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Michel Zevaco Marie Rose La Mignon Du Nord Ocr PDF
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La Mien©» Su Nord
CHAPITRE PREMIER
NUIT DE DRAME
' Puis, peu à peu, une sorte de sérénité s'étendit sur son,
visage. Elle laissa tomber un long regard sur le jeune
homme à demi prosterné devant elle, et dit :
•—• Pierre... il sera fait comme vous désirez... Je vous
attendrai... dans ma chambre... la chambre que j'habitais
quand j'étais jeune fille... quand je m'étais fiancée à vous...
Et, reculant à pas lents, il rentra dans la pièce d'où il
avait surgi...
• Hélène, repliée sur elle-même, comme écrasée s-ous le
poids de ses souvenirs, commença à monter l'escalier qui
conduisait à son appartement.
i Au bout de quelques minutes, deux domestiques entrè-
rent au salon, éteignirent les lustres, les flambeaux.
On entendit la porte d'en bas qui se verrouillait, puis les
derniers bruits s'épanouirent et tout parut dormir dans
l'hôtel.
Pierre rentra dans le salon et, avec d'infinies précautions,
glissant pas àpas dans les ténèbres, parvint ale traverser sans
avoir heurté ou renversé de meuble. Il est certain qu'il con-
naissait parfaitement l'hôtel et ses dispositions intérieures.
Il se trouvait alors au pied de l'escalier par où venait
de monter Hélène.
Il commença l'ascension, s'arrêtant à chaque marche, la
main sur son cœur pour en comprimer les battements : il
lui semblait que ces battements devaient s'entendre de loin.
Arrivé en haut, il respira. Il était inondé de sueur comme
après un travail de force.
Un léger rais de lumière glissant sous une porte le guida
alors. Il joignit les mains avec force, en murmurant :
— C'est là !... Là, dans un instant, ma vie va se décider...
Quand elle saura l'atroce vérité, il faudra bien... O
Hélène ! Hélène !...
Une angoisse de condamné l'étreignit. Il refoula le san-
glot qui voulait déborder de sa poitrine et, marchant vers
la porte, il étendit la main dans la direction du bouton.
A ce moment, le couloir dans lequel il se trouvait se
remplit de lumière.
Pierre demeura immobile, stupéfait, pétrifié, en proie à
une horreur sans nom. Sa main, comme soudain dessé-
chée, retomba lourdement.
Il tourna légèrement la tête et vit le mari d'Hélène qui,
une lampe dans la main gauche, un revolver dans la
droite, le contemplaiL de ses yeux exorbités.
— Lui ! murmura le procureur dans un souffle.
LA MIGNON DU NORD 15
II
CHEZ LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
III
MARIE-ROSE
— Etes-vous le chef ?
— Oui. Que voulez-vous ?
— Vous proposer une affaire. J'ai là dans ma poche
dix mille francs en billets de banque.
Le bohémien ne sourcilla pas. Qui sait s'il ne s'attendait
pas à cette ouverture ?...
-— Dix mille francs, dit-il, c'est une somme. Le tout est
de savoir ce qu'il faut faire pour la gagner. Je suis un
honnête homme, moi, tel que vous me voyez.
— Comment t'appelles-tu ? demanda brusquement le
procureur.
— Torquato, pour vous servir. Comme le grand et
illustre Torquato Tasso : on connaît les auteurs. Donc,
moi, Torquato. Ma femme, Torquata. Mes enfants, Tor-
quatelli. Voilà les noms, — noms de famille, noms mas-
culins et féminins, tout y est. Un nom honnête, comme
vous voyez...
•— D'où viens-tu ?
•— De là-bas !... Bruxelles, Cologne, Berlin, Vienne...
j'en ai vu des pays ! de plus loin encore ! Du fin fond du
monde...
-— Où vas-tu ?
— Là-bas ! Vers le sud... l'Italie ! Le soleil 1 Là où
il n'est pas besoin de charbon pour se chauffer I II fait
trop froid par ici...
•— Tu ne t'arrêteras pas en France ?
•— Non, monseigneur : mauvais pays, la France, pour les
oiseaux de passage !
— Jure-moi que tu ne reviendras pas en France.
— Pas avant une quinzaine d'années, c'est sûr et juré!
— Bon ! Veux-tu gagner les dix mille francs ?
— Une fortune !... Par tous les diables, je le veux!...
Que faut-il faire ?
