Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
et le sport
Alain Berthoz
Jean-Franois Caron
Marie-Florence Grenier-Loustalot
Charles-Yannick Guezennec
Pierre Letellier
Claude Lory
Denis Masseglia
Nicolas Puget
Isabelle Queval
Yves Rmond
Fabien Roland
Jean-Franois Toussaint
Jean-Luc Veuthey
8ddgYdcceVg
B^c]"I]j9^c]"6jYdj^c
GdhZ6\ch?VXfjZhn!
9Vc^aZDa^k^ZgZiEVjaG^\cn
L I V R E S
La chimie et le sport
Cet ouvrage est issu du colloque « Chimie et Sport »,
qui s’est déroulé le 24 mars 2010 à la Maison de la Chimie.
Collection dirigée par Paul Rigny
La chimie
et le sport
Alain Berthoz, Jean-François Caron, Marie-Florence Grenier-Loustalot,
Charles-Yannick Guezennec, Pierre Letellier, Claude Lory, Denis Masseglia, Nicolas Puget,
Isabelle Queval, Yves Rémond, Fabien Roland, Jean-François Toussaint, Jean-Luc Veuthey
Imprimé en France
ISBN : 978-2-7598-0596-9
EDP Sciences
17, avenue du Hoggar, P.A. de Courtabœuf, BP 112
91944 Les Ulis Cedex A, France
Ont contribué à la rédaction
de cet ouvrage :
Partie 1
La quête et les limites de la performance
Chapitre 1 : Optimisation des performances,
complexité des systèmes
et confrontation aux limites
par Jean-François Toussaint .......................... 45
Chapitre 2 : La fabrique des surhommes :
corps entraîné, corps dopé, corps augmenté
par Isabelle Queval ......................................... 77
Chapitre 3 : Technologie et performance sportive
par D’après la conférence
de Denis Masseglia ............................................ 99
Chapitre 4 : Comprendre la physico-chimie
par la plongée sous-marine. Comprendre
la plongée sous-marine par la physico-chimie
par Pierre Letellier ....................................... 111
Partie 2
Les molécules de la performance
Chapitre 5 : Effets de l’exercice physique
et de l’entraînement sur la neurochimie
cérébrale : effets sur la performance
et la santé mentale
par Charles-Yannick Guezennec .................. 137 7
La chimie et le sport
Partie 3
Les matériaux de la performance
Chapitre 8 : Les matériaux composites
dans le sport
par Yves Rémond et Jean-François Caron .... 195
Chapitre 9 : Performance d’un ski de course :
structure composite et glisse sur neige
par Nicolas Puget .......................................... 211
Chapitre 10 : Revêtements complexes antifriction
pour les composants moteurs automobiles.
De la F1 à la grande série
par Claude Lory ............................................. 227
Chapitre 11 : Des textiles pour sportifs.
Apport de la chimie pour améliorer
confort et performances
par Fabien Roland ......................................... 239
Glossaire .............................................................. 255
Crédits photographiques ..................................... 257
8
Paul Rigny Rédacteur en chef L’actualité Chimique
Avant-
propos
L’Actualité Chimique veut dans nos vies quotidiennes,
contribuer à faire connaître ces ouvrages demandent à
à un large public l’impact leurs lecteurs de disposer
qu’ont, par leurs résultats, d’une certaine base de culture
les Sciences Chimiques sur scientifique, au moins celle
sa vie quotidienne. Dans le d’un baccalauréat scienti-
même objectif, la Fondation fique, et pas seulement de la
de la Maison de la Chimie or- curiosité qui les a conduits à
ganise des colloques et autres s’en approcher.
