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Sommaire

Débat AITEC sur l’EUROPE


par Ghazi Hidouci, co-président de l’AITEC Les questions européennes p2
Vers un pacte pour une Europe durable p2
En relation avec l’espace de débat ouvert par l’AITEC au sujet des questions
européennes, je ne pense pas utile de revenir sur le contenu des dossiers que le Sécurité humaine, soutenabilité environnementale
mouvement social français et européen, y compris l’AITEC, suit avec attention et et économie globalisée p3-5
Ancrer la solidarité internationale dans les
beaucoup de cohérence en dépit de la faiblesse de moyens. Je souhaiterais plutôt
territoires franciliens p5
faire, du point de vue de « Sirius », un certain nombre de remarques qui pourraient
sembler tautologiques, mais que je considère bon de rappeler en ces temps propices Un Grand Paris pour un espace écologique p6-7
aux interrogations essentielles. Un débat que nous espérons soutenu est opportun Formations, écoles universités p7-8
Appel de Louvain contre le processus de Bologne p8
principalement parce que les conditions de vie de la grande majorité des Européens
Les issues stratégiques à la crise globale p9-10
entrent en contradiction de plus en plus dangereuse avec les exigences de rendement
financier des détenteurs de capitaux dans l’économie européenne. De même, alors Forum des sans voix à Bamako p10
même qu’autorités américaines et celles des pays émergents donnent le sentiment de
commencer à mesurer ce danger et modifier leurs comportements, l’Europe officielle
semble aujourd’hui quelque peu piégée par son orthodoxie : refus des restrictions aux
mouvements des capitaux, découragement de l’activité financière publique, maintien
des mécanismes de l’échange inégal avec les pays pauvres, mais surtout, conviction
que la géopolitique mondiale ne change pas parce que les nouveaux acteurs ne font
pas le poids. C’est une attitude qui peut mener rapidement à l’isolement.

Le débat devrait se préoccuper d’abord d’alternative avant de se consacrer aux


alliances et aux compromis. La remarque n’est ni théorique ni partisane ; elle a le
souci de la réalité. Tout d’abord, l’Europe n’est pas fondamentalement une région
politique ; elle est délibérément alignée à l’OTAN, n’exerce une capacité diplomatique
commune que sur les questions économiques et n’a une monnaie que partiellement
autonome par rapport au dollar. Le débat sur l’Europe politique relève en partie de
l’illusion, en partie d’un scénario d’avenir possible mais non encore ancré dans les
pratiques. On pourrait ne pas trop y insister.

Il reste et ce n’est pas peu que l’Europe est un vrai grand marché bien huilé et qui a
produit, je serais tenté de dire dans le passé, de la valeur économique et du bien être
social pour les ressortissants européens. Il a bien réussi dans de nombreux domaines
à accompagner avec beaucoup de solidarité et de succès, des régions nettement en
retard vers des progrès matériels importants. Il me semble important de souligner que
le sentiment que ce marché est aujourd’hui en panne est de plus en plus partagé.
Le capitalisme de marché pur auquel tient l’Europe officielle s’est avéré conduire à
l’effondrement économique; il a rapporté ces dernières années beaucoup d’argent aux
pratiques les moins honorables sur les marchés a scandaleusement enrichi une faible
partie des capitalistes et entraîné le monde dans une récession. Peu de gens pensent
le contraire ; les progrès de ces convictions disqualifient les politiques récentes de
l’UE, sans que nous soyons certains, sauf aggravation nouvelle de la situation, qu’elle Calendrier
entende raison. Il me paraît ainsi opportun d’insister dans le débat d’abord sur Le 18 mai (18h)
l’élaboration de l’alternative que nous voulons en donnant libre cours et sans tabous à Atelier Grand Paris au CICP
notre inventivité politique et sociale pour ne se pencher qu’ensuite sur les démarches Le 28 mai à (19h)
politiques de la mobilisation pour qu’elle soit entendue. Réunion AITEC / RESOL au CICP

Nos propositions sur l’Europe sociale et des services publics, le changement des 3 Juin (17h30)
positions dans les négociations commerciales, l’ancrage dans la solution durables des Assemblée générale et 25 ans de l’association
questions climatiques, l’autonomie stratégique de l’Europe, la question des honteux
obstacles à la circulation des humains ne prennent de sens que si nous affirmons 18 juin (19h)
d’abord nos principes politiques quand au devenir de l’Europe. Atelier urbain au CICP
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Les questions européennes Amélie Canone et Hélène Cabioc’h

