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UN FLIC EN COLERE A visage découvert, un policier de la BAC de Gennevilliers, en banlieue parisienne, exprime dans un livre, au nom de ses collégues, la lassitude d’une profession sous le feu permanent des projecteurs, Extraits exclusifs. EXTRAITS CHOISIS PAR JEAN-CHRISTOPHE BUISSON Iyaunan, a Viry Chatillon, quatre policiors étaient pris a partie par une quinzaine d'individus & coups de pierre et de cocktails Molotov lIsmanquérent de mourir bralés vis. Face la mollesse de la réaction des autorites politiques (Bernard Cazeneuve, ministre de IInterieur, parla de « sauvageons » pour qualifier les criminels), un mouvement de révolte se développa au sein de la police pour réclamer plus de considiération, plus de respect et plus de moyens pour se défendre. Parmi les leaders de ces «flies de hase » regronpés dansume structure tisée MPC (Mobilisation des policiers en colere), Guillaume Lebeau, 31 ans, membre de la BAC de Gennevilliers. Malgré les pressions, les menaces et les convo: cations de sa hiérarchie et de l'IGPN, ce « lanceur d’alerte » d'un nouveau genre a tenu a bout de bras pendant plusieurs serraines ce mouvement inédit qui bénéficia d'un incroyable soutien de opinion publique. Unan apres, constate-t-il pourtant, rien n'a changé ou presque. Les commissariats n'ont jamais étéaussi vétustes, les moyens techniqueset administratifsde poursuivre les délinquants aussi chiches, la reputation des policiers aussi souvent trainée injus tementdansla boue. Iladone décidé de parler anouveau. Dansun live. Colere de fc, agressent les gens au quotidien et malgré toutsebaladent dans lanature. Nouslesarrétons e matin, ils ressortent lesoir. Souvent pour mieux recommencer le en- demain. llsont un sentiment dimpunité. car ilssavent per tinemment qu’ilsne risquent rien ou pas grand. chose, Pour eux, c'est presque un jeu, Lesjeunes délinquantsdes cités détruisent égalementle tissu économique des quartiers, en rendant en particulier la vie des commercants impossible, ILy a deux ans, un boulanger du Luth aété menace. Les jeunes Pobligeaient& stocker leur shit dans sa boutique. Le boulanger a refusé, alert la police ‘et méme déposé plainte contre les jeunes dealers qui vou- Jaient robliger a devenir complice de leur trafic. Nous avons faitnotreboulot: nouslesavonsinterpellés, Maisdanslame- sure ot ilsavaient moins de 18 ans, ils étaient protégés par ordonnance de1945, Iladone fallulesremettreen lberté le soir méme. Dans les jours qui ont suiv, ils ont organise une > femme policiere. Il arrive qu'ils tentent d'interdire aux collaguos féminines de parlor ou rofusent de lour dire un simple bonjour. Nous leur demandons systé ‘matiquement pourquoi. lis rétorquent que leur religion leleur interdit, Schéma inverse T’accueil du commis sariat: orsqu’une femme musulmane se présente, par exemple pour déclarer la perte de son permis de conduire, elle peut refuser de parler au policier qui est de permanence, exigeant d’avoir affaire a une femme. Gennevilliers ne constitue pas une exception. Les affaires de ce genre sont de plus en plus fréquentes. A Caen, en mai 2017, une policiere a été blessée lors d’une intervention. Les forces de 'ordre avaient été appelées apres une série de rixes, Un homme de35 ans a tenté de prendre la fuite, les collegues 'ont poursuivi. Uhomme pest alurs sclouing, a delache la ccialuse de suit pantalon et a frappé la policire, la blessant a 'avant- bras, Amenéaucommissariat, ila expliqué qu'iln’avait pas Supporté d’étre contrélé par une femme en période de ramadan, période pendant laquelle hommes et femmes doivent s’abstenir de relations du lever au coucher du soleil. Dans certains quartiers, en France, en 2017, les femmes vivent un quotidien difficile. Cen’ est pasune fake