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Un lemme de Margulis sans courbure et applications

1 Motivations :

Soit (M, g) une variété riemannienne de dimension n compacte,


connexe quelconque.

Définition 1.1. La systole de (M, g) au point x ∈ M [notée


sysg (x) ] est le minimum des longueurs des lacets de point-base x
qui sont non homotopes à zéro.

Pour tout x ∈ M et tout v ∈ Tx M , on désignera par cv la


Tx M → M
géodésique telle que cv (0) = x et ċ(0) = v et par expx :
v 7→ cv (1)
l’application exponentielle.
La boule de rayon r de l’espace euclidien tangent (Tx M, gx ) (centrée
à l’origine) étant notée Bx (r) , on appellera B(x, r) la boule géodésique
de (M, g) , de centre x et de rayon r .
Quand r est suffisamment petit, expx est un difféomorphisme de
Bx (r) sur B(x, r) .

Définition 1.2. Le rayon d’injectivité de (M, g) au point x ∈


M (noté injg (x) ) est le supremum des r > 0 tels que expx soit un
difféomorphisme de Bx (r) sur B(x, r) .
On définit le rayon d’injectivité (global) de (M, g) (noté inj(M, g) )
par l’égalité inj(M, g) = inf x∈M injg (x) .

1
L’inégalité injg (x) ≤ sysg (x) est toujours valable. Lorsque la cour-
2
1
bure sectionnelle est négative ou nulle, on a injg (x) = sysg (x) .
2

1
Si le volume de la variété est majoré par une constante V0 , et si r0
est une borne inférieure du rayon d’injectivité, il existe (sans qu’au-
cune autre information sur la géométrie de la variété soit nécessaire
un nombre N (n, r0 , V ) ∈ N et un recouvrement de la variété par
N (n, r0 , V ) ouverts, chacun de ces ouverts étant difféomorphe à la
boule Bn de Rn .
C’est la raison pour laquelle trouver une borne inférieure r0 du
rayon d’injectivité a comme conséquence des théorèmes de finitude
et de compacité où, en partant de N (n, r0 , V ) “morceaux” (tous
difféomorphes à Bn ), on essaie de reconstruire toutes les variétés
possibles en recollant les morceaux (après les avoir éventuellement
déformés difféomorphiquement). Rappelons deux Théorèmes célèbres
qui partent de cette idée :
La relation “être difféomorphes” étant une relation d’équivalence sur
l’ensemble des variétés, on appellera “structure différentiable” une
classe d’équivalence pour cette relation.
Théorème 1.3. (J. Cheeger) Pour toute valeur de D , a et r0 , l’en-
semble des variétés différentiables n−dimensionnelles qui admettent
une métrique riemannienne g de diamètre diam(g) ≤ D , de rayon
d’injectivité inj(g) ≥ r0 et dont la courbure sectionnelle Kg vérifie
−a2 ≤ Kg ≤ a2 contient un nombre fini de structures différentiables
(majoré par une constante universelle N (n, D, a, r0 ) ).

La relation “être isométriques” étant une relation d’équivalence sur


l’ensemble des variétés riemanniennes, on appellera “structure rie-
mannienne” une classe d’équivalence pour cette relation. Ce qui suit
est un corollaire d’un théorème de compacité plus vaste :

Théorème 1.4. (M. Gromov) Sur toute variété l’ensemble des struc-
tures riemanniennes admettant au moins un représentant g de diamètre
diam(g) ≤ D , de courbure sectionnelle −a2 ≤ Kg ≤ a2 et de rayon
d’injectivité inj(g) ≥ r0 est soit vide, soit compact pour la distance
de Lipschitz entre métriques riemanniennes.

2
Theoreme 1.3 (J. Cheeger) Pour toute valeur de D , a et r0 , l’en-
semble des variétés différentiables n−dimensionnelles qui admettent
une métrique riemannienne g de diamètre diam(g) ≤ D , de rayon
d’injectivité inj(g) ≥ r0 et dont la courbure sectionnelle Kg vérifie
−a2 ≤ Kg ≤ a2 contient un nombre fini de structures différentiables
(majoré par une constante universelle N (n, D, a, r0 ) ).