manifestations scientifiques S’ils ne sont pas, stricto
qui traitent chaque fois d’un sensu, les comptes rendus
domaine d’application parti- des colloques de la Fondation,
culier (la mer, la santé, l’art, ces ouvrages en présentent
l’alimentation… et beaucoup néanmoins les contenus
d’autres champs qui concer- d’une façon fidèle. Les divers
nent la vie en société). La chapitres reposent de façon
rencontre entre ces deux ini- étroite sur les conférences
tiatives donne naissance aux qui y ont été présentées. Un
ouvrages, confiés à l’éditeur soigneux travail de rédaction,
EDP Sciences pour l’édition et concerté avec les auteurs
la diffusion, « La chimie et… », des conférences, en reprend
qui veulent pérenniser les en- les messages, en y ajoutant,
seignements des colloques. parfois, des contenus
Après les volumes, La chimie pédagogiques permettant
et la mer, ensemble au service l’accès du plus grand nombre
de l’homme, La chimie et la san- et harmonisant les niveaux
té, au service de l’homme, La de formation nécessaires
chimie et l’art, le génie au ser- pour aborder les différents
vice de l’homme, La chimie et chapitres. Ce travail a été
l’alimentation, pour le bien-être fait par une équipe éditoriale
de l’homme, c’est aujourd’hui constituée de représentants
La chimie et le sport que vous de la Fondation, de L’Actualité
présente la collection L’Actua- Chimique (Société Chimique
lité Chimique – Livres. Même de France) ainsi que de la
s’ils veulent faire connaître à un Fédération Française pour les
large public les apports mul- sciences de la Chimie qui a
tiples et souvent insoupçon- travaillé en étroit contact avec
nés des Sciences Chimiques les conférenciers du colloque.
La chimie et le sport
10
Bernard Bigot Président de la Fondation de la Maison de la Chimie
Préface
La Fondation de la Maison de listes. Nous faisons pour cela
la Chimie1 est une Fondation appel aux meilleurs experts
d’utilité publique qui a été scientifiques, techniques et
créée en 1927 à l’occasion du praticiens du domaine, qu’ils
centenaire de la naissance du viennent de la sphère pu-
grand chimiste français du blique ou du secteur privé.
XIXe siècle Marcelin Berthelot Après La chimie et la mer,
pour honorer sa mémoire La chimie et la santé, La
d’homme de science et chimie et l’art, La chimie et
d’humaniste. Selon ses l’alimentation, en l’année des
statuts, elle a pour objet Jeux olympiques d’hiver 2010,
d’œuvrer à la promotion de ce sont les liens qui unissent
la Chimie et de faciliter les les sciences et technologies
relations entre les savants, les de la chimie et les activités
entrepreneurs et l’ensemble sportives que nous avons
de la société. voulu explorer.
À cette fin, elle gère un centre Le contenu du colloque
de congrès et de séminaires, « Chimie et Sport » du 24 mars
la Maison de la Chimie, dans 2010 a servi de base à cet ou-
lequel nous organisons de- vrage qui se veut être acces-
puis trois ans une série de sible à tous, en particulier aux
colloques à destination d’un jeunes, avec la volonté d’être
large public, et en particulier un outil de vulgarisation et
des jeunes et de leurs ensei- d’actualisation des connais-
gnants, afin de faire mieux sances ainsi que des innova-
connaître ce que les concepts, tions du thème concerné.
les outils et les applications De tout temps l’homme a re-
de la chimie apportent ou cherché à travers le sport
pourront apporter dans notre l’entretien de sa forme phy-
vie quotidienne, et plus lar- sique, mais aussi son plaisir,
gement à la société. Et cela son bien-être, bien souvent
dans l’esprit d’en débattre si aussi la connaissance de soi-
les choses doivent être com- même et le dépassement de
plétées ou ajustées. Nous ses limites : toujours plus vite,
voulons que ces débats s’ap- toujours plus loin, toujours
puient scientifiquement sur plus haut, toujours plus résis-
les meilleures connaissances, tant, toujours plus fort !
