour les fi nales de participes passés : mettez-les - Si l'adject if sur lequel t'adverbe est formé se term ine par « -ee r »,
au féminin pour savoir s'ils comportent ou non une lettre muette : l'adverbe se termine par « -emment ».
écrit/écrite, comprislcomp rise, mais fini/finie... Exemple : évident/évidemment

Les lettres étymologiques et les consonnes doubles • Si l'adverbe est prononcé avec une finale « - ément », t'ort ho-
graphe de cette finale est « -ément ».
Le h latin (adhérence, inhalation), les rh, th, ph, ch, et y grecs Exemple : passionnémen t
(chronomètre, psychologie, schizophrène...) : héritage de l'histoire
et de la place accordée à la t radition écrite en France. Pas d'autre • Si l'adverbe est prononcé avec une finale en « -ement », cette
solution que de les apprendre en attendant une bonne réforme de finale est ort hographiée « -ement ».
l'orthographe qui nous en débarrasse... Faites attent ion à ne pas Exemple : amo ureusement
t rop en rajouter : par exemple *éthymologie mis pour étymologie 1

- 1. - -~-
Savoir rédig.,e"-' _ _ _ _' - --'Du mot au texte: maÎtriser l'écrit

Les finalesen « -ance»/« -eeeé», « -ant »l« -eee » le cas de l'accord du participe passé est toujours délicat.

Ainsi que nous l'avons not é en intr oduction, ces finales font partie • Si le participe passé est employé avec être, il s'accorde avec le
des quat re types de fautes les plus fréquentes. sujet. Ce n'est généralement pas ce point qui pose problème.

e -ence» est un suffixe qui s'ajoute à des verbes pour former des • Si le participe passé est employé avec avoir, et que le complé-
noms marquant l'action ou le résult at : souffrance, vengeance, ment d'objet direct estplacéavant lui. il s'accorde avec celui-ci.
attirance,rouspétance.
Exemple
e -ence » est un suffixe qui forme des noms correspondant soit à Lescoups qu'ilm'adonnés,je les lui ai rendus.
un verbe et à un adjectif en « -ent » :adhérence ; soit à un adjectif
seulement : intermittence, truculence. immanence ; soit à un verbe • lorsque le participe passé est employé dans une forme pronomi·
seulement : ingérence. C'est dans ce dernier cas qu'il peut y avoir naie, on t rouve plusieurs cas de figure selon que le pronom réflé-
des confusions ent re les deux finales « -ence » et « -ance ». chi est objet direct ou non.
Vérifiez systémat iquement dans le dictionnaire, dès que vous avez
un doute, et laissez faire vot re mémoire qui à la longue « impri- - Si le pronom réfléchi est objet direct, le participe passé s'accorde
mera » la bonne forme. avec ce complément.

« -ant » est un suffixe formant des adjectifs sur une base verbale Exemples
ou non : abracadabrant, itinérant, migrant. • Ils sesontinjuriés. (Ils ont injurié qui? : eux.)
• Les coups d'œilqu'ils se sontlancés enpassant.
«-ent » est un suffixe formant des adjectifs à partir de noms en
« -ence » :réticent. - Sile pronom réfléchi est complément d'objet indirect, le participe
passé est invariable.
Orthographe grammaticale
Exemple
On vous pardonnera beaucoup moins [es fautes d'o rt hograp he Us se sont plu aupremiercoupd'œil.
grammaticale que tes fautes d'ort hographe lexicale. Si les
secondes peuvent être excusées par l'ignorance ou t'inadvertance - Si le pronom est inanalysable (nicomplément d'objet direct, ni
(on peut vous pardonner de ne pas connaître par cœur l'intégralité complément d'objet indirect), le participe passé s'accorde avec le
du dictionnaire...), les premières témoigneront cont re vous d'une sujet.
méconnaissance du fonctionnement de la langue française.
Exemple
Lesaccords Elle s'est délectée depouvoir enfinfaire tout ce qui étaitinterdit.
Fait es bien attent ion aux accords (sujet/verbe ; sujet/part icipe Excepti on : te part icipe passé de se rire, se plaire, se déplaire, se
passé : nom/adject if). Un peu d'attent ion et de relecture éliminent complaire est invariable.
tes fautes d'accord.

- ,,- - 11-
Savoir rédlge" r' - ~ _ Du mot au texte ; maîtriser l'écrit

Les terminaisons de conjugaison s'attache plus à poursuivre son idée qu'à faire attention à la façon
dont on écrit ne résist ent généralement pas à une bonne relec-
Faites attentio n également aux t erminaisons de conjugaison et t ure : elles sautent aux yeux. j'entendais dernièrement à la radio
aux confusions possibles entre différentes termi naisons. un professeur de philosophie t émoigner : lorsqu'un élève lui avait
rendu une cop ie avec une faute à chaque mot, il l'envoyait au
Les terminaisons « -el » ou « -ais » à la premi ère pers onne du tableau réécrire les mêmes phrases. Une fois au tableau, il écrivait
singulier dans une ort hographe parfaiteme nt correcte ...
la première est la terminaison du passé simple, pour les verbes du
premier groupe, la seconde la te rminaison de l'imparfait. la valeur Faire relire par d'autres
du temps employé est différente : le passé simple s'emploie pour
une act ion ponctuelle, l'imparfait pour une action qui dure ou qui l orsq ue vous produisez un écrit, faites -le relire par d'autres dès
est habituelle. l'identification peut se faire classiquement en chan- que vous en avez la poss ibilité (cela deviendra indispensable
geant de personne (il à la place de je : je chantai/ if chanta ou je lorsque vous aurez à rédiger un écrit long : rapport ou mémo ire). Il
chantais/ilchantait). est parfois difficile de se relire soi-même lorsqu'on connait trop ce
que l'on a écrit. la relecture par un tiers devient alors plus efficace.
l es termina isons « -ra; » ou « -rais» à ta premiè re personne du
singulier Méthode active :autocorrection et mise en fKhes
la première est la terminaison du futur de l'indicatif ; la seconde
celle du conditionnel présent. Lesemplois sont bien entendu diffé- A l'issue de vot re propre relecture, ou de celle de quelqu 'un
rents. l' iden t ificat ion peut se faire comm e précédemment par d'autre, répertoriez vos fautes , classez-les, et faites de la mise en
substitution de personne (tu à la place de je :je pourrai/ tu pourras fiche (lexique/grammaire; y a-t-il des type s de faute s qui revien-
ou je pourrais/tu pourrais). nent constamment ? etc].
Cette mise en fiches vous aidera à prendre conscience de vos
la terminaison d'infinitif « -er» et la terminaison de participe fautes. JI est à parier qu'une fois mises en fiches, ces fautes dispa-
passé «-é » raîtront d'elles-mêmes de vos écrits, du fait même que vous en
Grand classique des copies , même si l'erreur para it t riviale 1 avez pris conscience.
Comme précédemment, le « t ruc » a dû êt re appris en classe
primaire : on substit ue au participe passé du premier groupe un Faire travaitfer sa mémoire
participe passé d' un verbe du deuxième ou t roisième groupe (je
l'aientendu crier/je l'ai entendu rire). La correction orthograph ique est avant tout affaire de mémoire.
Relisez régulièrement vos fiches (notamment avant un devoir sur
Orthographe: con. .Us méthodologiques ta ble), pour éliminer progressivement les fautes récalcitrantes. Et
surt out lisez ! C'est en lisant abondamment, quotidiennement,
L'attention et la relecture que vous exercez votre mémoire visuelle et gardez en tête l'image
graphique des mots, qui ensuite viendront nat urellement sous
l'essentie l en matière de correct ion ort hographique est de vot re plume. Un mot cent fois lu, un mot familier, ne pose généra-
t oujours garder un temps pour la relecture avant de rend re un lement aucun problème : écririez-vous un homme, sans h et avec
devoir écrit. l es fautes dues à la précipitat ion et au fait que l'on un seul m ? ! A force de Ure tous types d'écrits, mais surtout des

-,, - - 19 -
Savoir rédige r Du mot au texte: maîtr iser l'écrit

écrits littéraires, tes mots les moins fréquents vous deviendront Dans la première forme, le pronom personne l féminin est précédé
égale ment familiers, et vous n'hésiterez plus sur l'ort hographe d'une forme qui peut être un relatif (Sais-tu ce qu'eflem 'a dit 7) ou
d'hécatombe ou d'étym ologie... une forme introduisant un ordre ou un souhait (Qu'elle parte 1).
Elle est donc forcément acco mpagnée d'un verbe.

Le bon mot à l a bonne place Quel que/quelque

la première forme est un adject if suivi d'un relatif, elle sert à


S'il import e d'éc rire les mots sous leur bonne forme, il import e former une concessive avec le verbe .: être » au subjonct if : quel
encore plus de mettre te bon mot à la bonne place. Il s'agit ici de que soit...
prendre garde aux paronymes, c'est-à-dire aux mots qui ont une la seconde forme est un adject if, toujours accompagné d'un nom :
forme quasi identique mais qui ne veulent abso lument pas dire la quelque chose.... ou un adverbe qua lifiant un adjectif : quelque
même chose. m échant qu'ilsoit...

quelques confusions cla s sIques Quoi que/quoique

l es confusions les plus classiques t ien nent à de s différences Quoi que tu fasses. Quoique tu sois charmant...
d'ordre grammat ical : confusion entre adjectif et part icipe présent, l e premier introduit un complément d'o bjet, le second est une
adjectif et nom, adverbe et nom. conjonction introduisant une opposition ou une concession.

Fatiguant/fatigant Davantage/d'avan tages

la première forme est un part icipe présent, elle est invariable (En
« Elfe avait peu d·avantages. po uren avoirdavantage {...] Davantage
se fatiguant un peu, if pourrait arriver à un meilleur résultat ). l a d 'avantages avantagent davantage ». chante Bobby t apclnte.
seconde forme est un adject if (fatigant/fatigante) . Davantage est un adverbe, d 'avantages le nom accompagn é de son
dét erminanL
Différant/différent

la première forme est un participe présent, invariable (Ne différant


en rien de son [rére. il est to ut aussi insupportable). la seconde
forme est un adject if (différent/différente) .

Qu'elle/quellquefle

les deux dernières formes sont des formes d'adjectif s, soit inte r-
rogatif (Que lle m ouche l'a piqué 7 ; Ne pas savoir sur qu el pied
danser), soit exclamatif (Quelle horreur!; Quel crétin f). Ces deux
formes doivent donc t oujours être accompagnées d'un nom.

- 21 -
-~-
Savoir rédige
~r~ _ _ _ _ _ __ _ _ _~D~u'_"
mo~a u_texte : maÎt riser l'écrit

Uste des paronymes les plus courants Inclination : penchant conce r- Inclinaison : éta t de ce qui est
nant la vie mora le ou les senti- incliné, penché.
Abjurer : a bandonner solennel- Adjurer : supplier. ments.
tement une religion o u une
opinion. Oppressé : gê né dans ses fonc- Opprimé : vict ime d'un
tions respirat oires par une pouvoir tyrannique.
Affectation : ma nque de Affect ion : attachement, cause physique ou par l'an-
natureL t endresse. gcisse.
Allocat ion : somme d'argent Allocution : discours. Perpétre r : accomplir une Perpétuer : ma intenir, faire
attribuée à quelqu'un. mau vaise act ion. dure r.
Alternance : succession Alternative : sit uat ion où
Romanesque : qui concerne le Roma nti que : qu i a les t raits
régulière de deux éléments l'on doit choisir ent re deux
roma n. caract érist iques de la litt éra-
(ex : deux systèmes politiques). so lut ions.
ture roma nt ique.
Bibliographie : liste des Biographie : récit d'une vie.
ouvrages écrits sur un sujet.
Conjoncture : ensemble des Conjecture : hypothèse,
facteurs qui définissent une su pposition.
sit uation .
Dém yst ifie r ; détro mper les Dé mythifier : enlever ta
victimes d'une mystificat ion qualit é de myt he.
(canular, dupe rie).
Désint éressem ent : qualité Désint é rêt : indifférence,
d'un acte ou d'une pe rsonne détachement.
q ui ne cherche pas l'int érêt
personnel ou le profit.

Humaniste : qualifie un mode Humanitaire : qui a pour souci


de pensée o u une cult ure le bien des hommes (organisa-
cent rés sur l'ép anouisseme nt tiens humanitaires).
de l'homme et les valeurs
huma ines.

Eminen t : qui est au- dessus Imminent : qui va se produire


du niveau commun. bientôt.

-,,- - ,,-
Savoir rédlge.,''--- _ _ ~D..
u mot au texte : maÎtriser l'écrft

2. De l'oral à l'écrit: la question 4. Dans cetextrarr. ily aplusieurs fantaisiesorthographiquesde l'au-


_ ..__.__«....s"'le«
...._du _~.~..... _ _ __ _ __
....._.... .... ... ..._....._.... .... _....__.._.... .... ..._...._....- teur.

5. Descartes s'exprime ici en français sans doute pour la première


Beaucoup de fautes sanctionnées dans les copies d'étud iants tien- fois et le problème de ce texte est justement qu'il est « critiqué " en
nent au style. l es enseignants les relèvent en indiquant : faisant cela.
« style! », « style oral» ou « style relâché »...• bien souvent sans
donner aux étudiants les moyens de comprendre et d'accéde r au 6. Lelatinn'est plusla langue maternelle. aforsque le français oui.
style attendu dans les écrits de type académique.
On peut se demander s'il n'y a pas une concept ion élitiste impli- 7. Descartes dit qu'il faut s'en délivrer, pourquoi écrire dans une
cite, à savoir que le style serait en quelque sorte inné : certa ins langue que personne ne parle couramment et tous les jours en
ét udiants auraient du style et d'autres non. S'il semble ce qu'il y a France, point de vue de lacommunication?
de plus complexe à aborder. le sty le écrit peut touj ours êt re
amélioré et t ravaillé. 8. Au Xlf siècle, le latin est la languedes érudits, la langue du savoir,
tandisqueles différenteslangues vernaculaires sont méprisées, elles
tes « fautes de style » tiennent en fait souvent à des interférences n'ont aucun prestige littéraire. c'est le langage du peuple. qui est
entre style oral et style écrit. En prenant conscience de caractéris- oral alors que le latinest la langue de l'écriture. d'où son prestige.
t iques propres au discours écrit. qui font qu'il est fondamenta le-
ment différent du discours oraLon peut arriver à le maît riser. Toutes ces faute s de style sont dues à des interférences avec l'oral
les faute s de style sont donc dues à ce qu'o n peut appe ler des
« rupt ures de cohérence sty listique
1) : l'étu diant fait usage de Dans l'exemple 1, on remarque la tournure orale (avec j'utilisation
tourn ures ou variantes connotées com me orales et qui son t du pronom on) : comme quand on parle.
réprouvées par la norme de l'écrit.
Dans l'exemple 2. on remarque deux tournures orales : le détache-
Pour prendre conscience de ce phénomène , voici un corpus d'ex- ment c'est que... et t'emploi d'une négation qui omet le
tra its de copies. censurées par des enseignants. Essayez, dans les morphème ne.
différents cas, d'expliquer ce qui cause la rupt ure de cohére nce
stylistique. Dans l'exemple 3,l'utilisation du pronom l' dans ne l'utilise pas le
latin est redondante par la présence du complément d'objet : le
1, Onremarque que Queneau écrit comme quandon parle et voire latin. Il s'agit d'un phénomène de phrase segmentée .
même une langue plusenfantine.
Dans l'exemple 4, c'est la tournure vague ily a qui est plus parti-
2. Le statut phonologique de la diphtongue c'est qu'elle peut se culièrement connotée comme orale.
situerqu'aprèslesconsonnes s. d, v et g et en final.
Dans l'exemple S, il s'agit d'un problème de lexique, avec t'emploi
3, Sil'auteurne l'utilise pas le latin, celadémontre que le latinn'est du verbe critiquer qui est ici familier (('utilisation des guillemets,
plus considéréou plutôt n'a plus te même statut qu'avant. qui le signale, n'excuse rien).

- 24 - - ,, -
Savoir rédig;,o". _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

Dans (es exemples 6 et 7,les tou rnures synta xiques sont propre- Pour prendre conscience du phénom ène, corrigez les phrases
ment orales avec des ruptures de const ruction (absence de lien suivantes (qui pourraient êt re extraites de copies d'ét udiants 1).
syntaxique : le français oui, insertion d'un énoncé inte rrogat if non
introduit, commentaire sans lien avec ce qui précède : point de vue 1. Dans le pays dit d'accueil, les immigrés en fait y sont mal
de lacommunication). accueillis.

Dans l'exemple ê. I'tnsertion de l'énoncé c'est le langagedu peuple 2. Lesécrivains romantiquesse réfugient danslanature. Là ils y trou·
ent raîne une rupture dans ta const ruction de ta phrase. vent le bonheur.

l es prob lèmes d'interférence entre écrit et oral jouent do nc à 3. Les immigrés, s'ils ne transmettent pas leur langue d'origine à
plusieurs niveaux : au niveau syntaxique, au niveau lexical, mais leursenfants, ils sontencore plusdéracinés.
également au niveau morphologique. Nous aUons passer en revue
les problèmes spécifiques à ces différents niveaux. Dans les phrases 1 et 2,y (complément de lieu) est redondant.

Dans ta phrase 3, le pronom ils, qui reprend le sujet les immigrés,


Problèmes de syntaxe est redondant.

Les anacoluthes ou ruptures de construction


l e discours oral est caractérisé par des courbes mélodiques, des
accent s d' intensité, des pauses. 1\ présente des hésitations, des l e terme « anacolut he» dés igne les ruptu res de const ructio n.
répétit ions. Certains énoncés commencent et « restent en l'air ». Fréquentes à l'oral. elles sont à bannir de l'écrit.
l e discours écrit au cont raire est composé de phrases, commen-
çant de manière conventionnelle par une majuscule et se termi- Observez les exemples suivants.
nant par un point. la ponctuation écrite n'a que peu de choses à
voir avec les pauses de l'oral. Chaque phrase par ailleurs doit avoir 1. En 1539, l'édit de Viffers-Cotterêts établit que tous les papiers
une unité syntaxique. l es répétitions, (a redondance synta xique administratifs et autresseront en français, devenant ainsideplus en
son t proscrites. Comme nous l'avo ns souligné plus haut , les plus lalangue haute audétriment du latin.
« phrases segmentées» sont très abondantes à l'oral. Elles sont
absente s du code écrit, qui valorise la pratique de la subordination 2. De plus, de grands écrivains comme Ronsard ou encore Du Bellay
au sein de la « phrase complexe ». ont misen valeur lalangue française avec notamment La Franciade
pour Ronsard, mais également un enrichissement du vocabulaire
Les phrases segmentées français grAce à sesdifférentessouches latines et grecques.
l' écrit ne peut comporter de phrases segmentées. Prenez donc 3.Espéronsque ce triste bilan incitera lesautorités à moderniser et à
garde à tous les phéno mènes de red onda nce (un suje t ou un améliorer les équipements de l'aéroport, notamment l'installation
complément répété deux fois, l'un sous sa forme pleine, l'aut re d'un radar d'approchesophistiqué réclamé depuis plusieurs années
sous la forme d'un pronom de rappet). parles pilotes.

- ~- - 27-
Savoir rëdige
~r _ Du mot au texte : maîtriser l'êcrlt

4. Dans les premierstemps. lelatinclassique. parléque parune élite Z. êst-ce que cette approche s'applique-t-elledans un tel cas ?
occupait lafonction de langue haute, c'était lalanguede l'adminis-
tration. dupouvoir, dusavoir, desclercs, en opposition avecla lingua Dans l'exemple 1, il faudrait avoir recours à l'interrogat ion par
matema, comme l'appellera Dante, toutes langues vernaculaires inversion (qu'éprouvent-ils) à la place de l'utilisation de la locu-
qui avaient donc le statut de languebasse. lalanguedupeuple. tion est-ce ece. typique de l'orall'inversion permettra it même de
conserver la phrase segmentée. de connotation orale mais qui
Dans t'exemple 1, la proposition participiale utilisée impliquerait peut avoir ici une valeur expressive (les enfants martiniquais, qui
l'utilisation du même sujet dans la proposition principale. [...] qu·éprouvent-ils... plus expressif mais également plus oral que
l'utilisation d'un sujet diffé rent entraîne une rupture de construc- qu'éprouvent les enfantsmartiniquais...).
tion.
Ainsi, il aurait fallu écrire : (...] français, qui devient ainsi... l'exemple Z présente une redondance dans l'expression de l'inter-
rogation puisqu'il accumule l'utilisation de la locution est-ce que
Dans l'exemple Z, on ne sait avec quoi se construit le syntagme et de l'lnverslcnt'lnverslon seule suffit. l'erreur est courante, elle
nominat un enrichissement... Peut-être peut-on écrire : [ }et ont révèle une interférence entre code oral et code écrit.
également contribué à l'enrichissement de son vocabulaire .
Les digressions
Dans l'exemple 3,Ia rupture de construction entraîne une lncob é-
renee sémantique (au niveau du sens). Ainsi apposé. l'instalfation les énoncés oraux sont pleins de digressions.A l'écrit, l'insertion
semble développer le sujet triste bilan. Il aurait fallu écrire : [.,.] d'un commentaire à caractère digressif est délicat et nécessite
notamment à réaliser.... sur te même plan syntaxique que Amoder- d'être signalé.
niseret à améliorer.
Observez t'exemple suivant.
Dans l'exemple 4, toutes langues vernaculaires ne peut reprendre
l'élément qui précède lingua materna, puisque ce groupe nominal L'apprentissagenécessaire de la languefrançaise. lesenfants marti-
est au singulier, Il s'agit donc d'une rupture de construction. niquais peuvent n'avoirjamaisentendu parlerque le créole, accen-
tueles difficultés pourl'apprentissage delalecture.
Les structures Interrogative s
l' énoncé central entre virgules peut être considéré comme un
l'expression de t'interrogation n'est pas la même li l'oral et li énoncé parenthétique.11 est insuffisamment marqué comme tell!
l'écrit.Al'oral on utilise la locution interrogative « est-ce que », et faut soit le noter entre parenthèses, soit expliciter davantage le
bien souvent l'intonation simplement suffit, A t'écrit, l'expression lien de cause à effet qu'il entretient avec le sujet de la principale :
de l'interrogation se fait par l'inversion du sujet. L'apprentissage nécessaire de la langue française, du fait que les
enfants...
Observez les phrases suivantes.
Autre exemple qui peut être assimilé li une digression ou à un
1. Les enfants martiniquais, qui depuis la petite enfance parlent remords : on ajoute li la fin d'une phrase une information, qui, de
créole. qu'est-ce qu'ilséprouvent et qu'est-ce qu'ils font quand, ce fait, arrive mal rattachée li ce qui précède.
tout d'un coup. ils se voient à l'école confrontés avec une langue
française qui n'a rien à voiravec ce qu'ifs entendent.
- ,, - -,, -
Savoir rédlge
"'.' - _ _ ~u ~ot au texte : maîtriser l'écrit

Descartes doitdonc sejustifiercartefait quele français est mainte- Exemples


nant la langue du peuple n'estpas encore assimilé parlesintellec- 'En France, on aime s'asseoirà la terrassedes cafés.
tuels de t'époquecarce passage s'adresse à eux. , On dit qu'en France il y a beaucoup d'alcooliques.
• Comme onfaitsonlit, onse couche.
Mieux vaut, dans cet exemple, construire une seconde phrase : En
effet, ce passage s'adresse à eux. Ou const ruire une relat ive : les Nous représe nte au cont raire un groupe de personnes bien déter-
intellectuelsdel'époqueauxquelss'adresse ce passage. minées, dont fait part ie celui qui parle.

