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Biographie :

de Johann Sebastian Bach


Le 28 juillet 2000, l’on célébra le 250e anniversaire de la mort à Leipzig
de celui qui est probablement le plus grand compositeur de tous les
temps.

Après qu’il eut été plus ou moins oublié tout au long du 19e siècle,
hormis par quelques passionnés, le 20e siècle lui a largement rendu
justice. En 1899, le célèbre chef d’orchestre Wilhelm Mengelberg lança
la tradition de jouer tous les ans la Passion selon saint Matthieu au
Concertgebouw pour la fête des Rameaux ; en 1900 l’on fondait la Neue
Bachgesellschaft dont l’objectif était de se lancer dans la publication
d’une nouvelle édition complète de ses œuvres, et de diffuser sa
musique en Allemagne à travers de nombreux festivals et concerts.
On ouvrit un Musée Bach dans sa ville natale de Eisenach. Le premier
de ces festivals eut lieu à Berlin en 1901. Dès 1904 parut le premier
Bach Jahrbuch, une série de livres et d’articles qui, de nos jours encore,
paraissent tous les ans. L’année suivante, Wanda Landowska publia une
étude sur l’exécution de la musique de Bach dont elle était la première
pianiste, au cours de la période contemporaine, à donner les œuvres
sur un clavecin. Cette même année, le célèbre docteur, théologien
et organiste Albert Schweitzer faisait paraître son livre sur Bach qui
fait encore autorité de nos jours. Et exactement 200 ans après la mort
de Bach, en 1950, Wolfgang Schmieder publiait son monumental
Thematisch-systematisches Verzeichnis der Werke Johann Sebastian
Bachs, le « BWV » dont l’indexation est toujours en usage et ne risque
d’ailleurs pas d’être jamais détrônée.

Bach et les styles européens


Bien qu’on le considérât déjà comme quelque peu suranné et trop
sévère au cours des dernières années de sa vie, le jeune Bach était
très conscient des modes musicales de son époque. Il appréciait
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fort les sonorités colorées et étranges qu’il approchait et imitait avec
son solide esprit nord-allemand. Tout au cours de son existence, il
rassembla une gigantesque bibliothèque musicale qui comprenait non
seulement d’innombrables œuvres des siècles passés, mais aussi les
pièces contemporaines de compositeurs français, italiens et allemands
à la mode. Nous savons qu’il  étudia et arrangea des œuvres de
Frescobaldi, Froberger, Lully, Corelli, Albinoni, Marcello, Couperin,
Dieupart, Kuhnau et Vivaldi ; il possédait la capacité de s’absorber dans
leur écriture, dans leur style, de les adapter à son propre langage et de
largement les dépasser dans la majorité des cas.

Jeunesse
Bach dut déjà se frotter à la musique dès l’année 1685 dans le ventre
de sa mère Elisabeth qui venait d’une famille de musiciens. Son père
lui-même, Johann Ambrosius, ainsi qu’une impressionnante lignée
d’aïeux avant lui, était musicien : violoniste, trompettiste et flûtiste de la
ville de Eisenach, une petite bourgade dans la région est-allemande de
Thuringe, où Jean-Sébastien naquit le 21 mars 1685. C’est là que l’enfant
Bach fréquenta précisément la même école que Martin Luther quelques
190 ans auparavant. Il ira au collège d’Eisenach jusqu’en 1695. À l’âge de
dix ans, Bach perdit ses deux parents en l’espace de quelques semaines
et fut donc pris sous la tutelle de son frère aîné Johann Christoph,
organiste à Ohrdruf, qui fut probablement son premier professeur
d’orgue et de clavecin. Mais cinq ans plus tard, Johann Christoph ne
pouvait plus assumer la charge de son jeune frère et en 1700, Sebastian
et son ami d’école Georg Erdmann, se mit en route pour Lunebourg.
Ils purent suivre gratuitement les cours au lycée, en échange de quoi
ils devaient tous les jours chanter au sein du chœur de l’église Saint-
Michel. Telle une éponge, Bach absorba toutes les grandes traditions
maintenues par l’école et se familiarisa avec les grands chefs-d’œuvre de
la musique sacrée.

Le style français et l’art de la variation à la hollandaise


À Lunebourg, Bach se frotta non seulement à la musique chorale
allemande, mais également à la langue française, la culture française
et surtout la musique française. En effet, l’école Saint-Michel pouvait
s’enorgueillir d’héberger en son sein une « Ritteracademie », une école
pour les fils de la riche noblesse qui parlait français et se piquait d’obéir
à l’étiquette française. L’orchestre français du duc de Celle donnait
fréquemment des concerts de musique française. Par ailleurs, il est
probable que Bach suivit à Lunebourg l’enseignement de l’organiste
Georg Böhm, un compositeur très tourné vers la chose française et
qui, comme Bach, venait de Thuringe. Parfois, en été, Bach se rendait à
pied à Hambourg, 50 kilomètres plus au nord, pour entendre l’organiste
Reinken. À l’âge avancé de 78 ans, cet organiste né à Deventer portait
tout l’héritage de l’école d’orgue de Amsterdam – celle de Jan Pieterszoon
Sweelinck – et emplissait encore l’église Sainte-Catherine de Hambourg
de ses époustouflantes improvisations. Bach sut s’approprier toutes ces
impressions et les fit fructifier dans ses propres compositions et dans
son jeu d’orgue.

