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Cet ouvrage bénéficie d’un tirage de tête de cent exemplaires numérotés de 1 à 100.

Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation franco-japonaise Sasakawa.

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Trésors
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de l’estampe
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Textes
Geneviève Aitken

Traduction des poèmes


Yumiko Takagi

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Avec la collaboration de
Fondation Jerzy Leskowicz
Toshiko Kawakane

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あふきみる En regardant vers le haut
高嶺の花の Le beau visage
かほハせに Comme une fleur
人のこゝろも Mon cœur s’égare
そらになりけり Dans le ciel
松斎隺翁 Shôsai Tsuruô

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9 Le surimono, une estampe précieuse

18 Note au lecteur
19 SURIMONO

20 渓斎英泉 | KEISAI EISEN


31 菊川英山 | KIKUKAWA EIZAN
33 八島岳亭 | YASHIMA GAKUTEI
68 砂山五清 | SUNAYAMA GOSEI
71 歌川広重 | UTAGAWA HIROSHIGE
82 魚屋北渓 | TOTOYA HOKKEI
126 蹄斎北馬 | TEISAI HOKUBA
130 葛飾北斎 | K ATSUSHIKA HOKUSAI
161 葵岡渓栖 | AOIGAOKA KEISEI
164 鳥居清長 | TORII KIYONAGA
168 歌川國丸 | UTAGAWA KUNIMARU
171 歌川国貞 | UTAGAWA KUNISADA
190 歌川国芳 | UTAGAWA KUNIYOSHI
192 歌川貞景 | UTAGAWA SADAKAGE
194 柳川重信 | YANAGAWA SHIGENOBU
194 二代 柳川重信 | YANAGAWA SHIGENOBU II
202 柳々居辰斎 | RYÛRYÛKYO SHINSAI
216 勝川春英 | K ATSUKAWA SHUNEI
220 二代 速水春暁斎 | H AYAMI SHUNGYÔSAI II
222 窪俊満 | KUBO SHUNMAN
228 勝川春亭 | K ATSUKAWA SHUNTEI
231 菱川宗理 | HISHIKAWA SÔRI
236 二代 葛飾戴斗 | K ATSUSHIKA TAITO II
242 歌川豊廣 | UTAGAWA TOYOHIRO
247 歌川豊国 | UTAGAWA TOYOKUNI
254 凌雲亭和海 | RYÔUNTEI WAKAI
256 TOYOHIRO, HOKKEI, SHUNEI, HOKUSAI, GAKUTEI, TOYOKUNI

259 Note sur la transcription et sur la traduction des poèmes


260 Bibliographie
262 Remerciements

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Le surimono,
une estampe précieuse
Les sourimonos […], ces images qui, par le soyeux du papier,
la qualité des couleurs, le soin du tirage, et des rehauts d’or et d’argent,
et encore par ce complément du gaufrage […] – ces images
n’ayant rien de similaire dans la gravure d’aucun peuple de la terre.
EDMOND DE GONCOURT,
Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle, 1896

La riche collection d’estampes japonaises de Georges Leskowicz est à son image,


généreuse et exigeante ; il a réuni un remarquable ensemble de surimono, et peu
de collections peuvent s’enorgueillir de conserver des pièces d’une telle qualité.
Le surimono se développe pendant une courte période entre la fin du XVIIIe et le
début du XIXe siècle, durant l’ère Edo (1603-1868), et il est défini étymologique-
ment comme une « chose imprimée » au même titre qu’une estampe, un livre, un
album illustré ou toute autre édition en série. Toutefois, il s’en distingue par deux
caractéristiques : il relève d’une commande privée – en dehors du circuit commer-
cial – émanant de poètes et est destiné à des amateurs, amis et connaissances ; il
présente une impression d’une grande qualité, enrichie par des gaufrages associés
à des rehauts de poudres métalliques offrant des reflets argentés ou dorés.
S’il est tout d’abord une simple xylographie de petit format – mêlant image et
texte –, le surimono acquiert, au début du XIXe siècle, une dimension nouvelle avec
l’intégration des egoyomi, ces estampes-calendriers indiquant les mois longs et
courts sous forme de rébus souvent difficiles à déchiffrer, à l’égal des surimono. La
collection en offre un bel exemple avec celui de Hiroshige [p. 72].
La plupart des surimono comportent un ou plusieurs poèmes, sans rimes obligées,
appelés kyôka, composés par des poètes amateurs passant commande à des dessi-
nateurs pour illustrer et valoriser leur versification. Mais l’artiste n’est pas tenu de
suivre le texte, il peut par exemple y ajouter un jeu visuel, comme un signe du zo-
diaque, ou faire un clin d’œil, à travers la couleur violette fréquemment employée
dans la palette de l’estampe ukiyo-e, à la poétesse du XIe siècle Murasaki Shikibu,
murasaki signifiant « violet ». Même si le poème traite de sujets conventionnels
– comme les saisons – ou contient des jeux de mots spirituels, l’observation at-
tentive de l’image et la lecture du texte doivent retenir toute notre attention.
Ces poèmes en prose truffés de références littéraires et de mots d’esprit étaient
inaccessibles aux collectionneurs européens de la fin du XIX e siècle, mais depuis

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NOTE AU LECTEUR

Chaque légende des surimono reproduits dans les pages suivantes indique le titre, l’appartenance
éventuelle à une série, la signature de l’artiste (parfois suivie d’un sceau), la date, la technique,
les dimensions et éventuellement le cachet de collectionneur.
Lorsque le titre est inscrit sur le surimono (titre original), il est transcrit et traduit.
Lorsque le titre n’est pas inscrit sur le surimono, il s’agit d’un titre d’usage, noté entre crochets,
qui décrit le sujet du surimono en japonais et en français.
Au Japon, le nom du dessinateur correspond à son nom patronymique ou à celui de l’école
à laquelle il appartient. Il est suivi de son prénom. Le nom peut être suivi des mots ga, hitsu,
« peint par, dessiné par », ou utsushi, « dessiné par, esquissé par, copié par ». Un dessinateur
peut changer plusieurs fois de noms ou de signatures au cours de sa carrière.
Lorsque dans une estampe figure le signe zodiacal indiquant l’année de réalisation,
celui-ci est mentionné après la date.
Une date entre crochets signale que l’exemplaire a été réalisé à cette date ; la date qui suit alors
est celle de la première impression connue.
Le terme nishiki-e (estampe de brocart) désigne une estampe polychrome.
Le format des surimono, exprimé en centimètres, est suivi du nom japonais du format.
Les surimono sont reproduits au format réel, à l’exception du programme et des annonces.
Les poèmes sont en général signés du nom d’un poète. Lorsque celui-ci est l’auteur de plusieurs
poèmes, son nom est mentionné une seule fois à la fin du dernier poème.
Lorsque des caractères sont illisibles, ils sont remplacés par un carré.
Pour les principes de transcription et de traduction des poèmes, nous renvoyons à la note p. 259.

