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ÉDOUARD GLISSANT et Le Discours

antillais : la source et le delta


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COLLOQUE INTERNATIONAL en trois sessions organisé par le Centre international


d'études Édouard Glissant (CIEEG) de l'Institut du Tout-Monde, l'Université
de Cambridge (Magdalene College), Royaume-Uni, l'Université des Antilles.
Avec la FMSH, la Maison de l'Amérique latine et la BnF.

Paris – Cambridge – Fort-de-France – Pointe à Pitre


d'avril à novembre 2019

Fondation Maison des Sciences de l'Homme, Maison de l'Amérique latine,


Paris du 25 au 28 avril 2019 - Université de Cambridge, Royaume-Uni,
15 juin 2019 - Université des Antilles, 5-6 novembre 2019

Le tout premier colloque international mené par le Centre international d'études Édouard Glissant
de l’Institut du Tout-Monde, en partenariat avec l’Université de Cambridge (Magdalene College) et
l’Université des Antilles (pôles Martinique et Guadeloupe) sera consacré à l'essai à ce jour le plus lu,
le plus traduit et le plus étudié par le monde au sein de l'œuvre conceptuelle d'Édouard Glissant :
Le Discours antillais paru au Seuil en 1981. Il s'agira d'un colloque en trois sessions menées à Paris,
Cambridge et Fort-de-France, dessinant un rhizome de lecture glissantienne.

- COMITÉ SCIENTIFIQUE ET ORGANISATEUR (par ordre alphabétique) :

Dominique Aurélia (Université des Antilles, pôle Martinique)


Hugues Azérad (Université de Cambridge)
Laura Carvigan-Cassin (Université des Antilles, pôle Guadeloupe)
Loïc Céry (Institut du Tout-Monde, CIEEG)
Jean-Pierre Dozon (FMSH / Institut d'Études avancées)
Sylvie Glissant (Institut du Tout-Monde)
Raphaël Lauro (Vassar-Wesleyan Program in Paris)
Corinne Mencé-Caster (Université Paris-Sorbonne)
Jean-Pierre Sainton (Université des Antilles, pôle Guadeloupe)
François Vitrani (Maison de l'Amérique latine / ITM)

1
- INSTITUTIONS ORGANISATRICES : Centre international d'études Édouard Glissant de l'Institut du
Tout-Monde, Université de Cambridge (Magdalene College), Université des Antilles.

- INSTITUTIONS PARTENAIRES : Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH) ; Maison de


l'Amérique latine ; Bibliothèque nationale de France ; Université Paris III Sorbonne nouvelle ;
Université de Stanford ; Université de New York (NYU).

- Première session : Paris, FMSH, Maison de l'Amérique latine, du 25 au 28 avril 2019


- Exposition : «Le Discours antillais d’Édouard Glissant : traces et paysages » Paris, FMSH, du 23 avril au 7 mai
- Deuxième session : Université de Cambridge (Magdalene College), 15 juin 2019
- Troisième session : Université des Antilles, pôles Martinique et Guadeloupe, 5-6 novembre 2019

• À ces trois sessions principales du colloque s'ajoutera un certain nombre d'événements


internationaux qui seront annoncés prochainement.
• Des retransmissions vidéos seront proposées par l'ITM, pour les deux colloques qui se
dérouleront hors de Paris.

ARGUMENTAIRE / APPEL À CONTRIBUTIONS

La fortune critique qu'a connu et que connaît encore Le Discours antillais quant à la réception de
l'œuvre conceptuelle d'Édouard Glissant doit certainement beaucoup à l'allure exhaustive de
l'étude, tout entière placée dans son inspiration comme dans son ambition intellectuelle, sous
l'épigraphe de Frantz Fanon : « une tâche colossale que l'inventaire du réel ». Or, c'est aussi cet
aspect qui a étonné lors de la publication de l'ouvrage en 1981 au Seuil : il faut croire que cette
ambition d'embrasser le réel de la société antillaise a également dérouté quant à la liberté de sa
méthode, cette « hardiesse méthodologique » dont se revendique alors celui qui a déjà une œuvre
littéraire derrière lui. Ce double effet dit en lui-même une fascination et un étonnement qui n'a
pas cessé depuis la publication, dépassant les classifications.

