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Ethnologie française.
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Marquage
- parcoïncidence
- parcorrespondance
avec:
'
i 1
unpian l'ordrenatureldeschiffres
(marquesésotériques) |
systèmeséquentiel à base
système
sansbase
- parsystème articulation
de première
et généralement
face d'établissage, en bas ou en bout On constatedoncque la dernière
exigencedes mar-
de pièce,selonque la pièce est verticaleou horizon- quages peut être ambiguë:individualisme et ésoté-
tale. rismepeuventêtre recherchés tout autantque leur
Le charpentier doitsans risquede confusionrecon- inverse,clartéet normalisation
(Cf. l'entretien
avec
naîtrechaquepièceen fonction, commeon le verra,de GastonGrenotdansYAnnexe).
typesde discriminants.
différents
B. Le systèmeemployépour marquerles bois doit 2. Les systèmes
pouvoirs'adapteravec souplesseà tous les typesde Les exigencesétantdéfinies,nous allonsentrevoir
que l'ouvrierest amenéà concevoir:com-
structures
quel sortleurestréservédansles schémasintellectuels
ble,colombage,beffroi,
pressoir,pont,etc. dumarquage.
C. La règled'économiemaximum Rappelonscependantqu'aucunetentativede des-
poussele charpen- criptionexhaustive des variations
tierà utiliserun nombrele plus restreint possiblede les, et encoremoinsde leurinterprétation historiques régiona-
signes différents3.Dans ce cas, en effet, l'effort de anthropolo-
mémorisation et de manipulation du systèmede mar- gique, ne peutêtrefaitedansl'étatactueldes connais-
sera sances. Cette étude resteranécessairement fragmen-
ques d'autantplus faible. taire.
D. Le travaildu charpentier estuntravaild'équipequi 1.
comporte une divisiondes tâchesparfoishiérarchique, Marquage parcoïncidence
voire conflictuelle. «L'orientvautle trait»proclame Ce mode semblecaractéristique de tousles assem-
fermement un dictonentenduen 1978chezles Compa- blagesde charpente en France: les deuxpiècesà join-
gnonscharpentiers du Devoir. S'il prendla peinede dreportent unemêmemarqueau droitde l'assemblage
l'affirmer, c'estque la perception de cetteéquationn'a en question.(Bien que souventredondantes, ces mar-
pastoujours étéde soi. ques ne sont pas portéesexhaustivement à tous les
Que signifiecet adage sybillin?L'« orient»est la assemblages.) Un exempleproposéparMarcelLe Port
qualitéde l'hommede chantier, du charpentier (bien) présente cettesituation extrême où le système principal
«orienté»qui saiten un clind'œilorganiser une manu- de repéragedes traverses d'un beffroi (églisede Cam-
tention, une manœuvre de levage: c'estun mélangede pan, Hautes-Pyrénées) se faitentreelles par coïnci-
bon sens,d'agilitéd'espritet d'expérience appliquésà dence; dans ce cas-là,les piècesmarquéesn'ontpour
la dynamique d'unchantier. Il faitappelà des qualités tout pointcommunque d'êtreparallèles,sans avoir
qui sonten généralpossédéespar bon nombrede ru- d'assemblage commun (Fig.1).
rauxhabituésaux travauxde forceet aux manœuvres
de charroi4.
Le «trait»,lui, concernela pratiquedu dessinde
charpente et estréservéà un personnage
souventsans comprendre
particulier,
«gâcheur5»,c'est lui qui trace,qui marqueles pièces;
d'autresexécutent,
turedu bâti. Mais le responsabledu levagen'a pas
le
la struc- k A '
> /l' l
forcément besoind'êtrel'auteurde la conception pour
peu qu'il puissereconnaître les piècesdu tas de bois
grâceà un repérageconventionnel qu'il a en commun
avec le concepteur. C'esttoutel'utilité de la normalisa-
tionactuellepermettant une relativemobilitédes per-
S l' ' )
sonnes: nul n'est indispensable.Mais ce principe
mêmea pu êtrerejetédans des circonstances où le
concepteur entendait conserver la hautemainsurune
mêmeconstruction. Dès 1627,Mathurin Joussenous
1. Troispiècesde charpente
expliquecetteréalité: horizontales
etparallèlesd'un beffroi
« Ils ontaussidescontres oufaussesmarques, donton àmation
l'églisede Campan,Hautes-Pyrénées, portentchacuneune infor-
ditque quelques-uns se servent graphiquecomplémentaire pour guiderle charpentierlors
pourempêcher que d'au- de leur levage. Il s'agit d'un marquagepar coïncidence.Relevé
tresqu'eux-mêmes nemontent leursouvrages6. » d'aprèsundessinde MarcelLe Port.
"° - n- *v
correspondredeuxpiècesportant exactement la même
information.
