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son 218041005 x Dépdt legal — 1° bdition : 1966 14° éditon : 1992, tevrier . © Presos Univensitsiren de France, 1906 a INTRODUCTION La prychologie del'enfant (1) étudie la croissance mentale ou, ce, qui revient au méme, le développement des conduites (Cest-a-dire des comportements y compris la conscience), Jusqu’a cette phase de transition constituée par I'adolescence, gui marque l'insertion de Vindividu dans Ia société adulte. La croissance mentale est indissociable de In croissance phy- sique, notamment de la maturation des systémes nerveux et endocriniens, se poursuivant jusque vers 16 ans. Il en résulte d’abord que, pour comprendre cette croissance mentale, il ne suffit pas de remonter jusqu’a la naissance, car il existe une embryologie des réflexes (Minkowski) intéressant la motricité du fctus, et 'on a déja invoqué les conduites préperceptives de ‘eelui-ci dans des domaines comme ceux de la perception de la tausalité tactilo-kivesthesique, (Michotte) (2), len résulte aussi, dun point de vue théorique, que la psychologic de enfant est & considérer comme étudiant un secteur particulier d'une embryogendse générale, celle-ci se poursuivant bien aprés la naissanee et englobant toute la croissance, organique et mentale, jusqu’a l'arrivée a cet état d’équilibre relatif que constitue le niveau adulte. Seulement les influences du milieu acquiérent une impor tance de plus en plus grande & partir de la naissanee, du point de vue organique ailleurs aussi bien que mental. La peycho- logie de l'enfant ne saurait done se borner & recourir & des facteurs de maturation biologique, puisque les facteurs & considérer relvent également de exercice ou de l'expérience acquise, ainsi que de Ia vie sociale en général. ‘La psychologie de enfant étudie l'enfant pour lui-méme a) cat veut étre une synthtse de différents travaux gs, poychologte de Venfant, ¥ compris les notres (sane ent leurs quant aux proportions). A l'égard de ceux-cl, fe lecteur prowvera dans doute ine impression de repétition un peu fastidieuse, ‘nous permettons. cependant de signaier deux nouveautés fur ce point {eat exposé est h ia fols Dref et simple, ce qui constitue Gatledrs ses deux seule mérites. Nos remerciements eux Presses Universitaires de France pour ous avoir décldéy& Serre ce résumé, o0 & quo! nous waurions Jamyals Cd) A. Micuorrn; Ls perception de la causalifé, Publications univer italtes de Louvali, 27 aay 1854. 6 LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT en son développement mental. I] convient & cet égard de Ia distinguer de la « psychologic génétique », bien qu'elle en constitue l'instrument essentiel. Notons d’abord, pour dissiper toute équivoque dans la terminolo mote génétiquen, mn psychologie génétique, a été intro- eychologues dés la seconde moitié du xix° aiéele, c'est-A-dire avant que les biologistes lemploient dans un sens plus restreint. Dans le langage actuel des biologistes, Ia « génétique» ac référe exclusivement aux mécanismes de "héré- dité, par opposition aux processus embryogénétiques ou onto- génétiques. Au contraire, le terme de« psychologic génétique» se réfere au développement individuel (ontogendse). Cela dit, on pourrait étre tenté de considérer les expressions de « psychologie de l'enfant » et « psychologic génétique » comme synonymes, mais une nuance importante les différencie : si la psychologie de l'enfant étudie celui-ci pour Iui-méme, on tend aujourd'hui, par contre, @ appeler « psychologic génétique » Ia paychologie générale (étude de Vintelligence, des, pereep- tions, ete.), mais en tant qu'elle cherche & expliquer les fone- tions mentales par leur mode de formation, done par leur déve- loppement chez l'enfant ; par exemple, aprés avoir étudié les raisonnements, opérations et structures logiques ehez 'adulte seul, done a l'état achevé et statique, ce qui a conduit certains auteurs (Denkpsychologie allemande) & voir dans la pensée un « miroir de la logique », on a fini par se demander «i la logique était innée ou résultait d'une construction progres- sive, etc. : pour résoudre de tels problémes, on recourt alors & Tenfant et, de ce fait méme, la psychologic de lenfant est Promue au rang de « psychologie génétique », c'est-A-dire qu'elle devient un instrument essentie! d'analyse explicative, Pour résoudre les problémes de la psychologic générale. Liimportance acquise actuellement par la méthode génétique dans tous les secteurs de la psychologie (qu'on pense, par exemple, au réle considérable attribué 8 I'enfance par la psy- chanalyse) tend conférer & la psychologic de enfant ‘une sorte de position clé dans les domaines les plus divers. Crest done surtout au point de vue de la psychologic génétique que nous nous placerons en cet ouvrage : si l'enfant présente tun trés grand intérét en lui-méme, il s'y ajoute, en effet, que Venfant explique homme autant, et souvent plus, que Vhomme n'explique l'enfant, car si celui-la éduque celui-ci par le moyen de multiples transmissions sociales, tout adulte, méme créateur, a néanmoins commeneé par étre un enfant ja aux temps préhistoriques aussi bien qu’aujourd’hui. CuapitRE PREMIER LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR Si Penfant explique en partie Vadulte, on peut dire aussi que chaque période du développement rend compte en partie des suivantes, Cela est parti- culirement clair en ce qui concerne la période antérieure au langage. On peut l'appeler période « sensori-motrice » parce que, faute de fonction symbolique, le nourrisson ne présente encore ni pensée, ni affectivité lige des représentations per- mettant d’évoquer les personnes ou les objets en leur absence. Mais malgré ces lacunes, le développe~ ment mental au cours des dix-huit premiers mois (1) de I’existence est particuligrement rapide et parti culirement important, car l'enfant élabore a ce niveau l'ensemble des substructures cognitives qui serviront de point de départ 4 ses constructions perceptives et intellectuelles ultérieures, ainsi qu’un certain nombre de réactions affectives élémentaires qui détermineront en partie son affectivité sub- séquente. I. — Vintelligence sensori-motrice Quels que soient les oritéres de l'intelligence que Yon adopte (tatonnement dirigé selon Claparéde, compréhension soudaine ou insight selon W. Kohler (2) Notons une fol pour toutes que chacun des tees 2 cof Quvrage heat jamais qu'un ago moyen ef encore ae 8 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT ou K. Bibler, coordination des moyens et des fins, etc,), tout le monde est d’accord pour admettre existence d'une intelligence avant le langage. Essentiellement pratique, c’est-a-dire tendant a des réussites et non pas a énoncer des vérités, cette intelligence n’en parvient pas moins a résoudre finalement un ensemble de problémes d’action (atteindre des objets éloignés, cachés, etc.), en construisant un systéme complexe de schémes d’assi- milation, et A organiser le réel selon un ensemble de structures spatio-temporelles et causales. Or, faute de langage et de fonction symbolique, ces constructions seffectuent en s’appuyant exclusi- vernent sur des perceptions et des mouvements, done par le moyen d'une coordination sensori- motrice des actions sans qu’intervienne la repré- sentation ou la pensée. 1, Stimulus-réponse et assimilation. — Mais, s'il existe une intelligence sensori-motrice, il est fort difficile de préciser le ‘moment oi elle apparait. Plus précisément la question n'a pas de sens, car sa solution dépend toujours du choix arbitraire d'un critére. Ce qui est donné en fait est une succession remar- quablement continue de stades dont chacun marque un nou- veau progrés particl, jusqu'au moment od les conduites atteintes présentent des caractéres que tel ou tel psychologue reconnait comme étant ceux de I’ « intelligence » (tous les auteurs étant d'accord en ce qui concerne I'attribution de ce icatif au dernier au moins de ces stades, entre 12 et 18 mois). Crest ainsi que des mouvements spontanés et du réflexe aux habitudes acquises et de celles-ci a l'intelligence il y @ progression continue, le vrai probléme étant d'atteindre le mécanisme de cette progression elle-méme, Pour beaucoup de psychologues co mécanisme est celui de Vassociation, qui permet d'additionner par voie cumulative les conditionnements aux réflexes et bien d'autres acquisitio aux conditionnements eux-mémes : toute acquisition, de I plus simple a la plus complexe, serait ainsi a concevoir comme une réponse aux stimuli extérieurs et comme une réponse dont le caractére associatif exprime une subordination pure cet simple des Liaisons acquises aux liaisons extéricures. L'un LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 9 de nous (1) os au contraire que ce mécanisme consistait en une assimilation (comparable & l'assimilation biologique au sens large), c'est-i-dire que toute liaison nouvelle est intégrée en un schématisme ou en une structure antérieure : activité organisatrice du sujet est alors & considérer comme aussi importante que les liaisons inhérentes aux stimuli extérieurs, car le sujet ne devient sensible & ceux-ci que dans la mesure’ of ils sont assimilables aux structures déja cons- truites, qu’ils modifieront et enrichiront en fonction des assi- milations nouvelles, En d'autres termes lassociationnisme congoit le schéma stimulus-réponse sous une forme uni térale S—>R, tandis que le point de vue de assimilation suppose une réciprocté S zt R, ou, ce qui revieat au méme, Vintervention des activités du sujet ou de celles de 'orga- nisme (2) Og, soit S—(Og)—> R. 2. Le stade I. — Le point de départ du dévelop- pement n'est pas a chercher, en effet, dans les réflexes concus comme de simples réponses isolées mais dans les activités spontanées et totales de Vorganisme (étudiées par v. Holst, ete.) et dans le réflexe congu Ala fois comme une différenciation de celles-ci et comme pouvant en certains cas (ceux des réflexes qui se développent par exercice au lieu de s’atrophier ou de rester inchangés) présenter une activité fonctionnelle entrainant la formation de schémes d’assimilatio: En effet, d'une part, on a montré, tant par l'étude des comportements animaux que par celle des ondes électriques du systéme nerveux, que lorganisme n'est jamais passif, mais présente des activités spontanées et globales, dont le forme est rythmique. D’autre part, l'analyse embryologique des réflexes (Coghill, ete.) a permis d’établir que ceux-ci se constituent par différenciation a partir d'activités plus glo- bales : dans le cas des réflexes de locomotion des Batraciens, par exemple, cest un rythme d'ensemble qui aboutit & une 1) J. Pracwr, La naissance de Tinteltigence, Delachaux & Niestlé, @) Lorganisme 0, intervient déja chez Hull & titre