A la veille des élections européennes de juin 2009, l’Aitec ouvre un et de mobilisations réellement européennes. La crise a révélé la nécessité
espace de débat sur les questions européennes. Ces dernières années de créer un nouveau modèle. Les propositions alternatives existent, basées
l’actualité européenne en lien avec nos chantiers a été riche : bataille sur les analyses élaborées par le mouvement social depuis des décennies ;
contre la directive Bolkestein puis refus de la Commission d’élaborer une mise au pas de la finance, refonte de la fiscalité nationale, européenne et
directive-cadre sur les services publics, lancement de la stratégie « Global globale, responsabilisation économique et sociale des acteurs économiques,
Europe» et multiplication des négociations d’accords de libre-échange reconstruction de services publics, réforme de la gouvernance mondiale... La
bilatéraux, votes « non » au TCE dont l’entrée en vigueur est encore dimension écologique tend à être de plus en plus reconnue et intégrée aux
incertaine (les irlandais devraient revoter en octobre)…L’Union préoccupations des mouvements sociaux "classiques", elle suscite
européenne s’est également élargie, passant à 27 membres. également l'émergence de réseaux et mouvements dynamiques au plan
européen.
Au niveau mondial, les négociations à l’OMC ont marqué le pas, les C'est pourquoi le croisement des thématiques et l’échange entre les acteurs
objectifs fixés en terme d’APD et d’efforts pour réaliser les objectifs du sont plus que jamais d'actualité, un rôle que l'Aitec s'est attaché à jouer
Millénaire ne sont pas atteints, les récentes mises en évidence des depuis plusieurs années, et pour lequel il a acquis une légitimité certaine. Si
chiffres de l’évasion fiscale ont réouvert le débat sur la dérégulation et la l'accès de tous aux droits fondamentaux est l'objectif ultime reconnu, des
mise à mal des finances publiques. L'Aitec s'est progressivement horizons distincts se dégagent. A court terme l'enjeu porte clairement sur la
constitué en acteur engagé et présent sur ces différentes problématiques, limitation des impacts sociaux des crises et la bataille pour la justice sociale
en s'intégrant dans des réseaux européens, en multipliant les alliances et (incluant des contre-attaques sur la question fiscale, sur l'utilisation de
les expériences de collaboration avec des groupes, en bilatéral ou l'argent public à court terme...) et la défense de la démocratie et des droits
multilatéral. En particulier l'Aitec s'est investie dans de nombreux réseaux contre la tentation autoritaire. A moyen terme les alternatives portées par le
à l’échelle continentale : le réseau "Athens-SP" sur les services publics, le mouvement social européen doivent être poussées et cela suppose des
réseau Seattle to Brussels, plus récemment encore l'initiative inter- alliances stratégiques et tactiques complexes : pour la disparition
réseaux sur les crises ou le réseau AlterEU qui travaille sur les lobbies progressive des paradis fiscaux, pour une réforme des institutions
économiques privés et la démocratisation des processus de décision financières internationales, batailles offensives sur la fiscalité - globale et
communautaires. européenne, pour des organismes bancaires sous contrôle public...
L'alliance à la fois avec les syndicats "cogestionnaires", avec une frange
sociale-démocrate de la gauche européenne, avec une partie des élites
De nouvelles questions émergent, que l’Aitec souhaite prendre davantage
émergentes est-elle contournable dans cette perspective ?
en charge : la question environnementale (programme européen piloté par
le CRID sur la gestion des ressources naturelles pour le développement),
Entre ces deux horizons se jouera vraisemblablement le sort de l'idée de
les modes de productions et de consommation, le rôle des multinationales
"capitalisme vert", qui résume assez bien, pour l'heure, la représentation que
et leur impact sur les politiques publiques… La représentation du monde
se font les élites du g8 de ce dont les réunions internationales des mois à
a évolué, les grandes régions ont désormais un rôle clé à jouer dans la
venir doivent accoucher. Avec la confirmation que les mécanismes de
mondialisation, mais face à la crise les tendances souverainistes et
marché peuvent être les outils de régulation adéquates des désordres
centrifuges ressurgissent. L’Europe fait aujourd’hui face à de nombreux
environnementaux : c'est une question fondamentale à très court terme,
défis. Largement discréditée dans les mouvements sociaux et citoyens
avec la conférence de Copenhague en déc. 2009.
européens en raison de l'empreinte libérale qu'elle a imprimé sur tous ses
Enfin à plus long terme la reconstruction d'une Europe sociale, la définition
projets et politiques, elle est pourtant le lieu où devraient s'esquisser les
progressive de modèles de développement durables et solidaires et la
réponses structurelles à la crise globale que nous vivons : la redéfinition
refonte d'un multilatéralisme économique et écologique fondé sur la
d'un modèle social européen partagé et intégrateur dans une Union
coopération et les complémentarités plutôt que sur la concurrence et la
Européenne à 27, l'affirmation de propositions face à la crise, en matière
guerre,.appellent des réformes profondes de l'architecture internationale, de
de régulations internationales notamment, dans une position qui ne sera
ses normes et de ses logiques.
pas seulement suiviste critique des USA, l'édification d'une politique de
solidarité internationale qui réduise durablement les inégalités inter-
régionales et dépasse l'actuel néocolonialisme même bien intentionné, de Vers un pacte pour une Europe durable :
façon plus globale la promotion d'un modèle de développement nouveau,
qui garantira la satisfaction des droits de tous, sobre écologiquement, En juin prochain, les citoyens des 27 états membres de l’Union
solidaire et pacifique. européenne seront appelés à élire leurs représentants au Parlement
européen pour la législature 2009-2014. Ces élections s’inscrivent dans
Les lignes ont bougé, le mouvement global s’est affirmé mais peine un contexte de crise multiforme, dont la dimension financière et partant
encore à faire entendre sa voix à l’échelle européenne. Même les réseaux sociale et économique ne doit pas occulter la dimension écologique et
européens peinent à formuler leurs questionnements et construire leurs l’Union européenne doit reconnaître la part que son mode de
batailles à l'échelle régionale plus qu'aux confins de la somme des développement non durable joue dans cette crise écologique mondiale.
batailles nationales. La logique et la stratégie de la Confédération Un développement plus durable doit devenir le pivot de la définition des
européenne des syndicats, où la plupart des grandes centrales syndicales objectifs politiques répondant concrètement à la crise et constituer le
européennes discutent l'élaboration de stratégies communes face à point de convergence de l’essentiel des mouvements qui mûrissent
l'Europe libérale, suscitent des interrogations et des critiques croissantes : dans la société civile. C’est le moment pour les citoyens d’oeuvrer non
relativement fermée aux syndicats plus proches des mouvements sociaux pas à une Europe-marché mais à une Europe-projet pour changer le
et citoyens, elle se pose davantage en structure de lobby des institutions monde. Nous demandons aux candidats aux élections européennes de
bruxelloises, voire de cogestion. Elle fait l'objet de critiques croissantes et s’engager à lutter pour ce nouveau modèle de développement, équitable
ne fournit pas de cadre de réponse au besoin d'européanisation des luttes socialement, respectueux des ressources planétaires, et
sociales, tout en préemptant plus ou moins les mobilisations syndicales à économiquement viable, articulé autour de 4 axes de transition : des
l'échelle régionale. règles et instruments économiques compatibles avec le développement
durable ; coopération « Nord Sud » fondée sur la réciprocité et le
partage ; des politiques sectorielles tournées vers le développement
Le Forum social européen et le processus de préparation qui lui est
durable et cohérentes entre elles ; de nouvelles règles de gouvernance
dévolu sont en crises : enferrés dans des discussions méthodologiques
et de fonctionnement.
et/ou existentielles, faute d'ouverture et de renouvellement, le processus
Lire le détail des axes sur le site de 4D et réagissez à ce projet avant le
FSE dans son ensemble ne parvient pas à être le catalyseur d'initiatives
15 mai:cbourdel@association4d.org
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Sécurité humaine, soutenabilité environnementale L’objectif ultime de Qin était d’atteindre l’immortalité par un règne
dynastique qui se prolongerait à perpétuité. Mais sa nouvelle dynastie fut
et économie globalisée de courte durée ; quinze années plus tard seulement elle fût remplacée par
Par Vinod Raina la dynastie Han. A travers les siècles, la muraille tomba dans le
délabrement, victime des forces de la Nature. Nombre de dirigeants
Tel un tsunami qui saccagerait tout, le capital global exploite la bulle d’énergie ordonnèrent sa reconstruction ou son extension, mais inévitablement la
des marchés monétaires, la force militaro-industrielle des nations puissantes Nature la réclamait. Aujourd’hui, bien que les portions qui demeurent soient
et les aspirations fabriquées de milliards de gens à une ‘meilleure vie’ à maintenues en tant qu’héritage de la réussite humaine (c’est l’une des
travers le monde afin de mettre à genoux les gouvernements faibles pour seules structures élaborées par l’être humain qui soit visible de l’espace),
marchandiser, monopoliser et commercialiser jusqu’à ces aspects de la vie la Grande Muraille n’a pas d’autre réelle signification que la symbolique de
considérés comme sacrés et appartenant au domaine public, comme l’eau, la sécurité et de la souveraineté de la Chine. En fait il s’agit d’un
l’air, les forêts et la connaissance. Les bouleversements dans la vie témoignage de l’échec à long terme et de la folie de la quête humaine de la
économique, sociale, culturelle et spirituelle des gens, remuée comme par un sécurité territoriale.
tremblement de terre massif (l’origine même d’un tsunami), ruinent les
systèmes locaux de production, les institutions sociales, les systèmes culturels La Muraille est écrasée par l’étendue des montagnes auxquelles elle est
et de croyance dans une dévastation qu’on peine à décrire. Avec adossée telle une ligne fine et nerveuse. La vie et le pouvoir reposent sur
l’éblouissante mais douteuse promesse de fournir une sécurité économique à les montagnes, grouillants d’une myriade de plantes et d’espèces
une plus large part de la population via des taux de croissance plus élevés, animales. Les microorganismes transforment la pierre en poussière ; les
l’économie globale a besoin de ressources naturelles pour soutenir la insectes, les rongeurs et les chèvres parcourent les ruines du mur,
production à des taux qui n’ont pas de précédent dans l’Histoire humaine ; mordillant les plantes qui poussent dans les fissures, inconscients du