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渓斎英泉 | KEISAI EISEN
(1790-1848, actif à partir de 1809 environ)

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Fils d’un calligraphe nommé Ikeda Shigeharu, Keisai Eisen est né à Edo ; il étudie avec
Hakkeisai, un peintre de l’école officielle Kanô, et ensuite avec Kikukawa Eizan [p. 31].
Il se spécialise dans la représentation des belles femmes (bijin, formé des mots « personne »,
jin, et « beauté », bi) et dans les estampes érotiques. Il illustre des livres et devient, à partir

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de 1810, un illustrateur prolifique de fictions populaires. Entre 1810 et 1820, il dessine
des estampes commerciales, des rouleaux, mais également des surimono. Pour ces derniers,
il fait précéder sa signature de la mention « Ippitsuan » ; ensuite il signe « Keisai Eisen » ou
simplement « Keisai » en changeant sa manière d’écrire, le caractère sai évoluant en 1825

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vers une écriture cursive.

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[屠蘇に馬の盃] | [Toso ni umanosakazuki] | [Gourde et coupe à saké, écritoire et livre] 御慶来客多し Les invités du Nouvel An
SIGNÉ 渓斎 | Keisai (coupé à droite) sont nombreux
1822, année du Cheval 早春未だ閑を得ず Au début du printemps,
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 19,6 × 17,3 cm shikishiban je n’ai pas encore de temps libre
将に聞きたがる才若の口 J’ai envie d’écouter le chant rythmé
Pour illustrer les poèmes de cette carte de vœux, Eisen, le dessinateur, choisit d’un comédien
de représenter quelques objets, emblèmes du Nouvel An : la gourde – à l’aspect 見た欲る鳥逐の顔 Et de regarder le visage
de calebasse – accompagnée de sa coupe pour boire le saké, d’un livre, d’une d’une chanteuse ambulante
écritoire en forme d’éventail plié, avec sa pierre à encre et ses pinceaux. Un des 雑煮臺所に濨し La soupe savoureuse du Nouvel An
poèmes mentionne le cérémonial du toso, le saké parfumé – « Il abonde comme abonde dans la cuisine
l’eau coule » – qui est bu durant les trois premiers jours de la nouvelle année. 屠蘇床の間に馥はし Le saké parfumé embaume
Dans ce même poème, la troisième ligne – Mi-ka-no-ha-ra –, présente un mot dans le tokonoma
(mika) qui signifie « troisième jour » mais qui renvoie aussi au nom d’un champ. 戯翫に扇筥を擥って Je prends les boîtes d’éventail
Il dérive d’un poème du recueil Cent Poèmes par cent poètes où une rivière irrigue pour m’amuser
le champ. Le poète moderne se réfère à la rivière dont il souligne l’impétuosité 玄関に井字に積 Je les empile en forme de 井 [puits]
lors du Nouvel An.
La branche de prunier en fleur décorant la gourde symbolise le renouveau de la 屠蘇いはふ Avec le toso, on fête
nature, en rappelant que le Nouvel An correspond au début du printemps, selon 元日二日 Les premier, deuxième
le calendrier soli-lunaire en cours au Japon jusqu’en 1873. Enfin, la calligraphie みかの原 Et troisième jours du Nouvel An
évoque un des rituels du Nouvel An : la première écriture de l’année. わきてめてたき Il abonde comme l’eau coule
玉の初春 En ce splendide début de printemps !
碌碌斎短綆 Rokurokusai Tankô
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八島岳亭 | YASHIMA GAKUTEI
(c. 1786-1868, actif 1815-1852)

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Fils illégitime d’un samurai nommé Hirata au service du gouvernement militaire, Yashima
Gakutei prend – après le mariage de sa mère avec un membre du clan Yashima – le nom de
Yashima Sadaoka. Le nom de Totoya Hokkei, dessinateur de surimono, est cité au début de
sa carrière, Gakutei collaborant avec lui à quelques anthologies de poèmes kyôka.

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Étudiant d’abord avec Mado no Muratake puis plus tard avec le célèbre Rokujuen, il devient
lui-même un poète de kyôka accompli. Son premier travail est un livre de fiction populaire
qu’il écrit et illustre à la fois.
Ses premières estampes commerciales sont publiées vers 1815. Il commence à dessiner des

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surimono et des illustrations pour des anthologies de poésie et réalise cependant peu d’ou-
vrages commerciaux. Ses premiers surimono sont commandés par Muratake et ses propres
vers, alors signés « Harunobu », paraissent vers 1816. À partir de 1817 il signe « Gakutei »
et jusqu’en 1819 il utilise un large caractère en forme de crochet distinctif, au-dessus du
dernier caractère de sa signature. À cette date, il dessine des ensembles de surimono, d’abord

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pour le groupe Honchôren puis pour le cercle des poètes Katsushikaren.
Autour de 1821, le fond de ses estampes est décoré de motifs audacieux imprimés avec des
couleurs pastel. Il invente dès 1824 un style personnel qu’aucun dessinateur ne surpasse :
il remplit la surface peinte de couleurs superposées produisant un effet moiré.

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Après 1824, il se met à représenter d’importantes figures avec de larges motifs et des formes
simplifiées ; ses estampes les plus audacieuses semblent avoir été exécutées et publiées vers
1827-1828. À cette époque, il déménage d’Edo à Osaka où il réalise une série de paysages
publiée en 1834 ; il continue à illustrer des florilèges poétiques jusqu’en 1845.