de variable Intermédiaire, mais dans le sens d'une simple réduetion des besos ‘et non pas dune structure organisatrice Og. 4 10 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT succession de réflexes différenciés et coordonnés, et non pas ceur-ci qui conduisent & celvi-la. En ce qui concerne les réflexes da nonveau-o6, il en révalte e ceux dentre eux qui présentent une importance parti- Gilidre pour Pavenir (les reflexes de succion, ow le reflexe palmaire qui sera intégré dans la préhension intention- nelle ultérieare) donnent liea & ce que Tun de nous a appelé un « exercice réflexe », cest-i-dire une consolidation par exercice fonctionncl, C'est ainsi que le nouveau-né tate de fagon plus assurée, retrouve plus facilement le mamelon lorsqu’ll a 6t6 laché, etc., aprés quelques jours que lors des premiers essais (1). L'assimilation reproduetrice ou fonction- nelle qui assure cet exercice se prolonge, d'autre part, en tune assimilation généralisatrice (sucer & vide entre les repas fou sucer de nouveaux objets) en une assimilation récognitive (istinguer le mamelon de ces autres objets). ‘Sans qu'on puisse parler en ces cas d’acquisitions propre- ment dites, puisque T'exercice assimilateur ne dépasse pas alors le cadre préétabli du montage héréditaire, assimilation fen jeu n’en remplit pas moins un réle fondamental, car cette activité qui interdit de considérer le réflexe comme un pur automatisme, rend compte, d’autre part, des extensions ulté- ricures du schéme réflexe et de la formation des prei habitudes. Dans lexemple de la succion, on assiste, en effet, et parfois dés le second mois, & ce phénoméne banal, mais non moins instractif, d'une succion du pouce, non pas fortuite ou accidentelle, comme cela peut se produire das le premier jour, mais systématique par coordination des mouvements du bras, de la main et de la bouche. La of les associationnistes ne voient qu'un effet de répétition (mais dod vient-elle ici, puisqu’elle n’est pas imposée par des liaisons extérieures ?) et of les psychznalystes voient déja une conduite symbolique, par assimilation représentative du pouce et du sein (mais dot viendrait ce pouvoir symbolique ou évocateur bien avant la formation des premiéres images mnentales ), nous suggérons d'interpréter cette acquisition par une simple extension de Yassimilation sensori-motrice en jea dés le réflexe. Précisons @'abord qu'il y a bien ici acquisition proprement dite, pui quill n’existe pas de réflexe ou d'instinct de sucer son pouce (apparition de cette conduite et sa fréquence sont en effet variables). Mais cette acquisition n'est pas quelconque : elle ) On observe de tels oxercices réflexes chez Jes animaux égale- ment, cnnmmn dans les tatonnements qul caractérisent les premiers fssals de copulation chez lee Limnées des étangr. LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR Bet vient s'inscrire dans un schéme réflexe déjh constitué et ee borne & Métendre par intégration d’éléments sensori-mo- tenre jusque-Ia indépendants de Ini. Cette intégration carac- térise déja le stade IL, 3. Le stade II. — C'est selon un tel modéle que se constituent les premigres habitudes qui, elles, relévent directement d'une activité du sujet, comme dans le cas précédent, ou paraissent impo- sées du debors comme dans le cas des « condition- nements ». Un réflexe conditionné n’est, en effet, jamais stable par le jeu de ses seules associations et ne le devient que par la constitution d’un schéme d’assimilation, c’est-a-dire lorsque le résultat atteint satisfait le besoin inhérent & l’assimilation consi- dérée (comme chez le chien’ de Pavlov qui salive au son de la cloche tant que celui-ci est assimilé a un signal de nourriture, mais qui cesse de saliver si celle-ci ne suit plus jamais le signal). Mais méme en appelant « habitndes » (faute de mieux) les conduites acquises ca leur formation aussi bien qu’en leurs résultats automatinés, habitude n'est pas encore Vintelli- gence. Une « babitude » élémentaire repose sur un schéme nnsori-moteur d’ensemble (1) au sein duquel il n'existe pas encore, du point de vue du sujet, de différenciation entre lea moyens et les buts, le but en jen n’étant atteint que par une e de mouvements qui y conduisent sane que Ton puisse, aux déburs de la conduite, distinguer un but pour- suivi au préalable et, ensuite, des moyens choisis parmi divers schémes possibles. En un acte d'iotelligence, par contre, il y a poursuite d'un but posé dés le départ, puis recherche des moyens appropriés, ces moyens étant fournis par les echémes connus (ou schémes d°« habitudes »), mais en tant que déja différenciée du schéme initial qui assignait son but & I’action. 4, Le stade IIL, — Or, le grand intérét du développement des actions sensori-motrices au cours de la premiére année de Penfant est que, non seulement il conduit & des apprentissages (1) Un scheme ost la structure ou organisation des actions, telles quiclics so transferent ou se genéralisent lors de la repeution de Sette action ea des circonstances semblables 0 analogues. 12 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT Aémentaires, sources de simples habitudes, au niveau od ne stobserve pas encore une intelligence proprement dite, mait il fournit aussi une série continue d'intermédiaires entre ces deux variétés de réactions. C'est ainsi qu'aprés | reflexes (1) ot celui des premitres habitwdes (11) un stade (II) présente les transitions suivantes & partir du moment, vers 4 mois 1/2 en moyenne, od il y a coordin: entre Ia vision et la préhension (le bébé saisissant et mani Tant tout ce qu'il voit dans son espace proche). Un sujet ect ge attrape par exemple un cordon pendant du toit de son berceau, ce qui a pour effet de secouer tous les hoch suspendus au-dessus de Ini, 11 répéte aussitot une série de fois le geste A résultate inattendus, ce qui constitue une« réaction circulaire » au sene de J. M. Baldwin, done une habitude & Pétat naissant, sans but préalable différencié des moyons groployés. Mais dans la mit il suffit de eurpendre un nouveas jouet a Ia toiture pour que l'enfant cherche le cordon, ce qui Zonstitue un début de diff a férenciation entre le but et le moyen. Les jours suivants, lorsqu’on balancera un objet suspend & une perche, & 2m du berceau, etc., et méme lorsqu’on fera entendre quelques sons inattendus et mécaniques derriére tun paravent, et que ces spectacles ou cette musique prendront fin, enfant cherchera et tirera & nouveau le cordon magique : nous sommes done cette fois au de Vintelligence, si étrange que soit cette cansalité sans contact spatial. 5. Les stades IV et V. — En un quatriéme stade (IV), on observe des actes plus complets d'intelli- gence pratique. Un but préalable s'impose au sujet, indépendamment des moyens qu'il va employer : par exemple, atteindre un objet trop éloigné ou qui vient de disparaitre sous un linge ou un coussin. Ces moyens sont, ensuite seulement, essayés ou recherchés, et cela d’emblée a titre de moyens : par exemple, saisir la main d’un adulte et Pengager dans la direction de l'objet a atteindre, ou soulever Vécran qui masque Vobjet caché. Mais, au cours de ce quatriéme stade, si la coordination des moyens, et des buts est nouvelle et se renouvelle en chaque ituation imprévue (sans quoi il n’y aurait pas intelligence), les moyens employés ne sont empruntée LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 33 qu’a des schémes d’assimilation connus (dans le cas de Pobjet caché et retrouvé, la combinaison est également nouvelle, comme on le verra au § II, mais le fait de saisir et de déplacer un coussin ne correspond qu’a un schéme habituel). Au cours d’an cinquisme stade (V), débutant vers 11-12 mois, il stajoute aux conduites précédentes une réaction essentielle In recherche de moyent nouveaux par différenciation des achémes counus. On peut citer & cet égard ce que nous appelle- rons la conduite du support : un objet trop éloigné étant poss sur un tapis, l'enfant, aprés avoir essayé en vain d’atteindre directement l'objectif, peut en venir & saisir un coin du tapis (par hasard ou par suppléance) et, observant alors une relation entre les mouvements du tapis et ceux de l'objet, il en arrive Dei k peu htirerle pis pour atteindre objet. Une découverte analogue caractérise 1a, conduite de la ficelle, étudiée fmener & soi objet en K. Bubler et bien d’autrés ensuit tirant eur la ficelle & laquelle il est relié. 6, Le stade VL.— Enfin, un sixiéme stade marque la fin de la période sensori-motrice et la transition avec la période suivante : l'enfant devient capable de trouver des moyens nouveaux non plus seule- ment par tatonnements extérieurs ou matériels, mais par combinaisons intériorisées qui aboutissent A une compréhension soudaine ou insight. Par exemple, l'enfant mis en présence d’une bofte d’allu- mettes & peine entrouverte dans laquelle on a placé un dé essaye d’abord par tatonnements maté- riels d’ouvrir la botte (réaction du cinquiéme stade), mais, aprés échec, ill présente cette réaction trés nouvelle d’un arrét de l’action et d’un examen attentif de la situation (au cours duquel il onvre et ferme lentement la bouche, ou, chez un autre sujet, la main, comme pour imiter le résultat a atteindre, c’est-a-dire Pagrandissement de Vouver- ture) : aprés quoi, brusquement, il glisse son doigt dans la fente et parvient ainsi a ouvrir Ja boite. “ LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT Crest A co méme stade qu'est en général découverte Ia eélébre conduite du biton, étudiée par W. Kobler chez les Chimpanzés, puis par d'autres chez le bébé. Mais W. Kohler, comme K. Biihler, considére qu'il y a acte d'intelligence dans Je cas seulement oi il y a compréhension brusque, en écartant Ie thtonnement du domaine de cette intelligence pour le el dans les conduites de suppléance ou de« Dressur », etc. Cla- ‘au contraire voyait dans le tatonnement le critére de gence, en attribuant la naissance des bypothiees elles-mémes 4 un tétonnement intériorisé. Ce critére est assu~ rément trop large, puisqu'l y @ tétonnement dés le réflexe et la formation des habitudes. Mais le eritére de I’insight ext certainement trop étroit, car c'est grico A une suite ininter- rompue dassimilations de divers niveaux (I & V) que les schémes sensori-moteurs deviennent susceptibles de ces combi= naisons nouvelles et de ces intériorisations qui rendent finale- ment possible la compréhension immédiate en certaines situa tions. Ce dernier niveau (VI) ne saurait donc étre détaché de ceux dont il marque simplement I’achbvement, TL, — La construction du réel (1) Le syst8me des schémes d’assimilation sensori- moteurs aboutit a une sorte de logique de l'action, comportant des mises en relations et en corres- pondances (fonctions), des emboitements de schémes (cf. la logique des classes), bref des structures dordre et de réunions qui constituent la substruc- ture des opérationa futures de la pensée. Mais Tintelligence sensori-motrice conduit 4 un résultat tout aussi important en ce qui concerne la struc- turation de Punivers du sujet, si restreint soi a ce nivean pratique : elle organise le réel en cons- truisant, par son fonctionnement méme, les grandes catégories de action que sont les schémes de Vobjet permanent, de espace, du temps et de la (4, Prager, La construction di rlel chet Venfant, Delacheus a Read, 1957: eens LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 15 causalité, substructures des futures notions corres- pondantes. Aucune de ces catégories n'est donnée au départ et univers initial est entigrement centré sur le corps et 'action propres en un égocentrisme aussi total qu’inconscient de Iui-méme (faute d’une conscience du moi), Au coure des dix-huit premiers mois s’cffectue eu contraire une sorte de révolution copernicienne ou-plus simplement dite de décentra- tion générale, telle que l'enfant finit par se situer comme un objet parmi les autres en un univers formé d’objets permanents, structuré de fagon spa- tio-temporelle et sigge d'une causalité a la fois spatialisée et objectivée dans les choses. 