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HEIDEGGER ET L’ÉNIGME DE LA VIE:

ENTRE L’ÉPIPHANIE ET SON REFUS

CRISTIAN CIOCAN
Université de Bucarest

Le thème de la vie est presque omniprésent dans le chemin philosophique de


Heidegger de 1919 à 1927.1 Néanmoins, cette présence n’est ni uniforme ni
unitaire. Elle comporte plusieurs changements de perspective, plusieurs modifications
d’accent, plusieurs variations problématiques, plusieurs commutations de niveau
discursif et, ensuite, plusieurs significations. La distance qui sépare les textes de
jeunesse (de 1919 à 1923) des considérations de Sein und Zeit2 se reflète
notamment dans l’emploi du concept de la vie. Car si au début la réflexion
heideggérienne était focalisée fondamentalement sur le problème de la vie autour
du projet de «l’herméneutique de la vie facticielle», en 1927 le concept de vie est
explicitement banni et supprimé, étant déclaré inapte à décrire et à nommer l’être
du Dasein. Nous devons donc nous interroger : quel est le sens de ce changement et
quelles sont les significations du concept de vie que Heidegger vise par cette
modification de perspective?
En effet, plusieurs fois dans les écrits heideggériennes de jeunesse, nous
trouvons l’idée que le concept de la vie a une signification multiple. Dans le
Natorp Bericht (1922), la multiplicité de significations traditionnelles de la vie
n’est pas un motif suffisant pour rejeter le terme comme tel. Heidegger affirme
textuellement :
La polysémie égarante [verwirrende Vieldeutigkeit] du terme de « vie » et
son usage ne doivent pas servir de prétexte pour le rejeter purement et
simplement. On renoncerait par-là à la possibilité de suivre les directions

1
Cf. Robert Petkovsek, Heidegger-Index (1919–1927), Ljubljana, 1998, pp. 99–102.
2
M. Heidegger, Sein und Zeit, Max Niemeyer, ³1931, § 49, p. 249, n. 1. Nous citons la
traduction française de E. Martineau, Être et temps, Authentica, 1985. Nous utiliserons à partir d’ici le
sigle SuZ, en indiquant les pages de l’original allemand. Nous faisons aussi appel à l’édition de
Gesamtausgabe, vol. 2, et à la traduction de François Vezin, Martin Heidegger, Etre et temps, Paris,
Gallimard, 1987.

Rev. Roum. Philosophie, 50, 1–2, p. 215–240, Bucureşti, 2006

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