Organiste à Arnstadt et Mühlhausen (1703-1708)

De mars à septembre 1703, Bach est musicien à la cour du comte Johann


Ernst de Saxe-Weimar. En juillet de la même année, il fit l’expertise de
l’orgue de la nouvelle église d’Arnstadt dans sa Thuringe natale. Le 9
août il obtint son premier véritable poste, celui d’organiste de cette
église. À cette époque, il semblait réellement obsédé par la musique
d’orgue à telle enseigne qu’il refusa catégoriquement de répéter avec le
chœur de garçons. Le conflit avec ses employeurs ne fit que s’empirer
lorsque Bach, en octobre 1705, se rendit à pied à Lübeck, la bagatelle
de 200 kilomètres, pour y écouter Buxtehude jouer de l’orgue et donner
ses œuvres sacrées : il dépassa son congé de deux mois, à la fureur de la
municipalité de Arnstadt. Pire encore, à son retour il se mit à démontrer
ses nouvelles trouvailles virtuoses au cours du service divin, ce qui eut
pour effet de jeter le désarroi parmi les fidèles : sa position devenait

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intenable ; on lui reprocha d’accompagner de façon trop compliquée les
chants d’église. Enfin, on l’accusa de se faufiler dans la cave à vin lors des
sermons, et de faire de la musique avec une « jeune femme étrangère »,
probablement sa cousine Maria Barbara.

Après son départ de Arnstadt, Bach accepta le 15 juin 1707 le poste


d’organiste à l’église Saint-Blaise de Mühlhausen, où il épousa en
octobre sa cousine Maria Barbara, composa des œuvres d’orgues et
les premières cantates, et dont il prit congé après à peine une année.
Car au cours de cette seule année, il avait largement dépassé les limites
d’une petite ville telle que Mühlhausen : sa réputation d’organiste
et de compositeur entêté l’appelait à de plus hautes fonctions. C’est à
Mühlhausen que fut composée la célébrissime Toccata et fugue en ré
mineur, BWV 565 : l’œuvre semble un véritable coup de tonnerre suivi
d’un déluge d’accords plus impressionnants les uns que les autres. La
suite de l’ouvrage, dans la même veine, est tellement extraordinaire qu’il
a rapidement acquis une position particulière dans la conscience de
l’humanité tout entière.

Weimar (1708-1717)

En juin 1708, la carrière de Bach prit un tournant important : il accepta


la position d’organiste et musicien de chambre auprès de la cour du duc
Wilhelm Ernst de Saxe-Weimar. Cette même année naît leur premier
enfant, Catharina Dorothéa. Début 1714, il fut nommé au poste de
Konzertmeister avec l’obligation d’écrire une cantate par mois. Du
coup, Bach retira sa candidature, posée en décembre, à la succession
de Friedrich Wilhelm Zachow (le maître de Haendel) comme organiste
de la Liebfrauenkirche de Halle. Après la naissance d’un premier fils
le 22 novembre 1710, Wilhelm Friedemann, Bach et Maria Barbara
en accueillirent un second, Carl Philipp Emanuel, le 8 mars de cette
année 1714 puis un troisième, Gottfried Bernhard, le 11 mai de l’année
suivante, en 1715. Les deux premiers devaient tous deux embrasser la
carrière de musiciens.
Entre 1708 et 1714, c’est l’organiste qui s’exprima dans de nombreuses
compositions pour orgue.

La mode de Vivaldi
C’est à Weimar que Bach découvrit la musique italienne, qu’il croisa
la première fois la forme contemporaine du concerto à l’italienne, les
œuvres de Vivaldi ou d’autres compositeurs. Nous savons que le neveu
du duc, le prince Johann Ernst, avait acquis une impressionnante
quantité de partitions à Amsterdam lors de ses études en Hollande,
des concertos de Vivaldi en particulier, et qu’il déchaîna une véritable
fièvre vivaldienne à son retour à Weimar. Bach fut embrigadé pour
arranger des concertos de Vivaldi pour le clavecin ou l’orgue solo, et
de composer ses propres concertos selon le modèle italien. Sans jamais
avoir mis un pied dans le pays, Bach se laissa bien volontiers entraîner
par la mode. Les célèbres Concertos Brandebourgeois doivent leur
existence à l’enseignement du musicien italien ; tandis que le Concerto
pour violon en mi majeur témoigne non seulement de la fascination de
Bach pour son illustre contemporain, mais également pour le violon
dont il jouait d’ailleurs lui-même – ainsi que l’orgue, le clavecin et le
clavicorde –. Cela dit, Bach laisse son modèle loin derrière lui dès cette
époque. En dehors des œuvres pour orgue, Bach composa également à
Weimar des cantates et des concertos dans le style italien.

En 1716, Bach se rendit à Halle pour l’expertise de l’orgue de la


Liebfrauenkirche. Le renom de Bach allait grandissant et en 1717 on le
nomme « le célèbre organiste de Weimar » et on loue la qualité de ses
compositions. Encore une fois, Bach entra en conflit avec son employeur,
le duc Wilhelm Ernst de Saxe-Weimar. Il s’agissait naturellement de sa
liberté artistique, d’autant que Bach travaillait également pour l’un des
rivaux du Duc et n’entendait pas cesser cette activité parallèle. Bach
refusa de se soumettre, posa sa candidature pour le poste de maître
de chapelle à Cöthen, ce sur quoi le duc le jeta en prison pendant un
mois. Mais il fut autorisé à quitter Weimar pour Cöthen en 1717 ; ainsi
s’acheva en tragi-comédie l’un des épisodes les plus féconds de l’histoire
de la musique occidentale. Bach composa de nombreuses œuvres pour
orgue.
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Cöthen (1717-1723)

Son déménagement vers Cöthen lui offrit une bonne mesure de


liberté artistique et personnelle : il devint maître de chapelle du prince
Leopold de Anhalt-Cöthen, un mélomane fanatique d’à peine 23 ans.
Quoique la cour fût violemment calviniste, et que la mère du prince fut
une femme à poigne, le jeune homme réservait rien moins qu’un quart
de toutes les dépenses de la cour à son orchestre. Lui-même se joignait
fréquemment à l’orchestre, tenant le violon, la viole ou le clavecin, ou
encore se produisait en soliste avec les meilleurs solistes de l’époque
qu’il avait attirés de Berlin à coups de pots de vin. Comble du bonheur,
il avait réussi à s’assurer les services du phénomène du moment, Jean
Sébastien Bach.

