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45 LE SYSTEME AUDITIF OREILLE EXTERNE Les ondes acoustiques arrivant au pavilion de loreille pénétrent dans le conduit auditif extemne et font vibrer la membrane tympanique. OREILLE MOYENNE Loreille moyenne, cavité aérienne, comporte le tympan et la chaine des osselets. Ces demiers transmettent les vibrations du tympan jusqu’a entrée de loreille interne. Loreille moyenne communique avec le pharynx par la trompe d’Eustache. OREILLE INTERNE Loreille interne comporte 2 systémes sensoriels : + Fappareil vestibulaire, composé de 3 canaux semi-circulaires, est 'organe de 'équilibre. II ne sera pas étudié ici. * la cochiée, structure tubulaire en forme de colimacon, abrite les cellules sensorielles de l'audition,en milieu liquide. Les vibrations, transmises au liquide, activent les cellules sensorielles (organe de Corti) qui assurent la transduction en signaux nerveux. VOIES NERVEUSES Le nerf cochléaire conduit les potentiels d'action au cortex auditif. AUDITION BINAURALE Le repérage de la source d’un son (ou d'un bruit) met en jeu les 2 oreilles. Le cortex interpréte les signaux légérement différents qui proviennent de chaque oreille. Cette fonction binaurale ne sera pas étudiée ici 46 pavilion L’ APPAREIL AUDITIF : schémas ‘scone } na Siriee a conduit audi extorne smn dtympan fad ON Tei trompe d'Eustache Schéma général de |' appareil auditif Attention : les dimensions anatomiques ne sont pas respectées d'aprés A AURENGO Biophysique (1997) Le tympan . a) face interne : insertion du manche du marteau et courbes d’égale amplitude de vibrations b) profil : forme conique et insertion du manche du marteau daprés M. BURGEAT Physique et Biophysique T3 (1973) 47 OREILLE EXTERNE — OREILLE MOYENNE L/OREILLE- EXTERNE + Le pavillon est une structure cartilagineuse dont les reliefs contribuent a capter les vibrations acoustiques et a les conduire vers le conduit auditif. * Dans le conduit auditif externe (environ 25 mm) se produisent des phénoménes de résonance qui entrainent une amplification d'environ 20 dB pour les sons de fréquences comprises entre 2000 et 5000 Hz. Les cellules qui tapissent le conduit sécrétent le cérumen. LE TYMPAN Le capteur des vibrations aériennes est le tympan, séparant le conduit exteme de la caisse du tympan. II est suivi par la chaine des osselets. Le tympan est une membrane fibreuse (diamétre 8 A 10 mm), de forme conique (voir schéma); sur sa face interne est fixé le manche du marteau (1% osselet). Les vibrations de la membrane tympanique sont liées, en fréquence et en amplitude, aux vibrations acoustiques. Les mouvements qui animent le tympan sont de faible amplitude ; ainsi pour un son de 1000 Hz de Fordre de 0,1 nanométre au seul de Yaudiion - de ordre de 1 micrométre au seuil douloureux. LA CAISSE DU TYMPAN ET LA TROMPE D’EUSTACHE Loreille moyenne, composée de la chaine tympano-ossiculaire est logée dans la caisse du tympan. Cette cavité aérienne rentre en communication avec l'air extérieur par la Trompe d’Eustache qui aboutit au pharynx. La communication se fait par une valve qui s‘ouvre lors de la déglutition Pour que le tympan vibre dans des conditions optimales, il est trés important que les pressions soient équilibrées sur ses 2 faces, donc identiques a la pression 48 Oreille Oreille Oreille ain iarne Transmission Adaptateur | Transmission dens les dans J'ai d'impédance | liquides labyrinthiques Aavillon CAE je Vibrations dee Deformation des cis localisation — ampliicatian | be chain hy cane basibire des cellules cilides des sons pressionnelle ire mehseur sitio’, ie erie de frdpence) ovation des potetiels Schéma fonctionnel de rappareil auditif (cochiée déroulée) Draprés D. Le Poncin-Charachon audition. Cahiers Bailliére (1981) OREILLE MOYENNE 1 : Arrivée de onde sonore par le conduit auditif externe ; 2 : membrane tympa- nique dans laquelle est inclus le manche du marteau ; 3 : chaine ossiculaire comprenant de dehors en dedans : le marteau, enclume et 'étrier ; 4 : fenétre ovale dans laquelle s‘enfonce la platine de I’étrier et dont fa surface est environ 20 fois moindre que celle de la membrane tympanique ; 5 : membrane basilaire sur laquelle repose rorgane de Corti ; 6 : rampe vestibulaire ; 7 : hélicotréma faisant communiquer rampe vestibulaire et rampe tympanique (8] fenétre ronde fermée par une membrane élastique ; 10 : trompe d'Eustache ; 11 : muscle du marteau : 12 : muscle de létrier. (ou muscle stapécien’, Diaprés D. Le Poncin-Charachon audition. Cahiers Bailiére (1981) 49 atmosphérique extérieure. C'est le réle de la Trompe d’Eustache de réaliser cet équilibre eris‘ouvrant lors des déglutitions-(réflexes ou volontaires). i N.B. Lors d'une montée rapide en altitude, par exemple, Yoreille externe se trouve en dépression et le tympan peut devenir douloureux. La déglutition rétabiit égalisation entre la pression de la caisse du tympan et la pression extérieure. LES OSSELETS : STRUCTURES, FONCTIONS Structures * le marteau, solidaire du tympan * Tenclume * l'étrier, solidaire de la fenétre ovale ; les mouvement de I’étrier sont contr6lés par le muscle stapédien. Fonction de transmission mécanique Les 3 osselets sont articulés de telle fagon que les vibrations du tympan sont transmises 4 la fenétre ovale. Les vibrations de cette derniére mettent en mouvement le liquide cochiéaire. Fonction d’amplification La transmission mécanique se fait avec un gain sur l'amplitude du signal ; cette fonction est détaillée ci-dessous. Dans les cas pathologiques qui conduisent a la disparition de cette fonction, on assiste 4 une élévation du seuil absolu d’audition de 25 a 30 dB, surtout dans les fréquences basses. Ce sont les surdités de transmission. 50 ADAPTATION D'IMPEDANCE Interface directe air—eau Si le tympan réalisait directement l'interface entre lair extérieur et le milieu liquide de la cochiée, on observerait le phénoméne d’écho décrit pages 20-22. Le calcul suivant Montre que cette interface ne transmettrait que 0,1 % de T'intensité acoustique incidente. Le rapport de lintensité transmise a fintensité incidente est donné par It = 421 22. Ke @r+z2y avec Z; (air) = 400uS.I. et Z, (eau salée) = 1,6. 