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Le tout premier colloque international mené par le Centre international d'études Édouard Glissant
de l’Institut du Tout-Monde, en partenariat avec l’Université de Cambridge (Magdalene College) et
l’Université des Antilles (pôles Martinique et Guadeloupe) sera consacré à l'essai à ce jour le plus lu,
le plus traduit et le plus étudié par le monde au sein de l'œuvre conceptuelle d'Édouard Glissant :
Le Discours antillais paru au Seuil en 1981. Il s'agira d'un colloque en trois sessions menées à Paris,
Cambridge et Fort-de-France, dessinant un rhizome de lecture glissantienne.
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- INSTITUTIONS ORGANISATRICES : Centre international d'études Édouard Glissant de l'Institut du
Tout-Monde, Université de Cambridge (Magdalene College), Université des Antilles.
La fortune critique qu'a connu et que connaît encore Le Discours antillais quant à la réception de
l'œuvre conceptuelle d'Édouard Glissant doit certainement beaucoup à l'allure exhaustive de
l'étude, tout entière placée dans son inspiration comme dans son ambition intellectuelle, sous
l'épigraphe de Frantz Fanon : « une tâche colossale que l'inventaire du réel ». Or, c'est aussi cet
aspect qui a étonné lors de la publication de l'ouvrage en 1981 au Seuil : il faut croire que cette
ambition d'embrasser le réel de la société antillaise a également dérouté quant à la liberté de sa
méthode, cette « hardiesse méthodologique » dont se revendique alors celui qui a déjà une œuvre
littéraire derrière lui. Ce double effet dit en lui-même une fascination et un étonnement qui n'a
pas cessé depuis la publication, dépassant les classifications.
Ce paradoxe d'une réception critique dit certainement aussi la difficulté à percevoir correctement
la place de l'ouvrage dans la réflexion d'Édouard Glissant, dont on a pu constater ultérieurement
qu'elle ne pouvait s'apprécier qu'au gré du paradigme du mouvement. C'est à ce mouvement que
s'est identifiée cette pensée, tout au long des développements souvent imprévisibles de l'œuvre.
Comment comprendre par exemple, au gré de ce mouvement, ce moment de l'« antillanité », au
regard de la créolisation portée avec davantage d'intensité au tournant des années quatre-vingt-
dix ? C'est l'une des nombreuses questions qu'engagent les nécessaires relectures du Discours
antillais, que le colloque s'efforcera de susciter, selon plusieurs axes :
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démarche comparatiste, on mettra aussi en lumière les liens du Discours avec le contexte
intellectuel de sa publication.
- Antillanité et créolisation : On a souvent insisté sur la notion d'antillanité dans l'essai de 1981.
Cependant, comment envisager l'articulation d'une quête identitaire avec le processus de
créolisation, nécessairement en devenir et déjouant l'ancrage ? Le Discours antillais marque-t-il de
ce point de vue un moment de nature à être dépassé, ou fonde-t-il le contre-modèle initial du tout-
monde ? En envisageant le devenir de la pensée glissantienne, on réexaminera la place du Discours.
- L'énoncé d'une poétique, l'intention d'une politique : Le Discours antillais fait émerger une
parole hors champ. Il articule une parole-paysage nouée aux enjeux d'une conscience politique
nouvelle, que nous entendons aujourd'hui. Il s'agira par nos travaux de rendre vivante cette double
présence.
- Le Discours antillais dans l'œuvre : L'essai marque l'un des sommets de la réflexion théorique,
chez un écrivain qui toujours a avoué sa prédilection pour le dialogue entre les genres littéraires,
et chez qui la jonction entre pensée et création est cruciale. Comment envisager dès lors l'insertion
du Discours et de sa matière dans les romans, la poésie et le théâtre ? Comment articuler le
contenu idéologique du Discours avec le reste de l'œuvre sans procéder à des complexifications
artificielles ?
De manière générale, Le Discours antillais ne sera pas envisagé séparément du reste de l'œuvre
d'Édouard Glissant, qu'il s'agisse des développements spéculatifs ultérieurs ou d'une vision du
monde au sens large qui n'a cessé de ménager d'intenses et nombreuses ramifications. Il sera
question de proposer une relecture de l'essai dans l'assise de l'œuvre laissée par l'écrivain, et d'en
interroger la pertinence en regard du monde actuel.
