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Les manuels scolaires au service d’une

pédagogie de l’intégration
Exemple d’un manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles
François-Marie GERARD
Xavier R OEGIERS1

Introduction
Un courant important de la pensée pédagogique actuelle, et les pratiques qui s’ensuivent,
se fondent sur les concepts fondamentaux d’intégration et de compétence. Qu’on
songe à cet égard — en Belgique francophone — à deux documents importants :
• les Socles de compétences (1994), établis par le Ministère de l’Éducation afin d’
“assurer effectivement la démocratisation de l’école ; offrir à chaque enfant des chances
égales d’y être éduqué, instruit, formé (…) ; viser, en plus de l’égalité des chances,
l’égalité des résultats ; (…) conduire chacun au développement optimal de ses
potentialités” (p. 15) ;
• le Programme intégré (1993-1994), définissant — pour les écoles fondamentales de
l’enseignement libre subventionné catholique — les nouvelles orientations
pédagogiques.
“Ce nouveau programme intègre les différentes disciplines dans le développement des
capacités globales au travers de ces disciplines. Il met l’accent sur le développement de
compétences privilégiant l’intégration des savoirs à travers une pédagogie qui donne
sens aux apprentissages et où s’interpénètrent des activités fonctionnelles et des activi-
tés de structuration.” (p. 11).

Cette évolution est l’aboutissement logique — comme l’un d’entre nous a pu le montrer
par ailleurs (ROEGIERS, 1996) — de différents courants pédagogiques qui ont influencé
les pratiques scolaires du XX e siècle. Notamment, les pédagogues essaient par là de
répondre à une critique fondamentale adressée à l’égard de la pédagogie par objectifs : le
découpage d’une matière en objectifs cloisonnés, ce que d’aucuns ont appelé, non sans
humour, le saucissonnage. La pédagogie par objectifs a eu le grand mérite de mettre en
évidence le fait que ce qui compte avant tout est que l’élève sache “faire” quelque chose,
au-delà de la simple acquisition de connaissances, de savoirs. Cependant le risque est de
déboucher sur la maîtrise d’un certain nombre de savoir-faire, tous aussi importants les
uns que les autres, mais séparés les uns des autres, sans constituer un tout intégré
permettant d’affronter une situation réelle de manière performante.

C’est ici que s’insère le concept de compétence. Pour tenter de synthétiser les travaux
d’autres chercheurs, nous l’avons défini comme étant un ensemble intégré de capacités
qui permet — de manière spontanée — d’appréhender une situation et d’y répondre plus
ou moins pertinemment (GERARD & ROEGIERS, 1993).

1
Bureau d'Ingénierie en Éducation et en Formation (BIEF)
Rue Rabelais, 17/101 — 1348 Louvain-la-Neuve
2 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

Cette définition indique qu’une compétence n’existe qu’en présence d’une situation
déterminée, par l’intégration de différentes capacités elles-mêmes constituées par
des connaissances et des savoir-faire. Ces trois éléments sont indispensables pour
constituer la compétence. Par exemple, pour pouvoir “conduire une voiture sur le chemin
du travail”, un individu peut avoir acquis les multiples capacités nécessaires (changer de
vitesse, freiner, évaluer une distance,…), mais ne pas atteindre la compétence parce que
ces capacités ne seraient pas intégrées les unes aux autres. S’il lui manque une capacité
requise, il sera également incompétent. Enfin, il peut se révéler compétent dans une
situation (conduite normale), mais ne pas l’être dans une autre situation (conduite par
temps de neige).

À la suite de DE KETELE (1996), on peut écrire l’égalité suivante pour expliciter les
composantes de la compétence :
Compétence = {capacités x contenus}2 x situations
= {objectifs} x situations

Un enseignement orienté vers la maîtrise des compétences, et non sur la simple juxtapo-
sition de capacités, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une pédagogie de
l'intégration. Une telle pédagogie a l’ambition de mieux armer l’apprenant pour
maîtriser les situations auxquelles il sera confronté dans sa vie professionnelle et
personnelle.

Pour cela, cette pédagogie de l’intégration vise quatre objectifs :


• donner du sens aux apprentissages, en situant ces apprentissages dans un
contexte significatif pour l’élève en relation avec des situations concrètes qu’il va ren-
contrer plus tard ou qui ont du sens pour lui ;
• distinguer ce qui est essentiel de ce qui est moins important, en insistant
sur les apprentissages qui sont importants, soit parce qu’ils sont utiles dans la vie de
tous les jours, soit parce qu’ils constituent les fondements des apprentissages suivants ;
• apprendre à utiliser ses connaissances en situation, en ne se contentant pas
de remplir la tête de l’élève de connaissances diverses, mais en visant également à faire
établir le lien entre ces connaissances et des valeurs, ou finalités des apprentissages,
telles par exemple faire de l’élève un citoyen responsable, un travailleur compétent, une
personne autonome ;
• établir des liens entre différentes notions apprises, en cherchant par là à ré-
pondre à un des grands défis de notre société qui est de garantir à chaque élève qu’il
puisse mobiliser effectivement ses connaissances et ses compétences pour lui permettre
de résoudre utilement une situation qui se présente à lui, mais aussi, si possible, pour