10° uS.l i vient : 1, /T,= 10° Adaptation d’impédance Loreille moyenne constitue un compartiment intermédiaire dans lequel s‘effectue «!'adaptation dimpédance ». Ce phénoméne atténue Ieffet de « barrage » da a la grande différence d'impédance entre les 2 milieux. II repose sur 'amplification du signal réalisée par la chaine des osselets et qui permet d’augmenter le rapport de transmission de 0,1 % a environ 50 %. tympan OR. MOYENNE fenétre ovale AIR Marteau -- enclume — étrier = LIQUIDE AIR ; vibration " transmission mécanique AMPLI mécanique 51 AMPLIFICATION DU SIGNAL. ¥ liquide pression p2 d'aprés A. AURENGO axe Biophysique (1997) Le tympan, la chaine des osselets et Ia fenétre ovale constituent un systme mécanique amplificateur schématisé ci-dessus (cf. page précédente). Pression sur le tympan : p: = fi / a1 Blbya pr fi * az Pression sur la fenétre ovale : pz = fe / a2 Estimation compte-tenu des valeurs numériques moyennes pour l'oreille humaine : ; 2 ai. 50 4.90 mm? _49 _ 50 a2 2a 4mm » De plus, il existe un effet levier entre les osselets tel que Ff = 1,3 Le rapport d'amplification pour les pressions est done de ordre de =20425 Or, l'intensité acoustique est proportionnelle au carré de la pression. Le rapport d’amplification en intensité est donc de l'ordre de 500, ce qui fait passer le rapport de transmission de 0,1 % & 50 % environ. 52 PERTE DE LA FONCTION D’AMPLIFICATION Si, pour des raisons pathologiques, la fonction d’amplification est totalement perdue, Fintensité acoustique recueillie par la fenétre ovale est, d’aprés le calcul précédent, environ 500 fois plus faible que ce qu'elle devrait étre normalement. Il en résulte donc une élévation théorique du seuil d'audition de 2,7 Bel (log 500 = 2,7), soit 27 dB. C'est ce que l'on constate dans les cas de surdité touchant oreille moyenne (surdités de transmission), ou la perte d'audition est de l'ordre de 25 4 30 dB. REFLEXE STAPEDIEN Ala téte de 'étrier est inséré le muscle stapédien dont rautre extrémité est fixée a los de la caisse du tympan. Sous 'effet d'un fort stimulus sonore (a partir de 70-80 dB), ce muscle se contracte, ce quia pour effet d’amortir les mouvements de I’étrier et donc de protéger la cochiée contre des impulsions trop intenses (la cochlée contient les cellules sensorielles, trés fragiles).. Ce réflexe se déclenche principalement pour des stimuli de basse fréquence. Latténuation est de l'ordre de 20 dB. Cependant, leffet protecteur de ce réfiexe est limité. D'une part, il intervient avec un délai de 50 a 100 millisecondes, ce qui est inefficace contre des bruits soudains. Diautre part, lorsque le stimulus se prolonge, la protection devient également inefficace au bout de quelques minutes, car le muscle est fatigable. Le L’ OREILLE INTERNE SYSTEME VESTIBULAIRE COCHLEE Fenétre onde Apex 53 COCHLEE : coupe axiale on k Rampe angion Ne ‘ympanique spiral cochiéaire so d'aprés A.C. GUYTON Physiologie Médicale (2003) COCHLEE DEROULEE Cochise éroulée daprés MF. BEAR et al. Neurosciences (1999) 55 LA COCHLEE : ANATOMIE FONCTIONNELLE La cochiée’ abrite les cellules sensorielles de l'audition, en milieu liquide. Les vibrations, transmises au liquide, activent les cellules sensorielles (organe de Corti) qui assurent la transduction en signaux nerveux. LE TUBE COCHLEAIRE Loreille interne est enchassée dans une cavité de os temporal. La cochlée est une structure hélicoidale, enroulée sur 2,5 tours, limitée par une paroi osseuse. A Fintérieur de cette paroi est logé le tube cochléaire, composé de 3 canaux accolés, qui contiennent des milieux liquides. Pour comprendre Vorganisation de ces canaux, il est nécessaire de se reporter aux différents schémas représentant le tube cochiéaire d'une part en coupe transversale, dautre part en coupe longitudinale. Dans un souci de clarté, il est classique de représenter la cochlée « déroulée » (environ 35 mm de long). Les extrémités de la cochlée sont appelées base et apex. 56 COCHLEE : LES 3 CANAUX canal cochléaire Rampe vestibulaire Rampe tympanique ‘Organe de Cont Membrane basiare oe daprés L. SHERWOOD “7 Physiologie humaine (2000) Mombrane de Relesner canal Coupe transversale eee dlaprés AC. GUYTON Physiologie Médicale (2003) Membrane basilare 57 LES 3 CANAUX ET LES 2 LIQUIDES Le canal cochléaire contient I'endolymphe, liquide trés riche en potassium qui baigne I'extrémité ciliée des cellules sensorielles de lorgane de Corti. L’endolymphe est secrétée par les cellules qui tapissent la paroi externe du canal : la strie vasculaire. Cette zone comporte aussi un important réseau de capillaires sanguins. Le canal cochiéaire ne communique pas avec les 2 autres. Les rampes tympaniques et vestibulaires contiennent la périlymphe, pauvre en potassium et riche en sodium. Il existe des communications avec le liquide céphalo-rachidien et le réseau capillaire plasmatique, qui expliquent la provenance de la périlymphe. Ces 2 canaux communiquent par un passage trés étroit, 'hélicotréme (ou hélicotrema), situé a I'apex de la cochlée. MOUVEMENTS DES LIQUIDES En faisant vibrer la fenétre ovale, l'étrier transmet les ondes acoustiques a la périlymphe contenue dans la rampe vestibulaire. Ces ondes de pression se propagent dans toute la colonne liquide car il n'y a pas de possibilité d’expansion du tube cochléaire, sauf au niveau de la fenétre ronde. En se propageant de la base a I'apex du tube cochiéaire, les ondes de pression font vibrer les structures contenues dans le canal cochléaire : la membrane basilaire et Vorgane de Corti qui contient les cellules sensorielles ciliées. Ces mouvements seront étudiés de fagon trés détaillée car ils sont a l'origine de la transduction des signaux acoustiques en signaux nerveux. 