news. Dans le quartier Chapelle-Pajol, entre les Xe et XVIII arrondissements, les femmes ne peuvent plus se déplacer seules sans essuyer insultes et remarques de la part des hommes. Depuis 2016, les habitants ont constaté l'arrivée de groupes de dizaines d"hommes seuls, vendeurs a la sauvette, dealers, migrants et passeurs. Ils occupent les rues, harcelant les femmes Porter une jupe est devenn périllenry. Paseer devant 11m café « reserve aux hommes » I'est également, es difficultés, dont les médias se font de plus en plus Pécho, levant ainsi le tabou et ouvrant le débat, ne sont en réalité pas nouvelles : elles existent & Gennevilliers depuis que j'y travaille, dany une moindre inesure cependant. A Gennevilliers, de fait, certains bars sont uniquement fréquentés par des hommes. Les femmes osent pass'y aventurer. ambiance y est trés particu liere. Siune femme entrait, elle serait vite cataloguée et essuicrait des critiques acerbes. Amon sens, c’est une grave erreur de laisser dériver ainsi certaines zonesdu territoire. Lunique réponse face Aces comportements devrait étre la tolérance zéro, Sila policeen avait les moyens, et surtout sile pouvoir pol que en avait le courage, il faudrait renverser la donne et harceler les harceleurs : mener des contrdles d’identit en permanence, ne laisser passer aueune infraction, de Iacontravention au délit: dusimple jet de détritusauta- page, en passant par les faux documents administratifs ‘ou les petits trafics et la vente a la sauvette. Chaque in fraction devrait étre verhalisée et faire Pobjet une poursuite systématique devant les tribunaux compé tents. Pour ce genre d’action, il faut non seulement plus de policiers sur le terrain, mais aussi un renforcement des systémes de vidéosurveillance. Ces dernieres an- nees, Gennevililers s'est dotee de nombreuses cameras, Pour nous, policiers, il s'agit d'un outil extrémement ile et efficace. La vidéo permet de repérer et de traiter plus efficacement la grande mais surtout la petite délin 152 LE FIGARO MAGAZINE - 3 NOVEMBRE 207 quance, la plus difficile vivre au quotidien pour les ha bitants. Enfin, il est indispensable que les peines pro- noneées soient exécutées interdiction du voile, c’est la parfaite illustration d’un double discours. Officiellement, Ie voile est done pros- crit, mais dans les faits qui applique vraiment cette loi ? Achaque fois que 'aiété témoin de tentatives pour 'ap- pliquer, cela s'est mal termine. Controler une femme woilge génére automatiquement des tensions, Générale ‘ment, face a l'attroupement que cela provoque, les col egues doivent abréger lecontrole. Récemment une note administrativea été diffusée, nousenjoignant deréduire les contrOles, notamment aux abords des mosquées. La note exige dur « discernement dans l'application de la loi». Jusqu’oit doit aller ce « discernement » ? Devons nous purement et simplement fermer les yeux ? LE FAUX PROCES . DU CONTROLE AU FACIES image du policier racisteest tenace, notammenten raison des accusations de controle an facies. Disons les choses implement : & Gennevillers, statistiquement pariant, il ya ‘une forte population étrangere. Alorsnécessairement, nous sommes amenés & controler proportionnellement davan- tage d’étrangers. Maison ne «s'amuse » pas’icontréler un individuen raison de lacouleur dessa peau. Ce n'est pas une infraction, Aune époque, je travaillais dans une brigade quis'occupait centre autres des interpellations d’étrangers en situation ir- réquliére. Cestuneévidence : pour effectuer cesinterpella tions, nous ne controlons pas prioritairement les personnes ayant l'apparence d'un Européen de l'espace Schengen. Lorsque nous opérions a la gare de Gennevilliers, nous ten: tions quand méme d’assurer une sorte d’équilibre pour ne UN MATERIEL DEFAILLANT Sion