les plus actualisées, mais Dans le chapitre introductif
aussi identifient nos igno- sur la « simplexité », le Pro-
rances et puissent répondre fesseur Alain Berthoz, acadé-
aux interrogations ou aux micien et professeur au Col-
inquiétudes des non spécia- lège de France, nous explique
par des exemples faisant ap-
1. www.maisondelachimie.com pel à la perception visuelle, au
La chimie et le sport
15
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Alain Berthoz La simplexité
La simplexité
1.1.1. La marche :
1 La simplexité
dans le sport :
l’étude des mouvements
un mécanisme très complexe
La simple marche (Figure 1) est
un mécanisme complexe et
u’est-ce que la simplexité hiérarchisé (Figure 2) : dans
dans l’étude des mouvements ? la moelle épinière se trouvent
Pour comprendre les mouve- des générateurs de rythme
ments complexes, il ne suffit qui peuvent être organisés
pas de les décrire, il faut aussi pour donner la course, le pas.
découvrir les grands principes La réticulée mésencéphalique
de l’organisation neuronale initie l’un ou l’autre de ces types
qui nous permettent de les de mouvements par le biais de
réaliser. On en a découvert un mécanismes qui les contrôlent.
très grand nombre dont les Le tout est sous contrôle du
principaux sont reportés sur cerveau, avec la coordination
la liste de l’Encart : « Quelques du cervelet et des ganglions
principes de la simplexité dans de la base, qui vont sélec-
le contrôle et la perception du tionner et, éventuellement,
mouvement ». Nous allons en prendre des décisions sur la
décrire quelques exemples que marche, la course, etc. Puis, il
18
La simplexité
Figure 1
La marche est un ensemble
de mécanismes très compliqués
dans lesquels interviennent
à la fois des facteurs cognitifs
et sensorimoteurs. L’évolution
a mis au point une hiérarchie
de processus qui diminuent
cette complexité en divisant les
tâches en modules spécialisés
et coordonnés. C’est un aspect
important de la simplexité.
20
La simplexité
cours de l’évolution qui nous laire3 et au regard. Ce principe Figure 4
a conduits à coordonner ainsi simplificateur est un exemple
nos mouvements. Tout cela a de simplexité. Dans des sports comme le ski
sur bosses ou le surf, tous les
été étudié quantitativement
Il n’était pas évident d’inventer mouvements du corps, complexes
grâce à des calculs effectués et rapides, qui nécessitent la
l’idée d’un référentiel mobile.
sur ordinateur. coordination de centaines de
Actuellement, en collabora-
degrés de liberté sur des supports
Des images ont été obte- tion avec des mathématiciens, inégaux ou mouvants, sont assurés
nues par enregistrement nous essayons de comprendre non pas à partir des pieds, mais à
de la marche d’un sujet par ce principe en faisant appel partir de la tête.
une méthode de capture de aux mathématiques d’Élie
mouvement avec des caméras Cartan4.
digitales et un ordinateur [2].
uand on examine ces
mouvements dans le détail,
on s’aperçoit que la tête est
3. Le système vestibulaire est le
parfaitement stabilisée en système sensoriel principal de
rotation (comme schématisé la perception du mouvement et
sur la Figure 3) et que cela de l’orientation par rapport à la
reste vrai pour les différents verticale. Il est donc à la base du
types de mouvements. Nous sens de l’équilibre.
avons publié de nombreux 4. Élie Cartan (1869-1951) est
l’un des mathématiciens français
travaux sur ces questions. Les les plus influents de son époque
roboticiens, en particuliers et un théoricien de talent. Son
ceux qui construisent des travail a porté sur les applications
humanoïdes, ont mis long- géométriques des groupes et
temps à admettre ce principe algèbres de Lie il a établi une
simplificateur qu’ils appli- classification de ces dernières sur
le corps des nombres complexes
quent maintenant.
il a introduit la notion de spineur,
Dans ce travail que nous vecteur complexe qui permet
avons réalisé en 1990 et 1991, d’exprimer les rotations de
l’espace par une représentation
nous avons montré que la
bidimensionnelle et qui a
marche est contrôlée à partir contribué à affiner certains outils
de la tête, qui est stabilisée mathématiques de la relativité
grâce au système vestibu- générale. 21
La chimie et le sport
3 semaines après
6 semaines après
18 mois après
Pied (degré)
Ch
ev )
ille
egré
(d
eg e(d
ré iss
) Cu
Figure 5
En visualisant des images successives de la marche, on constate que les trois angles d’élévation de la cheville,
de la jambe et de la cuisse décrivent une trajectoire plane ! Cette coordination apparaît au cours de l’enfance.