58 MEMBRANE BASILAIRE : structure 3,000 Hz APEX Extromité large, flexible dela membrane basi présdethatconeme Yea 4,000 Hz 5,000 Hz d'aprés L. SHERWOOD Physiologie humaine (2000) Membrane basilaire enroulée (les fréquences indiquées sont liées 4 la tonotopie ) rampe vestibulaire GEA C3 APEX héticotréma G rampe tympanique FO: fenstre ovale FR: fenatre ronde d'aprés A AURENGO. Biophysique (1997) Membrane basilaire déroulée 59 LA MEMBRANE BASILAIRE La membrane basilaire (MB) est le support de lorgane de Corti. Pour une méilleure lisibilité, les schémas représentant la MB font abstraction de organe de Corti. STRUCTURE La structure particuliére de la MB explique sa fonction de résonance passive : * sa longueur est d’environ 32 mm * sa largeur croft de la base (0,04 mm) au sommet (0.40 mm) * elle est composée de fibres qui la rendent plus épaisse et plus rigide a la base, plus mince et plus flexible au sommet. Uélasticité varie dans un rapport de 1 a 100 de la base a l'apex. VIBRATIONS DE LA MB ~ RESONANCE PASSIVE — TONOTOPIE Les ondes de pression transmises par la fenétre ovale a la périlymphe, font vibrer la MB. Les travaux menés par Georg von Bekesy a 'université d’Harvard (prix Nobel en 1960) ont permis d’élucider le réle de la MB dans la transmission des ondes sonores. A aide de. cochlées prélevées sur des cadavres, von Bekesy a montré qu'un stimulus auditif déclenche une vibration qui se déplace de la base a I'apex de la MB, avec une amplitude croissante et maximale en un point qui est fonction de la fréquence du stimulus. La localisation de cette amplitude maximale sur la membrane est liée aux propriétés physiques de la MB en ce point (largeur, épaisseur, rigidité/élasticité). Ainsi, la MB joue le réle de résonateur en amplifiant le signal. La résonance est e de passive puisqu'elle ne dépend que de la structure de la MB et n'exige quali pas d'apport d’énergie. Etant donné que les prop: de la base & 'apex, chacune des zones va répondre de fagon privilégiée a une bande de fréquence particuliére : c'est la tonotopie (accord entre la fréquence et le tés physiques de la MB évoluent lieu). MEMBRANE BASILAIRE : résonance, tonotopie BASE APEX — AAV fv i A ft) SILI Lorsqu’un son sinusoidal parvient dans la cochlée, le mouvement de la membrane basilaire présente un maximum en une position d’autant plus apicale que la fréquence du son est basse. En cette position, la membrane basilaire, dont la largeur et 'épaisseur varient de maniére progressive de la base I'apex de la cochlée, entre en résonance & la fréquence du son (diagramme du haut). Une composante sinusoidale de fréquence plus élevée donne donc un maximum de vibration plus basale (diagramme du milieu). Un son complexe périodique qui est formé par la superposition de deux ou plusieurs sinusoides, donne un pattern de vibration de la membrane basilaire qui est aisément prévisible a partir de analyse de Fourier du son, et de la connaissance des patterns en réponse aux sons sinusoidaux (en bas). Diaprés P. AVAN Exploration fonctionnelle objective des voies auditives (1997) 61 Les points qui répondent aux fréquences élevées sont a la base de la MB (structure épaisse, rigide), ceux qui répondent aux basses fréquences sont a apex (structure fine, flexible), Dans le cas d'un son complexe, les différentes composantes sont analysées séparément selon fours fréquences individuelles. Par la tonotopie, la MB réalise donc un codage des fréquences des stimulus sonores. II est remarquable que ce codage des fréquences par tonotopie se poursuit a travers les étapes suivantes du processus auditif, jusqu’aux centres corticaux. L'amplitude du signal est codée par ‘amplitude de la vibration de la MB. Fréquence produisant Haute fréquence Basse fréquence —_la déformation maximale Réponse de la membrane basilaire aux stimulations sonores. La cochiée est a nouveau repré- sentée déroulée. (a) Les sons de haute fréquence produisent une onde qui va se propager sur la membrane basilaire, mais qui s'atténuera trés vite dans la partie étroite et rigide de la membrane. (b) Les sons de basse fréquence produisent une onde qui va se propager jusqu’a lextrémité de la membrane, au niveau de l'apex, avant de se dissiper. La déformation de la membrane est ici forte- ment exagérée, pour une meilleure illustration du phénomne. (c) A chaque endroit de la membrane correspond une fréquence qui produit une déflexion maximale. diaprés MF. BEAR et al Neurosciences (1999) 62 ORGANE DE CORTI (6161) €1 eneuosues enbishydorg - .vaoune Ww sedep ‘2914909 e| ap ejesiensuen ednoo SNDINVAWAL Saves ue op jauun 9 siomg 9101201925 ouesquoy, aNIVINGLLS3A awe uIVTHOOO TWNYO 63 ORGANE DE CORT! - TRANSDUCTION ORGANE DE CORTI : Cellules ciliées Lorgane de Corti repose sur la membrane basilaire ; il est donc soumis a ses mouvements. Les composantes essentielles de l'organe de Corti sont les cellules ciliées : cellules ciliées internes (CCI) et externes (CCE). Ces cellules sont enchassées, a leur base, dans un tissu de soutien : les cellules de Deiters. Leur extrémité apicale est couverte par une fine membrane continue : la lame réticulaire, d’o émergent des cils rigides. Cet ensemble est recouvert par une membrane épaisse et gélatineuse : la membrane tectoriale. Les piliers de Corti délimitent le tunnel de Corti, de section triangulaire. Ces piliers séparent, du c6té interme, une seule rangée de CCI, et du cété externe, 3 rangées de CCE. Dans une cochlée humaine, on dénombre environ 3500 CCI et de 10 a 15000 CCE. Les 4 rangées de cellules ciliées sont continues depuis la base jusqu’a apex de la cochiée. II faut noter que ces cellules sont peu nombreuses, trés fragiles et qu’elles ne se reproduisent pas. Ces 2 types de cellules ciliées ont des fonctions bien différenciées qui seront détaillées plus loin. Innervation A tissue de la transduction, le signal auditif est transmis par les CCI aux fibres du nerf cochiéaire (celui-ci forme, avec le nerf vestibulaire, le Ville nerf cranien). Los CCE regoivent des signaux du systéme nerveux central par des voies efférentes ; cet aspect de innervation ne sera pas traité, 64 LES CELLULES CILIEES membrane tectoriale Cellules ciliées ORGANE DE CORTI, coupe transversale La membrane tectoriale est rendue transparente sur ce schéma, de fagon a laisser apparaitre I’ implantation des stéréocils. Diaprés L. COLLET et S. CHERY-CROZE. Les Acouphénes. Dossier Pour la Science (2003) 65 TRANSDUCTION : schéma d’ ensemble Inclinaison des stéréocils Entrée de potassium Dépolarisation des CCE et des CCI Déplacement des stéréocils CCE : Amplification du signal CCI : transmission du signal @ la fibre nerveuse COUPLAGE CCE - CCI 66 STEREOCLLS : structure Rangées de cils vues dessus (la membrane tectoriale a été supprimée ) daprés R. PUJOL Le traitement du son Le monde des sons Dossier Pour la Science (2001) Lame réticulaire Rangées de cils (CCE ) vues debout dlaprés R. PUJOL Le