colloque2019@tout-monde.com
www.tout-monde.com/centre.colloques.html
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PRÉ-PROGRAMME
MATIN
APRÈS-MIDI
- 14h-14h45 :
▪ Ana Kiffer (Université catholique de Rio de Janeiro), « Liaisons-déliaisons, notes autour d'une
lecture politique de la Poétique de la Relation au Brésil d'aujourd'hui »
▪ Pierre Carpentier (Organisation guyanaise des droits de l’homme), « Le Discours antillais,
manifeste anticolonialiste et poétique de la nation Martinique. Un rapprochement guyanais. »
- 17h-18h15 : Contributions du CERC (Centre d’études et de recherches comparatistes), Paris III Sorbonne-
Nouvelle, sous la direction de Tiphaine Samoyault
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▪ Tumba Shango-Lokoho, « Le Discours antillais et l’Afrique »
▪ Tiphaine Samoyault / Ludivine Bouton-Kelly, « Le Discours antillais et la traduction »
▪ Table ronde des doctorants
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MATIN
APRÈS-MIDI
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- 9h15-12h : Antillanité, créolisation, pensée de la Caraïbe. Président de séance : Loïc Céry
▪ Corinne Mencé-Caster (Sorbonne Université), « Le Discours antillais comme matrice d'un lexique
de la “proto-créolisation” ? »
▪ Juliette Éloi-Blézès (Académie de Martinique), « L'IME, l'atelier du Discours antillais »
▪ Caroline Soukaï, « Le Discours antillais : pour une exégèse fondatrice des littératures antillaises »
▪ Ewa Grotowska-Delin (Univ. des Antilles) « Le Discours antillais et ses multiples ramifications »
▪ Yves Chemla (IUT Paris), « Lecture de Gouverneur de la rosée de Jacques Roumain à l’aune du
Discours antillais d’Édouard Glissant »
▪ Dominique Aurélia / Laura Carvigan-Cassin (Université des Antilles), Présentation de la session
antillaise du colloque, 5-6 novembre 2019.
APRÈS-MIDI
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MATIN
APRÈS-MIDI
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Comment peut-on repenser une poétique de la démesure, telle que la concevait Glissant dans le DA, face à la politique
de la haine qui traverse/atteint le Brésil d'aujourd'hui? Quels rapports peut-on établir entre l'opacité, nos histoires
non accomplies vis-à-vis de la violence et du racisme, et cette haine de la politique qui s'exprime dans nos temps
actuels ? J'envisage d'aborder ces questions en prenant en compte la libération des pulsions agressives qui tissent (ou
rompent) l'imagination politique du pouvoir au Brésil.
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Œuvre emblématique de la pensée d’Édouard Glissant et fondatrice du corpus littéraire caribéen, Le Discours antillais
surprend d’abord par son intention totalisante, quasi absolue, dont témoigne l’épigraphe empruntée à Frantz Fanon.
Ériger « l’inventaire du réel » antillais, tel semble être en effet l’horizon premier de cet ouvrage vertigineux. Cet
inventaire, Glissant l’établira et le poursuivra toutefois à travers un prisme précis – non moins ouvert à l’étendue –, à
savoir celui du « langage », du « discours » et plus précisément du « passage de l’oral à l’écrit en Martinique », premier
sous-titre donné à ce qui fut à l’origine une thèse de doctorat alors accompagnée d’un deuxième sous-titre : « Essai
d’analyse éclatée d’un discours global ».
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De fait, une méthode de saisie du réel était d’emblée annoncée, celle de « l’éclatement », déjà revendiquée dès les
premiers poèmes du Sang rivé – des « éclats, accordés à l’effervescence de la terre » –, mise en œuvre dans les essais
antérieurs au Discours et déployée ici « à tous les niveaux ». Or, cette méthode d’approche et d’analyse, mouvement
fondé sur l’accumulation, la reprise, la répétition, les liens, éléments caractéristique de toute la poétique de Glissant,
révèle et éclaire autant la pensée que les axiomes critiques ou poétiques qui la constituent.
À travers une analyse de la composition du Discours antillais et de quelques éléments d’archives – prétexte ou
invitation à une étude génétique contextuelle plus large qu’il reste à entreprendre –, suivie d’un regard porté sur quelques
développements métatextuels, il s’agira ici d’interroger la dimension autoréflexive d’un texte qui, par un détour de la
méthode philosophique, instaure une dynamique propre et institue une démarche nouvelle dans la théorie de la
connaissance.
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Lorsque l’on se penche sur la place du théâtre dans l’œuvre d’Édouard Glissant, une référence paraît incontournable.