Les graphiques montrent le diagramme liant les trois angles lors des premiers pas, puis 3 et 6 semaines plus
tard, puis 18 mois après [4]. 23
La chimie et le sport
1.4.1. La segmentation
du mouvement
Nous avons étudié de
nombreuses trajectoires pour
savoir si elles sont ou non
liées à des formes géomé-
triques assez simples. Pour 25
La chimie et le sport
A B
26
La simplexité
Figure 10
point central
L’anticipation est un autre outil de
la simplexité. Les enregistrements
de la direction de la tête pendant
trajectoire
une marche en cercle, en
tournant à un coin, ou dans tous
θ les mouvements de la marche
normale, montrent que la tête
anticipe la trajectoire. En fait,
c’est le regard qui anticipe la tête
x
pt pt+1
1
Z (m)
3
3
2
2
1
)
1
m
y(
x(
m
)
0 0
Figure 11
A) L’anticipation de la marche par le regard apparaît au cours de l’enfance : quand un enfant de trois ans et demi
tourne à un coin, la tête tourne en dernier, alors qu’à cinq ans, c’est le regard et la tête qui tournent d’abord
et guident la trajectoire. Tout déficit dans ce guidage peut induire des troubles de la marche. B) Pendant les
compétitions sportives, les joueurs trompent leur adversaire en regardant ailleurs que là où ils ont l’intention
de tourner. Cette anticipation est aussi valable dans le cas d’un lancer de balle, ou d’un penalty au football par
exemple : le regard guide en anticipant le mouvement, et l’on peut tromper l’adversaire en regardant ailleurs !
Figure 12
Lorsqu’une balle lancée en l’air retombe dans la main, celle-ci reste parfaitement stable, car le cerveau a induit
une activité dans le muscle compensant exactement la force d’impact avant le contact. Ceci est possible car le
cerveau dispose de « modèles internes » des lois de Newton qui lui permettent de prévoir la force de l’impact
et de transmettre au muscle la commande adaptée. Cette capacité est liée à l’entraînement et, chez l’enfant,
aux jeux de la petite enfance [9].
5
x 10 Condition “Capture” : Activité Électromyogramme moyenne
2.5
2
Électromyogramme
1.5
0.5
0
-0.5 0 0.5 1 1.5
Temps (S)
28
La simplexité
Nous avons même réalisé médecin biologiste italien
des expériences à bord de iacomo Rizolatti enregistrait
stations spatiales où l’on peut le bruit associé à l’activité des
faire tomber une balle d’un neurones du cortex prémoteur
lanceur de balles dans la main d’un singe, zone cérébrale
d’un cosmonaute (Figure 13). contrôlant les mouvements
Dans l’espace la balle tombe de la main. Chaque fois que le
à vitesse constante, puisqu’on singe allait manger une caca-
est en apesanteur et que l’ac- houète, ses neurones s’acti-
célération de Newton (c’est- vaient. Puis l’expérimentateur,
à-dire avec une constante de qui a sans doute eu faim, a lui-
pesanteur g 9,81 m/s) ne même pris une cacahouète et
s’applique pas. Et pourtant, la même activité émanant du
le sujet produit, comme sur même neurone a été enregis-
Terre, ce même mouvement trée, preuve que les neurones
anticipateur [10]. Ces mouve- du singe avaient encore été
ments anticipateurs sont donc activés même s’il n’avait pas
inscrits définitivement dans le lui-même pris la cacahouète !