2
Dans l’égalité de DE KETELE, nous ajoutons des accolades {}, pour insister sur le fait qu’il s’agit d’un
ensemble intégré : il ne suffit pas — pour maîtriser la compétence — que les objectifs soient
juxtaposés, il faut qu’ils interagissent pour former un tout unifié. L’emploi du signe “x” va dans le
même sens : il suffit qu’un des termes ait une valeur nulle pour que la compétence soit nulle.
Un objectif est l’exercice d’une capacité (ou activité) sur un contenu. Par exemple, tracer (capacité)
deux lignes perpendiculaires (contenu).
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 3

lui permettre de faire face à une difficulté imprévue, à une situation qu’il n’a jamais
rencontrée.

L’objectif de cet article est de montrer, à partir d’un exemple concret qui sert d’objet
d’analyse, comment un manuel scolaire peut aider à développer une telle pédagogie.

1. Les manuels scolaires : obstacle à l’intégration ?


L’image traditionnelle que l’on a des manuels scolaires va à l’encontre de cette idée d’in-
tégration. En effet, la plupart des personnes — enseignants, parents, élèves, voire même
auteurs — pens(ai)ent que les manuels scolaires sont avant tout et quasi exclusivement
des outils de transmission de connaissances. Dans cette optique, un tel manuel se contente
d’énoncer un certain nombre de contenus-matières, l’un à la suite de l’autre, que l’élève
n’a qu’à assimiler par simple mémorisation, et/ou à maîtriser par un certain nombre
d’exercices tous plus ou moins semblables.

La transmission de connaissances est bien entendu une fonction des manuels scolaires.
Mais, ceux-ci peuvent — doivent — remplir d’autres fonctions, qui peuvent contribuer à
l’intégration de compétences. Un manuel scolaire peut ainsi poursuivre sept fonctions dif-
férentes et complémentaires (GERARD & ROEGIERS, 1993) :
• des fonctions relatives à l’apprentissage
◊ transmission de connaissances, c’est-à-dire communiquer à l’apprenant une
série d’informations ;
◊ développement de capacités et de compétences, afin de faire acquérir des
méthodes, des attitudes, voire des habitudes de travail et de vie ;
◊ consolidation de l’acquis, par l’intermédiaire d’exercices ;
◊ évaluation de l’acquis, pour certifier qu’un acquis est réellement maîtrisé, mais
aussi dans une perspective formative pour diagnostiquer les difficultés rencontrées
par l’élève et proposer des pistes de remédiation ;
• des fonctions d’interface avec la vie quotidienne et professionnelle
◊ aide à l’intégration des acquis, de telle sorte que l’apprenant soit capable
d’utiliser ses acquis dans des situations différentes de celles rencontrées durant
l’apprentissage ;
◊ référence, c’est-à-dire constituer pour l’élève une source d’informations à laquelle
l’élève se réfère ;
◊ éducation sociale et culturelle, qui concerne tous les acquis liés au comporte-
ment, aux relations avec l’autre, à la vie en société en général.

Un manuel poursuit de manière plus ou moins prononcée plusieurs de ces fonctions.


Ainsi, un manuel orienté principalement vers la transmission de connaissances exercera la
plupart du temps une fonction importante de référence, voire d’éducation sociale et cultu-
relle. S’il propose également des exercices, la fonction de consolidation de l’acquis sera
présente.
4 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

Dans la perspective de la pédagogie de l’intégration, un manuel devrait avant tout pour-


suivre les fonctions de développement de capacités et de compétences ainsi que d’aide à
l’intégration des acquis. Il faut reconnaître que si de tels manuels existent, ils ne sont pas
la majorité. Il y a là à la fois une belle veine de recherche ainsi qu’un beau terrain à
construire !

2. Un projet du Vietnam, avec l’appui de l’Union


européenne
Le domaine du livre scolaire au Vietnam est assez développé d’un point de vue quantitatif.
Les manuels sont édités par la Maison des Éditions de l’Éducation qui appartient au
Ministère de l’Éducation et de la Formation. Chaque année, la Maison des Éditions de
l’Éducation publie 1500 manuels différents, qui couvrent toute la scolarité et toutes les
matières, pour un tirage global de 90 000 000 d’exemplaires. Pour la plupart, ces
manuels sont écrits par des auteurs appartenant à la Maison des Éditions de l’Éducation,
ou à l’Institut National des Sciences de l’Éducation.

Selon les responsables eux-mêmes de la Maison des Éditions de l’Éducation, la qualité


pédagogique des manuels doit être améliorée, et cela dans un double souci :
• d’une part, les manuels actuels sont quasi exclusivement orientés vers la transmission
de connaissances, et cela sans établir de liens opérationnels entre celles-ci ;
• d’autre part, chaque matière pour chaque année scolaire fait l’objet d’un manuel dis-
tinct, ce qui ne contribue pas à établir des liens entre les différentes disciplines, mais
qui de plus débouche sur une multiplication pléthorique des manuels3 .