Ce paradoxe d'une réception critique dit certainement aussi la difficulté à percevoir correctement
la place de l'ouvrage dans la réflexion d'Édouard Glissant, dont on a pu constater ultérieurement
qu'elle ne pouvait s'apprécier qu'au gré du paradigme du mouvement. C'est à ce mouvement que
s'est identifiée cette pensée, tout au long des développements souvent imprévisibles de l'œuvre.
Comment comprendre par exemple, au gré de ce mouvement, ce moment de l'« antillanité », au
regard de la créolisation portée avec davantage d'intensité au tournant des années quatre-vingt-
dix ? C'est l'une des nombreuses questions qu'engagent les nécessaires relectures du Discours
antillais, que le colloque s'efforcera de susciter, selon plusieurs axes :

- Méthodes et regard critique : Comment appréhender aujourd'hui l'énonciation même du


Discours antillais, de la pratique revendiquée d'une pluridisciplinarité ouverte à celle d'une
transversalité active (en particulier le dialogue des sciences humaines avec le champ littéraire) ?
Comment envisager aujourd'hui cette démarche qui mêle sociologie, anthropologie, psychologie
et discours littéraire ? On envisagera dans cette optique tant les fondements des méthodes
croisées dont Édouard Glissant fait usage que leur devenir dans l'œuvre. À la faveur d'une

2
démarche comparatiste, on mettra aussi en lumière les liens du Discours avec le contexte
intellectuel de sa publication.

- Antillanité et créolisation : On a souvent insisté sur la notion d'antillanité dans l'essai de 1981.
Cependant, comment envisager l'articulation d'une quête identitaire avec le processus de
créolisation, nécessairement en devenir et déjouant l'ancrage ? Le Discours antillais marque-t-il de
ce point de vue un moment de nature à être dépassé, ou fonde-t-il le contre-modèle initial du tout-
monde ? En envisageant le devenir de la pensée glissantienne, on réexaminera la place du Discours.

- L'énoncé d'une poétique, l'intention d'une politique : Le Discours antillais fait émerger une
parole hors champ. Il articule une parole-paysage nouée aux enjeux d'une conscience politique
nouvelle, que nous entendons aujourd'hui. Il s'agira par nos travaux de rendre vivante cette double
présence.

- Le Discours antillais dans l'œuvre : L'essai marque l'un des sommets de la réflexion théorique,
chez un écrivain qui toujours a avoué sa prédilection pour le dialogue entre les genres littéraires,
et chez qui la jonction entre pensée et création est cruciale. Comment envisager dès lors l'insertion
du Discours et de sa matière dans les romans, la poésie et le théâtre ? Comment articuler le
contenu idéologique du Discours avec le reste de l'œuvre sans procéder à des complexifications
artificielles ?

De manière générale, Le Discours antillais ne sera pas envisagé séparément du reste de l'œuvre
d'Édouard Glissant, qu'il s'agisse des développements spéculatifs ultérieurs ou d'une vision du
monde au sens large qui n'a cessé de ménager d'intenses et nombreuses ramifications. Il sera
question de proposer une relecture de l'essai dans l'assise de l'œuvre laissée par l'écrivain, et d'en
interroger la pertinence en regard du monde actuel.

Le comité scientifique et organisateur : Dominique Aurélia - Hugues Azérad -


Laura Carvigan-Cassin – Loïc Céry - Jean-Pierre Dozon - Sylvie Glissant -
Raphaël Lauro - Corinne Mencé-Caster - Jean-Pierre Sainton - François Vitrani

colloque2019@tout-monde.com
www.tout-monde.com/centre.colloques.html

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PRÉ-PROGRAMME

JEUDI 25 AVRIL – Fondation Maison des Sciences de l’Homme


(54 Bld. Raspail, 75007 Paris)