1, L’objet permanent. — Cet univers pratique élaboré dis la seconde canée est d'abord forme dobjets permanente, Or, Ianivers initial est un monde sans objets me consistant qu'enc tableaux» mouvants et inconsistants, qui apparaissent puis se résorbent totalement, soit sans retour, soit en réappa- Taissant sous une forme modifiée ou analogue. Vers 5-7 mois (stade III du § 1), quand enfant va saisir un objet et qu'on recouvre celui-ci d'an linge ou qu'on le fait passer derriére un écran, l'enfant retire simplement sa main déja tendue ou, wil s’agit d'un objet d'intérét spécial (le biberon, etc.), #0 met a pleurer ou & hurler de déception : il réagit done comme ai objet s°était résorbé. On répondra peut-étre qu'il sait bien que Pobjet existe toujours 1a ob il a disparu, mais ne parvient simplement pas a résoudre le probléme de le rechercher et de soulever I'éeran, Mais lorsqu'il commence i chercher sous Yécran (voir le TV du § 1), on peut faire le controle suivant : cacher I'ebjet en A a la droite de l'enfant, qui le recherche et le trouve, puis, sous ses yeux, déplacer et cacher Tobjet en B, a la gauche de l'enfant : lorsque celui- Pobjet disparaftro en B (sous un coussin, etc.) il arrive alors souvent qu'il le recherche en A comme si la position de l'objet dépendait des actions antérieurement réussies et non de ses déplacements autonomes et indépendants de l'action propre. Au stade V (9-10 mois) objet est recherché par contre en fonction de ses sculs déplacements, sauf s’ils sont trop complexes (emboitements d'écrans) et au stade VI il s'y ajoute un jen d'inférencer parvenant & maltriser certaines combinaisons (eoulever un coussin et ne trouver en dessous 16 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT an autze Geran impréva, qui est alors immédiatement enlevé) (1). 2g La conservation de l'objet est, entre autres, fonction de sa localisation. Ce fait montre d’emblée que la construction du schéme de l'objet permanent est solidaire de toute l’organisation spatio-tempo- relle de univers pratique, ainsi, naturellement, que de sa structuration causale. 2. Lrespace et le temps. — A commencer par les structures spatio-temporelles, on constate qu’au début n’existent ni un espace unique ni un ordre temporel englobant les objets et les événements comme des contenants englobent leurs contenus. Ne sont donnés qu’un ensemble d’espaces hété- rogénes, tous centrés sur le corps propre : espaces buccal (Stern), tactile, visuel, auditif, postural ; et que certaines impressions temporelles (attente, ete.), mais sans coordinations objectives. Ces espaces se coordonnent ensuite progressivement (buccal. et tactilo-kinesthésique), mais ces coordinations demeu- rent longtemps partielles tant que la construction du schéme de lobjet permanent ne conduit pas a la distinction fondamentale, que H. Poincaré consi- dérait a tort comme primitive (2), des changements (1) Coa rigaltats ebtcoms par Tun de pons ont 616 confirmés ces tse et is ene BS ie cree i iden tae eats at octet Shins Srice one ttaat aces Se oe geet soiree a erin ees wena ieiais lations spree ecient, Sea eee aaa cut aust a gs prt Mat Sat gu cbiaeat air pent OS Saeed Erhmia atiti cena ae tetaes cae ed SPs naa mat a egg Soanta das Feast lene Gn pon at par ae, aed (2) Poincaré a eu ie grand mérite de prévoir que l'organisation de rapes ig Sms Se Pee ae em aia ae eras i ae Pir oe dS at peas cua poe LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 1 a’%état, on modifications physiques, et dee change- ments de position, ou déplacements constitutifs de l'espace. En solidarité avec les conduites de localisation et de recher- che de l'objet permanent, les déplacements s'organisent enfin ades V et V1) en une structure fondamentale, qui constitue la charpente de I'espace pratique, en attendant de servir de base, une fois intériorisée, aux opérations de la métrique cuclidienne : c'est ce que les géométres appellent le « groupe des déplacements » et dont la signification psychologique eat Ia suivante : a) Un déplacement AB et un déplacement BC peuvent se coordonner en un seul déplacement AC, qui fait gneore partie du systime (1); b) Tout déplacement 4B peut dtre inversé en BA, d’od la conduite du« retour» au point de départ ; c) La composition da déplacement AB et de son inverse BA donne le déplacement nul 4A; d) Les déplace- ments sont associatife, cest-A-dire que, dans la suite ABCD, on a AB+ BD = AC +CD : cela signifie qu'un méme point D peut étre atteint & partir de A par des chemins diffé- rents (si les segments AB, BC, etc., ne sont pas en ligne droite), ce qui constitue la conduite du« détour » dont on sait le caractére tardif (stades V et VI chez lenfant, conduite comprise par les Chimpanzés mais ignorée des poules, ete.). En corrélation avec cette organisation des positions et des déplacements dans l'espace se constituent naturellement des séries temporelles objectives, puisque, dans le cas du pratique des déplacements, ceux! Weffectuent. mat ment de proche en proche et I'un aprés l'autre, par opposition aux notions abstraites que construira plus tard la pensée et Qui nermettront une représentation d’entemble simaltanée et plus en plus extra-temporelle, 3. La cansalité. — Le systéme des objets perma- nents et de leurs déplacements est, d’autre part, indissociable d’une structuration causale, car le propre d’un objet est d’étre la source, le siége ou k résultat d’actions diverses dont les liaisons consti- ‘tuent la catégorie de la causalité. «) eng Ac gers wean etc me sol JS EMS mart oe oer vr 18 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT Mais, en paralléle complet avec le développement des schémen précedents, la eausalité ne devient objective ct adé- quate qu’au terme d'une longue évolution, dont les phases initiales sont centrées sur Paction propre et ignorent encore les liaisons spatiales et physiques inhérentes aux schémes causals matériels. Au stade IIT encore (ef. § 1), alors que le nourrisson parvient déja a sourire a ce qu'il voit et & manipu- ler les objets selon des schémes divers (déplacer, balancer, frapper, frotter, etc.) il ne connait encore comme eause unique que s00 action’ propre, indépendamment méme des contacts spatiaux. Dans Pobservation du cordon qui pend du toit du berceau (§ I-4), le bébé ne situe pas dans le cordon la cause du mouvement des hochets suspendus, mais bien dans Paction globale de tirer le cordon », ce qui est tout autre soit qu'il continue & tirer le cordon. pour agir chose : preave sur des objets situés a 2 m de distance, ou pour agir sur des sons, etc. De méme, d’autres sujets de ce niveau III se cambrent et se laissent retomber pour secouer leut berceau, mais aussi pour agir sur des objets a distance, ou, plus tard, clignent des Four devant un coumotateur pour allumer une lampe éls- ‘trique, ete. Une telle causalité initiale peut étre appelée magico-phénoméniste, phénoméniste parce que n'im- porte quoi peut produire n’importe quoi selon les liaisons antérieures observées, et « magique » parce qrele est centrée sur Paction du sujet sans consi- jération des contacts spatiaux. Le premier de ces deux aspects rappelle l’interprétation de la causalité ar Hume, mais avec centration exclusive sur Paction propre. Le second aspect rappelle les conceptions de Maine de Biran, mais il n'y a ici” ni conscience du moi ni délimitation entre celui-ci et le monde extérieur. Au for et & mesure, par contre, que I'univers est structuré par I'intelligence sensori-motrice selon une organisation spatio~ temporelle et par a constitution d'objets permanents, la causalité s'objective et se spati est-a-dire que les causes reconnues par le sujet ne sont plus situées dans 1a s propre, mais dans des objets quelconques, et que les rapports_ de cause & effet entre deux objets ou leurs actions supposent ‘un contact physique et spatial. Dans les conduites du support, LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 19 de la ficelle et du baton (§ I, stades V et V1), il est clair, par exemple, que les mouvements du tapis, de la ficelle ou da baton sont censés agir sur ceux de l'objet (indépendamment de auteur du déplacement), et cela a la condition qu'il y ait, contact : si objet est posé cété du tapis et non pas sur lui, Penfant du stade V ne tirera pas le support, tandis que celui des stades IIT ou encore IV que l'on aura dressé & se servir du support (ou qui aura découvert son réle par hasard) tirera encore le tapis si l'objet désicé ne soutient pas avec lui la relation spatiale « pooé sur ». TIT, — Laspect cognitif des réactions sensori-motrices Si l'on compare les phases de cette construction du réel a celles de la construction des schémes sensori-moteurs intervenant dans le fonctionnement des réflexes, des habitudes ou de Vintelligence elle- méme, on constate l’existence d'une loi de déve- loppement qui présente quelque importance, parce quelle commandera également toute l'évolution intellectuelle ultérieure de l'enfant. Le schématisme sensori-moteur se manifeste, en effet, sous trois grandes formes successives (les précédentes ne disparaissant d’ailleurs que lorsque apparaissent les suivantes) : 4) Les formes initiales sont constituées par des structares de rythmes, telles qu'on les observe dans les_mouvemeats spontanés et globaux de lorganisme, dont les réflexes ne sont sans doute que des différenciations progressives. Les réflexes particuliers eux-mémes relévent d’ailleurs encore de la struc~ ture de rythme, non pas seulement dans leurs