Dans ce contexte et dans le cadre de la coopération avec le Vietnam, la Commission euro-


péenne a, en 1995, confié au Bureau d’Ingénierie en Éducation et en Formation (BIEF,
Louvain-la-Neuve) une mission d’assistance pédagogique pour le développement d’un
manuel scolaire mettant en œuvre les principes de la pédagogie de l’intégration.

Le choix de la Maison des Éditions de l’Éducation s’est porté sur un manuel d’éveil aux
sciences sociales et naturelles, pour la 4e année primaire. La raison de ce choix tient au
fait qu’un programme expérimental couvre ces matières, avec une ébauche d’intégration
de disciplines. En effet, ce programme concerne tout à la fois les sciences naturelles
(physique, chimie, biologie) et les sciences “sociales” (histoire et géographie).
Néanmoins, ces matières restent cloisonnées — tant en ce qui concerne leur présentation
dans le programme que dans l’organisation de l’horaire —, et si le programme énonce
quelques objectifs généraux en termes de savoir-faire et de savoir-être, il est pour
l’essentiel structuré en fonction des contenus, des savoirs à transmettre.

3
Pour l’année 1994, la Maison des Éditions de l’Éducation a ainsi publié pas moins de 96 titres
différents pour les élèves de l’enseignement primaire. À raison de 5 années primaires, cela équivaut à
pas moins de 19 titres par année !
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 5

Le travail de rédaction du manuel a été confié à une équipe pluridisciplinaire composée


d’un membre de la section de recherche de la Maison des Éditions de l’Éducation, chi-
miste de formation, et coordonnateur de l’équipe, et de trois chercheurs de l’Institut
National des Sciences de l’Éducation, une biologiste, une géographe et un historien.

3. Élaboration du manuel intégré de sciences


sociales et naturelles
3.1. Réflexion à propos du programme

Un premier travail a tenté d’accroître la perspective d’intégration au sein du programme. Il


ne s’agissait pas de refondre entièrement ce programme expérimental, mais d’y déve-
lopper certains accents afin de disposer d’une base suffisante pour travailler dans une op-
tique de développement intégré de capacités et de compétences.

Pour l’essentiel, ce travail a permis d’affiner les objectifs généraux en termes de savoir-
faire et de savoir-être et de structurer le programme en fonction de cinq capacités fonda-
mentales à développer, et cela quelle que soit la discipline concernée.

Ces cinq capacités fondamentales sont issues de la typologie des démarches intellectuelles
définies par D’HAINAUT (1983), et peuvent être considérées comme essentielles dans la
construction d’une démarche scientifique4 :
• être curieux, se poser des questions ;
• chercher l’information ;
• traiter l’information ;
• communiquer l’information ;
• agir, réaliser des projets.

Il s’agit de capacités génériques assez vastes qui peuvent chacune être déclinées en une
série d’autres capacités plus précises ou activités concrètes. C’est pourquoi nous parlons
à leur propos de “domaine de capacités”, tout comme nous parlons de “domaines de
contenus” pour désigner les disciplines auxquels se réfèrent les contenus.

L’introduction de ces capacités est intéressante, dans la mesure où elle permet au pro-
gramme de disposer des deux éléments nécessaires à la définition des objectifs à pour-
suivre, puisque — rappelons-le — un objectif est l’exercice d’une capacité sur un
contenu.

4
Ces cinq capacités structurent également les Socles de compétences (1994) et le Programme intégré
(1993-1994), dans leur partie consacrée à l’éveil. Nous avons déjà montré comment elles pouvaient
aider à structurer le contenu d’un manuel scolaire (GERARD & R OEGIERS, 1993).
6 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

3.2. Définition des compétences de base et des objectifs

Sur la base de cette analyse du programme, l’équipe d’auteurs a défini les compétences de
base que le manuel chercherait à développer. Ces compétences de base intègrent les do-
maines de capacités et de contenus visés par le programme, en les attachant à une classe
de situations. Cinq compétences ont ainsi été dégagées, dont la cinquième a été formulée
de la manière suivante5 :

5. À partir d’une situation vécue ou d’un dessin qui met en évidence différents pro-
blèmes liés à la santé, l’élève devra pouvoir identifier ces problèmes, proposer des
solutions appropriées tant préventives que curatives, et les mettre en relation avec
l’environnement.

Le lecteur averti se dira qu’il ne s’agit là que d’un ensemble d’objectifs pédagogiques au
sens classique du terme. Rappelons en effet qu’une compétence est un ensemble intégré
d’objectifs qui permet de répondre de manière pertinente à une situation. Pour pouvoir
maîtriser cette compétence, l’élève devra acquérir une série de capacités (identifier,
proposer, mettre en relation,…) s’exerçant sur des contenus (problèmes de santé,
solutions préventives et curatives, environnement,…), face à une situation (présentation
d’une situation vécue, d’un dessin complexe,…).