fonctionnement du cerveau Cette expérience montre que Figure 13
et nous permettent de ne pas les neurones, qu’on pensait Alors qu’on se trouve en
tomber, de prévoir une chute être prémoteurs, sont en apesanteur, les réflexes que nous
ou un mouvement, etc. réalité des neurones qui avons sur Terre sont maintenus :
Tout cela montre à quel point codent « l’action », qu’elle soit le cerveau de ce cosmonaute
le cerveau est une machine anticipe le mouvement de la balle
produite par le sujet ou par
biologique qui simule la comme si elle allait tomber !
autrui. Lorsque l’on exécute
réalité grâce à des représen- un geste, ou que l’on observe
tations mentales de celle-ci, un geste, des neurones du
tout comme nous avons le cerveau sont activés. Les
rêve qui simule le monde. mêmes structures cérébrales
Donc, en parallèle avec le sont impliquées dans l’ob-
fonctionnement sensorimo- servation et dans l’exécution
teur, au cours de l’évolution, d’une action. uel beau prin-
se sont développés des méca- cipe « simplexe » qui nous
nismes de simulation mentale permet de comprendre l’ac-
du mouvement. tion d’autrui ! L’activation du
« système miroir », un réseau
1.5. L’imagerie mentale : d’aires qui ont cette capacité
les mêmes structures de « résonance », est d’autant
cérébrales sont impliquées plus grand que nous sommes
dans l’exécution, familiers avec l’action ou que
l’observation et la simulation nous avons pratiqué la même
mentale d’une action action. Un joueur de rugby ou
Aujourd’hui, la simulation un sportif qui est familier avec
mentale, l’imagerie mentale le jeu qu’il voit à la télévision,
et l’imagerie motrice sont ou sur le stade, aura l’impres-
utilisées pour la réhabilitation sion qu’il joue lui-même, ou
des patients. Les mécanismes fait le geste, beaucoup plus
à la fois neurochimiques et qu’un amateur.
neurophysiologiques de cette Plus tard, Julie rèzes et
simulation mentale font l’objet Jean Decéty, chercheurs en
de nombreuses d’études. neurosciences cognitives,
Il y a quelques années, le ont réalisé des expériences 29
La chimie et le sport
Gauche
L L
Gauche Droite
R Droite
R
gauchers
droitiers
30
La simplexité
La simulation mentale du la marche réelle et la marche
Figure 16
mouvement est donc un outil imaginée. Ce magnifique
bien connu du monde sportif, travail de neurosciences a Une grande partie des mêmes
et l’on possède des données nécessité la réunion d’un très aires du cerveau est activée par
la marche réelle et la marche
récentes sur la marche gros équipement matériel
imaginée [12].
imaginée ou les parcours dans le même institut, combi- A) Pendant qu’un sujet s’imagine en
fictifs. Nous savons depuis un nant l’imagerie cérébrale par train de marcher, les images d’IRM
certain nombre d’années qu’il résonance magnétique et fonctionnelle montrent l’activation
existe une forme d’isochronie l’imagerie cérébrale en TEP de certaines régions du cerveau
entre la marche imaginée et (Tomographie par émission de par une augmentation du signal
la marche réelle, c’est-à-dire positons. Encart : « L’imagerie (en jaune, rouge), ou au contraire
la désactivation par une diminution
que l’on met à peu près le fonctionnelle, ou comment
du signal (en bleu). Les principales
même temps pour réaliser un voir l’activité d’un organe »), régions avec augmentation des
parcours fictif ou un parcours dans des conditions difficiles signaux sont : cortex préfrontal,
réel. Ce résultat a été obtenu sur des personnes qu’il faut noyau caudé, putamen, gyrus
par différentes équipes de faire marcher dans un couloir parahippocampique, fusiforme et
chercheurs, mais nous ne pendant une heure. C’est un lingual, precuneus, cuneus, vermis
connaissons pas encore les bel exemple de l’indispensable et lobule paramédian du cervelet,
etc.
bases neuronales de cette coopération entre neurolo- B) Images de TEP et d’IRMf
imagination qui intègre le gues, psychologues, neuro- réalisées pendant que le sujet
temps. physiologistes, entre autres. marche. Les principales régions
La Figure 16, extraite d’une avec augmentation des signaux
très récente étude par des 1.7. Comment fonctionne sont : gyrus précentral et post-
l’imagerie mentale ? central, gyrus parahippocampique,
neurologues de Munich, fusiforme et lingual, precuneus/
montre qu’à quelques diffé- La Figure 17 montre que les cuneus et cervelet médian. Une
rences près, les mêmes aires neurones de l’hippocampe diminution d’activité a aussi été
cérébrales sont activées par sont activés pendant la station observée dans certaines régions.