Theoreme 1.4 (M. Gromov) Sur toute variété l’ensemble des struc-
tures riemanniennes admettant au moins un représentant g de diamètre
diam(g) ≤ D , de courbure sectionnelle −a2 ≤ Kg ≤ a2 et de rayon
d’injectivité inj(g) ≥ r0 est soit vide, soit compact pour la distance
de Lipschitz entre métriques riemanniennes.

Entre toutes les hypothèses de ces deux Théorèmes, celle sur le


rayon d’injectivité est généralement considérée comme la plus res-
trictive. Si on pouvait la remplacer par une simple hypothèse
algébrique sur les groupes fondamentaux des variétés considérés,
ce serait une amélioration importante. C’est précisément l’ob-
jectif du fameux “Lemme de Margulis”.

3
2 Le Lemme de Margulis classique :

Théorème 2.1. Soit (M n , g) une variété riemannienne, dont la


courbure sectionnelle Kg vérifie −1 ≤ Kg < 0 , alors
 
(i) (Margulis ) Supx∈M sysg (x) = 2 Supx∈M injg (x) ≥ ε0 , où
ε0 = 4−(n+3) .
(ii) (Gromov) si de plus diam(g) ≤ D , alors
 n Vol Bn εn0
Inf x∈M sysg (x) = 2 inj(M , g) ≥ π ,
Vol Sn (sinh D)n−1

Puisque la version (ii) de ce Théorème fournit une borne inférieure


du rayon d’injectivité global du type inj(M n , g) ≥ r0 (n, a, D) (où
a2 et D sont des majorants de la valeur absolue de la courbure
sectionnelle et du diamètre), il s’ensuit des résultats de finitude et
de compacité (cf. la section précédente).
La version (i) de ce Théorème ne fournit pas de borne inférieure du
rayon d’injectivité global, cependant on peut en déduire des infor-
mations topologiques et géométriques :

4
En effet, si on partitionne la variété en deux sous-ensembles : la
ε0
“partie mince”, définie comme {x ∈ M n : sysg (x) < } , et il
2
son complémentaire, appelé “partie épaisse”, on obtient le

Figure 1 – “Partie épaisse” (en blanc) et “partie mince” (en hachuré).

Corollaire 2.2. Soit (M n , g) une variété riemannienne, dont la


courbure sectionnelle Kg vérifie −1 ≤ Kg < 0 , alors
– sa “partie épaisse” n’est pas vide,
– toute composante connexe C de sa “partie mince” est difféomorphe
à un “cylindre” Rn /Z ,
ε0
– Pour tout ε < , s’il existe un point x de C tel che sysg (x) ≤ ε ,
2  
1
alors C contient un voisinage tubulaire (de rayon R > C(n) ln )
ε
d’une géodésique périodique de longueur au plus ε .

En utilisant ce corollaire, ont été obtenus des résultats de finitude


(puis de compacité) dont on peut schématiser très la “philosophie” de
la manière suivante : puisque chaque composante connexe de la “par-
tie épaisse” a un rayon d’injectivité minoré et un diamètre majoré
(lorsque le volume total est majoré), on dispose d’un nombre limité
de topologies parmi lesquelles choisir celle de la “partie épaisse”. A
cette “partie épaisse”, on doit recoller des morceaux qui ont tous la

5
même structure différentielle et qui correspondent aux diverses com-
posantes connexes de la “partie mince”... mais en fait ce n’est pas
aussi simple !

6
3 Révérence gardée envers Margulis, pourquoi son Lemme
ne nous satisfait-il pas totalement ?

L’hypothèse −1 ≤ Kg < 0 du Lemme de Margulis nous paraı̂t trop


forte : en effet en déformant faiblement une variété rieman-
nienne qui vérifie le Lemme de Margulis, on obtient une
variété proche de la précédente qui ne vérifie plus les hy-
pothèses du Lemme de Margulis.
Par exemple, toute variété (localement) hyperbolique (Figure 2) sa-
tisfait aux hypothèses du Lemme de Margulis...

