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TRADUIRE L’AUTRE

UNE SUB-VERSION

Résumé : Tout texte signifie en s’appuyant sur divers éléments langagiers et


non langagiers, explicites et implicites. L’article s’interroge sur le rôle des allu-
sions, des items culturels, des stéréotypes, etc. ainsi que des problèmes posés
par leur traduction. Après avoir illustré la problématique et abordé succinc-
tement les rapports culture/traduction, l’auteur tente de catégoriser, avec de
nombreux exemples empruntés à la littérature et au cinéma, ces divers non-dits.
Puis il esquisse une typologie des stratégies du traducteur face à ces références
qui ne sont pas partagées par tous.

1. UN PROBLÈME RÉCURRENT

Dans le Monde du vendredi 30 novembre 2007 a été publié, en première


page, un article intitulé « La stagnation des salaires mine le moral des Fran-
çais ». On y trouve les éléments suivants :
– « sur TF1 et France2 », « pour le Figaro Magazine » : références non
explicitées à des institutions (chaîne privée, chaîne publique, journal
marqué à droite) ;
– « un thème majeur de sa campagne présidentielle », « le moral des
ménages qui s’était amélioré en mai et juin », « le slogan de la campa-
gne » : allusions à la campagne des élections présidentielles du prin-
temps précédent (le scrutin ayant eu lieu en mai) ;
– « selon l’Insee », « sondage TNS Sofres », « UMP » : sigles non expli-
cités ;
– « confrontés au regain d’inflation et à la stagnation globale de leurs
revenus salariaux », « la flambée des prix du pétrole, des produits ali-
mentaires » : références à la situation économique et financière du pays
qui réduit le pouvoir d’achat, un des thèmes majeurs de la campagne
présidentielle du candidat Sarkozy ;
– « le choc de confiance et de croissance n’a pour l’instant pas eu lieu » :
référence implicite à l’un des slogans de Sarkozy pour être élu président ;
– « la détaxation des heures supplémentaires » : référence à l’un des moyens
mis en avant par le candidat Sarkozy dans nombre de ses discours afin de
concrétiser son slogan « travailler plus pour gagner plus » ;

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– « dans un contexte budgétaire difficile » : allusion au fait que l’État n’a
plus d’argent, qu’il est surendetté (thème maintes fois repris lors de la
campagne par les divers candidats), les caisses étant vides, selon plu-
sieurs assertions du Premier Ministre énoncées au début de l’automne.
Ces quelques segments suffisent à montrer qu’un texte s’appuie souvent
sur des non-dits supposés partagés, dans une sorte de clin d’œil aux lecteurs
qui peuvent ainsi « lire entre les lignes » et comprendre sans s’égarer dans
des interprétations hasardeuses. Nombre d’articles quotidiens mêlent ainsi
des références politiques, historiques, culturelles…, explicites ou pas, qui
renvoient à une actualité plus ou moins récente, à un fait passé, à un mode de
vie, à une tradition, etc. Ces références ont diverses fonctions : signaler la
référence comme telle, créer la connivence avec une mémoire collective, un
sentiment généralement commun, respecter une certaine rhétorique – au
moins en français, comme ne pas reprendre deux fois de suite le même mot,
de façon rapprochée.
A contrario, certains articles réduisent parfois au minimum allusions et
poids de l’implicite. Ainsi dans le même quotidien du vendredi 21 décembre
2007 (rubrique Europe), a paru un texte « 400 millions d’Européens sans
frontières », au moment où neuf États entraient dans l’espace Schengen. Sans
doute pour éviter tout malentendu lié aux migrations et surtout pour ne pas
susciter de peurs irraisonnées sur la libre circulation de travailleurs à bas
salaires qui avaient marqué les débats sur la Constitution européenne en
2005, l’article met les points sur les i pour faire comprendre que « l’espace
Schengen », s’il est « l’abolition des contrôles aux frontières intérieures de
l’Union Européenne (UE) », il est aussi soumis à des conditions : « le renfor-
cement des contrôles aux frontières extérieures » et « le rattachement au
SIS », « base de données appelée Système d’Information Schengen » qui
« contient des noms de personnes recherchées, disparues ou frappées d’une
interdiction de séjour, ainsi que la liste des véhicules volés ». « Cet élargis-
sement a été précédé d’une longue préparation » pour mettre en œuvre « l’ac-
quis de Schengen », « c’est-à-dire la levée des contrôles aux frontières
intérieures », sans oublier « le renforcement de la coopération policière avec
leurs partenaires ». Non seulement le journaliste précise les implications de
cet espace Schengen mais il répète également certaines formules, allant
même jusqu’à rappeler l’origine de cet accord signé « en 1985 dans une
petite ville du Luxembourg », comme s’il fallait à tout prix que le titre ne
rappelle aucun péril (jaune) ou vague (d’immigrations). De fait, l’article
réfère davantage à l’Europe forteresse qu’à l’Europe réunie, ouverte.
Presse, littérature (dans ses genres divers : romans policiers, contes, récits,
fables, etc.), cinéma, peinture, icônes des programmes informatiques,
musique, documents scientifiques… ne peuvent échapper aux références tan-
tôt délibérées, parfois basées sur un cliché, tantôt allusives, implicites. Il
n’en demeure pas moins que le récepteur étranger à la communauté linguis-
tique et culturelle des émetteurs peut buter sur elles en ne sachant pas identi-
fier ce à quoi elles renvoient, n’ayant pas la clé de leur sens, ou fréquemment
ignorer même leur existence, ne pas les reconnaître.