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一 | Ichi | Numéro 1
SÉRIE 久方屋 古市をどり | Hisakataya Furuichi odori | La Danse à Furuichi
pour le cercle Hisakataya
SIGNÉ 岳亭定岡筆 | Gakutei Sadaoka hitsu
c. 1822-1824
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 20,4 × 18,3 cm shikishiban

Sur une frise déployée en pentaptyque (ici la feuille de droite, portant comme titre
Numéro 1), Gakutei représente dix geishas, groupées par deux, de la maison de
plaisir Gissharô. Elles dansent et agitent leurs bras en soulevant leurs manches sur
une terrasse en bois où l’on aperçoit, au fond, les ramures d’un pin.
Les pèlerinages au grand sanctuaire d’Ise, situé entre Yamada et Uji, sont très
populaires dans les années 1820. Les voyageurs qui s’y rendent trouvent refuge
la nuit dans les auberges de la ville de Furuichi et dans ses quartiers de plaisir.
Le terme gissharô peut se traduire par « maison d’un chariot tiré par des bœufs » ;
l’emblème de la maison de plaisir – les roues – figure sur les lanternes et au bas de
la scène sur le fond rouge.
Chaque estampe de ce surimono est titrée par un chiffre de 1 à 5, en partant
de la droite.

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緋鯉 | Higoi | Carpe remontant le courant 滝津瀬を La carpe rouge


SÉRIE 上毛水魚連 | Jômô Suigyoren | Pour le cercle Jômô Suigyoren 登る緋鯉の Remonte la cascade
SIGNÉ 岳亭 | Gakutei SCEAU rouge 八島 | Yashima いきほひに Par sa force
fin 1820 をるや氷柱の La chandelle argentée de glace
nishiki-e, pigment métallique, 20,8 × 18 cm shikishiban 白銀の杖 Est brisée
cachet Wakai Kanezaburo (h. g.), cachet Hayashi Tadamasa (b. d.)
六酌園船盛 Rokushakuen Funamori

Symbole de persévérance et de virilité, la carpe remonte le courant au milieu


大人の Y a-t-il un intérêt
des algues et des bulles d’air. Quand elle parvient à vaincre l’obstacle, elle peut
ミるに利ありや Pour un homme adulte
se métamorphoser en dragon.
飛龍なす À regarder une carpe
La carpe est l’emblème de la fête des garçons célébrée le 5 mai. Devant la porte
緋鯉も滝の Remonter la cascade jusqu’au ciel
de la maison, à l’extrémité d’une perche, une bannière en forme de carpe (koinobori)
天へのほるは Et devenir un dragon ?
est accrochée et flotte au vent. À l’image de cette carpe qui remonte les rivières et
六曲園一双 Rokushakuen Issô
les cascades pour pondre ses œufs, le jeune garçon doit se montrer fort et valeureux.
雪とけて La neige a fondu
浪の花さく À la cascade
滝津瀬に Les fleurs des flots s’épanouissent
のほる緋鯉の Une carpe rouge la remonte
いろそはりけり Et y ajoute sa couleur
六帖園一号桜の壺 Rokujôen ichigô sakura no tsubo
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戦国武将本多忠勝 | Sengokubushô Hoda no Tadakatsu | Le Guerrier Hoda no Tadakatsu


NON SIGNÉ
c. 1830
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 21,8 × 18,7 cm shikishiban

Reconnaissable à son casque avec à sa base une ramure de cerf, le général Hoda
no Tadakatsu (1548-1610) terrasse son adversaire. Promu daïmio par le shogun
Tokugawa Iesayu (shogun de 1603 à 1616), il est l’un des trois derniers unifica-
teurs du Japon à la fin du XVIe siècle. Il est souvent cité comme « le guerrier qui
surpasse la mort elle-même » et la légende rapporte que, au cours des cent combats
qu’il a menés, il n’a jamais été blessé.

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歌川広重 | UTAGAWA HIROSHIGE
(1797-1858, actif à partir de 1814)

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Né à Edo, Utagawa Hiroshige est le fils d’un chef de brigade de pompiers à qui il succède
dans sa charge. À ce titre, il accompagne le cortège officiel sur la route du Tokaido. Il apprend
quelques rudiments de peinture avec un voisin, Okajima Rinsai, puis en 1811 – alors âgé
de onze ans –, il étudie avec l’artiste ukiyo-e Utagawa Toyohiro dont il devient l’élève. Ses

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premières estampes sont publiées en 1814, mais ce n’est qu’à partir de 1818 qu’il commence
à réaliser des gravures en nombre important. Vers 1821, il dessine ses premiers surimono au
format carré (shikishiban) et pendant dix ans il exécute vingt-quatre cartes de vœux – ou plus –,
ce qui représente très peu par rapport à ses milliers de xylographies commerciales mondiale-

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ment diffusées. Vers le milieu des années 1840, il illustre des estampes-calendriers (egoyomi).
Il a également dessiné de nombreuses illustrations pour des anthologies kyôka.
Après sa mort en 1858, son fils adoptif prend momentanément le nom d’Utagawa Hiroshige II,
continuant dans sa tradition et dans son style, ce qui ne permet pas toujours de distinguer
entre les deux personnalités.