II y a Exemples
• Nousaimons allerboire unverre le soir ensemble.
la formu le il y a est surabondante à l'oral de même que voici, • Nousne sommes pas pourautant alcooliques.
voilà, c'est, c'est... que. Toutes ces expressions jouent un rôle
pr ésentent et permettent de mettre en valeur un élément de la La thématlsation en français
phrase.
Il est parfois facile de substituer à ces expressions « vagues» des le discours obéit à une règle générale de progression. Oans une
tournures plus « précises » et plus « écrites ». phrase, on distingue, en terme d'analyse informat ionnelle (fondée
sur la progression de l'informat ion), entre ce que l'on nomme te
Observez les exemples suivants. thème (ce qui est présenté comme déjà connu) et le rhème (ou
focus, ce qui est présenté comme apportant le maximum de
1. Quand les bureaux ont fermé, ily avait encore plusieurs dizaines nouvelles informations).
depersonnes quifaiS4ientlaqueuedevant laporte.
Exemples
2.Cela s'estpassé ily a pasmat de temps. • Ernest s'est ridiculiséhier.
• Hier, Ernest s'est ridiculisé.
On peut écrire pour l'exemple 1 : plusieurs dizaines de personnes
restaient à [sirela queue...• et pour l'exem ple 2 : voilà quelque Oans le premier cas, hier est l'informatio n nouvelle. On peut consi-
temps déjà. dérer que la phrase répond à une question : quand Ernest s'est- il
ridiculisé? Dans le second cas, Ernest s'est ridiculisé est l'informa-
On/nous t ion nouveUe. On peut considérer que la phrase répond à une
quest ion : que s'est-il passé hier ?
l 'emploi de on à la place de nous est fréque nt à l'oral. A l'écrit,
distinguez bien la différence d'emploi et de sens entre on et nous. la mise en relief du déjà connu s'a ppelle « t hémat isat ion ». En
Et surt out évitez le mélange de on et de nous. français, à l'oral, se t rouve fréquemment la t ournure de thémati-
senon : ce qui... c'est.., du type ce qui est vraiment incroyable c 'est
On a un sens indéfini : il désigne un groupe de personnes indéter- qu'ils continuent d'utiliser cette machinequicoOte tellement cheret
minées dans lequel ne s'inclut pas forcément celui qui parle/écrit, n'est pas tellement efficace.
ou un individu qui reste dans l'anonymat. Il sert, notamm ent, à
énoncer des vérités générales, des locutions de types proverbiales,
à rapport er des rumeurs...

- "' - - 31 -
Savoir rédigv.~r _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

A l'écrit. évitez la prolifération de ce type de st ruct ure, tr op Voici une possibilité de réécriture.
marqué d'o ralité. Préférez pour l'exemple ci-dessus : qu'ils conti- C'est eUe qui a eu l'initiative du projet dejardin. En effet, c'est elle
nuent d'uti/iser cette machine (...] est vraiment incroyable. qui, pendant la période d'hivernage au Mali qui correspond aux
grandes vacances d'été ici, partait suivre l'opération du tracteur
De la Juxtaposition à la coordination et subordination dans la brousse. Or, pendant les campagnes, elle a découvertdes
villages au bord du fleuve. Elfe se disait alors qu'avec labonne terre
A l'oral, tes liens logiques ent re propositions sont parfois simple- qu'ily a au borddufleuve, en obtenant uneportion de cette terre,
ment marqués par l'int onation et l'ordre des const it uants. l es on pouvait fairedel'agriculture. C'est de làque l'idée est venue.
énoncés sont t rès souvent juxtaposés sans connexion explicite (je
suis parti/tu n'étaispaslà). On parle à ce sujet d'un phénomène de Les pronoms ,elatlfs :
parataxe. A l'écrit. au cont raire. il est nécessaire d'expliciter ces pronoms vagues/pronoms précis
liens logiques et d'ut iliser pour cela des procédés de coordination
et de subordination (comme tu n'étais paslà. je suis parti/je suis l e systè me de la relative en français est extrêmement complexe.
partipuisqueque tu n'étaispaslà...). Tout d'abo rd. le pronom personnel simple (qui,que, quoi, dont, où)
est sensible à une fonction (qui a une fonction de sujet, que a une
Pour prendre conscience du phénomène (nous reviendrons plus en fonction de complément d'objet direct.•.). Par eilleurs.I'e xlstence
détail sur cette quest ion de la subo rdination dans le chapit re d'une deuxième série en lequel. laquelle, duquel, de laquelle,
suivant ) et vous entraîner. réécrivez selon les normes du code écrit desquels, auquel, à laquelle, auxquels, auxquelles, etc., sensible au
cet ext rait d'entretien oral. genre (féminin/ masculin) et au nombre (singulier/ pluriel)
complique le système.
« Bon le projet de jardin c'est - c'est elle qui a eu cette initiative la langue orale a tendance à utiliser majoritairement un pronom
parce que c'e st elle pendant l'hivern age elle partait - c'est tes relatif vague que comme pronom relatif passe-parto ut.
grandes vacances ici -l'été ici ça correspond à l'hivernage au Mali
- donc elle partait suivre euh - l'opération du t racteu r - dans la Exemples
brousse - donc pendant (es cam pagnes elle a découvert des • Un copain quef aipassémon enfance avec lui.
villages au bord du fleuve - ben elle se disait bon - avec ta bonne • j'aivendu ma petite maison queje tenaistant.
te rre au bord du fleuve - si on a - on arrive à avoir - une portion
- bon on peut faire l'agricultu re - c'est de là l'idée est venue l es formes dont ou auquel sont rares à l'oral.
donc.» A l'écrit, il vous faut êt re précis.

Notez dans ce passage le nombre importa nt d'e mboîte me nt Le pronomdont


d'énoncés, l'importan ce de ce que l'on nomme les phénomènes de
th ématisati on (c'est elle qui c'est elle [...) elle partait), les le pronom relatif dont. qui retie un nom et son complément (la
phrases segmentées (c'est elfe [ ] elle partait), les redites et les fille dont le père...), un adjectif et son complément (sa fille dont
hésitations.Tous ces phénomènes sont caractérist iques de l'oralité elleestfière...), ou un verbe et son complément (cettefille dontje
(voir chapit re 2). me méfie...), est souvent mat employé à l'oral comme à l'écrit,
soit, comme nous l'avons indiqué plus haut. par une substit ution
en que de dont ("la fille que j e te parte), soit par l'introduction
d'un second pronom redondant.

- 32 -
Savoir rédige""'-- _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

Observez les phrases suivantes. Les pronoms composés :auquel, duquel...

1. Il ne faut pas blâmer les gens trop audacieux dont leurenthou- Faites attention à l'utilisati on des pronoms composés. Ils s'ut ili-
siasme n'apas connu laréussite. sent avec des relatives int roduites par une préposit ion (dans. A) ou
contiennent eux-mêmes une préposition (à, de, que l'on retro uve
2. Une entreprise commerciale, dont l'image qu'elle réussit à véhi- dans les pronoms masculins auquel, duquel, ma is qui sont déte-
culer d'elfe-même en est l'instrument principal de concurrence sur chées dans les forme s féminines à laquelle, de laquelle).
le marché, a besoind'informa tion surl'attitude des clients.
Exemples
3. Le manuel. dont il faut savoiren utiliserlesindications, dit tout de • Le cafédanslequelnous noussommes rencontrés a été démoli il y
son fonctionnement. a quelquesannées.
Remarquez ici que ta forme com posée peut être rempla cée par une
4. j'aivisité dans le l.uberon votremaison dont vous êtes leproprié- forme simple : où.
taire.
• je n'aijamais revu cette femme, à laquelle pourtantje ne cesse
On peut repé rer à chaq ue fois des phénomè nes de redonda nce : depuis depenser.
redondan ce avec le déterminant possessif (dans l'exemple 1 : leur • je n'aijamais revu cet homme. auquelpourtantje ne cesse depuis
est redond ant ; dont l'enthousiasme suffit ; de mê me da ns depenser.
l'e xe mple 4 : votre) ; avec un pronom complé ment (en dans
l'exem ple 2 et dans l'exemp le 3). Soyez particulièrem ent attent if aux accords en genre et en
nombre. Soyez égaleme nt attentif à la préposit ion avec laquelle se
1. Il ne faut pas blâmer les gens trop audacieux dont l'ent hou- ccnstrult le relat if (les subst itutions de prépositions sont bana les,
siasme n'a pas connu la réussite. du type : ·ia femmede laquefleje pense...).

2. Une e ntr e prise com merciale. dont t'Inst rume nt principa l de Exerckes
concurrence sur le marché qu'elle a est l'image qu'elle réussit à
véhiculer d'elle -même, a besoin d'information sur t'attitude des 1. Corrigez les phrases su ivantes fau t ives, en ré ta blissa nt te
clients. pronom adapté (il peut s'a gir d'un problèm e de pré posit io n).

3. l e ma nuel. dont il faut savoir utiliser tes indications, dit t out de 1. 11 est impossible de tancer un produit dont on ne s'est pas préoc-
son fonct ionnement. cupé d'abord de l'emballage.

4. J'ai visité dans le luberon la maison dont vous êtes le proprié- 2. Un film vient de sort ir dont j'a i un peu collaboré à l'élaborat ion
ta ire. du scénario .

3. les difficulté s principa les auxquelles o n a pris les mesures


nécessaires.

-~-
~~Yolr rédlge"'r'-- ~_ _ Du mot au texte : maîtriser l'écrit

4. Compulsez les manuscrits par q ui nous apprenons l'exist ence de 1. b. Ernest a parlé au réa lisat eur de l'ém ission de radio.
la licorne. c. Ecoute l'émission de radio...

Corrigé Z. b. Ernest ca nnait le réalisateu r de l'émission de radio.


Dans les de ux premières phrases , il s'agit d'u n emp loi faut if du c. Ecoute l'ém ission de radio...
pronom dont qui vient ici relier à la fois un nom et son com plé-
me nt , et un verbe et son com plément. 3. b. Pendant l'enregistrement de l'ém issio n de radio, Ernest a été
pris de bégaiemen ts .
Dans le premier exemple, on peut dire : unproduitdonton nes'est c. Ecoute l'émission de radio..•
paspréoccupé :dont sert alors à relier le verbe et son complément.
Mais ce la ne correspond pas au sens sou haité. Il fa ut alors écrire: 4. b. Ernest, le réa lisateur, est t rès co nte nt.
unproduit del'emballage duquel on ne s'est paspréoccupé.,. c. Ecout e t'ém ission de radio...
le résult at peut semble r un peu « lourd ». On peut alors proposer
une réécrit ure, qui tourne différemment la difficulté : Ilest impos- S. b. Ernest a rencontré des aud iteurs très contents de l'émission
sible de lancer un produit sanss' ëtre préoccupé d'abord de son de radio.
emballage. c. Ecout e t'ém ission de radio...

Dans le deu xième exemple, dont pourrait relier le nom et le 6. b. le réalisateur de l'émiss ion de radio s'appelle Ernest.
compléme nt du nom : unfilm dontfa i écrit le scénario en collabo- c. Ecoute l'émiss ion de radio...
rationavec... l'utilisation du verbe collaborer nécessite l'introduc-
tion de la préposition à pour int roduire le complémen t (un Corrigé
scénario auquelf aicollaboré). Il fallait donc écrire : unfilm [...] au On peut re lier pa r dont dans t ous les cas sauf en 1 (au réalisateur
scénario duquel f ai participé. Comme précédemm ent, le résult at duquel Ernest aparlé) et en 3 (pendant le tournage duquel).
est un peu lourd et il va udrait mieux proposer une réécrit ure.

Dans la troisième phrase, il s'agit d'un problème d' emploi de Problème de morphologie: la négation
préposition, Il falla it éc rire : pour lesquelles à la place de
auxquelles.
l es problèmes d'int erférence entre écrit et oral, en ce qui concerne
la morphol ogie, se résument en français à l'usage de la négat ion.
Dans la quatrième phrase, il s'agit de l'emploi d'un relat if réservé
aux groupes humai ns et ici employé avec un ant écédent inanimé.
Examinez l'exemple suivant : On avait pas te temps de s'ennuyer.
Il fallait écrire : les manuscritsparlesquels.
A l'or al, on tr ouve deux formes de néga tion: une for me dite
« disjointe » : ne... pas, ne... plus. et une forme simple, beaucoup
Z. Est-il t oujours possi ble de réunir deux proposition s au moyen
plus répandue et couramme nt ad m ise : pas o u plus. A l'écrit, la
de dont ? Sur le m odèle proposé. faites la bonn e subordinati o n.
seule forme admi se est la négat ion disjointe (on peut considé rer
Modèle :
qu'il y a sur ce point une véritable différence entre norme écrite et
a. Eco ute l'ém ission de radio.
norme o rale).
b. Ernest est le réalisat eur de l'émis sion de radio.
c. Ecoute l'émission de radio dont Boniface est le réa lisat eur.
-,,- - 37 -
Savoir rédig~,-r _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

Il faut donc faire attent ion à ne pas omettre la prem ière part ie de Si on va plus loin, on risquera d'atteindre ceux qu'on appelle
la négat ion, en ét ant part iculièrement attent if,comme dans le cas communément dans la capitale gabonaise :les matitis.
présenté, aux formes qui, à l'oral, sont ident iques du fait de liai- Le maloche, ainsi l'appelle+on dans l'argot des matitis.
sons en [n] : on avait pas le temps ou on n'avaÎt pas le temps se (H. F. Ndong Mbeng, auteur gabonais, Les Matitis).
prono ncent exactement de la même façon du fait de la liaison
obligato ire de on avec le mot qui suit, commençant par une Si l'int roduct ion maîtrisée d'un mot non standard peut être t out à
voyelle. fait pertine nte , on ne vous pardonnera cependant pas un mot t rop
familier, même signalé par des guillemets ou un comme ntaire
métadiscursif, s'il est mis manifestement pour pallier un manque
Problèmes de lexique de vocabulaire plus littéraire ou plus précis.

Observez l'exemple suivant, tiré d'une copie d'ét udiant.


l a prat ique du français oral permet le recours à des expressions de
Ce qui permettrait au français d'cc engranger » une caractéristique
la langue familière ou vulgaire.Al'écrit, il est évidemment t oujours
de plus.
possible d'ut iliser ces expressions, ma is il faut avoir clairement
conscience de s « effets » qu'e lles produisent . Une expression
Ici le mot est inapproprié (on n'engrange pas des caractérist iques,
familière passant inaperçue à l'oral va êt re fortement connotée à
même si l'on peut ut iliser le verbe engranger de manière m éta-
l'écrit.
phorique) ; la mise entre guillemets n'excuse rien.
l'ut ilisat ion des guillemets ou des commenta ires que l'on nomme
mét adiscursifs (du type : comme on dit en argot, comme disent les Syntaxe et lexique :
collégiens ou comme on dit à Marseille/au Québec... pour noter un l'expression de l'abstraction
t rait de français régional) doivent généralement accompagner ces
tournures à l'écrit, pour mont rer la conscience qu'on a de l'hété-
rogénéité stylist ique qu'engend re leur int roductio n dans le t exte. De nombreuses maladresses de style t iennent à la difficile mait rise
Cependant, l'usage de ces expressions particulières doit avoir une de la phrase complexe, not amment pour l'expression de données
fonct ion: volonté de faire « couleur locale », de parler d'un sujet abstraites.
donné avec les mots appropriés, de reprendre les mot s mêmes de l a phrase comp lexe [c'e st- à-dire une phrase qu i cont ient des
la personne que l'on cite ... propositions relatives et conjonct ives, par opposition à la phrase
simple : sujet-verbe-compl ément) peut êt re d'un maniement déli-
Ainsi, dans les exem ples littéraires suivants, l'introduction d'un cat. On repère t rès souvent, da ns les copies d'ét udiants, des
mot non st andard est signalée par une formule métedlscurslve. phrases alambiquées, mal équilibrées, confuses, qui, sans êt re
forcément syntax iquement faut ives, témoignent cepe ndant d'une
Ainsipassait la vie pourma tante Léonie, toujoursidentique dans la mauvaise maîtr ise de ces const ruct ions particulières, propres à
douce uniformité de ce qu'elle appelait avec un dédain affecté, son l'écrit. l es enseignants les repèrent souvent d'an not ations du
cc petit train-train » . (M. Proust, Du côté de chez Swann) type : « lourd» ou cc maladroit ».

-,,- - ,,-
Savoir rédl_ge,,' _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

Observez les exemples suivants, t irés de copies d'étudiants de On peut vraiment faire plus simple ! Par exemple, en scindant les
première année de lettres. Nous avons souligné en grasce qui peut deux phrases.
être lu comme particulièrement lourd ou maladroit par un ensei- Cetexte de Descartes extrait du Discoursde la méthodea unefonc-
gnant. tion de justification. Descartes y explique pourquoi il n'a pas
employé le latindansson discours philosophique du XVlf siècle mais
'l. Le français, dans lapremière moitiédu XVlf siècle, s'était déjà bien lefrançais.
imposé, et Descartes, même si il connaissait le latin, voulait faire
place à du renouveau plutôt mal vu parles savants qui le précé- 3.Dece fait, à partirdeceprincipe, on définira sonimportance [l'im-
daient.C'estpourquoi, il doitsejustifier, même siles autresavaient portance de ta litt érature] dans l'essorde la langue française aux
plutôt tendance à se raccrocher à un idéal qui était pour eUKle dépens du latin, tout d'abord en développant l'idée de la prove-
latin, comme si Descartes le trahissait. nance d'une volonté à s'opposer au latin, puis les changements
qu'elleprocure.
Dans cet exemple, le premier groupe souligné correspond à une
tournure familière. le second groupe souligné est mal tourné et Ce troisième exemple est la partie d'une introduction qui annonce
peu compréhensible. A quoi réfère les autres, pourquoi peut-on le plan. là aussi, il s'agit de faire plus simple.
parler d'idéal? Renouveauest vague.Se raccrocher à est familier et Dece fait, on montrera son importance [l'importance de la litt éra-
mal approprié. On note une rupture dans le système des temps : ture] dans l'essor de la langue française aux dépens du latin, nous
un présent est inséré dans un système à l'imparfait. les deux attachant tout d'abordà comprendred'où est venue une volonté de
phrases sont globalement mal construites, du point de vue du s'opposer au latin. Nous envisagerons ensuite les changements
sens. apportés.

Proposition de « nettoyage ».
Le français, dans la première moitié du XVlf siècle, s'était déjà bien
imposé, sauf dans le domaine des sciences. Descartes, même s'il
connaissait le latin, envisageait une autre conception de la science,
qui pouvait être mal reçue par les savants qui le précédaient et
donnaient au latin le rôlede langue médium du savoir. C'est pour-
quoiil dut sejustifier.

2. Cetexte de Descartes extrait du Discours de la méthode a pour


fonctio n une jus tification, dans laquelle Descartes explique
pourquoiiln'apasemployé le latin dans son discoursphilosophique
du XVlf siècle mais le français.

- ~- - 41-
Savoir rédlg"'ec.' _ Du mot au texte: maÎtriser l'écrit

3. La cohésion textuelle Par opposit ion à l'anaphore qui renvoie à un élément précédent
dans le t exte, la cataphore renvoie, par anticipation , à ce qui va
suivre.
Un texte n'e st pas qu'une suite de phrases grammaticalement bien
formées. Il doit obé ir à une certaine cohés ion et à une certaine Exemple
cohérence. Cette cohé rence s'obt ient par le respect de cont raintes Quand ellem'aparlé delui,j'aireconnu à sa description qu'ils'agis-
liées au se ns : un texte doit app orter toutes les informations sait d'Achille.
nécessaires au lecteur, il ne doit pas passer du « coq à l'â ne ». Elle Lui renvoie par anticipat ion à Achille.
s'o bt ie nt également par le respect de cont raintes synt axiques :
coordinati on et subordinat ion, utilisation des différents te mps... les malformat ions t extu elles concernant les systèmes anaph o-
rique et cat aphorique, et faisant l'objet d'une ce nsure à l'écrit
(alors qu'elles peuvent passer inaperçues à l'oral) sont particuliè-
Cohérence sémantique : progression de rement fréque nt es. Elles concernent aussi bien l'utili sati on des
l'information, continuité, non-contradiction démon stratifs et pronoms de rappel, la re prise lexicale, les ques-
t ions d'accords en genre et en nombre.

Pour qu 'u n t ext e soit bien formé, il doit répondre à t rois règles Les eXPf'ess/ons dépourvues de référent clair
concernant le sens :
' la règle de progression de l'information : une phrase doit appor- l'ut ilisat ion d'un démonstratif ou d'un pronom doit pouvoir êt re
t er au moins un élé ment d'informa t ion nouveau par ra pport à la immédiat ement interprétable à parti r du cctexte immédiat.
phrase précédente;
• la règle de conti nuité : une phrase ne doit pas apporter que des Observez les ext raits de copies suivant s et repérez les problème s
informati ons nouvelles par rapport à la précéde nte , elle doit s'ap - de référence au cotexte.
puyer sur les informat ions de la précédente, sinon il y a risque de
coq-à-l'âne ; t . Lorsque nouslisons. nous ne pensons pasque cette histoire se
• la règ le de non-contradiction : une phrase ne doit pas êt re en construit à travers notre lecture.
contradiction logique avec la phrase qui précède .
2. Peut-on facilement admettre qu'iJ suffirait d'interdire. Ces gens-
là devraient commencer parmettre en cause tout notre système
Le système anaphorique économique et de libre-échange.

3. Le philosophe est avanttout un observateur attentif du monde.


Contrairement aux expressions déictiques qui renvoient à l'exté- Ainsi il acquiert unebonne connaissance quiluipermetou plutôt lui
rie ur du texte, les expressions anaph oriques sont des expressions impose d'yréfléchir.
qui reprenne nt un élément du texte, qui ne so nt interprétables que
pa r rapport à ce qu'on a ppelle le cotexre. ou contexte discursif Par 4. Un enseignant peut utiliser l'humour caren amusantl'élève il
exemple, dans l'énoncé « il le lui donne Il, il faut revenir au cotexte
arrive à mieux tui fa ire comprendre ses idées.
pour interpréter il, le et lui.

- 42 - - c-
Savoir rédlg".''--- _ Du mot au texte: maÎt riser l'écrit

S. Les faitsdivers resteront toujourspayants pour les quotidiens du 2. Mapremièresubdivision vous semblera peut-êtreinexistante. Elle
fait des gens pourles histoires sordides et ils garderont toujours contient toutes les personnes qui ont un tel ennui qu'ils ne s'en
autant de lignespource type de reportage. rendent même plus compte.

6. Lorsque deuxparents sont pris dansleurs propres activités, ils ne 3. Onsait que 1933 est l'époque d'entre-guerres où chaque puis-
songent pas queleursenfantssont livrés à eux-mêmes. Ils sont donc sance recrée leurpuissance,qu'ellesoit économique ou militaire.
très influencés parle milieuqui les entoure et surlequel les parents
n'ont pasprise. Il s'agit de problèmes d'acco rd en genre ou en nombre. Problème
d'a ccord en genre dan s les exemples 1 et 2 : l'ut ilisat ion du
Dans les cas 1 et 2, rien dans ce qui précède ne peut être rapporté pronom ils est fa ut ive : il fallait mettre elles référant à ces
au syntagme nominal accompagné d'un déterminant d émo nst re- personnes et les personnes.
t if. L'utilisatio n du démonst ratif n'est donc ni clair ni logique. Il
aurait fallu écrire en 1 : l'histoire que nous sommesen train de lire, Problème d'accord en nombre dans l'exempte 3,l'article possessif
et en 2 : ceuxquipensent cela. leur ne pe ut référer à un possesseur singulier, en l'occurrence ici
chaquepuissance : il fallait donc écrire chaquepuissance recrée sa
Dans l'exemple 3, te pronom y est difficilement interprét able, il puissance (notons t out de même que la répétition ici de puissance
aurait mieux valu l'omettre et écrire simplement de réfléchir. est lourde et peu heureuse).

Dans l'exemple 4, l'ut ilisat ion du pronom il n'est pas claire dans la Reprise. le,,'ca/es
mesure où il devrait référer logiquement au sujet de la proposition
précéden te, à savoir l'humour. L'anaphore peut se faire par reprise lexicale.

De même dans l'exemple S, où l'on ne peut savoir si te pronom ils Observez t'exemple suivant.
réfère à lesquotidiens ou à gens. Ilvaudrait mieux dans ce cas faire
une reprise plus explicite en cesquotidiens. La biomasse (du grec bio, la vie, et de masse, qui désigne un
ensemble de matière vivante) permet d'obtenirdel'énergieApartir
De même dans l'exemple 6, où l'on ne peut savoir si ils réfère à du bois (parcombustion) ou de déchets végétaux (production de
parents ou à enfants. Une reprise en ces enfants lèverait l'ambt- gaz parfermentation). Cette énergie renouvelable a pour prioci-
gutté. pale application le combustible pour le chauffage. (Le Monde,
16 novembre 2000)
Accord en genre et en nombre
Le groupe nom inal cette énergie renouvelable résume la phrase
Observez les ext raits de copies suivants. QueUes anomalies descript ive précédente et permet de faire le lien avec le d évelcp -
constatez-vous dans l'ut ilisat ion des pronoms anaphoriques ? pement qui suit.

1. Lorsque vousallez dans unlieude distraction, lesgens en général


s'amusent. Pourtant certains s'ennuient. Qui sont ces personnes ?
Pourquoine se distraient-ils pas?