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2. CULTURE/TRADUCTION

Le couple culture/traduction peut se lire dans les deux sens, de façon com-
plémentaire : d’une part, « culture et traduction », pour saisir comment des
sociétés données conçoivent la traduction, leur rapport à l’Autre, l’étranger ;
d’autre part, « traduction et culture », pour analyser les modes de traduction
des traits culturels propres de l’Autre (Cordonnier, 1995 ; Katan, 2004).
L’appréhension de ces traits est d’autant plus complexe que la nature de
leur expression est différente : on peut en effet avoir des marqueurs de type
lexical, des formulations connotées de la réalité, des façons de dire évocatri-
ces, des manières de composer le texte, des dispositions intertextuelles et
autres systèmes de renvoi, etc. Les traductologues se sont interrogés très tôt
sur ces manifestations culturelles dans les textes à traduire. En voici une liste
sommaire, à titre d’illustration : Vinay et Darbelnet (1958 : 52-53) à propos
de l’adaptation » ; Nida (1964 : ch. 3 et 5), à propos du « cultural experience »
portant sur l’écologie, la culture dans ses dimensions sociale, politique, reli-
gieuse, esthétique et matérielle ; Catford (1965 : 99-102), à propos du « cul-
tural untranslatability » ; Nida et Taber (1969 : 109-110), à propos du
« cultural conditioning » ; Newmark (1981 : 70-84), à propos des « institu-
tional and cultural terms » et (1988 : 82-83), à propos du « cultural équiva-
lent » ; Koller (1992) reprenant le terme de « realia » ; Nord (1994), à propos
des « culture-markers » ou « culture-specific realities » ; Herrero (2000) à
propos des « marcadores culturales específicos ».
En général, les termes dits culturels ou « realia » donnent lieu à deux types
de listes, comme si on identifiait a priori deux types de problèmes de traduc-
tion. Le premier type englobe souvent des institutions locales (ex. Storting,
Knesset, sheriff), des personnages historiques, des noms géographiques (ex.
fjord, polder, yeti), etc. Ces réalités seraient exclusives d’une culture donnée,
sans correspondance possible dans une autre culture.
Le second type inclut des pratiques, des habitudes, des comportements…
peut-être universels mais tellement marqués par les conditions (climatiques,
sociales, etc.) et les traditions d’un endroit donné que leurs désignations
véhiculent des associations d’idées, des connotations, des images, des valeurs
collectives, soi disant difficilement transférables. Ces termes qui peuvent
faire « couleur locale » portent sur divers domaines, comme par exemple :
– les conceptions du cosmos, du temps, des saisons. Que peut en effet
signifier un « kevät » en Finlande, extrêmement court, soudain, tardif,
après un hiver long, peu lumineux… pour un Français qui connaît un
« printemps » pris dans quatre saisons de durée assez semblable, plus
ou moins contrastés selon les régions ?
– Les rapports de parenté. Un « frère » dans nombre de sociétés africai-
nes n’a pas la même extension que le même mot utilisé en France. Les
notions d’aîné et de cadet ne suscitent guère d’échos dans une commu-
nauté non patrilinéaire.
– L’alimentation : les noms de plats et de recettes, les instruments de cui-
sine, les termes de fête et autres célébrations (rituelles). Qu’ont de com-
mun le « baari » et le « bar », le « kahvila » et le « café », le « ravintola »

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et le « restaurant » ? Seulement les apparences formelles, car de fait le
rôle de ces lieux dans la socialisation, les manières d’y consommer, les
attentes des clients varient grandement – même si le finnois semble
avoir emprunté les mots pour désigner ces commerces. Matières, ges-
tes, préparations, couleurs, rythmes… sont associés aux manières de
table, aux types de repas – et cela dès la plus tendre enfance. Aux goûts,
aux savoir-faire s’ajoutent donc les souvenirs d’un marché, d’un
moment privilégié, de sensations particulières. La description de la pré-
paration des mets de Noël en Castille au début du siècle ne suscitera
certainement pas les mêmes échos chez un Espagnol que chez un habi-
tant de Finlande centrale, protestant, habitué à une nourriture plus aus-
tère, à une perception plus fonctionnelle que conviviale du manger et
dont la mémoire (collective) a gardé les traces des famines d’alors. Et
que dire quand les boutiques de pâtisserie, de boucherie (chevaline ou
pas) existent ici et pas là ?
On pourrait multiplier à l’envi les exemples de domaines (croyances popu-
laires et religieuses ; habitudes vestimentaires ; usages politiques avec des
termes comme démocratie, nation, libéral, républicain… ; pratiques musi-
cales ; monde animal, etc).
Plusieurs concepts-clés sont liés à la problématique des « éléments »
culturels. D’abord celui de distance qui peut porter sur les langues et les
cultures. Avec la classification des langues par famille, par parenté étymolo-
gique et structurale, l’idée s’est répandue que les idiomes comme systèmes
sont plus ou moins similaires, voisins ou éloignés. Ainsi le français et l’an-
glais ne poseraient pas les mêmes problèmes que le polonais et l’hébreu, le
yoruba et le finnois. Des langues, on est passé aux espaces culturels – telle
culture, identifiée alors souvent à un territoire national, serait plus ou moins
analogue à telle autre, tandis qu’une troisième, de par ses langages (pictural,
verbal, gestuel, etc.), ses valeurs, ses représentations mentales collectives (de
soi, du passé, du futur, de l’ailleurs…), son mode de vie dominant… relève-
rait d’un autre ensemble. Les différences interculturelles seraient ainsi
« mesurables ». On sait que les relations culturelles et le relativisme culturel
sont une préoccupation des philosophes depuis au moins la fin du XVIe siè-
cle, des anthropologues, des historiens, des sociologues, des sémioticiens,
des enseignants de langues, etc. L’hypothèse dite de Whorf et Sapir sur l’iso-
morphisme éventuel entre langue, vision du monde et nation/ethnie n’est que
l’un des avatars de cette interrogation à laquelle s’est jointe depuis peu la
réflexion traductologique, notamment avec le concept d’adaptation.
Longtemps celle-ci a été la contrepartie de « l’intraduisibilité », sous pré-
texte d’opacité du texte de départ, de censure, de « bon goût » des récep-
teurs… L’adaptation a été une autre façon en fait de poser la question de la
distance culturelle entre un auteur, son lectorat originel et les récepteurs visés
par la version traduite. Cette distance a été imputable tantôt à l’espace (par
exemple la traduction en français d’œuvres en chinois), tantôt au temps
(comme dans le cas du jargon de la marine à voile chez Kipling), tantôt aux
allusions (par exemple dans des récits pour enfants s’appuyant sur des contes,
de chansons, des comptines… ; ou des BD comme Astérix et Obélix). Très

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souvent l’implicite des positions touchant l’adaptation était que la « traduc-
tion » limpide, parfaite, directe sinon littérale, était « impossible ». Ce n’est
pas le lieu de reprendre les arguments des uns et des autres à ce propos.
D’une définition idéaliste, absolue, hypostasiée, nous sommes passés à une
perspective communicationnelle où les intentions (de signifier et de com-
prendre) des interlocuteurs et où les visées du travail de transfert sont prises
en compte. Dès lors, les « éléments » culturels sont à considérer non plus
dans l’abstraction mais empiriquement dans la dynamique du texte, c’est-à-
dire selon la signification, la fonction de la traduction pour les lecteurs ciblés,
membres eux-mêmes d’une certaine culture, avec un certain savoir et certai-
nes représentations ou perceptions, les touchant et touchant l’Autre (cf. sec-
tion 6). Un « élément » culturel ne pose pas alors un problème de traduction
en soi mais dans un contexte et texte donnés. Ainsi l’« agneau », animal
omniprésent dans la Bible, avec ses connotations d’innocence, de vulnérabi-
lité, devient un problème spécifique de transfert culturel s’il faut rendre telle
ou telle partie des Testaments en une des langues des Inuits.
D’autres notions comme celles d’imaginaire ethno-socio-culturel (Boyer,
2007) et de stéréotype, national ou non (Amossy, 1991), désormais abordées
en didactique des langues (Margarito, 1997), comme celle de catégorisation,
traitée en sociologie (constructionisme social) et en psychologie cognitive (y
compris la sémantique des schèmes), aident à mieux appréhender aujourd’hui
ce qu’on pourrait appeler le sous-texte d’un texte. Au macro-contexte ou
contexte situationnel de production d’un document, s’ajouteraient le contexte
énonciatif (qui parle à qui), l’intertexte (rapport à un genre et renvoi à d’autres
textes), le contexte référentiel (événement, action… sur lesquels s’appuie
l’énoncé et qui inclurait donc le sous-texte ou ensemble d’allusions, de préju-
gés, de clichés, de connotations, de « mots à charge culturelle partagée »
[Galisson, 1987]), le chrono-texte (ou les différentes versions d’un texte, en
particulier journalistique mais pas uniquement avec les mises à jour facilitées
par les TIC), le co-texte (c’est-à-dire les reprises, redondances, répétitions,
reformulations, etc., internes au texte) et les paratextes (ce qui « entoure » le
texte : préface, p. 4 de couverture, dédicace, résumé promotionnel, etc.).
Nombre de ces types contextuels ont… des prétextes explicites, raisonnés ou
cachés, ce qui permet de rappeler ici les types de culture fortement ou faible-
ment contextualisante, définis par Hall (1971, 1984, 1992).
Dans ce qui suit, nous distinguerons les expressions référentielles (cultu-
rellement dépendantes) selon qu’elles sont explicites ou implicites.