c’est là la raison première de l’insécurité environnementale et de grand dessein des humains. Les arbres sur la pente fournissent du bois et
l’insoutenabilité à l’échelle planétaire. Seulement, lorsque la bulle éclate, du combustible pour les foyers ; leurs racines protègent le sol et l’eau de
comme ça a été le cas avec la crise des subprimes devenue une crise l’érosion et de la sécheresse. La pluie et la neige fondante coulent en petits
financière mondiale, les renflouements publics ne mènent qu’à garantir la ruisseaux le long des pentes, convergent ensuite dans les rivières
récurrence des cycles conduisant à des bulles au lieu de servir un jaillissantes dans leur cheminement vers les terres basses des rizières qui
changement de pensée, comme l’a récemment très bien démontré la farce du nourrissent plus d’un milliard de personnes. La sécurité de la Chine, ainsi
G20. que celle de son milliard d’habitants, de sa voisine l’Inde et d’autres pays,
maintenant et dans le futur, dépend au bout du compte du fonctionnement
Si nous cherchions un exemple et une métaphore pour décrire la intégral de cette dynamique et des processus interactifs de la Terre, des
transformation du concept de sécurité et de soutenabilité à travers l’Histoire, la systèmes écologiques.
Chine se détacherait. En tant qu’Etat ‘socialiste’ qui a pris le chemin capitaliste
de l’économie néo-libérale de manière fascinante et pour certains rageante, la Certes, cela dépend aussi de la santé économique. Ainsi chaque année la
Chine est un pays qui se fait remarquer par ses contrastes exaspérants. Le Muraille est envahie par des milliers de touristes étrangers, amenant des
prix environnemental de sa frénésie économique, sur lequel l’information filtre devises étrangères. Leur présence est tolérée, sollicitée même, car les
malgré les contrôles, semble très élevé. C’est évident non seulement si l’on se dirigeants chinois ont placé le pays sur la voie de l’économie néo-libérale,
penche sur les conséquences connues du déplacement forcé de millions de conjecturant dans une ère de compétition économique mondiale que ce
personnes et des dommages environnementaux d’un seul projet, le barrage serait des fondements plus forts pour la sécurité que des murs souverains.
des Trois Gorges, mais aussi si l’on observe l’effet cumulatif de milliers Le bénéfice stratégique de la Grande Muraille pour la Chine d’aujourd’hui
d’unités industrielles dans les villes qui usent du travail bon marché des n’est pas de maintenir les gens à l’extérieur mais bien de les faire entrer.
migrants en provenance des zones rurales. Ces migrants internes vivent un
asservissement virtuel, sans vraiment avoir de droits, afin de founir des biens Soutenabilité et Sécurité
bon marché compétitifs sur un marché mondial dévasté par la présente
débâcle économique globale. Comme si l’actuel ravage ne suffisait pas, le On pourrait dire qu’aujourd’hui aucun mur ne peut faire rempart au reste du
sommet de l’Etat chinois parle désormais avec réjouissance de quatre projets monde. Dans une époque d’interdépendances économiques et
gigantesques qui transformeront les zones de l’Ouest en grande partie écologiques, les petits murs comme les grands sont des métaphores
désertiques pour qu’elles atteignent la capacité de production des zones de erronées pour conceptualiser, des stratégies bancales pour la sécurité –
l’Est et du Sud. Cela inclue le transfert de gaz d’Ouest en Est, une énorme comme le prouve dans un autre coin de la Terre le cruel emmurement des
route vers le Tibet etc, chaque projet étant à l’échelle de la construction de la Palestiniens qui résistent par les Israéliens. Nous devons par conséquent
Grande Muraille mais avec des impacts massifs sur la terre, l’eau et les réexaminer la notion même de sécurité puisqu’elle est intrinsèquement liée
systèmes de biomasse. C’est pourquoi la Grande Muraille fournit un bon à la soutenabilité.
exemple historique pour examiner la façon dont la notion de sécurité humaine
devrait être reconsidérée dans les temps présents. La sécurité est communément définie comme ‘libération du danger,
sécurité’. Dans le cadre de la prévalence d’un système stato-centré, la
Entre le Vème et le IIIème siècle avant JC, une série de murs a été construite sécurité nationale est pensée en termes militaires, comme la capacité d’un
dans le Nord de la Chine par plusieurs royaumes belligérants. Le but était Etat de contrecarrer une invasion armée par une autre.
d’établir et de protéger leurs différentes souverainetés et d’assurer leur L’arrivée de l’OMC nous a également conduit à une nouvelle notion de la
sécurité contre les envahisseurs nomades. Malgré ces murs, en 221 avant JC sécurité, qui fait désormais référence à la capacité de rivaliser sur le
les armées de Qin Shi Huang ont été capables de conquérir les six autres marché mondial pour l’accès à de nouveaux marchés et aux ressources
royaumes, faisant de Qin le premier empereur d’une Chine unifiée. Pour rares ainsi que pour une balance des paiements et une balance
consolider son pouvoir et asseoir la souveraineté impériale, Qin ordonna que commerciale favorables. La sécurité écologie a rarement été incluse,
ces portions de murs qui divisaient les royaumes soient démolies et que celles encore moins été une priorité dans une matrice de sécurité nationale
qui courraient le long de la frontière Nord soient connectées et étendues basée sur les marchés mondiaux et les pactes militaires. Ce qui est assez
donnant naissance à la ‘Grande Muraille’, de plus de 6000 kilomètres de long. irrationnel vu que ce qui est naturellement global c’est l’écologie, tandis
On pense que plus de 300 000 hommes ont travaillé sur ce projet qui a duré que la mondialisation économique et les méthodes militaires sont des
une décennie, (comme la plupart des femmes travaillent maintenant pour la exemples clairs de la conception et de la construction humaines. Puisque
production à l’export à des taux bon marché), et ont été forcés à travailler dans l’air, l’eau et la forêt forment un continuum, la biosphère globale, la
de grandes privations : beaucoup sont morts dans le processus. coopération globale pour la préserver semblerait être une nécessité
logique pour contrer la mise en danger de la vie future et devrait être le
fondement de la soutenabilité.
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Le réel ‘danger actuel’ a peu à voir avec les polarités des superpuissances humaine de profit et de pouvoir. Une fois que les menaces
selon un axe Est/Ouest, éventuellement avec les polarités riches/pauvres pesant sur les écosystèmes planétaires s’accélèrent au-delà
selon un axe Nord-Sud. Cependant cela semble avoir davantage à voir avec d’un certain point, elles prendront peut-être vie d’elles-mêmes,
les polarités entre les activités humaines et les capacités de la Terre à rendre s’accélérant hors de portée du contrôle humain vers une conclusion
la vie possible – polarités qui menacent la sécurité écologique de l’Est, de incertaine, conduisant probablement à des changements majeurs dans la
l’Ouest, du Nord et du Sud de la même façon, et qui de bien des manières capacité de la Terre à rendre la vie possible. Alors que la Terre sera peut-
incorporent la polarité riche/pauvre. Nous sommes à un point de l’histoire être en mesure de s’adapter et de prendre soin d’elle d’une certaine
humaine et du développement de la planète auquel il devient critique de manière, les humains ne seront peut-être pas capables de résister ou de
reconsidérer les priorités en matière de sécurité à la lumière des nouvelles s’adapter assez vite à ces changements. Dans ce cas, la cause de la mort
menaces sur la vie qui émanent des assauts humains à la Terre, en de l’humain sera non pas les forces de la nature mais l’échec de la vision
particulier de l’asymétrie entre les systèmes économiques globalisés et les humaine. En fin de compte, le monde est un système holistique et vivant,
approches globales dont nous avons désespérément besoin pour restaurer et et la sécurité humaine est fonction de –et inséparable de- la vie sur Terre.
soutenir l’écologie et l’environnement. L’attaque acharnée du système
économique global pour créer et nourrir l’avidité humaine, en opposition aux Connaissance et Production
besoins, et pour étendre et maintenir un marché global promouvant la
consommation insatiable détermine les approches écologiques qui doivent La capacité des tribus nomades préhistoriques à se transformer
s’asservir aux préoccupations économiques plutôt que de les défier. Ainsi, progressivement, passant de la chasse-cueillette à la vie sédentaire,
l’agenda du Sommet de la Terre de Rio ne doit pas questionner le commerce, annonçait la première révolution majeure sur Terre, celle de l’agriculture ;
les mécanismes GATT/OMC ne reconnaissent pas les AME (accords la capacité des êtres humains à faire pousser de la nourriture à un endroit.
multilatéraux sur l’environnement) etc. En accord avec leur position La connaissance de l’usage des métaux, du fer et du cuivre, a sorti
défavorable à une sécurité environnementale mondiale, les Etats-Unis ont l’Humanité de l’Âge de pierre. A travers toute une série de découvertes
traduit dans les faits la ‘rude’ et arrogante déclaration faite avant le sommet similaires et d’inventions, principalement dans l’objectif de transformer les
de Rio par leur Président d’alors George Bush selon laquelle les ‘Etats-Unis ressources de la Terre à des fins productives, les civilisations humaines
ne vont pas marchander le mode de vie de leurs citoyens’, en refusant ont évolué vers des formes plus complexes et créatives. Empiriquement
d’accepter le protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre durant le régime générée, la connaissance de la Nature, des ressources naturelles et des
du fils – et cela bien qu’ils soient les plus gros consommateurs du monde processus de production a formé le noyau du système entier de
d’énergie per capita. Qu’advientrait-il si chaque citoyen indien et chinois connaissance de l’Humanité des milliers d’années durant, jusqu’à
atteignait un niveau de vie qui requiert autant d’énergie per capita? Le l’avènement de la science moderne au XVIIème siècle. En tandem avec le
résultat serait un nombre croissant de menaces majeures à la survie même développement de la connaissance empirique, les civilisations humaines
sur la Terre. ont également ressenti la nécessité de concevoir des systèmes
d’explication qui incorporent la question des valeurs, de la destinée, des
Pour les premières sociétés humaines, ces menaces étaient constituées des devoirs, de la morale et de l’éthique dans une variété de systèmes de
forces puissantes de la Nature ; les volcans, les tremblements de terre, les croyance, du système primitif animiste des populations indigènes, toujours
ouragans, les sécheresses, les inondations. Au fil du temps, les humains – répandu, à une série de religions sophistiquées fondées à travers le
ceux qui en avaient les moyens- ont appris à se protéger de la plupart d’entre monde. Très souvent ces systèmes de croyance, au lien d’être disjoints et
elles, par des précautions ou des modifications des habitudes et des habitats séparés de la connaissance empirique de la Nature et de la production y