traitement du son Le monde des sons Dossier Pour la Science (2001) Endolymphe a | Péle apical d'une cellule ciliée réticulaire d'aprés MF. BEAR et al Neurosciences (1999) 67 LES STEREOCILS ~ TRANSDUCTION MECANO-ELECTRIQUE Les fonctions des cellules ciliées sont directement liées aux cils qu’elles portent a leur sommet (on les appelle stéréocils car ils sont liés entre eux et fonctionnent simultanément). Les connaissances liées aux cellules ciliées ont été acquises a partir des années 1980. Structure Les stéréocils, de structure rigide, sont disposés sur 3 rangs, rectilignes pour les CCI, en forme de V pour les CCE. Ces 3 rangs sont de longueurs inégales (court, moyen, long) et les cils sont reliés entre eux, a leur extrémité, par des filaments d’élastine (voir porte également un canal potassique. Les cils les plus schéma). Leur extra longs sont plantés dans la membrane tectoriale. Longueur des cils : de 12 8 um. Diamétre : de 0,4 0,3 um: Dynamique (voir schéma) Les mouvements de la membrane basilaire entrainent 'ensemble des cellules de Deiters, des cellules ciliées et des stéréocils plantés dans la membrane tectoriale. Celle-ci étant fixe, les stéréocils subissent un mouvement de cisaillement entre la lame réticulaire et la membrane tectoriale. L’amplitude de l'inclinaison (ou déflexion) des cils est liée a celle du signal sonore. Ex: Au seuil de audition, la défiexion au sommet des cils est de ordre du nanométre (dimension atomique) ; le maximum est de ordre de 60 nm, Défiexion des cils en fonction des mouvements de la MB D’aprés P. AVAN Exploration fonctionnetle objective des voies auditives (1997) ue 68 STEREOCILS : dynamique Déiplacement os stéréocls ee (@) Collies ciiées Membrane Pilors Catto cite (by Mombrane baslare extemes ——basilake —deCoti_ interne déplacée vers fo haut Mouvements des stéréocils produits par le déplacement de la membrane basilaire ( coupe transversale de l'organe de Corti ) NB : Les cellules de Deiters ont été supprimées sur ce schéma (a) au repos (b) en mouvement daprés M.F. BEAR. Neurosciences (1999) Les mouvements des fenétres, des liguides et des membranes de la cochlée F. O. : fenétre ovale; F. R. :fenétre ronde ; R. V. : rampe vestibulaire ; R. T. : rampe tympanique ; C. C. : canal cochiéaire; M. R. : membrane de Reissner; M. B. : mem brane basilaire; H. : hélicotréma. M.T. : membrane tectoriale. c'aprés M. BURGEAT Physique et Biophysique T3 (1973) 63 Entrée de potassium Linclinaison des cils entraine ouverture des canaux potassiques qui laisse entrer des ions K’, étant donné le gradient de concentration (concentration plus élevée dans Vendolymphe). Cette modification du potentiel de membrane (dépolarisation) constitue une stimulation pour la cellule ciliée qui la regoit. Elle est suivie d’effets différents pour la CCE et la CCI. Conclusion : transduction mécano-électrique Les stéréocils transforment donc des impulsions mécaniques (liées au signal sonore) en modification de potentiel membranaire : c'est la 1** étape de la transduction mécano-électrique. STEREOCILS : entrée de potassium Canal potassique sensible aux stimulations mécaniques Stéréocil UL inclinaison des stéréocils produit l'ouverture des canaux et 'entrée de potassium daprés M.F. BEAR. Neurosciences (1999) 70 CELLULES CILIEES EXTERNES INHIBITION EXPERIMENTALE Réponse normale (avec amplification cochiéaire) Membrane basilaire Réponse enregistrée Pendant administration 0 furosémide (sans ampitication cochiéaire) Base L’ administration de furosémide inhibe activation des CCE, donc la résonance active. dlaprés MF. BEAR. Neurosciences (1999) ACTIVATION DES PROTEINES MOTRICES Membrane tectoriale Lame réticulaire Protéines motrices (forme développée) Protéines motrices (forme ‘compacte) Membrane basilaire Les changements conformationnels des CCE accentuent les mouvements de la MB, ce qui correspond au processus d’amplification cochiéaire. daprés MF. BEAR, Neurosciences (1999) 71 CELLULES CILIEES EXTERNES (CCE): AMPLIFICATION DU SIGNAL, RESONANCE ACTIVE Inhibition expérimentale des CCE En 1991, M. Ruggero et N. Rich (University of Minnesota) ont mis en évidence le réle des CCE en supprimant sélectivement leur activité. Un puissant diurétique, le furosémide, était administré & des animaux a doses toxiques. Cet inhibiteur de certains transports ioniques supprime Tactivation des CCE. Cet effet a deux conséquences qui se manifestent aussi chez des patients dont les CCE sont endommagées : ™ le seuil de réponse de la cochiée a un signal sonore augmente d’environ 40 dB. ™ la sélectivité fréquentielle est trés diminuée (confusion des fréquences, mauvaise compréhension de la voix parlée). Activité motrice des CCE Les CCE sont douées d'une activité motrice due aux protéines (actine, myosine) présentes dans leur membrane. Lorsque les CCE sont activées par I'entrée du K”, ces protéines motrices mettent la cellule en mouvement par élongations et contractions alternées. La cellule étant solidaire de la membrane basilaire, elle accentue les mouvements de cette demiére. On appelle cet effet amplificateur résonance active {active puisqu’elle met en jeu énergie des CCE). Elle produit 2 effets : * elle renforce puissamment la résonance passive de la membrane basilaire. * elle contribue fortement a [analyse des fréquences en augmentant la précision de la tonotopie. La résonance active des CCE est une étape importante de la transduction en facilitant l'activation des CCI et en la rendant plus efficace en sélectivité fréquentielle. 