3. RÉFÉRENCES EXPLICITES/IMPLICITES

L’éventail des réalités reconnues est large. On peut y inclure, entre autres :
A. Les noms de personnalités (historiques, culturelles, littéraires), suppo-
sées connues par l’ensemble des membres de la culture d’origine, sans néces-
sairement appartenir à cette communauté : Churchill, Dickens, Van Gogh,
James Dean, Sartre, Bach… en sont des exemples.
Des personnages populaires dans la culture de départ ne passent pas toujours
les frontières, avec la même aura – par exemple Fernandel, Brassens, Bardot…

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qui ne relèvent pas de toutes les mémoires collectives. Il serait intéressant de
rassembler ainsi les acteurs, chanteurs… ou héros plus ou moins excentriques
d’un lieu, d’une époque, célèbres ici et quasi inconnus ailleurs. Ainsi en est-il de
Louis de Funès (en France), de Uuno Turhapuro (en Finlande)…
B. Les toponymes (noms de ville, de quartier, de région, de route, de
rivière, etc.) : selon les textes ou documents à traduire, ces référents peuvent
transmettre un certain nombre d’informations qui permettent d’esquisser
tout un micro-contexte culturel, toute une conception de la réalité, obligeant
le récepteur à mobiliser des connaissances sur l’histoire, l’organisation
sociale pour saisir ce contexte, cette conception.
Par exemple, M. Proust dans Du côté de chez Swann (1913) a rendu une
ambiance, un état de la société parisienne en s’appuyant sur des réalités
comme « la haute société du Faubourg St Germain », « un vieil hôtel » (de
l’Île St Louis), le « quai d’Orléans », le « Boulevard Haussmann », l’« Ave-
nue de l’Opéra », l’« Entrepôt des vins »… Pour le lecteur (français et étran-
ger), ces noms désignent des lieux précis, concrets, situables sur le plan de la
ville. Mais ils sont plus que ce niveau de référence immédiat : ils sont la trace
d’une hiérarchie sociale complexe par rapport à laquelle Swan se définit. La
transposition linguistique (par exemple du français en suédois ou en espa-
gnol) ne suffit pas toujours à identifier les référents – à comprendre par
exemple que l’adresse même de Swann, sur le Quai d’Orléans, révèle que
l’endroit était hanté par les écrivains et les artistes du XIXe siècle (ce qu’in-
dique une note de l’édition française – comme quoi la maîtrise de la langue
de l’original n’est pas suffisante, pour tous les lecteurs francophones contem-
porains, pour saisir le milieu de vie de Swann).
C. Les réalités institutionnelles, plus ou moins anciennes, comme le Palais de
L’Élysée, Matignon, le Conseil Constitutionnel, l’Académie française, la Com-
mission (des Communautés européennes), ou encore (en finnois) Linna (Palais
présidentiel), (en anglais) Wall Street, (en italien) Palazzo Chigi, etc. Ces expres-
sions, relativement non-équivoques, ne posent pas les mêmes problèmes que les
toponymes ou même certains éléments pris dans un ensemble comme le sys-
tème judiciaire, le système hospitalier, la police, le système éducatif, etc.
Comme exemple, on peut citer mairie qui correspond en suédois à rådhus
ou à stadhus mais certaines fonctions qui en France appartiennent à la mairie
relèvent en Suède de l’autorité fiscale ; toutes les fonctions du notaire ne sont
pas remplies non plus par advokat (spécialisé dans les questions de droit
civil). Le découpage sémantique de huissier de justice diffère de ceux de
staevningsmand et de kontorfoged (en danois). En éducation, on sait bien
que la nature et la durée des études ne se recoupent pas d’un pays à l’autre,
d’où les problèmes d’équivalence de diplômes par exemple – malgré les
similitudes parfois formelles (ex. licencié [français], licenciatura [espagnol]
et lisensiaatti [sorte de DEA musclé en Finlande]).
Dans l’ensemble des référents explicites, il y a donc au moins deux niveaux
de référenciation : le renvoi à un référent immédiat, direct, et le renvoi éven-
tuel à un système plus vaste qui fait que l’institution, le lieu ou le personnage
dénommés prennent toute leur « réalité ». Dans ce cas, le référent (lexicalisé)
serait comparable à un signal apte à activer un ensemble mental plus vaste

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que ce que l’entité désigne directement par le terme ou le nom propre en
question. Dans un roman de Balzac, de Zola, de Maupassant, tel ou tel comte,
prince ou roturier, prolétaire n’évoqueraient pas seulement un personnage
historique mais tout un milieu avec ses habitudes, ses codes. La linguistique
depuis Saussure (avec la notion « de valeur ») et avec les cogniticiens (Lan-
gacker, 1987, 1991) nous ont habitué à sérier ainsi les strates sémantiques
dans le décodage d’une expression. Il resterait à établir les stratégies mises
en place par les lecteurs étrangers pour mettre en relation leurs connaissan-
ces acquises sur la culture de départ et les repères textuels et contextuels qui
leur permettent, dans le déroulement de leur lecture d’un ouvrage, d’un cha-
pitre, d’un paragraphe, de comprendre ces expressions référentielles.
Une référence explicite peut donc renvoyer à un non-dit qui caractérise
une attitude, une action. Ainsi Churchill peut être allusion à l’homme d’État
britannique d’une certaine époque, à ses décisions et discours pendant la
seconde guerre mondiale. Mais il peut également être allusion à un caractère
déterminé (s’appuyant sur le surnom de « lion »), à un certain goût aristocra-
tique (symbolisé par les cigares) et non au politicien. La division explicite/
implicite ne saurait donc être rigide.
En fait, les allusions (du latin ad-ludere – jouer avec) prennent place entre
la reconnaissance d’une source (ésotérique ou pas) et les clichés. Ces référen-
ces savantes ou stéréotypées peuvent être délibérément altérées par l’émet-
teur. Exemples : « dessine-moi un mouton » (reprise du leitmotiv dans le Petit
Prince de Saint-Exupéry) ; « on a toujours besoin de petits pois chez soi »
(proverbe détourné pour des besoins publicitaires). Elles prennent place entre
citation, plus ou moins tronquée, et collocation bien établie. Exemples : « à
vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (tiré du Cid de Corneille) ; « se
battre contre des moulins à vent », avec réminiscence pour certains du person-
nage de Don Quichotte. Dans ces insinuations, ces sous-entendus, le récep-
teur doit faire appel à ses connaissances (livresques), inférer (par exemple
pour saisir qu’une référence à Hamlet signifie l’indécision plutôt que la
contemplation du suicide) ; il doit également obéir au principe de pertinence,
afin de ne pas se laisser aller à une interprétation par trop vagabonde.
On soutiendra que, quelle que soit sa forme, une allusion sert diverses fonc-
tions : elle attire l’attention du lecteur sur son savoir partagé ; elle permet de
nouvelles associations d’idées ou des rapprochements (d’images, d’auteurs…)
inattendus ; elle peut favoriser un trait d’humour ; elle renforce les connotations
habituelles d’un groupe, etc. Elle se limite souvent au niveau lexico-sémanti-
que (cf. section 1) mais elle peut également infiltrer toute une composition –
comme dans le cas des allusions parodiques – par exemple les poèmes chantés
du Suédois Carl Michael Bellman (fin XVIIIe siècle) appelés « Épîtres » (Epis-
tel) justement en référence (et par dérision) aux Épîtres de Saint Paul. Les
sources des allusions sont très différenciées puisqu’elles puisent dans la Bible,
la littérature canonique, les mythes de l’Antiquité, l’histoire, les chansons, etc.
Avec l’essor des cultures populaires et des contre-cultures, ces sources sont
encore plus variées, rendant plus difficile le repérage de l’allusion.
Considérons Alcools (1913) de Guillaume Apollinaire. Les allusions y
sont nombreuses et d’origine diverse (Lefèvre, 1992). Certaines portent sur
d’autres travaux ou auteurs littéraires – contemporains ou pas. Par exemple