et par de nouvelles inventions. Aujourd’hui une nouvelle forme de risque sont intrinsèquement liés, fournissant un complexe de systèmes holistiques
émerge. Bien qu’ils aient à voir avec la Nature, aujourd’hui les dangers de connaissance ; qui diffère grandement de la forme moderne dans
résultent non de ce que la Nature peut faire aux humains mais de ce que les laquelle la connaissance basée sur la raison et la logique est
activités humaines peuvent faire à la Nature –et des effets qui en découlent systématiquement séparée de celle des croyances.
sur les humains. Le problème provient aussi de l’inégalité dans les ‘solutions’
à de vieux problèmes. Pour protéger de plus en plus les populations La connaissance moderne, menant à une variété de technologies pour
favorisées de ces vieilles menaces, les populations défavorisées –la majeure transformer les ressources de la Terre à des échelles époustouflantes et
partie de la population- continuent d’être mises en danger à la fois face à ces pour une plus grance efficacité à des fins productives, s’est accélérée à
vieux problèmes et face aux nouveaux. Elles sont donc doublement une vitesse incroyable à la suite de la Seconde Guerre mondiale et, au
défavorisées. tournant du XXIème siècle, nous nous trouvons à une époque où les
échelles de production doivent littéralement passer le bulldozer pour ouvrir
Les assauts humains sur la planète sont aujourd’hui d’une nouvelle sorte et de nouveaux marchés afin que la frénésie de la production et de la
d’une nouvelle échelle. Les symptômes mondiaux sont désormais familiers – consommation puissent être soutenue. Les impacts environnementaux,
réduction de la couche d’ozone, réchauffement climatique dû au sociaux et culturels d’une telle frénésie sont bien évidemment énormes.
développement des émissions d’énergie qui pourrait être la cause de
changements climatiques majeurs, pluies acides, augmentation des niveaux Soudainement, l’agriculture paysanne et autres communautés similaires,
de produits chimiques, radioactifs et autres polluants toxiques dans l’eau, l’air dont l’engagement avec le marché a été minimal et qui ont subsisté en
et les sols, contribuant à l’augmentation des cancers et autres maladies auto-suffisance ou par des formes locales d’échanges pour les biens
provoquées par l’environnement, problèmes de santé et dommages essentiels, sont devenues la cible d’une attaque à deux têtes. Puisqu’elles
génétiques ; perte de terres arables et désertification, contribuant à la faim et occupent des terres abondantes en ressources naturelles –eau, forêts,
à la famine de millions de personnes ; armes chimiques, biologiques et minéraux- elles doivent quitter ces endroits pour que ces ressources
nucléaires ; épuisement massif des forêts tropicales, avec la perte de bassins naturelles deviennent facilement disponibles pour les besoins voraces de
versants vitaux et la dégradation de la provision d’oxygène sur Terre, la production globale –barrages, abattage d’arbres, mines, électricités,
combiné à la menace du dioxyde de carbone. La vie sur Terre est également routes etc. Parallèlement, leurs propres méthodes doivent être modifiées
menacée par la perte de millions de plantes et d’espèces animales pour s’aligner sur celles des marchés extensifs, à tel point que le droit
provoquée par la surindustrialisation, la déforestation, la pollution, la privilégié d’un paysan à conserver des graines pour la prochaine semence,
reproduction sélective, la monoculture et le génie génétique conduisant à une sans intervention du marché, est furieusement défié par les technologies et
variété d’OGM (organismes génétiquement modifiés). les législations en la matière qui rendent impossible l’usage d’une semence
pour la faire pousser l’année suivante et obligent à en racheter.
Contrairement aux menaces dans la sphère sociale, ces menaces ne peu-
vent être définies dans les termes idéologiques conventionnels, mais sont L’impact ne concerne pas seulement les modes de production en
liées à une nouvelle idéologie qui prend de l’ampleur, celle du ‘marché autosuffisance des communautés. Puisque ces systèmes de production
mondial’, qui n’est rien d’autre qu’une forme encore plus virulente de l’avidité sont intrinsèquement liés à la connaissance empirique et aux croyances,
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leur démantèlement a aussi un impact prédateur sur ces systèmes de
connaissance et de croyance.Bien sûr un résidu de ces croyances Ancrer la solidarité internationale
empiriques persiste car il est également vital pour les systèmes de
production basés sur le marché. Les récents systèmes législatifs liés au dans les territoires franciliens
commerce assurent désormais que ces systèmes de connaissance, qui
appartiennent moralement aux communautés qui les génèrent et ont L’Aitec et Cités Unies France (CUF)1 sont engagées depuis 2008
historiquement mis à disposition dans le domaine public, soient aussi dans un programme intitulé « Ancrer la solidarité internationale dans
marchandisés à travers le système de brevets de monopole ; assurant les territoires franciliens » auquel participent le Conseil régional Ile-
ainsi que les systèmes de connaissance et de production soient soit de-France, les villes de Nanterre et de Rosny-sous-Bois, le Conseil
démantelés ensemble soit volés légalement tout simplement afin de général du 93, ainsi que le CRID. L’idée de ce programme est de
générer des profits. croiser les différentes approches et stratégies d’engagement des
collectivités territoriales dans la solidarité internationale. Il permettra
Resistance d’approfondir la réflexion sur la solidarité internationale comme objet
des politiques locales des collectivités et de contribuer à y associer
La réponse à de tels changements à travers le monde a naturellement été l’ensemble des acteurs des territoires, en particulier les associations
variée. Il y a un sentiment croissant que les lieux traditionnels de de solidarité internationale.
résistance de la classe moyenne, comme les universités, ont été affaiblis ;
pas seulement à travers des changements politiques qui les rendent de Des ateliers thématiques se sont tenus en 2008 sur l’action
plus en plus dépendantes des firmes privées plutôt que des fonds publics, internationale des collectivités et le développement économique, le
mais aussi parce que les bénéfices de l’économie néo-libérale sont arrivés développement durable ou encore les initiatives de paix. Les comptes
peu à peu jusqu’au monde universitaire, à travers l’hébergement de projets rendus de ces trois ateliers sont disponibles en ligne sur le site de
et de travaux de consultants, qui écrasent la volonté de critiquer ou de l’AITEC : http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?rubrique184 (ou
résister. Les formes de résistance que l’on a pu voir dans ces lieux dans entrée par la rubrique « Echanges d’expériences à partir de l’accueil)
les années soixante et soixante-dix ont au mieux tourné à des formes de En s’appuyant sur le travail conjoint des collectivités réalisé en 2008,
cynisme passif. la seconde phase du programme amorce pour 2009 un « retour vers
les territoires ». En effet, chacune des collectivités partenaires
Une nouvelle forme de résistance transfrontalière de la classe moyenne a présente des attentes et des besoins qui lui sont propres. Et l’objectif
été visible, par exemple, contre l’OMC à Seattle. Elle est centrée autour est bien de répondre à ces spécificités, tout en privilégiant l’échange
d’ONG qui s’engagent dans une variété de politiques et d’institutions entre les collectivités participant au programme. Intégrer la dimension
établies, à la fois par une collaboration critique et par une confrontation, « solidarité internationale » dans l’Agenda 21 local, organiser un
avec une forte visibilité. Le temps nous dira cependant quel est l’impact de débat citoyen sur la façon de penser et de mener des actions de
telles actions. Les réels lieux de résistance sont en fait moins visibles. Ce solidarité internationale par les associations (viabilité, pérennité,
sont la paysannerie de subsistance, le travail agricole, les artisans locaux, implications du projet sur le long terme, etc.), contribuer à la formation
les tisserands et autres industries à petite échelle, les communautés des porteurs de projets associatifs ou des élus, etc. sont autant de
indigènes, et les femmes qui doivent transporter de l’eau, du bois et du déclinaisons possibles sur lesquelles AITEC et CUF seront actives.
fourrage. La perte de contrôle sur les ressources naturelles à travers un
‘développement’ acharné qui ne leur bénéficie pas mais est crucial à leur Un outil de communication sur « le pourquoi et le comment » de
subsistance, leur déplacement forcé de leurs lieux de vie, qui les l’implication des collectivités territoriales en solidarité internationale
déracinent de leurs techniques traditionnelles, de leur culture et de leurs sera publié. Il prendra la forme d’un 4-pages dans lequel s’insèreront
relations sociales, a poussé une majorité de la population des pays en des fiches recto-verso thématiques et de focus sur des expériences à
développement à la limite. Le rêve de création d’emplois dans des valoriser (une dizaine de fiches maximum). Un édito commun CUF-
économies à forts taux de croissance a également été brisé ; en Chine par AITEC par Gustave Massiah et Bertrand Gallet fera la « une » du 4-
exemple, le chiffre incroyable de treize millions de personnes licenciées pages. Par ailleurs, un hors série de la revue Altermondes1 sur les
des grandes usines en un an, l’année dernière, a été signalé. collectivités territoriales et la solidarité internationale sera publié, en
partenariat avec le programme AITEC-CUF. Il s’intéressera en
Les populations directement affectées commencent à s’organiser de plus particulier aux réflexions, politiques et pratiques que les collectivités
en plus comme mouvements du peuple à travers le monde et mène une locales françaises mènent avec les acteurs de la solidarité
vaillante bataille pour leurs droits et leur survie. Leurs lieux de résistance internationale de leur territoire. Les collectivités membres du
sont locaux, bien qu’ils aient une variété de soutiens de personnes programme AITEC-CUF y occuperont une place particulière, sans
appartenant à la classe moyenne. Le phénomène mondial des que le hors-série ne se restreigne à la seule région Ile-de-France.
mouvements anti-barrages, des populations indigènes, des femmes
rurales, des travailleurs agricoles, des pêcheurs et des artisans sont une ***
preuve que contrairement à une majorité de la classe moyenne, les gens
n’acceptent pas sans mot dire leur statut de victime dans l’actuelle Si vous voulez plus d’informations sur ce programme ou si vous êtes
distribution, mais y résistent vigoureusement. Une telle résistance n’est pas intéressés et voulez vous y impliquer, vous êtes les bienvenus !
uniquement réactive, les gens sont en effet engagés proactivement dans la N’hésitez pas à contacter Sarah Valin (si-territoires@reseau-
recherche d’alternatives impliquant la mobilisation des communautés à des ipam.org, 06 62 28 37 84).
échelles larges à travers une multiplicité d’efforts tels que la production
locale, la gouvernance locale, les monnaies communautaires, la collecte 1
 