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[懐中時計] | [Kaichû dokei] | [Une montre de gousset] はなとりに Par les fleurs et les oiseaux
SIGNÉ 應需廣重写 | Ôju Hiroshige utsushi 春はそやされ Le printemps est adulé
1823 千金と Qui a donné
nishiki-e, gaufrage, pigments métalliques, 21 × 18,5 cm shikishiban 誰かねつけし Aux premières heures de la soirée
宵の一刻 Le prix de mille pièces d’or ?
Ce surimono est un rare exemple d’egoyomi – estampe-calendrier – présent dans la 四半法師 Shihan Hôshi
collection. La montre de poche, accrochée à une cordelette en soie et à une chaîne
terminée par une clé, repose sur son étui. 紅毛の C’est un objet
La signature, « Ôju Hiroshige utsushi », peut être traduite par « dessiné par わたり物なれ Venu de l’étranger
Hiroshige » ; le nom du commanditaire n’est pas connu. Au XVIIIe siècle, les horloges 春の日の Cette montre
sont fabriquées par les Hollandais et cet objet a pu être acquis auprès d’un capitaine あしのなかさを Qui mesure la longueur
de ce pays ; le second poème signale seulement qu’il est « Venu de l’étranger ». はかるとけいも D’une journée de printemps
L’heure est exceptionnellement indiquée et se lit dans le sens contraire des aiguilles 八陣亭堅城 Hachijintei Kataki
d’une montre, comme un rébus – Bunsei 6, Chèvre, Printemps, Grande, Nouvel An,
3e, 7e, 9e 11e, 12e – qui se déchiffre ainsi : année de la Chèvre (1823), les chiffres
se référant aux « mois longs ».

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[飛鶴] | [Tobu tsuru] | [Envol de grues]


SIGNÉ 廣重画 | Hiroshige ga SCEAU 立斎 | Ryûsai
fin 1830
nishiki-e, gaufrage, 17,3 × 48,8 cm naga-surimono

« De l’oiseau en vol à la vague qui se brise, du Fujiyama à un pétale de cerisier en


fleur flottant sur l’eau, il [l’artiste japonais] est maître, libre de créer à volonté. »
Ainsi s’exprime l’architecte américain Frank Lloyd Wright, passionné par l’archi-
tecture japonaise qu’il découvre à l’Exposition universelle de Chicago en 1893.
Il se constitue une collection d’estampes, dont de nombreux surimono. Dans The
Japanese Print, an Interpretation (1912), il analyse les fondements de la philosophie
et de l’esthétique nippones, à savoir que l’artiste japonais « saisit toujours la forme
en en dégageant la géométrie sous-jacente ». Et de résumer : « par ces simples
dessins colorés l’artiste japonais accomplit une révélation semblable, par le biais
de teintures et de lignes gravées appliquées sur un papier sensible, en réunissant
ses éléments d’expression en accord avec son cerveau et son cœur, en atteignant
le beau comme résultat dans la mesure où l’artiste a été fidèle aux limites que lui
impose la nature des moyens employés ».

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魚屋北渓 | TOTOYA HOKKEI
(1780-1850, actif à partir de 1799)

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Totoya Hokkei est un des élèves les plus prolifiques et les plus réputés de Hokusai. Son nom
« Totoya », qui signifie « poissonnier », souligne son origine populaire. Dans sa jeunesse,
il apprend la peinture officielle de l’école Kanô auprès du peintre Yôsen’in (1753-1808).
Ses premiers travaux dans l’atelier de Hokusai datent de 1799. Il s’établit ensuite comme

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dessinateur de surimono. Son art est indubitablement redevable à Hokusai, avec lequel il
collabore aux premiers volumes de la Manga (entre 1815 et 1820), et son dessin est marqué
par cette influence. À la fin des années 1820, il réalise des surimono complexes, sur le plan
de la technique comme sur celui de la composition, qui puisent dans l’histoire, la littérature

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et les légendes et témoignent de son imagination et de son humour.
Après le décès de Shunman en 1820, avec lequel il a collaboré, et après le retrait de Hokusai de
l’art du surimono –, il est, avec Gakutei, de la même génération, le plus important illustrateur
(sa production comprend plus de huit cents feuilles). Il compte parmi ses commanditaires des
samurai poètes et des représentants du kokugaku, mouvement qui prône un retour à la littéra-

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ture vernaculaire [p. 123].

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若菜 | Wakana | Chapitre Wakana 伽羅の香を C’est après qu’a été reçu un poème
SÉRIE 源氏物語 | Genji monogatari | Dit du Genji とめしえいを Sur une feuille parfumée
SIGNÉ 北渓 | Hokkei えてよめる Au bois d’encens
1820-1833 若菜の巻は Que le livre Jeunes Pousses
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 21,1 × 18,2 cm shikishiban 上下もあり A été écrit en deux volumes
芝廼門真種 Shibanomon Matane
Dans un espace ouvert, en vue plongeante selon la perspective employée depuis
longtemps dans les peintures de paravents, le prince Genji reçoit une dame de la cour 小簾もれて À travers le petit store
à l’époque du Shôgatsu – le Nouvel An –, comme le rappelle la composition avec 匂ふ初音の Le parfum de Hatsune embaume
la branche de pin au premier plan. 玉かつら Dans la lumière de la lune
Cette scène est issue du Genji monogatari écrit au XIe siècle par Murasaki Shibiku, 梅かやしなふ La fauvette demeure
dame de cour de l’impératrice Akiko. Cette œuvre volumineuse – plus de deux 庭のうくひす Sur le prunier du jardin
mille pages – comprenant cinquante-quatre chapitres retrace la vie à l’époque 清明亭本蓮 Chômeitei Motohasu
Heian du prince « Genji le Radieux », de sa naissance à sa mort. Ses aventures
galantes, les intrigues de son entourage et les complots politiques servent de fil
directeur, mais Murasaki Shikibu évoque aussi la « beauté poignante des choses
fragiles » où la poésie, la peinture et la musique entrent en résonance pour expri-
mer l’impermanence des choses.

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[芸者に琴] | [Geisha ni koto] | [Geisha et koto]


SIGNÉ 今様振 葵岡老人筆 | Imayôfuri Aoigaoka rôjin hitsu SCEAU 北渓 | Hokkei
c. 1830
nishiki-e, gaufrage, pigments métalliques, 20,3 × 38,5 cm chûban

Trois jeunes femmes sont rassemblées dans un intérieur devant un paravent figurant
un effet de cascade ; on croit d’ailleurs entendre le bruit de la chute d’eau. Deux livres
dans leur emboîtage sont posés devant l’une des femmes, les deux autres étant assises
près d’un koto. Celle de droite tient un plectre dans la main. À chaque extrémité de cet
instrument à treize cordes sont fixés des chevalets mobiles utilisés pour l’accorder.
Le joueur de koto joue en pinçant les cordes avec trois doigts de la main droite, dotés
d’ongles artificiels, tandis que la main gauche parcourt librement les cordes.