MATIN

- 10h : Ouverture officielle du colloque


▪ Mot de bienvenue de Jean-Pierre Dozon, directeur scientifique de la FMSH
▪ Conférence inaugurale par Jacques Coursil, linguiste, musicien, prix Édouard Glissant 2017
▪ Introduction au colloque par Sylvie Glissant, directrice de l’Institut du Tout-Monde
▪ Introduction aux séances de travail par Loïc Céry (ITM, CIEEG) : « Émergences et postérités du
Discours antillais : le multiple et le singulier »

- 11h30-12h30 : Le Divers et la pensée du monde. Président de séance : Jacques Coursil


▪ Buata Malela (Université de Mayotte), « Le Discours antillais et le questionnement de la
responsabilité face à l’Autre »
▪ Serge Domi (Université des Antilles), « Le Discours antillais, ouvè chimen lorizon, une introduction
féconde de la dimension-archipel dans la pensée du monde »
▪ Christian Uwe (Université du Minnesota), « Sur deux poétiques : le Même et le Divers »

APRÈS-MIDI

- 14h-14h45 :
▪ Ana Kiffer (Université catholique de Rio de Janeiro), « Liaisons-déliaisons, notes autour d'une
lecture politique de la Poétique de la Relation au Brésil d'aujourd'hui »
▪ Pierre Carpentier (Organisation guyanaise des droits de l’homme), « Le Discours antillais,
manifeste anticolonialiste et poétique de la nation Martinique. Un rapprochement guyanais. »

- 15h-16h45 : Littérature et énonciation. Président de séance : Christian Uwe

▪ Elena Pessini (Université de Parme), « Tracées littéraires dans Le Discours antillais »


▪ Axel Arthéron (Université des Antilles), « Approche d’une pensée et d’une pratique du théâtre
chez Édouard Glissant : Le Discours antillais »
▪ Raphaël Lauro (Vassar-Wesleyan Program in Paris) « Sur la méthode du Discours »
▪ Loïc Céry (ITM, CIEEG) : « Le Discours et son double : narrativité et représentation dans La Case
du commandeur »
▪ Emmanuel Ndour (Université du KwaZulu-Natal, Afrique du Sud) « Le Discours antillais d’Edouard
Glissant ou la quête d’un fil perdu métasporique. »

- 17h-18h15 : Contributions du CERC (Centre d’études et de recherches comparatistes), Paris III Sorbonne-
Nouvelle, sous la direction de Tiphaine Samoyault

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▪ Tumba Shango-Lokoho, « Le Discours antillais et l’Afrique »
▪ Tiphaine Samoyault / Ludivine Bouton-Kelly, « Le Discours antillais et la traduction »
▪ Table ronde des doctorants

- 18h15-19h : TABLE RONDE – Penser et dire le monde dans Le Discours antillais

***

VENDREDI 26 AVRIL – Fondation Maison des Sciences de l’Homme


(54 Bld. Raspail, 75007 Paris)

MATIN

- 9h-12h : Langue, langage, transmission. Président de séance : Raphaël Lauro


▪ Olivier Douville (Université Paris-Diderot), « Le délire verbal : un dé-parler vrai »
▪ Bernadette Desorbay (Université de Berlin), « La parabase dans l’œuvre d’Édouard Glissant »
▪ Beate Thill (Traductrice d’Édouard Glissant, Allemagne), « Le créole en allemand. La traduction du
Discours antillais et la réception de l´œuvre d´Edouard Glissant en Allemagne »
▪ Annette Hug (Écrivain, Suisse alémanique), « La dérive de Guillaume Tell »

APRÈS-MIDI

- 14h-16h : Perspectives philosophiques. Président de séance : Marie-José Mondzain.


▪ Niklas Plaezer (Sciences Po, Paris), « La tradition du discontinu : Édouard Glissant contre la
philosophie de l'Histoire »
▪ Jean-Pol Madou (Université de Savoie), « Édouard Glissant lecteur de Deleuze, Heidegger et
Derrida. La question de la trace et de la différence. »
▪ Lynda Nawel-Tebbani (Université de Lorraine) « Le Discours antillais et l’héritage
phénoménologique : Edouard Glissant lecteur et commentateur d’Husserl »
▪ Javier Burdman (Université Goethe de Francfort), « Communication in the Archipelago : Glissant
and Lyotard »

- 16h30-18h : TABLE RONDE – Les diffractions du Discours : pluridisciplinarités et visions du réel

***

SAMEDI 27 AVRIL – Maison de l’Amérique latine


(217 Boulevard Saint-Germain, 75007 Paris)
MATIN

- 9h : Mot de bienvenue de François Vitrani, directeur de la Maison de l’Amérique latine et président de


l’Institut du Tout-Monde.

