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Avec la collaboration de
Fondation Jerzy Leskowicz
Toshiko Kawakane
18 Note au lecteur
19 SURIMONO
Chaque légende des surimono reproduits dans les pages suivantes indique le titre, l’appartenance
éventuelle à une série, la signature de l’artiste (parfois suivie d’un sceau), la date, la technique,
les dimensions et éventuellement le cachet de collectionneur.
Lorsque le titre est inscrit sur le surimono (titre original), il est transcrit et traduit.
Lorsque le titre n’est pas inscrit sur le surimono, il s’agit d’un titre d’usage, noté entre crochets,
qui décrit le sujet du surimono en japonais et en français.
Au Japon, le nom du dessinateur correspond à son nom patronymique ou à celui de l’école
à laquelle il appartient. Il est suivi de son prénom. Le nom peut être suivi des mots ga, hitsu,
« peint par, dessiné par », ou utsushi, « dessiné par, esquissé par, copié par ». Un dessinateur
peut changer plusieurs fois de noms ou de signatures au cours de sa carrière.
Lorsque dans une estampe figure le signe zodiacal indiquant l’année de réalisation,
celui-ci est mentionné après la date.
Une date entre crochets signale que l’exemplaire a été réalisé à cette date ; la date qui suit alors
est celle de la première impression connue.
Le terme nishiki-e (estampe de brocart) désigne une estampe polychrome.
Le format des surimono, exprimé en centimètres, est suivi du nom japonais du format.
Les surimono sont reproduits au format réel, à l’exception du programme et des annonces.
Les poèmes sont en général signés du nom d’un poète. Lorsque celui-ci est l’auteur de plusieurs
poèmes, son nom est mentionné une seule fois à la fin du dernier poème.
Lorsque des caractères sont illisibles, ils sont remplacés par un carré.
Pour les principes de transcription et de traduction des poèmes, nous renvoyons à la note p. 259.
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Fils d’un calligraphe nommé Ikeda Shigeharu, Keisai Eisen est né à Edo ; il étudie avec
Hakkeisai, un peintre de l’école officielle Kanô, et ensuite avec Kikukawa Eizan [p. 31].
Il se spécialise dans la représentation des belles femmes (bijin, formé des mots « personne »,
jin, et « beauté », bi) et dans les estampes érotiques. Il illustre des livres et devient, à partir
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de 1810, un illustrateur prolifique de fictions populaires. Entre 1810 et 1820, il dessine
des estampes commerciales, des rouleaux, mais également des surimono. Pour ces derniers,
il fait précéder sa signature de la mention « Ippitsuan » ; ensuite il signe « Keisai Eisen » ou
simplement « Keisai » en changeant sa manière d’écrire, le caractère sai évoluant en 1825
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vers une écriture cursive.
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[屠蘇に馬の盃] | [Toso ni umanosakazuki] | [Gourde et coupe à saké, écritoire et livre] 御慶来客多し Les invités du Nouvel An
SIGNÉ 渓斎 | Keisai (coupé à droite) sont nombreux
1822, année du Cheval 早春未だ閑を得ず Au début du printemps,
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 19,6 × 17,3 cm shikishiban je n’ai pas encore de temps libre
将に聞きたがる才若の口 J’ai envie d’écouter le chant rythmé
Pour illustrer les poèmes de cette carte de vœux, Eisen, le dessinateur, choisit d’un comédien
de représenter quelques objets, emblèmes du Nouvel An : la gourde – à l’aspect 見た欲る鳥逐の顔 Et de regarder le visage
de calebasse – accompagnée de sa coupe pour boire le saké, d’un livre, d’une d’une chanteuse ambulante
écritoire en forme d’éventail plié, avec sa pierre à encre et ses pinceaux. Un des 雑煮臺所に濨し La soupe savoureuse du Nouvel An
poèmes mentionne le cérémonial du toso, le saké parfumé – « Il abonde comme abonde dans la cuisine
l’eau coule » – qui est bu durant les trois premiers jours de la nouvelle année. 屠蘇床の間に馥はし Le saké parfumé embaume
Dans ce même poème, la troisième ligne – Mi-ka-no-ha-ra –, présente un mot dans le tokonoma
(mika) qui signifie « troisième jour » mais qui renvoie aussi au nom d’un champ. 戯翫に扇筥を擥って Je prends les boîtes d’éventail
Il dérive d’un poème du recueil Cent Poèmes par cent poètes où une rivière irrigue pour m’amuser
le champ. Le poète moderne se réfère à la rivière dont il souligne l’impétuosité 玄関に井字に積 Je les empile en forme de 井 [puits]
lors du Nouvel An.
