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Après qu’il eut été plus ou moins oublié tout au long du 19e siècle,
hormis par quelques passionnés, le 20e siècle lui a largement rendu
justice. En 1899, le célèbre chef d’orchestre Wilhelm Mengelberg lança
la tradition de jouer tous les ans la Passion selon saint Matthieu au
Concertgebouw pour la fête des Rameaux ; en 1900 l’on fondait la Neue
Bachgesellschaft dont l’objectif était de se lancer dans la publication
d’une nouvelle édition complète de ses œuvres, et de diffuser sa
musique en Allemagne à travers de nombreux festivals et concerts.
On ouvrit un Musée Bach dans sa ville natale de Eisenach. Le premier
de ces festivals eut lieu à Berlin en 1901. Dès 1904 parut le premier
Bach Jahrbuch, une série de livres et d’articles qui, de nos jours encore,
paraissent tous les ans. L’année suivante, Wanda Landowska publia une
étude sur l’exécution de la musique de Bach dont elle était la première
pianiste, au cours de la période contemporaine, à donner les œuvres
sur un clavecin. Cette même année, le célèbre docteur, théologien
et organiste Albert Schweitzer faisait paraître son livre sur Bach qui
fait encore autorité de nos jours. Et exactement 200 ans après la mort
de Bach, en 1950, Wolfgang Schmieder publiait son monumental
Thematisch-systematisches Verzeichnis der Werke Johann Sebastian
Bachs, le « BWV » dont l’indexation est toujours en usage et ne risque
d’ailleurs pas d’être jamais détrônée.
Jeunesse
Bach dut déjà se frotter à la musique dès l’année 1685 dans le ventre
de sa mère Elisabeth qui venait d’une famille de musiciens. Son père
lui-même, Johann Ambrosius, ainsi qu’une impressionnante lignée
d’aïeux avant lui, était musicien : violoniste, trompettiste et flûtiste de la
ville de Eisenach, une petite bourgade dans la région est-allemande de
Thuringe, où Jean-Sébastien naquit le 21 mars 1685. C’est là que l’enfant
Bach fréquenta précisément la même école que Martin Luther quelques
190 ans auparavant. Il ira au collège d’Eisenach jusqu’en 1695. À l’âge de
dix ans, Bach perdit ses deux parents en l’espace de quelques semaines
et fut donc pris sous la tutelle de son frère aîné Johann Christoph,
organiste à Ohrdruf, qui fut probablement son premier professeur
d’orgue et de clavecin. Mais cinq ans plus tard, Johann Christoph ne
pouvait plus assumer la charge de son jeune frère et en 1700, Sebastian
et son ami d’école Georg Erdmann, se mit en route pour Lunebourg.
Ils purent suivre gratuitement les cours au lycée, en échange de quoi
ils devaient tous les jours chanter au sein du chœur de l’église Saint-
Michel. Telle une éponge, Bach absorba toutes les grandes traditions
maintenues par l’école et se familiarisa avec les grands chefs-d’œuvre de
la musique sacrée.
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intenable ; on lui reprocha d’accompagner de façon trop compliquée les
chants d’église. Enfin, on l’accusa de se faufiler dans la cave à vin lors des
sermons, et de faire de la musique avec une « jeune femme étrangère »,
probablement sa cousine Maria Barbara.
Weimar (1708-1717)
La mode de Vivaldi
C’est à Weimar que Bach découvrit la musique italienne, qu’il croisa
la première fois la forme contemporaine du concerto à l’italienne, les
œuvres de Vivaldi ou d’autres compositeurs. Nous savons que le neveu
du duc, le prince Johann Ernst, avait acquis une impressionnante
quantité de partitions à Amsterdam lors de ses études en Hollande,
des concertos de Vivaldi en particulier, et qu’il déchaîna une véritable
fièvre vivaldienne à son retour à Weimar. Bach fut embrigadé pour
arranger des concertos de Vivaldi pour le clavecin ou l’orgue solo, et
de composer ses propres concertos selon le modèle italien. Sans jamais
avoir mis un pied dans le pays, Bach se laissa bien volontiers entraîner
par la mode. Les célèbres Concertos Brandebourgeois doivent leur
existence à l’enseignement du musicien italien ; tandis que le Concerto
pour violon en mi majeur témoigne non seulement de la fascination de
Bach pour son illustre contemporain, mais également pour le violon
dont il jouait d’ailleurs lui-même – ainsi que l’orgue, le clavecin et le
clavicorde –. Cela dit, Bach laisse son modèle loin derrière lui dès cette
époque. En dehors des œuvres pour orgue, Bach composa également à
Weimar des cantates et des concertos dans le style italien.
C’est durant son séjour à Cöthen, en 1719, que Bach manqua de peu la
rencontre avec Haendel, né comme lui en 1685. Haendel était de passage
dans sa ville natale, Halle, au cours d’un voyage qu’il effectuait dans le
but de recruter des chanteurs pour l’opéra de Londres. C’est à Cöthen
qu’il commence le Petit Livre de clavier (Clavier-Büchlein) pour son fils
Wilhelm Friedemann. Nous sommes en 1720. Hélas, c’est aussi là que
meurt en juillet Maria Barbara, qui le laissait à 35 ans avec quatre enfants :
Catharina Dorothéa, 12 ans, Wilhelm Friedemann, 10 ans, Carl Philipp
Emanuel, 6 ans et le petit Johann Gottfried Bernhard de cinq ans. Cette
même année 1720, à peine finie la composition des Sonates et Partitas
pour violon solo, il avait entrepris celle des Concertos Brandebourgeois.