A B
IRMf- Images mentales de la marche en IRMf
[18F]-FDG-TEP IRMf
31
La chimie et le sport
La chimie et la santé, au service de l’homme, coordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy,
Danièle Olivier et Paul Rigny, EDP Sciences, 2010.
Les positons sont la première forme d’« antimatière » à avoir été mise en évidence (en 1932), égale-
ment appelée antiélectron car c’est l’antiparticule associée à l’électron. Un positon possède une charge
électrique 1.
Septum
latéral Habenula
Noyau du lit
de la strie terminale
Striatum
Cortex
périrhinal
Noyau
accumbens Locus
coeruleus
Tubercule
olfactif
Noyau parabrachial
Cortex latéral
piriforme
Noyau central
de l’amygdale Cortex
entorhinal
A B
Conclusion
Cette approche de l’explication du contrôle du
mouvement et du traitement de l’espace et de
la mémoire de l’espace à l’aide des principes
simplificateurs de la « simplexité » montre
que malgré des avancées importantes, de
nombreuses questions restent posées pour
relier les aspects mécaniques et cognitifs de ces
phénomènes avec les aspects plus profonds,
chimiques et biologiques, du fonctionnement
du cerveau.
Les progrès récents de la connaissance dans
ce domaine n’ont été réalisés que grâce à des
études très interdisciplinaires dans lesquelles
n’interviennent pas encore assez de chimistes
et de neuropharmacologues.
Les champs d’applications de ces recherches
dépassent celui du sport. Ils concernent
40 bien entendu d’abord le secteur clinique où
La simplexité
les neurophysiologistes, les neurologues et
les psychiatres coopèrent depuis longtemps
sur la compréhension des grandes maladies
neurologiques telles que la maladie de Parkinson
et la maladie d’Alzheimer. De nouvelles
coopérations sont maintenant en cours avec
les psychiatres pour l’étude de l’agoraphobie,
les troubles du schéma corporel, les patients
schizophrènes et les enfants autistes, etc.
L’hypothèse est que dans chacune de ces
maladies, on trouve des déficits spécifiques
du traitement de l’espace et, de façon plus
générale, des mécanismes « simplexes ».
fMRI comparison. NeuroImage, anxious C57μBL/6J mice. Behav. during human navigation:
50 : 1589-1598. Brain Res., 117 : 185-195. gender-differentneuralnetworks
[13] Jahn ., agner J., [18] eiss P.H., Marshall J.C., as substrate of performance.
Deutschländer A., alla R., underlich ., Tellmann L., Nature Neuroscience, 3 : 404-
Hufner ., Stephan T., Strupp Halligan P., Freund H.-J., illes 408 b) Lambrey S., Berthoz A.
M., Brandt T. (2009). Human ., Fink .R. (2000). Neural (2007). ender differences in
hippocampal activation during consequences of acting in near the use of external landmarks
stance and locomotion. Ann. N.Y. versus far space: aphysiological versus spatial representations
Acad. Sci., 1164 : 229–235. basis for clinical dissociations. updated by self-motion. J. Integr.
[14] McNab F., arrone A., Farde Brain, 123 : 2531-2541. Neurosci., 6 : 379-401.
L., Jucaite A., Bystritsky P., [19] Tversky B. (2001). Spatial
Forssberg H., lingberg T. (2009). Schemas and Abstract Thought,
Changes in Cortical Dopamine The MIT Press, Chap. 4, 77-112.