d’eau, l’éducation alternative. C’est peut-être eux davantage que les Pour une présentation complète de Cités Unies France, voir le site
universitaires et les érudits qui montrent la voie vers la sortie du syndrome http://www.cites-unies-france.org/html/home/index.html.
TINA (‘There Is No Alternative to the neo-liberal economy syndrome’, Il n’y
a pas d’alternative au syndrome économique néo-libéral). 2

Altermondes est la revue trimestrielle de la solidarité internationale. Elle est


Vinod Raina est membre de l’association BGVS (‘Literacy, Education & Science for coéditée par le CRID, Oxfam France–Agir ici, Peuples Solidaires et Ritimo.
Peace, Unity and Self-Reliance - http://www.bgvs.org/), avec laquelle Ipam travaille Destinée à toutes celles et tous ceux qui s'intéressent aux questions de
en partenariat au sein du réseau Alternatives International. Cette contribution fait solidarité internationale, de développement durable, de droits humains…, elle
suite à la réflexion menée dans le cadre de ce séminaire mené par le CRID sur la cherche à favoriser la compréhension des questions et enjeux internationaux
gestion des ressources naturelles. et à promouvoir les pratiques et les comportements responsables.
Version originale en anglais : http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article976
5
Un GRAND PARIS pour un espace métropolitain écologique Clément Cohen
Les deux textes ci-dessous sont écrits dans une version provisoire au 30/04/2009. Ils verts de proximité. Cette biodiversité est d’autant plus remarquable que
sont destinés au débat et à l’échange. Par ailleurs, le premier texte s’applique
les alentours de l’agglomération dense, où règne l’agriculture intensive
essentiellement à l’espace aggloméré dense de la région capitale (au plus Paris et
première couronne), bien des aspects devant être revus voire corrigés en adoptant une constituent presque des « déserts faunistiques » (avec notamment
échelle spatiale plus large. Il est volontairement court. l’absence dramatique des pollinisateurs) voire des espaces où le système
agro-industriel a détruit les écosystèmes. Contribue également à la
La crise écologique affecte tous les grands espaces métropolitains dans le situation écologique plutôt favorable de l’agglomération parisienne une
monde, même si l’on sait aujourd’hui que dans les centres urbains les plus gestion des risques dits (encore) naturels plutôt satisfaisante, et
peuplés la compacité et la densité, l’importance des parcs de logements notamment des inondations –sachant que nous attendons la très probable
collectifs, l’offre de transports en commun sont autant de facteurs limitant les prochaine crue centennale de la Seine en région parisienne.
émissions et pollutions dues aux gaz à effet de serre. Mais par définition les
grandes agglomérations concentrent une part très importante de la population On peut citer également une bonne capitalisation et diffusion, notamment
mondiale, dont un nombre de plus en plus élevé d’habitants ont des niveaux de à travers l’Université, des connaissances et expertises dans le domaine
ressources faibles –voire très faibles- et moyennes. Ce sont ces catégories qui écologique. Mais la recherche et l’expertise écologiques implantées
sont bien nettement davantage victimes des changements climatiques, des localement sont moins ciblées sur Paris et sa région que sur la France
pollutions et dégradations environnementales de leur milieu de vie et qui voient voire le monde entier. C’est un paradoxe. Enfin, le bilan global de la
ainsi leur santé menacée. Certes, les impacts sur les populations sont différents gestion des déchets ménagers est plutôt favorable, malgré un déficit
selon les métropoles, leur situation géographique, leur configuration urbaine et évident de coordination dans la collecte (et même dans le traitement à
leur pouvoir économique. Mais il y a bien une fragilisation généralisée des l’échelle de la grande agglomération). La ville est globalement « propre » -
populations les plus vulnérables dans les centres urbains partout dans le monde bien que ce thème soit l’un des plus fréquents dans les plaintes des
du fait des menaces sur les écosystèmes. Dans ce contexte, il est clair que les citadins (rappelons que Paris est quasiment la seule grande ville au
populations en difficulté, à l’instar de leur comportement en matière de monde à réaliser une collecte quotidienne des ordures ménagères, dites
consommation, « renoncent à la qualité »1 d’une meilleure vie en ville. Il serait « tout-venant », jusqu’à ce jour).
donc déraisonnable que les réflexions et propositions d’aménagement Il est certain cependant que ces atouts « verts » du Grand Paris ne
concernant le Grand Paris ou Paris Métropole ne prennent pas en compte la seraient pas aussi développés sans l’existence d’associations d’usagers
crise écologique et l’urgence de généraliser la mise en œuvre du et d’écologistes, nombreuses et actives sur la plupart des thèmes
développement durable à l’échelle de l’agglomération. Il s’agit bien de changer concernant l’environnement dans l’agglomération4. Mais aussi, en
de modèle urbain. contrepartie, cela est le signe d’une gouvernance locale qui a su intégrer
ce mouvement associatif et des procédures de planification intégrant la
Le Grand Paris : une situation écologique a priori plutôt favorable jusqu’à présent demande sociale, en règle générale au niveau soit communal soit régional
–avec également quelques exemples réussis d’intercommunalités
Paris et sa métropole font partie des très grands espaces urbains de la planète2. porteuses de réelles dynamiques participatives. Ainsi, la veille reste
De façon générale, bien qu’il y ait des écarts très sensibles dans la répartition permanente et consolidée sur les équipements qui restent
des revenus, dans l’habitat, dans la consommation et les accès aux ressources dangereusement (au moins potentiellement) émissifs ou polluants, comme
naturelles, etc., on peut dire que l’espace urbain parisien bénéficie de richesses les usines d’incinération des déchets mais aussi les décharges, sans
naturelles plutôt importantes, assez bien réparties, relativement préservées, parler des installations nucléaires.
malgré une forte dégradation séculaire, due à trois facteurs principaux : les
déplacements motorisés, de voyageurs et de marchandises, des modes de Des handicaps écologiques encore lourds dans l’espace métropolitain
construction et d’exploitation des bâtiments très consommateurs d’énergie
fossile, le tourisme international. Mais aussi, à partir des franges de ce vaste La métropole parisienne est victime de lourds handicaps qui risquent de
ensemble urbain, l’agriculture intensive est manifestement un facteur surpasser ses atouts s’ils ne sont pas rapidement comblés. L’une des
supplémentaire de pollution des sols, de l’eau et de l’air, et d’émission de gaz à difficultés les plus importantes de ce territoire sur le plan écologique porte
effet de serre. sur les fractures physiques de l’espace : grandes infrastructures routières
Alors que l’industrie a profondément dégradé l’environnement au cours des dix- et ferroviaires, friches et zones d’habitat populaire très minéralisées et
neuvième et vingtième siècles, son recul depuis une bonne vingtaine d’années, bitumées, centres commerciaux et logistiques, étalement urbain dès que
voire sa disparition, a paradoxalement freiné la dégradation écologique mais l’on quitte les derniers immeubles des communes de la ceinture
marqué le milieu urbain métropolitain par l’existence de « quartiers » qui se sont parisienne… Ces coupures empêchent la constitution de véritables
gravement paupérisés, en rupture sociale, économique, urbaine mais aussi continuités vertes, perturbent les ruissellements d’eau pluviale et jouent
écologique avec la ville « renouvelée », à la fois active et assainie. Aujourd’hui, même un rôle de « boule de verre » qui tend à enfermer la ville et la
le constat général est que la métropole, considérée uniquement dans sa partie déconnecter de ses relations naturelles avec les alentours. Cela est bien
dense, avec Paris et les seuls départements de première couronne, est un entendu encore plus net dans les quartiers défavorisés socialement et
espace plutôt encore préservé mais très menacé sur le plan écologique. Il faut écologiquement.
en effet d’abord reconnaître que Paris et la plupart des communes voisines sont L’eau est l’autre difficulté. Alors qu’en termes de quantité elle devient
maintenant des zones à la fois : non ou peu soumises à la pollution des milieux limite à l’extérieur de la première couronne au moment des étiages, le prix
naturels, notamment grâce à la forte diminution de l’usage des pesticides et de l’eau en termes de coût est beaucoup trop diversifié et partout de plus
autres produits chimiques grâce à une gestion de plus en plus écologique des en plus élevé, notamment pour maintenir une qualité de la ressource, dont
espaces verts mais aussi dans bon nombre d’autres activités de services ; le niveau reste malgré tout encore satisfaisant. Cette augmentation du prix
bénéficiant d’un relatif recul des nuisances générées par les déplacements de l’eau engendre des risques sociaux, économiques et même sanitaires.
motorisés ; et suffisamment éloignées des activités qui restent polluantes et Sur le plan social, elle grève de plus en plus lourdement des ménages en
émissives de gaz à effet de serre (agriculture et agro-alimentaire, industrie, difficulté. Sur le plan économique, elle va logiquement freiner la
logistique,…). consommation, ce qui va alourdir encore les lourdes charges fixes des
Du coup, une flore et une faune qualifiables de « quasi-sauvages » reviennent équipements de production et de distribution qui ont été construits depuis
dans Paris et ses environs immédiats 3. Mieux encore, la biodiversité est plutôt une cinquantaine d’années … et donc freiner également l’ardeur des
bien répartie dans ce territoire, y compris dans ses quartiers les moins opérateurs à généraliser l’indispensable moindre utilisation de la
favorisés. Son usage social est même de plus en plus développé à travers la ressource. Mais aussi sur le plan sanitaire, l’augmentation du prix de l’eau
diffusion des jardins partagés ou familiaux et la multiplication des surfaces pour les ménages risque d’entraîner une utilisation sauvage d’une eau
insuffisamment épurée pour les usages familiaux (eau pluviale, eau
6
potable stockée et récupérée de façon inappropriée,…).Il ne semble pas y Formation, écoles, universités
avoir d’autres solutions que la création d’un grand service public de (version provisoire)
production et distribution de l’eau à l’échelle des réseaux actuels (d’eau par Raoul Pastrana
potable et d’assainissement). C’est même une urgence. Un point important
concerne également la nouvelle donne en termes de récupération des La formation figure aujourd’hui parmi les problèmes qui affligent de plus en
eaux pluviales. Ce domaine n’est pas exempt de contradictions, mais, ce plus de Français. A l’occasion de la réflexion sur le Grand Paris, il semble
qui est essentiel, il rompt avec la plupart des pratiques antérieures et opportun d’aborder le sujet de la formation de ses habitants depuis l’école
institue de fait une nouvelle culture technique dans le domaine des réseaux maternelle jusqu’à l’université et la formation permanente, en essayant de
urbains. Accentuer l’économie de la ressource en eau et la récupération dégager ce qu’il nous semble pouvoir être une alternative aux sombres
des eaux pluviales en milieu urbain dense sont d’excellents moyens pour avenirs que le pouvoir souhaite imposer au travers de ses Ministères de
renforcer l’information, la sensibilisation, la communication sur le fait que l’Éducation Nationale, des Universités, de la famille... L’objectif de notre
l’eau (peut-être davantage que l’énergie) est un bon moyen pour apprendre réflexion me semble devoir être : quels moyens et quels dispositifs doit
et pratiquer la sobriété, la modération, le recyclage dans la consommation mettre en place le Grand Paris pour assurer à tous ses habitants l’accès à la
quotidienne. connaissance, à tous les niveaux du savoir, à tous les savoirs, quels que
soient leur âge, leur statut social, leur niveau de scolarité ou de revenus,
L’énergie et la pollution de l’air, tant de l’air extérieur que de l’air ambiant quelle que soit leur origine.
dans les espaces bâtis, en mettant ici à part le secteur des transports, ne
pourront être réellement maîtrisées sans un effort solidaire considérable, L’une des préoccupations des habitants de l’agglomération parisienne est
qui ne peut être efficace qu’à une échelle de gouvernance large, incluant l’éloignement résidence-lieu de formation. C’est un sujet important
d’ailleurs l’Etat et l’Union européenne, comme pour toutes les autres d’aménagement du territoire mais qui n’est pas le seul concernant la
régions françaises. C’est à un véritable Plan Climat Energie de l’espace formation. En effet, c’est l’ensemble des barrières qui, d’une façon ou d’une
métropolitain qu’il faut s’atteler, échelle à la fois pertinente techniquement autre, rendent difficile l’accès aux différents niveaux de la formation qu’il faut
et juste socialement. Bien entendu en s’appuyant sur les démarches déjà abolir. Abolir l’ensemble des barrières pour l’ensemble de la population
entreprises, comme à Paris par exemple. Enfin, il ne faut pas sous-estimer nécessite d’améliorer et protéger l’ensemble du service public « formation ».
le fait que « Paris » est un mot qui a un très fort impact international. Toute C’est particulièrement évident pour le Grand Paris, pour ne pas faire de ce
action de responsabilité environnementale et sociale dans le territoire ne territoire un espace éducatif réservé à une élite.
peut donc que susciter des échos favorables. En matière d’environnement
Depuis les années '50 la France s’est distinguée dans le monde par ses
et de développement durable, le Grand Paris doit jouer la carte de
structures d’accueil de la petite enfance. Formation, qualité et nombre du
l’exemplarité. Plus globalement, la crise actuelle, qui est en même temps personnel d’encadrement, âge de l’accueil, qualité physique des lieux,
économique, sociale et environnementale, donc structurelle, provoque une localisations, tout concoure à faire de l’école " maternelle " une institution
remise en question de l’urbanisme métropolitain, même dans sa version bien adaptée à ses objectifs. Malheureusement elle n’a pas toujours su ou
plus récente très verdie. Ainsi l’écologie ne peut-elle être détachée du pu répondre avec la célérité nécessaire à l’évolution démographique et,
champ urbanistique, et donc social. Chalandon et Delouvrier aidant, au déploiement de la population sur le
Il est difficile de conclure ce trop bref panorama de l’espace métropolitain territoire. Par conséquent, le manque de classes était à l’origine de