- « - - 45 -
Savoir rédig"e-:' _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

Nous t rouvons le même procédé dans les exemples suivants. Par exemple, dans l'exemple suivant, tiré d'une copie d'étu diant, ta
reprise par ce pouvoir social et politique n'est pas claire, dans la
1. l.a commune suédoise d'Eskilstuna (...] se dote d'un réseau de mesure où elle est une interprétation, sans doute pertinente, mais
chaleur urbainfonctionnantaubois: uneimmensecentrale alimen- qu'il faudrait just ifier :
tée pardes bOches, des écorces, des copeaux et des éclats de bois En effet. parlerlatin à cette époque revenait à être c, fittera tus », et
chauffe l'eau qui, via des canalisations souterraines, fournit la les clercs possédaient ce pouvoirsocial et politique.
chaleurnécessaire à un grand nombre de foyers et d'entreprises. (...]
Grâce à ce système de chauffage au bois. mais aussi à des chau- Par une procéd ure nomm ée nominalisation. on peut reprendre
dières électriques et à des pompes à chaleur. la commune de sous la forme d'un substant if to ut e une phrase , voire t out un
quelque 90 000 habitantsparvient alorsà réduireà 25 %ses besoins énoncé.
en pétrole. (Le Monde, 16 novembre 2000)
Exemple
2. La France s'est fixé un véritabledéfi en décidant de régler la ques- Ernest a découvert un cadavredans le placardà balais. Cette décou-
tion du salaire des députés européens au cours de saprésidence de verte ne l'apas étonné.
l'Union européenne. Ce dossier. éminemment sensible, suscite en
effe t des tensions entre le Parlement européen et le Conseil Pour prendre conscience de t'utili té de ce procédé, restit uez-le
depuis 1998. (Le Monde, 16 novembre 2000) dans les exemples suivants.

l a reprise lexicale peut également orienter l'interprétation à 1. Le conseil d'administration de t'université de Panthéon-Sorbonne
don ner à une informat ion. (Paris 1) a décidé à l'unanimité, lundi 13 novembre. de suspendre
l'ensemble de ses activités mardi 2 1 novembre. Cette... a été prise
Au total, 40 % des enseignants en activité en 1998 serontrenouve- « pourprotester contre les risques encourus parles étudiants et les
lés dix ans plus tard, qu'ils partent à laretraite (pourles trois quarts personnels liés à la sécurité des bâtiments ». (Le Mon de,
d'entre eux), qu'ils accèdent à d'autres fonctions, ou qu'ils quittent 16 novembre 2000)
l'tducation nationale. Cette hémorragie va être d'autant plus diffi-
cile à accompagner pour les responsables éducatifs qu'elle ne 2. Le BelgePatrick de Radiguèss'est échoué dans la nuitdu mardi 14
touchera pas uniformément le territoire. (Le Monde, 16 novembre au mercredi 15 novembre sur la côte portugaise à hauteur de
2000) Lisbonne et a abandonné le Vendée Globe, la course autour du
monde à la voite en solitaire sans escale et sans assistance. C'est le
l a reprise par le subst ant if hémorragie n'est pas neutre, eüe donne premier... de la course. partie jeudi 9. (Le Monde. 16 novem bre
au texte un ton alarmiste. 2000)

Il faut savoir maîtriser ce procédé anapho rique de reprise lexicale. Si ce procédé de reprise est bien commode, il faut cependant
Certaines ana phores vont êt re censurées, lorsque la reprise n'est prendre garde au sens exact que peut avoir une nominalisation , qui
pas recon nue par le lecteu r comme synonyme du terme qu'elle n'a pas forcément le même champ d'application que le verbe dont
reprend. elle est dérivée.

- ~ - - 47 -
Savoir rédlg...
. __
r _ Du mot au texte : maitrlser l'écrit

Dans l'exemple suivant, extrait d'une copie, quel est le problème Exempte
sémant ique posé par la nom inalisat ion ? Proposez une aut re -Nonmerci,j'aimangé (je suis dans l'état de qui a mangé = je suis
nominalisat ion. rassasié).

L'œuvre agit surmoi et par conséquent existe. Ces agissements Soit il rapporte une action passée qui a des conséquences dans te
dépendant toutefois demoi. présent.

Agissements est une nom inalisation qui ne peut pas s'appliquer à Exemple
tous les sens d'agir. le terme désigne to ujours des actions et je peux dansertoutelanuit,j'aifait lasieste cet après-midi.
procédés négatifs et condamnables. Une nomina lisation plus
neut re d'un point de vue sémantique, et donc plus appropr iée , Cont rairement au passé simple, c'e st un te mps privilégié de la
aurait été : cette action. première personn e. On tro uvera donc majoritairement le passé
composé, à l'écrit, dans le style épistolaire (les lettres) et l'a uto-
biographie (réelle ou fictive).
Les temps du passé Ainsi, le début célèbre de A la recherche dutempsperdu de Proust :
Longtemps,je mesuiscouché de bonne heure.
la coh ésion textuelle est obtenue par l'emploi approprié des diffé-
l'emploi du passé simple dans un récit de type aut obiographique
rents tem ps du passé (passé oomposélpassé simptelimparfait) et est possible, mais il donne un ton différent : (es événements sont
de leur combinaison. la maîtrise de ces emplois nait d'une fami- rapportés avec plus de distance. l'introd uction d'un passé simple
liarité avec l'é crit d'une part, qui permet de s'imprégner dans un texte à l'imparfait. ou l'inverse, implique une modification
d'exemples concrets. D'autre part , la compréhension des valeurs de l'attitude de celui qui écrit vis-à-vis des événements qu'a
de s différents temp s facilite cette maîtrise. C'est ce que nous rapporte.
allons observer ensemble.
L 'opposition passé simple
L 'opposnlon pa... simple/ passé composiJ ou passé composiJ/lmparfalf
le passé simple, peu ut ilisé à l'oral où l'usage du passé composé Passé composé ou passé simple expriment une action passée
prédomine, n'est cependant pas un temps en voie de disparition en ponctuelle. alors que l'imparfait exprime une action envisagée
français. comme cadre ou décor de la narrat ion.
le passé simple sert à relater un événemen t du passé révolu, et
dont les suites ne sont pas envisagées au moment de l'énoncia- Reprenons Proust, et le célèbre passage de la madeleine.
tion. C'est un temps « dépersonnalisé », que l'on trouve majori-
tai rement à la troisième personne. C'est le t emps du récit des JI Y avait biendes années que, de Combray, toutce qui n'était pas le
contes par exemple: ifs vécurent heureuxet eurentbeaucoup d'en- tn ëëtre et ledrame de moncoucher, n'existait plus pourmoi, quand
fants. unjourd'hiver, commeje rentrais à fa maison, ma mère voyant que
j'avais froid, me proposademe faire prendre, contremonhabitude,
Au cont raire, le passé composé a un rapport étro it avec le présent. un peu de thé. je refusai d'abord et.]ene sais pourquoi, me ravisai.
Soit il a une valeur de présent de l'accompli.

- ~- - 49 -
Savoir rédlg".r'--- ~ _ Du mot au texte : maîtriser l'écrit

[...) Etbientôt, machinalement, accablé par la mornejournée et fa considéré comme important et donc aurait dû être présenté sous
perspective d'un triste lendemain. je portai à mes lèvres une cuilfe- forme d'une langue savante.
rée de thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais
à l'instant même où lagorgéemêlée des miettes du g~teau toucha Ces deux exemples montrent des incohérences t rès fréquentes, à
mon palais,je tressaillis, attentif à ce quise passa;r d'extraordinaire savoir l'insertion d'un présent à l'intérieur d'un texte historique
en moi. écrit à l'imparfait. Quand vous écrivez un texte historique (décri-
vant une époque, relatant des faits historiques), cho isissez un
la première phrase pose le cadre de l'épisode narré, à l'imparfait. système cohérent : soit vous écrivez tout votre texte avec un
la suite déroule les différents moments de cet épisode part iculier système de temps passé (voir nos développements précédents) ,
au passé simple. soit vous l'écrivez entièrement au présen t, que l'on nomme le
présent histo rique. Si vous choisissez d'écrire au présent , évitez
Usage du plu.-.,ue-parfalt et du passé antérieur cependant l'usage du futur, qui dramatise les évé nements. N@
faites pas comme si le lect eur ou vous-même ne saviez pas les
l e passé antérieur se combine avec le passé simple pour exprimer suites dans le passé d'actes antérieurs.
l'anté riorité d'une action par rapport à une aut re : Lorsqu'ileut fini
de raconter, il se leva et partit.
PRÉCISIONS: LE PRÉSENT HISTORIQUE
l e plus-que-parfait peut se combiner aussi bien avec des passés
composés et avec des passés slmptes qu'evec des imparfaits. Out re On peut relate r des faits passés au prés ent, que l'on nomme
sa valeur d'an tériorité, il a une valeur explicat ive (parce qu'ilavait fi présent historique ». Cett e utilisation du présent réduit la distance

finide raconter, ilse leva et partit), et sert à noter une act ion qui a entre le temps de l'événement et celui de la lect ure. En effet, Il
une certaine durée (voir dans le passage de Proust reproduit ci- présente les faiU comme s'ils étaie nt contemporains de leur rk ep-
tion-lecture.
dessus la valeur du plus-que-partatt :j'avaislaissés'amollir).

Problèmes de cohérence dans l 'utilisation de. temps:


observation d'exemple. La ponctuation
Dans les exempl es su ivants, extraits de cop ies d'é tud iant s de
première année de lettres, on observe des incohérences dans l'uti- la ponctuation, marque de l'écrit par excellence, ne correspond
lisation des tem ps. Corrigez-les. qua siment jamais aux pauses et artic ulations de l'ora l. Si l'on
excepte le point d'inte rrogation et le point d'exclamation, qu i
1. Cependant le français est toujours considéré comme « langue servent à marquer ce qui l'est à l'oral par l'into nation (la surprise,
vulgaire», paroppositionaulatinquiest vucomme la langue haute, la colère, l'into nation montante de l'interrogation...), les autres
et par conséquent la langue du savoir. De plus, cette opposition signes de ponctuation ont leur logique propre.
était renforcéepar le fait que le français est padé et le latin écrit.
l es marques de fin de phrase (point, point d'exclamation, point
2. De ce fait, dans lapremièremoitié du XVl f siècle, un auteurphilo- d'interrogati on, points de suspension) ne posent généraleme nt
sophique devait se justifier car un ouvrage philosophique est aucun problème, et nous ne nous att arderons pas dessus. Ce qui

-~- - !Il -
Savoir rédlg,.8...
r _ Du mot au texte: maîtriser l'écrit

pose davantage problème est l'utilisation de la virgule et du point- L8 deux.-po/nts


virgule. Sans nous lancer dans un précis de ponctuation française
(il en existe, et en entrant dans les détails, les règles peuvent être Ils annoncent soit une citation, soit une cause, conséquence,
extrêmement délicates et subtiles), nous préciserons simplement analyse ou explication de ce qui précède.
les fautes grossières à éviter.
Exemples
La virgule • If revint surses pas:« Viens demain », dit-il.
• If revint sursespas :il avait oublié de luidirele plus important.
Gardez à l'esprit qu'une virgule ne peut jamaisséparer un sujet et
un verbe, un verbe et ses compléments, le nom (ou pronom) et les L8 point·virgule
compléments du nom. Si on intercale un élément qui est séparé du
reste par une virgule, cet élément doit être suivi d'une virgule. Dans une longue énumération, il sépare des groupes eux-mêmes
subdivisés par des virgules, ayant un peu un rOle de « supervlr-
Exemple gule ».
L:homme en question, celui dont j e ne cesse de vous parler, était
ventru et moustachu. Exemple
Cuisinez-lesavec du basilic, des tomates, de l'ail, sivousaimez cette
Dans ta coordination :on utilise une virgule entre les termescoor- façon; avec de la crème. du curry, de la coriandre, si vous préférez
donnés sans conjonction,mais pas devant la conjonction dans une cette autre.
énumération.
D'autre part. il sépare desénoncés grammaticalement complets (qui
Exemple pourraient être séparés par un point), mais logiquement associés.
Ilrevint. repartit. revint encore, repartit et ne revint plus.
Finissons sur cette phrasede Proust, dont vous observerez la ponc-
On utilise la virgule devant la conjonction lorsqu'elle est utilisée tuation, en regard de tout ce que nous avons dit.
plusieurs fois.
Dès le matin. la tête encore tournée contre le mur et avant d'avoir
Exemple vu. au-dessus des grands rideaux de la fenétre, de quelle nuance
Il revint. et repartit, et revint encore. était laraie dujour.je savais quel temps ilfaisait. Les premiersbruits
de la rueme l'avaient appris, selon qu'ilsme parvenaient amortis et
Dans la subordination : on sépare par une virgule tout élément déviés par t'humidité ou vibrants comme des flèches dans t'aire
ayant une valeur explicative, notamment une apposition, ou une résonnante et vide d'unmatinspacieux. glacial et pur; dès le roule-
proposition participiale (participe présent ou passé). ment du premiertramway.j'avaisentendus'il était morfondudans la
pluie ou en partance pourl'azur. (Extrait de La Prisonnière)
Exemples
• L'homme au chapeau. ventru et moustachu, aimait à se regarder
dansles vitrines.
• Revenant sursespas, il luidit un dernier mot.

-,,- -,, -
Problème de ponctuation PARTIE Il
Une mauvaise ponctuatio n peut gêner la compréhension d'un
texte, Observez-le dans l'exemple suivant. tiré d'une copie d'étu-
diant. Rétablissez une ponctuation correcte.

Al'origine, commelemontre tetexte. ce sont lescontes. lesrécitsde


fiction de la fitt~rature antique qui sonttraduitsen langue vernacu-
laire. dans lamesure où ce sont desrécits populaires, écrits enprose
(on méprise laprose). il$ ne sont pas destinés à des ~rudits. maisau
peuple.

la virgule après vernaculaire laisse à penser que ta propos ition


causale qui suit vient expliquer ce qui précède, alors qu'e lle est liée
en fait à ce qui suit. ll aurait fallu mettre un point et scinder la
phrase unique pour en faire deux.
Al'origine. commele montre letexte,cesontles contes,lesrécitsde ARGUMENTER:
~
fICtion dela litt~rature antique quisont traduits en langue vernacu-
laire. Dans lamesure où cesont desrécits populaires. écrits enprose
(on m~prise laprose). ;1$ ne sont pas destinés à desérudits. mais au
ECRIRE POUR
peuple. PERSUADER

-~-
Argu ment er : êcrlre pour persuader
____ _ _ _ _ --'"

l'essentiel des écrits que l'on demande à un étudiant de produire


sont des écrits argumentatifs : il s'agit d'exposer un point de vue,
te sien propre ou celui d'un autre, de just ifier. de réfuter, de nuan-
cer un jugement. de problématiser ce qui peut paraître simple.

Cependant, ta maîtrise de l'argumentation n'est pasqu'un exercice


scolaire. les médiasvéhiculent continuellement des informations,
des problèmes. qu'il faut savoir discuter. lorsqu'ils ne te sont pas
assez.
l'argumentation est une opération complexe parce qu'elle néces-
site la maîtrise à la fois d'outils proprement linguistiques (ce qui,
dans une langue donnée. en l'occurrence le français, permet de
construire de l'argumentation), et la maîtrise de procédés logiq ues
(ce qui permet d'argumenter dans toute tangue).

Oans cette partie, nous multiplions les exemples réels pris dans la
presse essentiellement, mais également dans différents ouvrages
argumentat ifs. lisez-les toujours avec soin. Soyez par ailleurs
atten tif dans vos lectures propres de la presse aux différents
procédés d'argumentation mis en œuvre. C'est par la familiarité
que l'acquisit ion des mécanismes se fait simplement.

- !l 1 -
________--""''''g ume nter : écrire pour persuader

1. Les procédés logiques de


l'argumentation: mécanismes
.........~.. I~..~I1"'t!>~iq'l... p.. ~~.'I.~~i~ .

Argumenter, c'est construire un discou rs dans lequel on évalue,on


dénonce, on met en question. on énonce un point de vue, on
distingue. etc. l e but éta nt de persuader son int erlocut eur (son
lecteur). c'est-à-dire l'amener à adhérer à ta conclusion vers
laque lle s'achemine le discours que t'on co nst ruit.
La const ruction du raisonnement se rapproche de ce que l'on peut
nommer le « raisonneme nt form el », ut ilisé en sciences, qui
consiste à const ruire une séque nce d'énoncés par t'application de
règles d'inféren ce à des énoncés démon trés ultérieurem ent .

PRÉCISIONS : L'INFÉRENCE OU DÉDUCTION

la dé duct ion, ou inférence, est une opérat ion logique par laque lle, à
partir d'une ou de plusieurs propositio ns données, t enu es pour vrai
(que l'on nom me prémisses), on conclut, logiqu ement, à une prop o-
sition qui en résult e. O n distin gue gé né ralement la déd uct ion de l'in-
duction, qui co nsist e, à pa rt ir de cas singuliers, à rem on t er à des
proposit ion s plus géné rales. On pa rle de relation d'inférence , ou
d'implicati on, pou r la rela t ion logique consist ant en ce qu 'un e chose
en imp liqu e une aut re.

Dans te raisonneme nt formel, il est possible de raisonner sur n'tm-


porte quoi, du mom ent que la procédure logique est respectée
(voir le syllogisme, ci-dessous).

l e typ e de raisonnement qu i nous intéresse (qui n'est pas un


raisonnement de type math émat ique) intègre des savoirs lmpli-
cites (voir ci-dessous ce que nous disons de l'implicite). Par ailleurs,
sa conclusion n'est pas vraie du seul fait de l'application d'une
règle.
Savoir récng,ee!.' _ _ _ _ _ _ _ _ _ "'gumenter
Ar : écrlre ~ur persuader

Le syllogisme dépens l]. Ce que peuvent faire certains slogans publicitaires :


l'argent est fait pour êtredépensé- bidulevous permet de dépenser
votre argent - achetez bidule... Cela s'apparente alors à ce qu'on
Le syllogisme est un raisonnement déduct if en trois temps ap pelle la « pétitio n de principe lt : une croyance de base non
(majeure/mineu relcondusion), qui ne suppose aucun sous- remise en cause et posée comme partagée par t ous.
entend u (aucun implicite : tout est dit) sur le modè le : A est B, or
tout Best C, donc A est C. Pour prendre conscience du fonctionnement syllogistique, et de
son utilisation dans t'argumentation, obse rvez les prémisse s de
L'exemple canonique est le suivant : raisonnement da ns les exemp les qui suivent et inférez-en la
Tout homme est mortel (majeure) . conclusion qui s'impose.
Or Socrate est un homme (mineure).
Donc Socrate est mortel (conclusion). 1. Le travail est une t orture.
La maît rise de ce type de raisonnement syllogist ique est utile pour Toute torture est condamn able.
const ruire une argumentation imparable. Donc...

Evidemment. le raisonnement syllogistique permet également de 2.Tout homme dont la culpabilité n'a pas été démontrée doit être
const ruire des raisonnements absurdes, ce dont joue Lewis Carroll considéré comme innocent.
dans La Logique sans peine: la culpabilité d'un grand nombre de condamn és à mort aux Etats-
Tous les chatscomprennentle français Unis n'a jamais été démontrée.
Quelques poulets sont des chats Donc,•.
Quelques pouletscomprennent le français.
Au point que le terme de syllogisme peut avoir un sens péjoratif 3. Le « régime crétois » se caractérise par une consommation de
dans le sens de raisonnement pureme nt formel, décalé du réel. légumes et de poisson, et l'utilisation de l'huile d'olive comme
unique corps gras.
Ionesco l'utilise ainsi dans Rhinocéros : Une alimentation composée en majorité de légumes, de poisson et
LELOGICIEN, au vieuxmonsieur d'huile d'olive comme unique corps gras est une alimentation
Voicidonc unsyllogisme exemplaire. Le chat a quatrepattes. Isidore saine.
et Fricot ont chacun quatrepattes. Donc Isidore et Fricot sont des Oonc...
chats.
LE VIEUX MONSIEUR. au logicien
Mon chien aussi a quatrepattes La preuve
LE LOGICIEN. au vieuxmonsieur
Alors. c'est un chat.
C'est elle qui nourrit l'argumentation. Elle va êt re introduite par un
Faites attention à utiliser des propositions dont la véracité ne peut connecteur de ty pe car, en effet. ainsi. puisque... (voir ci-dessous),
être mise en doute, et à ne pas « man ipuler » vot re lecteur [d'eu- ou par deux points.
t ant plus que s'il est « mat manip ulé », il s' en apercevra, à vos

- ~ - - &1 -
~avolr rédige"r_ _~~~~~~~ _ ________ --"
A~rgu m enter : écrire .pour persuader

La répartition de l'eau est aisée, carchaque targa' alimente une Le raisonnement par analogie
surfacedechamp déterminée,quin'existeraitpassans elfe:quand il
ya beaucoupd'eau, chacun en prend à volonté. (Art icle de g éogre-
phle, cité dans J.-B. Grize (éd.), Sémiologie du raisonnement, Peter Le raisonnement par analogie consiste à aller chercher dans un
Lang, 1984) domaine autre des preuves pour le domaine considéré. L'analogie
est inté ressante da ns la mesure où elle permet not amment la
Dans cet exemple, ce qui est la conclusion du raisonnement est vulgarisat ion, ou l'explication simple d'un phénomène complexe,
posé d'emblée : la répartition est aisée. La suite de l'én oncé d'un domaine technique que le lecteur peut ou est considéré ne
consiste en la construction de la preuve,en deux temps. Le premier pas maîtriser. Il faut cependant prendre garde aux analogies excès-
slves ou non pert inentes .
temps int roduit par car, le seco nd temps introduit par le deux-
points.
l'analogie a un pouvoir évocate ur fort dans les int roductions en
particulier (voir notre t roisième partie).C'est te cas dans l'exemple
L'argument d'autorité suivant.

Ji en va un peu de la grammaire comme du socialisme. Théorie


A évite r dans la const ruct ion d'une argume nta tio n, l'argument spéculativeet pratique sociale concrète se mêlent enchacun de ces
d'auto rité consiste à s'a ppuyer sur l'opinion d'auteurs estimés, deux mots et les connotent d'une ambiguïté où s'alimentent
« faisant auto rité », pour étaye r un raisonnement : puisque machin quetques-uns des plusriches débats denotre temps. Il y a un socia-
le dit, c'est que c'est vrai. l'opinion d'« autorités» ne peut venir lisme«imaginaire », comme dirait Castoriadis, quiprend sasource à
que pour appuyer un raisonnement bien const ruit, étayé sur des quelques grands ancêtres, et dontonne saurait dire s'il est «( scienti-
faits. fique » ou « utopique » ; et ily a un socialisme réel, ancré dans
soixante ans d'histoire, et auquel onnesaurait refusersontitre :mais
Ainsi, dans l'exemple qui suit, l'appel à l'argument d'autori té vient quivoit encore enluil'incarnation dupremier ?
appuyer un raisonnement const ruit, qui se réfère d'abord à l'expé- Il Ya de même, incontestablement, deuxgrammaires :et la compa-
rience (l'observationsurle terrain). raison s'arrêtera là. (A. Cbervel, Etif fallut apprendre à écrire à tous
les petits enfants. Histoire de lagrammaire scolaire, Payot, 1977)
L'observation, surle terrain, des causes de l'émigration tend à prou-
ver que les flux s'inscrivent dans le temps et l'espace, et qu'ils
dépendent largement des politiques menées dans d'autres sphères. Le raisonnement par l'absurde
Denombreusesétudesuniversitaires dans le monde entierl'attes·
tent :ilne s'agitnid'invasion demasseni de mouvementsspontanés
de lapauvreté vers larichesse. (Saskia Sassen, Le Mondediploma- Le raisonnement par l'absurde permet de démont rer qu'une thèse
tique, novembre 2000) est à rejeter car eUe implique une contradiction avec les faits ou
que son applicat ion conduirait logiquement à une absurdité.