D1 Receptor Binding Associated [20] Committeri ., alati .,
with Cognitive Training. Science, Paradis A.-L., Pizzamiglio
323 : 800-802. L., Berthoz A., Le Bihan, D.
[15] a) oechlin E., Hyafil A. (2007). (2004). Reference frames for
Anterior Prefrontal Function and spatial cognition: different brain Pour en savoir plus :
the Limits of Human Decision- areas are involved in viewer-,
Making. Science, 318 : 594-598 object- and landmark-centered - Berthoz A. (2009). La
b) oechlin E., Summerfield judgments about object location. simplexité, Odile Jacob.
C. (2007). An information J. Cog. Neurosci., 16 : 1517-1535. Traduction : Berthoz A. (2011).
theoretical approach to [21] a) Igloi ., aoui M., Simplexity, ale Univ Press/
prefrontal executive function. Berthoz A., Rondi-Reig L. (2009). Odile Jacob.
Trends Cogn. Sci., 11 : 229-235 Sequential egocentric strategy is - Berthoz A. (2003). La décision,
c) Summerfield C., oechlin E. acquired as early as allocentric Odile Jacob. Traduction Berthoz
(2009). Decision-making and strategy: Parallel acquisition of A. Emotion and Reason: the
prefrontal executive function. these two navigation strategies. cognitive basis of decision
The Cognitive Neurosciences, Ed. Hippocampus, 19 : 1199-211. making. Oxford Univ Press.
M. azzaniga, 1119-30. b) Iglói ., Doeller C.F., Berthoz - Berthoz A. (1997). Le sens
[16] Rolls E.T. (1999). The Brain A., Rondi-Reig L., Burgess du mouvement. Odile Jacob.
and Emotion, Oxford University N. (2010). Lateralized human Traduction : Berthoz A., (2000).
Press. hippocampal activity predicts The Brain’s sense of movement,
[17] Lepicard E.M., enault navigation based on sequence Harvard Univ Press.
P., Perez-Diaz F., Joubert C., or place memory. PNAS, 107 : - Berthoz A. et Petit J.L. (2008).
Berthoz A., Chapouthier . (2000). 14466-14471. Phénoménologie et Phsyiologie
Balance control and posture [22] a) rön ., underlich A.P., de l’action. Odile Jacob.
differences in the anxious BALB/ Spitzer M., Tomczak R., Riepe - Berthoz A., Jorland . (2005).
cByJ mice compared to the non M. . (2000). Brain activation L’empathie. Odile Jacob.
42
Partie 1
de la performance
La quête et les limites
43
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
complexité des systèmes et confrontation aux limites
Jean-François Toussaint Optimisation des performances,
Optimisation
des performances,
complexité
des systèmes
et confrontation
aux limites
Comment fonctionne ce
moteur biologique ? L’une de
ses bases réside dans l’in-
teraction entre l’actine et
la myosine, deux protéines
contractiles situées dans nos
muscles et responsables de
sa contraction lors de toute
activité physique. Le carbu-
rant de ce moteur est l’ATP
que nous fournissent les mito-
chondries, principaux sites de
production énergétique et de
respiration cellulaire, mais
aussi du calcium fourni par
l’alimentation (Encart : « La
contraction musculaire »). Des
cycles de contraction molé-
culaire s’instaurent, provo-
quent un raccourcissement
Figure 1
L’athlète jamaïcain Usain Bolt,
1 Énergie et plaisir :
la mécanique
de la performance
progressif des cellules myocy-
taires9, jusqu’à la contraction
de l’ensemble du muscle.
après sa victoire et son deuxième
record du monde sur cent Existe-t-il une biologie spéci- Mais ce n’est pas le seul
mètres, le 16 août 2008 aux Jeux fique du sportif ? Les lois fonda- moteur nécessaire dans la
olympiques de Pékin. mentales du vivant auxquelles course au record. Lors d’ef-
sont soumis les humains, et forts intenses, on observe
donc les athlètes, ne sont la production d’une endor-
évidemment pas remises en phine sécrétée par deux
question. La biologie de la glandes du cerveau, l’hy-
performance répond à une pophyse et l’hypothalamus.