Il s’agit du Discours antillais qui dans le chapitre, très commenté, intitulé « Théâtre, conscience du peuple » a livré les axes
de force d’une approche théâtrale se voulant politique et populaire, c’est-à-dire capable à la fois de dénoncer la réalité et « par
son insertion de changer le réel : de contribuer à la reprise historique »1. Si les numéros 2 et 3 de la revue Acoma avaient déjà
esquissé les premiers jalons de cette réflexion, l’essai paru en 1981 modélisait, avec ampleur, une conception théâtrale qui
tirait parti à la fois d’une expérience artistique concrète – au sein de la troupe de théâtre de l’IME – et de l’observation des
pratiques des troupes théâtrales à la Martinique dans les années 1970. Il s’agira dans cette communication d’examiner les
grandes lignes et présupposés qui structurent une approche du théâtre chez Édouard Glissant en miroir des autres textes -
Préface de la version scénique de Monsieur Toussaint, articles parus dans la revue Lettres nouvelles et partiellement repris
dans Le Discours antillais – qui façonnent sa vision de l’art dramatique.
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Le Discours antillais est souvent présenté par la critique comme une vaste summa qui s’interroge sur l’Histoire, la
société, l’économie, les langues des Antilles et il est indéniable qu’Édouard Glissant y a développé sa réflexion
dans l’ensemble de ces domaines pour fouiller le réel antillais, accomplir “cette tâche colossale” qui consiste à
effectuer “un inventaire du réel”, comme précise la citation de Fanon mise en exergue de l’ouvrage, selon des
modalités qui étaient sans doute restées inédites jusqu’en 1981. Toutefois, une analyse attentive montre que Le
Discours antillais fait souvent place au discours littéraire, au discours sur la littérature, sous des formes très variées:
références à d’autres écrivains (comme Glissant a l’habitude de le faire depuis L’Intention poétique), réflexion
théorique, réflexion sur ses propres œuvres, mais aussi à la littérature tout court car nous y trouvons une moisson
de textes qui échappent au carcan de l’écriture théorique. Au-delà des sections du texte qui annoncent dès leur titre
la thématique littéraire (Histoire et littérature, Littératures nationales, “Le Roman des Amériques”, Sur
l’enseignement des littératures, Sur la “littérature”,…), le questionnement sur la littérature constitue une trame
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Édouard Glissant, Le Discours Antillais, Paris, Gallimard, col. Folio essais, 1997, p. 712.
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qui soutient tout le Discours antillais; nous essaierons d’en mettre en évidence les articulations et les modalités
d’énonciation en montrant que l’ouvrage de 1981 n’est pas un texte “à part”, dans l’ensemble de l’œuvre
glissantienne mais qu’au contraire il s’y insère à plein titre, en parfaite cohérence.
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Il s’agira dans cette communication de proposer les héritages et les legs husserliens dans la pensée glissantienne
comme enjeux de succession et de révolution de cette même pensée de la théorie de relation (Husserl) devenue
poétique de la relation (Glissant). Nous pourrons ainsi mettre en exergue les velléités d’une réflexion poétique et
esthétique qui se fondent dans les rhizomes d’une pensée Monde et d’une épistémè créolisée au partir de
phénomènes et d’ideen purement philosophiques mais cependant nominatif du Monde.
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Javier Burdman (Université Goethe de Francfort)
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Aucune notice biographique sérieuse n’omet de mentionner qu’Edouard Glissant a créé, en 1967, avec Marc
Pulvar, l’Institut martiniquais d’étude (l’IME). Qui veut de plus amples informations, doit se référer à une note du
premier numéro de la revue ACOMA paru en 1971, laquelle présente l’IME comme une « organisation semi
artisanale » englobant à la fois une école et un « complexe culturel » .Suit un historique résumant les activités de ces
quatre années.
Alors quand paraît, dix ans après, le monumental Discours Antillais, on est impatient d’en savoir plus. Mais on reste
sur sa faim : pas un chapitre, pas un paragraphe consacré spécifiquement à l’IME, aux défis de toutes sortes qui ont
balisé son histoire pendant toute la période de préparation et de mise en forme du Discours antillais. Seules des notes
signalent que tel ou tel colloque, séminaire, s’est tenu à l’Institut ou a été organisé par lui ou encore que « l’ensemble
du DA y a fait l’objet d’un cours public d’octobre 1978 à mai 1979. »
Notre objectif est de montrer que l’IME, centre de logistique et d’archivage , école et complexe culturel, fut ( pour
continuer à paraphraser La Lézarde) « la cuve » , « l’ébullition », « la chaudière » où a baratté, mûri le projet
d’Edouard Glissant de questionner le réel martiniquais, antillais, dans ses différents aspects, même dans ce qui
paraîtrait le plus anodin ou le plus folklorique, la finalité étant de connaître pour faire connaître et enseigner, comme
le disait déjà le Mathieu de son premier roman , car « [t]out est vague, tout est diffus, tant que l’homme n’a pas défini,
et pesé. »
2
La Lézarde III, 5 p.215 (Poche)
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