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dans « Zone » (vers 85-B6) : « Je suis malade d’ouïr les paroles bienheureu-
ses. L’amour dont je souffre est une maladie honteuse », il y a référence à
P. Verlaine. Les vers 271-275 de la « Chanson du Mal aimé » résument la
thématique chère à M. Proust. Dans « L’Émigrant de Landor Road », l’allu-
sion porte délibérément sur le poème « Mandalay » de R. Kipling, traduit par
Apollinaire dès 1904 pour sa revue L’Enchanteur pourrissant. À ces quel-
ques exemples, on peut ajouter les insinuations liées à la poésie médiévale
(au début du « Pont Mirabeau »), à Dante (vers 118-119 de la « Chanson du
mal-aimé »). D’autres allusions portent sur l’histoire – par exemple dans
« Zone » : sur la querelle des Anciens et des Modernes, l’antimodernisme du
pape Pie X ; dans la « Chanson du mal-aimé » : sur les bourgeois de Calais,
sur une des sept merveilles du monde, etc.
Certaines allusions réfèrent à la mythologie grecque (Icare, Ulysse, Mars
et Vénus…), à la Bible et aux sectes (la sortie des Hébreux d’Égypte, la mort
du Christ un vendredi, les mennonites, etc.).
Il y a de fréquentes allusions aussi à la géographie – à Marseille, Coblence,
Rome, au Texas… avec parfois l’insistance sur un lieu ou un monument pré-
cis (les hangars de Port-Aviation à Paris ; la Tour de Pise, etc.). Quelques
allusions portent sur la zoologie, la botanique (les saules [pleureurs], les lucio-
les, les colchiques, etc.) ou encore sur la vie quotidienne de l’époque même
d’Apollinaire (« livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières » ;
« [les belles sténo-dactylographes] du lundi matin au samedi soir quatre fois
par jour y passent »). À cette liste, s’ajoutent les allusions à la vie même
d’Apollinaire (ses amours, ses voyages, ses amis, ses rencontres, son inculpa-
tion…) et les allusions internes, tel passage faisant écho à un autre poème.
La liste des exemples est loin d’être close mais suffit certainement à sou-
ligner les délicats problèmes de traduction, quand il faut tenter de rendre en
finnois par exemple ces clins d’œil, ces doubles lectures, ces insinuations,
ces renvois : non seulement la langue impose des constructions, un ordre des
mots différents mais la mémoire des lecteurs ne peut être analogue à celle
d’un Français (lettré) lisant l’original.

4. DIVERSITÉ DES ALLUSIONS

Souvent on a distingué les allusions avec nom propre (référant à une per-
sonne, à un lieu, à un objet uniques) et les allusions sans nom propre (cita-
tion, collocation, proverbe, etc.) (Leppihalme, 1997).
Dans les exemples qui suivent, les noms peuvent être lus au premier degré
(dénotation, référence à une réalité tangible) ; ils sont surtout cités pour les
allusions implicites qu’ils peuvent véhiculer :
– titres de journaux, de revues, de livres, de pièces de théâtre, de films qu’on
pourrait dire tombés dans le domaine public, dans la culture de départ ; par
exemple pour la France : Nouvel Obs(ervateur), Le temps des cerises, La
mauvaise réputation, À bout de souffle ; pour la Finlande : Suomen kuvale-
hti (hebdomadaire), Satumaa (« le pays fabuleux » – tango très célèbre),
Tuntematon sotilas (« soldats inconnus » d’une section de mitrailleurs,
titre fameux d’un roman de Väino Linna)

