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Testeau c.

Bohorquez Colombo 2019 QCRDL 9537

RÉGIE DU LOGEMENT

BUREAU DE MONTRÉAL

No dossier : 397173 31 20180501 G No demande : 2495021

Date : 01 avril 2019

Régisseur : Jean Gauthier, juge administratif

PATRICK TESTEAU
Locateur - Partie demanderesse
c.
ANGEL BOHORQUEZ COLOMBO

ROCIO CARVAJO
Locataires - Partie défenderesse

DÉCISION

[1] Le 1er mai 2018, le locateur dépose au tribunal une demande afin de forcer le locataire à
minimiser le bruit pour que les autres locataires puissent avoir la jouissance paisible des lieux.
[2] Le 7 mai 2018, le locateur amende sa demande à fin d’ajouter la locataire comme défenderesse
et de réitérer les motifs de sa demande.
[3] Le 7 janvier 2019, le locateur amende à nouveau sa demande afin de demander la résiliation du
bail à cause du comportement des locataires.

LES FAITS PERTINENTS

La preuve du locateur

Les témoignages :

Le locateur :

[4] Les parties sont liées par le bail pour un logement de six pièces et demie, au loyer mensuel de
1 975 $, situé au deuxième étage d’un triplex de trois étages construit en 1929 que les locataires
occupent depuis le 15 novembre 2016. Ils ont actuellement deux très jeunes enfants.
[5] Le locateur possède l’immeuble depuis 1979. Il a occupé le rez-de-chaussée jusqu’au 24 juin
2017 lorsqu’il l’a loué à son fils Sébastien qui jusqu’alors, avait occupé le troisième étage.
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[6] Dès l’arrivée des locataires, le locateur et sa conjointe subissent des bruits incessants des
locataires dès 5h30 le matin jusqu’à parfois 23 h :
- Ils claquent les portes, les fenêtres, les tiroirs.
- Ils déplacent des meubles, échappent des objets, marchent lourdement sur les talons.
- Ils descendent les escaliers à toute vitesse.
- Et s’ajoutent les enfants qui font de la planche à roulettes, de la trottinette et qui courent
sans cesse.
- Des bruits impromptus peuvent également s’ajouter en pleine nuit troublant leur sommeil.
[7] Le locateur a à maintes reprises abordé la question avec les locataires qui n’ont jamais changé
leur comportement. Une séance de conciliation à ce sujet n’a produit aucun effet.
[8] Le locateur a même insonorisé le plafond de sa chambre, sans qu’aucun effet significatif ne soit
constaté.
[9] Il a reçu des plaintes des locataires du troisième étage qui ont menacé de quitter leur logement.
[10] Il a déposé, à l’audience une série, d’innombrables courriels échangés avec les locataires à ce
sujet.

Son fils Sébastien :

[11] Il occupe le rez-de-chaussée avec sa conjointe et sa fille aujourd’hui âgée de 10 mois, depuis le
24 juin 2017.
[12] Il corrobore le témoignage de son père. Il entendait le bruit lorsqu’il occupait le troisième étage et
la situation s’est aggravée depuis qu’il est au rez-de-chaussée. Il ne peut jamais dormir plus tard que
7 h le matin à cause des bruits incessants. Il a changé de chambre et a même tenté de dormir au
sous-sol; rien n’y fait.

Frédérique Marcouiller-Doucet :

[13] Elle est la conjointe de Sébastien. Elle corrobore les deux témoignages précédents et ajoute que
sa fille de 10 mois se fait réveiller par le bruit.

Christina Vannan :

[14] Elle est locataire du troisième étage. Elle subit les bruits qui nuisent même à son sommeil. Elle
est étudiante à la maîtrise, travaille chez elle et se fait déranger constamment. Elle a tenté d’aborder
la question avec les locataires qui selon ses dires ne la prennent pas au sérieux et ne font encore
aucun effort.

Cameron Cummings :

[15] Il est son conjoint et occupe également le troisième étage. Il corrobore son témoignage.

La preuve des locataires

Les témoignages

La locataire Rocio Carvajo :

[16] Elle est architecte et c’est à ce titre qu’elle intervient à l’audience. Elle précise que l’immeuble est
ancien et qu’il n’est pas insonorisé. C’est une construction en bois qui laisse place à beaucoup d’écho.