La branche de prunier en fleur décorant la gourde symbolise le renouveau de la 屠蘇いはふ Avec le toso, on fête
nature, en rappelant que le Nouvel An correspond au début du printemps, selon 元日二日 Les premier, deuxième
le calendrier soli-lunaire en cours au Japon jusqu’en 1873. Enfin, la calligraphie みかの原 Et troisième jours du Nouvel An
évoque un des rituels du Nouvel An : la première écriture de l’année. わきてめてたき Il abonde comme l’eau coule
玉の初春 En ce splendide début de printemps !
碌碌斎短綆 Rokurokusai Tankô
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Fils illégitime d’un samurai nommé Hirata au service du gouvernement militaire, Yashima
Gakutei prend – après le mariage de sa mère avec un membre du clan Yashima – le nom de
Yashima Sadaoka. Le nom de Totoya Hokkei, dessinateur de surimono, est cité au début de
sa carrière, Gakutei collaborant avec lui à quelques anthologies de poèmes kyôka.
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Étudiant d’abord avec Mado no Muratake puis plus tard avec le célèbre Rokujuen, il devient
lui-même un poète de kyôka accompli. Son premier travail est un livre de fiction populaire
qu’il écrit et illustre à la fois.
Ses premières estampes commerciales sont publiées vers 1815. Il commence à dessiner des
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surimono et des illustrations pour des anthologies de poésie et réalise cependant peu d’ou-
vrages commerciaux. Ses premiers surimono sont commandés par Muratake et ses propres
vers, alors signés « Harunobu », paraissent vers 1816. À partir de 1817 il signe « Gakutei »
et jusqu’en 1819 il utilise un large caractère en forme de crochet distinctif, au-dessus du
dernier caractère de sa signature. À cette date, il dessine des ensembles de surimono, d’abord
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pour le groupe Honchôren puis pour le cercle des poètes Katsushikaren.
Autour de 1821, le fond de ses estampes est décoré de motifs audacieux imprimés avec des
couleurs pastel. Il invente dès 1824 un style personnel qu’aucun dessinateur ne surpasse :
il remplit la surface peinte de couleurs superposées produisant un effet moiré.
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Après 1824, il se met à représenter d’importantes figures avec de larges motifs et des formes
simplifiées ; ses estampes les plus audacieuses semblent avoir été exécutées et publiées vers
1827-1828. À cette époque, il déménage d’Edo à Osaka où il réalise une série de paysages
publiée en 1834 ; il continue à illustrer des florilèges poétiques jusqu’en 1845.
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一 | Ichi | Numéro 1
SÉRIE 久方屋 古市をどり | Hisakataya Furuichi odori | La Danse à Furuichi
pour le cercle Hisakataya
SIGNÉ 岳亭定岡筆 | Gakutei Sadaoka hitsu
c. 1822-1824
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 20,4 × 18,3 cm shikishiban
Sur une frise déployée en pentaptyque (ici la feuille de droite, portant comme titre
Numéro 1), Gakutei représente dix geishas, groupées par deux, de la maison de
plaisir Gissharô. Elles dansent et agitent leurs bras en soulevant leurs manches sur
une terrasse en bois où l’on aperçoit, au fond, les ramures d’un pin.
Les pèlerinages au grand sanctuaire d’Ise, situé entre Yamada et Uji, sont très
populaires dans les années 1820. Les voyageurs qui s’y rendent trouvent refuge
la nuit dans les auberges de la ville de Furuichi et dans ses quartiers de plaisir.
Le terme gissharô peut se traduire par « maison d’un chariot tiré par des bœufs » ;
l’emblème de la maison de plaisir – les roues – figure sur les lanternes et au bas de
la scène sur le fond rouge.
Chaque estampe de ce surimono est titrée par un chiffre de 1 à 5, en partant
de la droite.