agencements complexes (succion, locomotion), mais parce que leur déroule- ment conduit d'un état initial X'A un état final Z pour recom mencer ensuite dans le méme ordre (immédiatement ou de fagon différée) ; 4) Viennent ensuite des régulations diverses qui différencient les rythmes initiaux selon des achémes multiples. La forme la plus courante de ces régulations est le contréle par titonne- ments intervenant dans la formation des premiéres habitudes (les « réactions circulaires » assurent & cot égard la transition 20 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT entre le rythme et Jes régulations) et dans les premiers actes d'intelligence. Ces régulations, dont Jes modéles cybernétiques ‘comportent des systémes de boucles, on feedbacks, atteignent ainsi une semi-réversibilité, ou réversibilité approchée, par effet rétroactif des corrections progressives ; ¢) Apparait enfin un début de réversibilité, source des futures « opérations » de la pensée, mais déja & 'euvre au niveau sensori-moteur dés la constitution du groupe pratique des déplacements (chuque déplacement AB comporte alors tn déeplacemeut inverse BA). Le produit le plus immédiat des structures réversibles est la constitution de notions de ‘conservation ou d'invariants de« groupes». Au niveau sensori- moteur déja, organisation réversible des déplacements en- traine Mélaboration d’un tel invariant, sous les espace du schéme de l'objet permanent. Mais il va de soi que, au présent niveau, ni cette réversibilité en action ni cette conservation ne sont encore complétes faute de représentation. Si les structures de rythme n’apparaissent plus aux niveaux représentatifs ultéricurs (de 2 & 15 ans), toute ’évolution de la pensée sera dominée, on le verra plus loin, par un passage général des régulations & Ia réversibilité intériorisée ou opé- ratoire, cfest-i-dire & la réversibilité proprement dite. IV, — L’aspect affectif des réactions sensori-motrices L’aspect cognitif des conduites consiste en leur structuration et aspect affectif en leur énergé- tique (ou comme disait P. Janet en leur « écono- mie »). Ces deux aspects sont a la fois irréductibles, indissociables et complémentaires : il ne faut done pas s'étonner de trouver un parallélisme remar- quable entre leurs évolutions respectives. D’une maniére générale, en effet, tandis que le schéma- tisme cognitif passe d’un état initial centré sur Yaction propre a la construction d’un univers objectif et décentré, Paffectivité des mémes niveaux sensori-moteurs procéde d'un état d’indifférencia- tion entre le moi et entourage physique et humain pour construire ensuite un ensemble d’échanges LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 21 entre le moi différencié et les persounes (sentiments inter-individuels) ou les choses (intéréts variés selon les niveaux). Mais 'étude de I'affectivité du nourrisson est bien plus difficile que celle de ses fonctions cognitives, car le risque de Padultomorphisme y cat bien plus grand. La plupart des travaux connus sont de nature psychanalytique et ils se sont longtemps contentés d'une reconstitution des stades élémen- taires & partir de la prychopathologie adulte, Avec R. Spits, K. Wolf et Th. Gouin-Décarie, la psychanalyse du bébé s'est far conte faite expérimentale et avec les recherches actueles de S, Escalona, dPingpiration ita, foin poychanalytique et lewinienne, elle se 1, L’adualisme initial. — Les affects propres aux deux premiers stades (I-II du § I) s’inscrivent dans un contexte déja décrit par J. M. Baldwin sous le nom d’ « adualisme », dans lequel il n’existe sans doute encore aucune conscience du moi, c'est-A-dire aucune frontiére entre le monde inté- rieur ou vécu et l'ensemble des réalités extérieures. Dans la suite, Freud a parlé de narcissisme, mais sans apercevoir suffisamment qu'il s’agissait d'un narcissisme sans Narcisse. Anna Freud a depuis lors précisé ce concept de « narcissisme primaire » dans le sens d’une indifférenciation initiale entre le moi et Pautrui. Wallon décrit cette méme indiffé- renciation en termes de symbiose, mais il reste important de spécifier que, dans la mesure méme od Ie moi reste inconscient de lui-méme, donc indiffé- rencié, toute Vaffectivite demeure centrée sur le corps et l’action propres, puisque seule une disso- ciation du moi et de Pautrui ou du non-moi permet la décentration affective comme cognitive. C'est pourquoi l’intention contenue dans la notion de narcissisme reste valable a condition de préciser qu'il ne s’agit pas d’une centration consciente sur 22 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT un moi par ailleurs identique & ce qu'il deviendra une fois élaboré, mais d’une centration inconsciente par indifférenciation. Cela dit, les affects observables dans ce contexte advalistique relivent d'abord de rythmes généraux correspondant & ceux des activités spontanées et globales de lorganisme (§ I) : alteroances entre les étate de tension et de détente, ete. Ces rythmes se différencient en recherches des stimuli agréables et en tendances a éviter les désagréables, ne L'un des symptomes les plus étudiés de Ia satisfaction est le sourire, qui a donné lieu & de multiples interprétation: Ch, Bithler et Kaila y voyaient une réaction spécifique a la personne humaine. Mais, d'une part, on observe au début une sorte de sourire physiologique tot aprés la tétée, sans aucun stimulus visuel. D’autre part, l'un de nous a noté des sourires {rts précoces en présence d'objts en mouvement, La réaction la figure humaine a été étudiée au moyen de masques plus ‘ou moins complets (yeux et front sans la bouche, ete.) ana- Jogues aux leurres» dont se servent les éthologistes de l'école de Tinbergen et Lorenz pour analyser les déclencheurs per+ ceptifs des mécanismes innés. On a observé a cet égard que les yeux et la partie supérieure du visage jouent an réle pré- pondérant, et certains auteurs (Bowlby) considérent ces stimuli comme analogues aux déclencheurs héréditaires (IRM) (1). Mais avec Spitz (2) et Wolf, il est plus prudent de ne voir dans Ie sourire qu'un signe de Ia récognition d'un complexe de stimuli dans un contexte de satisfaction des besoins. Il n'y aurait donc pas das le début récognition de la personne d'aue trai, mais, le sourire de l'enfant étant trés fréquemment pro- voqué, entretenu, renforeé ou « gratifié » par le sourire du partenaire humain, il devient plus ou moins rapidement un instrument d’échange ou de contagion, et par conséquent pew & peu un moyen de différenciation des personnes et des choses (les premisres n’étant longtemps que ccs centres parti« culiérement actifs et imprévus, assimilés en fonction des réac- tions propres sans différenciation nette d’avec les choses). 2. Réactions intermédiaires. — Au cours des etades III et IV on assiste de fagon générale, en ) IRM = innate releasing mechanisms. ) R. Serre, La premidre année de ta vie de Venfant ; Gendse des premiares relailons objectates, Paris, 1938, LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 28 fonction de la complexité croissante des conduites, & une multiplication des satisfactions psycholo- giques venant s’ajouter aux satisfactions organiqu Mais si les sources d’intérét se diversifient ain on observe également des états nouveaux en pré- sence de l’inconnu, de mieux en mieux différenciés du connu : inguiétudes en présence de personnes étrangéres au milieu (Spitz), réactions a l’étrangeté des situations (Meili), ete., et plus ou moins grande tolérance au stress, cette tolérance s’accroissant si le conflit se produit dans un contexte de contacts par ailleurs agréables. Le contact avec les personnes devient ainsi de plus en plas important, annongant un passage de la contagion & la commu nication (Escalona). En effet, avant que se construisent de fagon complémentaire le moi ct l’autrui ainsi que leurs interac tions, on assiste & I'élaboration de tout un systéme d’échany grace & l'imitation, la lecture des indices gestuels et des mimiques. L'enfant en vient dés lors & réagir aux personnes de facon de plus en plus spécifique, paree qu'elles autrement que les choses et qu’elles agissent selon des schémes qui peuvent étre mis en relation avec ceux de l'action propre. Tl s'établit méme, t8t ou tard, une sorte de causalité relative personnes, en tant qu'elles procurent plaisir, réconfort, apaisement, sécurité, etc, Mais il est essentiel de comprendre que ensemble de ces progrés affectifs est solidaire de la structuration générale des conduites. « Mes faits, conclat ainsi Escalona, suggérent la possibilité d’étendze & tous les aspects adaptatifs du fonction ement mental ce que Piaget propose pour la « cognition » : Vémergence de fonctions telles que la communic modulation des affects, le contréle des excitations, | lité de différer les réactions (delay), certains aspects tions objectales comme l'identification, sont en tous ces cas le résultat des séquences du développement sensori-moteur avant que les fonctions soient rattachées & un ego en un sens plus restreint » (1). () S. K, Escatowa, Patterns of Intantile experience and. the developmental process, | The psychoanal. Study 0 the Child, vol. XVIII (1963), p. 188, 24 LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT 3. Les relations « objectales ». — Au cours des stades V et VI (avec préparation dés le stade IV), on assiste & ce que Freud appelait un « choix de Vobjet » affectif et qu’il considérait comme un transfert de la « libido » & partir du moi narcissique sur la personne des parents, Les psychanalystes par- lent aujourd'hui de « relations objectales » et depuis que, en leur école, Hartmann et Rapaport ont insist6 sur Yautonomie du moi par rapport 4 la libido, ila congoivent l'apparition de ces relations objectales comme marquant la double constitution d'un moi différencié d’autrui, et d’un autrui devenant objet affectivité. J. M. Baldwin avait déja insisté depuis longtemps sur le réle de l’imitation dans )élabora- tion du moi, ce qui atteste la solidarité et la complé- mentarité des formations de lego et de Valter. Les problames sont alors de comprendre les raisons pour lesquelles cette décentration de l'affectivité sur Ia personne d'autrui, en tant a la fois que distincte et analogue au moi qui se découvre en référence avec elle, se produit & ce niveau du développement et surtout de comprendre de quelle maniére s'effectue cette décentration. Nous avons done supposé que cette décentration affective était correlative de la décentration cognitive, non pas que l'une domine l'autre, mais parce que tou tes deux se produisent en fonction d'un méme processus d’en- semble, En effet, dans la mesure od lenfant cesse de tout rap- porter & ses états et A son action propre, pour substituer & un monde de tableaux fluctuants, sans consistance