72 Mouvement ] <_Mowement CELLULES CILIEES INTERNES K* (endolymphe) Canal kt cat Pompe a Ca . Canal k* Potentiols Con Ca2*-dépendant| de récepteur Kt. “ x ae Terminaison norveuse afférente daprés D. RICHARD ‘Neurophysiologie (1994) cc g 1 neurone (Q) (ganglion Recueil des potentiels spiral) d'action | d'aprés MF. BEAR. ‘Neurosciences (1999) 73 CELLULES CILIEES INTERNES (CCl) ~ POTENTIEL DE RECEPTEUR Les CCI sont les cellules sensorielles : ce sont elles qui donnent naissance au signal nerveux, Couplage CCE - CCI ll existe un couplage entre les mouvements des CCE et l'activation des CCI situées sur une méme ligne transversale de l'organe de Corfi. Pour un signal de fréquence donnée, la résonance active réalisée par les CCE sur un site précis de la cochiée facilite l'activation d'une ou de quelques CCI en cet endroit. Activation des CCI — Potentiel de récepteur Une CCI est activée selon le mécanisme décrit précédemment. Lentrée de K* entraine une dépolarisation dans la zone apicale de la cellule (potentiel de récepteur) Celle-ci induit une entrée d'ions Ca®* (dans la zone latéro-basale) qui commande la libération d'un neuromédiateur dans la fente synaptique, A la base de la cellule Le K" est reoyclé vers d’endolymphe par un mécanisme qui ne sera pas exposé ici ACTIVATION DES FIBRES NERVEUSES Le neuromédiateur libéré active la terminaison du 1* neurone dont le corps cellulaire se trouve dans le ganglion spiral. Les fibres issues de ce ganglion forment le nerf auditif (ou nerf Vill) qui pénétre dans le trone cérébrai. Les potentiels d'action prennent naissance sur ces fibres. Les informations intensité et fréquence sont codées et transmises jusqu’au cortex auditif. FRAGILITE DES CELLULES CILIEES Les descriptions précédentes montrent que les cellules et leurs cils sont extrémement fragiles, surtout les CCE. Les principaux effets des traumatismes et des substances ototoxiques seront décrits dans le chapitre (éléments de pathologie). 74 CODAGE DE L’ INTENSITE Cellule: ciliée interne: 3 } cetues du ganglion spiral Nerf auditif Innervation d’ une CCI d'aprés M.F. BEAR. Neurosciences (1999) taux (PA/s) 100] niveau (dB) 0 20 40.60 80 100 120 Spécialisation des fibres du nerf auditif 1. Fibre codant pour les faibles intensités 2. Fibre codant pour les fortes intensités D'aprés P. AVAN Exploration fonctionnelle objective des voies auditives (1997) 75 CODAGE DU SIGNAL AUDITIF DANS LES VOIES NERVEUSES Les deux paramétres essentiels 4 coder sont : la fréquence du signal et son intensité. De nombreux aspects du codage sont encore mal connus ; on n’en retiendra que les grands principes,de facon trés simpiifiée. CODAGE DE L'INTENSITE Linformation « intensité du signal auditif », conservée depuis larrivée au tympan, est finalement traduite par 'amplitude du potentiel de récepteur. Codage par la fréquence des Potentiels d’Action On sait que amplitude des potentiels de récepteur_est codée en fréquence des. PA. Or, 'étendue des intensités (niveaux de 0 120 dB) est telle que les cadences des PA ne peuvent pas augmenter dans de telles proportions : il y a saturation (limite : 100 500 PAVs selon les fibres). Il existe donc simultanément une autre forme de codage. Codage par spécialisation des fibres nerveuses On remarque que chaque CCI fait synapse avec, en moyenne, une dizaine de fibres nerveuses. Chacune des fibres est spécialisée dans le recueil d'une gamme d’amplitude de signal (voir schéma). Certains neurones répondent & des niveaux diintensité trés faibles et d’autres ont des seuils & 40, 50 ou 70 dB (voir schéma). Les messages peuvent aussi étre véhiculés par association de plusieurs fibres. 76 CODAGE DE LA FREQUENCE Apex Fréquence Antérieur caractéristique ~ ~ Cochiée Coltules ciliées @oy Membrane \ basiaire He © a\ a | } @ ® @ Base Ganglion Nerf eee Noyau spiral auditit Postérieur cochiéaire Représentation tonotopique au niveau de la membrane basilaire et du noyau cochiéaire. De la base & apex de la cochie, la réponse de la membrane basiiaire varie avec la fréquence du son; la base étant plus sensible aux hautes fréquences, et 'apex, aux basses fréquences. Cette tonoto- pie est préservée dans le nerf auditif et le noyau cochiéaire. A ce niveau, il existe des populations de neurones présentant les mémes fréquences caractérstiques; les fréquences caractéristiques diminuent_. progressivement, des parties postérieures aux régions antérieures du noyau, daprés M.F. BEAR. Neurosciences (1999) ~ cortex audit inaire Organisation tonotopique du cortex auditif primaire (lobe temporal ) daprés MF. BEAR Neurosciences (1999) ae CODAGE DE LA FREQUENCE Tonotopie le long des voies nerveuses Pour un signal de fréquence donnée, on a vu que la vibration de la membrane basilaire était particuliérement intense en un point particulier. A cette resonance tonotopique de la MB sont liées également les réponses des CCE et des CCI activées au méme niveau de la MB. il en résulte que le codage tonotopique se poursuit aussi par les fibres nerveuses issues des CCI et, a travers les voies nerveuses, jusqu’au cortex auditif (voir schémas). Les fibres du nerf VIII sont donc chacune dédiées a la conduction d'une bande étroite de fréquences. Cette organisation tonotopique a été mise en évidence expérimentalement par enregistrement des réponses individuelles des fibres (courbe d'accord). 78 CODAGE DE LA FREQUENCE dB H i ! seuil de réponse fréquence caractéristique @ La courbe d'accord en fréquence de ce neurone montre que le seuil minimum de réponse est obtenu a 8 kHz, qui est donc la fréquence caractéristique du neurone, et est aussi la fréquence de résonance de l'endroit de la cochiée d’oti il provient. Le seuil de réponse, qui se traduit par une augmentation juste détectable du taux de potentiels d'action, par rapport au taux spontané en l'absence de stimulus, est détecté autour de 20 dB - Si l'intensité de stimulation augmente au-dela de 80 dB environ (trait en pointillés), le neurone répond alors aussi a des stimuli de basse fréquence : sa courbe d'accord pré- sente une queue basses fréquences. Diaprés P. AVAN Exploration fonctionnelle objective des voies auditives (1997) 79 Courbe d’accord La courbe d’accord est la courbe de réponse d'une seule fibre nerveuse obtenue pour des sons purs de fréquences fixées, avec des niveaux diintensité croissants. Cette courbe repose donc sur le méme principe que ia courbe de seuils absolus construites partir des perceptions d'un individu (voir plus haut). Dans le cas présent, c'est la courbe de seuils absolus d'une fibre isolée. Ces courbes sont le résultat d’expérimentations menées le plus souvent chez le chat. Les réponses sont objectives puisque ce sont les potentiels d’action que l'on recueille au moyen d'une micro-électrode. On constate que chaque fibre répond spécifiquement & une bande trés étroite de fréquence. Cette spécialisation repond a Vorganisation tonotopique déja décrite : hautes fréquences pour les fibres issues de la base de la cochlée, puis fréquences décroissantes jusqu’a l'apex de la cochlée. ae _ 