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Reconnaissable à son casque avec à sa base une ramure de cerf, le général Hoda
no Tadakatsu (1548-1610) terrasse son adversaire. Promu daïmio par le shogun
Tokugawa Iesayu (shogun de 1603 à 1616), il est l’un des trois derniers unifica-
teurs du Japon à la fin du XVIe siècle. Il est souvent cité comme « le guerrier qui
surpasse la mort elle-même » et la légende rapporte que, au cours des cent combats
qu’il a menés, il n’a jamais été blessé.
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Né à Edo, Utagawa Hiroshige est le fils d’un chef de brigade de pompiers à qui il succède
dans sa charge. À ce titre, il accompagne le cortège officiel sur la route du Tokaido. Il apprend
quelques rudiments de peinture avec un voisin, Okajima Rinsai, puis en 1811 – alors âgé
de onze ans –, il étudie avec l’artiste ukiyo-e Utagawa Toyohiro dont il devient l’élève. Ses
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premières estampes sont publiées en 1814, mais ce n’est qu’à partir de 1818 qu’il commence
à réaliser des gravures en nombre important. Vers 1821, il dessine ses premiers surimono au
format carré (shikishiban) et pendant dix ans il exécute vingt-quatre cartes de vœux – ou plus –,
ce qui représente très peu par rapport à ses milliers de xylographies commerciales mondiale-
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ment diffusées. Vers le milieu des années 1840, il illustre des estampes-calendriers (egoyomi).
Il a également dessiné de nombreuses illustrations pour des anthologies kyôka.
Après sa mort en 1858, son fils adoptif prend momentanément le nom d’Utagawa Hiroshige II,
continuant dans sa tradition et dans son style, ce qui ne permet pas toujours de distinguer
entre les deux personnalités.
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[懐中時計] | [Kaichû dokei] | [Une montre de gousset] はなとりに Par les fleurs et les oiseaux
SIGNÉ 應需廣重写 | Ôju Hiroshige utsushi 春はそやされ Le printemps est adulé
1823 千金と Qui a donné
nishiki-e, gaufrage, pigments métalliques, 21 × 18,5 cm shikishiban 誰かねつけし Aux premières heures de la soirée
宵の一刻 Le prix de mille pièces d’or ?
Ce surimono est un rare exemple d’egoyomi – estampe-calendrier – présent dans la 四半法師 Shihan Hôshi
collection. La montre de poche, accrochée à une cordelette en soie et à une chaîne
terminée par une clé, repose sur son étui. 紅毛の C’est un objet
La signature, « Ôju Hiroshige utsushi », peut être traduite par « dessiné par わたり物なれ Venu de l’étranger
Hiroshige » ; le nom du commanditaire n’est pas connu. Au XVIIIe siècle, les horloges 春の日の Cette montre
sont fabriquées par les Hollandais et cet objet a pu être acquis auprès d’un capitaine あしのなかさを Qui mesure la longueur
de ce pays ; le second poème signale seulement qu’il est « Venu de l’étranger ». はかるとけいも D’une journée de printemps
L’heure est exceptionnellement indiquée et se lit dans le sens contraire des aiguilles 八陣亭堅城 Hachijintei Kataki
d’une montre, comme un rébus – Bunsei 6, Chèvre, Printemps, Grande, Nouvel An,
3e, 7e, 9e 11e, 12e – qui se déchiffre ainsi : année de la Chèvre (1823), les chiffres
se référant aux « mois longs ».
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Totoya Hokkei est un des élèves les plus prolifiques et les plus réputés de Hokusai. Son nom
« Totoya », qui signifie « poissonnier », souligne son origine populaire. Dans sa jeunesse,
il apprend la peinture officielle de l’école Kanô auprès du peintre Yôsen’in (1753-1808).
Ses premiers travaux dans l’atelier de Hokusai datent de 1799. Il s’établit ensuite comme
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dessinateur de surimono. Son art est indubitablement redevable à Hokusai, avec lequel il
collabore aux premiers volumes de la Manga (entre 1815 et 1820), et son dessin est marqué
par cette influence. À la fin des années 1820, il réalise des surimono complexes, sur le plan
de la technique comme sur celui de la composition, qui puisent dans l’histoire, la littérature
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et les légendes et témoignent de son imagination et de son humour.