Figure 2 – Une variété hyperbolique

Cependant la même variété, où un petit disque a été déformé en


un petit “champignon” (Figure 3) ne satisfait plus les hypothèses
du Lemme de Margulis (car la courbure est proche de −∞ sur les
zones de recollement), bien que la systole ne soit pas diminuée (car
la nouvelle métrique est plus grande que l’ancienne).

Figure 3 – La même variété, après déformation de la métrique

7
Il faudrait une version du Lemme de Margulis où la borne
inférieure de la systole se déduit uniquement des propriétés
algébriques du groupe fondamental, sans hypothèse sur la
courbure de la variété.

4 Les énoncés dont on peut rêver :

4.1 Une formulation naı̈ve :

Question 4.1. Si une variété (X, g0 ) satisfait aux hypothèses du


Lemme de Margulis, peut-on en déduire que, sur toute variété rie-
mannienne (M, g) , dont le groupe fondamental π1 (M, m0 ) est iso-
morphe à π1 (X, x0 ) , les conclusions suivantes sont vérifiées :
(i) Supx∈M sysg (x) ≥ ε0 (??) ?
(ii) Inf x∈M sysg (x) ≥ ε00 (??, D) , si de plus diamètre(M, g) ≤ D ?

Observons que, comme


 
Supx∈M sysε2 .g (x) = ε Supx∈M sysg (x) → 0 quand ε → 0+ ,
on ne peut espérer minorer sysg (x) que si on la normalise (de manière
à interdire les homothéties dont le rapport tend vers zéro) par une
autre grandeur géométrique d’homogénéité inverse. Nous avons vu
que la normalisation −1 ≤ Kg < 0 utilisée dans le Lemme de Mar-
gulis classique est trop restrictive et trop sensible aux déformations
locales de la métrique.

C’est la raison pour laquelle nous utiliserons le concept d’“entropie”


(et la normalisation induite).

8
4.2 L’entropie :
 
Définition 4.2. .− Soit (M, g) une variété compacte et π : M , g̃ →
f
(M, g) son revêtement universel riemannien
 (i. e. g̃ = π ∗ g ) ; si on

nomme B(x̃,
e R) la boule géodésique de M f, g̃ , on définit l’entropie
de (M, g) par la formule
 i
1 h
Ent(M, g) := lim Log Vol B(x̃,
e R)
R→+∞ R

9
Propriétés de l’entropie d’une variété compacte :
1
(i) (homogénéité) : Ent(M , λ2 . g) = Ent(M, g) .
λ
(ii) (monotonie) Si g1 et g2 sont deux métriques riemanniennes
sur M telles que g1 ≤ g2 , alors Ent(M, g1 ) ≥ Ent(M, g2 ) .
(iii) (annulation) S’il existe sur M une métrique d’entropie nulle,
alors toutes les métriques sur M sont d’entropie nulle.
Une traduction de (iii) est : Il existe sur M une métrique d’entropie
non nulle si et seulement si toutes les métriques sur M sont d’en-
tropie non nulle. Il faut cependant noter que l’entropie peut varier
énormément d’une métrique à l’autre.
Démonstration de la propriété de monotonie : Soient g1 et g2 deux
métriques riemanniennes sur M telles que g1 ≤ g2 , si ge1 et ge2
sont les métriques sur le revêtement universel M f obtenues par “pull
back” de g1 et g2 , on a ge1 ≤ ge2 et donc B ege (x̃, R) ⊂ B
2
ege (x̃, R) .
1

Comme M est compacte, il existe un majorant (nommé ici A2 ) du


g2 ge2
rapport , donc du rapport . On en déduit que
g1 ge1
     
n
Volge2 Bge2 (x̃, R) ≤ Volge2 Bge1 (x̃, R) ≤ A Volge1 Bge1 (x̃, R) ,
e e e

ce qui implique que


1 h  i 1 h  i n
Log Volge2 Bge2 (x̃, R) ≤ Log Volge1 Bge1 (x̃, R) + Log(A) ,
e e
R R R
ce qui, en passant à la limite, donne Ent(M, g2 ) ≤ Ent(M, g1 ) . 