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- 9h15-12h : Antillanité, créolisation, pensée de la Caraïbe. Président de séance : Loïc Céry
▪ Corinne Mencé-Caster (Sorbonne Université), « Le Discours antillais comme matrice d'un lexique
de la “proto-créolisation” ? »
▪ Juliette Éloi-Blézès (Académie de Martinique), « L'IME, l'atelier du Discours antillais »
▪ Caroline Soukaï, « Le Discours antillais : pour une exégèse fondatrice des littératures antillaises »
▪ Ewa Grotowska-Delin (Univ. des Antilles) « Le Discours antillais et ses multiples ramifications »
▪ Yves Chemla (IUT Paris), « Lecture de Gouverneur de la rosée de Jacques Roumain à l’aune du
Discours antillais d’Édouard Glissant »
▪ Dominique Aurélia / Laura Carvigan-Cassin (Université des Antilles), Présentation de la session
antillaise du colloque, 5-6 novembre 2019.

APRÈS-MIDI

- 14h-16h : Discours poétiques, visions politiques . Présidente de séance : Corinne Mencé-Caster.


▪ Benamar Mediene (Université Paris X, Université d’Oran, Université Aix-Marseille) « Edouard
Glissant et Kateb Yacine : épopée minuscule, chaos créatif, effractions de l’histoire. Libres propos
sur une alliance substantielle. »
▪ Edwy Plenel (Mediapart)
▪ Gilles Verpraet (Université Paris Nanterre) « Le Discours antillais et la subjectivation culturelle »

- 16h30-18h : TABLE RONDE – Édouard Glissant, engagements et présences du Discours antillais

***

DIMANCHE 28 AVRIL – Maison de l’Amérique latine


(217 Boulevard Saint-Germain, 75007 Paris)

MATIN

- 10h-12h : Focales esthétiques. Présidente de séance : Tiphaine Samoyault.


▪ Marie-José Mondzain (CNRS)
▪ Jacques Leenhardt (EHESS) « Le Discours antillais ou la méthode de l'art »
▪ Zahia Ramani (INHA)

APRÈS-MIDI

- 14h : Diffusion d’un entretien inédit avec Patrick Chamoiseau


- Lectures d’extraits, avec mise en musique par Jacques Coursil

Participants en attente de titres, et dont les - Nicole Lapierre


contributions seront placées ultérieurement dans - Serge Palin
les différentes séances de travail, pour le - Cathy Delpech
programme définitif : - Pierre Benetti
- Felwine Sarr 6
RÉSUMÉS DE QUELQUES CONTRIBUTIONS

Buata Malela (Mcf. Université de Mayotte)

Le Discours antillais et le questionnement de la responsabilité face à l’autre


Ce propos porte sur le contexte intellectuel de l’énonciation du Discours antillais, que l’on va circonscrire au
postmodernisme d’une part et à l’idéologie néolibérale d’autre part. Il s’agit de voir comment cette œuvre se
confronte directement ou indirectement à ces deux courants philosophique et politique. S’il peut y avoir autant de
postmodernisme qu’il y a d’auteurs, il nous semble intéressant de nous arrêter sur la pensée de Zygmunt Bauman,
penseur d’une sorte de fin de modernité qu’il appellera plus tard la société liquide. De plus, Bauman pose la
question de la responsabilité face à l’autre, un questionnement que l’on peut retrouver dans le Discours antillais.
Elle apparaît dans la réflexion sur la dimension de l'autre et du monde envisagé dans sa particularité en tant que
sujet connaissant et sensible. Un sujet inscrit dans une temporalité liée à l'espace et à l'imaginaire qui attise la
curiosité de l'énonciateur pour l’ailleurs, l’environnement naturel. Elle apparaît dans la critique des effets de la
société liquide qui entraînent le détachement du lieu, l'absence d'implication qui conduit à une forme
d'irresponsabilité et de détournement de soi : « La non-responsabilité, qui entraîne ici à l'irresponsabilité; l'absence
du sentiment de solidarité sociale, qu'on peut résumer dans le mot “débrouillardise”, même quand la solidarité
“humaine” est véritable ; » (Le discours antillais, p.153-154). À partir de ces deux observations, on est amené à se
demander comment le Discours antillais se positionne dans l’état dit postmoderne pour appréhender l’autre à la
fois dans une dynamique originelle et de changement dans son rapport au monde ?