Sans doute le prince serait-il tombé dans l’obscurité de l’histoire s’il


n’avait pas permis à Bach de composer, durant ses années à Cöthen,
sa cour des chefs-d’œuvre tels que les Concertos Brandebourgeois, le
premier cahier du Clavier bien tempéré, les Sonates et Partitas pour
violon solo, les Suites pour violoncelle, les Suites Françaises et Anglaises
pour clavecin, ses œuvres pour luth et bien d’autres encore.

C’est durant son séjour à Cöthen, en 1719, que Bach manqua de peu la
rencontre avec Haendel, né comme lui en 1685. Haendel était de passage
dans sa ville natale, Halle, au cours d’un voyage qu’il effectuait dans le
but de recruter des chanteurs pour l’opéra de Londres. C’est à Cöthen
qu’il commence le Petit Livre de clavier (Clavier-Büchlein) pour son fils
Wilhelm Friedemann. Nous sommes en 1720. Hélas, c’est aussi là que
meurt en juillet Maria Barbara, qui le laissait à 35 ans avec quatre enfants :
Catharina Dorothéa, 12 ans, Wilhelm Friedemann, 10 ans, Carl Philipp
Emanuel, 6 ans et le petit Johann Gottfried Bernhard de cinq ans. Cette
même année 1720, à peine finie la composition des Sonates et Partitas
pour violon solo, il avait entrepris celle des Concertos Brandebourgeois.
Le 3 décembre 1721, Bach se remarie avec la talentueuse soprano
Anna Magdalena Wilcken, âgée de 20 ans, avec laquelle il avait souvent
eu l’occasion de faire de la musique. Entre temps, il avait soumis sa
candidature au poste d’organiste à l’église Saint Jacques de Hambourg en
novembre 1720, puis également à celui de maître de chapelle à Berlin et
en décembre 1722 de Kantor à Leipzig : en effet, la passion musicale du
prince Leopold s’était refroidit singulièrement après son mariage avec
la princesse Henrietta von Anhalt-Bernburg, qui détestait la musique.
De plus, on peut imaginer que Bach se languissait d’une grande ville,
pour le prestige autant que pour le défi d’ordre artistique, sans oublier
les bonnes écoles et universités pour ses fils dont le développement
musical et intellectuel semblait assez remarquable.

En 1722 c’est le démarrage du Clavier bien tempéré et du Petit Livre


d’Anna Magdalena Bach. Il avait déjà composé les quatre Suites pour
orchestre et les Concertos pour violon. C’est en décembre de la même
année qu’il postule pour le poste de Cantor à Leipzig. Au début de
l’année 1723, il donna à Leipzig ses Cantates BWV 22 et 23, un examen
de passage qui fut très probant puisqu’il fut engagé en qualité de Cantor
à Leipzig le 16 mai ; il y emménagea le 30 mai.

Leipzig (1723-1750)

Dans l’esprit du public, l’image traditionnelle de Bach est celle du


Kantor (voir ce mot dans le lexique) de l’église Saint-Thomas de Leipzig
où, pendant 27 ans, il fut responsable de la musique sacrée pour les
dimanches et les autres fêtes – non seulement à Saint-Thomas mais
également à Saint-Nicolas, Saint-Pierre et la Nouvelle Eglise. C’est là
qu’il composa la majorité de ses cantates, ses deux Passions et les motets.
Pour les faire jouer le mieux possible, il rassemblait les meilleurs élèves
de l’école Saint-Thomas voisine, ainsi que de l’Université de Leipzig.
Le chœur répétait les lundis, mardis, mercredis et vendredis, alors que
le samedi était réservé à la répétition avec chœur, solistes et orchestre
pour la cantate du dimanche suivant. Souvent, pourtant, le temps
manquait pour répéter et, à la grande exaspération de Bach, le niveau
d’exécution laissait sérieusement à désirer. On sait qu’il disposait de
dix-huit musiciens professionnels en plus des enfants de la maîtrise et
de quelques étudiants de l’Université dont il est le directeur musical.
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Le 26 février 1724, naît un fils, Gottfried Heinrich, le premier enfant
de Anna Magdalena, qui sera suivi de douze autres. Bach engendra
vingt enfants (7 avec sa première femme et 13 avec la seconde) dont
plusieurs mourront très jeunes. Le 7 avril de la même année, il donnera
la Passion selon saint Jean. Le 15 avril 1729, jour du Vendredi Saint, ce
sera le tour de la Passion selon saint Matthieu. À partir de cette période
débutera la deuxième série de cantates. L’immense corpus de cantates
qu’il a écrit à Leipzig, de l’ordre de 250 chefs-d’œuvre, représente l’un
des jaillissements d’énergie créatrice sans égal. En 1729, l’année de la
Passion selon saint Matthieu, Bach fut nommé directeur du Collegium
Musicum de Leipzig, une assemblée de musiciens professionnels et
d’étudiants fondée par Telemann en 1702, alors qu’il était lui-même
étudiant.

Avec ce groupe de musiciens, Bach prit l’habitude de donner des


concerts hebdomadaires au Café Zimmermann : on venait y entendre
des œuvres de musique de chambre probablement perdues pour la
plupart, ainsi que les concertos pour clavecin pour lesquels ses fils
tenaient la partie de soliste, ainsi que des cantates profanes. Parmi
ces cantates profanes, la plus célèbre est sans conteste la Cantate du
Café, une sorte de réclame en musique pour le Café Zimmermann.
Enfin, Bach fut nommé Compositeur de la cour de l’électeur de Saxe
à Dresde, pour laquelle il composa certaines parties de la Messe en si
mineur. Parallèlement à ces activités, il était devenu le maître à penser
d’un groupe assez conséquent de disciples, parmi lesquels Kirnberger
et Agricola qui devaient se consacrer plus tard à l’aspect théorique et
historique de la musique.