Les objectifs qui composent la compétence apparaissent dans une table de spécification,
telle qu’elle a été proposée par BLOOM et ses collaborateurs (1971). Une table de
spécification met en évidence les différents objectifs qui constituent la compétence. Elle
consiste en un tableau à double entrée qui croise d’une part les capacités, ou domaines de
capacités, nécessaires pour maîtriser la compétence, et d’autre part les contenus, ou
domaines de contenus, sur lesquels ces capacités s’exercent.

À titre d’exemple, la table de spécification suivante a été définie pour la cinquième


compétence de base :

5
Nous ne présentons ici que quelques exemples afin d’illustrer notre propos. Une présentation plus
complète est disponible sur demande au BIEF.
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 7

La lumière, Les végé- Le corps La nature et L’histoire


Contenus l’eau, l’air, taux et les humain l’homme du Vietnam
et les animaux vietnamien
Capacités substances
minérales
Être cu- 2. Expliquer6 1. Identifier ce 3. Expliquer ce 8. Expliquer, à partir d’éléments
rieux, se ce qui se qui fait qu’une qui se passe géographiques et/ou historiques,
poser des passerait pour plante ou un quand on est pourquoi il est important de vivre
questions l’être humain animal est en malade et de s’organiser en groupes
s’il n’y avait bonne santé ou
pas de lumière, non, ce dont il
d’eau, d’air, de (elle) a besoin
substances
minérales (sels)
Chercher 4. Chercher comment le corps humain peut bénéfi- 9. Chercher si 10. Chercher si
l’informa- cier de ces éléments extérieurs (inanimés et vi- les conditions les conditions
tion vants) et échanger avec l’environnement d’hygiène et de d’hygiène et de
santé sont les santé ont tou-
mêmes partout jours été les
mêmes
Traiter 7. Expliquer ce qui est nécessaire 11. Expliquer
l’informa- pour que l’homme soit en bonne ce qui se passe
tion santé, au niveau de ces éléments à l’intérieur du
et du corps humain (absence de corps humain,
pollution, hygiène, alimentation notamment au
saine…) niveau du sys-
tème nerveux
Communi- 5. Réaliser un schéma des échanges entre le corps
quer l’infor- humain et l’environnement
mation 6. Réaliser un schéma représentant les relations
entre les éléments organiques et inorganiques ;
entre les éléments organiques entre eux, dans la
nature
Agir, réali- 12. Réaliser des affiches reprenant les 10 règles élémentaires d’hygiène (à chercher par
ser des les élèves), et les afficher dans l’école, le quartier, le village,…
projets

Cette table de spécification — dont la simplicité de présentation ne devrait pas cacher la


grande difficulté d’élaboration — montre comment le développement de la compétence de
base nécessite l’intégration des différents domaines des capacités visées ainsi que celle de
différents domaines de contenus. En effet, pour maîtriser la compétence, l’élève va devoir
réaliser une série d’activités lui permettant de dominer des capacités appartenant aux diffé-
rents domaines de capacités et portant sur des contenus des différents domaines de
contenus.

6
L’intitulé des objectifs n’illustre qu’imparfaitement le lien avec la capacité visée. C’est ainsi que le
verbe “expliquer” est relié à la fois au domaine de capacités “être curieux, se poser des questions” et à
celui “traiter l’information”. C’est bien sûr la manière de mettre en œuvre cet objectif qui permet de
développer l’une ou l’autre capacité.
8 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

La table de spécification permet également d’organiser concrètement les séquences qui


constitueront le manuel. C’est ce qu’indiquent les nombres qui permettent d’ordonner les
différents objectifs en fonction d’une certaine logique pédagogique. Pour chaque compé-
tence, des “paliers de compétence” ont aussi été définis — sur la base d’une analyse tant
logique que pédagogique — de telle sorte à accroître les moments d’intégration. Par
exemple, pour la cinquième compétence, les six premiers objectifs constituent un premier
palier de compétence.

3.3. Définition de l’objectif terminal d’intégration et validation des


compétences

Ce travail étant terminé, les auteurs du manuel ont défini l’objectif terminal d’intégration.
En effet, la maîtrise des compétences de base ne doit pas être atteinte de façon séparée,
c’est-à-dire pour chacune de ces compétences, mais aussi de façon intégrée. Autrement
dit, l’ensemble des compétences doit constituer un objectif terminal d’intégration.
Le terme “terminal” signifie qu’il vise à établir la synthèse de toute une année ou de tout
un cycle.

Contenus

Compétence 1
Objectif
Compétence 2 terminal
Objectifs d'intégration
Compétence 3

...