***

Ana Kiffer (Mcf. Université catholique de Rio, Instituto de Estudos Avançados)

Liaisons-déliaisons, notes autour d'une lecture politique


de la Poétique de la Relation au Brésil d'aujourd'hui

Comment peut-on repenser une poétique de la démesure, telle que la concevait Glissant dans le DA, face à la politique
de la haine qui traverse/atteint le Brésil d'aujourd'hui? Quels rapports peut-on établir entre l'opacité, nos histoires
non accomplies vis-à-vis de la violence et du racisme, et cette haine de la politique qui s'exprime dans nos temps
actuels ? J'envisage d'aborder ces questions en prenant en compte la libération des pulsions agressives qui tissent (ou
rompent) l'imagination politique du pouvoir au Brésil.

***

Raphaël Lauro (Vassar-Wesleyan Program in Paris)

Œuvre emblématique de la pensée d’Édouard Glissant et fondatrice du corpus littéraire caribéen, Le Discours antillais
surprend d’abord par son intention totalisante, quasi absolue, dont témoigne l’épigraphe empruntée à Frantz Fanon.
Ériger « l’inventaire du réel » antillais, tel semble être en effet l’horizon premier de cet ouvrage vertigineux. Cet
inventaire, Glissant l’établira et le poursuivra toutefois à travers un prisme précis – non moins ouvert à l’étendue –, à
savoir celui du « langage », du « discours » et plus précisément du « passage de l’oral à l’écrit en Martinique », premier
sous-titre donné à ce qui fut à l’origine une thèse de doctorat alors accompagnée d’un deuxième sous-titre : « Essai
d’analyse éclatée d’un discours global ».
7
De fait, une méthode de saisie du réel était d’emblée annoncée, celle de « l’éclatement », déjà revendiquée dès les
premiers poèmes du Sang rivé – des « éclats, accordés à l’effervescence de la terre » –, mise en œuvre dans les essais
antérieurs au Discours et déployée ici « à tous les niveaux ». Or, cette méthode d’approche et d’analyse, mouvement
fondé sur l’accumulation, la reprise, la répétition, les liens, éléments caractéristique de toute la poétique de Glissant,
révèle et éclaire autant la pensée que les axiomes critiques ou poétiques qui la constituent.
À travers une analyse de la composition du Discours antillais et de quelques éléments d’archives – prétexte ou
invitation à une étude génétique contextuelle plus large qu’il reste à entreprendre –, suivie d’un regard porté sur quelques
développements métatextuels, il s’agira ici d’interroger la dimension autoréflexive d’un texte qui, par un détour de la
méthode philosophique, instaure une dynamique propre et institue une démarche nouvelle dans la théorie de la
connaissance.

***

Axel Arthéron (Université des Antilles)

Lorsque l’on se penche sur la place du théâtre dans l’œuvre d’Édouard Glissant, une référence paraît incontournable.
Il s’agit du Discours antillais qui dans le chapitre, très commenté, intitulé « Théâtre, conscience du peuple » a livré les axes
de force d’une approche théâtrale se voulant politique et populaire, c’est-à-dire capable à la fois de dénoncer la réalité et « par
son insertion de changer le réel : de contribuer à la reprise historique »1. Si les numéros 2 et 3 de la revue Acoma avaient déjà
esquissé les premiers jalons de cette réflexion, l’essai paru en 1981 modélisait, avec ampleur, une conception théâtrale qui
tirait parti à la fois d’une expérience artistique concrète – au sein de la troupe de théâtre de l’IME – et de l’observation des
pratiques des troupes théâtrales à la Martinique dans les années 1970. Il s’agira dans cette communication d’examiner les
grandes lignes et présupposés qui structurent une approche du théâtre chez Édouard Glissant en miroir des autres textes -
Préface de la version scénique de Monsieur Toussaint, articles parus dans la revue Lettres nouvelles et partiellement repris
dans Le Discours antillais – qui façonnent sa vision de l’art dramatique.