Le 3 décembre 1721, Bach se remarie avec la talentueuse soprano
Anna Magdalena Wilcken, âgée de 20 ans, avec laquelle il avait souvent
eu l’occasion de faire de la musique. Entre temps, il avait soumis sa
candidature au poste d’organiste à l’église Saint Jacques de Hambourg en
novembre 1720, puis également à celui de maître de chapelle à Berlin et
en décembre 1722 de Kantor à Leipzig : en effet, la passion musicale du
prince Leopold s’était refroidit singulièrement après son mariage avec
la princesse Henrietta von Anhalt-Bernburg, qui détestait la musique.
De plus, on peut imaginer que Bach se languissait d’une grande ville,
pour le prestige autant que pour le défi d’ordre artistique, sans oublier
les bonnes écoles et universités pour ses fils dont le développement
musical et intellectuel semblait assez remarquable.
Leipzig (1723-1750)
Son travail de fond avec ces élèves ainsi qu’avec ses deux fils aînés, les
compositeurs Friedemann et Emanuel, devait exercer une influence
déterminante sur des œuvres plus tardives telles que les Variations
Goldberg, le second cahier du Clavier bien tempéré, et naturellement
L’Art de la fugue. Ces œuvres semblent à la fois « vieillottes » et
fantastiquement libres et modernes. En 1749, le compositeur luthérien
Bach termina sa monumentale Messe en si mineur, une messe dans la
tradition catholique romaine ; à cette époque il n’exerçait probablement
plus sa charge de Kantor, d’autant que les autorités de Leipzig avaient
déjà lancé des appels à candidature. Bach était devenu presque aveugle,
probablement des suites d’une cataracte mal soignée par le chirurgien
et ophtalmologiste anglais Taylor. Bach s’éteignit le 28 juillet 1750.
Sans Bach, qui sait comment auraient sonné les derniers quatuors
de Mozart, ses grandes symphonies, son Requiem ? Beethoven,
Mendelssohn, Schumann, Chopin, Liszt, Brahms, Debussy, Hindemith
nourrissaient leur propre langage, leur propre écriture, des œuvres
de Bach par lesquelles ils devaient parfois se sentir écrasés. Weber
considérait la musique de Bach comme si novatrice et si parfaite que
rien, en comparaison, ne semblait avoir la moindre importance. Brahms
affirmait que s’il avait dû composer la Chaconne de Bach, il serait
devenu fou de l’excès de tension émotive. Le pianiste et compositeur
Hans von Bülow estimait, quant à lui, que si l’on devait perdre toute la
musique classique et que seul devait survivre le Clavier bien tempéré,
toute la musique des temps postérieurs pourrait être reconstruite à
partir du modèle : « le Clavier bien tempéré est l’Ancien Testament, les
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Sonates pour piano de Beethoven sont le Nouveau Testament : nous
devons avoir foi en les deux. ». Quant à Debussy, il affirmait que « Bach
est notre Seigneur en musique. Chaque compositeur ferait bien de lui
adresser une prière avant de se mettre au travail ».
Plus de 250 ans après sa mort, Bach peut s’enorgueillir de posséder des
dizaines de millions d’auditeurs ; chaque année à Pâques, des milliers
de musiciens et choristes jouent les Passions, véritable « Evangile selon
Bach ».
Son œuvre offre une éclatante preuve du génie de l’un des plus grands
esprits de toute l’humanité, Johann Sebastian Bach, le sévère et honnête
artisan baroque autant que le phénoménal chantre de l’émotion
romantique.
Lexique
Alla breve : terme italien de musique ancienne qui désigne une mesure
à deux temps, dont chacun est représenté par une blanche (= C barré
ou 2/2).
Air / Aria : mélodie, généralement simple, pour une seule voix avec
accompagnement, chantée en solo et clairement séparable, dans un
opéra ou un oratorio (on dira : « Air de Don Juan » - « Air de Carmen »
- « Air de Tamino » - « Air de la comtesse » etc., lorsque ce terme est
suivi d’un nom de personnage) pour distinguer air particulier dans
un opéra. Mais un aria peut être purement instrumental et désigner
des morceaux très mélodieux (par exemple, l’Aria de la Suite en ré de
Bach)
Amour (d’) : désigne un instrument qui est accordé une tierce majeure
au dessous de l’instrument dont il emprunte le nom : le « hautbois
d’amour » ou la « viole d’amour » par rapport au hautbois ou la viole.
La sonorité est un peu plus douce et plus grave.
Double : Répétition mais variée d’une danse dans les suites et partitas
Gigue : cette danse joyeuse à pas rapides, à deux et trois temps, est
née en Angleterre au 16e siècle. Elle sert de mouvement final à la Suite
instrumentale, très souvent chez Bach qui la traite d’une manière
contrapuntique.
Menuet : danse française originaire du Poitou, lente, elle tire son nom
des petits pas « menus » qu’elle comporte (d’où menuet). Elle est très en
vogue aux 17e et 18e siècles en France (surtout au 17e siècle avec Lully)
et en Angleterre, consistant en courbettes, croisements de couples,
pieds pointés etc. La musique, en 3/4, fut développée à l’époque
baroque dans les suites de danses, avant de s’incorporer dans les formes
symphoniques au titre de second ou troisième mouvement.
À l’époque classique tardive puis romantique, le menuet s’est transformé
en scherzo. Généralement, le menuet est présenté une première fois,
suivi d’un « Trio » (passage initialement joué à trois, d’où le nom) plus
lent et composé de matériau musical tout à fait distinct, avant que le
menuet ne soit rejoué dans son intégralité.
Pédalier : à l’orgue, un clavier aménagé pour être joué avec les pieds. Il
est généralement réservé aux notes graves de l’instrument.
Tonalité : principe d’organisation des notes selon une échelle type où les
intervalles (tons ou demi-tons) se succèdent dans un ordre immuable,
quelle que soit la note de base de la tonalité.
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