Si l'on admet, comme voudraient nous le faire croire tous ceuxqui


ont quelque chose à vendre, que l'homme contemporain a pour
1. Une ta rga est une conduite d'eau . vocation essentielle de consommer, on peut considérer que le

- 62 - - ~ -
Savoir récUg"e'' - _ _ _ __ _ _ _ _-"'
Argume nt e r ; écrire pour persuader

bonheur passe par un pouvoir d'achat important. Encore faut-il 2. L'argumentation dans la langue:
souscrire à cette proposition première. L'argent ne fait pas le les outils linguistiques
bonheur, dit l'adage. Dès lors, quelleest la vocation de l'homme de l'argumentation
contemporain ? C'est contre ce modèlede t'homme consumériste ......................................................................................................................................
qu'un groupe de militants canadiens a lancé l'idée du Buy Nothing
Day (journée sans achat).
Relier pour argumenter :
Cet exemple rejoint le tra itement par l'absurd e en rejet ant les des outils de connexion
prémisses sur lesquels se fonde la t hèse qui est combattue: si les
prémisses sont rejetées, alors la thè se ne t ient plus.
On parle de coordination argumentativ e lorsqu'un premier énoncé
l'utilisation de l'interrogation permet souvent de rejeter des argu- peut venir confirmer ou infirmer l'éno ncé qui le suit.
ments présentés comme absurdes. Deux énoncés pe uvent être argumentativement coordon nés,
même si aucun connecteu r n'explicite ce rapport de coordinat ion.
Observez l'exemple suivant .
Exemple
Peut-elle[l'Union européenne] longtempsimposeraux pays du Sud Ernest m'aposéunlapin. je ne viendrai plus à sesrendez-vous.
lalevéedesdroitsdedouanepourses propres produitsindustrielset
refuser d'accepter une ouverture progressive de ses marchés en Cependant, donner une orientation argume ntative à un texte se
faveur des produits agricoles du Sud ? (Le Monde diplomatique, fait essentiellement grâce à la maîtrise d'un certain nombre d'ou-
novembre 2000) t ils : conjonct ions de subordination et de coordinatio n.

ce que rejette l'auteur ici est une sort e de « toi de non-réciprc - Marquer la cause
cité », dénoncée comme intenable. Sa dénonciation repose sur une Ilexiste différentes man ières de marquer la cause: coordinat ion en
proposition en deux temps, présentée en miroir,qui oppose impo- car, subordonnée part icipiale, subo rdonnée relative dite explica-
serà refuserd'accepter, t ive (exempte 4), subordonnée int roduite par comme, simple
juxtapos ition de propositions (exemple 3).

Observez ces différente s expressions de la cause dans les exemples


suivants.

1.11 devait êtrefatigué et avoirrenoncé à l'idéed'altervoirle clairde


tune carif me demanda dedire aucocher de rentrer. (Proust )

2. Mme deVilleparisis voyant quej'aimaisles églises me promettait


que nous Irionsvoir unefoisJ'une, une fois l'autre. (Proust)

- . -
Savoir rédi""e,-' _ ________-"
Argume nt e r : écrire pour pe rsuade r

3. L'éducation ne se borne pas à l'enfance et à l'adolescence. Procédez à ces mêmes transformations sur les exemples suivants.
L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie, notremilieu
est notreéducateur, et un éducateur à la fois sévère et dangereux. 1. Ce que tu dis est vrai parce que tu l'asvérifié.
(Paul Valéry, Variété, Essais quasipolitiques)
2. Ce que tu dis est vrai puisque tu l'asvérifié.
4. Un curieux, qui avait du goût pourles mets étranges, essaya ce
platinconnu. l es deux forme s parce que et puisque ne peuvent donc pas être
utilisées indifféremment aux mêmes fins. la phrase de Pascal qui
5. Comme il avait du goüt pour les mets étranges, il essaya ce plat suit joue sur cette différence argumentative entre puisque et parce
inconnu. que.

Parce que/puisque: cause oujustiftcation Au lieu deconclure qu'ilny a point de vrais miraclesparce qu'ilyen
a tantdefaux, il faut dire aucontrairequ'ily a certainement devrais
Parce que indique la cause. Puisque sert à intr oduire la just ificat ion miracles puisqu'ily en a tant de faux.
de ce que l'on dit. Si le sens semble proche, ces deux connecteurs
ne const ruisent pourtant pas le même type d'énoncés. Dans la première partie de l'énoncé, parce que lie deux proposi-
Parce que lie deux énoncés par un lien de cause à effet, il ne pose t ions par un lien logique de cause à effet (c'est parce qu'üy e tant
en fait qu 'une seule affirmati on. Avec puisque, au cont raire, on de faux miraclesqu'il nya pointde vraismiracles). Dans la seconde
apporte deux informatio ns successives, en présupposan t que partie de l'éno ncé, Pascal présuppose que le fait qu'il y a t ant de
l'u ne just ifie l'autre . faux miracles just ifie qu'il y en ait aussi de vrais. l 'argument ation
repose sur cette présupposition : le lecteu r est cont raint à prendre
Regardons cela à partir d'exemples. ce rapport de just ificat ion pour accorder.

1. Tu asété reçu parce que tu le méritais. Exercke

2.j'espère étrereçu puisquej'aibien travaillé. En guise d'a pplication, cho isissez.. dans les textes suivants, entre
parce que et puisque.
l'énoncé 1 peut être glosé : c'est parce que tu le méritais que tu as 1, « Pourquoi écrivez-vous ? » demande-t-on souvent à l'écrivain.
été reçu, ce qui est impossible avec l'énoncé 2. De même, on peut Vous devriez le savoir. Vo us devriez le savoir vous nous fisez.
construire une interrogat ion to tale : est-ce que tu as été reçu parce (Ionesco, Notes et contrenotes)
que tu le méritais l (Si l'on suppose une répo nse du genre : non,
c'est la chance ou non,j'aisoudoyé l'examinateur!) 2. On rejoint la colonie lessituations y sont assurées, les trai-
tements élevés, les ceméœs plus rapides et les affaires plus fruc-
Avec la phrase 2, au cont raire, on procédera à une interrogat ion en tueuses, (A. Memmi, Portrait ducolonisateur, Gallimard, 1957)
deux temps : est-ce que tu espères étre reçu ?puisque tu as bien
travaillé ? 3 il a découvert le colonisé, son originalité existentielle,
Par ailleurs, on peut t oujours remp lacer parce que par car. . soudain le colonisé a cessé d' ëtre un élément d'un r éve

-M- - 111 -
________-"'
Argument er : écrire pour persuader

exotique pourdevenir une humanité vivante et souffrante, le coloni- Différentes subordonnées de conséquence
sateurrefuse de participer à son écrasement, décide de fui veniren
aide. (A. Memmi, Portrait du colonisateur, Gallima rd. 1957) l es phrases suivantes montrent diverses manières de marquer la
conséquence. :t t'aide de subordonnées.
4. L'écrivain est embarrassé par les questionsqu'on lui pose il
se lespose lui-mêmeet if s'en pose bien d'autres. (Ionesco. 1.Ma passionpourluiétaittellement folle quej'en aieu des aigreurs
Notes et contrenotes) d'estomac.

S. Dans sa solitude I...J chaque homme. et l'écrivain aussi, respire. 2. Ma passion pourluiétaittelfequej'en ai eudesaigreurs d'estomac.
[ ) L'écrivain non seulement respire. mais il est écrivain, il
écrit. (Ionesco, Notes et contrenotes) 3.j'avaispourluiunefolle passion, si bien quej'en ai eudesaigreurs
d'estomac.
6.)e suisromaine, hélas•......... monépouxl'est. (Corneitte. Horace)
4. Ma passion pour lui était si folle que j'en ai eu des aigreurs
Ma,que, la conséquence, le but d'estomac.
Pourque/de sorte que la conséquence peut également se marquer simplement par une
juxtaposition et différentes ponctuations.
Pour que note te but et de sorte que la conséquence. Il existe la l'utilisation du deux-points rend la relation de cause-conséquence
même différence entre pourque et de sorteque qu'entre parce que explicite.
et puisque :pourque lie deux énoncés. de sorteque apporte deux
informations successives. Exemple
Ma passion pourluiétait folfe :j'en ai eu des aigreurs d'estomac.
Observons les exemples suivants.
la simple juxtaposition de deux propositionsséparées par un point
1. II a fait cegeste pourqueje lui pardonne. est moins explicite :
2.11 a fait cegestede sorte queje lui pardonne. Exemple
Ma passion pourluiétait folle.J'en ai eu des aigreurs d'estomac.
l'énoncé 1 peut être glosé : c'estpourqueje luipardonne qu'ila fait
ce geste, ce qui est impossible pour l'énoncé 2. Ma,que, la concession

Pour que peut toujours être remplacé par de façonque. Tous deux l'introduction d'une proposition de concession indique qu'il n'y a
commandent une proposition subordonnée au subjonctif : pas eu la relation logique attendue entre ce qu'elle exprime et ce
• j'aidéplacé la date pourque tu puisses venir. qu'exprime la proposition principale.
• j'aidéplacé la date de façon que tu puisses venir,

- 00- - ,,-
Savoir rédl ge
"'.'--- _ _ -"'
Argume nt er : éc~I ~_ po~!. ~~s_uad_~

Exemples \ lecture. de t'écriture et de l'arithmétique. (A. Chervel, Et il fallut


• Quoiquej'aie beaucoup d'amitiépour toi, tu m'agacestrèssouvent apprendreà écrire à tous les petits Français. Histoirede lagrammaire
par tes propos sansqueue ni rêre. scolaire. Payot . 19 77)
• Bien qu'if tienne souvent des propos sans queue ni têt e. il est
cependant trèsintelligent. 2. Certes. Euroméditerranée a la volonté de relancer l'offre
• Malgré son intelligence. il tient biensouvent despropos sans queue commercialesur ce périmètre. La prochaine ouvertured'un web bar
nitête. dans cette rue se veut symbolique de cette volonté. Mais cette
• Certes ifest très intelligent, cependant. iltient souvent des propos nouvelle donne relève plus de l'incitation que de l'imposition. (Le
sansqueue ni tête. Pavé. 23 au 23 novembre 2000)

Malgré/en dépit de Certes introduit une concession: celui qui écrit reconnaît la vérit é
de la proposi tion qu'il introduit a insi.
Malgré la destruction de ces quartiers. lesite reste empreint des stig-
mates de la pauvreté. de la maladie, de l'insécurité. (Le Pavé, 23 au Exemple
23 novembre 2000) Certes les Français ne sont pas radstes.

Malgré e st une préposit ion employée suivie d 'un nom . EUe a le Une phra se qui commence par certes e st incomplèt e.
même emploi que la locution en dépit de. l'introduction par certes fait que le lecteur attend une correction.
gén éra lement introduite par mais.
Bien que/quoique/ malgré que
Exem ple
Ces tr ois conjonctions son t int e rcha ngeable s. To utes les t rois Certes les Français ne sont pas racistes, mais ils n'aiment pas les
co mmandent le subjonctif. les pu ristes ré sist ent à l'emploi de étrangers.
malgréque suivi du subjoncti f, il est cependant consigné ainsi da ns
Le BonUsage de Goose {le « Grevisse »]. Cette co rrection peu t égale men t être introduite par cependant.
Par ailleurs, prenez ga rde à la confusion quoique/quoi que (pour toutefois ou néanmoins.
cett e distinction, report ez-vous ci-dessus. à la premiè re partie de
l'ouvrage). Vous pouvez ut iliser sans risque bien que, forme la plus Exemple
fréquente à l'écrit. Certes fes Français ne sont pas racistes. cependant/toutefois/
néanmoins ilsn'aiment pas les étrangers.
Certe~
Parce qu'il introd uit une concessio n, certes peut difficilemen t flgu-
1. Véhicule d'idéologie certes, l'école a été aussi. nous dit-o n. un rer au début d'un texte . Dans l'exempl e présenté, l'é non cé d ébu-
remarquable instrument de progrèsen généralisant lapratique de la tant par certes ferait suit e à une séque nce développant que les
Français ne son t pas racistes. A moins de se référe r à une sorte de
disco urs ambian t , connu de t o us, affirmant qu e les Français ne
Z. Pour cette analyse de ( ertes, nous ec us reportons à l'art ide de Mi(he l Charolles sont pas raciste s.
« La gestion des orientations argumentatlves dens une activité rédactionnelle » in
Pratiqu es, n D 49, m al"!i 1986.

-10 - -11 -
Savoir rédi#e
~r,--- _ _ --"A"'
t gumenter : écrire pour persuader

Certes peut donc reprend re explicitement une proposition anté- Autre exemple tiré du même article, où si est couplé avec roure-
rieure. fois.
Exemples Si secondaires qu'ils puissent paraître, ces deux cas représentent
• Les Français ne sont pas racistes. Ils ont toujours accueilli des toutefois une brèche importante dans te rempart d'autonomie
réfugiés. Ils... /ls... construit autourdelapolitique d'immigration.
• Certes les Français nesont pasracistes, mais...
Marquer une opposition ou une restriction:
Certes peut également introduire un énoncé récapitulatif. mals, cependant, toutefois, néanmoins, pourtant

Exemples Voici différents exemptes présenta nt tous une cont radiction (deux
• Les Françaisont toujours a~cueilli des réfugiés. Ils sont eux-m êmes aspects d' une même chose qui s'oppose) ou une restr iction (une
pourbeaucoup fils ou petits-fils d'immigrés. Ils... limite à la portée d'une affirmation).
• Certes lesFrançais ne sontpas racistes mais...
1. Dans les l EP, les chefs d'établissement essaientde recruter des
Concessionintroduite par si personnes issues des mêmes quartiers queles élèves en postulant
que cette « proximité » facilite leur rôle de médiateur. Mais c'est
l a concession peut également être int roduite par si. Observez-le aussi un signe de méconnaissance des compétences que tesaides·
sur l'exemple suivant. éducateurs doivent mettreen œuvre, parce qu'il nesuffitpasd'être
issu des mêmes quartiers, de parler la même tangue que lesjeunes
Si l'Etst-netion dispose toujours du pouvoir d'écrire le texte d'une pourêtreunbonéducateur. (Le Pavé. 23-29 novembre 2000)
politiquede l'immigration, ses différentes obligations internatio-
nalesfont que sapolitique de l'immigration. ausens conventionnel 2. Une pagese tourne au Proche-Orient et l'instabilité risque de
de cette expression, n'affecte qu'à la marge les réalités migratoires. s'étendre. Pourtant, depuis plus de trente ans, les Palestiniens et
(Saskia Sassen, Le Monde diplomatique, novembre 2000). l'OLPavaient entamé unelongue marche vers l'acceptation d'une
solution fondée surla coexistence de deux Etats. (E. Rouleau, Le
l a concessio n aurait pu être exprimée en deux proposit ions : Monde diplomatique, novembre 2000)
certes/cependant.
Certes l'Etat·nation dispose toujours [...1,cependant sesdifférentes 3. Onn'exagérera pas, cependant, dans cette voie:c'est celle de fa
obligationsinternationales I...J. perdition. celle quiconduit tout droit auroman moderne. (A. Robbe-
Grillet, Pourunnouveau roman, 1962)
L'effet de sens est cependant différent, selon l'utilisat ion de l'une
ou l'aut re des deux formules. l a formule en si est plus « légère », 4. Ne serait-ce pasau contraire lapire absurdité quede considérer
elle permet de ne pas peser sur ta concession (et donc de ne pas ces livres comme des études de caractère? (A. Robbe-Grillet, Pour
focaliser l'argument ation sur l'exp ression de la concession) . unnouveau roman, 1962)
Sechez choisir la formule ada ptée à votre propos.
Mais. employé seul (sans certes), et il en va de même pour des
connecte urs proches comme cependant, toutefois, néanmoins....
crée une dynamique de l'interprét ation part icutière.
- 72 - - 73-
Sa voir rédige
""':.- _ _ --'"'
Ar~ m ente r : écrire P!t~~persu ade!

Après avoir prononcé/écrit une première proposition, le locuteu r cette phrase en disant : peu m'importe qu'ilme plaise aujourd'hui,
(ou celui qui écrit) prévoit que le destinataire (celui qui entend ou ce qui est important, c'est qu'il me plaise toujours.
lit) va en tirer une conclusion. En introduisant une seconde propo-
sition commençant pa r mais, il empêche cette conclusion en Cette orient at ion argu men tative int rodu ite par l'inter rogation
signalant un fait qui la cont redit. commençant par mais permet notamment de faire basculer l'ar-
gume ntati on,d'amene r une transit ion, entre par exemple l'opinion
Ainsi dans la phrase : Ernest louche, maisil a du charme, on peut comm une, ou ce qui est immédiatement perceptible pour t out un
considérer que la conclusion à ti rer de la première proposit ion chacun, et ce qui va venir probl émettser la quest ion. Elle permet
Ernest louche est qu'il n'a pas de charme. L'int roduct ion d'une d'e ngager te débat.
seconde proposition commencée par mais cont redit cette conclu-
sion. Exemple
Cet homme est véritablement charismatique, mais quel est son
Cette valeur de mais peut about ir à des opposit ions malencon- projetpolitique ?
tr euses, qui révèlent les présupposés de celui qui introduit cett e
opposit ion. Ainsi, ces formulations qui révèlent en fait le racisme Ponctuer les moments d'un raisonnement: or
de ceux qui les prononcent (et qui s'en défendent) : il est arabe,
mais il est instruit (le présupposé est que les Arabes d'ordinaire ne l e sens premier (mainte nant vieilli) de or est un sens temp orel, il
sont pas inst ruits...), ifest noir, mais il est travailleur... signifie maintenant ou présentement (d'une étymologie boes, « à
cette heure »]. l'emploi mode rne de or garde cette connotation
Faites donc attention à l'emploi de mais et sechez manipuler l'im- t em porelle : il marque un moment parti culier d'une durée
plicite qu'il suppose. (exemple 1), ou, ce qui nous intéresse ici, d'u n raisonn ement
(exemples 2, 3, 4).

PRÊCISIONS: L'IMPUCITE
1. Le ciel était parfaitement clairet le soleil donnait si fort queje ne
pouvais regarder dans sa direction. Or. if perdit brusquement son
L'implicite, qui s'oppose 11 l'explicit e, est ce quI n'est pas clairement éclat, mais non pas, notai-je, comme s'il se couvrait de nuages ;je
énoncé, formu lé, mais qu i est virtuellement cont enu dans le fait me retournaiet vit qu'unegrande masse opaque passaitentremoi et
énoncé et que le fait énoncé laisse supposer. Dans le man iement du le soleil. U. Swift, Les Voyages de Gulliver, 1726)
discours, il y a t oujours beaucoup d'implicite. ll faut être conscient,
pour la réussit e de la commun ication, de l' implicite, et au besoin
savoir l'ut iliser (voir plus loin ce que nous disons de l'ironie). 2.L'idée prévaut, en Europe occidentale, en Amérique du Nord et au
Japon, d'une crise du contrôle de J'immigration. Or cette vision
interdittout débat serein. La question importante, en effet, ce n'est
Les questions introduit es par mais ont une valeur argumentative pas t'efficacité du contr6le des Etats surleurs frontières, dont on
particulière. Si l'on énonce : sait bien Je caractère nécessairement imparfait, mais plut ôt la
Il me plait aujourd'hui, maisme plaira-t-iltoujours ? nature de ce contrôle. (Seskte Sassen , Le Mo nde diplomatique,
Mais sert à disqualifier la première considérat ion (il me plait novembre 2000)
aujourd'hui) en donnant une importance exclusive à la seco nde
considérat ion (me plaira-t-il toujours). On pourrait paraphraser

- 74 - -75 -
Savoir rédlge..,r' - ~ _ _ --"
A~r gu m enler : écrire pour persuader

3. If est assurément pluscompliqué de tenir compte de cet impact Exempte


[l'impact des act ivités extérieures des Etats sur les flux migre- Il ne peut m'être d'aucune aide. En effet, if est totalement incom-
toires}quede voir danst'immigrationunesimple conséquencedela pétent.
pauvreté, le résultat d'un choix individuel des émigrants. Or il
importe derattacherfesfaitsmigratoires auxpolitiques susceptibles Dans le texte argumentat if suivant, l'auteur (ou plutOt le t reduc-
de lesavoirprovoquées. Tout montre que c'est à partir deschoixdes teur, le t exte initial éta nt en anglais) n'ut ilise pas de connecteurs.
pdys hautement développés, importateurs demain-d'œuvre, quese Int roduisez eneffet là où il permettrait d'appuyer l'argumen tation.
construisent les tiens unissant pays d'émigration et pdys d'immigra·
tion. (Ibid.) Le fluxdeparoles et le changement de distance entre deux individus
en interaction participent du processus de communication. Les
4. L'ancienrégime a vuapparaître biendescourants grammaticaux distances normales entre étrangers lors d'une conversation illustrent
et uneréflexion linguistique dont on apprécie. depuis peud'ailleurs, l'importance de la dynamiquede l'interactionspatiale. Si l'un des
la richesse multiforme et la modernité. (...J La grammaire, à cette interlocuteurss'approche de trop près, laréaction est immédiate et
époque. çan'existepas plus que la philosophie. Or ce que l'école automatique. L'autre recule. (E.T. Hall, Le Langage silencieux, Seuil
enseigne, dès le début du x/X" siècle, c'est une grammaire bien 1984)
précise. (A. Chervel, Etil fallut apprendre à écrire à touslespetits
Français. Histoiredela grammaire scolaire. Peyct, 1977) la troisième phrase vient confirmer. en donnant un exemple, ce
qui a été énoncé dans les deux premières phrases. On peut la faire
Dans l'exemple Z.or int roduit une proposition qui s'oppose à t'cpt- débuter par eneffet.
nion commune, énoncée dans la première phrase. Il marque une Attent ion, car eneffet est considéré comme pléonastique (œdon -
sorte de moment de bascule dans l'argumentation . La proposition dant) et est davantage un trait de la langue parlée.
suivante, int roduite par eneffet, vient appuyer celle qui est intro-
duite par or. AppoI'te, d'autre. arguments

Ce rôle (introdu ire le deu xième temps d'u n raisonnem ent ) se De plus/en outre
retrouve dans le syllogisme (voir ci-dessus). Il peut introduire une
object ion. Son emploi alors est proche de celui de cependant ou l es locut ions adverbiales de plus et en outre servent à introduire
pourtant. un élément qui vient s' ajouter, soit comme informat ion supplé-
mentaire, soit pour surenchérir dans le sens de ce qui a déjà été
Exemple dit.
Vous ditesavoirraison, orvous n'avez riendémontré.
Parailleurs
Apporterune preuve :en effet
Parailleurs int roduit un autre point de vue sur ce qui a été dit.
En effet introduit une propositio n qui vient confirmer ce qui a été
précédemment énoncé. Exemp le
Ce sujet m'intéresse personnellement. Par ailleurs. c'est un sujet
important d'un pointde vue scientifique.

- 16- -71 -
Savoir rédige
= -' _ _ Argu ment er : écrire pour persuader
-=

Du reste/d'ailleurs Il introduit une concl usion (équivalen t à par conséquent,


exemple 1), un exemple (exemples 2, 3, 4), le second terme d'une
D'ailleurs sert toujours à introduire un argument coorienté avec un comparaison (exemple 5).
autre argument précédant d'ailleursl, Du reste a la même fonction.
1. Cesateliersde rue pratiqués dans six cités à Marseille sont des
Exemple espacesvivants où l'enfant est réceptif, maissurtout actif. L'enfant
Il n'est pas venu. Onne peut jamaiscomptersur lui. D'ailleurs, il ne n'est plus celuiqui apprend, il crée. Des peintres animateurs sont à
vientjamais aux rendez-vous. leurdiapason. L'expression est fibre. Aucun jugement n'est porté sur
les dessins. Il n'est pas question d'éduquer mais d'éveiller. Ainsi,
le troisième énoncé donne un argument supplémen t aire qui chaqueenfant aée ce dont ilrêve. (Le Pavé, 23-29 novembre 2(00)
s'ajoute à celui donné par le second énoncé, tous deux orientés
vers une conclusion commu ne: le premier énoncé. 2. Les classes de CUN (d'initiation) ont été spécialement créées pour
les enfants primo-arrivants. Mais les enseignants de ces classes se
5i aucun énoncé ne précède celui introduit comme d'ailleurs, il retrouvent face à des situations d'autant plus différentes que les
faut considérer qu' il est implicite. migrations varient trèsrapidement. Ainsi, depuis quelques années,
beaucoupde Comoriens arrivent à Marseiffe, aprèsavoirtransité par
Exemple Mayotte pourobtenirla nationalité française. Ifs sont français, mais
Ifn'est pas venu. D'ailleursje m'en doutais (implicite : il ne vient ne parlent pasnotrelangue. (Le Pavé, 23-29 novembre 2000)
jamais aux rendet-vcus ou bien ilne veutpas me voir, etc.].
3. Ils laissèrent entendreauxjournalistes que l'usageexcessif de la
l'introduction d'une proposition commencée par d'ailleurs force pourdisperser lesmanifestantsse révélait nécessaire et justifié
renforce t'affirmation de la proposition précéden te, qui semb le dès dans lamesureoù dessoldatset des civils israéliens se trouvaient en
lors « aller de soi ». danger. Ainsi, le vendredi 29 septembre, lorsde la prière à al-Aqsa.
quand- selonleurversion- desjeunessurexcitésjetèrent despierres
Exemple surlesjuifspriant devant lemur deslamentations. (Le Mondediplo-
Ce n'est pas dans ce nouveau quartierque cesfutursnéo-Marseillais matique, novembre 2000)
viendront tous habiter. D'ailleurs, la révision du Plan d'occupation
des solsmise en œuvre parl'équipemunicipale prévoit l'ouverture à 4. La rue accompagne et prolonge également l'effet de sas que
l'urbanisation des zones vertes à la périphérie de la ville. (Le Pavé, jouent les quartiersdu Panier et de Belsunce pourles nouveaux arri-
23-29 novembre 2000) vants. Ainsi, plusieurs vagues d'immigra tion successives- corse,
italienne, maghrébine, vietnamienne - donnent à la rue cet aspect
AInsi multiculturel qu'elle conserve encore aujourd'hui. (Le Pavé, 23-
29 novembre 2000)
l'adverbe ainsi a plusieurs fonctions. Il est avant tout un adverbe
de man ière (c'est ainsi), mais ce n'est pas cet aspe ct que nous 5. Deméme qu'ila toujours agiparle passé. ainsiagit-il aujourd'hui.
allons examiner ici.