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うりかひ 売買 | Urikai | Commerce 初春に Au début du printemps


SÉRIE Kogentei jûhachiban tsuzuki | Dix-Huit Illustrations du Kogentei 山も笑ひて La montagne semble
SIGNÉ 北渓 | Hokkei 撡む如 Sourire et saisir
1831, année du Lapin 打もかへけり Un nouveau portrait du jeune Ebisu
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 21,5 × 18,3 cm shikishiban 若惠比須講 Pour remplacer l’ancien
cachet Hayashi Tadamasa (b. g.)
捲眺亭富佐子 Kenchôtei Fusako

Deux poissons, dont une daurade (tai), sont posés sur un plat bleu à la bordure
賣買を Le jeune Ebisu du printemps
interne ornée de pigment doré. Les écailles sont mises en relief par un gaufrage.
よみせてはるの Favorise
Sur le kakémono est représenté Ebisu, un des « Sept Dieux du bonheur », protec-
若惠ひす La vente et l’achat
teur des pêcheurs et des marchands.
ち地□両の On les compte
Hokkei compose ce surimono de telle sorte que les poissons semblent être directe-
さちにかそへん Parmi les causes de mille bonheurs
ment pêchés par Ebisu qui, de sa ligne, sort une énorme prise.
森羅亭 Shinratei
Un des poèmes met l’accent sur cette coutume du Nouvel An qui consiste à substituer
de nouveaux portraits à ceux de l’année précédente, tel Ebisu apportant ici la prospérité.

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うくひす 鶯 | Uguisi | Fauvette 錜梅の Au parfum du motif


SÉRIE 古言梯十八番續 | Kogentei jûhachiban tsuzuki | Dix-Huit Illustrations du Kogentei 薫につれて Des fleurs de prunier
SIGNÉ 北渓 | Hokkei 聲たつる La fauvette dans sa cage
1831, année du Lapin なけしにかけし Accrochée à la poutre
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 21 × 18,3 cm shikishiban 篭のうくひす Commence à chanter
大江都多通実 Ôedo Tatsumi
Vue dans sa cage, une fauvette est perchée et tourne la tête. La frise de fleurs de
prunier décorant la partie inférieure de la cage ainsi que le chant de la fauvette 夜明せし La nuit s’est écoulée
signalent que le printemps est arrivé. Les étamines sont délicatement rehaussées 籠の鶯 À mon annonce de l’arrivée du printemps
de pigment métallique argenté, de même que le récipient à graines. こちらから La fauvette dans sa cage
春告られて Fait entendre
名のる初聲 Son premier chant de l’année
壽室 Jushitsu

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葛飾北斎 | KATSUSHIKA HOKUSAI
(1760-1849, actif à partir de 1799)

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Élève de Katsukawa Shunshô, Katsushika Hokusai débute comme dessinateur d’estampes
ukiyo-e en 1779. Il signe ses premiers egoyomi (estampes-calendriers) sous le nom de Shunrô
en 1789. En 1792, il se retire du circuit des estampes commerciales et reste inactif jusqu’en
1795. À cette date, il collabore à des illustrations pour des anthologies de poésie puis,

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l’année suivante, il dessine de nombreux surimono et des pages d’albums, publiés pour des
amateurs privés. Après avoir employé – pendant un court laps de temps – le nom de Sôri,
il adopte celui de Hokusai en 1798. Selon son humeur, ses changements de résidence et
les étapes de son travail, il change de nom et de signature. On dénombre une cinquante de

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signatures, parmi lesquelles « Gakyôjin », qu’il commence à utiliser au printemps 1801 et
que l’on peut traduire par « homme fou [kyo] de dessin ». Entre les années 1790 et 1800,
il est le dessinateur de surimono le plus réputé et travaille avec les plus importants maîtres
de poésie kyôka. En 1820, il célèbre ses soixante ans et clôt son premier cycle d’activité ; sa
signature inclut alors le terme « Iitsu », que l’on traduit approximativement par « à nouveau ».

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Les deux séries de surimono les plus connues, Le Jeu de coquillages avec les poètes de l’ère
Genroku et Toutes les sortes de chevaux, sont réalisées entre 1821 et 1822. Il est appelé en
1824 pour dessiner cinq surimono ayant pour sujet le kabuki avec les acteurs qui se pro-
duisent cette année-là. Enfin dans les années 1830 il délaisse le dessin de surimono ; l’ultime

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commande privée qu’il reçoit date de 1848. Sa dernière illustration d’un surimono, qui
représente un pêcheur se reposant, est considérée comme un autoportrait.

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馬蹄石 | Bateiseki | L’Encrier en forme de sabot de cheval


SÉRIE 馬盡 | Uma-zukushi | Toutes les sortes de chevaux, commandée
par le club Yomogawa
SIGNÉ 不染居為一筆 | Fusenkyo Iitsu hitsu
1822, année du Cheval
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 20,8 × 18,1 cm shikishiban

Peintre et poètes entremêlent la pratique de la calligraphie avec le thème de l’année


placée sous le signe du Cheval. On ne perçoit d’abord qu’un ensemble d’objets :
une pierre à encre, un bâton d’encre de Chine (sumi) et des pinceaux de différentes
tailles dans un pot en porcelaine. Une branche de prunier en fleur émerge d’un
récipient contenant l’eau pour fabriquer l’encre décoré du même motif.
On remarque que la pierre à encre – en obsidienne – a été creusée pour épouser
la forme d’un sabot de cheval. Le titre de cette estampe, Bateiseki, signifie litté-
ralement « pierre de sabot de cheval ». À l’époque Edo, bateiseki était également
le terme générique pour désigner un type de pierre à encre.
Enfi n cette roche est liée à la légende de Sasaki Takatsuna : un guerrier dont
la jument – à la recherche de son poulain – a plongé dans un lac et, ses sabots ayant
touché le fond, ils ont laissé leur empreinte.