Son travail de fond avec ces élèves ainsi qu’avec ses deux fils aînés, les
compositeurs Friedemann et Emanuel, devait exercer une influence
déterminante sur des œuvres plus tardives telles que les Variations
Goldberg, le second cahier du Clavier bien tempéré, et naturellement
L’Art de la fugue. Ces œuvres semblent à la fois « vieillottes » et
fantastiquement libres et modernes. En 1749, le compositeur luthérien
Bach termina sa monumentale Messe en si mineur, une messe dans la
tradition catholique romaine ; à cette époque il n’exerçait probablement
plus sa charge de Kantor, d’autant que les autorités de Leipzig avaient
déjà lancé des appels à candidature. Bach était devenu presque aveugle,
probablement des suites d’une cataracte mal soignée par le chirurgien
et ophtalmologiste anglais Taylor. Bach s’éteignit le 28 juillet 1750.

L’une des merveilles du monde

Depuis ce temps, d’innombrables bibliothèques se sont emplies de livres


sur Bach, et bien d’autres suivront encore qui traiteront de ce monstre
sacré, le plus grand compositeur que le monde occidental ait jamais
connu. Car nous savons désormais que sans lui, l’histoire de la musique
aurait suivi un tout autre cours. Il n’est aucun compositeur digne de ce
nom, au 19e et au 20e siècle, qui ne se soit tourné vers Bach ou qui n’ai
senti son souffle imposant au cours de leur propre processus créatif.
Ses deux fils aînés, Friedemann et Emanuel, durent sentir confusément
qu’ils ne s’approcheraient jamais du piédestal sur lequel leur père s’était
hissé. Et lorsque Haydn et Mozart entendirent cette musique pour la
première fois, ils en ressentirent un tel choc que leur langage changea
du tout au tout, quand bien même ils étaient déjà bien avancés dans
leurs carrières, et Bach mort depuis trente ans.

Sans Bach, qui sait comment auraient sonné les derniers quatuors
de Mozart, ses grandes symphonies, son Requiem ? Beethoven,
Mendelssohn, Schumann, Chopin, Liszt, Brahms, Debussy, Hindemith
nourrissaient leur propre langage, leur propre écriture, des œuvres
de Bach par lesquelles ils devaient parfois se sentir écrasés. Weber
considérait la musique de Bach comme si novatrice et si parfaite que
rien, en comparaison, ne semblait avoir la moindre importance. Brahms
affirmait que s’il avait dû composer la Chaconne de Bach, il serait
devenu fou de l’excès de tension émotive. Le pianiste et compositeur
Hans von Bülow estimait, quant à lui, que si l’on devait perdre toute la
musique classique et que seul devait survivre le Clavier bien tempéré,
toute la musique des temps postérieurs pourrait être reconstruite à
partir du modèle : « le Clavier bien tempéré est l’Ancien Testament, les
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Sonates pour piano de Beethoven sont le Nouveau Testament : nous
devons avoir foi en les deux. ». Quant à Debussy, il affirmait que « Bach
est notre Seigneur en musique. Chaque compositeur ferait bien de lui
adresser une prière avant de se mettre au travail ».

Pour d’innombrables musiciens, la devise est vraiment « pas un jour


sans Bach ». Le dernier projet achevé par Debussy avant de disparaître
était une adaptation des Sonates pour viole de gambe et clavecin. De
son côté, le célèbre violoncelliste Pablo Casals commençait la journée
avec un Prélude et fugue du Clavier bien tempéré afin de s’imbiber du
génie de Bach.

Plus de 250 ans après sa mort, Bach peut s’enorgueillir de posséder des
dizaines de millions d’auditeurs ; chaque année à Pâques, des milliers
de musiciens et choristes jouent les Passions, véritable « Evangile selon
Bach ».

Son œuvre offre une éclatante preuve du génie de l’un des plus grands
esprits de toute l’humanité, Johann Sebastian Bach, le sévère et honnête
artisan baroque autant que le phénoménal chantre de l’émotion
romantique.

Lexique

A cappella : Chant sans accompagnement instrumental (relatif au


chant religieux chanté à la chapelle)

Alla breve : terme italien de musique ancienne qui désigne une mesure
à deux temps, dont chacun est représenté par une blanche (= C barré
ou 2/2).

Allemande : danse de rythme binaire, qui serait d’origine allemande,


remontant au 15e siècle et particulièrement prisée entre 1600 et 1750.
Généralement à quatre temps, elle est d’un rythme lent et d’un caractère
grave. Depuis l’époque baroque, elle sert de morceau introductif des
Suites. Bach la rendit plus complexe et plus contrapuntique.

À la française : sommairement, style galant, « facile », courtois, très


parlé ; Ouverture à la française : voir ce mot

À l’italienne : sommairement, style musical très mélodique, insistant


sur l’aspect chanté des thèmes, avec des accompagnements très
sommaires et clairs

Air / Aria : mélodie, généralement simple, pour une seule voix avec
accompagnement, chantée en solo et clairement séparable, dans un
opéra ou un oratorio (on dira : « Air de Don Juan » - « Air de Carmen »
- « Air de Tamino » - « Air de la comtesse » etc., lorsque ce terme est
suivi d’un nom de personnage) pour distinguer air particulier dans
un opéra. Mais un aria peut être purement instrumental et désigner
des morceaux très mélodieux (par exemple, l’Aria de la Suite en ré de
Bach)

Amour (d’) : désigne un instrument qui est accordé une tierce majeure
au dessous de l’instrument dont il emprunte le nom : le « hautbois
d’amour » ou la « viole d’amour » par rapport au hautbois ou la viole.
La sonorité est un peu plus douce et plus grave.