8} ot the lo ) ay fibres proches : Y Oo 01 02 05 1 2 5 10 20 kHz Courbes d’accord de 3 fibres individuelles du nerf auditif chez le chat Diapres M.C. BOTTE et al. Psychoacoustique (1988) 80 VOIES AUDITIVES Le cortex auditif primaire est situé dans la partie supérieure du lobe temporal S coticulas intérieur Noyau cochiéaire dorsal | — latéral supérieure Ganglion spiral Principaux relais 4 3 niveaux de coupe de I’ encéphale d'aprés M.F. BEAR. Neurosciences (1999) ALTERATIONS DE LA FONCTION AUDITIVE AUDIOMETRIE TONALE LIMINAIRE SIGNAL | SONORE OREILLE EXTERNE ~ 1 povilon be ore | Cenc aa onrne 4 HYPORCOUSIE 4 oe s [oneuremovenne ———SSSSY TrAsuission 5 sympan | g systbme ossiclire g Sompe oeuache ea 7 \3 ; — t cvaoseciae COCHLEE i sate cides extes HvPoACOUSIE I senuns clies tomes te x penceerion A treo [Gennes avornes coréanax +) S TFOACOUSIE CENTRALE Types de surdité selon le niveau d'atteinte d'aprés P. COURTAT. Explorations fonctionnelies en ORL (1994) 81 PRESBYACOUSIE 140 48, a 130 d8 i 120 68 = i 110.48; 100.48 SO seul de ta 90 08 =F Z douleur ( 80 ans) 80 cB = 7068 seuil (80 ans ) I T seuil de la -|~ douleur(N) 60 dB 50 dB 4008 3008 20.48 |-— 1068 odB 10.48 31 62 425-250-500 4900 2000 4000 8000 Hz { seuil (60 ans ) seul N Presbyacousie : courbes de seuils ( les ges sont indiqués a titre d’ exemple ) Rétrécissement du champ auditif, surtout dans les hautes fréquences. 83 ALTERATION DE LA FONCTION AUDITIVE MESURES PREVENTIVES DEFINITION D’UNE HYPOACOUSIE ‘Au-dela des signes cliniques évocateurs, hypoacousie ou surdité se manifeste par une élévation du seuil auditif par rapport a la normalité. N.B. Dans Ia pratique audiométrique la courbe des seuils en fonction des fréquences nest pas représentée en élévation mais en perte par comparaison avec la courbe normale standard (voir pages 90 et 91). Cette élévation du seuil peut étre évaluée par 'épreuve d'audiométrie tonale liminaire (voir chapitre suivant). Elie n'est pas nécessairement identique pour les deux oreilles, selon les affections. En général, elle n'est pas constante sur toute la gamme de fréquences. La surdité décelée chez un patient peut étre due a une atteinte de l'une ou l'autre des 3 parties de l'oreille, ou des voies nerveuses. SURDITES DE TRANSMISSION On désigne par « surdités de transmission » celles qui sont produites par une lésion de loreille ‘externe ou de loreille moyenne. Elles peuvent provoquer une élévation du seuil d’audibilits de 30 4 40 dB maximum, principalement dans les fréquences basses. * obstruction du conduit exteme (bouchon de cérumen, corps étranger) + perforation du tympan (traumatismes mécaniques ou _ certains. barotraumatismes) * otites aigués ou chroniques entravant la mobilité de la chaine des osselets (surtout en pédiatrie) rupture traumatique de la chaine des osselets otospongiose : ossification de I'étrier sur la fenétre ovale (affection a caractére génétique, évolutive) 84 PRESBYACOUSIE 125 250 500 1000 2000 4000 8000 Hertz 60 7 (0-20-29 ans 70 4] 30-39 ans ~ 4-40-49 ans 80 7} -0-50-59 ans. 90 +] 60-69 ans 100 ‘e-70-79 ans 2-80 ans et + 110 ~ eB Variation du seuil auditif en fonction de I'age du patient Diagramme exprimé en dB de perte auditive ( voir p. 90 ) D'aprés P.COURTAT. Explorations fonctionnelies en ORL (1994) 8 9 0 11 12 19 415 16 17 We KH ° sre I cea Ha 3 9 ans 3 ra 8a ane Seon gears % LE aie KI ececrseeans HEE 100 4 Graphique des niveaux de « hautes fréquences » en fonction de l'age. Diagramme exprimé en dB de perte auditive ( voir p. 90) D'aprés P.COURTAT. Explorations fonctionnelles en ORL (1994) 85 SURDITES DE PERCEPTION + Physiopathologie Les surdités de perception sont dues a des pathologies endocochléaires ou ou les centres nerveux). Ces demiéres ne rétrocochiéaires (touchant le nerf au seront pas étudiées ici. Les structures cochléaires les plus sensibles sont les cellules cilites et, particuliérement, les CCE. Ces demiéres, compte tenu de leur activité, sont trés consommatrices d’énergie. La perte des mécanismes actifs des CCE entraine une élévation des seuils de réponse des fibres nerveuses, et une diminution de la sélectivité en fréquence. Il semble que Ia zone de la cochlée codant pour les fréquences 4000 — 6000 Hz soit la plus sensible. Les lésions des cellules ciliées ne sont pas réversibles. + Symptémes Les surdités de perception peuvent étre plus sévéres que les surdités de transmission, avec élévation des seuils d'audition supérieurs a 40 dB. L’élévation du seuil de perception se manifeste particuliérement dans les fréquences élevées. On appelle « cophose » une surdité totale (sans réponse a 120 dB). + Presbyacousie La presbyacousie désigne une hypoacousie qui s‘installe au cours du vieillissement. Elle est due a une dégénérescence progressive de l'organe de Corti, qui commence par la base de la cochiée (done avec atteinte initiale dans le domaine des hautes fréquences). L’age d'apparition de la presbyacousie est trés variable selon les individus. On ne parle de presbyacousie que lorsque cette hypoacousie se manifeste dans la vie courante, done essentiellement lorsqu’elle devient une géne pour suivre les ns (en général a partir de 60-70 ans). En réalité, la cochlée commence a perdre ses performances dans les trés hautes fréquences (au-dessus de 10 000 Hz) convers: vers 25-30 ans (voir diagrammes). 86 LESIONS DES CELLULES CILIEES Lésions et perte de cellules ciliées causées par un bruit intense. Photo prise au microscope électronique de zones de lorgane de Corti portant les 3 rangées de CCE et la rangée de CCI. a) Cochlée d’ un cobaye normal. b) cobaye ayant été exposé pendant 24h a un bruit de 120 dB. d'aprés L. SHERWOOD Physiologie humaine (2000) FATIGUE AUDITIVE +20 Portas en décibel 45 heures 80 1 05 7000 2009 as Fréquences en Hertz Récupération d'une fatigue auditive aprés audition d’un son fatigant de 2000 Hz, 130 db, pendant 2 minutes. daprés F. GREMY. Eléments de Biophysique .T7 (1966) 87 La presbyacousie comporte un ensemble de distorsions de la perception. Les seuils d'audition s'élévent, en commengant dans la zone des hautes fréquences. On constate en méme temps un abaissement des seuils douloureux, laissant donc un champ auditif étroit (voir schéma). De plus, analyse fréquentielle se détériore. Ce tableau de signes cliniques