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[雛祭りの飾り] | [Hinamatsuri no kazari] | [La Décoration pour la fête des filles]


SIGNÉ 葛飾北斎画 | Katsushika Hokusai ga
1807
nishiki-e, gaufrage, 24 × 39,2 cm chûban
cachet Hayashi Tadamasa (b. g.)

Au centre de la scène des femmes s’activent, l’une apporte les flacons de saké coiffés
de papier décoratif selon la tradition du Nouvel An, deux autres s’affairent près d’un
brasero, tandis qu’une autre encore tient une poupée dans les mains. Des mets,
parmi lesquels figurent des mochi, sont présentés dans un panier. Ce sont les prépa-
ratifs pour Hina matsuri, la « fête des filles », célébrée le 3 mars. Sur l’estrade, les
musiciens sont alignés ; on reconnaît Ebisu avec sa daurade sous le bras et à côté
Daikokuten, un sac de riz sur l’épaule. Souvent en couple, ils font partie des « Sept
Dieux du bonheur », le premier assurant la protection, le second la richesse.

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歌川国貞 | UTAGAWA KUNISADA
(1786-1864, actif à partir de 1807)

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Utagawa Kunisada naît à Edo où son père, Shôbei, conduit le bac sur la rivière Tatekawa
près du temple des Cinq Cents Rakan. À quinze ans, il est élève d’Utagawa Toyokuni et
commence à réaliser des illustrations pour les livres et, vers 1807, des feuilles d’estampes.
Il se fait connaître autour de 1815 lorsqu’il dessine un ensemble de sept portraits d’acteurs

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en gros plan (okubi-e) sur des fonds micacés. Familier des principaux acteurs, écrivains et
artistes, il devient célèbre. C’est sans doute par ses contacts qu’il est sollicité pour dessiner
des surimono commandés par des poètes et des cercles avec lesquels il partage un intérêt par-
ticulier pour le théâtre kabuki. Ainsi portraiture-t-il son ami l’acteur Ichikawa Danjûrô VII

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(1791-1859) dans des surimono datés du début des années 1810 au milieu des années 1830,
avec une période plus productive entre 1810 et 1820. La majorité de ces derniers sont édités
en feuilles, tandis que d’autres sont publiés en séries comportant deux ou trois estampes.
On compte à son actif probablement entre deux cents et trois cents surimono, un nombre
important mais qui représente peu comparé aux quelque mille gravures qu’il a exécutées,

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sans mentionner les peintures et d’innombrables illustrations d’ouvrages. Il figure égale-
ment quelques paysages et des portraits de femmes ordinaires. Sa production varie entre
les estampes à fond micacé et celles qui sont diffusées massivement. Il adopte le nom de
Toyokuni III avant de se retirer du monde de l’estampe en 1845.

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七代目市川團十郎の不動明王 | Shichidaime Ichikawa Danjûrô no Fudômyôô | 初夢に Le Fudôson immuable


L’Acteur Ichikawa Danjûrô VII dans le rôle de Fudô Myôô 見し弁慶の Dans mon premier rêve de l’année
SIGNÉ 国貞画 | Kunisada ga SCEAU 松川菱 | Matsukawa-bishi 不動尊 Était le héros Benkei
1827 さめて嬉しき Je suis si content de me réveiller
nishiki-e, gaufrage, 21 × 18,4 cm shikishiban 春の曙 À l’aube du printemps
cachet TSN (au revers)
萬徳成 Mantokunari

Cette estampe est une représentation d’Ichikawa Danjûrô VII dans le rôle de Fudô
Myôô incarnant la divinité bouddhique Acala, un des cinq rois du savoir, associée
à la colère et au feu. Campé sur un rocher, l’acteur montre sa face courroucée
rehaussée par le maquillage rouge et blanc. Dans la main, il tient le glaive lui
permettant de couper les obstacles ; des armes tranchantes ou contondantes sont
fixées derrière son dos. Le symbole du feu figure sur la hache. De la main gauche,
il fait glisser les perles du chapelet (enju) pendant la méditation. Le premier à tenir
le rôle de Fûdo Myôô est Danjûrô I, disciple fervent de la divinité : il fonde la
corporation d’acteurs Naritaya d’après le nom du temple Fudô Naritaya Fudosôn.

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七代目市川團十郎の蘇我五郎 | Shichidaime Ichikawa Danjûrô no Soga no Gorô |


L’Acteur Ichikawa Danjûrô VII dans le rôle de Soga no Gorô
SIGNÉ 應需国貞画 | Ôju Kunisada ga
1827
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 20,7 × 18,1 cm shikishiban

Dans le Japon du XIX e siècle, on pratique au Nouvel An différents jeux de plein air,
comme le cerf-volant, la balle ou encore le volant appelé hanetsuki ; on utilise une
raquette (hagoita) et un volant. Plusieurs motifs peuvent décorer la raquette, mais
il est fréquent d’y voir figurer le portrait d’un acteur, cela assurant sa publicité.

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[屠蘇袋] | [Toso bukuro] | [Le Sachet de toso] けさ春の En ce matin printanier


SIGNÉ 五渡亭国貞画 | Gototei Kunisada ga たつた川かも Le beau paysage
1818-1830 けしきよく De la rivière Tatsuta
nishiki-e, pigments métalliques, 20,5 × 17,7 cm shikishiban 屠蘇の袋も Et les sachets de saké parfumé
紅葉はの色 Ont la couleur des feuilles rouges
L’image, avec ces deux personnages, doit appartenir à un diptyque. Le poème évoque 緇帷園桃ヶ呂 Chûien Momokaro
le toso de la nouvelle année, ce saké doux, préparé spécialement pour le Nouvel An,
qui tient une place importante dans les rituels du Shôgatsu. Selon la légende, boire
du toso éloigne les maladies et, même si un seul membre de la famille en consomme,
les autres sont protégés pour l’année.
Originaire de Chine, il est adopté par le Japon au IXe siècle, à l’ère Heian. Variant
selon les époques et les régions, ce toso résulte d’un mélange d’herbes et d’épices, parmi
lesquelles figurent la cannelle, la rhubarbe et un type de poivre, mises à macérer
pendant quelques heures dans l’alcool de riz, cela lui conférant son goût parfumé.