-— J'ai recueilli une petite fille... comprends-moi bien...
Son père et sa mère sont morts... Elle est tombée entre les
mains de gens qui la tourmentent... Il s'agit de la leur
arracher... il faut qu'elle disparaisse, que jamais elle ne
revienne en France... et que, Asi jamais elle y revient, elle
ait complètement oublié... comprends-tu ?
— Ah ! la povera ! fit le bandit. Soyez tranquille, mon-
seigneur : je me charge de lui faire oublier ce pays ! Et
même, povera bambina...
— Achève ! gronda sourdement le procureur, qui frémit
au fond de lui-même.
LA MIGNON DU NORD 25
— Eh bien!... dans les conditions que vous dites... pour
l'enfant... Il vaudrait mieux qu'elle fût morte !... ah ! la
povera>: morte, voyez-vous... eh bien! elle n'aurait plus
rien à craindre !...
A ce moment, de la voiture arrêtée là-bas, dans la neige,
arriva un cri plaintif.
Le mari d'Hélène courba les épaules comme s'il eût
senti peser sur sa nuque la poigne du bourreau.
•— La petite s'impatiente ! ricana Torquato. Dans dix
minutes, j'attelle... demain, à la pointe du jour, nous
serons à cinq lieues... dans trois mois, nous serons en
Italie, et jamais plus vous ne reverrez ni moi ni l'enfant !
En un geste rapide, les dix mille francs passèrent de la
poche de Lemercier aux griffes du bohémien.
Puis, d'un élan .furieux, le magistrat courut à la voiture.
Alors il entendit les plaintes de Marie-Rose, ses cris de
terreur...
Il n'osa pas ouvrir la portière, et appela, à demi-voix :
— Jean Lannoy !... Jean!... •
Le domestique apparut aussitôt. Il tenait dans ses bras
la pauvre petite toute raidie dans une crise de larmes.
Lemercier ne prêta aucune attention à ce détail, mais il
était évident que Jean Lannoy avait deviné le dessein de
son maître, puisqu'il descendit de voiture avec l'enfant.
Le procureur se saisit de Marie-Rose.
— Père ! père !... Grâce ! oh ! laisse-moi... Maman !... Je
veux qu'on me ramène à maman !...
Hagard, fou, la sueur du crime au front, Lemercier se
rua vers le bohémien Torquato, qui l'attendait près des
roulottes.
— Au secours ! à moi ! criait la pauvre toute petite, si
gracieuse et si désespérée qu'un tigre en aurait eu pitié.
Et, se raidissant dans un dernier spasme d'épouvante,
elle appuya ses deux petites mains sur la poitrine de son
père, et jeta ce cri d'agonie :
— Ah ! vous n'êtes pas mon père !...
Un rugissement terrible gonfla la poitrine de Lemercier.
D'un dernier bond, il atteignit le bohémien, jeta dans ses
bras la petite évanouie, et haleta :
— Pars ! pars ! Et que jamais on ne te revoie !...
— C'est bon ! gronda le bohémien. Holà ! La Torquata !
Les Torquatelli. Tout le monde debout ! Qu'on attelle,
et en route !...
Déjà le procureur fuyait vers sa voiture.
%
26 MARIE-KOSE
IV
LA MÈRB
V
LÀ DOMPTEUSE D'HOMMES
f>
LA. MIGNON DU NORD 35
A cent pas du point où le chemin de fer quittait le bois,
se dressait une maisonnette basse, exigué, brique et
ardoise, flanquée d'une sorte de potager pris sur les ter-
rains en bordure de la voie ferrée. Tout cela, pour le
moment, disparaissait sous un uniforme rideau de neige.
Cette maisonnette, c'était le logis du garde-barrière
numéro 172.
Une mince fumée grise, qui sur le fond de neige parais-
sait presque noire, montait droit dans le ciel bas et
sombre. •
Rien ne remuait. Seuls quelques craquements de
Dranches qui éclataient sous le froid et des croassements
lointains de corneilles interrompaient le silence de ces
plaines...
— C'est là ! murmura Fanny. Voyons s'il se décidera
aujourd'hui à parler. Il le faut ! oh ! il le faut !...
D'un pas décidé, elle se dirigea sur la maisonnette,
marcha vers la porte qu'entouraient les branches nues
et sèches d'une vigne, et> sans frapper, elle entra en
disant :
— Bonjour, Jacques Maing I...