Démonstration de la propriété d’annulation : Soient g et g 0 deux


métriques riemanniennes quelconques sur M . Comme M est com-
g0
pacte, est bornée, il existe donc des constantes C1 et C2 telles
g
que C1 . g ≤ g 0 ≤ C2 . g . Les propriétés d’homogénéité et de monoto-
nie impliquent que
1 1
√ Ent(M, g) ≤ Ent(M, g 0 ) ≤ √ Ent(M, g) ,
C2 C1
et donc Ent(M, g) = 0 ⇐⇒ Ent(M, g 0 ) = 0 . 

10
Exemples :
1. Sur toute variété compacte X qui admet une métrique g0 de
courbure de Ricci positive ou nulle (exemples Sn , CP n , Tn ,
etc....) toute métrique g vérifie Ent(X, g) = 0 .
 
Démonstration : Soit π : X, e ge0 → (X, g0 ) le revêtement uni-
 
versel riemannien de (X, g0 ) ; la courbure de Ricci de X, ge0e
étant positive ou nulle, le théorème de comparaison de  R. L.

Bishop montre que la boule géodésique Bge0 (x̃, R) de X, ge0
e e
 
vérifie Volge0 Bge0 (x̃, R) ≤ Vol(Bn ).Rn , où n est la dimension
e
de X . Il s’ensuit :
 
1
Ent(X, g0 ) = lim Log [Vol(Bn ).Rn ] = 0 .
R→+∞ R

La propriété d’annulation prouve alors que toute métrique g


vérifie Ent(X, g) = 0 . 

2. Soit (X, g0 ) une variété compacte de courbure constante Kg0 =


−1 . Alors Ent(X, g0 ) = n − 1 . De plus, toute métrique rieman-
nienne g sur X (non isométrique a g0 mais de même volume)
vérifie Ent(X, g) > n − 1 .
 
Démonstration : X, ge0 est isométrique à l’espace hyperbolique
e
(Hn , can) ; or, dans les coordonnées “polaires” :
] 0, +∞ [×Sn−1 → Hn
φ: la métrique canonique de Hn s’écrit :
(t, v) 7→ expxe(t.v)
φ can = (dt)2 + sinh2 (t) . gSn−1 . il s’ensuit que

 R
  Z
Vol B ege (x̃, R) = Vol S
0
n−1
sinhn−1 (t) dt .
0
On en déduit que
 
(n−1) R
An e ≤ Vol Bge0 (x̃, R) ≤ Bn e(n−1) R
e

quand R est grand, ce qui implique que


 i
1 h 
lim Log Vol B ege (x̃, R)
0
=n−1 . 
R→+∞ R

La démonstration du fait que Ent(X, g) > n − 1 si g 6= g0 est


un de nos résultats antérieurs. 

11
4.3 Pourquoi faire le “rescaling” par l’entropie ?
a) L’hypothèse “Entropie majorée ” est beaucoup plus faible
que l’hypothèse “courbure minorée ” :

En effet, sur toute variété riemannienne (M n , g) , on a :


Kg ≥ −a2 =⇒ Ricci ≥ −(n − 1)a2 =⇒ Ent(M, g) ≤ (n − 1)a
[La seconde implication se déduit du théorème de comparaison de
R.
 L. Bishop, qui montre
 que la boule géodésique Beg̃ (x̃, R) de
M
f, g̃ vérifie Volg̃ Beg̃ (x̃, R) ≤ Vol (BHn (x0 , R)) , où BHn (x0 , R)
1
est la boule géodésique de (Hn , .can) ].
a2

12
b) L’entropie est quasi insensible à des changements locaux
(même s’ils sont drastiques) de la métrique :
Par exemple, considérons une variété quelconque (M n , g0 ) dont la
courbure est (par exemple) comprise entre −1 et 1 :

Figure 4 – La variété (M n , g0 )

et une nouvelle variété (M n , g1 ) obtenue par déformation locale


(mais drastique) de la métrique g0 :

Figure 5 – La nouvelle variété (déformée) (M n , g1 )

Lemme 4.3. (folk.) Les deux variétés (M n , g0 ) et (M n , g1 ) ont


presque la même entropie, alors que la courbure de (M n , g1 ) n’est
pas bornée inférieurement.