Anglaise : Au 18e siècle, une danse vive à 6/8 appartenant au quadrille

Arioso : un morceau mélodique chanté en solo mêlant aspects récitatifs


(voir ce mot) et passages mesurés. Il s’apparente à l’air, mais il est de
forme plus libre et plus lyrique. Dans les cantates de Bach il sert parfois
d’intermédiaire entre le récitatif accompagné et l’aria.

Arpège : émission successive du grave à l’aigu ou vice versa des notes


d’un accord.
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Arpège brisé : énonciation des notes de l’arpège dans un ordre différent
que celui dicté par la logique, par exemple première note, troisième
note, seconde note, quatrième note etc.

Augmentation : consiste à accroître la durée d’une note. Un motif


musical est repris avec des valeurs de durée plus longues.

Badinerie : mouvement de danse de rythme binaire gai et léger, l’une


des danses des suites au 18e siècle. La plus célèbre de Bach est celle de la
Suite en si mineur pour flûte et cordes.

Basse chiffrée : Codification en chiffres des accords sur une voix de


basse, pour la réalisation de la basse continue. Les accords ne sont
pas écrits et développés mais seulement représentés par des chiffres
indiquant exactement quelle harmonie – c’est-à-dire les intervalles des
accords à réaliser –, doit être entendue. La basse chiffrée ne peut être
qu’une basse continue.

Basse continue : à l’époque baroque, ligne de basse (d’accompagnement)


ininterrompue et souvent chiffrée. Le ou les instrumentistes
(clavecin ou orgue, doublé ou non par un violoncelle ou un basson
ou un autre instrument grave…) doivent donc eux-mêmes réaliser
leur propre version – parfois à vue et quasiment improvisée – de
l’accompagnement.

Binaire / Ternaire : binaire : combinaison rythmique comportant


des durées divisibles par deux – ternaire : combinaison rythmique
comportant des durées divisibles par trois

Bourrée : d’origine française, le plus souvent à deux temps


(historiquement : à deux temps dans le Berry et le Bourbonnais et à
trois temps en Auvergne et en Limousin). Son rythme est très accentué
et habituellement de rythme binaire. Chez Bach, elle est toujours à
deux temps.

BWV : abbréviation pour Bach-Werke-Verzeichnis (= Catalogue des


œuvres de Bach). Ce catalogage a été établi par Wolfgang Schmieder
et publié en 1950. (Rappelons que le catalogue de l’œuvre de Mozart a
été dressé par Ludwig Ritter von Köchel). Le BWV ne répertorie pas les
compositions selon l’ordre de création mais selon les groupes d’œuvres
tels qu’ils sont classés dans l’édition complète de Bach parue en 1850.
Les BWV annexes correspondent à des œuvres d’origine douteuse ;
au fil des recherches musicologiques, des BWV annexes sont parfois
devenus des BWV certifiés et, inversement, des BWV jusque-là certifiés
sont devenus des numéros annexes.

Canon (du grec : mesure, règle) : imitation (voir ce mot) stricte, à un


second instrument ou une seconde voix, d’un thème qui vient d’être
énoncé à un premier, tandis que le premier thème se poursuit. Il est
d’une écriture polyphonique, donc contrapuntique, rigoureusement
organisée. Pour l’expliquer simplement, il s’agit d’une composition
polyphonique dans laquelle les voix chantent la même mélodie en
entrant à différents moments et se suivant à une distance donnée. Chez
Bach, les canons jouent un rôle central dans L’Art de la fugue et surtout
dans L’Offrande musicale. Bach en concevra des formes beaucoup plus
complexes par diminution ou augmentation.

Cantate (du latin cantare : chanter) : terme qui apparaît en Italie au 17e


siècle. Il s’agit d’une composition vocale pour un ou plusieurs solistes et
accompagnement orchestral, comprenant différentes parties constituées
de récitatifs et d’arias. Bach en est l’exemple le plus représentatif à travers
ses cantates sacrées destinées au service religieux (textes reprenant très
souvent la parole biblique) et ses cantates profanes destinées à la vie
bourgeoise et dont le contenu textuel n’est pas de nature spirituelle.

Cantor (en allemand : Kantor) : mot spécifiquement allemand qui


désigne « maître de musique. C’est le musicien principal de la ville,
aux fonctions très étendues établies dans l’optique luthérienne. Outre
la responsabilité des quatre églises que comptait la ville de Leipzig et
celle de tenir ses fonctions d’organiste, Bach devait exécuter une cantate
tous les dimanches, composer pour des occasions particulières (fêtes
royales, mariages, funérailles), collaborer à l’organisation du culte
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dans la mesure où il lui incombait de relier le chant à la prédication,
enseigner la musique, le latin et donner des cours de catéchisme, et
bien entendu former les exécutants devant assurer la partie musicale
du culte. Aujourd’hui, le mot ne désigne plus que le seul musicien
d’église.

Cantus firmus : « chant ferme ou déterminé », partie de plain-chant


(ligne mélodique très simple) qui sert de thème, presque toujours en
notes de valeurs égales, héritée du chant grégorien, autour de laquelle
on développe un contre-chant plus libre. Chez Bach, la mélodie
– qui peut être celle d’un choral ou de sa plume – est à la base d’une
écriture polyphonique tout en restant suffisamment pure pour être
toujours reconnaissable pour l’auditeur. Dans les cantates, le cantus
firmus reprend souvent le thème d’un choral tandis que les autres voix
s’échappent dans un autre contenu musical. On en a encore un parfait
exemple avec le choral des soprani planant au-dessus des deux chœurs
« O Lamm Gottes unschuldig » (Innocent Agneau de Dieu) dans le
chœur introductif de la Passion Saint Matthieu.

