CRIME Les politiques aux abonnés absents |
Par XAVIER RAUFER
criminologue
La guerre des mots
a France traverse une crise criminelle grave et,
comme trop souvent, sa classe parlementaire fait
commesi tout cela était quantité négligeable—voire
nexistait pas, Exagération ? Faisons un test et cher-
chons“braquage” sur Google,en limitant notre recher-
cheau dernier mois.
Nous y voyons bien sir défiler une interminable lita-
nie de vols a main armée, souvent commis dans des
conditions proches de la guerre. Sur tout le territoire
frangais, on constate, parle haut, une professionnalisa-
tion et une militarisation des hold-up ; par
le bas, une multiplication des violences
crapuleuses (“vols avec violence”).
Nous trouvons encore sur Google des arti-
cles plus généraux, 'inquiétant de“Pexplo-
sion” (termed usage fréquent) des braqua-
ges dans une ville, ou dans une région.
Exemple:un quasi-doublementen 2010 des
vols main armée dans les Alpes-Maritimes.
Notre recherche releve enfin de virulentes
réactions a cette dégradation criminelle—~
toutes de sites ou de médias... d’extréme droite. i
dans toute la classe parlementaire, silence radio.
Or, dans l'année écoulée, des signes inquiétants ont
démontré que la situation n’avait cessé de se dégrader.
Exemple, la désertion croissante par les concierges et
gardiens (signalée par l'Union sociale pour habitat,
premier organisme HLM francais) des quartiers hors
contréle, ou ils sont « de plus en plus exposés a la
violence » car ils « dérangent les trafiquants », Ainsi dit
le Monde du 21 aoatt 2010, 20% des « cités sensibles »
d'lle-de-France n’ont plus aucun gardien, « faute de
pouvoir y assurerleur sécurité ».
Dttsisitésetquartersrodentnombredemalfs
teurs hyperactifs, du type défini comme “préda-
teurs violents” par la criminologie. La préfecture de
police (Paris et petite couronne) en compte 19 000,
ayant tous commis au moins 50 infractions —vols avec
violence, outrages a dépositaire deautorité, trafics de
stupéfiants, etc.
Des paumés? Non, des professionnels du crime utili
sant « d’innombrables alias ou pseudos, vivant sous de
fausses identités et whabitant évidemment jamais a
adresse indiquée sur leurs papiers ».
Orla plupart devraient etre incarcérés et sont libres,
du fait de la non-exécution des peines — 82.000 peines
de prison exécutoires, dont 7 500 de plus dun an, ne
sont pas exécutées | Un fait regretté parla préfecture de
police: « Nous arrétons des braqueurscondamnés a cing
ans de prison ». Ceux-ci, libres comme l’air quoique
condamnés ~ et parfois récidivistes — déménagent et
poursuivent paisiblement leur business ilicite!
Telle est, en France, l’évolution criminelle. Avec
courage, policiers et gendarmes tentent d’inverser la
tendance et de ramener l’ordre, mais semblent un pew
dépassés par la situation, faute d’outils de renseigne-
‘ment performants pour cibler les bandes commettant
la plupart des braquages et autres crimes graves
;peints plus haut.
Face a cela, que font les parlementaires—hélas, parfois
dela majorité? Usanta tortet a travers des termes inap-
propriés, ils empéchent que 'opinion publique réalise
Pampleur de cette crise criminelle, et sement malheu-
reusement la confusion.
D’abord, ils édulcorent en ne parlant que de “délin-
quant” et de “délits” — quand, par exemple, toutes les
OA am ALTE
Ca SMC CLARY TE
ATTN aS
CAVA a UES ate
infractionsici évoquées sont des crimes, passibles dela
cour d’assises. Ne pas savoir évaluer, dt la philosophic,
condamne a dévaluer: comments’alarmer de simples
dalits, aimables peccadilles du type chapardage dans
un magasin ? Alors que, dit le Monde qui n'est pas un
bralot sécuritaire, des policiers doivent désormais
« répliquer a balles réelles a des tirs d’armes a feu »?
Pourquoi ne pasappelerles choses par leur nom, etun
crime, un crime?
Ateusesemaledroit celui du terme*émeutes?Y
\a-t-il des “émeutes” dans les banlieues frangaises?
Nullement. Une émeute (du mot “émouvoir’, dit le
Larousse) est un “soulévement populaire”. Or dans les
banlieues, seules agissent de petites bandes armées,
quelques milliers @’individus en France en comptant
leurs complices directs, ciblant d’ usage des lieux sans
défense :abribus, écoles, créches, petites entreprises,
casernes de pompiers, etc.
Et les “populations défavorisées” ? Tremblantes, elles
attendent chez elles le retour du calme, conscientes 6
combien !qu’incendier desautobusaccable seulement
les plus pauvres.
On a récemment vu de vraies émeutes 4 Tunis, au
Caire, a Tripoli— mais dans les banlieues frangaises?
Jamais, dans les vingt ans écoulés, Aussi, user de ce terme
pour qualifier les exactions de gangstersest-il un dange-
reux contresens.
Espérons donc queles élus de droite, usant des termes
appropriés, reviendront bientot sur le terrain de la
violence criminelle. Sinon,¢’autresle feront leur place
—pas forcément la ot. on imagine. Car, lues de prés, les
propositions de Martine Aubry sur la sécurité
(Villepinte, novembre 2010) révelent de discrétes évolu-
tions sémantiques ~ « zones de non-droit... violences
urbaines....»— vers un plus grand réalisme en matiére
criminelle. .
Valeurs actuelles 3 mars 2011
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