Après le décès de Shunman en 1820, avec lequel il a collaboré, et après le retrait de Hokusai de
l’art du surimono –, il est, avec Gakutei, de la même génération, le plus important illustrateur
(sa production comprend plus de huit cents feuilles). Il compte parmi ses commanditaires des
samurai poètes et des représentants du kokugaku, mouvement qui prône un retour à la littéra-
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ture vernaculaire [p. 123].
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若菜 | Wakana | Chapitre Wakana 伽羅の香を C’est après qu’a été reçu un poème
SÉRIE 源氏物語 | Genji monogatari | Dit du Genji とめしえいを Sur une feuille parfumée
SIGNÉ 北渓 | Hokkei えてよめる Au bois d’encens
1820-1833 若菜の巻は Que le livre Jeunes Pousses
nishiki-e, gaufrage, pigment métallique, 21,1 × 18,2 cm shikishiban 上下もあり A été écrit en deux volumes
芝廼門真種 Shibanomon Matane
Dans un espace ouvert, en vue plongeante selon la perspective employée depuis
longtemps dans les peintures de paravents, le prince Genji reçoit une dame de la cour 小簾もれて À travers le petit store
à l’époque du Shôgatsu – le Nouvel An –, comme le rappelle la composition avec 匂ふ初音の Le parfum de Hatsune embaume
la branche de pin au premier plan. 玉かつら Dans la lumière de la lune
Cette scène est issue du Genji monogatari écrit au XIe siècle par Murasaki Shibiku, 梅かやしなふ La fauvette demeure
dame de cour de l’impératrice Akiko. Cette œuvre volumineuse – plus de deux 庭のうくひす Sur le prunier du jardin
mille pages – comprenant cinquante-quatre chapitres retrace la vie à l’époque 清明亭本蓮 Chômeitei Motohasu
Heian du prince « Genji le Radieux », de sa naissance à sa mort. Ses aventures
galantes, les intrigues de son entourage et les complots politiques servent de fil
directeur, mais Murasaki Shikibu évoque aussi la « beauté poignante des choses
fragiles » où la poésie, la peinture et la musique entrent en résonance pour expri-
mer l’impermanence des choses.
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Trois jeunes femmes sont rassemblées dans un intérieur devant un paravent figurant
un effet de cascade ; on croit d’ailleurs entendre le bruit de la chute d’eau. Deux livres
dans leur emboîtage sont posés devant l’une des femmes, les deux autres étant assises
près d’un koto. Celle de droite tient un plectre dans la main. À chaque extrémité de cet
instrument à treize cordes sont fixés des chevalets mobiles utilisés pour l’accorder.
Le joueur de koto joue en pinçant les cordes avec trois doigts de la main droite, dotés
d’ongles artificiels, tandis que la main gauche parcourt librement les cordes.
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Deux poissons, dont une daurade (tai), sont posés sur un plat bleu à la bordure
賣買を Le jeune Ebisu du printemps
interne ornée de pigment doré. Les écailles sont mises en relief par un gaufrage.
よみせてはるの Favorise
Sur le kakémono est représenté Ebisu, un des « Sept Dieux du bonheur », protec-
若惠ひす La vente et l’achat
teur des pêcheurs et des marchands.
ち地□両の On les compte
Hokkei compose ce surimono de telle sorte que les poissons semblent être directe-
さちにかそへん Parmi les causes de mille bonheurs
ment pêchés par Ebisu qui, de sa ligne, sort une énorme prise.
森羅亭 Shinratei
Un des poèmes met l’accent sur cette coutume du Nouvel An qui consiste à substituer
de nouveaux portraits à ceux de l’année précédente, tel Ebisu apportant ici la prospérité.
