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Particularités phonétiques des langues romanes

Les paricularités phonétiques les plus importantes des langues romanes sont :

 une réorganisation du système vocalique latin


(par diphtongaison, apophonie et syncope principalement)
 des phénomènes importants de palatalisation des consonnes ;

Les modifications phonétiques propres au latin vulgaire

À propos du latin vulgaire, il convient de noter que les Romains, comme les Grecs,
vivaient en situation de diglossie : la langue de tous les jours n'était pas le latin classique (celui
des textes littéraires ou sermo urbanus, « langue de la ville », c'est-à-dire une langue figée par la
grammaire comme l'a été le sanskrit), mais une forme distincte bien que très proche, au
développement plus libre (le sermo plebeius, « langue vulgaire »). Il semble acquis que le latin
classique ne se limitait pas à un emploi livresque, mais qu'il était couramment parlé par les
catégories sociales élevées, bien que ces dernières aient trouvé plus raffiné encore de s'exprimer
en grec (et il semble que César n'ait pas dit à Brutus Tu quoque, fili mais Kaì sù, téknon), tandis
que le sermo plebeius était la langue des soldats, des commerçants, du petit peuple ; n'ayant
jamais accédé au statut de langue littéraire, le latin vulgaire nous est surtout connu par
la linguistique historique, des citations et des critiques prononcées par les tenants d'un latin
littéraire ainsi que de nombreuses inscriptions, des registres, comptes et autres textes courants.
D'autre part, le Satyricon de Pétrone, sorte de « roman » écrit vraisemblablement au Ier siècle et
se passant dans les milieux interlopes de la société romaine, est un témoignage important de cette
diglossie : selon leur catégorie sociale, les personnages s'y expriment dans une langue plus ou
moins proche de l'archétype classique.

Parmi les textes qui ont blâmé les formes jugées décadentes et fautives, il faut retenir
l’Appendix Probi, sorte de compilation d'« erreurs » fréquentes relevées par un certain Probus et
datant du IIIe siècle.

Ce sont bien ces formes, et non leur équivalent en latin classique, qui sont à l'origine des
mots utilisés dans les langues romanes. Voici quelques exemples de « fautes » citées par Probus
(selon le modèle A non B, « [dites] A et non B »), classées ici par type d'évolution phonétique et
assorties de commentaires permettant de signaler les principales différences phonologiques entre
le latin classique et le latin vulgaire ; il n'est bien sûr pas possible d'être exhaustif en la matière et
de référencer toutes les différences entre le latin classique et le latin vulgaire, mais l’Appendix
Probi peut constituer une introduction pertinente sur le sujet.

Calida non calda

Calida non calda, masculus non masclus, tabula non tabla, oculus non oclus, etc. : ces
exemples montrent l'amuïssement des voyelles post-toniques (et aussi prétoniques) brèves ; les
mots latins sont en effet accentués cálida, másculus, tábula et óculus, la voyelle suivante étant
brève. Cet amuïssement prouve aussi que l'accent de hauteur du latin classique est devenu un
accent d'intensité en latin vulgaire (en effet, un accent de hauteur n'a pas d'influence sur les
voyelles atones environnantes). L'on reconnaît dans cette liste les ancêtres de chaude (ancien
français chalt), mâle (ancien français masle), table et œil ; ce processus a donné naissance à des
transformations importantes des consonnes entrées en contact après la chute de la voyelle les
séparant : ainsi, un /l/ devant consonne est passé à l vélaire (soit /ɫ/) puis à /u/ en français
(vocalisation), d'où chaud ; de même, /kl/ a pu donner un l palatalisé (voir au paragraphe
suivant).