***

Elena Pessini (Professeur à l’Université de Parme)

Le Discours antillais est souvent présenté par la critique comme une vaste summa qui s’interroge sur l’Histoire, la
société, l’économie, les langues des Antilles et il est indéniable qu’Édouard Glissant y a développé sa réflexion
dans l’ensemble de ces domaines pour fouiller le réel antillais, accomplir “cette tâche colossale” qui consiste à
effectuer “un inventaire du réel”, comme précise la citation de Fanon mise en exergue de l’ouvrage, selon des
modalités qui étaient sans doute restées inédites jusqu’en 1981. Toutefois, une analyse attentive montre que Le
Discours antillais fait souvent place au discours littéraire, au discours sur la littérature, sous des formes très variées:
références à d’autres écrivains (comme Glissant a l’habitude de le faire depuis L’Intention poétique), réflexion
théorique, réflexion sur ses propres œuvres, mais aussi à la littérature tout court car nous y trouvons une moisson
de textes qui échappent au carcan de l’écriture théorique. Au-delà des sections du texte qui annoncent dès leur titre
la thématique littéraire (Histoire et littérature, Littératures nationales, “Le Roman des Amériques”, Sur
l’enseignement des littératures, Sur la “littérature”,…), le questionnement sur la littérature constitue une trame

1
Édouard Glissant, Le Discours Antillais, Paris, Gallimard, col. Folio essais, 1997, p. 712.
8
qui soutient tout le Discours antillais; nous essaierons d’en mettre en évidence les articulations et les modalités
d’énonciation en montrant que l’ouvrage de 1981 n’est pas un texte “à part”, dans l’ensemble de l’œuvre
glissantienne mais qu’au contraire il s’y insère à plein titre, en parfaite cohérence.

***

Bernadette Desorbay (Mcf. Université Humboldt de Berlin)


Comme il l’indique dans L’Intention poétique, Édouard Glissant retire de ses rapports troublés avec la parole
française, un sentiment d’étouffement dont il se libère à l’aide de la parenthèse. Il va, dit-il, jusqu’à en abuser.
C’est un besoin qui se manifeste dès Le Discours antillais, où il n’hésite pas à recourir à l’enchâssement qui fait
vibrer la phrase, ou à réaliser de grandes échappées. Des parenthèses entourent, par exemple, une page entière de
la première section qu’il n’a pas pour rien intitulée « À partir d’une situation “bloquée” ». Ces rejets en dehors du
corps (du texte) renvoient à la nécessité d’un ‘détour’, qu’il opposera plus loin à la notion du ‘retour’. Digression
que la rhétorique appelle ‘parabase’ par analogie avec l’intervention du coryphée dans la tragédie ou la comédie
de la Grèce antique, la parenthèse est aussi, dans une optique plus métaphorique, ce qui permet d’opérer un
décrochement par rapport à la phrase-matrice (acte de naissance), voire, quand elle contredit ce qui précède, de
tuer la phrase-mère (matricide). Nous verrons quelques écarts parabasiques exemplaires d’une chorégraphie qui
rythme, à vrai dire, l’ensemble de l’œuvre glissantienne, ainsi que le trouble (tremblement) dont ils sont à la fois
le reflet et l’épreuve. Je profiterai de l’occasion pour parler également de la réception d’Édouard Glissant en
Allemagne, observée à partir des séminaires que je tiens sur son œuvre à la Humboldt-Universität zu Berlin.