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Idée de la preuve du Lemme 4.3 :
La figure ci-dessous représente l’espace total du revêtement univer-
sel π : (Mf, ge0 ) → (M, g0 ) . Si B(π(x0 ), ε) est la boule géodésique
de (M, g0 ) qui est le support de la (future) déformation, π −1 (B (π(x0 ), ε)
est la réunion disjointe tγ∈π1 (M ) B
eg̃ (γ(x0 ), R) (en hachuré rouge
0

sur la figure).

Figure 6 – Le revêtement universel de (M, g0 ) .

On constuit le revêtement universel (M


f, ge1 ) de (M, g1 ) en recol-
lant le même “champignon” en chaque point γ(x0 ) :

Figure 7 – Le revêtement universel de (M, g1 ) .

Si de0 et de1 sont les distances sur M f associées aux métriques


riemanniennes ge0 et ge1 , alors il existe une constante C telle que,
pour des valeurs suffisamment grandes de de0 (e x, ye) , on ait :
x, ye) ≤ de1 (e
de0 (e x, ye) ≤ (1 + ε) de0 (e
x, ye) + C ≤ (1 + 2 ε) de0 (e
x, ye) .
Les propriétés de monotonie et d’homogénéité de l’entropie per-
mettent d’en déduire que
1
Ent(M, g0 ) ≥ Ent(M, g1 ) ≥ Ent(M, g0 ) .
1 + 2ε

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c) La definition de l’entropie s’étend aux espaces métriques
de longueur mesurés :
Moyennant certaines conditions algébriques sur le groupe fonda-
mental, la fonction (M, g) 7→ Ent(M, g) est Lipschitzienne par
rapport à la distance de Gromov-Hausdorff quand on la restreint
à l’ensemble des variétés d’entropie plus petite ou égale à A . Le
complété de cet ensemble est un fermé de l’ensemble des espaces
métriques de longueur mesurés d’entropie plus petite ou égale à A
(travaux de G. Reviron).

15
4.4 En normalisant par l’entropie la “formulation naı̈ve”
devient :

Question 4.4. .− Si une variété (X, g0 ) vérifie les hypothèses du


Lemme de Margulis, est-il vrai que toute autre variété riemannienne
(M, g) qui vérifie
– π1 (M ) ' π1 (X) ,
– Ent(M, g) ≤ 1 ,
a elle aussi les propriétés
(i) Supx∈M sysg (x) ≥ ε0 (X) ?
(ii) Inf x∈M sysg (x) ≥ ε00 (X, D) , si de plus diamètre(M, g) ≤ D ?

La réponse est OUI :

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5 Une première réponse :

Théorème 5.1. (Besson, Courtois, G.) Soit (X p , g0 ) une variété


riemannienne compacte de courbure strictement négative ( Kg ≤ −a2 <
0 ). Soit δ = a . inj(g0 ) .
Soit M n une variété compacte telle qu’il existe un morphisme injec-
tif : π1 (M ) → π1 (X) , dont l’image est un sous-groupe non abélien
de π1 (X) . Alors toute métrique riemannienne g sur M n telle que
Ent(M n , g) ≤ 1 vérifie :
δ Log 2
(i) Supx∈M sysg (x) ≥ ,
4+δ
δ Log 2
(ii) Soit ε0 = . Si on définit la “partie mince ” de la variété
4+δ
comme le sous-ensemble {x : sysg (x) < ε0 /2 } , toute composante
connexe Mε0 de cette “partie mince”
– “a l’homotopie d’un cylindre” c’est à dire que, si on nomme i :
Mε0 → M l’injection canonique et i∗ : π1 (Mε0 , m) → π1 (M, m)
le morphisme associé, l’image i∗ (π1 (Mε0 , m)) est un sous-groupe
isomorphe à Z ,
– contient une géodésique périodique c telle que
longueurg (c) = Minx∈Mε0 sysg (x) .
Si on note ε la longueur de c et si on pose
   
