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=CHAMBRE AVEC VUE... wSURLES BAUMETTES | ] J Soe oe sation de la prison, en 2017, les riverains Ree eas eae Tabri des regards, ni du bruit des quelque DE trae emt Se etre reas ment le murd enceinte, les batiments tout neufs des Baumettes2 ont amélioré le Sen es Mere ara eres Se en bag oben 5 emp cont poussé les habitants de ce quartier Perera een tee eae quemurer chez eux. Et 3 réévaluer la SS ee ee Organisés en collectif, ils exigent désor- Pees co eee ee oe eee ae Pere LC) POUR APPELER LES DETENUS AUX FENETRES, LEURS PROCHES KLAXONNENT DE JOUR COMME DE NUIT DE NOTRE ENVOYEE SPECIALE A MARSEILLE EMILIE BLACHERE “est une journée a’été Gtouffante. Robert ‘dgjeune avee sa femme, sur leur balcon, lorsqu'll «Oh! le para- tu vas manger devant nous? Rentre chez toi ou on va s‘oceuper de tafomme!» A 180 metres deux, un détenu des Baumettes les invective derriere ses barreaux. Robert .d0-s'y faire:de sa maison, cet ancien plongeur professionnel, une figure du Quartier, a vue directe sur la prison. Et ses locataires. Les prisonniers qui fument, ceux qui regardent la télé. avec de bonnes jumelles, i pourrait _méme les identifi. Mais, pus que tout, {les entend hurler leur fureur,chanter Aatuo-téte les tubes du hit-parade ct crier leshymnes du Velodrome. « Les soirs de ‘match, pas besoin de regarder les résu- ‘més, on connaft les résultats de TOM.» Robert rit jaune, Jour et nuit, ce sont des discussions interminables ene celles, des échanges flours, des insultes d'un batiment & Pautre, Ex des cris Stridents, sauvages, gutturaux. De rage ou de détiesse, Des anecdotes ‘comme celle-ci, chemin de Morgiou, la ‘grande rue qui longe le centre péniten- Uatre jusqu’a la mer, on nous 1es conte par dizaines. Nous sommes au bout di 1X¢ arrondissement marsellais,au bord des mervelleuses calanques. D'un cOté, Ja garrigue: de Pautre, des habitations, ‘Au milieu, les Baumettes, avec le quar tier des hommes, a environ 180 metres des résidences, et celui des femmes, ‘encore plus prés,a seulement 50 metres, Apostrophes, injures, menaces, Ia ‘musique infernale de Ia prison s'invite directement chez les habitants. Dansles apanis waTCH OU IS AUZIMARS2018 jardins,les salons les chambres. Un jour ot Eliane, 74 ans, étend son linge, elle ‘entend une prévenue err: «Elles sont propres tes culottes! Tu veux pas laver les notres?» La Marsellaise hausse les épaules. «C'est notre quotidien, ditelle. Au lieu de mettre les cellules 816 colline, elles sont sournées vers nous. Nous voyons vivre les détenus, ct ils voient chez nous!» Pour certains prisonniers. cette nouvelle promis- eulté est une distraction. D'autres se prolgent du eayuuid et des repaid avec des serviettes ou des tee-shirts, Pour les riverains, c'est un cauchemar. ‘Anne et Eric, jeunes retraités, sont aux premidres loges. Oubligs les barbecues, les diners en famille ou centre amis Sur leur terrasse. Eté comme hiver, le couple vit fenétres fermées et, dans la cuisine, volets tirés & moi- tig, « Nous avons emménagé ici en 1997 et, jusqu’alors, nous aVavions aucun probleme. Mais depuis le 15 mai 2017 est insupportable!» Leurs volsins ont installé la climatisation, Certains ont condamné leur piseine. Ceux ui osent encore se baigner se {ont insulter. Les jeunes filles cen jupe aussi. D’autres ont construit des palissades etdes ‘murs en brique. Barricades «Nous sommes prisonniers de cette situation, sindigne Erie. Cest dramatique, on ne peut plus rien faire chez nous!> Vivre au pied des Baumettes n'a jamais été tres drole, mais jusqu’a une Epoque récente, au moins,c’était «tran- quille», expliquent les riverains en appuyant, a dossein, sur chaque syllabe. Enjuillet 2013, tout hascule. Les travaux de démolition puis de rénovation des See ree cae dee eee cca Baumettes sont lancés. Ile fallait. Les murs historiques inaugurés en 1936 Staient vétustes et insalubres. En 2009, Paris Match avatraconté enfer de cette taule singulieve, Un surveillant décrivait le ciment des coursives, si poisseux quill colle a la semelle. Et Fodeur, mélange Are de moisi,desueur de cendre deci rotte, de crasso et de boutfe en décom- position. «Bosser ici, confiait-il, c'est comme passer sa journée au cul d'un camion poubelle.» Pendant des années, e coulsGleus yéugial des prisaus~ dr lamission est de s'assurer du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté — a crtigué Etat et les conditions inhumaines de détention, dénoneé la surpopulation, Vinsalubrité, les rats, Jes douches crasseuses... Etat 1 décidé de raser progressivement et de refonder les Baumettes. En 2012, Agence publique pour limmobilier de Injustice (Apij),chargée de reconstruire le centre pénitentiaire, présente le pro- ‘«Baumettes 2» au maire et aux rive rains. «Sur le papier, "était rassurant, Le projet s‘engageait sur un batiment de quatre étages. Laile des hommes ena six jurentils en cheur. Trois ans et des tonnes de poussiere plus tard, lassitude et exaspération marquent leurs traits Une colére quine vise niles prisonniers niles surveillants,mais administration. Lionel Royer-Perreaut, maire des [X° et X* arrondissements, dit aujourd'hui avoir 616 «tromps. Paris Match s'est procuré les {7 pages du document de IApij, bourré [pe fo nee ee rere Tene eee ae eer [ear erate ee a es rt ae aberrations, Concernant les ailes réser- véesaux femmesil yest écrit que le bati- ‘ment le plus proche des habitations est aussi «le moins bruyant. En effet es pro- fils des détenues femmes en centre péni- temtiaire sont globalement plus calmes que les profils hommes. Lesstéréotypes ont pas résisté a Pépreuve de réalité Les prisonnires se montrent aussi volu- biles et criardes que les hommes, hélant badauds et riverains qu'elles voient passer sous leur nez. Les experts afit~ maient encore que Te «niveau sonore de référence du ste, c'est--dire le niveau ambiant», est 8 45 décibels soit le bruit courant dans un appartement sur rue... Cet aprés-midi de mars, ‘une radio musicale résonne depuis une cellule. Le volume fond, on dirait quil_y a une fte dans le quartic. Le projet s’engageait 6galement & ne pas dépasser ‘ pour que la majo- Hig des bitiments «évite ainsi des vues diroctes sur les habitations voisines»

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