Un homme de trente à trente-cinq ans était assis près
d'une cheminée dans laquelle brûlaient des fagots ramassés
s
dans le bois.
Il portait de hautes guêtres et, sur un feston de tricot,
la blouse bleue marquée au col rabattu d'un N ro-uge.
C'était un beau gars, avec des yeux d'un bleu clair et
doux, et une barbe blonde.
i l était à demi penché vers le foyer, un coude sur son
genou, le menton dans la main, et paraissait en proie à
une sombre rêverie.
Au bruit de la porte qui s'ouvrait, au son de cette voix,
il bondit...
— Vous !... balbutia-t-il.
Sa figure s'était illuminée. Une ardente rougeur était
montée à son front.
— Est-ce que je vous fais peur ? demanda Fanny d'une
voix infiniment douce et caressante.
Il baissa la tête un moment, puis, la relevant et fixant
sur la jeune femme son regard devenu soudain craintif, il
répondit :
— Oui !... /
Fanny éclata de rire — un joli rire clair qui acheva de
boule-*, erser celui qu'elle avait appelé Jacques Maing.
36 MARIE-ROSE
VI
LA TOMBE DANS LES BOIS
VII
I A PRISON D E LOOS
VIII
LA PETITE MIGNON
IX
X.E DOCTEUR MONÏIGNY '
LES ASSISES
•— Ni... quoi ?... voyons ?... que voulais-je dire ?... oh I...
j ' y suis !... Je voulais dire... ni... mon fiancé !...
Ce dernier mot jaillit pour ainsi dire de son cerveau,
avec une violence inouïe.
Elle tomba, livide, sur son fauteuil. Un tremblement
furieux l'agitait des pieds à la tête.
— Mon fiancé!... répéta-t-elle. Pierre! Mon fiancé!..,
Et elle redisait ces mots comme si clic eût craint que la
pensée qu'elle essayait d'étreindre ne lui échappât.
Tout à coup, elle bondit, se releva, passa les deux mains
sur son front.
— Mon fiancé ?... Oh ! mais... je vais donc me marier ?..„
Où est mon père ?... Me marier ?... moi ?... Ah !...
'Un cri déchirant expira dans sa gorge, et elle l'étouffa
en tamponnant sa bouche avec son mouchoir.
•—/Mon père ?... Mort ! Mort !... Mariée ?... Mais je le
suis !... Mon mari s'appelle... Lemercier !... Je suis
mariée !... Oh ! que m'est-il arrivé ? Que m'arrive-t-il ?...
Est-ce que j'ai été folle ? Est-ce que je le deviens ?...
Pierre! Pierre!... Mon ami!... Mon fiancé!...
A ce moment, quelque chose comme un large éclair
déchira les ténèbres qui s'étaient épaissies sur ce cerveau.
D'une main fébrile, elle saisit de nouveau le journal, par-
courut avidement l'information judiciaire, et, avec un ter-
rible sanglot, s'abattit, sans connaissance !...
Cette fois, elle se rappelait !...
XI
DE QUATRE HEURES VINGT-SIX
A QUATRE HEURES CINQUANTE-HUIT
4
98 MABIE-ROSE
XII
LE CAVEAU FUNÉEAIR8
XIII
LE CONDAMNÉ
XIV
JACQUES MAING
vieille était radieuse, son visage ridé tout rose, ses yeux
brillants...
— Qu'avez-vous, mère ? fit-il. Vous paraissez toute
contente ?...
— Je le suis, en effet...
—• Vous avez reçu une lettre ? demanda Jacques avec
inquiétude.
Elle secoua la tête, et reprit :
— Voici pourquoi je t'attendais. Tu vas, pendant
quinze jours, prendre ma place ici...
Jacques tressaillit... Quinze jours loin de Fanny !...
C'était impossible !...
— Tu sais, reprit la vieille, que j'ai souvent demandé un
permis pour aller à Nice... on me l'a toujours refusé, je ne
sais pourquoi... alors... je me suis mise à économiser sou
par sou le prix du voyage, aller et retour...
— Eh bien ? demanda Jacques, devenu très pâle.
— Eh bien ! mon fils/depuis hier, la somme est com-
plète !...
Jacques demeurait atterré... Il eut la sensation aiguë
d'une catastrophe prochaine... Sa mère arrivant à Nice, et
ne trouvant pas sa fille !... Affolée, elle reviendrait... Il
l'entendait lui crier :
— Tu as menti ! Jeanne n'a jamais été à Nice !...