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Élève de Katsukawa Shunshô, Katsushika Hokusai débute comme dessinateur d’estampes
ukiyo-e en 1779. Il signe ses premiers egoyomi (estampes-calendriers) sous le nom de Shunrô
en 1789. En 1792, il se retire du circuit des estampes commerciales et reste inactif jusqu’en
1795. À cette date, il collabore à des illustrations pour des anthologies de poésie puis,
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l’année suivante, il dessine de nombreux surimono et des pages d’albums, publiés pour des
amateurs privés. Après avoir employé – pendant un court laps de temps – le nom de Sôri,
il adopte celui de Hokusai en 1798. Selon son humeur, ses changements de résidence et
les étapes de son travail, il change de nom et de signature. On dénombre une cinquante de
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signatures, parmi lesquelles « Gakyôjin », qu’il commence à utiliser au printemps 1801 et
que l’on peut traduire par « homme fou [kyo] de dessin ». Entre les années 1790 et 1800,
il est le dessinateur de surimono le plus réputé et travaille avec les plus importants maîtres
de poésie kyôka. En 1820, il célèbre ses soixante ans et clôt son premier cycle d’activité ; sa
signature inclut alors le terme « Iitsu », que l’on traduit approximativement par « à nouveau ».
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Les deux séries de surimono les plus connues, Le Jeu de coquillages avec les poètes de l’ère
Genroku et Toutes les sortes de chevaux, sont réalisées entre 1821 et 1822. Il est appelé en
1824 pour dessiner cinq surimono ayant pour sujet le kabuki avec les acteurs qui se pro-
duisent cette année-là. Enfin dans les années 1830 il délaisse le dessin de surimono ; l’ultime
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commande privée qu’il reçoit date de 1848. Sa dernière illustration d’un surimono, qui
représente un pêcheur se reposant, est considérée comme un autoportrait.
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Au centre de la scène des femmes s’activent, l’une apporte les flacons de saké coiffés
de papier décoratif selon la tradition du Nouvel An, deux autres s’affairent près d’un
brasero, tandis qu’une autre encore tient une poupée dans les mains. Des mets,
parmi lesquels figurent des mochi, sont présentés dans un panier. Ce sont les prépa-
ratifs pour Hina matsuri, la « fête des filles », célébrée le 3 mars. Sur l’estrade, les
musiciens sont alignés ; on reconnaît Ebisu avec sa daurade sous le bras et à côté
Daikokuten, un sac de riz sur l’épaule. Souvent en couple, ils font partie des « Sept
Dieux du bonheur », le premier assurant la protection, le second la richesse.
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Utagawa Kunisada naît à Edo où son père, Shôbei, conduit le bac sur la rivière Tatekawa
près du temple des Cinq Cents Rakan. À quinze ans, il est élève d’Utagawa Toyokuni et
commence à réaliser des illustrations pour les livres et, vers 1807, des feuilles d’estampes.
Il se fait connaître autour de 1815 lorsqu’il dessine un ensemble de sept portraits d’acteurs
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en gros plan (okubi-e) sur des fonds micacés. Familier des principaux acteurs, écrivains et
artistes, il devient célèbre. C’est sans doute par ses contacts qu’il est sollicité pour dessiner
des surimono commandés par des poètes et des cercles avec lesquels il partage un intérêt par-
ticulier pour le théâtre kabuki. Ainsi portraiture-t-il son ami l’acteur Ichikawa Danjûrô VII
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(1791-1859) dans des surimono datés du début des années 1810 au milieu des années 1830,
avec une période plus productive entre 1810 et 1820. La majorité de ces derniers sont édités
en feuilles, tandis que d’autres sont publiés en séries comportant deux ou trois estampes.
On compte à son actif probablement entre deux cents et trois cents surimono, un nombre
important mais qui représente peu comparé aux quelque mille gravures qu’il a exécutées,
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sans mentionner les peintures et d’innombrables illustrations d’ouvrages. Il figure égale-
ment quelques paysages et des portraits de femmes ordinaires. Sa production varie entre
les estampes à fond micacé et celles qui sont diffusées massivement. Il adopte le nom de
Toyokuni III avant de se retirer du monde de l’estampe en 1845.
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Cette estampe est une représentation d’Ichikawa Danjûrô VII dans le rôle de Fudô
Myôô incarnant la divinité bouddhique Acala, un des cinq rois du savoir, associée
à la colère et au feu. Campé sur un rocher, l’acteur montre sa face courroucée
rehaussée par le maquillage rouge et blanc. Dans la main, il tient le glaive lui
permettant de couper les obstacles ; des armes tranchantes ou contondantes sont
fixées derrière son dos. Le symbole du feu figure sur la hache. De la main gauche,
il fait glisser les perles du chapelet (enju) pendant la méditation. Le premier à tenir
le rôle de Fûdo Myôô est Danjûrô I, disciple fervent de la divinité : il fonde la
corporation d’acteurs Naritaya d’après le nom du temple Fudô Naritaya Fudosôn.