2. Marquage parcorrespondance
Face à un nombrede piècesplusimportant que dans
le cas précédent qui esttrèsexceptionnel, les charpen-
tierssonttrèsfréquemment amenésà concevoirleur
travaild'une manièrerépétitive. Chaque assemblage
ou pièce prendainsi une place au sein d'une série
ordinalefaisant, ou non,référence à l'ordrenaturel des
chiffres.L'ordrecorrespond toujoursà l'orientation de
la démarche de levage: de nosjours,préciseMarcelLe
Port,les charpentiers leurpremière
établissent fermeà
l'ouestpourrecevoirla lumièrede l'estle matin;elle
2. Le marquagepar coïncidenceestfréquemment employépar les est signaléepar la marqueordinale«un», signifiant
menuisiers de châssisparexemple.
pourl'établissage
Ce relevéa étéfaitd'aprèsun dessinde l'ouvragede G. Steelet que cetteferme serala première montée.
R. Paye,Constructionsenbois,Bruxelles,Éd. Érasme,p. 52. Plusieurscas de figurese présentent et ellesontdes
anthropologiques
significations différentes.
tir a
Prenonsla charpentede la Fig. 4: chaque assem-
blageconstitue uneentitéporteused'unsigneoriginal,
ou éventuellement répétépar hasard(c'est le cas des
deux assemblagesdu mêmecôté sur la fermenotée
«un, contremarque». Mais manifestement le concep-
teur connaissaitdes systèmesplus conventionnels
puisqu'ilsaity fairemalicieusement référence: principe
ordinal:II, III, IIII; ou divisiond'unefermeen demi-
plansdontl'un portela contremarque caractéristique.
Toutesces marques,dontcertaines n'ontpu êtrerele-
vées pour des raisonstechniques, sonthomogèneset
d'origine(marquesau ciseau).
3. Le principede la coïncidences'emploie,plusfréquemment que au sys-
surlesfiguresprécédentes,pourindiquerla correspondancedeuxà Fig. 5. Cet exemplecompositefaitréférence
deux de pièces de charpenteà Les
assembler. deux piècesportent tèmeordinalen ce qui concernel'ordrede levagedes
alorsunemêmeinformation. à tenonetmortaise.
Ici assemblage élémentsde structure poinçons,sous-
longitudinale:
/A fft'
Air* ''''% b
// Mil ''
1/' liljlll! Jg
'
ABC
/- -¥-7
nir.L'oppositionbinairefranc(degrézéro) / contre-
marque(degréun) de la ferme C n'est valable que
pour cette seule ferme,et non pour l'ensembledes
demi-plans gauche/droite commeil est coutumede le
faire.
Ferme B, la structure colombagequi caractérise
cettefermede refendse révèlesurdéterminante quant M Al
au principe de marquage;c'estici le côtérépétitifde la
successiondes poteletsqui amènela suppression
notionsde demi-plans
la permanencedu signepatte d'oie pour toutesles
des
droitet gauche,et l'on observe A A
pièces de remplissage,
transition.
numérotées
Les piècesde structure,
de un à six sans
elles,n'ontrévélé M M
aucune marque spécifique(arbalétriers, entrait),et
c'estpeut-être
ractéristique
cetteabsence(degré0) qui est leurca-
sémiologique pourla ferme B. II Ik
Fig. 6. Dernier exemplede marquageésotérique,
III Ilk
- 4- - un
fournipar une charpenteutilisantapparemment un
im
principe ordinalconforme à l'ordrenaturel des chiffres,
et l'opposition binairefranc/contremarque correspon-
dant aux demi-plans gauche-droite: on déchantevite
lorsqu'onconstatecomment ces pseudo-principes sont
réellement appliqués!Pourcorserla chose,le charpen-
tieremploieaux extrémités des signesoriginaux, très
vaguement soumisà l'opposition droite(un seulsigne)
/gauche(deuxsignes).Il y a de quoi donnerdes soucis
à plusd'unlevageur nonlégitime ! Jean-Louis Taupin7 6. Autreexemplede marquagepar correspondance avec un plan
décrit,pour sa part,le cas de l'églisede l'abbaye de montage,graphiqueou mémorisé.Charpentede l'hôtel de
d'Ambronay (Ain) dontle marquage,conforme à un Noailles(Oise), 1759.
plan,se faitpar utilisationde signesempruntés à l'al-
phabetrunique,ou du moinsà l'imageque pouvaient
s'en fairedes hommesdu XVIIIesiècleaprèssa repro-
duction dansYEncyclopédie.
Dans les cas que nous avons cités,le charpentier
semble généralement connaîtretout ou partied'un
code plus conventionnel puisqueles allusionsy sont
ÏÏ 'a ~ï^
faitescouramment.