Rappelons ce qu’est un objectif d’intégration tel qu’il a été défini par DE KETELE,
CHASTRETTE, CROS , METTELIN & THOMAS (1988) :

“Un objectif d’intégration est une compétence qui, dans l’idéal, possède les caractéris-
tiques suivantes :
• la compétence s’exerce sur une situation d’intégration, c’est-à-dire une
situation complexe comprenant de l’information essentielle et de l’information pa-
rasite (information non pertinente pour résoudre la situation) et mettant en jeu les
apprentissages antérieurs ;
• la compétence est une activité complexe nécessitant l’intégration et non la juxta-
position de savoirs et de savoir-faire antérieurs et aboutissant à un produit éva-
luable qui les intègre ;
• la situation d’intégration est la plus proche possible d’une situation naturelle que
pourra rencontrer l’élève. Elle a donc une fonction sociale ;
• l’objectif d’intégration fera appel à des savoir-être et des savoir-devenir orientés vers
le développement de l’autonomie.
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 9

Dans le cas où toutes les caractéristiques ne peuvent être présentes, il faut qu’au
moins la première d’entre elles le soit pour qu’on puisse parler d’objectif
d’intégration.” (p.100).

L’objectif terminal d’intégration du manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles a été
défini de la manière suivante :
Au terme de la 4e année primaire, l’enfant devra pouvoir
• décrire une situation relative à son environnement local ou régional ;
• en dégager à l’aide de cartes, de tableaux, de schémas,
* certaines caractéristiques géographiques (climat, relief, pollution,…),
* certaines caractéristiques humaines (activités économiques, organisation sociale,
hygiène, biologie humaine, éléments historiques,…),
* certaines caractéristiques naturelles (végétaux, animaux, minerais,…) ;
• montrer comment certaines de ces caractéristiques interagissent entre elles ;
• expliquer certaines de ces caractéristiques à la lumière des événements du passé en
montrant l’importance qu’ils représentent pour le peuple vietnamien ;
• et montrer par des exemples comment l’homme peut intervenir pour améliorer la
situation.

Idéalement, l’objectif terminal d’intégration ne devrait pas être défini après les compé-
tences de base, mais bien avant. Il devrait déjà figurer dans le programme, élaboré dans
une perspective d’intégration. Rappelons que, dans le cas présent, nous étions confrontés
à un programme existant et n’ayant reçu que quelques améliorations pour servir de base à
l’élaboration du manuel intégré d’éveil.

Les différentes composantes de cet objectif terminal d’intégration ont été confrontées aux
cinq compétences de base pour vérifier dans quelle mesure le développement de celles-ci
permettrait de l’atteindre.

3.4. Élaboration des séquences7

Au terme de ce travail, particulièrement difficile, l’essentiel de la conception du manuel


était réalisé dans la mesure où les auteurs n’avaient plus qu’à élaborer les séquences en
respectant le plan de travail. Pour cela, chaque objectif a été développé au sein d’une ou
plusieurs séquences. Par exemple, pour la cinquième compétence, les premières
séquences ont été structurées de la manière suivante :

7
Le manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles a été divisé en 6 modules, correspondant aux 5
compétences de base et à l’objectif terminal d’intégration. Chaque module est lui-même divisé en
“séquences” qui abordent chacune un objectif particulier. Ces séquences couvrent une à trois périodes
de travail dans les classes.
10 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

Compétence de base : À partir d’une situation vécue ou d’un dessin qui met en évidence différents pro-
blèmes liés à la santé, l’élève devra pouvoir identifier ces problèmes, proposer des solutions appropriées
tant préventives que curatives, et les mettre en relation avec l’environnement.
Objectifs Séquences
1. Identifier ce qui fait qu’une plante ou un (1) De quoi une plante a-t-elle besoin pour vivre et se dévelop-
animal est en bonne santé ou non, ce dont per normalement ?
il (elle) a besoin (2) De quoi un animal a-t-il besoin pour vivre et se développer
normalement ?
2. Expliquer ce qui se passerait pour l’être (3) De quoi l’homme a-t-il besoin pour se développer
humain s’il n’y avait pas de lumière, de normalement ?
chaleur, d’eau, d’air, de substances miné-
rales (sels)
3. Expliquer ce qui se passe quand on est (4) Comment nous sentons-nous quand nous sommes
malade malades ?
4. Chercher comment le corps humain (5) Qu’est-ce que le corps humain prend du milieu, et qu’est-ce
peut bénéficier de ces éléments extérieurs qu’il rejette dans le milieu ?
(inanimés et vivants) et échanger avec
l’environnement
5. Réaliser un schéma des échanges entre (6) Le schéma du métabolisme entre le corps et
le corps humain et l’environnement l’environnement
6. Réaliser un schéma représentant les rela- (7) Le schéma de la chaîne alimentaire dans la nature
tions entre les éléments organiques et (8) Palier 1 : identifier les différents problèmes relatifs à la
inorganiques ; entre les éléments orga- santé sur la base d’un dessin
niques entre eux, dans la nature
… …

Il ne s’agit là finalement que d’une “table des matières” organisée en fonction des
compétences.

Elle ne signifierait pas grand chose sans la mise en forme des séquences proprement dites
au sein desquelles vont pouvoir réellement se développer les capacités et les compétences.
Chaque séquence contient pour l’essentiel une activité de recherche à partir de diffé-
rents types de documents et sur la base de consignes précises. Il s’agit de mettre l’élève
en démarche active, individuellement ou en petits groupes. Selon les séquences, cette ac-
tivité de départ est accompagnée d’une proposition de discussion collective, d’un apport
d’information structurant, d’un résumé, d’un jeu, de questions permettant à l’élève d’éva-
luer son acquis, ou encore d’un apport d’information complémentaire.