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[三味線と琴の合奏] | [Shamisen to koto no gassô] | [Shamisen et koto] 籠のうちに Écoutant le chant


SIGNÉ 五渡亭国貞画 | Gototei Kunisada ga なくうくひすの De la fauvette
1818-1830 聲きけは Dans sa cage
nishiki-e, gaufrage, pigments métalliques, 20,3 × 27,3 cm chûban みすをへたてヽ Séparée par le store
ひける玉琴 Je l’accompagne avec un joli koto
Deux femmes sont assises devant un paravent décoré de branches de pin. 江州シカラキ Gôshû Shikaraki
L’une joue du shamisen (guitare à trois cordes), la seconde du koto, évoqué dans 槻の屋弦彦 Tsukinoya Tsuruhiko
le premier poème. Cette longue cithare – 1,80 mètre en moyenne – à la caisse
en bois de paulownia comporte treize cordes en fils de soie que l’on pince. Pour 梅か香の Je souhaiterais garder dans mes manches
un Occidental, le son émis ressemble à celui d’une harpe. 中に啼たつ La voix embaumée
鶯の De la fauvette
聲の匂ひも Qui chante
袖にとめたし Dans le parfum du prunier
同 花鳥屋乗康 Même Kachôya Noriyasu

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[六歌仙] | [Rokkasen] | [Les Six Poètes immortels] この上を « Rien ne surpasse ce lieu » Y
SIGNÉ 豊広画, 葵岡北渓, 春英, 葛飾親父戴斗筆, 岳亭春信画, 豊国画 | 越すものなしと Ce joli quartier des collines O
Toyohiro ga, Aoigaoka Hokkei, Shunei ga, Katsushika oyaji Taito hitsu, Gakutei しら梅の Appelé Yama no te en fleurs K
Harunobu ga, Toyokuni ga 香りも高き Qu’embaume à présent
1815-1816
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花の山の手 Le parfum des pruniers blancs
nishiki-e, 20 × 26,7 cm chûban N
蛍雪窓 Keisetsusô
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Ce surimono réunit, comme en apothéose, six artistes de grand talent. Ils se sont eux-
mêmes portraiturés dans un esprit parodique propre à la culture japonaise. Ainsi se
comparent-ils aux six poètes waka de l’ère Heian reconnus comme immortels.
En observant leurs attitudes et leurs costumes, essayons d’identifier chacun d’eux
à un poète. Au sommet de la pyramide, Toyohiro, en aristocrate de cour dans sa
fonction de militaire, coiffé d’un kanmuri et muni d’un carquois, s’incarne en
Ariwara no Narihira. Au-dessous de lui, à sa gauche, Hokkei est Henjô, habillé
du vêtement orange de moine bouddhiste. Au premier rang, Shunei, les mains
jointes et coiffé de l’eboshi des aristocrates, se compare à Otomo no Kuronoshi.
Quant à Hokusai (Taito), prêtant l’oreille à Gakutei, il se représente, comme
s’il avait traversé le temps, en « vieillard fou de dessin » davantage qu’en Kisen.
Gakutei, de profil, personnifie Fun’ya no Yasuhide. Enfin, aux pieds de Toyohiro,
Toyokuni endosse le rôle de la poétesse Ono no Komachi.
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NOTE SUR LA TRANSCRIPTION
ET SUR LA TRADUCTION DES POÈMES

La plupart des poèmes figurant sur les surimono appartiennent au kyôka, un des genres
poétiques en langue classique japonaise.
Pour proposer une traduction réalisée à partir de la langue classique japonaise, nous avons
dû procéder par étapes. Ce travail complexe s’est accompli en deux temps :
– d’abord, comme la langue (écriture et grammaire) des surimono, qui date de la fin du XVIIIe
et du début du XIX e siècle, est plus proche du japonais du XIe siècle que de celui d’aujourd’hui,
nous avons transcrit l’écriture japonaise traditionnelle en écriture moderne (il faut ici
rappeler que le grand changement linguistique, opéré sous prétexte de modernisation, fut
imposé par le gouvernement Meiji au début du XX e siècle) ;
– une fois la transcription achevée, nous avons pu lire et analyser les poèmes afin de les
traduire en français.

Principes de transcription des poèmes


La calligraphie des poèmes kyôka utilise l’écriture traditionnelle du Japon qui mêle des
caractères chinois (les kanji) et le syllabaire japonais kana. Celui-ci a été inventé vers le
Xe siècle, en simplifiant les lignes dont étaient constitués certains kanji pour exprimer
quarante-sept ou quarante-huit phonèmes.
Alors que, dans l’écriture japonaise actuelle, une syllabe (consonne et voyelle) ne peut
être écrite que d’une seule façon, en hiragana (des kana choisis officiellement au milieu du
XIX e siècle), au temps des surimono une syllabe pouvait être écrite de plusieurs façons, en
utilisant aussi plusieurs autres kana – appelés aujourd’hui hentaigana, et dont l’utilisation est
devenue rare (on les retrouve principalement dans l’art de la calligraphie).
Par ailleurs, l’écriture du japonais contemporain a des règles précises pour l’emploi des kanji
et des hiragana, contrairement à ce qu’il en était à l’époque des surimono où plus de liberté
était permise. Par exemple, un substantif écrit en kanji dans le japonais actuel pouvait être
écrit en kanji, en hiragana, ou même en plusieurs variétés de hentaigana.
Les règles de transcription que nous avons adoptées sont les suivantes :
– les caractères chinois (kanji) utilisés pour leur valeur sémantique ont été conservés tels
qu’ils figurent dans les surimono ;
– les kanji écrits en style « courant » (gyôsho) ou en style « cursif » (sôshô) ont été réécrits en
style « régulier » ;
– l’écriture syllabique japonaise hiragana a été transcrite sans modification ;
– l’écriture syllabique japonaise hentaigana a été changée en hiragana.

Pour la gravure des caractères dans la planche de bois, chaque graveur a fidèlement copié le
manuscrit, en respectant le style de chaque artisan calligraphe, même si les kanji ou les kana
ont parfois été déformés, probablement pour faciliter la gravure sur bois.