parisien vu à travers la dimension écologique. Disons que davantage l’insécurité de l’emploi et du chômage des enseignants et nourrissait la
encore qu’un espace écologique, il doit être un « espace écologisé » au gronde des parents. Cette situation, particulièrement tendue dans les
Grands ensembles et les Villes Nouvelles de la Région Parisienne ne
sens qu’Edgar Morin a donné à la « pensée écologisée 5 » et, de ce fait, il
trouvera solution que bien des années plus tard. Le problème se repose
ne pourra atteindre un niveau satisfaisant d’impulsion, de coordination et
aujourd'hui par la volonté de l'État de détourner l'école maternelle de sa
de cohérence réellement efficaces sans s’appuyer sur de larges échanges fonction éducative à celle de garderie ("jardin d'éveil") à la charge des
et débats entre citoyens, experts et autres acteurs du territoire Communes. Ce dispositif constituerait une rupture dans la nécessaire
métropolitain (les parties prenantes). Il faut tenir compte mais dépasser les continuité de prise en charge éducative du jeune enfant.
intérêts, parfois aujourd’hui divergents –admettons-le- entre les acteurs
lorsqu’ils pensent au niveau micro-local (quartier, petite ville…) et lorsqu’ils L’école laïque, obligatoire et gratuite, l’école " primaire " de Jules Ferry et son
pensent (moins fréquemment) au niveau métropolitain voire francilien. Pour souci d’enseigner ce que " l’on n’a pas le droit d’ignorer" impose, plus que
ce faire, on doit privilégier deux orientations. D’une part, les actions et propose, aux jeunes enfants un ensemble normalisé de connaissances, qui
gestes que beaucoup font, et de plus en plus, dans la perspective de malgré son caractère contraignant, eut le mérite de conférer une dimension
solidarité planétaire. D’autre part, faire un « plan de gestion » public et nationale à la question de l’éducation républicaine. En instituant une école
collaboratif du Grand Paris incluant la coordination, la dynamisation obligatoire pour tous intégrée au siège de l’institution municipale, l’état
cohérente et l’évaluation des politiques écologiques ou de développement rapprocha l’école de la citoyenneté. En la rendant gratuite popularisa et
durable plus locales, comme l’exige d’ailleurs le droit européen. diversifia l’offre en formation détenue depuis longtemps par des institutions
Coordination, cohérence et évaluation qui doivent notamment permettre confessionnelles. Mais l’importante évolution des systèmes éducatifs
l’équilibre social et spatial de l’agglomération, respectant donc une « justice constatée un peu partout dans le monde, dans le sens d’une plus grande
environnementale » égale et accessible pour toutes et tous, et le mieux- adéquation du contenu des programmes à la diversité croissante de son
être de tout ce qui y est vivant. *** public, ne toucha que peu d’enseignants isolés en France et presque pas
l’institution, qui fière de son passé, restera fidèle au système magistral qui
1 Louis Audibert, Pascale Santi : Les plus pauvres renoncent à la qualité. Le s’avèrera archaïque dès le milieu du XX s. Peu ou mal touchée par les
Monde. Jeudi 25 mars 2009. recherches et les innovations des années '68 elle donne des signes
2 Près de 300 agglomérations dans le monde ont aujourd’hui plus d’un million
importants de régression à nos jours par l'accumulation de reformes de ces
d’habitants, dont 20 plus de 10.
3 Non, pas les loups, mais les renards, entre autres sont rentrés dans Paris. dernières années.
4 C’est pourquoi, il ne faudrait généraliser qu’avec prudence cette observation de
C’est dans les études dites "secondaires" qu’apparaissent avec évidence les
Grégoire Allix parue récemment dans Le Monde : « En matière de changement plus gros disfonctionnements existants dans le système éducatif français.
climatique, les villes ne sont pas le problème, mais la solution » (Le Monde, 5 avril Collèges, lycées, filières de formation professionnelle, etc., les formes
2009). multiples de scolarité offertes aux adolescents, libres à l’origine, partiellement
5 Edgar Morin : La pensée écologisée, Le Monde diplomatique, 1989. Republié obligatoires ensuite, toutes basées sur la réussite individuelle, l’excellence et
dans E. Morin : L’An I de l’Ere écologique. Taillandier-Histoires d’Aujourd’hui, 2007. la compétition, par leur variété et au même temps leur spécialisation
L’auteur souligne dans ce texte le rôle primordial d’une « science de type excessive, sont révélatrices plus d’une absence de projet pédagogique que
nouveau » pour laquelle « le diagnostic d’un mal écologique appelle […] une action d’une volonté d’élargir l’offre de choix. L’enseignement et la recherche
régulatrice sur une interaction » donc « faisant appel à la fois aux interactions universitaire, binôme indissociable, sont un niveau de la formation qui,
particulières et à l’ensemble global. comme les grandes écoles, semble encore réservé à une élite. Les
7 revendications en cours (2009) des étudiants et des enseignants sont nom-
-breuses. Tous regrettent le désengagement de l’état, le déni des expériences acquises et Appel de Louvain contre le processus de Bologne
de la recherche, ses objectifs fixés par les politiques et les intérêts des entreprises, le
cauchemar au quotidien que constituent la gestion du terrain et la recherche des
« C’est la crise ! » est la phrase la plus prononcée durant ces
financements, la réduction des effectifs, la hiérarchisation du monde universitaire sur un
derniers mois. Oui, c’est la crise. Une crise économique
mode concurrentiel et managérial. Des recherches et des expériences pédagogiques à
tous les niveaux ont toujours eu lieu en France. traverse la société. Mais la crise est aussi sociale, culturelle,
environnementale, en un mot elle est générale. Si l’implosion
Dans les années 70, avec les Centres de la Petite Enfance, un pas considérable est franchi du système économique et financier est aujourd’hui utilisée
dans le sens d’une prise en charge globale et continue du jeune enfant de la crèche à comme un argument pour accélérer la marchandisation de nos
l’école maternelle et jusqu’à l’école primaire. Mais malheureusement, mises à part vies, des biens et des services publics, précarisant encore
quelques réalisations isolées, les C.P.E. ne trouveront pas l’accueil espéré et resterons au plus le travail, nous ne sommes pas dupes.
stade expérimental. D’autres verront simplement leur réalisation détournée des objectifs
fondateurs. Des recherches sur le " nouveau lycée " voient le jour en France à l’I.P.N. vers En Grèce, la jeunesse et les travailleurs se sont insurgés,
les années ‘60. Des "Lycées autogérés" où les élèves sont invités à l’auto discipline et à dans tous les espaces publics, contre leur gouvernement
choisir librement leurs horaires et leurs matières (en fonction d’un programme officiel de corrompu et ses réformes néo-libérales. En Espagne, on ne
référence), sont créés en France autour des années ’80. Malgré le constat des résultats compte plus le nombre de facultés occupées ces dernières
assez satisfaisants, ils resteront expérimentaux. Une institution universitaire existe à Paris, années, mobilisées contre le processus de Bologne. En Italie,
l’École des Hautes Études, qui se distingue par l’exceptionnelle qualité de son corps depuis plus de trois mois, le monde de l’éducation est en
enseignant, qui offre aux étudiants la gratuité, l’absence de filtre à l’entrée concernant la révolte, et les facultés construisent, jour après jour, une autre
formation initiale, reste un exemple d’ouverture et serait un exemple à reproduire. Avec un réforme du système universitaire. En France, les lycéens, les
semblable esprit d’ouverture, l’Université de Tous les Savoirs vise la sensibilisation du enseignants et les chercheurs manifestent contre les réformes
grand public aux thèmes majeurs de notre société et de notre culture. Malgré un certain
gouvernementales du système éducatif, tout comme les
nombre d’initiatives, il reste encore pas mal de chemin à faire dans le but de la
étudiants l’an dernier contre la loi d’autonomie des universités
démocratisation et de l’ouverture de l’université.
(LRU). De l’Allemagne a été lancée l’idée d’une « Global week
Ce qu’il faut faire aujourd’hui : améliorer l’ensemble du système éducatif français dans le of action » avec au centre le thème de l’éducation. Toutes ces
sens d’une plus grande souplesse d’accueil des personnes à former. A l’échelle du Grand mobilisations s’opposent à des réformes qui ne sont ni
Paris, l’enjeu est considérable. Cela veut dire : il faut améliorer le rapport enseignant - sectorielles, ni nationales mais la poursuite de logiques
étudiants par la réduction du nombre d’élèves par enseignant. Il faut rapprocher les néolibérales imposées à l’échelle mondiale. On assiste à une
établissements de leur " public ", autant par leur localisation sur le territoire que par une privatisation sauvage de l’instruction et à l’asservissement de
réflexion sur le contenu des programmes d’études du primaire au secondaire, pour une l’enseignement supérieur au pouvoir économique. Les
meilleure adéquation de ces programmes au développement intellectuel et/ou culturel des mouvements débordent largement le cadre universitaire et le
élèves, pour répondre avec pertinence à la mixité qui devrait caractériser la population du monde de l’éducation. Les barrières mentales, physiques et
Grand Paris. Cette nécessaire révision des programmes doit être faite en associant les techniques que les gouvernants construisent
enseignants, elle doit offrir, à tous les niveaux, un espace plus important aux initiatives des consciencieusement à coups de matraque et d’enfumages
individus ou des groupes qui souhaitent expérimenter des voies alternatives d’accès à la médiatiques ne sont que le moyen de restreindre nos libertés,
connaissance. Il faut agir pour obtenir plus de proximité des lieux de formation des lieux notre émancipation, nos aspirations. Nous nous rassemblons
d’habitation : selon des principes similaires à ceux qui ont guidé jadis l’implantation des peu à peu dans la même direction : une opposition radicale à
écoles maternelles et primaires, en les assurant ainsi d’une meilleure distribution sur le la rentabilisation des biens communs.
territoire.
Nous voulons faire des universités des lieux de
Dans le même sens et afin d’obtenir une articulation plus étroite entre le logement et
rassemblement, de rencontre, de savoir libre et émancipateur.
l’enseignement supérieur ainsi qu’entre l’emploi et la formation, il faudrait multiplier la
création de lieux de formation universitaire décentralisés. Un des objectifs doit être la L’éducation est indissociable de la socialisation. Les mesure
réduction de la taille des établissements en particulier du secondaire et des universités, politiques qui construisent et nous enrôlent dans ce projet de
privilégiant des équipements de taille modeste, intelligemment distribués sur le territoire. société, par la transformation et les réformes des systèmes
Le coût de cette politique est considérable, certes, mais il faut se décider à investir dans d’éducation, s’inscrivent dans le processus de Bologne adopté
" l’économie de la connaissance ". L’institution universitaire apparaît aujourd’hui au grand en 1999 par les gouvernants de 46 États européens. Le 28 et
public comme un lieu de formation " inaccessible ". À l’occasion de la réflexion sur le 29 avril à Louvain et Louvain La Neuve en Belgique se réunit,
Grand Paris il faudrait étudier les moyens de démocratiser et de multiplier les lieux de comme tous les deux ans, la conférence ministérielle pour
formation de niveau universitaire dits " hors les murs " pour assurer à l’institution une « évaluer les progrès accomplis et les nouvelles mesures à
meilleure répartition territoriale. Un des moyens pourrait être la multiplication de ces mettre en place » et pour faire le point sur les réformes
structures légères, lieux universitaires de formation, dépendants administrativement d’une universitaires engagées et celles à mettre en œuvre. A-t-on
université, mais placés hors ses murs, en contact étroit avec la réalité qu’elles essaient de demandé leur avis aux étudiants, aux enseignants et
comprendre. Situées au sein même de la cité, organisées comme l’École des Hautes chercheurs, aux personnels, aux travailleurs de l’Europe ?
Études pour faciliter l’accès à l’institution et par là même l’accès au savoir, elles pourraient Outre les ministres de l’éducation seront aussi présents des
constituer un complément, voire une alternative à l’université traditionnelle actuelle. membres consultatifs tels que Business Europe (organisation
patronale européenne) et l’ESU (European Student Union)
Outre la nécessaire délocalisation et le changement d’échelle des implantations pour faire le bilan de ce Processus.
auxquelles peut répondre l’université " hors les murs ", une autre réponse possible est
l’"université itinérante", qui se déplace en fonction des thèmes traités. Comme ce fut le cas
L’instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle
dans d’autres domaines, en France l’éducation a été un lieu privilégié pour toute sorte des
pratiques expérimentales. Mais par manque des moyens, par manque du courage et du se prend ! Rencontrons–nous à Louvain. Les puissants de
soutien des administrations de tutelle, elles resteront longtemps expérimentales et finiront toute l’Europe se réunissent donc pour parler de notre
par disparaître. Il faut viser la démocratisation, la désacralisation, la décentralisation de éducation, de notre futur et nous qui concrètement vivons et
l’ensemble de l’appareil éducatif pour que la formation " continue " soit une réalité. La construisons cette société, nous ne pouvons pas manquer au
régression et l’échec sont partie intégrante de la formation comme la progression et le rendez-vous. Nous sommes devant une occasion unique pour
succès. Le développement des individus n’est pas linéaire, pourquoi la formation devrait- contester ce Processus, pour unir l’élan des mobilisations
elle l’être ? Il faut faire en sorte que chacun ait la possibilité d’accéder à un nouveau locales dans une optique qui dépasse les frontières nationales,
savoir, selon ses besoins et ses attentes, selon ses projets, gratuitement et aisément à la pour commencer à construire et partager un savoir loin de
formation tout au long de sa vie, pour se perfectionner, quel que soit son statut social, le toute logique économique, libre et accessible à tous.
niveau de ses revenus, son lieu de travail ou de résidence dans le Grand Paris. Partageons nos expériences et stratégies, établissons un
réseau, donnons à nos révoltes partout en Europe un souffle
8 encore plus puissant.
Les issues stratégiques à la crise globale - Le débat international et la démarche du mouvement altermondialiste
Julien Lusson et Gustave Massiah