croit adage selon lequel un bon sommes de bien pietres policies. Nos outils de travail sont en matvais état fechnologigquement depasses et bien vent tellement usages aurilsne ser venta rien, Cestle eas de nos easques les vsieres en Plexiglas sont tellement Pee rayves qu'on ne voit plus au travers CORRE Comme pour este dumatériel, il iut IEE es tivis yon cn vblcnis des nels al atigie Alors on bricole, on se débrouille... Le Soccer is sefendent compte que notre be= pecrrampne is se rende e que SPREE ier» quisert a enfoncer les portes est Soe cn céalite un poteau de stationnement mes, souder des poignets de fortune Mais le systeme D ne marche pas tours on ne peut auand meme pas fabriquer des vltures a pédales! Or nos véhicules de service, des Renault Kangoo ou Pew pas donner I'impression que seuls les non-Européens Gtaient cibléset que nous faisionseffectivementdu contrdle au facies, Alors nouscontrolionsaussiles Européensde pas- sage, en sachant pertinemment qu'il yavail peu dechances que nc parmi eux _geot Expert, sont loin de correspondre Cesvoituressont totalementinadaptéesaux missions ———» ieee bservatoire Patric Jacques DUHAMEL SANTAMARIA LES JOURS Quand le pouvoir D’APRES UE se rere tle eh g les politiques ? +—> des policiers. Pire, a l'heure d’internet et de la communication instantanée, nous disposons d'un systeme radio quin’a pas changéen... vingt-trois ans ! Detail amusant, ilsappelle Acropol. Un nom qui évo- que & lui seul l'Antiquité LE ROLE TROUBLE DES SYNDICATS Au départ, c'est un ancien collégue de Gennevilliers, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler & plusieurs reprises, qui m’a donné envie de prendre une part active dans lesyndicalisme. Il était délégné cher nous, motivé (oui, il y ena !), passait réguligrement & Gennevilliets alors qu’il n'y était plus officiellement affecté et tentait vraiment d’aider les collegues. Im'a demande si cela m'intéresserait de devenir délégué local. J'ai accepté la mission. Comme je ne suis pas de nature & faire les choses & moitié, j'ai fait remonter touslessoucis que nous rencontrions du jour « enfant malade » refusé sans motif, aux problemes d’effectifs ou de matériel, en passant par les dossiers discipli naires... Malheureusement, je n'ai que trop rarement vu des retombées positives de mon action. En paral- lle, j'ai constaté que de jeunes délégués syndicaux bénéficiaient de passe-droit : renforts saisonniers, 154 LEFIGARO MAGAZINE - 3 NOVEMBRE 2017 Manifestation de policiers pie eer een eres pee ayy - Secs mutations facilitées, prise de grade sans avoir T'ancienneté requise. Mon sentiment personnel est que les syndicalistes déta~ chésaplein-tempssont déconnectésduterrain. A forcede ccotoyer les hautes sphéres, ils font trop de compromis, offrent trop de contreparties en échange de la résolution decasindividuels quin’ont rien voir avec 'intérét géné ral des policiers. Loc eyndicats ont pourtant un poids considérable dans lec différentes instances. On peut méme parler de cogestion avec 'administration, avec tous les elfets pervers que cela peut entrainer. Se considérant comme des partenaires privilégiés de l'administration, les syndicats « épar- gnent » a la higrarchie les réelles difficultés que rencon- trent les hommes de terrain. En octobre 2016, j'étais convoqué cher le préfet suite mouvement degrogne ces policiers. Nile prefet nile directeur de la police n’étaient aucourant des problemes que nous reneontrions pourtant depuis belle lurette, Nous avions cependant largement fait [——] remonter ces difficultés aux syndicats¢ Exemple concret « pour les dossierside ‘mutation, nousn’avons plus accés-auye classements a 'issue des décisions, alors que ¢’était Ie cas auparavante moxrearrs cuss pan ‘BUISSON

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