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– Périodes historiques qui évoquent immédiatement certaines valeurs : par
exemple l’occupation, la collaboration, mai 68… ; la guerre d’hiver (1939-
40) puis la guerre de continuation (1941-44) qui mirent face à face l’URSS
et la Finlande ; la guerre civile, pour les Espagnols ; etc.
– Noms de firmes, de marques qui impliquent tout un faisceau d’images, de qua-
lités : par exemple le Printemps, (l’épicerie) Fauchon, Maxim, Centre Leclerc,
la Redoute… ou encore, pour les Finlandais : Fiskars (marque de ciseaux),
Stockmann, Anttila (magasins respectivement réputés chic et populaire).
– Noms célèbres, parfois transformés en adjectifs éponymes : par exemple
style shakespearien, dilemme cornélien, héros ubuesque, à la casanova ;
on pourrait citer ici aussi les sigles allusifs – ainsi l’EMU (en anglais et en
finnois – pour l’Union Économique et monétaire – UEM), homonyme de
l’oiseau coureur (émeu, en français), d’où certains dessins satiriques le
représentant, en Finlande, lors des discussions financières (1997-98).
Signalons que si les noms de personnages littéraires peuvent être inten-
tionnellement significatifs (par exemple Harpagon, Poil de carotte, Profiten-
dieu, des Entrayes, Grandet, Gobseck), les noms de famille peuvent aussi
être directement parlants, sans forcément être allusifs. Ainsi pour les Finlan-
dais, les patronymes : Koivujärvi (bouleau-lac), Koivuranta (bouleau-rive),
Honkajoki (pin-rivière), Haapapuro (tremble-ruisseau), Kuusikoski (sapin-
cascade), Katajakoski (genévrier-cascade), Karhuniemi (ours-cap)… sont
« lisibles », sans retenir l’attention, comme bien des noms africains, indiens.
Par contre, un toponyme comme Impivaara sous-entend un certain milieu
rural avec son mode de vie, non pas tant à cause de son sens littéral (la colline
de la vierge) qu’à cause de son utilisation célèbre dans le premier roman
finnois (Les sept frères d’A. Kivi, écrit entre 1861 et 1870).
Abordons plus systématiquement des exemples de films – sans traiter des
allusions contenues dans les images car si on reconnaît facilement sa surdité
devant des dialogues en langue étrangère, on reconnaît rarement son aveu-
glement devant des images qu’on croit toujours pouvoir interpréter sans pro-
blème. Quand les allusions s’en mêlent, cet aveuglement peut être décuplé.
Quoi qu’il en soit, on reçoit souvent un long-métrage selon des représenta-
tions liées au genre, à la culture d’origine qui est montrée, à la réputation du
metteur en scène, des acteurs, etc.
Ainsi Jean-Luc Godard s’est plu à truffer ses créations de citations. Par
exemple dans Pierrot le fou (1965), il réfère à des textes de Céline, de Pavese,
de Rimbaud, de Proust, de Cocteau, etc. Sans que le spectateur, étranger à la
culture littéraire française, puisse s’y retrouver puisque d’une part les extraits
très courts sont souvent modifiés à dessein et que d’autre part la durée et
l’espace des sous-titres ne permettent pas d’expliciter. Les allusions portent
aussi fréquemment sur des titres ou réparties d’autres films. Il en est de même
dans À bout de souffle (1959) et Une femme est une femme (1960), plagiat et
parodie de la comédie musicale Hollywood.
Exemples d’allusion transparente (en français puis en finnois) : – « Laurel
et Hardy » – « Ohukainen ja Paksukainen. » La traduction a utilisé, comme
normalement en Finlande, le nom de rôle des deux comiques et non leurs
noms réels.

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« Mais ce n’est ni un Popof ni un neveu de l’oncle Sam. » – « mutta ei se
ole Iivana eika Setä Samulin poika ». L’allusion porte sur deux astronautes
mais aussi sur deux prototypes (russe et américain). Le mot « iivana » réfère
en argot aux Russes. À remarquer que le neveu est devenu « poika » (le fils),
sans doute pour des raisons de place (« veljenpoika » est plus long).
Exemples d’allusion indirecte : – « Mettez un tigre dans votre moteur ! »
– « Pankaa tiikeri tankkiin ! » Le finnois utilise la même figure du tigre non
pas parce que le slogan publicitaire français était connu alors mais parce que
l’animal était partout le symbole d’ESSO.
– « Ferait mieux d’abandonner la 404 » – « Paras varmaan luopua tàstà
404 : sta ». En finnois, on n’utilise guère couramment les numéros pour les
modèles de voiture, préférant recourir au nom générique de la marque. Ici
Peugeot (Pösö).
Exemples d’allusions littéraires : – « Est-ce que vous aimez Brahms ? » –
« Pidätteko Brahmsista ? » La référence au roman de F. Sagan est transmise
en finnois par le titre non déformé, tel qu’il a été vendu en librairie. Cela
n’implique pas que le spectateur identifie l’allusion !
– « Elle est retrouvée – Quoi ? – L’Éternité… c’est la mer allée – Avec le
soleil. » – « Nyt se on löydetty – Mikä ? – iäisyys… sehän on meri – Kera
auringon ». La traductrice a rendu littéralement cet extrait de l’« Éternité »
de Rimbaud, dans Une saison en enfer – même si le poème a été plus poéti-
quement rendu en finnois. Cette retraduction efface toute trace de citation et
donc d’allusion.
– « Ça veut dire quoi bientôt ?… Dans un mois, dans un an ? » – « Kuu-
kauden kuluttua ? Vuoden ? » Le roman de F. Sagan (1957) a été rendu en
finnois avec le titre Varjoa vajaat – impossible à reprendre tel quel pour
répondre au début de la réplique en français. Autres exemples de références
à des titres : « La recherche du temps disparu », « Moderato », « II ne faut
pas badiner avec l’amour », « Le voyage au bout de la nuit », etc. Que le
sous-titre reprenne la traduction du titre publié en finnois, avec ou sans légè-
res altérations, ou propose une traduction littérale, il reste difficile d’assumer
que le spectateur associe la réplique à une œuvre ou à un auteur.
Prenons, à l’inverse, des films (en finnois) de Aki Kaurismäki, rendus en
français et qui souvent font aussi allusion à un trait français (citations de Pré-
vert, de Baudelaire, de Verlaine ; références stéréotypées à des intérieurs pari-
siens ; connivence cinématographique avec Bresson, Melville, Godard…).
Les noms y jouent un rôle important. La protagoniste de Shadows in Para-
dise s’appelle llona Rajamäki. Dans llona, il y a « ilo » (joie), ce qui contredit
l’histoire pessimiste. Rajamäki contient « raja » (limite) : de fait, la femme
soupèse les limites de sa liaison amoureuse. En plus, Rajamäki est la région
de Finlande où on fabrique de l’eau-de-vie et du vinaigre. D’où cette bou-
teille de vinaigre jetée dans son caddie au supermarché par Nikander. Dans
La fille aux allumettes, titre plus proche du conte de H.C. Andersen que le
titre en finnois (Tulitikkutehtaan tyttö, la fille de l’usine d’allumettes), le per-
sonnage principal s’appelle Iris, claire allusion à Iris-rukka (pauvre Iris),
roman d’Anni Swan qui a été écrit au début du siècle pour les enfants. Le
spectateur finlandais peut donc anticiper sur l’atmosphère du film. Ainsi on y