La lectureparpropagation surunemêmepiècecom-
portantplusieursassemblagesavec marquesésotéri-
ques peutconstituer un auxiliaireappréciépourla re-
connaissancede l'enchaînement des opérationsde
montage : parexemple,l'entrait retroussé (Fig.7) nous 1. Cettepièce de charpente, provenantde Vexemple5, portetrois
Sa lecturepar le charpentier,
apportetroisindications sur les pièces qui l'environ- marquesdifférentes. toujourspar
avec un plan, est aidée par la propagationde
nent.Par cetteinformation, le charpentier évitede se correspondancesur la pièce même: les complémentaires
l'information des trois
reporterdeux fois à son code. Cette possibilitéde demi-assemblages sontinstantanément
connus.
lecturepar propagation intervient par ailleurssurtou- Mais le cas le plusfréquemment rencontré concerne
tes les charpentes à pan de bois en complément de(dès le XIIe siècle)une numération à base. Son évolu-
n'importe quel principede marquage,maisson intérêt tion faittoutparticulièrement l'objet d'un historique
est moinsévidentpour des références à des codes parMarcelLe Port,pourla tradition savante,ainsique
numériques conventionnels : l'entraitde la fermeB de parJean-Louis Taupin,pourla régionalpine.En adop-
la Fig.5 nousannonceinstantanément parses marques tantgénéralement la base cinq9,le système peututili-
touteslespiècesde colombage qu'elleva accueillir. serun nombrevariablede signesdifférents. Jean-Louis
Taupinpose le problèmede l'existence possibled'une
Correspondance avec l'ordrenatureldes chiffres. écritureoriginaleà base7, observéedans l'églisede
Lorsquele charpentier,soucieuxde lisibilité,
optepour Bailly-le-Franc. Mais, dans la plupartdes cas, nous
un marquageconforme à l'ordrenatureldes chiffres,
il avons affaireà une écritureprochedes chiffres ro-
peutemployer unenumération séquentielleetsansbase mains,simplement adaptésauxexigences du graphisme
commele révèlent les examensdes premières charpen- sur le bois (Fig.9). Ce mode de marquageavec ces
tes connues(XIIesiècleà Lez Fontaines,Nord8).Le nombreuses variations historiques et régionales semble
nombred'entaillesaugmenteavec celui des éléhients prédominer en Francepourla charpente savante,ce
de la structure.
MaisJean-Louis Taupinconstateégale- qui amèneMarcelLe Portà cetteremarquepeut-être
mentl'emploisystématique de ce procédédans la ré- hâtiveence quiconcerne la charpente populaire :
gion des Alpes jusqu'à la fin du XIXesiècle. Ceci « L'évolutionde la manièrede marquerles bois telle
sembleexclurel'hypothèse qu'unetellepratiquesoitle que nousla présentons traduitla formela pluscourante
faitde charpentiers
illettrés
(Fig.8). et quasi généralequi futemployée sur une surfacedu
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nono ececee 9. Les marquesde charpente
nièressurlespiècesde bois:
de différentes
peuvents'effectuer ma-
qui couvrepratiquement
territoire la Francedans ses 10. La nécessité de pratiquer
des combinaisons de marquagesdiffé-
actuelles.Il y a doncde forteschancespour
frontières rentsintervient toutparticulièrement lorsque de nombreuxplans
existentdans la construction de pans de bois ou de
qu'une charpente que nous n'aurionspas visitéesoit différents
toiturescomplexes,par exemple.A chacunedes entitéssuivantes
marquée selonceprincipe. » unmonème(ou graphème)
peutcorrespondre particulier:
Cette affirmation établiraitl'évidencede tous les A : pignon;
systèmesde marquagedes charpentes, principepeu B : plandefaîtageetde sous-faîtage;
confortéparles quelquesexemplesde charpente rurale C : côtédroitd'unemaison,à l'exclusion
D : arêtier
etseschevrons
dupignon;
rencontrésplushaut. (empanons).
J1 (Fig.5), voirmême
fermeen deuxcôtésindépendants
en simplesassemblagesporteursd'une marquediffé-
renteà chaquefois.
Pourillustrer toutesles possibilités,utiliséesou non,
offertes au charpentier par l'articulation,nous pren-
A Al dronsun exemplefourni
Saint-Just-les-Marais
parun hangarà pande boisà
(Oise) dontnousavonsrelevéla
desmarques.
quasi-totalité
Reconstituons la démarche de l'ouvrier faceà sontas
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Tournisse Chevillé haute basse | UNIIIHAAl
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courte longue
14.Hangardupresbytèrede Saint-
Just-des-
Marais(Oises).
Voirlégendepageprécédente.
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U kA U à | P
un/franc con^renranqueun7patted oie un monfe un,tras un,cfern-cercle
conrrennarque,
un monte
► ANNEXE ► NOTES
avecGastonGrenot
Entretien Je tiensà exprimerma reconnaissancepour
anciencommischarpentier leursprécieuxconseilsà MM. Marcel Le Port,
compagnon-charpentier, FernandMeyer,ingé-
Oise
Petit-Lihus, nieurau Centrede morphologiemathématique
et
de l Ecole des Mines PhilippeRichard,ingé-
25 septembre
1981 nieurau Centred'ethnologie
française.