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Principes de traduction des poèmes
Le kyôka est un dérivé du waka (littéralement « poème japonais »). Comme celui-ci, il est
composé de cinq vers comptant respectivement 5, 7, 5, 7 et 7 syllabes. Il s’articule souvent,
sémantiquement et phonétiquement, en deux parties : les trois premiers vers constituent la
première partie ; les deux derniers, la seconde. Dans la traduction, nous avons cherché, dans
la mesure du possible, à respecter l’ordre original des vers. Néanmoins, lorsque la logique
française s’opposait à celle du japonais, la priorité a été donnée à la première.
Dans le kyôka, comme dans tout poème japonais, la notion de rimes n’existe pas. L’auteur
cherche plutôt à donner une dimension imaginaire à son très court poème.
En ce qui concerne la rhétorique, les deux procédés principaux qui apparaissent dans les kyôka
des surimono sont les « mots-pivots » (kake-kotoba) et la parodie (mitate) sous forme de métaphore.
Les mots-pivots sont des homophones qui présentent des significations différentes selon que
l’on considère ce qui les précède ou ce qui les suit. Ils sont plus faciles à distinguer quand
ils sont écrits en hiragana ou en hentaigana que lorsqu’ils sont en caractères kanji, qui n’ont
qu’un seul sens. Les mots-pivots sont utilisés dans un poème parce que, en raison de leur
double sens, ils permettent une double lecture.
Le mitate est pratiqué largement dans la culture japonaise, au théâtre, en peinture, dans les
arts décoratifs ou dans la littérature. L’image du surimono elle-même est souvent un mitate,
comme le poème qui y est associé. Pour le lecteur étranger, certaines métaphores peuvent
être difficiles à comprendre : par exemple, les cheveux sont souvent assimilés aux rameaux
du saule pleureur, et l’inverse est possible.
Dans certains poèmes, on observe un autre procédé, plus complexe. L’auteur peut intégrer
dans son poème un élément littéraire préexistant sous la forme d’un extrait de poème ancien
ou de texte en prose d’origine japonaise ou chinoise. Lorsqu’il s’agit d’un poème ancien, cette
technique est nommée « prendre un poème de base » (honkadori).
Enfin, le kyôka a un rapport avec la société dans laquelle il s’inscrit : le théâtre kabuki et
la pratique religieuse dans la vie quotidienne avant la séparation forcée du bouddhisme et
du shinto durant l’ère Meiji. Nous y décelons aussi l’influence de la pensée et des croyances
d’origine chinoise.
Tous ces procédés donnent au poème plusieurs sens qui se superposent. L’auteur peut les
utiliser simultanément.

Dans certains cas, afin de ne pas alourdir la traduction et parce que certains éléments ne
pouvaient être restitués, nous avons été obligés de choisir un sens parmi d’autres, de laisser
transparaître des ambiguïtés, qui constituent l’un des charmes de la poésie japonaise.
Notre souci est que le lecteur français, même sans connaissance de la langue japonaise et de
ses subtilités, puisse appréhender le contenu de chaque poème.
Nous avons opté pour une traduction aussi proche que possible du texte original et fidèle à
l’expression de ces nombreux poètes, sans nous autoriser trop de liberté poétique et tout en
respectant le rythme des vers kyôka.

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Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Monsieur Georges Leskowicz pour la confiance qu’il
m’a accordée.
Pour les échanges fructueux entre nos cultures, je remercie vivement Toshiko Kawakane et
Yumiko Takagi. Avec spontanéité Toshiko m’a fait découvrir cette importante collection et
elle a partagé son savoir au cours de nombreuses séances de travail. Yumiko a ouvert mon
esprit au monde poétique des surimono grâce à sa connaissance approfondie de la culture
ancienne du Japon.
Je suis reconnaissante à Danielle Elisseeff (EHESS, Centre Chine) et à Akane Nishi (doc-
torante, EHESS), pour leurs compétences et leurs savoirs dans le décryptage des images et
de leurs significations, ainsi qu’à Monsieur Vincent Durand-Dastès (professeur, INALCO)
et à Monsieur Shûgô Asano (directeur du musée d’art Yamato Bunkakan à Nara et du mu-
sée d’art Abeno Harukas à Osaka).
Ma gratitude va à Claude Laroque et à Sébastien Gilot pour les échanges portant sur la
matérialité des œuvres, sur l’histoire du papier et sur les colorants.
Aux éditions In Fine, je remercie Marc-Alexis Baranes et Stéphanie Méséguer.
Pour la coordination de l’ouvrage, je remercie cordialement Anna Bertaccini Tadini
de son enthousiasme et sa persévérance ; je suis reconnaissante à Marion Lacroix et à
Nadine Creusot, pour leur patience et leur perspicacité dans la relecture des textes, ainsi
qu’à Nelly Riedel pour l’élégante maquette.
Enfin, je remercie Isabelle Holstein, Brigitte Koyama-Richard, Marie-Christine Bonolo et
Lydie Decline.
GENEVIÈVE A ITKEN

Mes remerciements s’adressent avant tout à Monsieur Georges Leskowicz et à Marc-Alexis


Baranes pour la confiance qu’ils m’ont accordée.
Pour nos réunions nombreuses et inoubliables au cours de la préparation de l’ouvrage, je re-
mercie vivement Geneviève Aitken, Toshiko Kawakane et Anna Bertaccini Tadini, qui avec
bienveillance et persévérance m’ont aidée à trouver le bon mot, dans un échange enrichissant
et passionnant.
Ma reconnaissance va également à Monsieur Abô Hiroshi, professeur à l’université pour
femmes de la préfecture de Gunma (Japon), dont les suggestions ont facilité la compréhension
des images, ainsi qu’à Monsieur Hayashi Nobutaka, professeur de calligraphie à Paris, pour
son aide dans la transcription des poèmes.
Enfin, je tiens à remercier Lina Nakazawa-Piras, Nadine Creusot et Marion Lacroix pour
leur précieuse relecture, ainsi que Nelly Riedel, qui a patiemment assuré le traitement des
caractères japonais.
YUMIKO TAKAGI

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