Le G20 de Londres a été à la hauteur des désillusions prévues. Certes réforme du commerce mondial et des politiques de développement (« The
plusieurs des déclarations ne manquent pas d’intérêt dans la mesure où global economic crisis : Systemic Failures and Multilateral Remedies » (19
elles semblent à l’opposé des principes des politiques des années mars 2009) [2])).Ces trois documents sont porteurs d’un programme
passées. Prenons en acte et n’hésitons pas à rappeler les promesses de réformateur de l’économie mondiale qui pourrait servir de référence aux débats
régulation. Une première question vient ternir l’optimisme : peut-on des Nations Unies. Leur approche, souvent qualifiée de Green New Deal,
vraiment faire confiance aux dirigeants du G20 pour mettre en place une préconise une régulation publique qui s’inspire de l’esprit de Bretton Woods et
nouvelle régulation et en accepter les conséquences ? Pour l’instant, il ne qui reprend à son compte quelques-uns des paradigmes keynésiens adaptés à
semble pas. L’impression qui domine est que, en dehors d’un accord sur une économie ouverte plutôt qu’à une régulation nationale et à la prise de
les plans de relance, les dirigeants espèrent, ou laissent croire, que la conscience des limites écologiques. Le rapport de la CNUCED propose d’en
crise se calmera en 2010, et qu’il sera bien temps de voir s’il faudra aller finir mondialement avec les marchés financiers déréglementés et avance l’idée
plus loin dans l’idée d’une régulation consistante de l’économie mondiale. d’une reréglementation multilatérale et concertée via l’ONU et une conception
du commerce mondial qui refuse les dumpings sociaux, écologiques, fiscaux et
La deuxième question concerne les politiques économiques des prochains monétaires. Le rapport de l’OIT met l’accent sur la lutte contre le chômage,
mois et ce qu’elles laissent percevoir des orientations dominantes du G20. dont il prévoit une explosion. Il préconise l’extension des systèmes d’assurance
Les paradis fiscaux ont été montrés du doigt et désignés. Mais les listes et d’indemnisation des chômeurs, la promotion du travail décent pour lutter
confiées à l’OCDE ne sont pas très probantes. Surtout, seule l’évasion contre la précarité, des investissements publics dans les infrastructures et le
fiscale est mise en cause et rien n’est avancé sur les trous noirs de logement ainsi que dans les emplois verts (voir son rapport « Emplois verts :
l’économie mondiale. Les multinationales, les banques et les mafias Pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de
pourront continuer à mener la danse en fonction des seuls intérêts de carbone » -septembre 2008 [3]) , le soutien aux PME et le développement du
leurs actionnaires cachés. Aucune réelle préoccupation n’est apparue dialogue social à tous les niveaux. Le rapport Stiglitz reflète également une
concernant la redistribution des richesses. La relance se traduit par des conscience aiguë de la nécessité des régulations et réorientations d’un
crédits massifs, mais pour les banques et les entreprises, qui continuent système mondial de plus en plus incontrôlé. Il sacrifie bien à des envolées
pourtant de licencier tout en rémunérant grassement leurs cadres- rituelles sur le commerce mondial et la lutte contre le protectionnisme. Mais il y
dirigeants. Les super riches ont été priés d’être discrets, ce qui leur paraît a aussi des ouvertures sur les fonds additionnels mondiaux (les droits de tirage
déjà insupportable. Les pauvres sont priés d’attendre sans faire trop de spéciaux) articulés aux grandes devises, les monnaies régionales, les
bruit. Le commerce mondial et la croissance ont été réaffirmés. Le FMI et nouveaux paradigmes du développement, la réforme des institutions
la Banque mondiale ont été félicités, dotés et promus. Pas de remise en internationales, la réduction réelle des paradis fiscaux et judiciaires.
cause de leurs statuts ou des droits de vote, pompeusement appelés
« gouvernance ». Pas question de critiquer les politiques économiques ♦ Le deuxième pôle est celui du mouvement syndical international qui occupe
imposées, fièrement revendiquées et toujours marquées du sceau du une place centrale dans les mobilisations sociales et citoyennes contre les
néolibéralisme.Et pourtant le changement est indispensable. Il viendra effets néfastes de la crise. Ses recommandations sont énoncées dans la
nécessairement de l’approfondissement de la crise qui, au prix des «Déclaration syndicales internationale pour le Sommet de Londres » (26 mars 2009) ,
souffrances des plus fragiles, viendra démontrer qu’il ne s’agit pas d’un laquelle complète une réflexion engagée depuis plusieurs mois par le TUAC
mauvais rêve dont pourraient sortir les puissants sans risque pour leurs sur la réglementation financière (voir notamment « Retour à la réglementation suite à
pouvoirs et leurs privilèges. Il viendra surtout des résistances locales et la crise financière mondiale. Document d’orientation » (novembre 2008) ).Le mouvement
nationales qui répondent à des situations insupportables et qui prennent syndical inscrit ses revendications de court et moyen terme dans une
conscience de la duplicité des dirigeants politiques qui ont réussi à garder perspective de développement durable à laquelle il porte une grande attention.
leurs places malgré leurs responsabilités dans la crise. Il s’agit de travailler non seulement à enrayer la crise au plus vite, mais aussi à
organiser une économie mondiale plus juste et plus soutenable pour les
Le débat international sur les orientations stratégiques générations futures. Il préconise un plan international de relance et de
croissance durable coordonné, qui recoupe, en les précisant, une partie des
propositions du plan de l’OIT et articule très court et moyen termes :
Dans la situation actuelle, la tendance est à l’ouverture. Par rapport à la
investissements massifs pour l’emploi dans le développement d’infrastructures
période Bush, la victoire d’Obama offre des perspectives qui ne se
stimulant la croissance de la demande et la productivité de moyen terme ainsi
réduisent pas à la défense du néolibéralisme et aux dérives néo-
que dans le soutien aux bas revenus, politiques actives du marché du travail,
conservatrices. Pour autant, rien n’est gagné et la nouvelle politique des
développement des filets de sécurité sociale, investissement dans une
Etats-Unis ne se dégagera pas, sans ruptures difficiles, de la stricte
« économie verte » visant une croissance à faible émission de carbone,
défense de leurs intérêts et de leur hégémonie. Le débat sur les
développement de l’accès aux ressources et renforcement des marges de
orientations stratégiques s’organise autour de trois pôles, dès lors qu’on
manœuvre politiques permettant aux économies émergentes et en
laisse de côté le G20 surtout préoccupé par des considérations tactiques
développement de poursuivre des stratégies anti-cycliques (il est ici question
et attentistes.
d’un changement de paradigme politique). S’il insiste sur l’implication du
mouvement syndical dans la décision publique, il ne prend pas suffisamment
♦ Le premier pôle est organisé autour des instances les plus ouvertes des en compte les questions qui sont mises en avant par le mouvement social et
Nations unies. Il s’agit d’abord de l’Assemblée générale des Nations citoyen, notamment l’agriculture paysanne, les différentes dimensions de la
unies, le « G192 » comme le désigne son président Miguel d’Escotto. Elle pauvreté, l’approfondissement des inégalités et les discriminations, l’emploi
a confié à la commission d’experts présidée par Joseph Stiglitz, un travail informel, l’économie sociale et solidaire et surtout celle des migrations.
de propositions qui doivent être discutées à la session annuelle de
l’Assemblée en septembre 2009. Cette session sera préparée par une
♦ Le troisième pôle du débat international est porté par les mouvements
Conférence des Nations unies, du 1er au 3 juin 2009 (UN Conference on
sociaux et citoyens, associations, syndicats et réseaux dont plus de 300 ont
the World Financial and Economic Crisis and its Impact on Development).
signé au Forum Social Mondial des propositions que l’on trouvera dans la
Les recommandations de la Commission Stiglitz (« Recommandations de la
Commission d’experts au président de l’Asemblée générale des Nations unies sur Déclaration de Belem du 1er février 2009 «Pour un nouveau système économique et
la réforme du système monétaire et financier international » (19 mars 2009)) social. Mettons la finance à sa place ! » , déclaration que plusieurs ATTAC du monde
pourront être confortées par deux rapports du système des Nations unies : ont approfondie dans le « Document de référence. Pour un nouveau modèle économique et
celui de l’OIT qui propose un plan mondial pour l’emploi (« Tendances social. Mettons la finance à sa place. » (26 mars 2009) . Ces propositions esquissent des
mondiales de l’emploi » (janvier 2009)) et celui de la CNUCED qui propose une alternatives qui doivent être avancées dès maintenant. Elles concernent le rôle
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prédominant à attribuer aux Nations unies dans la réglementation du et de grandes responsabilités. Elles pourraient déboucher sur des avancées
système international, la socialisation du système bancaire, le contrôle strict du droit international, sur des réformes radicales des institutions
des mouvements de capitaux, l’évolution des formes de propriété, la internationales et sur un nouveau système de régulation mondial. Le
nécessité de lier les revenus au travail. Elles rejoignent la commission mouvement altermondialiste, à travers ses différentes composantes, peut
Stiglitz et le pôle syndical international sur la création de monnaie de réserve prendre en compte les différents horizons de la crise globale de la
régionale. Mais elles dessinent une perspective de démocratisation radicale mondialisation capitaliste et préciser l’articulation de ses réponses. Le
de l’économie. Elles restent pour autant évasives sur les formes de fondement de ces réponses est formé par les résistances sociales,
l’implication citoyenne et civile dans la régulation et sur les implications populaires et citoyennes aux politiques dominantes de réponse à la crise :
radicales d’une prise en compte des contraintes écologiques. Mais elles se l’explosion du chômage et de la précarisation, l’extension de la pauvreté,
prolongent dans les discussions actuelles qui explorent, à partir notamment l’approfondissement des inégalités et des discriminations, la criminalisation
des travaux de la commission britannique pour le développement durable, des mouvements et des résistances, la restriction des libertés par les
une démarche radicalement alternative, celle de « la prospérité sans la réponses sécuritaires et répressives, la déstabilisation et le recours aux
croissance » (Sustainable Development Commission UK, «Prosperity without conflits et aux guerres. L’intervention, à court terme, dans le débat
growth ? The transition to a sustainable economy » (30 mars 2009). international, sur les propositions de régulation publique de l’économie
mondiale, devrait privilégier le système des Nations unies à partir des
La stratégie du mouvement altermondialiste propositions soumises à l’Assemblée générale par un pôle réformateur qui
s’exprime à partir du rapport de la Commission Stiglitz et des rapports de
l’OIT et de la CNUCED. Le soutien et la discussion, à court et moyen terme,
Deux des pôles du débat, le mouvement syndical international et la
des recommandations du mouvement syndical international, permettrait de
déclaration de Bélèm sur la crise, sont des références pour le mouvement
peser sur les propositions du pôle réformateur pour prévenir les offensives
altermondialiste. Le mouvement syndical mondial est conscient des
des forces néo-libérales et néo-conservatrices qui sont toujours actives et
nécessaires transformations, il est aussi soucieux de négocier des
souvent dominantes. La mise en avant, dès maintenant, de la construction
propositions de court terme par rapport à la situation immédiate des salariés,
des alternatives au système actuel, préparerait le plus long terme, à partir
et conscient de la nécessité d’articuler les deux dimensions. Plusieurs
des pratiques sociales d’innovation et de résistance et de la popularisation
mouvements partagent cette démarche, notamment les organisations
des propositions mises en avant par le Forum social mondial.
paysannes et les associations de solidarité, et particulièrement celles
engagées dans l’Action mondiale contre la pauvreté (Global Call Against
Poverty).Le mouvement altermondialiste est conscient de l’importance des FORUM des SANS VOIX à BAMAKO
mesures immédiates à prendre par rapport au désastre économique et
écologique. Il est très attentif à prendre en compte les autres dimensions
d’une crise définie comme une crise globale de la mondialisation capitaliste
et comme une crise civilisationnelle. Pour une large part de ce mouvement, il
s’agit de s’inscrire dans la recherche et la mise en œuvre d’orientations
alternatives correspondant au dépassement du système dominant.