3. Voir Ducrot et , /il, LesMots du diJCours. Paris. Minuit, 1980.

- 18- - 19-
Savoir rédig~.~r _ _ --"'
Argu menter : écrire pour persuader

l' inversion du sujet et du verbe est assez fréquente après ainsi. Peu/un peu

Exemple l es qua nt ificateurs peu/un peu, s'ils indiquent t ous deux une
Ainsi chaque enfant cr ée-t-ll cedont il rêve. petite quantité, n'indiquent cepe ndant pas la même appréciation
de cette qua ntité.
L'ut lIIsatl on des connecteurs :
observation d'un exemple Com parez :
Cette situation est peugênante
Observez ce passage argumentat if, extrait d'une copie d'étudiants. et
Quels connecteu rs sont bien utilisés, quels connecteurs ne le sont Cette situation est unpeugênante.
pas?
Dans le prem ier cas, il s'agit quasiment d'u ne négation : cette
Cette nouvelle création delittérature romane a jouéunrôle moteur situation n'est pas gênante. Peu en fait fonctio nne comme une
dans lapromotion delalangue française. négat ion atténuée (il peut s'agir aussi d'une façon polie d'exprimer
En effet cela a contribué à assurer sonprestige. Or le fait qu'une les choses : ton livre est peuintéressant est une façon moins forte
langue assure sasuprématieest une des caractéristiques deslangues de formuler ton livre n'est pasintéressant. On nomm e cette t our-
hautes. En effet, avant cela, seul lelatintrouvait saplace dans t'ac- nure une litote).
tivité littéraire. Donc à partirdu xlr siècle, ily aunretournement de Dans le second cas, il s'agit d'une affirmat ion : cette situation est
situation :le latinest moinsapprécié dumilieu littéraire. gênante.
Il faut donc prendre garde à l'orientation argumentative que peut
le second eneffet n'a pas lieu d'être : la phrase qu'il introduit n'est donner respect ivement l'emploi de peu ou unpeu.
pas un argument en faveur de l'affirmation précédente. On peut le
supprimer. Ainsi, si après la seconde proposit ion vous pouvez enchaîner de la
sorte : Cette situation est un peugênante,je n'ai pas envie quecela
se reproduise, vous ne pouvez pas enchaîner de la même manière
Quantificateurs, appréciatifs après la première proposit ion : Cette situation est peu gênante,je
et argumentatlon 4 n'ai pas envie que cela se reproduise. la relat ion ici n'e st pas
logique.

l'utilisat ion des quant ificateurs et appréciatifs (peu, un peu,


presque, à peine, même) donne une orientat ion argume ntative à
PRÉCISIONS: LA LnOTE
un énoncé, orientat ion qu'il faut savoir maîtriser.C'est ce que nous
allons voir mainte nant. La litote est une formulat ion atté nuée, qui amène en fait li interpré -
ter un énoncé comme disant plus que sa signification littérale.
Généralement , il s'agit de dire non-A pour laisser ente ndre A.
la litote la plus célèbre de la litt érat ure française est le : va,je ne te
hais point de Chimène li Rodrigues. dans Le Cid, manière atténuée (et
acceptable, vu qu'il vient quand même de t uer son père) de lui dire
4. Ducrot O.. Direet ne pasdire. Paris. Hermann . 1972 ; Ansco mbe j.-C. et Ducrot 0 .. je t'aime.
L'Argumentil tion dans /il/ilngue, Bruxelles, Mardaga. 1983.

- ~- - 81-
Savoir rédig~r,- _ _ ~
Argu me nte r : écrire pour persuader

A peine Presque

Considérons tes exemples suivants : Comparez :


1. Cette dissertation est à peinedigned'unétudiant en lettres. l ,Il a à peine vingt ans.
2. Cette dissertation est peu digned'unétudianten lettres. 2. Il a presquevingt ans.
3. Il gagne à peine millefrancs parmois.
Presque intr~ u it souvent un sous-entendu majorant (qui apporte
A partir des exemples 1 et 2, on voit bien la différence de sens « du plus »), Inverse du so us-ent endu minorant (qui apporte « du
qu'int roduit l'ut ilisat ion de à peine par rapport à peu. En effet , si moins ») lié à à peine. l'é noncé 1 sous-e nt end que vingt ans, c'est
l'e xemple 1 implique un jugem ent assez pessimist e sur les jeu ne. l'énon cé 2 sous-ent end que vingt a ns, ce n'est plus jeune.
étudiants en lett res, considérés comme n'ét ant pas la norme à
suivre, l'exemple 2 au cont raire implique qu'on les prend comme Même
modèle.
Dans l'exemple 3, à peine est presque synonyme de seulement. Méme int roduit un argument qui va dans le mê me se ns (souvent
avec un surenchérissement) qu'u n énoncé qui le précède.
On doit considérer que à peine a un effet dévalorisant, il présente
comme insignifiant le terme sur lequel il porte : être un étudiant Exemple
en lettres, c'est peu de chose : gagner mille francs, c'est peu de Peu de personnes mangent des escargots et des cuisses de
chose. grenouille, ily en a même très peu.
l 'uti lisat ion de à peine peut avoir des effets ironiques , comme
dans la phrase : If gagne à peine un million parmois. On ne pourrait pas dire : (...) ilyen a même beaucoup. Ce serait
inconsista nt.

PRÉCISION : L'IRONIE
Nomlnallsatlon et argumentation
l 'ironie consiste li dire A pour faÎre entendre non-A. Les marqueurs
de t'ironie li l'écrit sont multiples, ils vont être l'indice d'un jugement
ou d'une mise .li distance : point d'eKd amat ioo, points de suspen· Nous avons traité, dans la première part ie. de la nominalisation qui
sion, guillemets, it aliques. mais aussi des mots tels sic (que 1'00 met consiste à reprendre un éno ncé verbal complet par un nom
entre parenth èses apres un terme cité, pour souligner qu'on le cite (L'homme a été mis en prison. Cet emprisonnement.•.}.
t~ quel, aussi bizarre ou inapproprié ou faut if qu'il puisse paraïtre) ,
ft-idemment, bien sûr, comme chacun u it..•
L'iron ie t ient en fait au décalage ent re le propos te nu et ce que le Nous avions signalé que la reprise lexicale ou nomine üsetlon peut
lecteur sait de ct qui u t dècrtt, Elle repose donc sur un ensemble de orienter l'inte rprétation à donner à un énoncé. Obse rvons cela de
savoirs qui doivent t tre communs .li cttui qui êcrit et au lect eur. Sans plus près.
cele. elle risque de ne pas être comprise.

Les biologistes n'ont pas vraiment englobé l'homme dans la btoio-


gie. Cette insuffisance. la plus importante de la connaissance
biologique. demande à être rectifiée dans une perspective évolu-
tionniste. (erne. op. cit.)

- u- -,, -
Savoir rédlg"'e'-' _ ___ _ ____-"'
Af_g ume nt er : écrire pour persuader

l a nominalisati on s'accompagne ici d' une inte rprét ation sur Ainsi, si l'on pose la quest ion :
l'énoncé qui précède : elle oriente le discours. Les Marseillais ne pensent-ils qu'au football et aupastis ?, ceta a la
même valeur argumenta tive que la négative :
Si la rep rise lexicale, ou la nominalisati on, est un instr ument Les Marseillais ne pensent pastous aufootball et aupastis.
linguist ique de l'a rgumentation au même titre que tes connec- Cett e orientation argumentative qu'apporte l'interrogation totale
teur s, prenez garde cependant aux nominalisations inte rpréta tives est une ressource rhétorique importante.
qui ne seraient pas reçues par vot re lecteu r et nécessiteraient une
justif ication. Vous risqueriez une remarque du type : Encore Observez tes exemples suivants.
faudrait-il le démontrer.
1. Alors que la mondialisationéconomique a profondément trans-
Observez cela sur l'exemple suivant, volonta irement ext rême. formé les Etats et le systèmeinterétatique, peut-on continuer de
penser l'immigration comme s'ils'agissait d'une dynamique indé-
Lesfemmes et les hommes n'occupent généralement pasles mëmes pendante des autres champs ; commesison « traitement» relevait
postes dans la société. Cettejuste répartition permet à chacun de encore exclusivement d'une souveraineté nationale unilatérale?
trouver saplace. Peut-on persister, dans la réflexion sur les migrations internatio-
nales, à fa irel'économied'une interrogation surles transformations
Soyez donc atte ntif au fait que la nominalisation permet de sous- décisives qui ont affecté l'Etat, à ta fois surle plan domestique et
traire à la discussion certaines parties d'un énoncé. dans ses relations internationales? (Le Monde diploma tique,
novembre 2000)
Observez ainsi cette phrase.
Devant ces agissements inqualifiables,nousrestons impuissants. 2. Comment une même langue pourrait donc engendrer deux ou
plusieurs grammaires différentes ? Est-ce que le féminin des adjec-
l e fait de nominaliser agissements inqualifiables empêche la tifs ou les conjugaisons des verbessont susceptiblesdevariersuivant
discussion sur la natu re inqua lifiable de ces agissements. Il en lesauteurs et les théories ?Evidemment non.
aurait été différemment si on avait écrit : On a agi de fa çon lnoue-
lifiabte. Dans l'exemple lia suite d'interrogations, auxquelles le tecteu r se
Une telle phrase demande une justification. Soyez ainsi attentif au t rouve forcé de répondre par la négative, est l'introduction d'un
présupposé que const ruit la norninalisetion développe ment argumenté qu i va étayer ce qui est posé ici
comme évident. Nous reviendrons sur le ressort fourni par l'inter-
rogation dans la const ruction d'une introduction.
Interrogation et argumentation
Dans t'exemple 2, I'auteu r lui-même répond à la série de questions
les phrases interrogatives (interrogations totales, c'est- à-dire qui qu'il introduit. l 'int roduction de l'interrogation sert ici à se débar-
portent sur la totalité de t'énoncé) en français ont une valeur argu- rasser d'objections t raitées comme absurdes et qu'on ne peut dès
mentatlve. c 'est ~à ~di re qu'elles ont la même orientation argumen- lors lui impute r.
tative que les phrases négatives correspondantes'.

s. Voir Anscorn be J.-C e t üu crot O., L'Argum entation dans la langue. Bruxelles,
Mardaga, 1983.

-~-
Savoir rédlg'!e!.' _ ____ _ __ _ ~
Argu!!'~nter : éc rire pour persuader

Récapitulatif: les différents connecteursde l'argumentation Application: contrôle d 'orientation


argumentative

Marquer la ca use parce que, car


1. Nous allons observer des éno nc és o ù l'o rientation arg umen-
Confirmer, introduire un arg u- en effet tative est mal contrô lée.
ment
Int rod uire une j ustification puisque • Exemple 1
Peu d'étudiants obtiennent leur Deug du premier coup (presque
Marquer ta cons équence de sorte que, si bien que 20 " ).
do nc
par conséquent Tous ceux qui lise nt cet énoncé sont d 'accord pour dire qu 'il y a
« quelque chose qui cloche » . Le text e n'est pa s cohérent.
Marquer le but pour que, afin que Pourquoi ? Proposez u ne correction.
Marquer la concession metgr é. en dépit de
bien que, quoiqu e, malgré que On Ut la parenthèse comme ét ant un argument ve nant appuyer ce
qu i est dit dans la phrase principale . Or le quantificateur peu et le
si
quantificateur presque n'indiquent pas la même appré ciation
Marquer l'opposition ou la ma is, cependa nt, toutefois, d'une quantité. Presque apprécie une quantité en la considérant
restriction n éanmoins, pourtant co mme import ante, ce qui contredit peu. l'expression attendue
Int roduire une o bjectio n 0' serait :pas tout àfait ou un peu moinsde ou pas plus de.

Introduire un exemple par exemple • Exemple 2 (extrait d'un article de Téférama, n° 1 560 )
ainsi
Ledéveloppement de l'informatique engendredes inquiétudes pour
Fa ire une comparaison de même que.•. de même l'emploi. L'informatique permet d'améliorerla productivité et les
de même que ... ainsi conditions de travail (ainsi, la « robotisation » mise en place chez
comme Renault a supprimé despostespéniblesJ. Mais fera + elfedisparaitre
plus d'emplois qu'elfen'encréera 7
Introduire une conclusion ainsi
par cons équent Pointez là où « ça cloche » . Proposez une correction. Propo sez
cela étant une am élioration du texte en int ég ra nt des mots de liaiso n, des
ad verbes.•.

l a de uxième phrase est une conce ssion par rapport à la premi ère.
l a phrase en t re pa rent hèses est une ittustrat ion qui vient à l'a ppui
de la concession. On att end de la phrase inte rrogative, int roduite
par mais, qu'eUe soit la correction de la concession. Or, ce n'es t
pas le cas. et c'est « ce qui cloche ». Pourqu oi ?

-~- - 87 -
Savoir rédlge""' - _ ____ _ _ _ _ --==
A~rgu m ente r : écrire pour persu ader

les que st ions du type « est-ce que... ? » ont ta même vale ur argu- 3. Même exe rcice,
mentative que la négative correspondante. Icidonc. l'interrogative Onn'ajamais tant édité de livres. La oroducûon-cooscmmsnon
a la mê me valeur que la négative : elle ne fera pas disparaftre plus d'écrits semble enpleine expansion.
d'emplois qu'ellen'en créera. Or, c'est t out le con t raire que veut a) Mais ce développement industriel de l'édition signifie une
dire l'aute ur, production de qualité?
Il aurait donc fallu faire la correction de la co ncession par l'inter- b) Maisce développement industriel de l'édition ne signifie+il pas
ronégative : mais ne fera+effe pas disparaître plus d'emplois uneproduction de qualité?
qu'elfe n'encréera.

On peut encore améliorer te texte en int rod uisant des con nec-
teurs.
l.e développement del'informatique engendre des inquiétudespour
l'emploi. En effet, l'informatique permet certes d'améliorer ta
productivité et les conditions de travail (ainsi, la « robotisation»
mise en place chezRenault a supprimé des postes pénibles). Mais
fera-t-elledisparaif.re plusd'emploisqu'eUe n'encréera ?

Z. Soit le texte su ivant :


L'avenirprofessionnel desjeunessuscite biendes inquiétudes. Des
mesures decréation d'emploi ont été prises :emplois-jeunes, CES...•
mesures quifont baisser lesstatistiques duchômage.

Proposez une prolongation à ce texte, laquelle. parmi les


phrase s suivant es. convient?
a) Maisces« solutions» entraîneront-elles à longterme une expan-
sion duchômageplus s(Jrement qu'elles n 'y porteront remède ?
b) Mais ces« solutions » n'entraîneront-elfes pas à longterme une
expansion du cMmage plus s(Jrement qu'elfes ny porteront
remède ?

Pour les mêmes raisons que précédemment (l'interrogative totale


a la même valeur que la négat ive). la version logique est I'lnte rrc -
négative b).

- M- -M-
PARTIE III

ECRITS SCOLAIRES
OU ACADÉMIQUES:
MAÎTRISER
QUELQUES
TECHNIQUES
Ecrits scolai re s ou académiques

l e but de cette part ie est de vous donner des repères pour réussir
à maîtriser (es exercices écrits académiques . Ils sont essentielle-
ment de deux types (nous laissons de côté les exercices purement
littéraires) : texte argumentatif ou commentaire de texte. Chaque
discipline a ses propres exigences concernant la rédaction de
commentaires de texte ou de textes ergumeotenfs. que l'o n
nomme généralement dissertation. En philosophie. en histoire, en
littératu re, les te chniques et les requis diffèrent. Nous n'entrerons
pas dans le dét ail de ces particularités disciplinaires. Ce que nous
allons voir ensemble dans cette partie, ce sont des techniques et
des outils généraux. utilisables dans toute discipline. quelle qu'elle
soit.

- ,, -
Ecrits scolaires ou acad émiques

Nous avons vu dans la partie précédente les tec hniques de l'argu-


menta tion. Ce que nous abordons maintenant est la construction
d'u n devoir de t ype argumentatif du dé but à la fin, depu is la
compréhe nsion du sujet jusqu'à la rédaction complète (introduc-
t ion-développem ent -conclusion). Ces méth odes sont valables
pour tout type d'écrit argument atif, en lettres, sciences humaines
ou sciences sociales. Comme nous l'avons signalé précédemment,
nous n'entrerons pas dans les particularités propres à chaque
discipline.

Préalable à toute rédaction: comprendre


un sujet

Avant tout, avant de vous lancer dans le traitement d'un sujet, il


faut bien le comprendre et avancer pas à pas. Plusieurs lectures
sont nécessaires, la plume à la main. pour décort iquer et ne rien
laisser passer de ce qui peut faire tout l'inté rêt et l'enjeu du sujet.

Repérer les fermes clés

la pre mière chose à faire pou r analyse r un sujet qui vous est
proposé est de le lire et le relire, au besoin, et si vous en a vez la
possibilité a vec un dictionnaire sous la main. Vous soulignez alors
les termes et phrases clés, à partir desquels vous const ruirez
ensuite vot re argumentation.

Voici différents sujets , de différentes disciplines.

1. Sij'écris en français. qui est lalangue de mon pays, plut6t qu'en


latin, qui est celle de mes précepteurs. c'est à cause quej'espère
que ceux qui ne se serventque de leurraison naturelle toute pure
jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croient qu'aux
livres anciens. Etpour ceux qui joignent le bon sens avec l'étude.

- ~ -
Savoir réd.Jge,,' _ Ecrits acolalres ou acadf~mlques

lesquelsseulsje souhaitepourmesjuges, ilsneseront point,je m'as- 3. Le xvr est le temps pourla France d'une monarchie en passe
sure,sipartiaux, pourle latin, qu'ils refusent d'entendre mesraisons, d'absolutisme. On s'intéresse aujourd'huipoursavoir sil'édit de
pource queje fesexplique enlangue vulgaire. (Descartes, Discours Villers-Cotterits. mesure de centralisation linguistique.judidaire
de fa méthode) et administrative. a eu pour visée et pour effet de supplanter le
latin dans certains ectes publics. ou demarquerla suprématie du
On peut remarquer que ce texte fonctionne sur une série d'eppe - francien surlesautres parlersrégionaux. (5. Auroux et G. Clérico,
sitions : Histoire desidées linguistiques, t. 2, Liège, Mardaga, 1992)
• français/latin ;
• langue de monpays/langue de mes précepteurs ; les te rmes à expliquer seraient : monarchie en passe d'absofutisme
• raison naturelle/livres anôens. et l'édit de Villers -Cotterêts. mesure de centralisation linguistique.
l'opposition est effacée dans : ceux quijoignent le bon sens avec judiciaire et administrative.
l'étude. On peut repérer la double t hèse: supplanter le latin/marquer la
suprématiedu franôen.
les term es à expliquer seraient : langue vulgaire, raisonnaturelle.
Pour des textes antérieurs au XIX" siècle (comme c'est le cas ici, il Repérer les articulations
s'agit d'un texte du XVII' siècle), il n'est pas inutile de consulter un
dictionnaire historique de la langue française' pour ret rouver le l e repérage des articulations va de pair avec l'étape décrite précé-
sens exact des mots , tels qu'ils étaie nt employés à l'époque où demment. Ne vous attachez pas seulement aux mot s, port eurs
écrit l'aute ur. d'idées clés, mais à la manière dont s'articulent les différentes
idées : comment les phrases s'opposent-e lles, comment les argu-
2. Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de diffé- ments s'enchaînent-ils? Pour cela, utilisant les outils présent és
rences, réelfes ou imaginaires, au profit de l'accusateuret au détri- dans la partie précédent e, soulignez tous les connecte urs (or,
ment de sa victime, afin dejustifier sesprivilèges ou son agression. certes, cependant...) et retracez au brouiUon une sorte de schéma
(A. Memmi, L'Homme dominé) de l'argumentation.
Ainsi, dans les exemples suivants :
Oans cette citation, parce qu'elle est une définition, chaque mot
compte. 1. La science des choses extérieures ne me consolera pasde l'igno-
Elle est composée de quatre propositions clés. qui donneront lieu rance delamorale autemps d'affliction. mais la sôencedes mœurs
à quatre temps de commentaire : me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures.
• lesdifférences réelles ou imaginaires; (Pascal Pensées)
• la valorisation desdifférences ;
• lagénéralisation desdifférences ; Cet énoncé repose sur une opposit ion simple, signalée par la
•justifierdes privilèges ou une agression. conjonction mais. On peut remarquer la construction en chiasme,
auto ur du verbe consoter, qui oppose science à ignorance et
morale à choses extérieures.

1.Parexempte :A. Rey (dir.). Le Robeft. Dlctionnllirehistoriquedelafanguefrançaise.