Qu'est-elle devenue ?... Qu'as-tu fait de ma fille ?...
Alors, il songea à Fanny. Sans trop savoir pourquoi, il
se dit qu'elle trouverait bien un moyen de détourner la
catastrophe...
— Mère, dit-il tout à coup, vous ne pouvez partir
demain^., car demain il faut que je sois à Lille...
— Après-demain, alors ?...
— Soit : après-demain. C'est entendu. Je viendrai vous
remplacer ici, et vous pourrez partir !...
Dans la même soirée, Jacques Maing fut de retour à
Lille et se présenta à l'hôtel de la comtesse Fanny, où, à
son joyeux étonnement, il fut aussitôt reçu.
Il trouva la comtesse abattue, pâlie...
— J'ai été fort malade, dit-elle pour répondre à la
question qu'elle lisait dans ses yeux. J'ai un service à
vous demander, mon ami...
— Parlez...
— Je voudrais que demain vous puissiez assister aux
assises de Douai... On juge un... nommé ...Pierre Latour...
LA MIGNON DU NORD 121
124 MARIE-ROSE
XV
MAITRESSE ET FIANCÉE
— Tu veux me quitter I
— Jamais !.,.
Et en elle-même, eîîe ajouta ;
— J'ai eu trop de mal à le conquérir pour lâcher l'ins-
trument à l'heure où il va me servir I
— Pourtant, reprit Jacques d'une voix haletante,
j'ai compris, j'ai bien entendu, tu as bien parié de te
marier !...
— Eh bien ?... Est-ce une raisoa pour ne plus t'aimer
et te quitter ?...
Jacques frémit d'épouvante...
 deux ou trois reprises, depuis qu'il connaissait cette
femme, il avait cru deviner en elle des abîmes... Cette fois,
elle se révélait tout entière, avec une suprême tranquillité.
Elle reprit, en commençant à se déshabiller :
— Il se fait tard, mon Jacques,., je suis fatiguée, je vais
me coucher... tu veux bien î... Qu'est-ce que nous
disions ?... Ah ! oui... Eh bien î non seulement je veux me
marier, mais encore tu vas m'aider... j'ai compté sur toi...
— Cet homme I... Cet homme que tu as choisi !...
Malheur à lui, Fanny î... Je lai arracherai le cœur, et
je viendrai le jeter à tes pieds !...
Fanny éclata de rire.
— Fou 1 s'écria-t-elle, ce n'est pas soa eœa^ qu'il faut
jeter à mes pieds, c'est sa fortune S...
— Sa fortune ?... bégaya l'homme gaas mime savoir ce
qu'il disait. 11 est donc riche ?,..
Fanny laissa tomber les derniers toiles qui cachaient sa
nudité, et apparut dans sa splendide impudeur. D'un mou-
vement brusque, elle rejeta i'une après l'autre les mules
de satin qui emprisonnaient ses pieds d'enfaaî et se Jeta
en travers du lit...
— Riche ? fit-elle alors. Sans doet® 3 Est-ce que je me
marierais, sans cela ?... '
— Qui est-ce ? Qui esl-ce ? gronda Jacques, dont !es
yeux vacillants s'emplissaient du spectacle de cette beauté
qui s'offrait à lui...
— Tu le sauras tout à l'heure, dit Fanny, quand tu seras
plus calme... quand tu auras bien compris mon plan...
Mais tu t'exaltes... tu ne veux pas voir que dans six mois,
dans un an au plus tard, il n'y aura plus rien ici à moi,
que mes dernières ressources sent épuisées...
— Je travaillerai i dit Jacques.
hk MiQNON BÏJ NORD 3131
XVÏ
LA FIN D'UN VETÏVAG8
XVII
hA FAUTE DU DOCTBUB
XVIII
XIX
LE NAUFRAGÉ
Si
LA MIGNON DU NOED 167
— C'est bon, c'est bon !... Tout ça, c'est mon affaire...
N'en parlons pas. Songez à vos affaires, moi aux miennes.
Adieu, camarade...
— Adieu !
L'homme jeta un rapide regard autour de lui, comme s'il
eût éprouvé quelque chagrin à s'en aller les mains nettes.