Cette structuration des séquences permet de développer des capacités, c’est-à-dire de


travailler de manière progressive les différents objectifs. Encore faut-il veiller à intégrer
ceux-ci pour développer les compétences. Aussi, après un certain nombre d’objectifs, une
séquence d’intégration est proposée, constituant un “palier de compétence”. Par exemple,
la séquence 8 du module 5 propose le dessin suivant au sein duquel les élèves doivent
identifier divers problèmes liés à la santé.
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 11

Situation permettant de travailler le palier de compétence “identifier les différents problèmes relatifs à la santé
sur la base d’un dessin”
12 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

Discussion
Une démarche nécessairement contextualisée ?

Pour le système éducatif vietnamien, cette démarche d’élaboration d’un manuel scolaire
constitue une innovation pédagogique quasi révolutionnaire. Durant cette année scolaire
1996-1997, le manuel d’éveil intégré aux sciences sociales et naturelles est expérimenté
au sein de différentes classes du Vietnam. Une première évaluation a permis de dégager la
pertinence et l’efficacité d’une telle démarche pédagogique, tout en montrant les difficultés
liées à sa faisabilité dans le contexte vietnamien, et d’autre part de dégager des éléments
d’amélioration du manuel. Les responsables de l’Institut National des Sciences de
l’Éducation ont notamment insisté sur la nécessité de “vietnamiser” les idées qui sous-
tendent la conception du manuel, tant au niveau du vocabulaire qu’en ce qui concerne
l’approche de certains concepts. Il s’agit là d’un besoin important pour assurer la survie
d’une telle démarche, avant de pouvoir en envisager la généralisation.

Il importe notamment de prendre conscience que — quel que soit le contexte — l’entrée
par les manuels scolaires n’est pas suffisante. Si notre expérience, tant nationale qu’inter-
nationale, nous montre que les manuels scolaires constituent un des moyens les plus effi-
caces pour rénover un système éducatif, elle nous indique aussi que cette voie d’action est
indissociable d’une réflexion autour des curriculums et de l’évaluation, sans oublier la
formation des enseignants. Le lien avec les curriculums est particulièrement important :
comment élaborer des manuels scolaires qui ne tiendraient pas compte des programmes
officiels, voire qui seraient en contradiction avec ceux-ci ? Cette préoccupation fut per-
manente lors du projet présenté ici, dans la mesure où ni les notions de capacité ou de
compétence, ni a fortiori celle d’intégration ne sont présentes dans le programme actuel
d’éveil aux sciences sociales et naturelles. Voulant privilégier l’essentiel à l’accessoire, la
démarche exige cependant de réaliser une série de choix ; et ce n’est pas sans un certain
soulagement que les auteurs du manuel ont accueilli l’information, issue de la première
partie de l’expérimentation, selon laquelle le manuel permettrait de respecter les objectifs
du programme officiel.

Il faut aussi avoir conscience qu’une telle démarche constitue un véritable choc culturel.
C’est évident en ce qui concerne un pays comme le Vietnam où — comme a pu le
souligner le rédacteur en chef de la Maison des Éditions de l’Éducation lors du séminaire
d’évaluation de clôture du projet — les pédagogues se sont plus préoccupés jusqu’à
présent de ce qu’il fallait enseigner que de la manière dont il fallait le faire. Les pratiques
pédagogiques vietnamiennes sont fondées sur la transmission de connaissances, l’attente
principale vis-à-vis de l’élève étant qu’il soit capable de les restituer. Dans ce cadre,
l’enseignant est avant tout celui qui expose la matière et qui fait des démonstrations.
L’expérimentation du manuel bouleverse ces fondements : bouleversements “matériels”
de par les bancs scolaires qui sont disposés de telle sorte à permettre le travail par équipe8 ,
8
Et qui retrouvent leur place traditionnelle dès la fin de la leçon “expérimentale” d’éveil aux sciences
sociales et naturelles…
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 13

mais aussi bouleversements “pédagogiques” quand — selon leur propre aveu — les
enseignants sont amenés à se transformer en “organisateur” et en “meneur de débats”. Ils
constatent aussi, après un mois d’expérimentation, que les élèves ne veulent plus
vraiment travailler selon l’“ancienne méthode”, même s’il faut essayer d’en faire autant
pour les autres disciplines…

Ces changements des pratiques pédagogiques ne sont pas toujours faciles, au Vietnam ;
mais n’est-ce pas aussi le cas dans nos pays occidentaux ? Ne suffit-il pas à cet égard
d’interroger les enseignants belges qui s’efforcent de mettre en vigueur les principes des
Socles de compétences et/ou du Programme intégré ? Et la démarche du développement
de capacités et de compétences, notamment par les manuels scolaires, n’est-elle pas tout
autant fondamentale qu’indispensable pour permettre à “nos” jeunes d’être à même de
rechercher, de sélectionner et de traiter les informations en provenance des multiples
sources de savoir auxquelles ils sont confrontés (GERARD, 1996) ?