Vinea non vinia

Vinea non vinia, solea non solia, lancea non lancia, etc. : l'on voit là le passage en latin vulgaire
de /e/ bref devant voyelle à /j/ (son initial de yacht ; le phénomène est nommé consonification)
qui, après consonne, la palatalise ; ces consonnes palatalisées (qui peuvent provenir d'autres
sources), sont importantes dans l'évolution des langues romanes. Cette transformation explique
pourquoi l'on obtient, par exemple, vigne (avec /nj/ devenant /ɲ/, noté dans les langues romanes
par le digramme gn en français et italien, ñ en castillan, ny en catalan, nh en portugais et occitan,
etc.), seuil (avec anciennement un l palatal, soit /ʎ/, noté par ill/il en français, devenu ensuite un
simple /j/, conservé en italien, où il est noté gli et toujours prononcé comme une double
consonne, en castillan, où il est noté ll, « double l » [sauf quand il provient de /lj/, où il passe
à /x/, phonème dit jota], comme en catalan, en portugais et occitan, écrit lh, etc.), et lance (avec
le son /s/ issu de /t͡s/, forme palatalisée de /k/, que notait bien la lettre c latine ; de même en
italien lancia /lanʧa/, castillan lanza /lanθa/, anciennement lança /lantsa/, ou en
roumain lance /lanʧe/, etc.).

Auris non oricla

Probus note dans cet exemple plusieurs phénomènes : premièrement la réduction des anciennes
diphtongues (ici /au/ devenant /ɔ/, soit o ouvert ; l'on a aussi en latin
vulgaire /ae/ donnant /ɛ/, e ouvert, ainsi que /oe/ passant à /e/, e fermé), puis l'utilisation d'une
forme de diminutif au lieu de la forme simple (auris « oreille », auricula « petite oreille »).
L'utilisation des diminutifs en latin vulgaire est fréquente : ainsi soleil provient de soliculum et
non de sol, ou encore genou, primitivement anc. fr. genoil, de genuculum et non de genu. Enfin,
on note l'amuïssement du /u/ bref après une voyelle accentuée : on attendrait oricula. Comme on
l'a dit au premier paragraphe, la rencontre de c et l, /kl/, causée par la chute de la voyelle les
séparant, donne naissance à une nouvelle consonne, ici un l palatal, conservé en catalan
dans orella, devenu /j/ en français mais /x/ en castillan, dans oreja /ɔrexa/).

Auctor non autor

On remarque aussi des réductions de groupes de consonnes ; ainsi, /kt/ passe à /t/, donnant en


français auteur, ou autor en castillan, portugais et catalan ; de même, /pt/ passe à /t/. C'est le cas
dans dom(i)tare devenu domtar puis domptar et enfin dontar. L'insertion d'un /p/ entre /m/ et
une occlusive est normale : on parle d'une épenthèse, donnant en français dompter que l'on
prononçait /dõte/ avant que l'orthographe n'influence la prononciation, devenant parfois /dõpte/.

Autre simplification : /pt/ donne /t/, comme dans  comp(u)tare  devenu  comptare  puis


compter et conter /kõte/ en français, contar en castillan, etc.

Rivus non rius

Rivus non rius, sibilus non sifilus : le son /w/ du latin, noté par la lettre u (ou v dans les éditions
modernes) a évolué de manières diverses, soit en s'amuïssant entre voyelles
(ri(v)us donnant rio en castillan, pa(v)or donnant peur, italien paura), en devenant une
spirante bilabiale sonore (/β̞/, en castillan et catalan) puis se renforçant en /v/ (dans la majorité
des langues romanes) ; /p/ et /b/ entre voyelles connaissent le même sort, ce qui explique
que sibilus donne sifilus, sachant que /f/ n'est que la variante sourde de /v/ ; ainsi explique-t-
on siffler (de sibilare, devenant sifilare puis siflare) ou savoir (de sapere, puis sabere, savere ; le
castillan saber montre, par son orthographe, qu'il en est resté au stade /β̞/), etc.

Pridem non pride

Dernier exemple, montrant que le /m/ en fin de mots n'est plus prononcé (ce qui est déjà le cas en
latin classique : la scansion du vers latin le prouve facilement). Cet amuïssement est, entre
autres, à l'origine de la disparition du mécanisme des flexions : les langues romanes, en effet,
n'utilisent plus la déclinaison.

Cette liste n'est bien sûr pas exhaustive ; il faudrait aussi aborder la question de
la diphtongaison « panromane » (que toutes les langues romanes ont connue) et signaler que
nombre de voyelles ont subi par la suite des diphtongaisons secondaires.

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