- ,,- -111 -
Savoir rédig,e
,~r _ Ecrits scolaires ou académiques

c'est -à-dire de la capacité de penser, propre à t out homm e, oppo-


PRECISIONS: LE CHIASME
sée au lat in, langue de l'érudition.
Le chiasm e est une figure de style, fond ée sur la symétrie. C'est • Sujet 3 : les a ut eurs présentent deux inte rpréta t ions possibles de
généralement une expression composée de quatre termes, sur un l'édit de vlûers-Cctterêts : l'une où il s'op pose au lat in, l'aut re où
sch éma ABBA. l es deux derniers termes sont de m ëme nat ure que il s'oppose aux aut res langues de France que le francie n.
les deux premiers mais présent és en ordre inverse.
La const ruct ion en chiasme est un instr ume nt rhét orique efficace
parce que frappant , pour présent er une opposit ion. Voici un autre exemple.
4. Tant quel'orthographerestera ce qu'elfe est, aussi longtemps que
lepréjugé publicattribuera unevaleur de premierordre à la connais-
2. La seule chose quinous console de nosmisères est le divertisse- sance de pures conventions d'écriture, l'enseignement véritable
ment, et cependant c'est la plus grande de nosmisères. Car c'est de la tangueen souffrira ; il restera gêné, étouffé, faussé, aumoins
cela quinous empêcheprincipalement de songerà nous, et quinous dans lesclasses élémentaires. (F. Brunot, La Pensée et lalangue)
fait perdre insensiblement. Sans cela nousserions dans l'ennui, et
cet ennuinous pousserait à chercher un moyen plus solide d'en l a t hèse repose sur une oppos itio n : pures conventions d'écri-
sortir, mais le divertissement nous amuseet nous fait arriverinsensi- ture/enseignement véritable de lalangue.
blement à lamort. (Pascal, Pensées)
Proposez une reforrnutatlo n de la thèse de t'auteur.
Si vous aviez à comme nte r cette cit at ion, il faudrait rendre compte Par exemple : la t rop grande importance donnée à l'o rthographe
du fait qu' elle exprime un paradoxe, qu i se donne à lire dès la em pêche un e nseignement efficace de la langue.
première phrase da ns la rest riction intr oduite par cependant. la
suite du t exte développe une argument atio n. la deuxième phrase Enjeu du sujet
int roduit la cause justifia nt l'affirmation de la première phrase. la
Une fois la thèse reformulée, il faut com prendre l'enjeu du sujet,
quat rième phrase présente l'opposit ion clé qui st ructu re la pensée
c'est-à-dire compre ndre e n quoi il est int éressa nt.
de l'aute ur : l'oppos ition du divertissement et de l'ennui.
Reprenons les diffé rents sujets proposés.
Il serait bon d'a ller rega rde r dans un dict ionna ire ce que peut
vouloir dire divertissement au XVII· siècle et si le sens est ide nt ique
1. L'e njeu de ce sujet est de comprend re pourquoi, écrivant un
au sens moderne.
texte scient ifique a u XVII" siècle, Descartes se t rouve obligé de
just ifier son ut ilisat ion du français et non du latin . Il s'agit donc de
Formuler la thèse
rendre compte du stat ut de la tangue française face au lat in à cette
Une fois les mots clés et les grandes art iculations repé rés, il s'agit période .
ma intenant de formuler, à l'aide de synonymes ou d' une péri-
phrase, la thèse de l'aut eur. 2. L'enjeu de ce texte est de proposer une définition fonct ionnelle
du racisme : le racisme n'est pas qu'une attitude de haine ou de
• Sujet 1 : Descartes dit préférer écrire en français plutôt qu 'e n dénigrement « grat uit », il a une fonction de just ification de privi -
latin, pour que son texte soit accessible à t ous, et pas seulement lèges.
aux érudits. Il fait du français la langue de la « raison nat urelle »,

-,,- -,,-
Savoir rédi."'o'-' _ Ecrits scolaires ou académiques

3. L'enjeu de ce texte est de poser la question de l'interprétation à sportives. ou bien encore la multiplication de festivals de musique
donner à l'édit de vtllers-Cctte rêts, en tant que mesure politique ou de défilés de mode « métis " illustrent bien la définition d'une
et linguistique. France bariolée et qui s'assumerait comme tell e, no tamment par
rapp ort à l'Allemagne. Cette idée d'une Francemétissée a servi de
4. l'enjeu de ce texte est de remettre en cause l'importance de source d'inspiration à Jean -Paul Goude pour l'organisation du
l'orthographe dans l'éducation des enfants. défilé du 14juillet 1989 suries Champs-Elysées. commémorant le
bicentenaire de la Révolution fran çaise. U.-l. Amselle, Vers un
Récolter des eJtemp/es : aller dans le sens de l'auteur multiculturalisme français, Aubier, 1996)

Une fois la thèse de l'auteur comprise, le travail de préparation du l'énumérat ion d'exemples donne à voir la const ruct ion d'une
devoir consiste en la collecte d'exemples/de preuves qui vont dans représentation de la France comme France métissée. l'ordre
le sens de cette thèse. Cela fait appel, selon le type de devoir, soit adopté est un ordre chronologique. l e dernier exemple cité (le
à des connaissances de cours (notamment pour un devoir d'his- défilé du bicentenaire conçu par Goude) est l'exemple le plus spec-
toire), soit à votre propre expérience et à vos connaissances taculaire pour rendre compte de cette construction d'une repré-
personneUes (pour un devoir qui serait principalement « d'opi- sentation.
nion »).
Classez ensuite les exemples/les preuves : selon un ordre chrono- Réfuter
logique ; en distinguant différents points de vue : indivi-
duel/soclologlque. etc. Une fois la thèse présentée comprise, et une fois que vous avez
trouvé des arguments qui vont dans le sens de cett e thèse, ils'agit,
Dans le texte qui suit, remarquez comme l'idée : « une vision puisqu'on vousdemande d'écrire un texte argumentatif,de réfuter
plurielle du peuplement français" est étayée d'exemples cette thèse, c'est-à-dire d'en montrer les limites. Cela se fait en
multiples. trouvant des contre-exemples, en construisant une démonstration
par l'absurde (voir partie Il), en montrant comment l'inverse de ce
Ainsi t'éventail politique français, plutôt que d'être différencié selon qui est énoncé peut être également vrai...
un clivage gauche-droite. pourrait-il être organiséle long d'un axe-
racisme de la pureté-racisme du métissage. Du côté du racisme de la Soit la citation suivante, de PaulValéry (Variété) :
pureté se situerait le Front national, formation politique contaminée
par l'idéologie nazie et l'eugénisme, ainsi qu'une partie de la droite Nous possédons en nous toute une réserve de formules, de dénomi-
classique . Du côté des tenants du métissage, on trouverait la nations, de locutions. toutes prêtes, qui sont de pure imitation, qui
gauche, ainsi que la fraction de la droite que l'on peut nommer nous délivrent du soin de penser.
« répu blicaine ». Le racisme du mé tissage ou de la différence
consacre ainsi le retour en force du polygénisme. c 'est -à-dire d'une On peut opposer comme contre-exempte : la parole poétique, la
vision plurielle du peuplement huma in. L'engagement des recherche scientifique, la réflexion philosophique... La limite de la
tirailleurs sénégalais aux côtés des soldats françai s dans les thèse de Valéry est qu'elle semble ne s'appliquer qu'à ce que l'on
tranchées de Verdun . l'occupation de la Ruhr par des troupes nomme l'opinion publique. S'il n'y avait des individus qui, à un
noires après la Première Guerre mondiale . la présence de moment donné, expri maient une pensée origi nale, selon cette
nombreux Antillais, Maghrébins ou Africains dans les équipes vision des choses, on utiliserait les mêmes formules sans change-
ment depuis toujours.

-100- - 10 1 -
Savolr..!édlge_~r~ ~~~ _ _ ~~_~~-'E
~c~r"it".'_"
.~c~
o"l a ires ou aca~~fI!:Iqu es

Mont rez les limites de ces adages, qu i expriment ce que t'on Confirmer sa thëse
nomme parfois la « sagesse populaire », mais que t'on peut quali-
fier aussi (reprenant Flaubert) d'idées reçues. Après avoir réfuté la thè se adverse, il faut avancer des arguments
positifs permettant de confirmer sa propre thèse, puis trouver
1. L'argent ne fait pas le bonheur. dans un second temps ce qui va permettre d'art iculer la réfutation
Certes, mais la misère peut rendre malheureux. à la confirmation (quelle tran sition ?).

2. Orthographe: y croire com me aux ma thématiques. N 'est pas Reprenons par exemple le texte précédent. la thèse développée
nécessaire quand on a du style. (Flaubert, Catalogue des idée s (énoncée après la réfutation de la t hèse adverse) est : il n'y a pas
It'Çues) de lien entre les performances macroéconom iques dont fa Banque
l'orth ographe française est très peu régulière, rien à voir avec les m ondiale ainsi que les pouvo irs publics font souvent état et le vécu
mathématiques. le cond itionnement à l'ort hographe conforme des populations. le premier point cont ré lors de la réfutation (la
masque très souvent un style intéressa nt. dévaluation du franc CFA) permet d'emb rayer, à l'aide d'exemples
et d'arguments positifs, sur un point occulté par la thèse adverse
Remarquez comment est const ruite la réfuta tion de la thè se à (à savoir la malnut rition des enfants) :
combattre (celle des institutions internat ionales, énoncée dans la La dévaluation, l'un des principaux mécanismes de la stabilisation
première phrase, appuyée d'exemples statistiques), par reprises économique à court term e, ajoute à la pén urie et au désarroi de s
d'exemples permettant de réduire cette t hèse à l'absurde. Chacun couches sociales vulnérables, notamment les fem me s, qui doivent
des t rois points avancés va êt re ensuite développé dans le fil du subvenirquotidiennement aux besoins des enfants dont l'état nutri-
texte à l'alde d'argume nts positifs. tionnel es t dans l'en semble alarman t. Près de 23 % des enfants
maliens sont maigres par rapport à leur taille, tandis que 30 % souf·
A queUe réalité se réfèrent les institutions internationales de finan- frent de malnutrition chronique. (A. O.Traoré, L'Etau. L'Afrique dans
cement lorsqu 'eUes prétendent. en dépi t de fa crise qui ravage la un monde sans frontière, Actes Sud, 1999)
planète, que l'Afrique se porte mieux puisque son PfS est passé de
0,9 % en 1994à 5.6 %en 1996etque trente et un pays. dont le Mati. Une fois le sujet compris. les exemples et contre-exemples récol-
enregistrent maintenant une aoèsence positive par habitan t ? La tés, les éléments de la réfutation et de la confirmation mis en
dévalua tion du fra nc CFA , dans l'impréparation. aurait·eUe place. il faut passer à la rédaction du plan.
amélioré le revenu et le niveau de vie des populations des pays de la
zone franc ? La compression de l'emploi et la diminution des
dépens es publiques auraient -eUes amélioré la qualité de la vie et Le plan
l'accessibilité des services de base et sont·eUes de nature à le faire ?
Et quelle est donc fa réalité et la finalité des perfo rmances
On peut repérer différents types de plans. On distinguera deux
éco nomiques réalisées en Afrique et au Mali, si elles ne peuvent
grandes catégories selon qu' il s'agit d'expliquer ou de démontrer.
pas atténuer la détresse et la souffrance huma ines ? (A. O. Traoré,
L'Etau. L'Afrique dans un monde sans frontière, Actes Sud, 1999)

- 102 - - 103-
Savoir rédlge""' - _ Ecrits scolaire. ou académiques

Plans explicatifs passageà des définitionsdifférentes de la grande ville: grande ville


- agglomération - aire métropolisée. Chacune des sous-part ies
Le plan paraddition, ou plan-inventaire explique et donne des critères définissant ces différents objets. Il
s'agit donc bien d'un plan explicatif,superposant approche d éfini-
tl s'adapte à des devoirs qui privilégient une opération de récolte tionne lle et approche chronologique, en adéquation avec l'ap-
de faits ou d'opinions. Il peut se construire par addition d'élément proche propre à t'auteur, de son objet.
simples: il se borne alors à énumérer les faits ; ou par addition
d'éléments composés : classement par thèmes, aspects, points de Plan de l'art icle:
vue... 1. De la ville à l'agglomération
1.1 De la ville à la grande vitte
Le plan définitionnel 1.2 l'agglomération : nouvel objet. nouveaux outils
1.3 le seuil des deux millions d'habitants
Il fait l'inventaire des différentes définitions d'un objet donné.
2. De l'agglomération à l'aire métrcpclts ée
Le mouvement linéaire 2.1 Ralentissement de la croissance démographique
et éta lement des agglomérations
Il s'adapte notamment à des devoirs de géographie ou d'histoire. 2.2 Vers de nouvelles définitions de la grande ville
la progression suit la description d'un espace, un ordre chronolo- 2.3 l'émergence d'un « tiers-espace »
gique, etc.
Observons par exemple le plan d'un article de géographie sur les Le plan fondé sur une opposition
grandes villes du monde'. Il s'agit d'un plan chronologique, qui
rend compte de ce qu'est une grande ville et des différentes Il s'agit d'un plan en diptyque, fondé sur une opposit ion, une
formes qu'elle prend au fil de l'histoire, et débouche sur une mise comparaison ou une alternative.
en question de type définitionnel ta perspective historique est
donc prise dans une explication-argumentation de ce qu'est une Plan d 'une dëmonstnrtlon
vitle, selon une thèse exposée en introduction : il existe des seuils-
limites supérieurs de la taille démographique des grandes villes Le plan dialectique
dans le temps, définis par le nombre d'habitants qu'atteint la plus
grande ville du monde à une époque donnée de l'histoire. Il s'agit Ils'agit du plan classique, thèse, ant ithèse, synthèse, qui fait fonc-
donc à chaque fois d'identifier des ruptures dans le continuum tionner les opérations précédemment décrites : confirma-
diachronique de la taille des villes. tion/réfutation.
Attention, ce type de plan ne consiste pas à affirmer fortement
Le plan de l'article est le suivant. Vous remarquez deux grandes une position, puis son contraire, pour arriver à une position
parties, qui correspondent à deux temps historiques, marquant le moyenne. Cela n'aurait pas beaucoup de sens et serait assez vain.
Il s'agit en fait de proposer dans un premier temps une conciliation
des contraires puis, dans un deuxième temps, de rendre compte du
2. F. Morlcon l·Ebrard • les grandes villes du monde. Situat ion géographiqu e et caractère inconciliabledes deux éléments, pour déboucher en troi-
cadrage historique» /n E. Dorier-Apprlll (eoord.). tes Très Crandes Villes dam le sième partie sur une addition des deux positions.
mot1de, Editions du Temps, 2000.

-104 - - 105 -
Savoir rédige~r,- _ _ E.~c~r~it~.~..
= ola lre &ou académlq"!tt&

En fait, chacune des de ux prem ières pa rties doit about ir à une de lui en ten ir la place :astres, ciel, terre, éléments, plantes, choux,
conclus ion crédible mais incomplète. l e raisonnem ent doit poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fièvre, peste, guerre,
progresser peu à peu. famine, vices, adultère, inceste.

Observez l'argumentation développée par Pascal dans ce passage Sont notés en gras les différents te mps de l'argumentation.
des Pensées, about issa nt à la conclusion que le bonheur de Dans un premier te mps (1), Pascal pose la prémisse de la démons-
l'homme ne peut êt re que dans la foi en Dieu. trat ion : l'homme cherche depuis toujours à étre heureux.

(1) Tous les hommes ch erchent à être heureux . Cela est sans Dans un deu xième t em ps (2), il démontre l'impossi bilit é de
exception, quelq ues différ ents moyens qu 'ils y emploient. Ils l'homme à êt re heureux par lui-mêm e, alors même qu'il cherche
tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la querre et que constamment à être heureux.
les autres n y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux, 1) l'h omme cherche depuis toujours à être heureux.
accompagné de diffé rentes vues. La volonté ne fait jamais la 2) Il n'y arrive jamais.
moindre démarche que vers cet objet. C'est le motif de toutes les 3) Donc il ne peut être heureu x par lui-même.
actions de tous les hommes. Jusqu'à ceux qui vont se pendre.
(2) Et cependant de puis un si grand nombre d'années ja mais La troisième grand e étape (3), qui résout la cont radiction posée
perso nne, sans la foi , n'est arrivé à ce point où tous visent conti- dans les deux premiers temps, montre que l'impo ssibilité de
nuellement. Tous se plaignent, princes, sujets, nobles, roturiers, l'homme à être heureu x est dans sa perte du lien avec Dieu.
vieux, jeunes. forts. faibles, savants, ignorants, sains, malades. de 1) Si l'homme cherche ainsi à être heu reux, c'est parce qu 'il y a e n
tous pays, de tous les temps. de tous Ages et de toutes conditions. lui un manqu e.
Une épre uve si long ue, si continuelle et si uniforme de vrait bien 2) Ce manque, c'est la perte de Dieu.
nous convaincre de notre impuissance d'a"iver au bien par nos
efforts. Mais l'exem ple nous instruit peu. fi n'est jamais si parfaite- Remarquez comme la démonstration de Pascal est pa rt iculière-
ment semblable qu'il n'ait quelque délicate différence, et c'est de là ment frappante par l'utilisation qu 'il fait de l'a ccumulat ion
que nous attendons que notre attente ne sera pas déçue en cette d'exemples (princes, sujets. nobles. roturiers... ; poireaux, veaux,
occasion comme en l'autre. Et ainsi, le présent ne nous satisfaisant serpents...), selon une classificati on reposant sur de grandes oppo-
jamais. l'expérience nous pipe, et de malheur en malheur nous sit ions Ueuneslvieux...}.
conduitjusqu'à la mort qui en est un com ble éternel.
(3) Qu'est-ce donc que nous crient cette avidité et cette impuis- Au sein de vot re démonstration, vous pouvez adopter différents
sance, sinon qu 'iI y a eu autrefo is dan s l'homme un vérit able sché mas d'argumentation
bonh eur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace
tout e vide. et qu'ilessaie inutilement de rempfir de tout ce qui l'en- « Argumentation-gigogne»
vironne, recherchant des choses absentes le secours qu'il n'obtient
pas des présentes. mais qui en sont toutes incapables, parce que ce l es arguments ne se suivent pas mais s'emboite nt, de l'argument
gouffre infini ne peut être remp li que par un objet infini et le plus part iculier à l'argument le plus général,ou l'inverse (ou t out
immuable, c'est-à-dire que par Dieu-m ême. aut re « emboite ment » : du plus extérieu r au plus intérieur, du plus
Lui seul est son véritable bien. Et dep uis qu'il l'a quitté, c'est une éloigné au plus proche...).
chose étrange qu'il n y a rien dans la nature qui n'ait été capable

- 106- - 107 -
Savoir rédlg~.~r _ Ecrits scolalr.s ou académiques

Ainsi. dans la première partie du Discours de la méthode, Argumentation en spirale


Descartes, pour constru ire son argumentation, passe d'abo rd en
revue les différentes disciplines qu 'il a étud iées (langues, Ce schéma est une synthè se des deux autres. Chaque argumen t
éloquen ce, poésie, mathématiques, théologie, philosophie), puis apporté semble contredire ou corriger le précédent, mais en fait,
rend compte de ses voyages (<< le grand livre du monae »}, et en on change peu à peu de point de vue (généraVparticulier...).
arrive à ta conclusion qu'il lui a semblé nécessaire d'étudier en lui-
même : je pris un jour résolution d'étudieraussi en moi-même, et Application
d'employer toutesles forces de mon esprità choisir (es chemins que
je devaissuivre. Ce qui me réussit mieux, ce me semble, que sije ne Face à l'innovation identitaire, c'est-à-dire à la recomposition d'eth-
me fussejamais éloigné, ni de mon pays, ni de meslivres. nies ou de communautés, la laicité républicaine, fondée sur une
conception atomistique de la citoyenneté, craque de toutes parts.
Argumentation dialectique Confrontée à cette prolifération d'identités, à cette pc litlcel
correctness à lafrançaise, la posturerépublicaine se trouve écarte-
Un argument corrige celui qui précède, et ainsi de suite jusqu'à ta lée entreladéfense du droitdes peuples et cefte desdroits desindi-
fin. vidus. Toute personne a le droit de revendiquerl'identité de son
O bservez cela dans l'e xemple suivant, t iré du Discours de la choix et l'on ne voit pas de quel droit celle-ci lui serait déniée. Il
méthode de Descart es. le premier argument, ou prém isse du existe pourtant une limite à l'expression des particularismes cultu-
raisonnement (1), est corrigé par un second (2), qui le reprend en rels, ethniques ou religieux :n'importe quia en effet le droit de s'at-
en marquant les limites. tribuer l'identité quiluiconvientdès lors qu'elle ne menacepascefte
d'autrui, et c'est là que nousretrouvons laproblématiquedes droits
( 1) Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée car de l'homme ou, plus précisément, celle des droits des individus.
chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les O.-L AmseUe, Vers un multiculturalismefrançais, Aubier, 1996)
plusdifficiles A contenter en toute autrechose n'ont point coutume
d'endésirer plusqu'ilsen ont. En quoi il n'est pes vraisemblable que Analysons d'abo rd brièvement le sujet.
tous se trompent ; mais plut6t cela témoigne que la puissance de
bienjuger, et distinguerle vrai d'avec le faux, ce quiest proprement 1. Thèse de l'auteur : ce texte est une crit ique d'une position poli-
ce qu'onnomme lebon sens ou laraison, est naturellement égale en t iquement correcte qui consiste à prendre en compte tes particu-
tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient larismes ident it aires, alors que ceux -ci sont une me nace pour
pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais l'unité d'une nation. la th èse de l'auteur est donc une défense
seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses d'une conception universelle de la nat ion.
voies, et ne considérons pasles mêmes choses. (2) Car ce n'est pas
assez d'avoirl'esprit bon, mais le principalest de l'appliquer bien. 2. Enjeu du suje t : cette prise de position s' inscrit dans une t radi-
Les plusgrandes amessont capables desplus grands vices, aussi bien tion politique française républicaine, qui, dep uis la Révolution
que des plus grandes vertus ; et ceux qui marchent que fort lente- française, repose sur une concept ion universalist e des droits de
ment peuventavancerbeaucoupdavantage, s'ils suivent toujours le l'homme (cf Déclaration universelle des droits de l'homme). Ce
droit chemin, que ne font ceuxquicourent, et quis'en éloignent. qui est intéressant ici est que cette prise de posit ion émane d'un
anthrop ologue africaniste qui a tr availlé notamment à mont rer

- 108 - -"' -
Savoir rédi_ge
~r,-- _ Ecrits scolaires ou acad émiques

comment les ethnies enAfrique sont des constructions historiques Les transitions
(il est toujours bon, si vous en avez la possibilité, de vous rensei-
gner sur l'auteur du sujet qui vous est proposé, si vous ne le
connaissez pas, et évent uellement d'aller regarder l'ouvrage Une fois te plan construit, il faut envisager la question des transi -
duquel est tirée la citat ion). tions, qui vont articuler le passage d'une partie à l'autre. Il est bon,
de même que vous ferez un plan détaillé au brouillon, de rédiger
3. Proposit ion de plan toutes tes transitions, au moins part iellement, avant de vous
mettre à la rédaction proprement dite.
1. Les communautarismes :menacepour l'unitéd'unenation les transitions mettent en œuvre lesconnecteurs de l'argumenta-
limite :la nation française s'est effective ment construite en éradi- t ion dont nous avons vu le fonctionnement dans la deuxième
quant les particularismes régionaux, parfois dans ta violence (qui partie. la réfutation s'appuie sur des connecteurs d'opposition s'il
peut être une violencesymbolique). la nation n'est pas un modèle s'agit d'une réfutation totale, et sur des connecteurs de conces-
universel. D'autres modèles de nations existent. sion s'ils'agit d'une réfutation partielle. Reportez-vous au tableau
récapitulat if.
2. D'autres modèles de nations : du metting-pot au salad bowl. Pour des exemples de transition, reportez-vous aux fragments de
Coexistence decommunautésdiverses au seind'une même nation. texte analysés dans la partie précédente.
Les individus sont pris dans des jeux d'identités multiples, d'une
apparte nance familiale, locale, à une appartenance nationale.
l'appartenance nationale n'est pas incompatible avec une appar- Conclure
tenance plus locale.
limite : Cette conception, qui est part iculièrement celle sur Normalement, vous devez pouvoir rédiger votre conclusion après
laquelle s'est construite la nation américaine, pose problème avoir rédigé votre plan, avant la rédaction de l'introduct ion et
quant à l'égale participation au jeu politique : lobbies, ghettos ... avant d'entamer la rédaction du développement proprement dit.
En effet, vous ne rédigerez qu'une fois que vous saurez où vous
3. La nationest une« communauté imaginaire» (8. Anderson) allez, et une fois que voussavez où vous allez, vous pouvez rédiger
la nation est une construction historique, politique et idéologique. la conclusion vers laquelle va tendre t'ensemble de votre dévelop-
l e sentiment nat ional, i.e. le sentiment d'apparte nance à une pement.
nation, naît d'une intériorisat ion de valeurs et de modèles propres Rédigezvotre conclusion d'emblée proprement sur une feuille libre
à cett e nation par l'individu, à travers la socialisation (famille, que vouspourreztoujoursadjoindre à votre devoir, si vous avez été
école). Il s'agit moins de réfléchir sur les modèles de nation (idéo- pris par le temps. Mieux vaut raccourcir la fin du développe me ~t
logiques) que sur les instances de socialisation, et particulièrement et avoir une bonne conclusion qui se tient que de rendre un devolr
l'école, comme susceptibles de construire le sentiment d'apparte- qui n'a pas de fin ou une conclusion bâclée.
nance.