δ 1 4+δ ε
Rε := Log − Log − ,
2(4 + δ) ε δ 2
alors le voisinage tubulaire de rayon Rε de c est isométrique au
voisinage tubulaire de la géodésique périodique dans le quotient
du revêtement universel (M f, ge) par le sous-groupe de π1 (M )
(isomorphe à Z ) engendré par [c] .
(iii) Si de plus diamètre(M, g) ≤ D , alors
2(4 + δ)
  δ − D
Inf x∈M sysg (x) ≥ e δ .
4+δ
Ce théorème s’applique également quand on remplace (M, g) par
un espace métrique mesuré (résultats de F. Zuddas sur la croissance

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des sous-groupes d’un groupe Γ quand on remplace (M, g) par le
graphe de Cayley de Γ ).

Observons que les conclusions de ce théorème concernent (M, g) ,


mais qu’aucune hypothèse n’a été faite sur la courbure de (M, g) .
La seule hypothèse faite sur la métrique de (M n , g) est la normali-
sation Ent(M n , g) ≤ 1 (or, pour tout g , il existe toujours un λ tel
que Ent(M n , λ2 .g) ≤ 1 ).

Une version idéale de ce résultat serait de pouvoir calculer ε0


indépendamment de la métrique de X (par exemple, en utilisant
uniquement les propriétés algébriques de π1 (X) ou mieux (directe-
ment) de π1 (M ) . Un résultat récent dans ce sens est le
Théorème 5.2. (F. Cerocchi) Soit M une variété dont le groupe
fondamental est décomposable (i. e. isomorphe à un produit libre non
trivial) et sans 2-torsion (i. e. ∀γ ∈ π1 (M ) \ {e} γ 2 6= e ). Alors
toute métrique riemannienne g sur M telle que Ent(M, g) ≤ 1
vérifie :
ln 3
(i) Supx∈M sysg (x) ≥ ,
6
(ii) Si de plus diamètre(M, g) ≤ D et si π1 (M ) est sans torsion,
alors  
  4
Inf x∈M sysg (x) ≥ ln 1 + 2D .
e −1

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Autres applications : Théorèmes de compacité et de finitude sans
hypothèses de courbure. Résultats de finitudes sur l’ensemble des
variétés d’Einstein (modulo isométries). Un exemple est donné par
la proposition suivante :
Notons Mδ,D ( δ, D > 0 ) l’ensemble des variétés riemanniennes
(M, g) qui vérifient les hypothèses du théorème principal, c’est à
dire que :
(i) (restriction sur la topologie de M ) il existe une variété rieman-
nienne (X, g0 ) (de dimension éventuellement différente), telle que
Kg ≤ −1 et inj(g0 ) ≥ δ , et un un morphisme injectif : π1 (M ) →
π1 (X) , dont l’image est un sous-groupe non abélien de π1 (X) ,
(ii) diamètre(M, g) ≤ D et Ent(M, g) ≤ 1

Théorème 5.3. (G.Reviron) Pour toute paire (M, g) et (M 0 , g 0 )


d’éléments de Mδ,D , si la distance de Gromov-Hausdorff entre (M, g)
2(4 + δ)
δ − D
et (M 0 , g 0 ) est inférieure à e δ , alors π1 (M ) '
8 (4 + δ)
π1 (M 0 ) .

On dira qu’une variété (M, g) a une constante de doublement ma-


jorée par C à l’échelle ε0 si
hε i Volg [B(x, 2r)]
0
∀r ∈ , 2 ε0 , ≤C .
2 Volg [B(x, r)]
Cette hypothèse est beaucoup plus faible qu’une minoration de la
courbure de Ricci car elle n’impose aucune restriction à la géométrie
locale.

Corollaire 5.4. (finitude) Il existe un nombre fini (inférieur à une


constante calculée N (C, δ, D) ) de variétés (Mi , gi ) ∈ Mδ,D telles
que toute autre variété (M, g) ∈ Mδ,D qui a une constante de double-
2(4 + δ)
δ − D
ment majorée par C à l’échelle ε0 (où ε0 = e δ )
24 (4 + δ)
vérifie π1 (M ) ' π1 (Mi ) pour au moins un i .