porte le nom de « recrutement ». II peut s‘expliquer par la régression fonctionnelle des CCE : diminution de la résonance active entrainant une élévation des seuils de réponse, élargissement de la zone stimulée, entrainant la réponse d'un plus grand nombre de CCI. ‘= traumatisme sonore aigu (ex: concert diffusant des niveaux d’intensité sonore trop élevés) ou chronique (ex : exposition professionnelle) : destruction rapide ou progressive des cils avec dégénérescence des cellules ciliées. * certains barotraumatismes (ex : certains accidents de plongée) * traumatisme cranien médicaments ototoxiques : — antibiotiques de la classe des aminosides (streptomycine, gentamycine, kanamycine, tobramycine) Ces substances, présentes dans Ia circulation générale, peuvent passer dans les liquides cochléaires et induisent une dégénérescence irreversible des cellules ciliées. ~ certains diurétiques (furosemide) — certaines chimiothérapies anticancéreuses © surdités congénitales * surdités d'origine infectieuse ou virale FATIGUE AUDITIVE On appelle « fatigue auditive » une hypoacousie transitoire, réversible (en quelques heures ou quelques jours). Ce phénoméne est di a un épuisement des cellules cochiéaires (surtout les CCE), trop sollicitées. En effet, aprés I'exposition sonore, les cellules mettent un certain temps a reconstituer leur potentiel énergétique. 88 Cette hypoacousie peut étre observée, par exemple a la suite d'un concert, d'une soirée en:discothéque, de T'utilisation d'une machine sans protection auditive. Bien qu'elle soit souvent réversible (en fonction du niveau et du temps d'exposition), elle peut laisser des séquelles sous forme d'acouphénes. II faut remarquer que Thypoacousie est souvent maximale autour de 4000 & 6000 Hz, méme si la bande de fréquence du bruit déclenchant est plus basse. ACOUPHENES Les acouphénes sont des « illusions sonores », des bruits (des siffiements ou bourdonnements) que fon entend alors qu'ils n’ont pas dexistence réelle. Ces perceptions, souvent déclenchées par un traumatisme sonore, sont entendues de fagon plus ou moins constante et obsédante, et peuvent devenir une géne réelle. Leur support physiopathologique, probablement une activité « parasite » du.nerf ou des voies auditives, est encore mal compris. Environ 5 a 10% de la population présente des acouphénes ; on ne dispose pas de traitement actuellement. DOSE D’EXPOSITION ACOUSTIQUE Cette notion, surtout utilisée dans les cas d'exposition chronique professionnelle, permet d’évaluer (’état de « fatigue auditive ». Cette fatigue est liée a la fois & Vintensité du bruit et au temps d’exposition. Ainsi une exposition pendant 8 h a 85 dB est équivalente @ une exposition pendant 4h avec une intensité double (niveau diintensité augmenté de 3 dB) ; on peut considérer que les oreilles auront regu dans ces deux cas la méme énergie acoustique ou « dose d’exposition acoustique ». MESURES PREVENTIVES + Temps d'exposition * Distance a la source ‘* Réglertientation concemant les machines et les appareils émetteurs de musique (ex : pour les baladeurs, le niveau d'émission doit étre limité a 105 dB), © Réglementation concemant les bruits ambiants : un bruit est considéré comme génant a un riveau dintensité supérieur 4 65 dB. * Protecteurs individuels 89 Il existe de nombreux types de protecteurs individuels, adaptés aux différentes modalités d'exposition, notamment en milieu professionnel, ou en activité de loisir. Les bouchons d’oreille standard en mousse ou en cire permettent de diminuer le niveau d’intensité sonore entre 15 et 30 dB. Leur efficacité réelle dépend de leur placement dans le conduit. Les coquilles ou casques enveloppants sont plus adaptés au milieu professionnel. Ces protecteurs peuvent comporter des filtres atténuant spécifiquement certaines bandes de fréquence. Dans ce contexte, les contrles audiométriques sont organisés par la médecine du travail Durée maximale d'expestion quotidienne Niveau de bruit €quivalent a dB (A) Sh ah 2h Th 85 88 9 m4 30 mn 15m Tmo 303 3mn45s Tima 525 365 28s 4s 7s Tableau déquivalence d'exposition acoustique ( isoénergie acoustique ) Par comparaison avec une exposition pendant 8h a 85 dB D'aprés F. LEGENT et. al Audiologie Pratique (2002) 90 DECIBELS RELATIFS (ou DECIBELS DE PERTE ) 8 absolus ‘Seuil de douleur i ‘Seuil audits 10 2% 40 Teo! 200” 400100” — sam G00 20000 We 125 8000 Champ auditf pour une population adutte jeune. Diaprés E. HECHT, Physique (1999) dB absolus dB relatifs ( dB de perte ) Sel teste Seuit du malade Db absolus Db relate ov Db de perte 8 Ss Www ww ww Ve Ve Ve Wo We Vy Ve to ence 8000 425 uence 8000 Hz Audiogramme 2) Exprimé en dB absolus; t) en dB de perte Ml sagit du méme sujet : dans les deux représentations il y a méme différence Gordonnée entre la courbe normale ef la courbe pathologique daprés F. GREMY. Eléments de Biophysique .T1 (1966) 91 AUDIOMETRIE TONALE LIMINAIRE EXPLORATIONS FONCTIONNELLES DU SYSTEME AUDITIF existe toute une gamme d’explorations fonctionnelles permettant d’évaluer chez un patient le degré d’hypoacousie et d’en préciser la cause : + les explorations objectives permettent le recueil de données sans participation active du patient. Ex 1: la tympanométrie permet d'étudier ia mobilité de la membrane tympanique en fonction des variations de pression dans le conduit audit externe, Ex 2: au moyen d'lectodes posées sur le cuir chevelu, on peut recueilir des potentiels évoqués auditifs qui temoignent de l'activité des voies auditives. + les explorations subjectives nécessitent la participation active du patient. Les résultats sont fournis par les réponses du sujet 4 des stimuli. Parmi ces épreuves, "audiométrie tonale liminaire constitue la base de l'examen de l'audition. PRINCIPE DE L’AUDIOMETRIE TONALE LIMINAIRE + L’audiométrie tonale liminaire permet de rechercher les seuils de perception du patient (en niveau d'intensité dB) pour des sons purs de fréquences déterminées. * Chaque oreille est testée individuellement. + L’épreuve est réalisée en conduction aérienne (CA) et osseuse (CO), ce qui permet d’orienter le diagnostic différentiel entre surdité de transmission ou de perception (voir plus loin). + Les réponses du patient permettent d’établir 'audiogramme : courbe exprimée en 4B relatifs (ou dB de perte) pour chaque fréquence tesiée. DECIBELS RELATIFS OU DECIBELS DE PERTE Les seuils de perception du patient sont des seuils absolus. Il est habituel de les exprimer en fonction de la courbe des seuils établie pour une population normale : celle-ci devient axe des abscisses. (voir schémas) et les seuils du patient sont exprimés en dB négatifs ou dB de perte par comparaison a la normale. Ce graphique en coordonnées rectangulaires est normalisé. 