j’avais été malade, j’avais voyagé, travaillé et complètement
oublié ce rêve étrange. Vivant complètement seul et abandonné, dans une villa près de Madrid, je souffrais beaucoup. Pas de mal, dont le monde est plein, mais de mes propres pensées sur le mal. Tout contact avec les gens me jetait dans une peur inexplicable et terrible. Chaque jour, de nouvelles possibilités de mal et de malheur inattendues s’ouvraient devant moi. En vingt-quatre heures chacune d’elle me serrait le ventre, dérangeait mon cœur, empoisonnait les jours et les nuits, et ensuite disparaissait comme superflu et sans fondement. Une autre venait à sa place. Chaque contact, chaque tentative de contact faisait naître ces horreurs. Et quand j’étais seul, elles jaillissaient de quelque part de moi-même. Pour tromper les peurs pour lesquelles je savais, ce qui était le plus pénible, qu’elles étaient imaginées, je me mis à peindre les »conte-peurs » sur les murs de la plus grande pièce. Je couvris tous les murs de peintures et de dessins, si bien qu’il ne resta pas assez de place même pour un ongle.