19
5.1 Avant de faire la démonstration...

L’idée centrale : Le groupe fondamental Γ de M agit par isométries


sur deux espaces :
– le revêtement universel (M
f, ge) de (M, g) ,
– le revêtement universel (X,
e ge0 ) de (X, g0 ) (via la représentation
π1 (M ) → π1 (X) )
Les hypothèses faites sur (X, g0 ) impliquent que Γ vérifie une pro-
priété qui est une alternative de Tits quantitative. Expliquons
ce que nous entendons par “alternative de Tits quantitative” :

Soit Σ un système fini de générateurs de Γ ; pour tous les γ, γ 0 ∈ Γ ,


on peut écrire γ −1 · γ 0 comme un mot σi1 · σi2 · ... · σip (de longueur
p ) dont les lettres σi1 , σi2 , ..., σip sont des éléments de Σ ∪ Σ−1 , la
distance algébrique dΣ (γ, γ 0 ) est définie comme la longueur du mot
le plus court égal à γ −1 · γ 0 .
Définition 5.5. L’entropie algébrique de Γ par rapport à Σ est
définie comme
1
EntΣ (Γ) := Ent(Γ, dΣ ) = lim Log (#{γ : dΣ (e, γ) < R})
R→∞ R

Soient A et B deux sous-groupes de Γ , on définit [A , B] comme le


sous-groupe engendré par {a−1 b−1 a b : a ∈ A, b ∈ B} . On construit
la suite des sous-groupes :
Γ0 = Γ , . . . , Γi = [ Γ , Γi−1 ] , i = 1, 2, . . .
Un groupe Γ est dit “nilpotent” si Γi = 0 à partir d’un certain i , il
est dit “virtuellement nilpotent” s’il admet un sous-groupe nilpotent
Γ0 tel que Γ/Γ0 soit fini.

L’alternative de Tits quantitative s’écrit alors :


Définition 5.6. Soit α > 0 , on dit que Γ vérifie l’alternative
Tits(α) si Γ n’est pas virtuellement nilpotent et si, pour tout sous-
ensemble fini Σ0 ⊂ Γ \ {e} , le sous-groupe hΣ0 i engendré est
– soit virtuellement nilpotent
– soit tel que EntΣ0 (< Σ0 >) ≥ α .

20
5.2 Une idée de la démonstration du fait que
δ Log 2
Supx∈M sysg (x) ≥ :
4+δ

Lemme 5.7. Si (X, g0 ) est une variété riemannienne , dont la


courbure sectionnelle et le rayon d’injectivité vérifient Kg ≤ −1 et
inj(g0 ) ≥ δ , son groupe fondamental Γ vérifie l’alternative Tits(α)
δ Log 2
pour α = .
4+δ

À partir de maintenant le groupe Γ sera supposé vérifier


l’alternative Tits(α) .
Lemme 5.8. Considérant l’action de Γ sur (M f, g̃) , si on définit
Γα (x̃) comme le sous-groupe de Γ engendré par Σα (x̃) = {γ ∈ Γ :
dMf(x̃, γ x̃) < α} , alors Γα (x̃) est abélien (ce qui, dans le cas présent,
signifie que Γα (x̃) est isomorphe à Z ou à {0} ).

Démonstration : Supposons qu’il existe une paire d’éléments σ1 et


σ2 de Σα (x̃) qui ne commutent pas et qui satisfont
 
Max dM f (x̃, σ1 x̃); dMf (x̃, σ2 x̃) <α .
 