spatio-tempo- relle ni causalité extéricure ou physique, un univers d’objets per~ manents, structuré selon ses groupes de déplacements spatio- temporels et selon une causalité objectivée et spatialisée, il va de s0i que son affectivité s'attachera également ii ces objets per- manents localisables et sources de causalité extérieure quo de- vienneat les personnes. D’od !a constitution des« relations ob- jectalesn en étroite liaison avec le schéme des objets permanent. Cette hypothése, trés vraisemblable mais non prouvée pour autant, a €t6 vérifiée récemment par Th. Gouin-Décarie (1). (1) Th. Gours-Décante, Intelltgence et affectiotté cher le Jeune enfant, Delachaux & Niestls, 1962, LE NIVEAU SENSORI-MOTEUR 25, Gette psychologue canadienne a,commeon!'a vu ($11), controlé ‘sur 90 sujets le déroulement régulier des étapes de le formation du scheme de l'objet. Mais elle a, sur les mémes sujets, analys6 les réactions affeetives en fonction d'une échelle portant sur les « relations objectales » (evolution observée ainsi eat nette quoique moins réguliére que celle des réactions cognitives). Ces deux sortes de matériaux ainsi recueillis, Th. Gouin a pu montrer existence d'une corrélation significative entre eux (1), es étapes de Maffectivité correspondant dans les grandes lignes pour chaque groupe de eujets & celles de la construction de lobjet (2). Ces diverses corrélations cognitive-affectives et interactions interindividuelles sont enfin de nature & nuancer les conclusions A tirer des réactions a l"hospitalisme. On sait que, sous ce terme, les psychanalystes Spitz puis Goldfarb, Bowlby, ete., ont Gtudié les effets de la séparation d’avee In mare, de Ia carence maternelle et de l'éducation en des institutions hospitaliéres. Les faits recucillis ont montré l'existence de retards systéma- tiques (et ailleurs électife) de développement ou méme d'arréts et de régressions en cas de séparation durable. Mais, ici encore, il faut tenir compte de l'ensemble des facteurs : ce n’est pas nécessairement [’élément maternel en tant qu’affecr tivement spécialisé (au sens freudien) qui joue le réle principal, mais le manque diinteractions stimulatrices ; or celles-ci peuvent étre liées a la mére uon pas en tant seulement que mére, mais en tant que s'est créé un mode d’échange parti caller entee telle personne, avec son caractre, et tel enfant, avec le sien, () J. Awrowy, de méme, a montré lexistence de lacunes dans le scheme de Tobjet' permanent chez des enfants psychotiques BriSentant des trouble! dea relations objectales Rvairs Six apple Gallons dein theorie génctique de Piayst ai théote la Pra Psychodynamique, Heoue sutsse de Payehologte, XV, n° 4, 1906, (2) Il reste & moter que, dans la mesure o0 dé elles corrélation: se verifient, c’est-a-dire ob l'affectivite est solidalre de l'enser de ia conduite sans consister ni en une cause ni en tn eflet des struct ‘trations cognitives, le facteur essentie! dans les relations objectales est Ia relation comine telle entre le sujet et objet affectif : crest done interaction entre eux et on pas essentiellement le facteur ‘'mére » agissant comme variable indépendante, ainsi que le suppose gneore la psychanalyse néo-treudienne. Comme T'a bien monte S. Escalona, que ses ‘ines observations de paychologle individuelle ef diftérentictle ont conduite a une position plus Felativiste, une méme partenaire maternelle provaque des résultats différents selon le comportement général de enfant, de meme que des entants différents déclenchent des réactions distinctes cher la méme mérey Caaritre IL LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS En ce qui concerne le développement des fonctions cogni tives chez 'enfant, le chapitre Ie nous a fait entrevoir, et les suivants le confirmeront, que les structures sensori-motrices constituent Ia source des opérations ultéricures de Ia pensée, Cela signifie done que lintelligence procéde de I'action en son ensemble, en tant que transformant les objets et le réel, ‘et que la connaissance, dont on peut suivre la formation chez enfant, est essentiellement assimilation active et opératoire. Or, Ia tradition empiriste, qui a eu tant d'influence sur une certaine pédagogic, considére au contraire la connaissance comme une sorte de copie du réel, Vintelligence étant alors censée tirer ses origines de la perception seule (pour ne plus parler de sensations). Méme le grand Leibuiz, qui défendait Fintelligence contre le sensualisme (en ajoutant nisi ipse intelectus & Padage nil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu), accepte l'idée que, si les formes des notions, juge- ments et raisonnementa ne dérivent pas des « Teurs contenus en procédent intégralement : comme dans la vie mentale que les sensations et la raison... en oubliant Paction ! Il est done indispensable, pour comprendre le développe- ment de enfant, d’examiner l'évolution de ses perceptions aprés avoir rappelé le réle des structures ou du schématisme sensori-moteurs. La perception constitue, en effet, un cas particulier des activités sensori-motrices, Mais son caractére Particulier consiste en ceci qu'elle reléve de aspect figuratif de la connaissance du réel, tandis que l’action en son ensemble (et déja en tant qu’action sensori-motrice) est essentiellement opérative et transforme le récl. I] importe alors, et c'est méme Id tune question cepitale, de déterminer le réle des perceptions dans Pévolution intellectuelle de l'enfant, pur rapport & celui de I'action ou des opérations qui en dérivent au cours des inté- riorisations et stracturations ultérieures. LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 27 I. — Constances et causalité perceptives Il conviendrait de commencer notre analyse par l'étude des perceptions dés la naissance et au cours de toute la période sensori-motrice, Trés maiheureusement, rien n'est plus diffi que d'atteindre les perceptions du nouveau-né et du nourris- mate de pouvoir soumettre ceux-ci A des expériences précises de laboratoire, et, si nous posrédons quelques rensei~ gnements neurologiques sur le développement des organes sensoricls (1), ila ne nous suffisent nullement pour reconatituer ee que sont les perceptions elles-mémes. Par contre, deux eélébres problémes de perception peuvent étre mis en relation avec les réactions sensori-motrices de la premitre année : celui des constances et celui de In causalité perceptive. On appelle constance de la grandeur Ia perception de Ia grandeur réelle d’un objet situé a distance, indépendam- ment de son rapetissement apparent : la constance de la forme est la perception de la forme habituelle de "objet (par exemple vu de face ou dans le plan fronto-paralléle, etc.) indépendam- ment de sa présentation perspective. Or, ces deux constances perceptives débutent sous une forme approximative dés la seconde moitié de la premiére année, pour s'affiner ensuite juuqu’d 10-12 ans ot davantage (2). Ou peut done se demander quelles sont leurs relations avec les schémes sensori-moteurs, notamment avec celui de l'objet permanent. 1, La constance de Ia forme. — A commencer par la cons- tance de la forme, l'un de nous (3) a constaté la parenté de (2 Ct sata lon WB Hote ete itr ence ae fe ee ama RR St Ahr ks ute eee Mme Ferncantt stint tar ne Wins rth ats eee iM cea it mae eck vera Gintama Rate acne: et Beets US aiGe taba dary aie wa SR San Satta ala dt Toler Peril Rathaarhen re eee teas caer de oie Pitaneag angie Bdetatra Sate sae sus fala ENS fda dtl ot ns une Tash, w agen bes Sacha akan dae a Speliracialauth St coat ite dette te Pea yat Bigs etch erga dee katt ae Terrie de yay sue ate adegtitee GTAP SIN AL sconstaen sds granguac srere Bike ee ee eae ae Ba 2 Ee Ber prety, Proms Unvnial a ei pete eae de 1961, a 28 LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT certaines de ses manifestations avec la permanence de objet. En présentant & un bébé de 7-8 mois son biberon & Nenvers, il'a constaté que 'enfant le retournait facilement s'il apercevait a Varriére-plan une partie de la tétine de caoutehoue rouge, is qu'il ne parvenait pas A ce redressement s'il ne voyait rien de la tétine et n’avait devant lui que la base blanche du biberon rempli de lait. Cet enfant n’attribuait done pas au biberon une forme constante, mais dé: le moment of, & 9 mois, il a commencé a rechercher les objets derriére les écrans, il eat arrivé & retourner sans peine le biberon préscnté a I vers, comme si la permanence et la forme constante de l'objet étaient liges l'une & autre. On peut supposer qu'il intervient en ce cas une interaction entre Ia perception et le schéme sensori-moteur, car la premiére ue suffit pas & expliquer le second (la recherche d’un objet disparu ne tient pas qu’a sa seule forme) ni le second la premiere. 2, La constance des grandeurs. — Quant a la constance des grandeurs, elle débute vers 6 mois : enfant, une fois dress choisir la plus grande de deux bottes, continue de bien choit si l'on éloigne cette plus grande et qu’elle correspond alors & tune image rétinienne plus petite (Brunswik et Cruikshank, Misumi). Cette constance débute done avant la constit de objet permanent, mais aprés la coordination de la vision et de la préhension (vers 4 mois 1/2). Or, ce dernier fait est une certaine importance, car on peut se demander pourquoi il existe une coustance perceptive des grandeurs, alors qu'elle disparait au-d nce entre objet et le sujet et que l'intelligence suffit alors & faire connaitre la grandeur éelle des éléments rapetissés en apparence. La réponse eat 1s doute que la grandeur d'un objet est variable & Ia vision mais constante au toucher et que tout le développement sensori-moteur impose une mise en correspondance entre le clavier perceptif visuel et le clavier tactilo-kinesthésique. Ce ne serait done pas par hasard que la constance des grandeurs débute aprés et non pas avant la coordination de la vision et. de la préhension : quoique de nature perceptive elle dépendrait ainsi des schémes sensori-moteurs d’ensemble (et, si elle peut, favoriser dans la suite la permanence de l'objet, ia constance des grandeurs en serait, améliorée en retour, une fois cette per- manence acquise). 