Un manuel qui favorise l’intégration de compétences ?

Cette démarche semble indiquer qu’il est possible de concevoir des manuels scolaires au
service d’une pédagogie visant l’intégration de compétences. On peut analyser le manuel
en fonction des quatre objectifs de la pédagogie de l’intégration.

Donner du sens aux apprentissages

Tout au long des séquences, l’élève est confronté à des situations concrètes qui sont
proches de son vécu quotidien et sur lesquelles — surtout — il lui est proposé d’agir. Le
manuel reste bien sûr un ersatz de la réalité. Il faut en effet ne pas oublier qu’il est
excessivement rare qu’une compétence s’exerce en milieu scolaire. L’école prépare à la
maîtrise des compétences, mais elle ne permet que rarement de les mobiliser, et encore
moins de les évaluer. L’école, par essence, reste le lieu par excellence de préparation à “la
vie”, sans jamais être “la vie”… (GERARD, 1997). Un manuel scolaire peut néanmoins
poursuivre l’objectif de coller au mieux à la réalité, sans présenter de situations exemptes
de sens, et de demander à l’élève d’agir par rapport à cette réalité, soit en l’analysant, soit
en la transformant, soit en lui donnant sens, soit en se l’appropriant,…

Distinguer ce qui est essentiel de ce qui est moins important

Une des difficultés les plus importantes auxquelles ont été confrontés les auteurs du
manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles fut de sélectionner les contenus-matières
réellement importants. Ce fut particulièrement le cas en histoire. Le programme officiel est
construit selon une logique chronologique, et — il faut l’avouer — fondée pour
l’essentiel sur une logique guerrière, ou plutôt sur une logique d’occupation9 : tous les

9
Si l’occidental a encore en mémoire l’occupation française ou américaine du Vietnam, il importe de ne
pas oublier que pour les Vietnamiens, l’occupant numéro un, ce sont les Chinois qui dominèrent
pendant plus de mille ans leurs voisins du Sud.
14 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

événements, tous les personnages qui sont intervenus dans la lutte pour l’indépendance
du Vietnam en font partie. Il fut très difficile d’aborder les aspects historiques selon une
approche thématique : par exemple, quels sont les événements ou les personnages qui ont
permis au Vietnam d’atteindre son niveau de bien-être actuel ?

Élaborer le manuel dans une perspective d’intégration et donc faire des choix
“historiques” fut possible parce que l’historien membre du groupe d’auteurs était
convaincu de l’importance de ces choix. Mais les réactions face à l’expérimentation
indiquent des réticences certaines. On touche là à quelque chose de quasiment sacré10 !

Il n’en reste pas moins vrai que vouloir pratiquer une pédagogie de l’intégration entraîne
la nécessité de faire des choix. Et si ce principe est évident en théorie, il n’est pas sans
poser de problème au niveau pratique, car — finalement — qu’est-ce qui est réellement
important, et sur quels critères se fonder ? Une dose évidente de subjectivité intervient à
ce niveau.

Apprendre à utiliser ses connaissances en situation

Un manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles se prête particulièrement à cet


objectif. Aider l’élève à réfléchir sur les problèmes de pollution, de santé, d’économie,
l’aider à proposer des solutions adaptées à son environnement, l’aider à agir concrètement
pour modifier son contexte, … Ce sont là des objectifs privilégiés d’un cours d’éveil.

Mais la pédagogie de l’intégration devrait poursuivre cet objectif d’une part à travers les
branches dites “classiques”, et d’autre part en mettant en œuvre des activités
“transversales” qui permettent de confronter les connaissances “classiques” à la réalité.

Le premier cas est abordé lorsque — par exemple — un manuel de mathématique


demande à l’élève de déterminer si un enfant doit rester à l’école durant l’heure de midi ou
au contraire rentrer chez lui (GERARD & ROEGIERS, 1993). Pour résoudre une telle
situation, l’élève doit bien sûr tenir compte de critères économiques ou encore diététiques,
mais doit aussi se situer au niveau d’un système de valeurs. Finalement, il n’y a pas de
“bonnes” réponses dans l’absolu. N’est-ce pas cela “utiliser ses connaissances en
situation” ?

Le deuxième cas recouvre de multiples activités qui permettent à l’élève d’aborder une
situation dans sa globalité, de se situer par rapport à elle, et de déterminer des
perspectives d’action en faisant appel à un ensemble de connaissances, appartenant à
différents domaines, mais surtout en utilisant des capacités et des compétences
transversales. Un cas intéressant à cet égard consiste dans le développement d’activités
qui poursuivent des objectifs fondamentaux d’ouverture à l’humain, sans se cantonner à
une discipline “morale” ou “religieuse”, mais en abordant cette recherche au sein même

10
Et seul le temps permettra de savoir ce qui est réellement important dans l’histoire du Vietnam !
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 15

des curriculums traditionnels. L’ouvrage “Éducation pour le développement humain”, de


Susan FOUNTAIN (1996) est un bel exemple de ce type de démarche.