***

Jean-Pol Madou (Professeur à l’Université de Savoie)


Édouard Glissant lecteur de Deleuze, Heidegger et Derrida. La question de la trace et de la différence.
Si les références à la pensée de Derrida et Heidegger sont très peu nombreuses, contrairement à Hegel et Deleuze-
Guattari, la problématique de la Relation ne saurait faire l’économie d’une confrontation avec ces pensées qui
furent dominantes à l’époque du Discours antillais.

***

Lynda-Nawel Tebbani (Université de Lorraine)

Le Discours antillais et l’héritage phénoménologique :


Edouard Glissant lecteur et commentateur d’Husserl

Il s’agira dans cette communication de proposer les héritages et les legs husserliens dans la pensée glissantienne
comme enjeux de succession et de révolution de cette même pensée de la théorie de relation (Husserl) devenue
poétique de la relation (Glissant). Nous pourrons ainsi mettre en exergue les velléités d’une réflexion poétique et
esthétique qui se fondent dans les rhizomes d’une pensée Monde et d’une épistémè créolisée au partir de
phénomènes et d’ideen purement philosophiques mais cependant nominatif du Monde.

***

9
Javier Burdman (Université Goethe de Francfort)

Communication in the Archipelago: Glissant and Lyotard


The work of Édouard Glissant is well known for taking the archipelago as a model for theoretical and political thinking.
Broadly described, “archipelagic thinking” refers to a kind of thinking that takes place in relation to other kinds of thinking,
without presupposing a common ground between them. While archipelagic thinking represents a response to the
philosophical project of developing a totalizing meta-language, it shares philosophy’s aspiration to develop more universal
means of communication. My paper explores the connection between archipelago, communication, and universality by
reading Glissant in dialogue with another proponent of the archipelago as a model for philosophy and politics: Jean-François
Lyotard. In his central political book The Differend, Lyotard claims that critical judgments are akin to a ship connecting
different islands in an archipelago. Rather than looking for a common language that unifies the islands, the sailor presents
to one island the language of another, generating new possibilities for communication. Both Lyotard and Glissant, I argue,
mobilize the symbol of the archipelago to affirm the open-ended invention of new means of communication, by contrast
to the philosophical attempt to ground communication upon a meta-language. This leads to what I call a “universality in
relation”: a kind of language whose universal appeal is the open-ended establishment of relations with other languages.

***

Juliette Éloi-Blézès (Académie de la Martinique)


L’IME, atelier du Discours antillais. « Voici le lieu. Le réceptacle, l’urne de tout ce bruit2»

Aucune notice biographique sérieuse n’omet de mentionner qu’Edouard Glissant a créé, en 1967, avec Marc
Pulvar, l’Institut martiniquais d’étude (l’IME). Qui veut de plus amples informations, doit se référer à une note du
premier numéro de la revue ACOMA paru en 1971, laquelle présente l’IME comme une « organisation semi
artisanale » englobant à la fois une école et un « complexe culturel » .Suit un historique résumant les activités de ces
quatre années.
Alors quand paraît, dix ans après, le monumental Discours Antillais, on est impatient d’en savoir plus. Mais on reste
sur sa faim : pas un chapitre, pas un paragraphe consacré spécifiquement à l’IME, aux défis de toutes sortes qui ont
balisé son histoire pendant toute la période de préparation et de mise en forme du Discours antillais. Seules des notes
signalent que tel ou tel colloque, séminaire, s’est tenu à l’Institut ou a été organisé par lui ou encore que « l’ensemble
du DA y a fait l’objet d’un cours public d’octobre 1978 à mai 1979. »
Notre objectif est de montrer que l’IME, centre de logistique et d’archivage , école et complexe culturel, fut ( pour
continuer à paraphraser La Lézarde) « la cuve » , « l’ébullition », « la chaudière » où a baratté, mûri le projet
d’Edouard Glissant de questionner le réel martiniquais, antillais, dans ses différents aspects, même dans ce qui
paraîtrait le plus anodin ou le plus folklorique, la finalité étant de connaître pour faire connaître et enseigner, comme
le disait déjà le Mathieu de son premier roman , car « [t]out est vague, tout est diffus, tant que l’homme n’a pas défini,
et pesé. »

2
La Lézarde III, 5 p.215 (Poche)
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