Le locataire Angel Bohorquez Colombo :

[17] Il vivait auparavant dans un immeuble de béton beaucoup mieux insonorisé.


[18] Il impute le bruit à ses enfants qui vivent une vie active et normale. Il considère qu’il est victime
de harcèlement de la part du fils du locateur.
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Les autres témoins :

[19] Les locataires ont fait témoigner sept personnes, la plupart des amis ou des connaissances qui
ont unanimement mentionné au Tribunal que les locataires étaient de bonnes personnes qui n’ont
commis, à leur connaissance, aucun excès de bruit. Ils sont allés occasionnellement au logement, ont
participé à des fêtes avec des enfants et certains d’entre eux ont subi l’impatience du fils du locateur.

ANALYSE ET DÉCISION

[20] Un locataire a l’obligation d’utiliser le logement avec prudence et diligence et de se conduire de


manière à ne pas troubler la jouissance normale des lieux des autres locataires (articles 1855 et 1860
du Code civil du Québec).
[21] Le Tribunal accorde une grande crédibilité à tous les témoignages précis, détaillés et cohérents
présentés par le locateur.
[22] Le témoignage des locataires reflète clairement un déni de leurs responsabilités.
[23] Par ailleurs, les témoignages des sept personnes qu’ils ont présentées est peu ou aucunement
pertinent. Par exemple, qu’ils soient considérés par un ami comme des réussites d’intégration (ils sont
d’origine espagnole) n’apporte absolument aucun éclairage au Tribunal pour disposer du litige.
[24] Les locataires ne reconnaissent manifestement aucunement le caractère fautif de leur
comportement. Ils imputent le bruit à leurs jeunes enfants et au manque d’insonorisation de
l’immeuble, alors que la preuve démontre que la plus grande part des dérangements provient de leur
propre manière d’occuper le logement. C’est leur seule présence, sans tenir compte de celle de leurs
enfants, qui continue d’entraîner une perte de jouissance des lieux significative pour les autres
occupants de l’immeuble.
[25] À l’audience, le locataire ira même jusqu’à blâmer les locataires du troisième étage d’être des
étudiants qui devraient plutôt habiter dans le ghetto McGill, alors qu’Outremont est un quartier peuplé
de familles. Cet argument témoigne du peu d’égard qu’il peut avoir à l’endroit de ses voisins. Il
s’ajoute à d’autres faits mis en preuve par le locateur : la tolérance de l’usage occasionnel de la cour
arrière, alors qu’ils y font une réception de 50 personnes sans préavis ou la cession d’un espace de
stationnement non mentionné au bail de façon permanente à un ami. Voilà des faits qui en disent long
sur l’attitude des locataires.
[26] Les inconvénients causés par leur comportement excèdent les limites de la tolérance au sens de
l'article 976 du Code civil du Québec qui se lit :
« 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas
les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou
suivant les usages locaux. »

[27] Par ailleurs, l'article 1860 du Code civil du Québec se lit :


« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale
des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de
la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes
auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

[28] Le Tribunal considère que tous les éléments mis en preuve suffisent à démontrer que les
locataires causent un préjudice sérieux au locateur et justifient la résiliation du bail, conformément au
1er alinéa de l'article 1863 du Code civil du Québec qui se lit :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de
demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.
Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants,
un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail. »
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[29] La preuve présentée justifie l'exécution provisoire de la décision, conformément à l'article 82.1 de
la Loi sur la Régie du logement (c. R-8.1).
[30] Enfin, le témoignage des locataires démontre qu’une ordonnance de cesser de faire du bruit en
vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec au lieu de la résiliation du bail ne serait d’aucune
utilité.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31] ACCUEILLE la demande du locateur;

[32] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion des locataires et de tous les occupants du logement
dans les 20 jours des présentes;

[33] ORDONNE l’exécution provisoire malgré l’appel de la présente ordonnance;

[34] RÉSERVE au locateur tous ses recours;

[35] CONDAMNE les locataires à payer au locateur les frais judiciaires et de notification de 85 $.

Jean Gauthier

Présence(s) : le locateur
les locataires
Date de l’audience : 19 mars 2019

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