Canzone (du latin cantio = chanson en français) : au 16e siècle, ce


mot désignait des compositions très diverses allant de la pièce la plus
simple pour un instrument à des pièces pour des ensembles ou bien
une œuvre contrapuntique comparable à une sonate. Au 17e siècle,
elle se confondait même avec la fugue. Elle deviendra une musique
instrumentale religieuse jouée à l’orgue.

Capriccio (de l’italien capriccio = idée ; en français : caprice) : à l’origine,


c’était une pièce pour instrument seul n’ayant qu’un thème, écrite dans
un style fugué. Plus tard, Paganini en fera une pièce de virtuosité. Au
19e siècle, ce terme renvoie à une pièce d’orchestre brillante pleine de
fantaisie (Capriccio italien de Tchaïkovski).

Chaconne : danse espagnole du 17e siècle, probablement d’origine


mexicaine, sur un rythme à trois temps. Chez Bach, le terme correspond
à une pièce instrumentale consistant en un thème suivi de variations
qui se développent sur une basse obstinée (exemple : la Chaconne pour
violon seul de Bach)

Choral : chant religieux, conçu à l’origine pour être chanté en chœur


par les fidèles des cultes protestants. À l’origine le choral protestant
était un mélange de mélodie grégorienne et d’harmonies modernes.
Au 16e siècle, Luther, désirant le rendre accessible à tous, en emprunta
les mélodies à des chansons populaires ou à des œuvres très en vogue.
Ce chant religieux, d’allure stricte et statique, fut surtout en usage
dans le culte protestant. Il peut être écrit à l’unisson, ou harmonisé à
plusieurs voix comme chez Bach. Le mot est aussi attribué à des pièces
de musique instrumentale à caractère religieux.

Chromatique / Diatonique : chromatique : élément mélodique qui fait


usage de demi-tons étrangers à la tonalité – diatonique : qui procède
par tons et demi-tons, ne faisant usage que des notes fondatrices de la
tonalité.

Clavecin à double clavier : clavecin qui comporte deux rangs de


touches ; requis pour certaines des Variations Goldberg par exemple

Concerto : à l’origine, œuvre vocale ou instrumentale dans laquelle les


voix ou les instruments se concertaient ; aujourd’hui, œuvre écrite pour
un ou plusieurs instruments solo avec accompagnement d’orchestre ou
pour orchestre seul.

Contrepoint : l’art d’assembler, en les superposant, plusieurs lignes


mélodiques indépendantes – chacune ayant son autonomie thématique
– qui se complètent harmoniquement, rythmiquement, en présentant le
plus de contraste possible l’une par rapport à l’autre. Le résultat musical
ainsi obtenu est la polyphonie.

Courante (du français courir) : danse rapide à trois temps, d’origine


française, qui fut très en vogue au 17e siècle et à la cour de Louis XIV.
Elle est utilisée dans la Suite instrumentale dont elle est généralement
le second morceau.

Caccia : (mot italien) ou chasse : les instruments « da caccia » sonnent


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une quinte en dessous de ceux auxquels ils empruntent le nom :
« hautbois da caccia » ou « oboe da caccia », par rapport au hautbois.

Da capo : répétition d’un passage depuis le début, jusqu’à un point


indiqué. Dans les arias des cantates, il arrive fréquemment que
l’introduction soit donnée en « da capo » une fois toute l’aria chantée,
une sorte de conclusion en forme de rappel.

Diminution : consiste à raccourcir les valeurs rythmiques d’une


mélodie, ce qui lui confère un discours plus soutenu

Double : Répétition mais variée d’une danse dans les suites et partitas

Fantaisie : pièce instrumentale d’allure libre, en général brillante,


qui ne suit aucune des constructions habituelles, presque une sorte
d’improvisation notée. Mais elle est d’une écriture contrapuntique,
chargée d’imitations. Depuis les romantiques, une fantaisie peut
aussi être une pièce extrêmement virtuose reprenant, en les ornant
considérablement, des thèmes connus (fantaisies sur des airs d’opéras,
par exemple).

Figura corta : figure composée de trois notes, dont la première vaut


autant que les deux autres réunies : par exemple, une noire et deux
croches, ou une croche et deux doubles-croches. Le terme s’appliquait
également, de manière plus rare, à la figure inverse (deux brèves suivies
d’une longue).

Figuralisme : Procédé qui consiste à représenter le sens des mots d’un


texte chanté par des notes, des harmonies, des rythmes évocateurs.

Fugato : dans le style fugué (dans le genre de la fugue) mais sans le


développement strict de la fugue d’école ; souvent, ce ne sont que
quelques « entrées » successives étagées selon le plan de base : ton
initial, ton de la dominante, ton initial, ton de la dominante

Fugue : technique de composition, mais aussi une forme musicale


construite selon cette technique. Selon la forme contrapuntique d’école,
on expose un thème appelé « sujet » à une voix (instrument, groupe
d’instruments, chanteurs), le sujet est repris par une seconde voix à la
quinte tandis que la première voix énonce un « contresujet » selon les
lois du contrepoint, troisième exposition à nouveau dans le ton de base
tandis que la seconde voix énonce le contresujet et la première brode,
quatrième exposition à nouveau à la quinte, cinquième exposition (s’il y
a lieu, dans une fugue à cinq voix) etc. Les deux sujets et les deux contre-
sujets doivent pouvoir se superposer. Développements, réexpositions,
coda. Ni Mozart ni Bach n’ont jamais écrit de fugue exactement selon le
modèle d’école. Bach a préféré s’éloigner des standards pour développer
son propre langage fugué.

Gavotte : danse d’origine paysanne française du Dauphiné (pays de


Gap) dans laquelle on est sensé lever les pieds et non pas les glisser.
Danse de tempo modéré à 4 temps, elle est en deux parties dont chacune
d’elle commence toujours sur le 3e temps à la première mesure.

Gigue : cette danse joyeuse à pas rapides, à deux et trois temps, est
née en Angleterre au 16e siècle. Elle sert de mouvement final à la Suite
instrumentale, très souvent chez Bach qui la traite d’une manière
contrapuntique.