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entend le célèbre tango (« Satumaa ») dont quelques mots réfèrent à l’attrait
de la mort : « Siellä huolet huomisen voi jäädä unholaan » (là-bas, on peut
oublier tous ses soucis). Or à un moment, Iris empoisonne l’homme qui l’a
trompée, en s’appuyant partiellement sur ce passage : « Sinun ei tarvitse
huolehtia enää mistään » (ne te fais pas trop de soucis). Mais sa réplique en
français (« tout est définitivement arrangé ») efface cette allusion, le chassé-
croisé entre les paroles de la chanson et celles de la femme.
Dans Au loin s’en vont les nuages, titre qui renvoie à une chanson « Pilvet
karkaavat, niin minäkin » (les nuages s’en vont, moi aussi), il y a un jeu de
mots basé sur une boisson très populaire. Ilona dit au client : « Suosittelen
kateenkorvaa » (« je vous recommande le ris de veau ») ; celui-ci répond ;
« Koskenkorvaa, pullo » (« De la vodka, une bouteille »). « Eau-de-vie »
aurait pu très bien rimé avec « ris de veau ». Devant le restaurant, il y a un
homme-sandwich dont le placard publicitaire porte le slogan « A-oikeudet » :
l’allusion au droit de servir des spiritueux est évidente mais la version fran-
çaise laisse passer le plan et son écrit.
Prenons comme dernier cas une comédie de situation, comme les affection-
nent les chaînes de télévision. Par exemple The Nanny, jouant sur les relations
entre Fran (la nurse), issue d’une famille juive de classe moyenne, et les Shef-
field, famille aisée. Les contrastes entre les cols bleu et blanc, les juifs et les
autres, les Anglais et les Américains, les très-éduqués et les gens ordinaires
donnent lieu à des situations, des réparties, chargées d’humour. Mais les allu-
sions y sont nombreuses et obligent à s’interroger sur la large distribution
d’un tel programme américain et son succès. Il y a en effet des allusions à :
– des produits (sans cesse apparaissent des noms de marque : Mr. Clean,
TicTac, Dove…)
– des emprunts yiddish, comme kosher, mishpoche (famille), shmegege
(idiot), Hanukkah, etc.
– des célébrités nationales (acteurs, chanteurs, mannequins, politiciens…),
comme la référence à Cassidy, famille d’acteurs et de chanteurs ;
– des personnages de pièces de théâtre, de programmes télévisés, de films ;
– des lieux (par exemple Lexington, Russian Tea Room…), des magasins
(Ben and Jerry, Victoria’s secret, etc.)
– des chants, des films (par exemple cet extrait de My Fair Lady : « I’d
say old man, we did it. We said we would do it and indeed we did »).
Dans tout ce qui précède, les allusions sont fondées sur un savoir partagé,
une référence (un nom propre, une citation littéraire, etc.). On y ajoutera
aussi les allusions fondées sur des valeurs partagées, sur des comportements
collectifs (réels ou supposés), sur des représentations plus ou moins stéréo-
typées, qui autorisent certaines catégorisations et donc aident d’une façon le
récepteur à se repérer, à se situer, à interpréter.

5. DES VALEURS PARTAGÉES

Encore une fois, les allusions ne se situent pas exclusivement au niveau du


verbal. Elles s’infiltrent aussi dans les images, les musiques. Ainsi dans Jean
de Florette, le film de Claude Berri (1986), la plupart des personnages repré-

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sentent non pas tant un type psychologique qu’un ensemble symbolique :
Delphine l’aveugle, la servante sourde-muette, Jean le bossu qui attire le mau-
vais sort ; d’autres aspects reflètent également un réseau de valeurs, comme
les différents jeux entre hommes (pour une certaine convivialité villageoise),
le ruban d’Ugolin cousu sur sa poitrine comme signe de mortification puis
brûlé par l’oncle César Soubeyran comme pour se purifier de la disgrâce
publique causée par le suicide de son neveu, l’eau dont la présence (source,
pluie) et les mystères parcourent cette Provence. De tels symboles et signes
sont marqués culturellement et ne se communiquent pas d’une société à une
autre sans heurts, sans problème. Pour ne rien dire de films brésiliens, égyp-
tiens, chinois, indiens… sur lesquels le spectateur ne peut éviter de projeter
sur chaque image ses propres grilles d’interprétation, ses archétypes.
Dans nombre de documents de promotion (guides et brochures touristi-
ques par exemple), on trouve souvent des mots d’apparence usuelle mais qui,
littéralement transmis dans une autre langue, peuvent prêter à malentendu.
Nation, race, sang, alliances, liberté… cités dans des rappels historiques sur
le courage de tel pays, la fierté de telle ville risquent de susciter des images,
des souvenirs différents, selon les lecteurs. Le syntagme, devenu quasi figé,
« blood, sweet and tears » (utilisé par Churchill) en est un exemple. L’allu-
sion, les connotations soulèvent avec force les problèmes de l’éthique du
traducteur : jusqu’où le sens intentionnel d’un texte se confond-il avec son
esprit ? Jusqu’où traduction et adaptation vont-elles de pair ? D’évidence,
« nation » ne va pas s’il est compris comme expansionnisme, chauvinisme
alors qu’on voulait signifier fierté, courage. Les textes philosophiques sont
un autre exemple où les allusions derrière un terme, une expression rendent
les transferts délicats (voir Johnsen pour quelques exemples à propos des
traductions du Monde de Sophie. Roman sur l’histoire de la philosophie).
Les textes littéraires sont également source de réflexions pour mieux saisir
le fonctionnement des allusions. La goutte d’or de M. Tournier est un exemple
pertinent (A.C. Hagström : à par.). Non seulement Idriss est un jeune arabe
aux prises avec les réalités françaises mais son identité se construit sous les
yeux du lecteur qui voyage entre deux cultures, qui est amené à s’interroger
sur les rapports entre réel et image, photo. Ce jeu de miroirs s’appuie sur nos
stéréotypes, nos préjugés. Mais ceux-ci ne sont pas universels : comment un
jeune Suédois pourrait-il appréhender Gulfdroppen (1987), comme un jeune
parisien ? Il y a des mots arabes dans le texte : certains sont empruntés déjà
dans la culture de M. Tournier (bled, bareka, méhariste), d’autres sont des
transferts directs, expliqués par leur contexte (kanoun, kharbaga, lam-alif).
Il y a aussi des termes culturels français (bureau de la voirie, mairie, crêpe-
rie, clochard, impasse Trancrède-Martel, etc.). Sans mentionner les référen-
ces intertextuelles à P. Géraldy, à Saint-Exupéry, aux chanteurs Renaud et
Oum Kalsoun. On ajoutera les images liées au désert, à l’oasis, à la goutte
d’or (bijou et rue), à la sexualité et à l’homosexualité, à la calligraphie, etc.
Dans chaque cas, la référence fait appel à nos représentations, plus qu’à notre
savoir. La dualité est l’originalité du livre : comment la rendre dans une
langue et culture tierce alors qu’elle repose sur les regards et les préjugés
réciproques des cultures mises en présence ?