3, Objet permanent et perception. — Ces deux premiers exemples tendaieat done & montrer Virréductibilité du sensori- moteur par rapport au perceptif, puisque dans ces deux cas i semble que, si la perception rend naturellement des services é LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 29 indispensables & T'activité sensori-motrice, 1a premidre est réciproquement enrichie par la seconde et ne saurait suffire i a la constituer, ni & se constituer elle-méme indépendam- jent de l’action. On a néanmoins cherché & rendre compte de Ia constitution de l'objet permanent par des facteurs percep- tifs. Par exemple, Michotte voit dans cette permanence un produit des effets perceptifs appelés par lui « effet écran » (le passage d'un objet 4 sous un autre B se reconnatt, lorsque ‘A eat en partie masqué, & l’organisation des frontiéres selon ice lois figure fond) et « effet tunnel» (lorsque A passe sous B 2 une vitesse constante pergue avant I'entrée on éprouve une impression perceptive mais non sensorielle de ses positions et fon anticipe sa sortie). Mais la question est de savoir si le bébé présente ou non les effets écran » et« tunnel » avant d’avoir Construit la permanence de l'objet. Or, pour le second, l'expé- rience montre qu'il n’en est rien. On présente un mobile suivant Ia trajectoire ABCD, les segments AB et CD étant visibles, Ie segment BC situé sous un écran et le mobile sortant en A d'un autre eran pour entrer en D sous un troisidme eran : en ce cas, enfant de 5-6 mois suit des yeux le trajet AB et, guand le mobile disparait en B, il le recherche en A p étonné de le voir en C, Te mobile disparatt en D, il le cherche en C puis en A! Autre- ment dit effet tunnel n'est pas primitif et ne se constitue ane fois acquise la permanence de l'objet : en ce cas un Gilet perceptif eat done netiement déterminé par les schemes sensori-moteurs au lieu de les expliquer. Te suit des yeux de CA D mais, lorsque 4. La causalité perceptive. — Rappelons enfin les expériences bien connues de Michotte sur la causalit¢ perceptive, Lorsqu'un petit carré A, mis en mouvement, vient toucher un carré immobile B et que celui-ci se déplace, A restant immobile aprés Vimpact, on éprouve une impression perceptive de Jancement de B par A soumise & des conditions précises de vitesse et de relations spatiales ou temporelles (si B ne part pas immédiatement, l'impression causale s'efface et le mouve- ment de B parait indépendant). On éprouve de méme des impressions d'entrainement (si A continue sa marche derriére B aprés limpact) et de déclenchement (si la vitesse de B est sup6- ieure a celle de 4). Or Michotte a cherché & expliquer notre interprétation de la causalité sensori-motrice par sa causalité perceptive concue comme plus primitive, Mais il y a A cela plusieurs difficultés, La premiére est que, jusqu’a 7 ans environ, "enfant ne reconnait Je lancement que s'il a pergu un contact entre A et B, tandis 30 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT pres anjete de 7-12 ans et adult éprouvent une impression le« lancement a distance » el subsiste un intervalle pergu de 2-3 mm entre A et B. Or, la causalité sensori-motrice nous avons appelée« magico-phénoméniste» (§ II) eet précisé= ment indépendante de tout contact spatial et ne peut done Aériver de la causalité perceptive, qui est soumise ches Penfant, A des conditions d’impact 1ucoup plus exigeantes (1). Il. — Les effets de champ ‘A considérer maintenant les perceptions entre 45 et 12-15 ans, c’est-a-dire aux ges od les expériences de labora- toire sont possibles, on peut distinguer deux sortes de phéno- ménes perceptifs visuels : 1. Les effets de champ ou de centrax tion qui ne supposent aucun mouvement (actuel) du regard et sont visibles en un seu! champ de centration, comme on peut le contrdler au tachistoscope a de trés courtes durées de Présentation (2/100 & 1-2/10 de seconde, ce qui exclut les changements de fixation); 2. Les activités perceptives qui supposent des déplacements du regard dans l'espace on des comparaisons dans le temps orientés tous deux par une recherche active du sujet : exploration, transport (de ce qui est vu en X our ce qui est va en Y) dans I'espace ou dans le temps, transposition d'un ensemble de rapports, anticipations, mise en références des directions, etc. Les activités perceptives se développent naturellement avec I’age, en nombre et en qualité ; un enfant de 9-10 ans tiendra compte de références et de directions (coordounéea perceptives) qui sont négligées a 5-6 ans ; il explorera mieux les figures, anticipera davantage, ete. En principe les activités perceptives rendent la perception plus adéquate et corrigent les« illusions» ou déformations systématiques propres aux effets de champ. Mais, en créant de nouveaux rapprochements, elles ene es irae pact cna erent, iu tt, aac sia rect tapers oy cer de pu de eta Fa See at ea ate a eral i Tr oc uy ethan ga me ite) at Hee ished et fe come obs Sate iat done inpreony, ere teie ines aiearcmee cea oem et correnann ect ESR cme ees acne oie a lr dung co ae gore io SRS SR San are cergaeraenn ed Teco et ri iy cave coaes, teeta Seer del teat ere gone arama ome ene au lieu d'ea resaiter. = perver' LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 31 peavent engendrer de nouvelles erreurs systématiques qui Pewmentent alors avec Wage (au moins jusqu’a un certain i 1). ae atts de champ demeurent qualitativement les mémes a tout Age, sanf quill peut s’en constitusr t6t ou tard de souveaux, ‘par sédimentation d’activités perceptives. Ils fournissent des perceptions approximativement adéquates, mais approximativement seulement, parce qu'une perception Fumédaate est le produit d’un échantillonnage de nature pro- bebiliste. En regardant une configuration, méme trés simple, ‘on ne voit en effet pas tout avec la méme précision, et surtout pas tout a la fois : le regard se pose sur un point ou sur un Batre et les« rencontres» entre les différentes parties des orga- nes récepteurs et les différentes parties de l'objet pergu demeu~ Fent aléatoires ct d’inégale densité selon les régions de la figure, celles de la rétine, et les moments ob ces régions sont ‘centrées par la fovéa (zone de vision nette) ou demeurent dans In périphérie (zone périfovéale). Il en résulte que lea effets de champ, quoique adéquats en gros, sont toujours en partie Géformante : or, ces« illusions» ou déformations systématiques demeurent qualitativement les mémes a tout Age, mais uent d'intensité ou de valeur quantitative avec le développe- ment, sous l'effet correcteur des activités petceptives (explo- ration, ete.). i ; ‘Dire que les illusions optico-géométriques « primaires » (celevant des effets de champ) ne varient pas qualitativement avec l'age signifie que la distribution de illusion en fonction des variations de la figure et notamment ses maxima positif et négatif conservent les mémes propriétés & tout age. Par exemple la perception d'un rectangle (sans dessin des diago- nales) surestime les grands cétés et sous-estime les petits ? fon fait alors varier les petits cbtés en laissant constants les rands et on constate que l'illusion est d'autant plus forte que ee petite cbtée sont plus courts, le maximum (spatial) se pré- sentant quand le rectangle se confond avec la droite la plus mince que l'on puissé dessiner. Dans I'illusion des cercles (2) Bxemple Pituston dite de poids: en comparant les poids Ggaux ae deux boltes de volumes ‘ifferents, Ia plus grande parait plus MGgere par contraste dans la mesure 00 Yen sattend & ce. quelle tolt plus tourde. Cette erreur perceptive est plus forte & 10-12 ans ‘qu'a'S6 ant parce que anticipation est plus ective et Les débiles fonds, ren du tout ne preventent pas une (elle ingualt es lldafone qui augmentent av Y seat fait, les premieres dépeadent toutes tomeat d'activites pereeptives, tandis que les rab ‘Vout des eflets de champ. 32 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT | DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 33 concentriques (Delberuf), le petit cercle est surestimé et le grand sous-cstimé, le maximum spatial positif élant atteint quand les rayons sont dans un rapport de 3 a 4; ai le petit cercle présente un diamétre plus court que la largeur de la bande séparant leo deux cercles, I'illusion se renverse (sous estimation du petit cercle) et présente un maximum négatif Pour un rapport donné. Ce sont les positions de ces maxima que l’on retrouve a tout age, ainsi que celle de l'illusion nulle médiane séparant les erreurs positives et négatives. Par contre, et indépendamment de la permanence de ces propriétés ie. Cestei-dire que Pear oe méme figure préventant le méme maximum & tout age (par exemple le rapport 3/4 de Delbceuf), Illusion est. plus oe eee que dass tate et n’atteint plus chez ladulte que la moitié ou le tiers de sa valeur initiale. Il valait la peine de citer ces faits, car ils fournissent un exemple assez rare de réaction ne variant pas avec le dévelop- pement sinon en intensité ; il faut naturellement réserver ce qui se passe durant les premiers mois de lexistence, mais comme on retrouve illusion des cercles concentriques jusque chez les Vairons, elle doit étre‘assex précoce ches le petit de I’homme (1). Cette dualité de facteurs représentés par le nombre des (2 ula ected ction Yet imp und dec rau eta ce st scanner eee iat ah ep, dee rat Sittin panier ceca Hecate Gere saaanres eu nascar ne sont surestimés et que les éléments situés dans le périphérie du Roping eee ale hatig es har el Sl isa utr Hada ctor cer hegts elena re wat ps tee Ee ieee ae ipa anal anee dance Ny ciataruceaftitrtn tla 3 Kase satan at Sent ay con ue ye adage HRs i canis set au hace a fee Set eae Fehr on hs eee a gs Anetta ace atte iSvescee ene iean ne agit teed ie uh (bins gS antares ne ane ne aruba Windies Sime Wate ie a) Ly P (déformation) — of Ly = Ja plus grande dem deux Jongueurs compares: Le petites Lmar = Ia fr Grande longueut do ia figure ot S'— tn suftace ou Seb Res cSuplages Poulos “se ot casemble tives, a valeur quantitative de I'illusion diminue avec _ « rencontres » et par les « couplages » complets ou incomplets jeut étre justifiée par le phénoméne du maximum temporel See illusions, of l'on trouve alors quelques différences avee Page. Si l'on’ présente une figure durant des temps trés courts variant entre 1 a 2/100 de seconde et 1s, I'illusion passe Par un maximum en général vers 1 & 3/10 de seconde. La raison en est d’abord qu’aux temps les plus courts il y a trés pew de rencontres, ce qui rend probables des couplages asses complets, done une faible illusion, Aux durées de 0,3-0,5 & 18 Ice mouvements du regard devicanent possibles, et avec eux tune exploration plus poussée : les rencontres se font done tris nombreuses, les couplages redeviennent relativement complets et Villusion diminue. Mais entre deux, les rencontres augmen- tent sans exploration systématique possible : il y a done une plus- grande probabilité de couplages d’oa le maximum temporel (et non plus spatial) de Villusion, Mais comme le maximum temporel dépend de In rapidité des réac~ tions et de la qualité de l'exploration, il varie quelque pea avec l'age, contrairement au mazimum spatial, et se présente arfois chez le jeune enfant pour des durées un peu plus Erngues que ches les grands et cher ladalte. IIL. — Les activités perceptives On a vu que si les effets de champ demeurent