Posons L = Max dM f (x̃, σ 1 x̃); d M
f (x̃, σ 2 x̃) pour simplifier.
0
On considère Γ = < σ1 , σ2 > muni du système générateur Σ =
{σ1 , σ2 } et de la distance algébrique associée, notée dΣ . On définit
par ailleurs la distance géométrique dgeom (γ, γ 0 ) := dM 0
f(γ x̃, γ x̃) ,
l’inégalité triangulaire donne : dgeom ≤ L . dΣ et, en utilisant les
propriétés de monotonie et d’homogénéité de l’entropie, on obtient :
1 ≥ Ent(M, g) ≥ Ent(Γ0 . x̃, dM 0
f) = Ent(Γ , dgeom )

1 1 α
≥ Ent(Γ0 , L.dΣ ) = Ent(Γ0 , dΣ ) = Ent{σ1 , σ2 } (Γ0 ) ≥ ,
L L L
où la dernière inégalité découle de l’alternative Tits(α) . On obtient
une contradiction avec l’hypothèse L < α , donc deux éléments σ1
et σ2 de Σα (x̃) commutent toujours. 

21
e0 ∈ M
Lemme 5.9. Il existe un point x f tel que Γα (e
x0 ) soit égal à
{e} .

Démonstration : Rappelons que Γα (x̃) est le sous-groupe de Γ en-


gendré par Σα (x̃) = {γ ∈ Γ : dM f(x̃, γ x̃) < α} . Supposons le
Lemme faux, c’est à dire qu’en tout point x̃ ∈ M f , Γα (x̃) soit un
sous-groupe non trivial (et abélien d’après le Lemme qui précède).
Considérons la relation d’équivalence ∼ sur Γ∗ = Γ \ {e} définie
par γ1 ∼ γ2 ⇐⇒ γ1 et γ2 commutent. Γα (x̃) \ {e} est non vide
et contenu dans une unique classe d’équivalence, notée C(x̃) .
Pour tout point x̃ ∈ M f , tout point x̃0 suffisamment voisin de x̃
vérifie Σα (x̃) ⊂ Σα (x̃0 ) car dMf(x̃, γ x̃) < α =⇒ dM
0 0
f(x̃ , γ x̃ ) <
α par continuité, ce qui implique que Γα (x̃) ⊂ Γα (x̃0 ) , donc que
C(x̃0 ) = C(x̃) .
Ceci démontre que l’application x̃ 7→ C(x̃) est localement constante,
donc constante, ce qui implique que Γ0 = C(x̃) ∪ {e} est un sous-
groupe abélien indépendant de x̃ qui contient à la fois Γα (x̃) et
Γα (g x̃) = g Γα (x̃) g −1 pour tout g , on en conclut que Γ0 = g Γ0 g −1
est un sous-groupe normal et abélien.
Dans le cas présent, ceci implique que Γ0 = Γ ou {e} , donc que
Γ0 = Γ (parce que Γ0 contient Γα (x̃) ), en contradiction avec le fait
que Γ n’est pas abélien. 

δ Log 2
Fin de la démonstration du fait que Supx∈M sysg (x) ≥ :
4+δ

Le dernier Lemme assure l’existence d’un point x e0 ∈ Mf tel que


Γα (ex0 ) = {e} , ce qui implique que Σα (e x0 ) = ∅ ; donc tout γ ∈ Γ∗
vérifie dMf(e e0 ) ≥ α .
x0 , γ x
Comme sysg (x0 ) = inf γ∈Γ∗ dM f(e
x0 , γ x
e0 ) (lorsque x0 = π(e x0 ) ), on
obtient
δ Log 2
sysg (x0 ) ≥ α = .
4+δ

22
6 Discussion des hypothèses de notre Théorème principal :

– Un point positif est que le minorant ε0 de la systole que donne le


théorème ne dépend ni de M ni de g .
– Un point négatif est que ε0 dépend d’une borne inférieure du rayon
d’injectivité de (X, g0 ) .
Le théorème suivant évite ce défaut :
Proposition 6.1. Soit (X n , g) une variété de Cartan-Hadamard,
dont la courbure sectionnelle vérifie −1 ≤ Kg ≤ −a2 , soit Γ un
sous-groupe discret, de génération finie et non virtuellement nilpotent
du groupe des isométries de (X n , g) , alors Γ vérifie l’alternative
Tits(α) , où α = ε0 (n, a) .

Work in progress : une généralisation de l’alternative de Tits à tous


les groupes discrets qui agissent sur un espace δ− hyperbolique au
sens de Gromov : nous démontrons

23

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