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V/ citoyens ou indigènes ?
Après les durcissement des conditions d'immigration et des politiques à l'égard des immigrants,
l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir est porteuse de promesses pour les jeunes. Le nouveau
gouvernement assouplit les lois précédentes concernant le droit d'association et l'immigration. Il met en
place des politiques pratiquant la discrimination positive pour l'emploi, l'école, les quartiers, sans que
les jeunes de banlieue en soient les cibles exclusives.
la Marche contre l'égalité et contre le racisme remporte un vif succès médiatique et semble avoir
initié un mouvement positif. Les jeunes qui ont rompu avec l'idéal parental de retour au pays veulent
croire en leurs chances dans la société, ainsi que les filles qui s'émancipent des traditions familiales et
culturelles.
Malgré ces espoirs, la marginalisation des jeunes est déjà enclenchée avec une situation
économique globale dégradée, une montée du racisme et du sentiment d'insécurité, un recul des
ambitions étatiques intégrationnistes, etc. La situation des jeunes de banlieue ne cesse alors de se
dégrader jusqu'à aujourd'hui. Au cours des années 1980, le chômage devient structurel, il s'installe en
même temps que la désindustrialisation et le manque d'emplois peu qualifiés pour les classes populaires
qui coexistent avec les immigrés dans les banlieues. Le racisme progresse, les travailleurs immigrés
étant accusés de voler leur emploi aux Français de souche, de monopoliser les aides publiques et les
services sociaux sur lesquels ils auraient moins de droits que les Français de souche.. Le monde ouvrier,
lui aussi en déclin,, exclue les immigrés non européens accusés de concurrencer les autres, voire de les
provoquer.
Cette attitude encourage la progression du Front National, ce qui a une incidence notable sur la
gestion des populations immigrées, notamment dans les banlieues, même s'il ne prend pas le pouvoir:
par crainte de donner des avantages aux immigrés, les partis de gauche comme de droite ne leur
accordent que rarement de réelles dans les appareils politiques. Certaines propositions du FN à propos
des jeunes -durcissement des politiques d'immigration, répression de la délinquance- sont reprises par
le pouvoir actuel.
Une série d'événements internationaux, comme la guerre du Golfe en 1991, la seconde Intifada
palestinienne de 2001, le 11 septembre 2001, la guerre en Irak les attentats de Madrid et Londres, ont
conduit à assimiler en partie l'islam à l'islamisme, la société française glissant de la suspicion et du
méprise envers le travailleur immigré à la peur du musulman susceptible de remettre en cause la
civilisation occidentale. Ces enjeux internationaux dépassent souvent les jeunes des banlieues. Il
peuvent ressentir comme un désir de vengeance après leurs humiliations et/ou celles du monde arabe,
mais ils condamnent simultanément l'islamisme radical. L'identité « d'arabo-musulman » leur est
imposées sans qu'ils l'assument.
Depuis 2000, la thématique post-coloniale et la figure de l'indigène de la République sont au
centre de débats houleux. Il est possible dans une certaine mesure y voir un « retour de la race »
« race » étant ici appréhendé comme une constellation de spécificités culturelles censées se transmettre
intergénérationnellement, la race supérieure est alors celle qui porte et exporte la culture supérieure. Ce
concept a été utilisé par l'école coloniale. Les individus de la culture inférieure, tenus pour non-citoyens,
peuvent cependant accéder à la citoyenneté en montrant leur assimilation de la culture dominante, ce
qui indique que la « race » ne se fonde pas ici sur des critères biologiques. Il est pertinent de se
demander si la République française ne conserve pas certaines caractéristiques d'un comportement de
colonisateur envers des catégories particulières de population. En effet, en conservant à des individus la
seconde nature « d'issu de l'immigration », ne les empêche-t-on pas d'accéder à la pleine citoyenneté
française et à l'intégration à part entière dans la société ? D'aucuns pensent que l'abandon de
spécificités est indispensable afin d'entrer dans le moule de la République. Les jeunes de « la 3e
génération » sont encore enfermés dans une logique d'appartenance au monde arabo-musulman, ce
sont des « étrangers de l'intérieur » alors que les jeunes issus de migrants occidentaux, Belges, Italiens,
Espagnols, ne sont et n'ont pas été particulièrement stigmatisés.
L'universalisme républicain exige l'abandon de spécificités. Cela est demandé de la part de la
société à l'égard des immigrés et de leurs enfants, mais ce sans réelle contrepartie ni reconnaissance: la
population concernée est victime d'un jeu de dupe. Celui qui a la marque d'une culture différent n'est
pas reconnu, mais il est de surcroît considéré comme un danger pour le République, soupçonné
d'encourager le communautarisme. La polémique autour du port du voile a enflammé les discussions,
sans que ces jeunes filles soient une menace pour le République. De même contrairement à la loi 1905
sur les religions et leur libre-exercice, il existe des résistances multiples à la construction de mosquées.
La religion musulmane, 2e religion de France, est sans cesse négativement discriminées, ce qui est
absolument antinomique avec les principes de la Répression. Reniée, méprisée, la différence devient
dangereuse, en contribuant à la construction par réaction à cette hostilité d'un communautarisme
refuge pour les populations méprisées, tandis que les citoyens solidement intégrés se ferment eux aussi.
Afin d'éviter ce clivage, il paraît nécessaire de reconnaître le pluralisme culturel et de respecter
le traitement paritaire de tous. 15% de la population française n'est pas « autochtone », la moitié de ces
individus ayant néanmoins l'identité française: la France est d'ores et déjà un pays pluriethnique et
pluriculturel, elle tend à l'être de plus en plus. L'immigration est d'ailleurs un facteur primordial de
croissance démographique. L'imposition d'un modèle républicain monolithique semble dépassé, il
faudrait encourager un pluralisme harmonieux.
Si quelques jeunes sont en conflit total avec la France et les valeurs qu'elle véhicule, la grande
majorité des jeunes des banlieues se montrent proches de la société française,des Français et des
croyants d'autres religions. Depuis une décennie, la reconnaissance des discriminations progresse, au
niveau législatif notamment. Toutefois des mesures répressives ne suffisent pas: il faut combattre le
double handicap de l'appartenance ethnique et de la catégorie sociale, en plus de se tourner vers un
cosmopolitisme bienveillant pour tous.
La lutte contre les discriminations englobe la réduction sociales et des disparités des conditions
de vie qui font que les minorités ethniques sont les plus touchées par le chômage, la précarité,
l'insécurité, etc. La discrimination positive pour l'emploi, le logement, l'école, semble indispensable.
Puisque le critère ethnique risque de déchaîner les passions, une conception géographique paraît
judicieuse: les jeunes des milieux populaires doivent tous en bénéficier. Les différentes politiques à
mener, temporaires, doivent désenclaver des populations de la société française considérées en-dehors
de cette société.
Un minimum de ressources et de droits sociaux sont indispensables à la réalisation d'une
citoyenneté sociale, pour tous, y compris les populations issues de l'immigration. Les politiques de
discrimination positive ont pour objectif leur propre dépassement, pour l'accès au régime commun
d'une citoyenneté sans aucune discrimination, sur les listes électorales et dans l'économie ordinaire des
échanges sociaux.