Imitation : Figure de l’écriture contrapuntique qui consiste à rappeler


un motif ou un dessin musical exécuté à une autre voix, mais avec
moins de rigueur que le canon qui, lui, est une imitation stricte.

Invention : soit l’effectif et le choix instrumental tel qu’il est défini


dans une partition, soit le fait de transcrire pour un orchestre une
pièce initialement conçue pour un ou deux instruments et d’en choisir
l’instrumentation.

Kapellmeister : en Allemagne, Maître de chapelle, ou chef de l’orchestre.


À l’époque de Mozart, il avait souvent obligation de composer et de
s’occuper de la vie de l’orchestre.

Konzertmeister : en Allemagne, le premier violon d’un orchestre, celui


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qui guide les autres et exécute les parties de solo

Luth-clavecin (en allemand : Lautenwerk) : Bach a écrit des


compositions pour son instrument favori qu’il inventa en 1740 (il en
possédait deux) et qui sonne comme un luth. Il est extrêmement rare
aujourd’hui de pouvoir l’entendre sur disque. C’est un instrument à la
sonorité profonde et riche, probablement due à ses cordes en boyau (et
non en métal).

Magnificat : cantique liturgique tiré de l’Evangile saint Luc. Ce chant


de louanges à la Vierge Marie était souvent chanté dans les églises de
Leipzig lors de grandes fêtes.

Menuet : danse française originaire du Poitou, lente, elle tire son nom
des petits pas « menus » qu’elle comporte (d’où menuet). Elle est très en
vogue aux 17e et 18e siècles en France (surtout au 17e siècle avec Lully)
et en Angleterre, consistant en courbettes, croisements de couples,
pieds pointés etc. La musique, en 3/4, fut développée à l’époque
baroque dans les suites de danses, avant de s’incorporer dans les formes
symphoniques au titre de second ou troisième mouvement.
À l’époque classique tardive puis romantique, le menuet s’est transformé
en scherzo. Généralement, le menuet est présenté une première fois,
suivi d’un « Trio » (passage initialement joué à trois, d’où le nom) plus
lent et composé de matériau musical tout à fait distinct, avant que le
menuet ne soit rejoué dans son intégralité.

Motet : œuvre vocale à une ou plusieurs voix, très souvent religieuse


(chez Bach, toujours), écrite sur un texte biblique généralement en latin
et chanté a cappella ou tout au plus avec accompagnement de basse
continue

Obligato (écrit à l’allemande mais Obbligato écrit à l’italienne : du


latin obligatus : obligé) : ce terme désigne les instruments qui ne
pourraient être supprimés sans que l’exécution en souffre, ce qui les
rend obligatoires.

Oboe da caccia (hautbois de chasse) : instrument dérivé de la « taille de


hautbois » ou hautbois ténor en fa, que Bach a beaucoup utilisé dans les
Passions et les Cantates –. Au 19e siècle, il évoluera vers le cor anglais
(voir « caccia »)

Oratorio : à l’origine, sorte d’opéra sans aucune mise en scène théâtrale


et écrit sur des sujets religieux. Aujourd’hui le mot englobe toute œuvre
pour chœur, soli et orchestre seulement destinée au concert.

Ostinato (du latin obstinatus = obstiné) : répétition constante d’une


phrase musicale se présentant le plus souvent à la basse, alors que les
autres éléments mélodiques varient. Exemples : la fameuse Passacaille,
BWV 582 et le chœur d’entrée de la Cantate, BWV 12.

Ouverture : premier morceau d’un oratorio, d’une cantate, d’une suite,


d’un opéra ou d’une musique de ballet, exclusivement orchestral, qui
énonce souvent quelques thèmes musicaux qui seront développés dans
l’ouvrage. Au 17e siècle, ce morceau introductif était aussi désigné par le
terme sinfonia (voir ce mot)

Ouverture à la française : ouverture assez solennelle ou même


pompeuse (liée au style versaillais que tout le monde admirait)
empruntant des rythmes pointés dans son introduction suivie d’un
allegro.

Partita (de l’italien partire = partager) : désignant à l’origine une série


de variations instrumentales ou de danses, écrites sans loi précise ; plus
tard, le terme se confondra avec la Suite (voir la Suite).

Passacaille (passacaglia en italien) : Danse d’origine espagnole ou


italienne très en vogue au 16e siècle et que l’on dansait « en passant dans
la rue ». Forme instrumentale à trois ou quatre temps, comprenant
une basse obstinée sur laquelle se greffent des variations. À l’époque
baroque, elle est introduite dans la Suite.

Passion : récit de la Passion de Jésus-Christ (La Crucifixion) selon


les Évangiles. Elle est chantée pendant la Semaine Sainte. La Réforme
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allemande développe le genre sur les traductions de Luther, dès
Schütz.

Pédale (pédale harmonique) : note longuement maintenue,


généralement à la basse chez Bach, s’opposant au mouvement des
autres voix qui s’éloignent souvent de la base harmonique qu’impose
la note tenue.

Pédalier : à l’orgue, un clavier aménagé pour être joué avec les pieds. Il
est généralement réservé aux notes graves de l’instrument.

Prélude (du latin praeludere, jouer avant) : morceau servant


d’introduction à une œuvre vocale, un opéra ou se suffisant à elle-
même. Chez Bach, c’est une œuvre instrumentale de forme libre qu’il
emploie très fréquemment pour précéder les fugues et toujours écrit
dans la même tonalité que celles-ci.

Polyphonie : écriture musicale superposant des phrases formant un


tout harmoniquement cohérent, mais dont la conduite mélodique et
rythmique est indépendante et complète en elle-même pour chacune
des phrases.