Mais il sentait peser sur lui les yeux fixes de son compa-
gnon... et, s'assurant une dernière fois que la bourse qu'il
avait volée à bord était bien dans sa poche, il se glissa
hors de la roulotte, contourna silencieusement la tente qui
avait été élevée pour abriter les femmes cette nuit-là, et
s'élança dans la direction de Livourne en grondant :
— Pourvu que je retrouve la Torquata I... Pourvu
qu'elle n'ait pas eu l'idée de tuer la petite !...
L'autre naufragé, demeuré seul, s'habilla à son tour.
Puis, il s'assit pensif, la tête dans une main et attendit
le réveil de ses hôtes.
C'était un homme d'une quarantaine d'années, de taille
moyenne, vigoureux, avec des mouvements empreints de
force et de souplesse. Il avait l'œil doux et rêveur, bien que
parfois une flamme étrange s'éveillât dans son regard. Ses
traits exprimaient les longues souffrances qu'il avait dû
endurer, mais sa physionomie avait une sorte de noblesse
et d'intelligence qui la rendait sympathique au premier
coup d'oeil.
Il portait le costume sommaire des caboteurs de la côte,
mais peut-être y avait-il dans ses attitudes et ses gestes
plus d'élégance qu'il ne convient à un brave marin. Sa voix
était ferme, presque dure parfois, et pourtant, à de cer-
tains moments, on y devinait une sensibilité contenue...
Une heure après le lever du soleil, Giovanna pénétra
dans la roulotte. Le marin se leva, et, d'une voix émue :
— Vous et les vôtres, vous m'avez sauvé, madame...
Comment pourrai-je vous remercier ?
— Fallait-il vous laisser noyer, répondit froidement Gio-
vanna, alors qu'il n'en coûtait rien de vous tendre une
corde ?... Mais je ne vois pas votre compagnon...
— Il est parti, madame... veuillez l'excuser... il m'a
chargé...
— Bon, bon... interrompit Giovanna. Nous autres
nomades, nous n'avons pas beaucoup l'habitude
d'entraver la liberté des autres. Et vous, que comptez-
vous faire ?...
172 MARIE-ROSS
CHAPITRE PREMIER
LE FOUTRAIT
— Des lois ? fit Zita en éclatant d'un rire amer qui fai-
sait mal à entendre. Bah ! est-ce que nous connaissons les
lois, nous autres ?... Si je me sauvais, on saurait bien nie
rattraper. Ou bien je retomberais dans les mains de
quelque affreuse sorcière qui me tuerait de coups... Non,
non... j'aime mieux rester avec Giovanna !... Pas de
caresses, pas un sourire, de la glace autour de moi, oui,
cela est vrai. Mais au moins on me laisse vivre à peu près
à ma guise, on ne me fouette pas...
— Pauvre enfant I... comme vous avez dû souffrir dans
votre enfance !...
— Ah ! oui, Seigneur !... Je peux dire que j'en ai reçu,
des coups de fouet, des coups de griffe... Plus d'une fois,
je suis tombée sur le carreau comme morte...
Zita, en parlant ainsi, frissonnait.
— Mais qui vous frappait ainsi ?... Et pourquoi ? reprit
Jean Morel bouleversé.
— Pourquoi j'étais battue ? Je ne l'ai jamais su. Pour
un regard ou pour ne pas regarder, pour un mot que je
disais ou ne disais pas, l'atroce femme se jqtait sur moi,
me tordait les poignets... Je tombais sur les genoux... quel-
quefois, elle me piétinait... Qui était cette femme ?... Peut-
être une de mes parentes... Sans doute, même, car aussi
loin que je remonte dans ma vie, je me vois avec elle... Je
me vois dans des pays lointains, où c'était la plaine, une
grande ville, avec un soleil plus doux que celui-ci... C'est
tout ce que je me rappelle... puis des voyages, de longs
voyages... puis des coups... la faim, la soif, la misère !...
Que de fois j'ai souhaité mourir 1
— Pauvre petite !... Comment cette parente était-elle
assez barbare... mais était-ce bien votre parente ?...
— Qui sait ? fit Zita. C'est fini, tout cela... Mais, voyez-
vous, même si je devenais heureuse, il me semble que je
ne pourrai jamais oublier tant de souffrance... Aujourd'hui
'encore, par moment, j'ai peur tout à coup qu'elle ne
revienne me prendre par la main, qu'elle ne m'emmène
pour m'arracher le cœur, comme elle disait.,. Et cela
m'arrivera !
— Non, non... ne craignez rien... on vous défendrait I...