relativement constants avec l’age, les activités perceptives se développent au contraire progressivement. C'est le cas tout d’abord de la plus importante d’entre elles : l'exploration des configurations par déplacements plus ou moins systématiques du regardet de ses points de fixation (centrations). L'un de nous a, pas exemple, étudié avec Vinh-Bang (par enregistrement file mique) la comparaison de deux horizontales, obliques ou verti- cales se prolongeant l'une I’autre, ou de la verticale et de I’hori- zontale d'une figure en L (1a consigne étant de juger de l'éga- ité on de Vinégalité de longueur de ces droites). Or, deux différences nettes opposent les réactions de 6 ans & celles des sujets plus dgés. D’une part, les points de fixation sont be. coup moins ajustés et se distribuent en une aire beaucoup plus Jarge (jusqu’a quelques centimatres des lignes & regarder) ‘que chez ladulte. D’autre part, les mouvements de transports et de comparaison, passant d'un segment & l'autre, sont pro- portionnellement moins fréquents chez les petits que les simples déplacements d'allure aléatoire. En un mot, les jeunes sujets te comportent comme s'ils attendaient de voir, méme a partir de centrations aberrantes, tandis que lea grands regardent plus ‘ J. PIAGET ET 8, INTELDER <2 u EA PSYCHOLOGIE DE ENFANT activement en dirigeant exploration par une stratégie ou un jeu de décisions telles qué ies points de centration présentent le maximum d'information et le minimum de pertes (1). Mais 'exploration peut étre polarisée et entrainer de ce fait des erreurs secondaires : c'est le cas des vert qui sont surestimées par rapport aux horizontales de méme lon gueur parce que les centrations les plus fréquentes s’attachent au milieu de celles-ci et au sommet des premiéres (ce que confirme Venregistrement des mouvements oculaires). Cette erreur de la verticale auguicate plutot avec Mage. L’exploration peut, d'autre part, se combiner avec des effete d'exercice et par conséquent avec des transports tem= els Jarsque I'on répate les mémes mesures sur les mémes Figeres 20 fois de suite ‘ou davantage. On observe alors des differences trés significatives avec l'age, qui ont &6 établies sous la direction de l'un de nous par G. Noelting avec I'illusion de Miiller-Lyer (figures pennées) et du losange (sous-estima- tion de la grande diagonale). Chez 'adulte, In répétition des mesures aboutit & une réduction progressive de I'erreur systé- i¢ pouvant aller jusqu’a l'annulation compléte : cet effet d’exercice ou d'exploration cumulative est d’autant plus intéressant que le sujet ignore tout de ses résultats, ce qui exclut lintervention de renforcements externes et conduit {a interpréter cette forme d'apprentissage comme due & une équilibration progressive (« couplages » de plus en plus com- plets). Chez l'enfant de 7 12 ans on retrouve les mémes effets, mais d’autant plus faibles que les sujets sont plus Jeunes, avec progression assez réguliére avec l'age. Par contre pu déceler avec cette méme technique aucune action de l’exercice ou de la répétition en dessous de 7 ans : la courbe des erreurs oscille alors autour d'une méme moyenne, jus- qv’d 20 ou méine 30 ou 40 répétitions (le sujet se fatigue d’au- Q) Ge détaut d'exploration active explique un caractére que Yon ‘9 classiquement déerit dans les pereeptions dos enfants en dessous Ge 7 ant ste syncrétisive (Claparede) ou caractére globel (Decroty), fel que ie at ne. pergoil dans ‘une. contgaratios complex aus Fimpression nsermbley sans. analyse des parties al synthese de leurs relations. Par exemple, G. Melli-Dwore\ski a ulillsé une Agure équivoque dans laquelle on peut percevoir soit une paire de clseaux solt un visage humain, les deux structurations se présentant ches {es grands de tacoa alternative, et demeurant incompatibles simul tangment (puisque ce sont les memes cercles qui représentent salt des yeux soit les boucles des clseaux) ; un certain nombre de Jeunes fujets ont au coatraire ré + Crest up monsieur et on lub ie’ den clecauy dans a eure. 4 Or se syneretiome arab pas & dea lols comparables h celles des effets de champ : I tradult stapler ‘eat use careace d'activité exploratrice eystdanatique, LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 35 tant moins qu’ ne témoigne d’aucune exploration active), fans epprentissage, Il est d'un certain intérét de noter que stluicel ne débute done que vers 7 ans, Age od s'affaiblit forte- Srent le synerétisme et of lee mouvements oculaires sont mieux nngés, et surtout Age 08 se constituent les premiéres opérations fogico-mathématiques, cest-i-dire od I'activité perceptive peut ise dirigée par une intelligence qui saisit mieux les probléme Gerovest naturellement pas que lintelligence 1e substitue alors $e perception, mais en ctructurant le réel, glle contribue & Frogramuner les prises d'information perceptive, e'est-iedire Piindiquer ce quil s'agit de regarder avec plus d'attention. Or, meme dans le domaine des simples longueurs linéaires, cette programmation joue un réle évident én substituant une métrique aux évaluations globales ou simplement ordinales (voir plus loin chap. IV, § 11-6). “Cette. action orientatrice de Intelligence est plus claire encore dans le domaine des coordonnées perceptives, ¢'e dire dee mises en référence avec des axes horizontaux et vertir eaux pour juger de la direction des figures ou des ligne H. Warsten a étudié, & la demande d'un de nous, la comp: raison des longueurs d'une vertiqale de § cm et d'une oblique Variable (y compris Ia position horizontale) dont lorigine est fituée & Sem de la premiére, Cette comparaison est malaiaée chez ladulte, qui présente d’assez fortes erreurs, mais elle eat bien meilleure & 5 et 6 ans, parce que les petits ne se soucient pas de orientation des lignes (preave en soit que lorsquion {este cette orientation elle-méme, par comparaison des figures entre elles, ils commettent alors fe maximum d'erreurs, tandis gue lestimation devient aisée pour l'adulte). De 5-6 & 12 ans Ferreur sur les lougueurs croit jusqu'a 9-10 ans 03 elle passe par un masimum pour diminuer légérement ensuite (grace & de nouvelles activités perceptives de transport des longueure indépendamment des directions). Or, cet age de 9-10 ans est précisément celui o8 «organise, dans le domaine de Mitelli Bence, le aystéme des coordonnées opératoires, done of le ijet ‘commence & remarquer les directions, ce qui le géue lors en ce cas dans I'évaluation perceptive des longueurs (1). (2, Datu, soit comple epécnc preeens on nee hh ga eS Ges stn adams Srnec ry Bes tnt gts sears deg has chay fo Gp ew ae Hal ere eee ut Cur aun altel sree mama eter, cn (Sth Sey oe Fo RACER EOS Softee Glaatnd MUS Gre ae SL pin ao inane se enna pots SELLS DSS Oa ee Pe 36 LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT D'une maniére générale, on voit ainsi que les activité pereeptives se développent avec lage jusqu’a pouvoir se plier aux direetives que leur suggére Pintelligence en sea progrés opératoires. Mais avant que te constituent les opérations de In pensée, c'est 'action entiére qui exerce le r6le d'orientation, comme on I’a vu au chap. II, §I. lest donc exclu de considérer les activités perceptives comme résultat d'une simple extension ou d'un simple assouplissement des effets de champ, ainsi que le suggére la perspective propre & la théorie dela Gestalt. Ce gont au contraire les effets de champ qui apparaissent comme -- des sédimentations locales d'activités perceptives de niveaux -variés, car il en est de précoces et les mises en relations ou compa- raisons au moins globales débutent das les premiéres semaines, IV. — Perceptions, notions et opérations Ces données étant établies, nous pouvons en.revenir au probléme soulevé dans l'introduction de ce chapitre : le déve- Joppement des perceptions suffit-il & expliquer celui de l'intel- ligence on tout au moins de son contenu (notions), ou bien le sensualisme a-t-il simplement oublié le réle de l'action et de ton schématisme sensori-moteur, celui-ci pouvant constituer la fois la source des perceptions et le point de départ des opérations ultérieures de la pensée 1. Méthodes. — Pour ce qui est des notions, Ia thése mini- male de 'empirisme est que leur contenu est tiré de la percep- on, leur forme consistant simplement en un systéme d'abstrac- tions et de généralisat ion constructive, C'est-i-dire source de liaisons étrangéres ou supérieures aux relations fournies par la perception. Nous allons au contraire constater qu'une telle structuration se manifeste sans cesse, quelle procéde de laction ou des opérations, et qu’elle enri- chit les notions de contenus non perceptifs (en plus naturelle- informations tirées de la perception), parce que, dae sori-moteur dépasse la percep-~ sméme perceptible. ‘La méthode A suivre, pour discuter le probléme, consiste & choisir ua certain nombre de notions dont on connalt bien reanrer » los bords de Ja full, en sortant enn des trotiéres de Wtguts teangultre ida fetast pa aleurs ur ie'memes rues Karfartcit dutliser is Soordonncer operstoits (eo flan aot Sper tPlime de surfaced Pens dane ut hoca orsqwog inelinern east Ble chaps ik ¢f1t)-Dadvetan'a trouve une legire wvance Sele coordinatiogopétatotre aur ton spreuve de pereepton, ce dul route tne fos de plus fe role'de Piskeligenes Gnas a prograsr ation de Vactité peroeptive, ' LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 37 Yévolution préopératoire et opératoire et & analyser les per ceptions correspondantes (par exemple les perceptions de la ‘vitesse pour les notions de vitesse, etc.) de maniére & décider si elles suffisent ou non a rendre compte de ces notions. On trouve A cet égard quatre sortes de situations, La pre- miére (situation I) est celle od perception et notion (ou pré- notion) apparaissent an méme niveau, la notion étant alors coustituée par un schéme sensori-motear et non pas encore représentatif, Nous avons vu au § I des exemples de ces rela- tious (objet permanent ct constances perceptives ou effet taun- nel, causalité sensori-motrice et perceptive) qui sont en ce cas des relations d’interaction, le achéme sensori-moteur ne pou- vant se réduire aux structures. perceptives correspondantes. ‘Les situations II & IV se présentent, comme on va le voir, quand la formation des perceptions précéde de beaucoup celle des notions correspondantes, celles-ci consistant cette fois en concepts représentatifs. 