Récitatif : passage vocal dans lequel le chanteur énonce un texte


narratif (opéra comme oratorio) de manière rhétorique, déclamatoire
ou même dans le style de la conversation (dans les trois grands opéras
de Mozart : Noces de Figaro, Don Juan, Cosi fan tutte), parfaitement
libre rythmiquement, sans aucune accroche mélodique. C’est une
sorte de chant parlé, sensé faire avancer l’action. Il existe chez Bach
de nombreux « récitatifs accompagnés » ; faisant appel à plusieurs
instruments : la liberté rythmique est donc impossible, ce qui donne
souvent lieu à des « ariosos ».

Ricercar (en allemand), ricercare ou ricercata (rechercher, en italien) :


forme musicale instrumentale en usage aux 16e et 17e siècles, basé sur
l’imitation de thèmes dans le style fugué.

Sarabande : danse espagnole (Zarabanda), lente, grave et noble, en


Europe depuis le 16e siècle, d’une mesure à trois temps avec un accent
sur le deuxième. Elle se trouve en général placée entre la Courante et
l’Allemande. Bach en développa des variantes.

Secco : récitatif accompagné par le seul continuo

Sicilienne : à l’origine, danse de Sicile dans laquelle les partenaires ne


sont reliés que par une pièce de tissu, sans se toucher directement. En
musique, une sorte de mélodie pastorale généralement en 6/8 ou 12/8,
gracieuse, en rythme toujours pointé.

Sinfonia (du grec syn = avec et phone = son : ce qui sonne ensemble) :


nom donné à la musique symphonique au 17e siècle ; la sinfonia
était alors une pièce en un mouvement qui servait d’introduction
instrumentale à une œuvre de grande importance, comme chez Bach.

Sonate (sonare : jouer d’un instrument) : pièce « sonnée » par un ou


plusieurs instruments par opposition à la cantate, œuvre chantée.
Cette dénomination est employée pour la première fois par Andrea
Gabrieli qui écrivit des sonates à plusieurs instruments pour servir
d’introduction à des œuvres vocales religieuses (la sonata da chiesa ou
sonate d’église). Au départ, la sonate n’a pas de forme bien définie. C’est
surtout à partir de 1700 qu’elle évoluera et qu’apparaîtra la sonata da
camera (sonate de chambre) qui était, comme la suite, basée sur les
contrastes de rythmes de danses et qui comportait quatre mouvements
(allegro, adagio, menuet, final). Bach la développa avec ses Sonates en
trio, en solo etc. C’est au 18e siècle avec Mozart et Haydn que la sonate
prendra sa forme « classique » en quatre puis en trois mouvements.
Beethoven et les compositeurs du 19e siècle lui donnèrent plus de
souplesse et d’ampleur encore.
Aujourd’hui, le mot désigne non pas seulement une forme musicale
mais une pièce musicale pour un seul instrument (surtout le piano)

Style galant : expression employée pour désigner la musique du 17e


siècle très influencée par les coutumes en usage à la cour de Louis XIV.
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Caractérisée par une esthétique plus soucieuse de séduire l’oreille que
l’esprit, la musique inspirée de ce style est donc harmoniquement simple
donc facile à jouer et sans la moindre sévérité de ton, donc toujours très
mélodieuse.

Suite (du français « succession »). La plus ancienne de toutes les formes


instrumentales, elle est l’ancêtre de la sonate ; en Italie, elle est appelée
sonata da ballo (sonate de danse). Elle est constituée d’un ensemble
de danses toutes écrites dans la même tonalité. Elle fut introduite
en France au clavier par Chambonnières. La règle est d’alterner
mouvement lent et mouvement rapide afin de préserver l’opposition
de caractère entre les pièces. La première pièce est un Prélude, donc de
forme libre. Viennent ensuite des danses dont la diversité varie selon
les compositeurs et l’époque. C’est Bach qui en porta la forme à un très
haut niveau. Ses Suites sont en général composées d’une Allemande,
Courante, Sarabande, de deux Menuets et d’une Gigue ; dans les
Partitas (ou suites allemandes), Bach y met la Bourrée, la Gavotte et
la Chaconne.

Ternaire/binaire : voire binaire

Toccata (pièce à toucher, de l’italien toccare = toucher, frapper) : pièce


de forme libre, sans structure précise, dont l’existence pourrait remonter
au 16e siècle avec la toccata du Moyen Âge jouée aux trompettes
(Giovanni Gabrieli, Claudio Monteverdi, Claudio Merulo entre autres).
Buxtehude en sera le grand orfèvre avant Bach. Chez ce dernier, la
toccata est souvent composée de récitatifs, de fugatos (voir ce mot) et
d’accords. Après Bach, elle tombe en désuétude et ne réapparaîtra que
très discrètement aux 19e et 20e siècles (Toccata de Schumann entre
autres pour le piano et à l’orgue avec Charles Marie Widor et Eugène
Gigout).

Tonalité : principe d’organisation des notes selon une échelle type où les
intervalles (tons ou demi-tons) se succèdent dans un ordre immuable,
quelle que soit la note de base de la tonalité.

Tonalités relatives : deux tonalités, l’une majeure, l’autre mineure, qui


comportent le même nombre d’accidents (dièses ou bémols, ou rien
dans le cas d’ut majeur/la mineur) à la clef. Le ton relatif mineur est un
ton et demi plus bas que son relatif majeur.

Tutti : « tous », en opposition à « solo ». À l’orchestre, un passage où


tout le monde joue.

Variation : modification d’un thème donné, qui peut être rythmique,


mélodique, dynamique, architecturale, tonale, ou n’importe quel
combinaison de ces éléments et bien d’autres. Chez Mozart, les séries
de variations comportent d’abord quelques variations assez fidèles
au modèle, puis une variation plus lente souvent en mineur, suivie
fréquemment d’une dernière variation nettement plus ample dans
laquelle interviennent des éléments fugués et virtuoses.

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