Établir des liens entre différentes notions apprises

Le manuel d’éveil aux sciences sociales et naturelles développé au Vietnam est à cet égard
un outil qui pousse cette problématique au bout de ses possibilités. En effet, ce manuel ne
se contente pas d’amener l’élève à établir des liens entre différentes notions, mais celles-ci
s’interpénètrent fondamentalement, en ce sens que l’intégration des disciplines est
poussée dans ses derniers retranchements : à aucun moment, l’élève (ni même le
professseur) ne sait s’il fait de l’histoire, de la géographie, de la physique, de la chimie ou
de la biologie,…. Et ces distinctions n’ont pas d’importance dans la mesure où ce qui
compte, c’est d’aborder une situation réelle, de l’analyser, et d’apporter une réponse aux
problèmes qui peuvent s’y poser en faisant appel à l’ensemble de ses connaissances et
capacités.

Cette situation pédagogique est certainement une situation extrême. Elle s’explique
notamment par le fait que l’éveil aux sciences sociales et naturelles est un terrain privilégié
pour développer l’interdisciplinarité, concept qui vit d’ailleurs le jour dans le domaine des
sciences (DELATTRE, 1984). Pour développer les compétences, pour intégrer les savoirs,
il n’est cependant pas nécessaire de pratiquer absolument une intégration des disciplines,
même si celle-ci offre différentes possibilités spécialement puissantes pour développer les
compétences (ROEGIERS, 1997).

Si l’intégration des disciplines ne s’impose pas à tout prix pour intégrer les savoirs, nous
pensons qu’il est indispensable de mettre l’accent sur le développement des compétences
qui permettent à l’élève d’être confronté à des situations plus ou moins complexes, réelles
ou simulées, et qui exigent de sa part de mobiliser en interrelation différentes capacités
qu’il a acquises. Cela peut être fait au sein bien sûr d’un manuel d’éveil aux sciences
sociales et naturelles, mais aussi au sein d’un manuel scolaire de langue maternelle, de
mathématique, de langues étrangères, etc., et cela à quelque niveau que ce soit.

Une démarche généralisable ?

Une telle démarche est-elle généralisable ? Loin de nous l’idée de penser que tous les
manuels scolaires devraient être élaborés selon le mode proposé dans cet article, dans la
mesure où nous pensons qu’un manuel doit aussi correspondre à un réel projet des
auteurs. Nous sommes cependant convaincus de la nécessité de mettre l’accent sur le
développement de capacités11 et de compétences plutôt que sur l’acquisition stricte de
connaissances.

11
Qui, répétons-le, doivent nécessairement s’exercer sur des contenus.
16 GERARD, F.M. & R OEGIERS, X.

Il y a plusieurs chemins qui mènent au sommet de la montagne. Et les moyens pour


mettre en œuvre ces fonctions de développement de capacités et de compétences et d’aide
à l’intégration des acquis sont vraisemblablement multiples.

Nous constatons néanmoins deux éléments :


• les concepts qui ont été proposés aux auteurs vietnamiens étaient entièrement nouveaux
pour eux. Plus exactement nous faut-il écrire que ce sont les procédures pratiques qui
permettent de mettre en œuvre les concepts théoriques qui étaient une réelle nouveauté.
À partir de la présentation de la démarche, les auteurs ont pu la réaliser avec une assez
grande facilité, en équipe interdisciplinaire et avec beaucoup de satisfaction. Cet
élément nous pousse à penser que la démarche est aisément transférable à de
nombreuses situations ;
• les partenaires vietnamiens impliqués dans le projet — au sein de la Maison des
Éditions de l’Éducation mais aussi de l’Institut National des Sciences de l’Éducation —
sont unanimes pour vouloir s’engager dans un processus de généralisation à l’ensemble
des manuels, non seulement d’éveil aux sciences sociales et naturelles, mais aussi à des
disciplines telles que la langue vietnamienne et la mathématique. Ils expriment
cependant avec raison la nécessité de “vietnamiser” la démarche.

Enfin, il nous semble important d’attirer l’attention sur la nécessité de laisser un certain
degré d’ouverture aux manuels conçus dans une perspective intégrative. Nous pensons
même que ces manuels devraient être le plus ouverts possible. Pour cela, ils gagneraient à
être conçus comme un support à compléter ou à utiliser de façon différente selon des
contextes spécifiques. De tels manuels proposent des situations qui exigent de l’élève ou
de l’enseignant d’apporter un certain nombre d’éléments pour les résoudre. Ils suscitent la
recherche et l’utilisation de références. Un manuel ouvert n’est pas utilisé de manière li-
néaire, de la première à la dernière page. Sa conception permet de faire appel à l’une ou
l’autre de ses parties en fonction des besoins. En ce sens, ces manuels sont plus des
points de départ que des points d’arrivée.
Les manuels scolaires au service d’une pédagogie de l’intégration 17

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