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UNE SUB-VERSION
1. UN PROBLÈME RÉCURRENT
Le couple culture/traduction peut se lire dans les deux sens, de façon com-
plémentaire : d’une part, « culture et traduction », pour saisir comment des
sociétés données conçoivent la traduction, leur rapport à l’Autre, l’étranger ;
d’autre part, « traduction et culture », pour analyser les modes de traduction
des traits culturels propres de l’Autre (Cordonnier, 1995 ; Katan, 2004).
L’appréhension de ces traits est d’autant plus complexe que la nature de
leur expression est différente : on peut en effet avoir des marqueurs de type
lexical, des formulations connotées de la réalité, des façons de dire évocatri-
ces, des manières de composer le texte, des dispositions intertextuelles et
autres systèmes de renvoi, etc. Les traductologues se sont interrogés très tôt
sur ces manifestations culturelles dans les textes à traduire. En voici une liste
sommaire, à titre d’illustration : Vinay et Darbelnet (1958 : 52-53) à propos
de l’adaptation » ; Nida (1964 : ch. 3 et 5), à propos du « cultural experience »
portant sur l’écologie, la culture dans ses dimensions sociale, politique, reli-
gieuse, esthétique et matérielle ; Catford (1965 : 99-102), à propos du « cul-
tural untranslatability » ; Nida et Taber (1969 : 109-110), à propos du
« cultural conditioning » ; Newmark (1981 : 70-84), à propos des « institu-
tional and cultural terms » et (1988 : 82-83), à propos du « cultural équiva-
lent » ; Koller (1992) reprenant le terme de « realia » ; Nord (1994), à propos
des « culture-markers » ou « culture-specific realities » ; Herrero (2000) à
propos des « marcadores culturales específicos ».
En général, les termes dits culturels ou « realia » donnent lieu à deux types
de listes, comme si on identifiait a priori deux types de problèmes de traduc-
tion. Le premier type englobe souvent des institutions locales (ex. Storting,
Knesset, sheriff), des personnages historiques, des noms géographiques (ex.
fjord, polder, yeti), etc. Ces réalités seraient exclusives d’une culture donnée,
sans correspondance possible dans une autre culture.
Le second type inclut des pratiques, des habitudes, des comportements…
peut-être universels mais tellement marqués par les conditions (climatiques,
sociales, etc.) et les traditions d’un endroit donné que leurs désignations
véhiculent des associations d’idées, des connotations, des images, des valeurs
collectives, soi disant difficilement transférables. Ces termes qui peuvent
faire « couleur locale » portent sur divers domaines, comme par exemple :
– les conceptions du cosmos, du temps, des saisons. Que peut en effet
signifier un « kevät » en Finlande, extrêmement court, soudain, tardif,
après un hiver long, peu lumineux… pour un Français qui connaît un
« printemps » pris dans quatre saisons de durée assez semblable, plus
ou moins contrastés selon les régions ?
– Les rapports de parenté. Un « frère » dans nombre de sociétés africai-
nes n’a pas la même extension que le même mot utilisé en France. Les
notions d’aîné et de cadet ne suscitent guère d’échos dans une commu-
nauté non patrilinéaire.
– L’alimentation : les noms de plats et de recettes, les instruments de cui-
sine, les termes de fête et autres célébrations (rituelles). Qu’ont de com-
mun le « baari » et le « bar », le « kahvila » et le « café », le « ravintola »
3. RÉFÉRENCES EXPLICITES/IMPLICITES
L’éventail des réalités reconnues est large. On peut y inclure, entre autres :
A. Les noms de personnalités (historiques, culturelles, littéraires), suppo-
sées connues par l’ensemble des membres de la culture d’origine, sans néces-
sairement appartenir à cette communauté : Churchill, Dickens, Van Gogh,
James Dean, Sartre, Bach… en sont des exemples.
Des personnages populaires dans la culture de départ ne passent pas toujours
les frontières, avec la même aura – par exemple Fernandel, Brassens, Bardot…
Souvent on a distingué les allusions avec nom propre (référant à une per-
sonne, à un lieu, à un objet uniques) et les allusions sans nom propre (cita-
tion, collocation, proverbe, etc.) (Leppihalme, 1997).
Dans les exemples qui suivent, les noms peuvent être lus au premier degré
(dénotation, référence à une réalité tangible) ; ils sont surtout cités pour les
allusions implicites qu’ils peuvent véhiculer :
– titres de journaux, de revues, de livres, de pièces de théâtre, de films qu’on
pourrait dire tombés dans le domaine public, dans la culture de départ ; par
exemple pour la France : Nouvel Obs(ervateur), Le temps des cerises, La
mauvaise réputation, À bout de souffle ; pour la Finlande : Suomen kuvale-
hti (hebdomadaire), Satumaa (« le pays fabuleux » – tango très célèbre),
Tuntematon sotilas (« soldats inconnus » d’une section de mitrailleurs,
titre fameux d’un roman de Väino Linna)
6. STRATÉGIES DU TRADUCTEUR
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
AMOSSY, R. 1991. Les idées reçues. Sémiologie du stéréotype. Paris : Nathan.
BAGUELEY, D. 1984. « Après Babil. L’intraduisibilité dans l’Assommoir » in
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CORDONNIER, J. L. 1995. Traduction et culture. Paris : Hatier-Didier.
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HAGSTRÖM, A. C. (à par). De la Goutte d’or à Gulddroppen – la traduction de
références deux cultures.