92 AUDIOMETRIE TONALE LIMINAIRE EN CA OREILLE TESTEE Bruit masquant Audiométrie tonale liminaire en conduction aérienne Daprés F. LEGENT et al. Audiologie Pratique (2002) Fréquences en Hertz 1252505001000 2000 4tn0 6000 250 500 1000 2000 4000 8000 Hertz 8 ; ° ° 10 7 0 ea = agp a fe {T ea t ot + eS [one fi zz Audition normale: Une différence de 5 dB Perte d'audition en CA dapres P. COURTAT. Explorations ne peut éue considérée comme pathologique : mais liée a "attention du testé, a la technique du fonctionneliae en ORL (4894) testeur, & lappareillage, a T'isolement de la ccabine et & la position de I'écouteur sur loreille. (lest done aberrant de vouloir donner des résul- tats 1 4B prés,) D'aprés F. LEGENT et al Audiologie Pratique (2002) 93 CONDITIONS MATERIELLES DE L’EXAMEN * Le patient prend place dans une cabine audiorhétrique, isolée des bruits extérieurs (NB. le silence absolu est impossible a réaliser). + Ilest muni d'un écouteur pour la conduction aérienne (CA) et d'un vibrateur pour la conduction osseuse (CO). * Les stimuli sont des sons purs dont les fréquences progressent par octaves de 125 Hz 4 8000 Hz. * Les niveaux d'intensité des stimuli progressent par pas de 5 dB. + Ilexiste un dispositif de recueil des réponses du patient. AUDIOMETRIE EN CONDUCTION AERIENNE (CA) + Masquage Le stimulus sonore est délivré par 'écouteur, pour chaque oreille séparément. En réalité, il n'est pas possible d'individualiser chaque oreille car 4 partir de certaines intensités, le son peut étre capté par loreille interne controlatérale par l'intermédiaire de la conduction osseuse (voir schéma). Le sujet ne peut pas, dans sa réponse, individualiser la perception qui provient de chaque oreille. ll est donc nécessaire de « masquer » la perception de loreille controlatérale. Ce masquage est réalisé par un bruit a bande de fréquence et a intensité adaptées. * Chaque son pur est présenté pendant 1 a 2 secondes, a partir de 0 dB. Si le patient ne répond pas, le niveau d'intensité est augmenté de 5 dB. * Les souils pergus par le patient sont notés sur le diagramme en dB de perte. + Résultats normaux : l'audiogramme est considéré comme normal jusqu’a 15 dB de perte. + Résultats pathologiques : lorsqu'on constate une perte auditive en CA (sur une ou plusieurs fréquences), quelle en est lorigine ? oreille externe, moyenne ou inteme ? A ce stade de l'exploration, on ne peut pas conclure. II faut donc refaire 'épreuve en conduction osseuse. AUDIOMETRIE TONALE LIMINAIRE EN CO M Vibreur Fréquence déterminge Bruit masquant OREILLE TESTEE Audiométrie tonale liminaire en conduction osseuse Diaprés F. LEGENT et al Audiologie Pratique (2002) 125 250 500 1000 2000 4000 8000 Hz op PS 10 — 20 30 40+ 50 60 7 80 1 : Audiogramme normal or a “ { daprés P. COURTAT. Explorations alee 8 fonctionnelles en ORL (1994) 110 95 AUDIOMETRIE EN CONDUCTION OSSEUSE (CO) + Principe Le stimulus est une vibration (avec les mémes fréquences que précédemment) délivré par un vibreur placé sur la mastoide (derriére le pavilion de loreille). Ce stimulus peut donc atteindre la cochlée par propagation osseuse, sans passer par Voreille moyenne. On peut donc ainsi tester directement la réponse cochléaire. © Protocole Identique au précédent * Résultats L'interprétation tient compte des résultats en CA et en CO. L’audiogramme complet comporte les 2 courbes. EXEMPLES D’ AUDIOGRAMMES 125 250 5001000 2090 4900900 Hz 125 20 1990 2000 40009000 He ods -— 08, 1008 _ r00e 2008 - 2008 ~ 7 2008 + 90 48 40.8 — 4008 5008 5008 008 - |. 6008 7008 - ~ 7008 - 8008 + | 80.48, 7 10008 0008 ‘— — O conduction aésienne O conduction aérionne F conduction ossouse F conduction osseuse Surdité de transmission Surdité de perception (Traumatisme sonore aigu ou chronique) Diaprés A. AURENGO. Biophysique (1997) 250 S00 1000" 2000 4000 6000 Hertz 0p 10 eo 70 =" 0 — ye 0 —_|— [3-60 - 100 |-o- ca TF traps 80 LI 250 500 1000 2000 4000 8000 G— Conduction atsienne Surdité mixte D'aprés P.COURTAT. Explorations 1 Cond lucton oseuse fonctionnelles en ORL (1994) Surdité de perception (Presbyacousie ) Diaprés crdp.ac-amiens.fr 97 PRINCIPE DE L’INTERPRETATION D’UN AUDIOGRAMME Laudiogramme comporte les 2 courbes en CA et en CO, pour chaque oreille. Dans le cadre de ce cours, on fait 'hypothése de l'intégrité des voies nerveuses. * Surdités de transmission (voir schéma) Un audiogramme normal en CO associé a un déficit en CA témoigne d’une surdité de transmission. En effet, la cochiée répond normalement alors que la CA est anormale. Typiquement, le déficit en CA porte surtout sur les fréquences basses. II est de l'ordre de 30 40 dB au maximum. Voir (chapitre précédent) les principales causes de lesions de la chaine tympano-ossiculaire. L’atteinte peut étre bilatérale ou non, selon les pathologies. + Surdités de perception (voir schémas) Les 2 courbes CO et CA sont pratiquement confondues. - Ex 1: Presbyacousie : courbes plongeant vers les hautes fréquences. Les deux oreilles sont généralement atteintes de la méme fagon. - Ex 2: Traumatisme sonore aigu ou chronique : typiquement, les expositions a des stimulations acoustiques intenses (aigués ou chroniques) affectent précocement la région cochléaire codant pour 4 a 6 kHz (les CCE sont particuliérement sensibles dans cette zone). Cette atteinte, bilatérale, témoigne évidemment d'un défaut de protection Ce type de courbe peut étre observé par exemple dans le cas d'une exposition a une musique délivrée avec un niveau sonore de l'ordre de 100 dB (ou plus) ou dans le cas. d'une exposition professionnelle a un bruit répétitif (d’un niveau supérieur a 80 dB). + Surdité mixte Une courbe de CA plus basse que celle de CO traduit une Iésion de l’oreille moyenne (cu externe) qui s'ajoute a une atteinte cochiéaire te be

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