-110- - 111 -
Savoir rédig.e". _ Ecrits lIColalres ou acad émiques

Une double fonction: riH:apHulation et prospection Observez maintenan t ces conclusions tirées de copies d'étu diants
(il s'agit du même devoir que celui précédem ment présenté dans
La fonctionrécapitulative la partie sur l'introduction). Quelles en sont tes faiblesses ?

la conclusion doit rappeler clairement les points principaux de la 1. Ce texte de Descartes montre bien l'atmosphère de tension qui
question traitée. Elle perme t au lecteur de conserver une vue d'en- existeau XYlf siècle encoreentre le latin et le français, situation de
semble, nette et globale. Cette récapitulation doit cependant être diglossie quiexiste notammentpour l'écrit.
brève.
2. Aucours denotreétude, nous avons vu quelétaitle statutdufran-
La fonction prospective çais au XVlf siècle et cequ'if enétaitdelaconcurrence latin/français.
Nous pouvons donc voirque Descartes commet presque uneerreur
JI est bon de finir une conclusion sur une « ouvert ure ». La conclu- enreniant «lalangue de sesprécepteurs» en choisissant lefrançais.
sion envisage ainsi l'avenir du problème soulevé, suggère des solu- Pour conclure, nous pouvons nous demander à partir de quelle
t ion s, pose des questions en s'appuyant sur le propos qui a été époque lefrançaissera l'uniquelangue de t'écrit?
dévelo ppé. Attentio n cepen dant au ty pe d'ouverture proposé:
vot re conclusion ne doit pas finir sur une pirouette rhétorique (du 3. Ainsi, en rédigeant son Discours de la méthod e en français,
type : j'ai dit ça, mais ne pourrait-on pas dire t out à fait autre Descartes semble conforterla position du françaiscomme langue
chose ?). Attention également à la conclusion-remord, où t out à hauteen ajoutant de lamatière à son héritage littéraire.
coup surgit une dernière bonne idée qui n'a pas été traitée dans le
développeme nt : on ne peut que vous le reprocher. 4. Si Descartesest l'un des premiers à écrire des ouvrages philoso-
phiques en français, c'est pour rendre le savoir accessible à tous.
Voici un exemple de condusion. Elle est structu rée en deux temps : Cela va contribuer à l'utilisation dufrançaiscomme langue écrite du
récapitulation (1) et ouverture (2). savoir.

1. (7) En France, la dimension dynamique culturelle est fondamen- Nous passerons sur les faiblesses stylist iques (n'hésitez pas, pour
tale dans les opérations de développement socialet pourle déve- vous entraîner, à réécrire ces condusions, selon la norme de l'écrit
loppement économique. Les discussions que nous avons eues à ce présentée dans la première part ie).
sujet et les recherches en cours montrent la complexité du
problème. La situation du mouvement associatif est préoccupente, est un simple récapitulatif qui n'apporte rien au
la conclusion 1
car des formes sociales créées pour l'expression semblent étre développement et ne propose eucune ouvertu re.
actuellement récupérées pour descombats de nature directement
politique. Dans les recherches-actions en France, la dynamique La conclusion 2 semble bien st ruct urée en deux temps (récapitu-
culturelle reste souvent implicite, alors que dans larecherche inter- latif/prospecti f), mais l'ouvert ure n'en est pas une. En effet, la
nationale, l'oppositionentreprocessus de domina tionet dynamique questio n finale porte sur une période histo rique passée et donc
culturelle est centrale. (2) La comparaison internationale permet- connue des hist oriens et de qui a étudié l'histoire de la langue
trait de voir comment une autre forme d'approche pourrait être française. On ne peut laisser croire au lecteur qu'il s'agit d'u n
envisagée. Une ionçue route à parcourir. [« Dynamique cultu relle mystère, ou de conclure à la manière d' un feuilleton : la suite au
des communautés périurbaines », ent retien avec P.-H. Chombart prochain numéro. l' ouvert ure peut effect ivement êt re, dans un
de Lauwe, Annales de (a recherche urbaine, n° 26, avril 198 5)

-112 - - 113-
~.!'!~!!...!~dig~e~r _ Ecrits scolaires ou académiques

devoir historique de ce type, un bref ape rçu sur ce qui se passe à Ainsi cette conclusion d'un article de sociologie de l'u rbanisme.
ta période qui suit celle présentée dans le devoir. Mais les choses
ne doivent pas êt re ainsi laissées en suspens. Dans un tel contexte, l'interventionsur le cadrebâti doit prendre en
compte non seulement l'efficience de groupes de convivialité et
l es conclusions 4 et 5 sont du même type . Elles omettent toutes d'entraide, mais encore l'identité communautaire - du moins la
deux la récapit ulat ion et ne proposent en fait qu 'une ouverture . revendication d'habilitation sociale dont elle témoigne. (l. Gruel,
Cett e ouvertu re est intéressante (le propos est similaire dans les « la cité d'urgence : une grande famille ? », in Annales de la
deux cas), mais t rès insuffisamment développée . On peut presque recherche urbaine, n" 26, avril 198 5)
les lire comme des conclusions-remords ajoutant une dern ière
idée sans l'exploiter. Dans ce genre de conclusion, on t rouvera souvent des formules
telles « il faut », « on doit », etc.
Voici, parmi d'aut res possibles, un exemple de conclusion sur ce
sujet.
Développer une pensée
Le xvf siècle avait vu l'émergence d'une littérature en langue fran -
çaise, paralfèlement à son institution comme langue de l'adminis-
tration.Au XV/f siècle, le latin restelalangue de l'enseignement ainsi Une fois le sujet convenablement analysé, le plan dét aillé rédigé
que la langue scientifique et la langue de la philosophie. On peut (avec les transit ions), ta conclusion prête sur une feuille libre, vous
donc considérer l'entreprise de Descartes d'écrire un traité philoso- pouvez vous lancer dans la rédact ion proprement dite du dévelop-
phique en français, langue du peuple, comme une entreprise qui pement de vot re devoir. Habit uez-vous à ne pas faire de brouillon
révolutionne le rapport ausavoirdans lamesure où ce savoirdevient pour le développement dans la mesure où vous n'avez pas maté-
accessible à un plus grand nombre. De fa même manière, au siècle riellement le temps d'en faire un si vous avez à rédiger un devoir
précédent, l'entreprise de Calvin de traduire la Bible en français a-t- en temps limité. l e brouillon ne concerne que l'int roduct ion, la
elfe révolutionné le rapport au texte sacré. Descartes, par ailleurs, conclusion et le plan.
démontre, par la pratique, que la philosophie peut s'écrire en fran- Nous envisageons ici quelques techniques facilita nt la rédact ion
çais, que la langue françaiseest propre à l'abstraction, ajoutant une du développement.
pierre au patrimoine linguistique écrit du français. Il est ainsi le
Définir un mot, une notion
précurseur d'une tradition philosophique française en français, qui
deviendra une évidence au XV/If siècle pour les philosophes français Adifférent s moments de vot re développement, vous aurez à défi-
des Lumières. nir des termes : ceux de l'au te ur de la citati on que vous avez à
commenter, ceux que vous employez. l a définiti on est une
La conc/us /on-actlon formule qui relève à la fois de l'expansion et de la condensation.
l'expansion est la possibilité d'exp rimer en plusieurs mot s ce qui
Il s'agit d'une conclusion qui propose un plan d'action. C'est le
vient d'êt re dit en un mot, la condensat ion, au cont raire, est la
type de conclusion attendu après un texte exposant un problème
devant amener à une prise de décision dans un domaine concret. possibilité de pouvoir résumer en un mot ce qui vient d'êt re dit en
plusieurs.

-114- - 115-
Savoir rédlge,,' _ _ --"E~crl~!._scolaires ou académiques

Différents types de définn:ions Observez l'utilisation argumentative de la définition dans cette


citation de Rousseau (Discours sur t'origine et les fondements de
La définition par la négative : la première manière de définir est l'inégalité parmiles hommes).
de circonscrire lè champ du mot et de la notion, en disant à quoi il
ne s'applique pas, c'est-à-dire en le définissant par ta négat ive, au Je conçois dans l'espèce humaine deux sortes d'inégalités; l'une que
besoin par l'utilisation d'antonymes (de mots de sens contraire). j'appelle naturelle ou physique, parce qu'elle est établie par la
nature, et qui consiste dans la différence des Ages, de la santé des
LapluraUté des voixn'estpas unepreuve quivaillerien pour lesvérités. forces du corps, et des qualités de {'esprit, ou de l'âme, l'autre qu'on
(Descartes, Discoursde laméthode) peut appeler inégalité morale, ou politique. parce qu'elle dépend
d'une sorte de convention. et qu'elfe est établie, ou du moinsauto-
Idéal: tout à fait inutile. (Flaubert, Dictionnairedes idéesreçues) risée parle consentement des hommes.

la définition par un synonyme : on peut définir un terme en Remarquez comme la définition des deux formes d'inégalités
proposant un autre te rme qui lui est synonyme, ou une série de humaines , propres à Roussea u, est doub lée d'une justification
termes synonymes. Cette manière de faire est économique et légi- (introduite par deux propositions débutant par parce que...).
time lorsqu'il s'agit d'expliquer un synonyme moins usuel par un
synonyme plus usuel. Illustrer: utiliser des exemples
Ex : vergogne défini par son synonyme honte,
Cette définition par un synonyme n'est en revanche pas légitime l' ut ilisati on des exemples peut servir l'argum ent at ion, nous
lorsqu'on définit un terme plus usuel par un te rme moins usuel. l'avons vu. l'exemple peut êt re un argument, il peut également
servir d'illustrati on pour rendre une argume nta tion plus expres-
l a défin it ion par inclusion (ou genre procha in et différe nces sive, plus attrayante. Sachez trou ver l'exemple part iculièrement
spé cifiques) : elle consiste à définir un terme en l'incluant d'abord pertinent. Celuiqui permettra de rendre le mieux ce que vous êtes
dans un ensemble g énéral. et en donnant ensuite ses différences en train d'expliquer. Sachez développer un exemple, le « colorer »,
spécifiques. lui donner tout son pouvoir expressif. N'hésitez pas à ajouter des
Ex : canari:oiseau (genre prochain) domestique et à plumesjaunes dét ails, à raconter, pour permettre au lecteur de « voir » ou de
(différences spécifi ques). sent ir.

La définition partie int égrante de l'a rgumentation : la définition Dans l'exemple suivant. tiré du Monde diplomatique
d'un terme peut faire part ie intégrante de l'argumentati on. (novembre 2(00), observez comment (es exemples sont à la fois
Beaucoup de luttes argumentati ves portent d'ailleurs sur la défini ~ des illustrat ions et des preuves de l'énoncé premier « le logement
tlon de mots. l es définitions de termes peuvent être des enje ux dégradé s'est considérablement développé li.
politiques (l'enjeu consistant à obliger l'autre à admettre sa défi-
nition d'un mot donné, et donc d'une conception, d'une vision du l.e logement dégradé s'est considérablement développé. Au Panier
monde). d'abord, où des familles entières occupent des logements de 70 à
20 mètres carrés, mais aussi dans les bAtiments de la cité Bellevue,
copropriété construite à la fin des années 50, où l'eau et l'électricité

- 116- -111-
Savoir rédig,_e__
' _ ________ _ --'E
~c"_'
ri~~scolair!f~~~at?adémique!!l'

sont distribuées defa çon anarchique, lesvide-ordures bouchés et les L'introduct ion doit aborder t rois points :
ascenseurs enpanne. Dans la rue Salengro, des familles sont entas- • cerner le sujet ;
sées dans des caves, n'ayant pourseule source lumineuse qu'un • mont rer l'inté rêt du sujet ;
regard au niveau du trottoir. • annoncer les points qui vont être traités.
Vous allez utiliser pour const ruire votre introduction les points que
Notez les détails dans la description, la notat ion précise des noms nous avons abordés concernant la compréhension du sujet.
de lieux.Tout élément permettant de rendre « présent ».
Evitez surtout :
l' utilisat ion d'un exempte présen té comme archétype (modè le) • les lieux communs et les phrases génér ales passe- part out du
d'une sit uat ion donnée permet également de rendre plus vivant un style « de tout temps, {es hommes ». Il faut commencer in medias
discours. res, c'es t-à-d ire dans le vif du sujet, sans circonlocutions inutiles ;
Cett e technique est t rès utilisée dans les journaux, utilisant une • les affirmatio ns péremptoires dès l'introducti on : il s'a git de
personne particulière pour représenter une situa t ion générale. poser un problème, non de le résoudre.

Ainsi dans l'exemple suivant, t iré du même art icle, et illust rant Débuter un texte: l'ancrage énonciatif
« les condit ions de tra vail et de rémunérat ion du perso nnel de
Un texte écrit n'est pas produit dans le même type de sit uatio n
rest aurat ion ».
qu'un discours oral. Une personne qui parle peut tou jours faire
référen ce à ce qu'on nomme le contexte d'énonciation, c'est-à -
Abdou,Comorien, n'ayant pourtout papier qu'unrécépissé de trois
mois délivré parla préfecture, prend son service à 9 heures. Comme dire à tout ce qui l'ent oure au moment où elle parle (les lieux, le
lui, ilssont des centaines à travaillerau noir,jusqu'à quinze heures moment, les gens présents ), elle n'est pas obligée d'expliciter
certa ins éléments qui vont de soi, de par le contexte, mais égale-
parjour, assurant la manutention, la plonge, le nettoyageet divers
ment de par les savoirs qu 'elle partage avec ceux à qui elle parle.
travaux de commis dans des locaux crasseux.
Ce qui peut rester implicite à l'oral doit êt re explicité à l'écrit. En
Observe z comme on passe d'une personne part iculière à un effet, la récept ion d'un écrit (sa lecture) est différée par rapport au
moment de sa product ion. D'aut re part, acte d'écrit ure et acte de
groupe dont cette personne fait part ie : le passage du particulier
lecture se passent rarement dans le même espace. De la situa t ion
au général.
d'écrit ure décou lent des contraintes de mise en texte : celui qui
écrit doit expliciter la sit uat ion d'énonciat ion et ne pas supposer
Introduire connues des données auxquelles le lecteur n'est pas censé avoir
accès.
Cela est particulièrement important dans la présentati on du texte,
L'introduction a pour fonct ion de capte r l'attentio n et d'a nnoncer la manière dont te texte doit débuter, et part iculièrement pour les
le plan du développement qui va suivre. Elle doit initier le mouve- écrits scolaires: un correcteur censure bien souvent une introduc-
ment conduisant à la conclusion.Ce qui fait que bien souvent il est t ion du fait qu'elle ne permet pas suffisamment l'accès à l'infor-
préférable de la rédiger en dernier lieu, lorsque l'on (c sait où l'on mation nécessaire pour la compréhension de ce qui va êt re
va ». développé.

- 118 - - 119 -
Savoir ré~,lge r,- _ Ecrits scolaires ou académlq~

Il faut toujours faire comme si le lecteur ne connaissait pas le sujet connaissent quel'Homme, quiest une entité. Ce beauraisonnement
du devoir. Et prendre garde aux erreurs suivantes : sert encore: à Houston, dans la presse de la Nouvelle-Orléans et
• ne pas présenter l'aute ur si le sujet est une citation ; puis, comme on est toujours le Nordiste de quelqu'un, en Algérie
• commencer à discuter la cita tio n sans ravoir intégralemen t « française» .. lesjournaux de là·basnousrépètentque le colonseul
présentée ; est qualifié pour parler de la colonie : nous autres, métropolitains,
• commencer à argumenter sans avoir préalableme nt présenté la nous n'avons pas son expérience ; nous verrons la terre brOlante
cit ation à part ir de laquelle peut se const ruire le débat. d'Afrique parses yeux ou nous n y verrons que du feu. (J.-P, Sartre,
préface de POITTaitde colonisé d'A. Memmi, 1957)
Capte, la bien veillance (ca ptatlo benevolentlae)
3. Depuis le siècle de Voltaire et de Diderot, la lumière incarne la
Une int roduction doit déjà avoir un pouvoir persuasif : elle doit métaphore clé de la pensée analytique véhiculée par l'écriture.
capter la bienveillance du lecteu r, par ce que l'on nomme en rhéto- L'Europe a voulu «éclairer» l'Afrique « noire» et les Antillesparla
rique des procédés captatiobenevolentiae. Il s'agit de trouver une colonisation et l'alphabétisation. La lumièredujourétait réservéeau
manière d'introduire le sujet : formute paradoxale ou provocatrice, tTavail, à la cultureet à la langue offICielle. Etjusqu'à une période
comparaison, rappel de l'actualité, qui puisse mobiliser l'attention récente, if était strictement interdit aux enfants antilfais de parler
du lecteur. créoleà l'école. (R. Ludwig. introduction à Ecrire (a parole de nuit,
Gallimard,l994)
Une formule paTadoxale ou provocatrice
4. A priori la question de savoir pourquoi on écrit en fTançais n'ap-
Observez les formules énonçant un paradoxe (exempte 1) ou les partientqu'àl"intimitéet Ja singularité de chaqueécrivain et regarde
formu tes provocatrices (exemple Z) employées dans tes introduc- l'extrémeparticularité dechaque projet, de chaque pulsionlittéraire
t ions suivantes. Remarquez. dans l'exemple 3, comment l'intro- singulière. C'est une sorte d'évidence inquestionnée qui ne souffre
duction repose sur une r élnterpr étetlcn provocatrice du siècle des aucune remise en cause. (...) l'interrogation « pourquoi écrit-on en
Lumières (filant la métaphore « éclairer », « lumière du jour ., le français » en sous-entend d'autres, qu'on passe en général sous
texte est extrait de Ecrire (a parole de nuit). Dans l'exemple 4, l'in- silence (euphémisation littéraire oblige) : ft' pourquoi écrit-on en
trod uct ion semble évincer le problème a priori, mais ce n'est que fTançaisquandon n'estpasd'originefTançaise ? », oumieux, « pour-
pour reposer la quest ion t otalement différemment. quoi écrit-on en français quand on pourrait, au moins apparem-
ment, écrire dans une autre langue ? », (P. Casanova, « De la
1. Berceau d'antiques civilisations, lieuoùsont néslesarchétypes de singulière propension à écrire en frança is », in L'Espace de la
la polis et de l'urb s, l'aire culturelle méditerranéenne, qui compte langue, ouvrage collectif dirigé par M.Alphant et O. Corpet, IMEC,
une quinzaine d'agglomérations de plus de deux millions d'habi- 2000)
tants, n'en connait pas moins des processus d'urbanisation échap·
pant à toute règle. (c, VaUat , « l'urbanisation illégale dans les Comparaison
grandes villes médit erranéenn es : consolidatio n d'u ne pratique
informelle », in E. Dorier-AppriU (coord.), Les Très Grandes Villes 1. Pareil au globe terrestre, l'ensemble que composent les diverses
dans le monde, Edit ions du Temps, 2000) théories del'acteuradeuxgrands pOles:celuide l'unicité del'acteur
et celui de sa fra gmentation. (Bernard Lahire, début de L'Homme
Z. Le Sudiste seul a compétence pour parler de l'esclavage : c'est pluriel, Nathan, 1998)
qu'il connait le Nègre .. les gens du Nord, puritains abstraits, ne
- 121 -
-=-
Savoir rêdlge
~r,- _ Ecrits scolaires ou académiques

2. Comme nous voyons des terres oisives. si elles sont grasses et Application
fertiles. foisonner en cent millesortesd'herbes sauvages et inutiles,
et que, pour les tenir en office, il les faut assujettiret employer à Observo ns différentes int roduct ions de co pies d'étudiant s, au
certaines semences [...) : ainsi en est-il des esprits. Si on ne les sujet n° 1 proposé ci-dessus. Quels son t les principaux problèmes
occupe à certainsujet, quiles bride et contraigne, ilssejettent sans que l'o n peut releve r ?
règle par-ci par-là, dans le vague champ des imaginations.
(Montaigne. Essais) 1 . Dans ce texte, Descartes, philosophe français du XVlf siècle,
explique pourquoi il écrit en français et non en latin. Pourtant, au
Rappelde l'actualité XVlf siècle, le français constitueune langue parlée mais aussiécrite.
Il est reconnu par le roi et dans les écrits offICiels tels que l'édit de
Lorsqu'en décembre J98J , Hubert Dubedout a été désignépar le Vilters-Cotterêtsen 1539. De ce fait, une nouvelte diglossie se met
Premier ministre pour proposer les éléments d'une politique en place entre le français du roiet les dialectes vernaculaires de la
permettant de lutt er contre la « dégradation » de certaines France. Ainsi, on peut se demander pourquoi Descartes, écrivant en
banlieues des grandes villes, ni lui-m ême ni les membres de fa françaiset non en latin, tente dejustifierson choix.
Commission nationale pour fe développement social des quartiers
qu'if a animée n'engagèrent de fongs débats sur cette appellation, 2. Descartes doit effectivement se justifier de ne pas employer fe
dont lasignification asuscité et suscitera maintsécrits de chercheurs latin dans son ouvrage philosophique dans la première moitié du
et de sociologues. (A. Fourest, « Quel développement pour quels xvlf siècle car une grande partie des intelfectuels se révoltent de la
qua rtiers? », Annales de larecherche urbaine. n° 26, avril 1985) montée du français face au latin.

Cerner le sujet 3. Ce texte, extrait du Discours de la méthode, écrit par René


Descartes. philosophe et grand mathématicien du XVlf siècle,
Il s'agit de formuler la problématique et de justifier la réflexion à présente les raisons pour lesquelles l'auteur a préféré opter pour fa
laquelle vous allez vous livrer dans vot re devoir. « langue de son peuple ». plutôt que pour celle du savoir, en l'oc-
currence le latin.
Formuler une position Mais pourquoi devoir se justifier de l'emploi du français, dans une
Une fois le sujet cerné, vous formulez ce que sera vot re position
œuvre scientifique, alors qu'il est reconnu depuis l'édit de Vifiers·
sur te sujet.
Cotteréts (1539) comme devantétre la langue du pays 7 Comment
interpréter cette opposition entre latin et français qui semble très
Annoncer le plan
présente au XVlf siècle ?

1\ s'agit moins de détailler les parties de l'exposé que d'en donner 4. La situationde diglossiedu Moyen Age qui opposait le latin et les
la déma rche générale. Evit ez une annonce de plan trop scolaire : vernaculaires locaux a progressivement évolué au {if dessièclespour
dans une premièrepartie nous verrons.... dans une deuxième partie, donner lieu. au XV( siècle ci une nouvelle situation linguistique : une
etc. diglossie basée sur le «français du roy » écrit et les vernaculaires
locaux parlés. On pourrait ainsipenserque j'opposition entrelelatin
et la nouvelle langue haute a disparu. mais c'est loind'être le cas. En
effet, quellessont les fonctions que le latin continue à assurer dans

-122- -123 -
Savoir rédig". r'--- ~ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ E_crlt s scolaires ou académiq.ues

la première moitié du XVlf siècle qui expliqueraient le fait que Le choix d'une langue dans laquelle rédigerun ouvrage scientifique
Descartes ait eu à se justifier de ne pas employerle latin dans son ou philosophique ne vapas de soi, ou plutôt vaparfoistellement de
ouvrage philosophique Discours de la méthode ? soi qu'écrire dans une autre langue que celle attendue par ta
En premier lieu, nous verrons comment, durant cette période, le communautéscientifique peut nécessiterdesjustificationset appa·
« françoisdu roy » et le latin (lesdeuxgrandes langues de l'écrit) se raitre comme un geste de revendication politique et linguistique.
partagent les fonctions de langue du savoir. Puis nous montrerons Ainsi Descartes,philosophe et mathématicienfrançaisdu XVlf siècle,
que lesproblèmes que pose lacodificationdu français écritlaissent dans l'introduction de son Discours de la mét hode,prem ierouvrage
aulatin le privilège d'être la tangue écrite taplusestiméedesérudits philosophique écrit en languefrançaise, se justifie+il d'utiliser le
de t'époque. français, « langue vutgaire» (c'est·à·dire « langue du peuple») , et
non le latin, qui reste la langue de l'enseignement, langue de ses
l'introduction 1 prése nte insuffisamm ent le te xte. L'expression précepteurs. Comprendrecettejustification nécessite de resituer ce
nouveffe diglossie n'est pas clairement sit uée : quelle est t'an- texte dans la situation sociolinguistique propre au xv'f siècle fra n-
cienne ? 11 s'agit là d'un problème de savoir supposé partagé avec çais. Nous sommes en effet à une période charnière où le français,
le lecteur. Il faut toujours éviter les implicites en introduction langue écrite, va peu à peu supplanter le latin comme langue de
(nous évoquons cette quest ion dans la première partie, reportez- savoir. Dans ce contexte, nous pourrons mieux apprécierle rôle de
vous-y). précurseur de Descartes, et comprendre en quoi le choix d'une
langueautreque cellede ses précepteurs, pourlui, est un choixqui
L'introduction 2 n'en est pas une, elle aborde le sujet ex abrupto, révolutionne le rapport au savoir.
sans situer ni le texte ni l'auteu r, et semble d'emblée répondre à
un problème qu'elle n'a pas posé. L'introduction ouvre sur une formule paradoxale qui annonce l'en -
jeu du sujet proposé (il ne s'ag it pas que de Descartes et de la
L'introduction 3 (si on laisse de côté des problèmes d'interpréta- sit uati on linguist ique de la France au XVU siècle, il s' agit de
O

tions d'événem ents hist oriques, notamm ent le contresens sur montrer que le savoir s'écrit dans certaines langues et pas dans
l'édit de Vitlers-Cotterêts) est globalement bien const ruite : le d'autres : un Malien rédigera son doctorat en français, langue offi-
texte est présenté , replacé dans le contexte sociolinguistique de cielle de son pays, et non en bambara ou en peul, un Indien écrira
l'époque . Les deux questio ns préparent les deux tem ps du déve- un art icle scient ifique en anglais et non en urdu, en tamoul ou en
lcppeme nt.lt manque cependan t à cette int roduction de souligner bengal i). Ensuite son t présentés l'auteur du texte et le texte
l'intérêt du sujet. Elle est un peu plate et scolaire, peu « sédul- même. Cette présen tation reprend des mot s du texte qu'elle
sante ». explique (langue vulgaire, où il ne s'agirait pas de faire un contre -
sen s sur le mot « vulgaire », de vulgus en lati n, le peuple ).
L'introduction 4, plus longue, présent e d'abord la situation socio- L'annonce du plan se fait sans lourdeur (éviter: dans la première
linguistique de l'époque, pour ensuite y situer le texte considéré. part ie/da ns la deuxième part ie). La première partie est une mise
La question cependant qui problémat ise te propos du texte est mal en perspective hist orique, qui explique la situ ation sociolinguis-
amenée (la connexion logique avec en effet est bancale). t ique de la France du XVlr siècle, la seconde montre en quoi ce
texte peut révolutionner le rapport au savoir.
Aucune de ces introductions ne reprend les termes mêmes de la
citation.
Essayons de proposer une introduction.