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Considérons maintenant des termes finnois qui véhiculent aussi un passé,
des valeurs, des traits culturels spécifiques. Par exemple les termes comme
kuultokudos, poppana, raanu, ryijy, täkänä : ils révèlent la tradition finlan-
daise des textiles, des tapis muraux en particulier, avec leurs différences dans
le tissage et les matériaux.
Un mot comme talkoot dit à la fois une manière d’être ensemble et un
travail réalisé collectivement et bénévolement, pour accomplir une tâche
plus au moins lourde – depuis le nettoyage d’une cour par les habitants d’un
immeuble jusqu’à la construction d’un toit pour une maison individuelle.
Deux mots fréquents entrent dans la composition d’un certain nombre de
mots assez régulièrement utilisés : rauha et kulttuuri. Ainsi on a koulurauha,
työrauha, joulurauha : la « paix » scolaire, au travail, de Noël ne rendraient
pas le type de relation, d’ambiance recherché par les expressions citées ; il ne
s’agit pas de la paix scolaire entre secteur public et secteur privé mais plutôt
de la volonté d’arrondir les angles, de maintenir une atmosphère harmo-
nieuse, sans tensions ouvertes ni conflits larvés. D’aucuns, extérieurs à cette
culture du consensus, du réalisme, pourraient penser à une coercition du
groupe, par le groupe, à une résignation – un peu à l’image du sisu, mélange
de cran et de masochisme, de ténacité et de refoulement. Viinikulttuuri, urhei-
lukulttuuri, alkoholikulttuuri, liikennekulttuuri pourraient sonner étrangers
s’ils devenaient sans autre précision « culture » du vin, du sport, de l’alcool,
de la conduite (automobile). Ces termes manifestent en effet moins un com-
portement raffiné qu’un effort de discipline pour contrer certaines habitudes
(alcooliques) ou valoriser certaines pratiques (sportive, dans la circulation).
Dans les ouvrages littéraires finlandais, traduits en français, de tels termes
culturels ne sont pas rares. Peuvent-ils éveiller les mêmes échos que chez le lec-
teur de l’original ? Par exemple, dans Le temps de la peau de Anja Snellman
(publié aux Presses universitaires de Caen en 1998), on a « ... sa plus belle robe-
tablier, un modèle de Marimekko » (p. 38), « … telle des tresses de pâte de
gâteau prêtes à être passées au jaune d’œuf » (p. 51), « … un sac en plastique
posé contre les chevilles » (p. 155). Comment ne pas évoquer par ces exemples,
respectivement, un style plus que vestimentaire dominant dans les années 60-70,
une pâtisserie courante (pullapitko), une manière si banale de transporter ses
provisions quotidiennes ? Dans les livres d’Arto Paasilinna traduits en français,
les allusions à un mode de vie, à une mémoire religieuse et épique (références au
Kalevala), aux relations avec les voisins suédois et russes, aux attitudes et exi-
gences des administrations sont multiples. L’humour, la dérision, le merveilleux
distinguent cette production littéraire, démythification de toute une panoplie de
conventions. Ainsi dans Le Lièvre de Vatanen (succès de librairie en France en
1989), le journaliste est condamné pour des délits tels que « a gardé un animal
sauvage […] sans autorisation valable », « a contrevenu à la législation sur l’al-
cool en consommant des boissons distillées clandestinement », « a profané un
défunt », « a négligé d’avertir les autorités de la présence d’un ours à Sampio »,
« a participé sans invitation officielle à un dîner offert par le ministère des Affai-
res étrangères »… Ces motifs sont l’occasion de décocher des pointes contre le
formalisme des autorités finlandaises mais ils peuvent faire sourire tout autre
lecteur devant de telles absurdités : la satire ici atteint à l’universel.

Ela 150.indb 189 30/06/08 10:24:49


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D’autres types d’information linguistique manifestent également des habi-
tudes et des rites : on peut penser aux formules de politesse à fondement
religieux par exemple en arabe, au tu et au vous en français avec tout le jeu
implicite de la hiérarchie sociale, de la relation affective qu’ils peuvent tra-
hir, etc. (cf. Ide, 1988, 1989 et 1993 ; Watts et al., 1992).
On le voit : le substrat culturel de certaines tournures, de certains usages
langagiers affleure dans les énoncés, littéraires ou pas. Que peut le traducteur
face à ces tournures et usages qui n’ont pas nécessairement une forme rare,
exotique ?

6. STRATÉGIES DU TRADUCTEUR

Par stratégies, on entendra ici les manières possibles pour un traducteur de


régler délibérément, consciemment un problème local, c’est-à-dire une struc-
ture, une idée, un concept, une « realia », un jeu de langage… qui résistent de
prime abord à un moment précis du texte qu’il est en train de rendre en langue
d’arrivée. Dans ce travail ou ce processus, le traducteur cherche la solution
optimale, calculée selon la ou les fonctions que doit remplir la nouvelle ver-
sion, selon aussi les normes d’acceptabilité auxquelles cette version doit
répondre. Il tient compte aussi des maximes découlant du principe de coopé-
ration, entre autres celle de quantité (offrir autant d’informations qu’il est
requis) et celle de modalité (être non ambigu, non obscur, bref) : sa traduction
doit être pertinente dans un contexte donné (Gutt, 2000). Le problème de la
traduction des termes culturels n’est donc pas à considérer dans l’absolu ou le
« vide » mais d’après les contraintes (sociales, idéologiques) et les conven-
tions (rhétoriques, textuelles, linguistiques) qui pèsent sur le texte traduit et sa
réception par les lecteurs ciblés (cf. section 2). Les stratégies de production ou
manières de trouver une solution appropriée, dans un contexte donné, ne relè-
vent pas de la fantaisie d’un individu : elles sont liées à ce que permettent la
langue, les fonctions du texte, les contraintes et les conventions signalées ci-
dessus. Elles sont intégrées ou apprises à force de lire, de traduire ; elles sont
transmises par d’autres traducteurs expérimentés. Certaines sont préférées à
une époque ou même privilégiées dans certains genres. Ainsi on tend de moins
en moins aujourd’hui à traduire les titres de film pour choisir surtout le trans-
fert direct de l’original ; cela n’a pas toujours été le cas. De même, certaines
communautés importent, sans changement, les noms propres – géographiques
en particulier ; d’autres naturalisent ces noms, en les adoptant à leur système
de prononciation, à leur orthographe, à leurs règles morphologiques. Il sem-
ble que dans la presse écrite espagnole contemporaine, on choisisse l’emprunt
ou la traduction littérale pour rendre les désignations des institutions poli-
tiques et économiques des pays anglophones (Martin, 2000).
La liste qui suit des stratégies possibles pour traduire les allusions n’inclut
pas les stratégies de compréhension de ces allusions. Mais d’évidence, celles-
ci précèdent celles-là. Pour décider comment rendre « albatros » selon qu’il a
affaire à un poème de Coleridge ou de Baudelaire, le traducteur devra au préa-
lable analyser le rôle de l’image dans tout le texte, peut-être dans une série de
poèmes de chaque auteur, peut-être même en se référant à d’autres écrits de