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Dans le Japon du XIX e siècle, on pratique au Nouvel An différents jeux de plein air,
comme le cerf-volant, la balle ou encore le volant appelé hanetsuki ; on utilise une
raquette (hagoita) et un volant. Plusieurs motifs peuvent décorer la raquette, mais
il est fréquent d’y voir figurer le portrait d’un acteur, cela assurant sa publicité.
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[六歌仙] | [Rokkasen] | [Les Six Poètes immortels] この上を « Rien ne surpasse ce lieu » Y
SIGNÉ 豊広画, 葵岡北渓, 春英, 葛飾親父戴斗筆, 岳亭春信画, 豊国画 | 越すものなしと Ce joli quartier des collines O
Toyohiro ga, Aoigaoka Hokkei, Shunei ga, Katsushika oyaji Taito hitsu, Gakutei しら梅の Appelé Yama no te en fleurs K
Harunobu ga, Toyokuni ga 香りも高き Qu’embaume à présent
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花の山の手 Le parfum des pruniers blancs
nishiki-e, 20 × 26,7 cm chûban N
蛍雪窓 Keisetsusô
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Ce surimono réunit, comme en apothéose, six artistes de grand talent. Ils se sont eux-
mêmes portraiturés dans un esprit parodique propre à la culture japonaise. Ainsi se
comparent-ils aux six poètes waka de l’ère Heian reconnus comme immortels.
En observant leurs attitudes et leurs costumes, essayons d’identifier chacun d’eux
à un poète. Au sommet de la pyramide, Toyohiro, en aristocrate de cour dans sa
fonction de militaire, coiffé d’un kanmuri et muni d’un carquois, s’incarne en
Ariwara no Narihira. Au-dessous de lui, à sa gauche, Hokkei est Henjô, habillé
du vêtement orange de moine bouddhiste. Au premier rang, Shunei, les mains
jointes et coiffé de l’eboshi des aristocrates, se compare à Otomo no Kuronoshi.
Quant à Hokusai (Taito), prêtant l’oreille à Gakutei, il se représente, comme
s’il avait traversé le temps, en « vieillard fou de dessin » davantage qu’en Kisen.
Gakutei, de profil, personnifie Fun’ya no Yasuhide. Enfin, aux pieds de Toyohiro,
Toyokuni endosse le rôle de la poétesse Ono no Komachi.
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La plupart des poèmes figurant sur les surimono appartiennent au kyôka, un des genres
poétiques en langue classique japonaise.
Pour proposer une traduction réalisée à partir de la langue classique japonaise, nous avons
dû procéder par étapes. Ce travail complexe s’est accompli en deux temps :
– d’abord, comme la langue (écriture et grammaire) des surimono, qui date de la fin du XVIIIe
et du début du XIX e siècle, est plus proche du japonais du XIe siècle que de celui d’aujourd’hui,
nous avons transcrit l’écriture japonaise traditionnelle en écriture moderne (il faut ici
rappeler que le grand changement linguistique, opéré sous prétexte de modernisation, fut
imposé par le gouvernement Meiji au début du XX e siècle) ;
– une fois la transcription achevée, nous avons pu lire et analyser les poèmes afin de les
traduire en français.
Pour la gravure des caractères dans la planche de bois, chaque graveur a fidèlement copié le
manuscrit, en respectant le style de chaque artisan calligraphe, même si les kanji ou les kana
ont parfois été déformés, probablement pour faciliter la gravure sur bois.
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Dans certains cas, afin de ne pas alourdir la traduction et parce que certains éléments ne
pouvaient être restitués, nous avons été obligés de choisir un sens parmi d’autres, de laisser
transparaître des ambiguïtés, qui constituent l’un des charmes de la poésie japonaise.
Notre souci est que le lecteur français, même sans connaissance de la langue japonaise et de
ses subtilités, puisse appréhender le contenu de chaque poème.
Nous avons opté pour une traduction aussi proche que possible du texte original et fidèle à
l’expression de ces nombreux poètes, sans nous autoriser trop de liberté poétique et tout en
respectant le rythme des vers kyôka.
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