Le mouvement altermondialiste est aussi très attentif au débat dans les


Nations unies. La commission Stiglitz regroupe des réformateurs pour qui
une nouvelle régulation mondiale est une condition nécessaire, et pour
beaucoup d’entre eux, suffisante pour sortir de la crise. Ils sont confrontés à « A l’initiative du Mouvement des Sans Voix et avec l’appui du réseau No
la morgue des néolibéraux qui tiennent toujours la barre et ne sont pas prêts Vox, le premier forum des « Sans » s’est organisé à Bamako au Mali du 3
à céder leur place. De ce fait, ils peuvent être amenés à radicaliser leurs avril au 5 avril 2009. Ce projet commun d’un forum des « Sans » fait
propositions et auront besoin de rechercher des alliances. Les consensus parmi les membres du réseau, au moment où le constat est
altermondialistes sont, pour leur part, conscients qu’une régulation publique là : les forums sociaux ne sont pas inclusifs des mouvements de base de
mondiale est nécessaire et que la dimension écologique est un défi majeur. femmes et d’hommes qui s’organisent dans la défense de leurs droits et
Même si ces réformes ne leur paraissent pas suffisantes par rapport à la leurs luttes locales dans leur vie de tous les jours ! Dès lors, le réseau No
hauteur des enjeux, ils ne peuvent rester indifférents aux opportunités Vox décide d’organiser ses propres forums ! Sur le terrain, pendant une
ouvertes à court terme. L’Assemblée générale des Nations unies doit semaine, la délégation internationale composée de militants de France, du
discuter en septembre des propositions avancées par rapport à la crise Burkina Faso et du Bénin, avec les militants maliens, rencontre les
financière, économique et écologique. Cette session peut être l’occasion habitants des quartiers en démolitions de Bamako,du quartier en lutte
d’enrichir le débat international sur les orientations stratégiques pour contre la spéculation foncière des habitantES malades de la lèpre ,
répondre à la crise globale de la mondialisation capitaliste et de populariser stigmatisés et tous (Tes) répriméES , les grévistes de la mine d’or de
les approches et les propositions des différentes composantes du Morila, les salariés licenciés de Huicoma de Koulikoro, les paysans
mouvement altermondialiste. Certains sont sceptiques par rapport aux spoliés de leurs terres par l’office du Niger, les maraichers, jardiniers de
Nations unies et pensent qu’on ne peut rien en attendre tant que leur Bamako, les ramasseuses et vendeuses de sable, de graviers, les
réforme radicale n’aura pas été menée à bien. Pourtant le G20, qui camoufle militantEs pour les libertés publiques et les droits des femmes ,les
bien mal le G7 qui le contrôle, n’a jamais tranché dans un sens d’égalité ou collecteurs de déchets liquides humains …
de justice sociale. Alors que les conférences mondiales des Nations unies « Le forum a déjà eu lieu entre nous », dit-on même avant le jour J de
ont fait progresser bien des débats comme à Rio, en 92, sur l’environnement l’ouverture. Les liens de confiance et de solidarité entre les militantEs se
et le développement, et à Vienne, en 94, qui a permis l’adoption du protocole sont créés. Il ne reste plus qu’à rendre visible ces luttes locales, faire
additionnel sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le levier du entendre la voix de ces femmes et de ces hommes, leur mettre à toutes et
changement capable de peser sur les Nations unies est constitué par les tous(tes) un visage .Les ateliers-rencontres construisent les
résistances sociales et citoyennes, la mobilisation des mouvements convergences, les revendications communes et les solidarités .Le forum
syndicaux et associatifs à l’échelle mondiale, les prises de position des des «Sans », relayé par la presse et la télévision nationale, est un franc
autorités locales. Le soutien de quelques gouvernements progressistes succès avec 200 participantEs . Une première au Mali ! Au passage, doit-
relayant ces positions et l’écho auprès de nombreux gouvernements de pays on (re)signaler que la Voix des « Sans », la Voix qui ne résonne pas dans
pauvres marginalisés par les directoires et humiliés par le G8 sont de nature les forums sociaux, est celle que les autorités craignent, celle que la
à faire pencher la balance aux Nations unies et à donner un plus grand écho police corrompue enferme ? Expérience vécue à Bamako. Ne pas se
à des positions progressistes. Ces positions pourraient influencer ceux qui taire, ne pas plier, construire la solidarité aux luttes par la lutte, est notre
assument un rôle contesté de directoire mais qui disposent de pouvoirs réels force collective, on va continuer nos forums.
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Nos partenaires
IPAM
un réseau de six associations
de solidarité internationale AITEC
Le réseau « Initiatives Pour un Autre Monde » est né de Créée par des urbanistes, économistes, cadres d’entreprises, juristes…, dans une
la volonté de six associations de solidarité internationale volonté de (re)lier la pratique professionnelle à l’engagement politique, l’Aitec participe
de se regrouper afin de poursuivre et renouveler l’action à la construction d’une expertise ancrée dans les luttes sociales et à la formulation de
de solidarité internationale initiée pendant les années 70 propositions alternatives. Depuis, 1983, nous partons du principe qu’une expertise
au cœur des mouvements de résistance à la domination élaborée collectivement à partir de débats contradictoires, peut contribuer à la
coloniale et impérialiste. IPAM aspire à produire une transformation sociale
pensée renouvelée sur la situation mondiale et construire
une stratégie et des pratiques de solidarité internationale
résonnant avec les grandes questions sociales qui font
les défis d’aujourd’hui. Les 6 associations ont des
champs d’intervention différents et complémentaires :A
travers Ipam, se construisent des collaborations
(commission, ateliers, groupes de travail) entre les
associations sur des thèmes transversaux ou des
activités ponctuelles (animation de débats,
campagnes...). Nous faisons circuler une information
"alternative" sur la liste collective (ipam@reseau-
ipam.org). C’est par Ipam que nous participons aux
forums, au CRID, aux réseaux internationaux.

Agence pour la solidarité internationale, la culture


et le développement (Amorces)

Appui à la formulation, au montage des dossiers de


financement, au suivi et à l’évaluation de projets dans
les domaines de la solidarité internationale, de la
culture et du développement.

Centre d’études et d’initiatives de solidarité


internationale (Cedetim)

Lieu de réflexion, d’initiatives et de propositions pour


la promotion des libertés, des droits – individuels et
collectifs, des personnes et des peuples -, du
développement au Nord comme au Sud.

Assemblée Européenne des Citoyens (AEC)

Branche française du réseau Helsinki Citizens’


Assembly (HCA) – Travaille pour la paix et la
démocratie par le développement des initiatives
citoyennes, interculturelles, transfrontalières, en
particulier avec les Balkans, le Caucase, la Turquie.

Centre de Documentation sur le Développement,


les Libertés et la Paix (CEDIDELP) Contact

AITEC
Lieu de consultation et de mutualisation ouvert au 21 ter rue Voltaire 75011 Paris –
public sur la mémoire et l’actualité des luttes de (0033) 01 43 71 22 22
solidarité internationale. contact.aitec@reseau-ipam.org -
http://aitec.reseau-ipam.org

Echanges et partenariats (EP)


Tirés à 150 exemplaires en format papier et 205 exemplaires par mail. Prochain numéro des
Association qui promeut les partenariats et les échanges carnets de l’AITEC : 15 octobre. Envoyez vos articles et contributions avant le 7 octobre 2009.
entre les sociétés civiles, en s’appuyant principalement
sur les associations de solidarité internationale. Un de Avec les contributions de, Ghazi Hidouci, Vinod Raina (trad. H. Cabioc’h), Sarah Valin, Raoul
ses objectifs est de proposer de nouvelles formes Pastrana, Clément Cohen, Gustave Massiah, Julien Lusson, Hélène Cabioc’h, Amélie Canone,
d’engagement à des individus impliqués ou désirant David Gabriel, Novox
s’impliquer dans des projets de solidarité, notamment au
travers de programmes d’échanges et l’organisation de Photos et illustrations en copyleft : p1 : davidgabriel, p10 : forum de bamako (novox.ras.eu.org)
rencontres.
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