Ela 150.indb 190 30/06/08 10:24:51


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ces poètes et de l’époque en général. Il n’y a pas de logique mécanique,
linéaire entre un problème de traduction et la stratégie pour le résoudre.
Parmi les options, pour traduire les allusions (explicites ou implicites),
on a :
1. l’omission délibérée : elle n’est pas nécessairement « perte » si la réfé-
rence en question ne remplit pas une fonction précise ou si elle évoque un
détail considéré comme secondaire ou si elle est intégrée plus loin dans le
texte, avec une autre référence quasi similaire. L’omission du terme allusif
peut laisser place aussi à un nom commun qui transfert plus ou moins le sens
de l’allusion. L’acceptabilité de cette stratégie dépend fortement du type de
texte (persuasif, informationnel, etc.) Par ailleurs, l’omission peut être égale-
ment forme de censure d’un original trop osé ou trop exotique : cas de la
première traduction américaine de l’Assommoir de Zola, où les références au
métier de croque-mort, les allusions aux odeurs corporelles ont été effacées
(Baguley, 1984) ; cas de la version anglaise des années 30 des textes de Proust
où ont été éliminés certains épisodes, vue comme scabreux, de la carrière
amoureuse du baron Charlus (Marantz, 1984).
2. La traduction dite littérale ou calque, avec parfois un certain degré de
naturalisation. Par exemple White House transcodé Maison Blanche (Washing-
ton), différente de la Maison Blanche utilisé un temps pour désigner le bâti-
ment de la Douma à Moscou. Autres exemples de correspondances établies :
la chambre des communes (GB), le secrétaire d’État (EU) alors qu’un secré-
taire d’État dans un gouvernement français à une autre position hiérarchique.
La traduction peut être complète (par exemple Eiffeltornet, Invalides-espla-
naden, Voltairekajen (Quai Voltaire) – en suédois) ou partielle (par exempte
Invalidplatsen, Oceanen – en suédois encore) ; Johannes Kastaja/Jean le
Baptiste ; Star Wars/Tähtien sota/La guerre des étoiles, en finnois.
3. L’addition au terme étranger d’une définition ou d’une explication ou
d’une paraphrase ou d’une note en bas de page. Celle-ci peut être dans un
sous-titre : « Runeberg, poète national » – la seconde partie ayant été ajoutée
par le sous-titreur pour préciser qui était l’homme dont le film montrait alors
la statue (à Helsinki) que voulait escalader un des protagonistes – dans Komi-
sario Palmun erehdys (1960) (l’erreur du Commissaire Palmu) film de Matti
Kassila, basé sur un roman (1940) de M. Waltari. Autres exemples : la chaîne
CNN, le magazine The Times ; exemples en suédois : Seinefloden ou floden
Seine pour la Seine (fleuve), Notre Damekyrkan pour (l’église) Notre-Dame,
Frankrikes president pour le président de la république (française).
4. La substitution tantôt culturelle – par exemple : April showers habituel-
lement rendu par giboulées de mars ; miles données en kilomètres ; tantôt
cognitive – par exemple le spécifique un verre de vichy devenant un générique
un verre d’eau minérale, une bouteille de Black and white devenant une bou-
teille de whisky. Autre exemple de généralisation : Stadsdel, kvarter (en sué-
dois) pour arrondissement (de Paris), bil pour 2CV. Une telle stratégie, par
exemple envers les marques, n’est pas rare, y compris dans des doublages.
5. La compensation ou conversion. Par exemple « we walked to Portobel-
lo »/« On flâna dans le marché aux puces », « the Labour Party »/«les Socia-
listes britanniques » ; « le syndicat des acteurs polonais » (en lieu et place de
la dénomination originale). On préserve la valeur fonctionnelle de l’élément

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de départ en lui donnant un « équivalent dynamique » (Nida, 1964). Autres
exemples (en suédois) : husmanskost pour la soupe quotidienne ; SJ pour
SNCF ; (en espagnol) : 1x2 (pari sur les matches de football) pour PMU (pari
sur les courses hippiques).
Les cinq modes (2-5) sont des transformations de type cibliste : on natura-
lise selon les normes de la langue/culture d’arrivée. Tandis que la dernière
(6) relève du type sourcier : on introduit un élément d’ailleurs dans le lexique
qui reçoit, non sans parfois une adaptation formelle partielle. Avec 2 et 4, les
équivalences peuvent être lexicales ; 2 et 3 sont des rétentions ; 4 et 5 sont des
remplacements.
6. L’emprunt direct ou transplantation culturelle qui peut poser problème
à certains lecteurs puis s’effacer comme problème à force d’être fréquem-
ment utilisé (exemples : 10 Downing Street ; Vodka ; pudding ; agora ; Wall
Street ; El País.). Le transfert peut subir des adaptations (orthographique,
morphologique, phonétique) : exemples clochardenna (dans la Goutte d’or,
traduit en suédois par C.G. Bjurström) ; il peut se faire aussi via une translit-
tération, dans le cas de deux langues d’alphabet différent.
La liste qui précède n’est sans doute pas exhaustive ; certaines options
peuvent être combinées : par exemple un emprunt accompagné d’un élément
de la langue réceptrice (le Troisième Reich ; la bibliothèque du Congrès).
Aux paramètres et facteurs signalés au début de cette section, on ajoutera
comme contraintes déterminant les choix du traducteur, le rôle des « realia »
dans le texte à traduire (rôle essentiel, central, marginal), leur nature (plus ou
moins familière ou rare ou littéraire, etc.) et les types de contact entre les
deux langues/cultures rapprochées (cultures voisines, apparentées ou pas,
fréquemment en contact ou pas, connues, etc.). Différents traducteurs peu-
vent recourir à deux ou trois stratégies différentes pour un même terme
culturel pris dans le même texte.
Les stratégies favorables à la couleur locale ou à l’exotisme, à l’annexion
ethnocentrique ou à l’ailleurs, ont des justifications différentes, selon les tra-
ducteurs (praticiens/théoriciens) : tantôt on cherche à cacher le fait qu’il y a
eu traduction, on prétend faciliter la compréhension, on ne veut pas surpren-
dre ou choquer ; tantôt on vise à transformer les savoirs établis, les représen-
tations stéréotypées, on souhaite le métissage ou brassage culturel. Toutes
ces justifications, souvent a posteriori et plus ou moins raisonnées, reposent
en fait sur une perception elle-même vague, sinon figée, des lecteurs, comme
si ceux-ci formaient un bloc homogène, stable. Omission, rétention, rempla-
cement… disent en réalité si l’ouverture à l’Autre – dans le fait même de
traduire, est concomitante ou pas avec la résistance, sinon la fermeture, à cet
Autre – dans les modes de traduire (cf. section 2).

7. MISE EN RELATION/MISE À DISTANCE

Dans tout ce qui précède, on a essentiellement abordé les marqueurs cul-


turels de type lexical, manifestant à des degrés divers des allusions. Deux
conclusions s’imposent :

Ela 150.indb 192 30/06/08 10:24:55


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– la traduction fait partie des processus d’acculturation inséparables de
ceux de déculturation. La perméabilité culturelle relative de deux commu-
nautés mises en présence se mesure non seulement au volume de traductions
réciproques mais aussi à la façon dont les traductions sont réalisées – plus ou
moins orientées vers la naturalisation, la domestication de l’autre ou son
écoute, dans son étrangéité. Ce contact peut éroder ou enrichir les ressources
linguistiques, selon que les récepteurs sont médusés, subjugués par l’autre ou
créatifs. C’est dire que la traduction peut remplir diverses fonctions – ni
force aliénante nécessairement ni forme de transgression systématiquement.
– Le traducteur est un médiateur mais le succès de la médiation c’est-à-
dire son acceptabilité ne dépend pas de lui. Aux prises avec des valeurs cul-
turelles (savantes ou populaires, apprises ou tissant nos mémoires), il n’est
pas uniquement prospecteur des différences, explorateur de territoires plus
ou moins inconnus. Il est aussi celui qui, dans sa reconnaissance de l’autre,
change les perspectives de sa propre communauté, dérange « les mots de sa
tribu » (Mallarmé, 1877). Il met en circulation, il met en jeu, il met en doute,
il subvertit… dans les limites toutefois que lui permettent ses commanditai-
res, son éditeur !
Yves GAMBIER
Université de Turku, Finlande

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