- 124 - - 125 -
Sa~~!r:J'~dlge!, ~_ Ecrits scolaires ou académiques

Application: construction de textes L'argument d'autorité reste majeur, dans la p ratique de la gram -
argumentatlfs maire scolaire: Brunot l'avait bien vu, qui l'accusait de pousser l'en-
fant à l'obéissance irraisonnée. i.e rdle pédagogique réel de l'analyse
grammaticale et même de l'analyse logique risque d 'être bien diffé -
Essayez maint enant, dans les textes suivants, de repérer les diffé- rent de celui qu 'on lui prête généralement.
rent es techniques argumentatives.
1. Repérez les différents connect eurs d'argumentation. 4) Remarquez l'ut ilisat ion des auteu rs : non pas argument d'au-
2. Repérez les procédés logiques de l'argument at ion. t orité (contre lequel en passant, l'a uteur s'insurge), mais venant à
l'appui de la thèse défend ue :
Texte 1: contre la gramma ir e scolaire De bons observateurs, Lemare, 5udre , l'on t dit depuis longtem ps :
l'analyse renverse les hiérarchies dans l'esprit de l'enfant. Enfocali-
1) Dans un premier temps, l'a ut eur expose ta t hèse à laquelle il
sant l'attention sur le mo t isolé, elle le pousse à perdre le sens des
va s'opposer.
ensembles, à négliger les contenus po ur les formes , et à attribuer,
[l'analyse gramma ticale] est parée de toutes les vertus. Elle « fad-
contre tout bon sens, un intérêt forcément majeur à des phéno-
tite le d~eloppement progressif de la pensée, f ait comprendre le
menes d'ordre microscopique.
mécanisme de la langue, facilite les moyens de l'écrire et de la parler
correctement » (Dalimier, La Pédagogie des écoles rurales, 184 3).
5) Dans la concessive finale, ce qu i est conc édé est présenté
«Excellent exercice intellectuel, ajout e F1andin, un siècle plus tard,
comme petit et ridicule.
parfaitement adapté aux cervelles de dix ans» (Traité complet
Certes on développe ainsi le goût du calembour et de tous les jeux
d 'analyse, 1935). Qu'en est-if en réalité?
sur les mots ; mais comme formation de l'e sprit, c'est l'antithèse
exacte de la rhétorique, qui disparaît d'ailleurs des programmes au
2) Il développe e nsuite ses propres arg ume nts.
cours du XJX' siècle.
La critique de la grammai re scolaire est posée d'embl ée, le t on est
(A. Chervel, Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits français.
virulent: l'au teu r détruit point par point les arguments de la t hèse
Histoire de la grammairescolaire, Payot, 1977)
qu'il combat
La formation de l'esprit, d 'abord. On voit mal comm ent la pratique
Texte 2: mais pourquoi émlgrent-ll . ?
d 'une analyse aussi défectueuse pourrait y contribuer dans un sens
réellem ent positif. Si la grammaire scolaire peut. sur ce plan, se Ce t exte est en fait une longue introduct ion. Nous en avons déjà
pré valoir d 'une que lconque influence, c'est uniquem ent dans la présenté de la rges ext rait s. Il est intéressant d'en observer la
m esure où elle enseigne à ne j amais pousser un raisonnement to talité.
j usqu 'au bout, à ne jamais considére r les prémisses comme
immuables, à remett re en cause à to ut bou t de champ ses procé - 1) l'orientation a rgume ntative du texte es t don née par l'utili-
dures pour les mo tifs les plus divers, et à considérer que les classes sation e n introduction de la suite d'i nterrogat ives t otales, éq ul-
ou les catégories sur lesquelles on travaille peuvent être rem odelées vale ntes sémant iquement de négations.
à volonté en fonction des conclusions qu'il va bien falloir tirer. Alors que la mondialisation économique a profondément trans-
fo rmé les Etats et le système interétatique, peut-on continuer de
3) Re marquez ta « fa usse » concessive : Si la grammaire peu t... penser l'imm igrat ion comme s'il s'agissait d'une dynam ique indé-
l'a uteur semble reprendre un argument de la thèse adverse, mais pendante des aut res champs .. comme si son « traitement » relevait
c'est pour mieux le dét ruire. encore exclusivement d 'une souveraineté nationale unilatérale?

- 126- - 127 -
Savoir récUg"o'-, _ Ecrits scolaires ou açadémlques

Peut-on persister, dans la réflexion surles migrations internatio- 5} Présentation du ptan du développement.
nales, à faire l'économie d'une interrogation surlestransformations Avant que d'évoquer uneéventuelle crise du contrôle. il faut analy-
décisives quiont affecté l'Etat, à la fois surle plan domestique et ser les contraintes exterieures, toujoursplus nombreuses, qu'ont
danssesrelations internationales? acceptéesles Etats, et qui déterminent leurpofitiquemigratoire
- autant, sinon plus, que leurs actions sur les frontières et surles
2} la t hèse contrée est présentée et mise en cause. individus.
L'idée prévaut. en Europe occidentale, en Amérique du Nordet au
Japon, d'une crise du contr6le de l'immigration. Or cette vision 6) L'auteur développe ses arguments,
interdit tout débat serein. La question importante, en effet, ce n'est Carles migrationsinternationales ne représentent pas des phéno-
pas l'effICacité ducontr6le desEtats surleurs frontières, dont on sait mènes autonomes. Parmi les acteurs majeurs, maisrarement identi-
bienle caractèrenécessairement imparfait, mais plutôtla nature de fiéscommetels, decesmigrations, relevons:
ce contrôle. - certainessociétés multinationales, qui, du fait de leurrôle dans
l'internationalisation de la production, supplantent les petits
producteurslocaux, ce qui limite lesperspectives de survie de ces
REPÉREZ LES CONNECTEURS QUI ARTICULENT LE TEXTE
derniers dans l'économie traditionnelle et crée ainsi une msln-
d'œuvre mobile. De plus, l'instaflationde pdlesdeproduction tour-
Or Introduit un nouveau temps du raisonnement, après l'exposé de nésvers l'étrangercontribue àl'établissement de liaisons entre pays
l'opinion commune, i ~ueUe s'oppose l'autetK. la deuxième propo- demandeurs de capitaux et pays exportateurs decapitaux;
sitio n connectée par en effe t développe l'argument de l'auteur - desgouvernements qui,parleursopérationsmilitaires, provoquent
contre l'argument a~rse. En deux tem ps :ce n'est pas..• introduit la
thke adverse, i laquelle s'oppose le deuxième terme de la propo si- des déplacements de populations et des flux de réfugiés et de
tion, introduite par man pluMt, en effet vient appuye:r ce marquage migrants :
d'un nouveau temps du raisonnement. - les mesures d'austérité imposées parle Fonds monétaire interna-
tional (FMI), qui obligent les pauvres à envisager l'émigration
(domestique ouinternationale) comme stratégiede survie ;
3) Annonce du développement par une interrogative, qui finit - enfin, les accords delibre-échange qui, renforçant lesflux decapi-
de montrer tes limites de ta th èse contrée, taux, de services et d'informations transfrontaliers, impliquent la
Comment les politiques migratoires s'intègrent-elfesau nouveau circulation transfrontalière de travailleurs spécialisés.
coursmondial, avecson intégration économique, ses accords inter-
nationaux sur les droits humains, avec l'extension aux immigrants
résidents de diversdroits sociaux et politiques, lamultiplication des Remarquez la sé rie de propositions causales : car, du fait de, p.r...
acteurs politiques, etc. ? a insi que les relatives eKpli catj~s.

4) Une dernière concessive (concession à la th èse adverse)


introduite par si... 7) Après avoir développé ses différents arguments, l'auteur
SI I'Etat·nation dispose toujours du pouvoird'écrire le texte d'une conclut à ta non-pertinence de ta posit ion à laquell e elle
politique de l'immigration, ses différentes obligations internatio- s'oppose.
nales font quesapofitiquede l'immigration, ausens conventionnel Pourquoi laréflexion des responsables politiques surlesmigrations
decette expression, n'affecte qu'àla marge les réalités migratoires. interna tionales parait-elle plus courte que dans les autres

-=- - =-
Savoir rédlge..' _ Ecrits scolaires ou aca.c!~~ lque~

domaines? Lorsqu'il faut évaluer les conséquences économiques


destransformations du commerce et de la politique internationaux,
lesexpertset lespolitiquespèsent leseffets de chaque décisiondans
nombrede champs, et recherchent un certain compromisentreces Selon les disciplines, le commentaire de texte n'a pas la même
divers aspects. Maisl'immigration n'est jamais considérée comme fonct ion et ne se constru it pas forcément de manière identique. le
l'un de ces domaines :on la traite isolément desautres champsd'ac- commenta ire d'un texte littéra ire va s'attacher au styte du texte,
tionpolitique. comme si on pouvait lapenserde manièreautonome. à ses qualités d'écriture. le commentaire d'un texte philosophique
Cet aveuglement explique l'inadéquation des politiques mises en s'attache à l'expression d'une pensée par un auteur donné . Dans
place à leurs objectifs- qu'onsoit d'accord ou non avecceux-a . d'autres disciplines (histoire,géographie), le commenta ire de texte
s' attache davantage à l'informatio n apportée et à la réflexion
8) le passage se clôt sur une interrogation totale, éq uivalente qu'elle peut nourrir sur une quest ion donnée.
sé mant iquement d'une négat ion. Nous n'entrerons pas dans le dét ail des différences disciplinaires
To us lesparticipants à l'immigration ne gagneraient-ils pas à recon- dans le t raitement du commenta ire de texte, et nous laisserons
naître l'existence de ces interactions entre plusieurs champs poli- tout part iculièrement de côt é la quest ion du commentaire d'un
tiques, et à lesintégrer dans leurscalculs ? (Saskia Sassen, Le Monde texte littérai re, dont la méthodologie est tout à fait spécifique.
diplomatique, novembre 2000) Nous apporterons ici des pistes valables pour tout type de
comme nta ire, de ty pe informat if et argume ntat if. Tout ce que
nous avons développé dans le chapitre précéden t sur les tech-
niques de l'écrit argumentatif sont à réutiliser pour ce type d'écrit
également.

Compréhension du texte

la démarche première, celle de la compréhens ion du texte et de sa


portée, reprend la démarche décrite pour la compréhension d'un
sujet dans le chapitre précédent : repérer (es mots dés. formuler la
thèse, trouver l'enjeu du texte, confirmer et réfuter.
Votre première tâche est de tire et relire le texte, un crayon à la
main, en soulignant les mots dés, en repérant tes mots qu'il
faudrait expliquer, et en repérant également la st ructure du texte :
articulation des idées, usage des exemples...
Repérez ainsi l'idée force du texte, celle qui vous permettrait par
exemple de lui donner un titre.
Not ez tout ce à quoi ce texte vous fait penser : exemples concrets
qui illustrent ce que dit t'auteur, autres points de vue sur le même
sujet développés par d'aut res aute urs, que ce soit des points de

-~ - -1 31 -
Savoir rêcll.(."'.' - _ Ecrits scolalr• • ou académlq ~

vue similaires ou des points de vue différents, contre-exemples décrire une situation. C'est à vous alors de l'utili ser comme
concrets qui vont à l'encontre de ce que développe l'auteur. Un maillon d'une argumentation : quelle thèse permet-il de nourrir,
même auteur peut présenter dans son texte différents points de dans quelle prob lématique s'ins ère-t -Il... ? Vous avez alors à
vue, argumenter, prendre position. Il faut alors rendre compte de const ruire toute l'a rgumentation (confirmation/réfut ation) en
cette argumentation, la suivre, la nourrir, et repérer les points où montrant comment ce qui vous est présenté est un argument en
le problème pourrait être pris différemment, faveur de l'une ou l'a utre thè se. A vous de trouver les arguments
de la thèse inverse.
Vous allez ensuite const ruire vot re commentaire à part ir de l'idée
force que vous avez repérée.
Il faut prendre garde avant t out au fait qu'un commentaire de Introduction
texte n'est pas une gigante sque paraphrase du texte, il ne s'agit
pas de dire différemment ce que l'auteur aura sans doute mieux
l'introduct ion doit sit uer très précisément l'a uteur, l'époq ue, l'en-
dit que vous. l e texte à comment er en fait doit servir une
jeu du texte et le contexte (polit ique, social historique, philoso-
réflexion, doit servir de support à la const ruction d' une argumen -
phique...) dans leque l il s'insère. l 'introduct ion doit par ailleurs
tation.
présenter la même forme que ce que nous avons décrit dans le
chapit re précédent : captatio benevolentiae. enjeu du te xte ,
Plan du commentaire annonce du plan.

l e plan de votre commentaire peut êt re induit par le plan du texte Conclusion


qui vous est proposé.
Formellement, la ccnduslcn d'un comment aire ne diffère guère de
Un texte ,.,gumenflltlf
celle d'un texte argu mentatif : elle récapitu le et propose une
Sile texte expose une thèse qu'ilcombat et une thèse qu'il défend, ouverture.
vous opterez pour un plan confirmation/ réfut at ion, qui reprend (es
arguments de l'auteur, en (es développant et en (es nourrissant de
vot re propre réflexion. Application: un exemple de commentaire
Si le texte n'expose qu'un seul point de vue, il vous faut dévelop- de texte
per te point de vue adverse : vous opterez alors pou r un plan
confirmation-réfutat ion qu i, dans un premier temps, reprend la
th èse de l'auteur et la développe, et dans un deuxième temp s, la Soit ce texte de Paul Valéry.
réfute en argumentant.
je distinguerai deux sortes de ces leçonsaccidentelles de tous les
Un texte explicatif instants :lesunes, quisont les bonnes, ou, du moins, qui pourraient
Ntre, ce sontles leçons de choses, ce sont lesexpériences qui nous
l e texte qui vous est proposé n'est pas forcéme nt argumentatif, il sont imposées. ce sont les faits qui sont directement observés ou
peut êt re simplement explicatif, rendre compte d'une question, subis parnous-mêmes. Plus cette observation est directe, plus nous

-132- - 133 -
Savoir rédlg"e'
'-- _ Ecrits scolaires ou acadêmlq ~ 8!~

percevons directement les choses ou les événements, ou les ëtres. et fon t de nos cervelles une substance véritablement grise, où rien
sans traduireaussitôt nos impressions en clichés, en formules toutes ne dure, rien ne domine, et nous éprouvons l'étrange impression de
faites, et plus cesperceptions ontde valeur.j'ajoute -ce n'estpasun la monotonie de la nouveauté, et de l'ennui des merveifles et des
paradoxe - qu'uneperception directe est d'autantplusprécieuse que extrêmes.
nous savons moinsl'exprimer. Plus ellemet endéfautles ressources Que faut~il conclurede cesconstatations 1
denotre langage, plus ellenous contraint à lesdévelopper. Siincomplètes qu'ellessoient-je pense qu'elles suffisent à faire
Nous possédons ennoustoute uneréserve de formules, de dénomi- concevoir des craintes sérieuses surdes destinsdel'intelligence telle
nations, de locutions, toutes pretes, quisontde pureimitation, qui quenouslaconnaissonsjusqu'ici. Nous sommes en possession d'un
nous délivrent du soin de penser, et que nous avons tendance à modèle de l'espritde divers étalonsde valeur intellectuelle qui,
prendre pour dessolutions valables et appropriées. Nous répon- quoique fort anciens - pour ne pas dire immémoriaux - ne sont
drons leplus souvent à ce qui nous frappe pardes paroles dont nous peut-êtrepaséternels.
nesommes pasles véritablesauteurs. C'est pourquoi if fautdifflCile~
ment se croire soi-même surparole. je veux dire que laparole qui Paul Valéry, Variété, Essais quasi politiques.
nous vient à l'esprit, généralement, n'est pasdenous.
Mais d'où vient-elle? C'est icique se manifeste le secondgenre de ComP'éhenslon du texte
leçon dont je vous parlais. Ce sont celfes qui ne nous sont pas
données par notre expérience personnelle directe, mais que nous Ce t exte est un texte argumentatif. It faut en comprendre la thèse
tenons de nos lectures ou de labouched'autrui. et repérer comment il s'articule.
Vous le savez, mais vous ne l'avez peut-être pasassez médité, à quel Valéry distingue deux sortes de leçons : les leçons de l'expérience
point t'ère moderne est parlante. Nos villessont couvertesde gigan ~ et les leçons apportées par les lectures et la bouche d'aut rui. Son
tesques écritures. La nuit méme est peuplée de mots de feu. Dès le t exte est st ruct uré en deux grands temps. Dans un premier t emps,
matin, des feuilles imprimées innombrables sont aux mains des il explique ce qu'il entend par leçon de l'expérience, et ce qui fait
passants, desvoyageursdanslestrains, et des paresseuxdans leurs que ce sont les seules leçon s valables, auxquelles s'oppose le
lirs. Il suffit de tourner un bouton dans sachambrepourentendre les second type de leçons, qu'il présente en en faisant la crit ique. l es
voixdumonde,et parfois, lavoix denosmaitres.Quant auxlivres, on leçons de l'expérience sont les Cl: bonnes» leçons parce qu'elles
n'en ajamais autant publié. Onn'ajamais tant lu, ou plut6t tant nous forcent à développer (es ressources de notre langage pour
parcouru. rendre compte de nos perceptions singulières. l e second type de
Quepeut-ilrésulterdecette grande débauche ? leçon, au contraire. nous dispense de réfléchir. Il condut son texte
Les mêmes effetsqueje vous décrivaistout à l'heure;maiscettefois, sur un dout e : du fait de la prolifération d'écrits et de messages,qui
c'est notresensibilité verbale qui est brutalisée, émousséedégra- sont aut ant de fi: prêts à penser », l'int elligen ce pourrait êt re
dée... Le langage s'useen nous. ame née à disparaître.
L'épithète est dépréciée. L'inflation de la publicité a fait tomber à On peut donc interpréter ce texte comme une crit ique de ce qu'on
rien lapuissance des adjectifslesplus forts. La louange et mëme l'in- peut appeler les « fabriques d'o pinion» que sont t ous les texte s,
juresont dans la détresse ;on doit se fatiguer l'esprit à chercherde messages, images. circulant à travers différents médias dans une
quoiglorifier ou insulterlesgens! société donnée ; ce sont autant de menaces pour t'inte lligence.
D'ailleurs, laquantité des publications, leurfréquence diurne, leflux
des choses quis'impriment ou se diffusent, emportent du matinau
soirlesjugementset lesimpressions, lesmélangent et lesmalaxent,

- "' - - 13!i -
Savoir rédi,:.,,' _ Ecrits scolalr• • ou académique.

Construction du plan Mais elle n'est qu' un outil. Sachez toujours ce que vous voulez
1. Illustrer et argumenter dans le sens de la thè se de l'auteur : les écrire avant de vous lancer dans l'écrit, évitez de penser au fit de la
vraies leçons sont ceiles de l'expérience, les lectures que l'on fait plume, c'est ainsi que vous éviterez rupt ures de construct ions,
fournissent un prêt à penser suspendant l'esprit critique. gaucheries, coq-à-l'âne.
Umite : l'expérience est bien souvent incomprise dans sa slngute- lorsque vous prat iquerez l'écrit en tota le familiarité, alors vous
rité.I'in dividu a alors recours pour en rendre compte à des stéréo- pourrez prendre davantage de liberté, alléger les étapes prépara-
typ es, des formules toutes faites (possibltité que Valéry évoque: toires, vous lancer plus vite et sans garde-fou dans une rédaction.
traduire aussitM nos imp ressions en clichés, en form ules toutes Pour l'instant, allez lentement et sûrement. Jusqu'au but fix é,
faites). On peut s'inte rroger sur les limites de l'expérience brute
dans la construction d'une intelligence réflexive et critique.

Z. la deu xième partie développe une th èse inverse à celle de


Valéry : les lectures peuvent apporter des clés de compréhension
pour des expériences personnelles dont un individu peut avoir du
mal à rendre compt e.

3. Cette troisième part ie peut être une ouverture sur des thé ma-
tiques plus contemporaines (Valéry est mort en 1945) : Peut-être
est -ce moins l'écrit que l'image et la parole, véhiculé par le média
te plus puissant , la télévision, qu i suspend l'esprit criti que. la
lect ure suppose du tem ps, contrairement à l'assimilation du flux
d'images et de paroles de la té lévision. le temps de la lecture
permet l'exercice de la réflexion. la télévision au contraire
imprime inconsciemment en nous mots et images, sans que l'es-
prit critique puisse pleinement s'exercer.

A vou s maintenant

« Ce qui se pense bien s'énonce clairement. » Gardez cette


maxime en tête. Ayez avant tout les idées claires et tachez de les
exprimer clairement, c'est-à-dire avec simplicité et précision. la
maitrise de la langue écrite - maitrise de la langue elle-même,
c'est-à-dire maîtrise de la syntaxe, mais également maîtrise des
techniques rhétoriques - est l'outil qui vous permet cette expres-
sion claire.

- uo- - 137 -
_ __ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _-'B"i"
b l"l'og~~p h l e

BIBLIOGRAPHIE

ANSCOMBE j.-c. et DUCROT O.• Direet ne pasdire. Paris, Hermann,


1972.

AN SCOMBE J.-c. et QUCROT O •• L'Argum entation dans la langue.


Bruxelles. Mardaga, 1983.

BARIL D. et GUILLET J.. Techniques de l'expressionoraleet écrite. L 1


et L 2. Paris, Sirey. 199 2.

(ARROU L,la Logique sans peine. Pa ris. Hermann, 1966.

CHAROLLESM.. « La gestion des orient at ions argumentatives dans


les textes » in Pratiques. n° 49, 1986.

COMBETIE5 B.• f RESSON J.. TOMASSONE R., De la phrase au texte.


Classe de quatrième. libra irie üetegreve. 1979.

DUCROT O. et alii. Les Mots du discours. Paris. Minuit . 1980.

GOOSEA., la « No uvell e» Orthographe. Expo sés et commentaires.


Paris. Ducutot. 1991.

GOOSE A.. Le80n Usage. Paris. Duculct. 1993.

REICHLER-BEGUELIN M.-J.. OENERVAUD M. et JESPE RSEN J., Ecrire en


fran çais. Cohésion textuelle et apprentissagede l'expressionécrite,
Delachaux et Niestt é. 1990.

REICHlER· BEGUELIN M.-J., « Norme et t extualit é. Les procédés réfé-


rent iels considérés comme déviants en langue écrite » in
Schoeni G., Bronckart j.-P. et Perrenoud P., La Langue française est-
efle gouvernable ?, Delachaux et Niestl é, 1988.

- 139 -
Index

INDEX

Articulations 97
Chiasme 98
Confirmation 103.132
Connecteurs 8Oetsuiv.. 111. 128
Cotexte 42
Déduction 59
Homonymes 17
Implicite 60. 78
Ironie 82
Interrogation 84
litote 81
Nominalisation 47 et suiv.. 83
Opposition 73. 105
Prémisses 61.64
Réfutation 102etsuiv., 111, 132
Restriction 73,86
Termes clés 95
Redondance 26.34
Thématise tion 31
Transition 171

- 141-
MÉTHODOLOGIE

DistriooliOn Dluseo
ISBN978·2·7590·0680·9 10 €

Vous aimerez peut-être aussi