Giovanna elle-même a trop d'intérêt à vous garder...
—• N'importe ! il me semble que quelqu'un rôde autour
.de moi, et que tout à coup, il va me saisir... Si ce n'est
elle... si ce n'est celle qui m'a tant battue, ce sera
l'homme, celui qui est tombé dans un trou...
LA MIGNON DU NORD 185
II
LE VOYAGEUK
III
UN PACTE DE BANDITS
IV
L'ENTREVUE
V
LA ROUTE DE SECLIN
VI
L'APPARITION
220 MARIE-ROSE
VII
BANDITS DANS LA NUIT
VIÏÎ
j
TORQUATO PARLE
i
IX
L'HÔTEL DE LA RUE ROYALE
X
1*B PÈRE ET LA FILLB
XI
LA LETTRE DE JACQUES MAING
4'
XA. MIGNON DU NORD 283
— Fanny, si tu ne le renvoies pas, je cours à ta chambre
et je le tue I...
— Et moi, si vous faites un pas, si vous dites un mot
plus haut que l'autre, j'appelle tous les domestiques, je
crie que vous m'avez insultée et je vous fais jeter dehors !
En même temps, d'un geste rude elle se dégagea et
repoussa violemment Jacques Maing.
Il demeura atterré, la tête pleine de bourdonnements...
Il eut une supplication des yeux et du geste.
— C'est trop fort, à la fin ! Et je me révolte, dit-elle.
Comment ! toi, l'homme intelligent, tu en es encore aux
basses jalousies imbéciles. Eh bien ! à ton aise, mon cher I
Assez .de drame, assez de mise en scène, assez de menaces,
assez de larmes !... Je veux être maîtresse de mon cœur
et de mon corps... Je t'aime, oui ! Mais je veux aimer
qui bon me semble... Lui, ce soir! Toi, demain, si tu
veux !.,. Cynisme, tant que tu voudras !... Choisis, mon
cher : ou la liberté pour moi, et mon amour quand je
voudrai... ou ton départ immédiat... Un mot, un seul :
Pars-tu ? Restes-tu ?...
— Je reste... dit Jacques Maing.
•— A la bonne heure, fit Fanny.
Elle s'approcha de lui, l'embrassa tout à coup sur les
lèvres, et se sauva légèrement.
— Cette fois, je l'ai dompté ! pensa-t-elle.
Jacques Maing se retira lentement dans la chambre qu'il
occupait en l'hôtel et se mit à marcher à pas lourds.
Parfois, des bouffées de sang montaient à son cerveau
et son visage devenait pourpre. A d'autres moments, il
pâlissait affreusement... A un moment, il saisit un revolver
qu'il portait toujours sur lui et appuya le canon sur
sa tempe.
Mais le revolver lui tomba des mains et roula sur le
tapis ; du pied, il le repoussa sous un meuble.
Il n'avait pas peur de mourir ; il avait peur d'être
séparé de Fanny.
Pour la même raison, pour cette terreur insensée qui
lui venait à l'idée qu'il ne la verrait plus, il résista jus-
qu'au bout à la tentation qui vingt fois l'assiégea de
courir à sa chambre, d'enfoncer la porte et de les tuer
tous les deux. Ce fut une nuit effroyable...
Vers cinq heures du, matin, Jacques Maing, le corps
brisé, le cerveau affolé, se jeta tout habillé sur son lit et
se força à fermer les yeux.
284> MARIE-BOSE
XII
DANS LA PETITE MAISON MYSTÉRIEUSE
XIII
FANNV
XIV
I AMOUR B
XY
DEUX FORÇATS
XVI
LE TESTAMENT DE LEMERCIER
XVII
DERNIÈRE VISITE DE JACQUES MAING
A LA TOMBE DE SA SŒUR
XVIII
LE YACHT « LA MOUETTE »
XIX
LES FIANCÉS
XX
MANTIGNY PARDONNÉ
XXI
MARIE-ROSB
— Eh bien ?...
-— C'est mon fils !...
0 9 9 0 0 0 0 4 i» 0 U A S "S 6) O O 6 © O a
XXII
BORD
FIN
3
ACHEVÉ D'iMPBIMEB
SUR LES P R E S S E S DE
L'IMPRIMERIE E. PIGELET
189-191, BOUL. VOLTAIRE.
— . ... - PARIS •
6 H A Ï 1 9 4 2