2, Notions et perceptions projectives. — Dans Ia situation de forme IT il y'a évolution divergente entre la notion et Ia perception. Par exemple les notions et représentations de perspectives (rapetissement distance, fuyantes, etc.) n’appa- raissent qu’a partir de 7 ans(compréhension des changements de grandeur ou de forme selon le point de vue, représentation de Ia perspective dans le dessin, etc.) et trouvent un palier a'équilibre & 9-10 ans (coordination des points de vue par rapport a un ensemble de trois objets). Par contre, la percep- tion des grandeurs projectives ou apparentes (juger de I’éga- lité des grandeurs apparentes d'une tige constante de 10 em située & 1 m et d'une tige variable située & 4 m qui devrait avoir alors 40 cm) est trés difficile pour l'adalte, sauf ches les dessinateurs de métier (adulte moyen choisit en ce cas une tige d’environ 20 cm a4 m!), tandis que enfant de 6-7 ans a beaucoup de peine a comprendre la question, mais, celle-ci ane fois comprise, donne des résultats bien meilleurs. Aprés quoi Ia perception se détériore, tandis que la notion se développe, Preuve en soit que celle-ci ne dérive pas sans plus de celle-la : en ce domaine fa perception ne fournit, en effet, que des ins- tantanés correspondant & tel ou tel point de vue, qui est celui du eujet au moment considéré, tandis que la notion suppose la coordination de tous les points de vue et la compréhension des transformations conduisant d'un point de vue & un autre. 3. Constances peroeptives et conservations a Les situations de forme III sont ceiles dans lesquelles i y a ‘0 contraire isomorphisme partiel entre In construction des 38 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT perceptions et celle des notions correspondantes et od, par Eonséquent, la perception préfigure la notion selon l'excellente expression de Michotte, Mais le terme de préfiguration peut semployer en deux sens bien distincts : celui d'une filiation proprement dite, et cest & elle que pense Michotte dont on connatt les attaches a la fois gestaltistes et aristotéliciennes, on celui d'une simple analogie dans les processus de construc- tion, avec parenté collatérale et non pas directe, la source ‘commune étant le schématisme sensori-moteur. ‘On pent citer comme excuple de ces préfigurations simples les relations qui unissent les constances perceptives, dont nows avons déja parlé (chap. II, § 1), aux conservations opératoires, dont i sera question plus loin (chap. IV, § 1). Toutes deux consistent, en effet, a conserver quelque propriété de l'objet : aa grandeur réelle ou sa forme dans le cas des constances percep= tives lorsque Ia grandeur ou Ia forme apparentes sont modifies; ‘sa quantité de matiére, son poids, ete., dans le eas des conser- vations opératoires lorsque l'on trai un liquide d'un Féeipient en un autre ou qu’on modifie la forme d’une boulette argile. Toutes deux reposent, d'autre part, sur des mécax nismes de compensation par composition multiplicative Tau sens logique du terme). Dans le cas de la constance des gran- deure, Ia grandeur apparente diminue quand la distance augmente et Ia grandeur réelle est pergue a titre de résultante ‘approximativement constante de la coordination de ces deux gj variables. Dans le cas de la conservation de la, matiére, la quantité de liquide est jugée permanente lorsque "enfant, tout en constatant que la hauteur du niveau s’accroft dans un verre plus mince, constate auasi que la largeur de la colonne décroit et que par conséquent le produit est constant par compensa tion (compensation logique ou déductive, cela va sans dire, tans tucuac menure nj-caleal numérique). il y a done analogie, de construction ou isomorphisme partiel entre les mécanismes des constances et des conservation. ‘Néanmoins les premiéres conservations opératoires ne Aébutent que vers 7-8 ans (substance) et s*échelonnent jusqu’a 12 ans (volume), le mécanisme des compensations déductives restant absent durant toute la période préopératoire jusqu’a 6-7 ans, Lee constances perceptives apparsasent par contre comme on Ia vu, dés la premitre année (période sensori- motrice), Tl est vrai qurelles 6voluent. encore jusque vers 10 ans : les sujete de 5-7 ans dévaluent quelque peu les gran- deurs a distance, puis les grands et Madulte les surestiment surconstance par excés de compensation). Mais le mécanisme jes compensations perceptives est a l'eavre dés 6 & 12 mois, ’ LE DEVELOPPEMENT DES PERCEPTIONS 0 cest-d-dire environ 7 ans avant celui des compensations opératoires. ‘Pour juger de Ia parenté génétique ou de la filiation éven- tuelle entre les constances et les conservations, il faut done quer d'abord ce décalage considérable. Or la raison en ces perceptives, l'objet a tat simple, Dane le eas des cons nest pas modifié en réalité, mai cresta-dire du seul point de ‘vue du i isonner pour corriger I'apparence et une ré jation perceptive mffit (d’od le caractére approximatif ‘et les hyperrégulations entrainant les surcons- "ar contre, daus le cas des conservations, objet est_modifié en réalité et, pour comprendre Minvariance, i faut construire opératoirement un systéme de transformations assurant les compensations. ‘La conclusion est done que si les constances et les conserva tions se construisent de facof analogue par compensations régulatoires on opératoires, les secondes ne dérivent pas pour autant des premiéres, tant donné leur complexité bien péricure, Elles sont pourtant parentes, mais de facon colla- térale : les conservations opératoires constituent un prolon~ gement direct de cette forme précoce d'invariant qu’est le achéme de l'objet permanent (précoce parce que lobjet n'est al modifié, et n'est que déplacé comme dans le cas des constances, mais en sortant entidrement du champ perceptif) et, comme on I’a vu, entre le schéme et les constances nais- santes existent des interactions. 4, —Les situations de forme IV présentent des préfigarations analogues aux précédentes, mais avec action en retour de Vintelligence sur la perception (1)._ 5. Conclusion. — De fagon générale, il est ainsi exclu de concevoir les notions de l'intelligence comme étant sans plus ‘abstraites des perceptions par de simples processus d’abstrac- tion et de généralisation, car, outre des informations percep- tives, elles comportent ‘toujours en plus des constructions spéecifiques de nature plus ou moins complexe. Dans le cas des notions logico-mathématiques, elles supposent un jea (1) On peut elter comme exemple celul deja discuts des, coor. données perceptives. 11 y a lel prefguration de la notion dans la Berception on cp sens duh, tour let niveax,peresptfs certaney rections sont évaluées en fonction de rétérences (le corps propre ‘ou les elements proches de objet considéré), mats une fols constituées fea coordonnéen opératoires, en tant que générallations des opera: tions do mesure & deux ou A trols dimensions, elles agissent en Fetour sur ia perception comme on a vu au § TIL 0 LA PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT d’opérations qui sont abstraites, non pas des objets pergus mais des actions exercées sur les objets, ce qui n'est nullement Saquivalent ear, si chaque aetion peat donner lien des percep= tions extéro- et proprioceptives, les schémes de ces actions ne ‘sont plus perceptibles. Quant aux notions physiques, etc., la part d'information perceptive nécessaire est alors plus grande, Taais, si élémentaires soient-clles chex W'enfont, ces notions zne peuvent pas non plus étre élaborées sans une structuration Jogico-mathématique qui déborde & nouveau la perception. Quant aux optrations clles-mémes, dont traiteront les chapitres IV et V, on sait assez que Max Wertheimer, un des exéateurs de la théorie de la Gestalt, a tenté de les réduire & tune telle structure (I) et que le gestaltisme interpréte I'intel- ligence entiére comme une extension a des domaines de plus en plus larges, des « formes » gouvernant initialement le monde des perceptions. Or, non seulement tout ce qui vient Geue dit (a 4) contredit une telle interprétation, mais encore, en ce qui concerne les opérations comme telles; on {t conclure ce chapitre par les considérations suivantes. Lee structures pereeptives sont essentiellement irréversibl en tant que reposant sur un mode de composition proba- biliste, évident sur le terrain des effets de champ, mais en- core en jeu dans les régulntions propres aux activités per- ceptives (bien que ces régulations atténuent Ia part du hasard oa du mélange irréversible). Or, les opérations, tout en consti tuant elles aussi des structures d’ensemble, sont essentielle~ ment réversibles : -+ n est exactement annulé par — n. D'autre part, ct par conséquent, les structures perceptives it une composition non additive, et c'est méme par ce caractére que les gestaltistes définissent leur notion cen trale de Gestalt : or, une opération est rigoureasement addi tive, car 2+ 2 font exactement 4 et non pas un pen plus on ‘un pea moins comme #’il s'agissait d'une stracture perceptive. Tl semble done exclu de tirer les opérations ou Mintelligence en général des systémes perceptifs, et, méme si les formes pré- opératoires de Ia penaée présentent toutes sortes d’états inter- médiaires rappelant les formes perceptives, il subsiste, entre Pirréversibilité des adaptations perceptives aux situations hic et nunc et les constructions réversibles propres aux conquétes lo- ico-mathématiques de|’intelligence opératoire,une dualité fon jamentale d'orientation tant au point de vac génétique qu’a celui do leurs destinées dans M'histoire de la scien tifique. (1) Productive Thinking, New York, Harper, 1945. Caaprrre IIT LA FONCTION SEMIOTIQUE OU SYMBOLIQUE ‘Au terme de Ia période sensori-motrice, vers 11/2 2 ans, apparait une fonction fondamentale pour l’évolution des conduites ultérieures et qui consiste A pouvoir représenter quelque chose (un ignifié » quelconque : objet, événement, schéme conceptuel, etc.) au moyen d’un ¢ cignifiant » diffé- rencié et ne servant qu’a cette représentation : langage, image mentale, geste symbolique, etc. A la suite de Head et des spécialistes de l'aphasie, on appelle en général « symbolique » cette fonction. génératrice de la représentation, mais comme les guistes distinguent soigneusement les « symboles » et les « signes », il vaut mieux utiliser avec eux le terme de « fonction sémiotique » pour désigner les fonctionnements portant sur l'ensemble des signi- fiants différenciés. I. + La fonction sémiotique et imitation Les mécanismes sensori-moteurs ignorent la repré- sentation et l'on n’observe pas avant le cours de la seconde année de conduite impliquant l’évocation d’un objet absent. Lorque se constitue vers 9-12 mois le schéme de l'objet permanent, il y a bien recherche @un objet dispara : mais il vient d’étre percu, il correspond done @ une action déja en cours et un en- semble d'indices actuels permettent de le retrouver. S'il n'y a pas encore de représentation i ganmoi et ‘nbne/3da fe départ, ‘coanttation t utlisaton do ciguiBes® tions, car toute assimilation sensori-motrice (y compris

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