Figure 2 quête de maximisation, à la Comme toute morphine,
limite des capacités de l’es- elle a une forte capacité
Au cours du dialogue neuronal, analgésique permettant de
pèce. Usain Bolt (Figure 1),
les endorphines, sécrétées par
lors de ses derniers records remplacer par une sensa-
l’hypophyse et l’hypothalamus,
sont transmises d’un neurone du monde, montre l’extraor- tion de bien-être la douleur
à l’autre par fixation sur les dinaire aisance dans le déve- inhérente à toute tentative
récepteurs du neurone loppement de ces capacités, de dépassement des limites.
post-synaptique. la joie qu’elles lui procurent et Ainsi, ce rôle des endorphines
qu’il sait partager. libérées dans la synapse
Quel est le moteur qui permet entre deux cellules lors du
Neuromédiateurs Neurone
(endorphines) d’accéder à de telles perfor- dialogue neuronal (Figure 2)
mances ? Quelle en est l’al- sera l’élément primordial de
chimie ? L’énergie ou le la récompense, la motiva-
plaisir ? On peut le voir comme tion, le moteur psychologique
une résultante de ce que le poussant les uns et les autres
moteur moléculaire met en à se dépasser pour un titre de
place et de ce que l’énergie champion olympique comme
permet de diffuser à l’intérieur
Récepteur Synapse de cette étonnante mécanique
pour un bénéfice immédiat : 9. Le myocyte est l’unité cellulaire
46 celui du plaisir ressenti. élémentaire du muscle.
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
LA CONTRACTION MUSCULAIRE
La contraction musculaire nécessite de l’énergie
Lors d’une activité physique, nos muscles se contractent en utilisant de l’énergie chimique
produite lors de la respiration cellulaire, pour la convertir en énergie mécanique autorisant le
mouvement. Cette énergie chimique est stockée et transportée dans la cellule sous forme de
molécules d’ATP, véritable « réserve biologique d’énergie » de l’organisme, dont l’hydrolyse
libère de la chaleur (on dit qu’elle est exothermique) : ATP ADP + Pi. L’énergie libérée est
alors utilisable par l’organisme dans ses diverses réactions biochimiques à la base du fonc-
tionnement cellulaire (Figure 3).
NH2 NH2
O O O N O O O N
N N
HO P O P O P O HO P OH HO P O P O
N N
+ N N
OH OH OH O OH OH OH O
OH OH OH OH
ATP Pi + ADP
Figure 3
L’ATP (Adénosine Triphosphate) est le carburant de notre corps : son hydrolyse en ADP (Adénosine
Diphosphate) et en Pi (Phosphate inorganique) libère une quantité d’énergie importante consommable
par l’organisme pour toutes ses activités, physiques ou mentales.
Figure 4
Les mitochondries sont
les « poumons » de nos
cellules : elles absorbent
l’oxygène et le glucose
puis rejettent le dioxyde de
carbone et de l’énergie ATP.
47
La chimie et le sport
Figure 5
La contraction musculaire
résulte du raccourcissement
des sarcomères constitutifs des
microfibrilles, dû au glissement
l’une sur l’autre des fibres d’actine
et de myosine.
Regardons en détail. L’actine filamentaire (en rouge, Figure 6) se présente sous forme de deux
chaînes enroulées en hélice formant des filaments fins et associée à deux autres protéines : la
tropomyosine et la troponine (boules blanches, Figure 6), protéine globulaire dont une partie
(la troponine I) est capable d’inhiber la fixation de la myosine, et une autre (troponine C) peut
fixer des ions calcium Ca2+. La myosine (en bleu, Figure 6) forme des filaments épais également
constitués de deux chaînes enroulées en hélice et se terminant chacune par une « tête globu-
laire » : c’est une enzyme capable de fixer des molécules d’ATP et de les hydrolyser en ADP.
Figure 6
Au repos, l’actine et la myosine sont séparées par la troponine, ce qui empêche la contraction musculaire.
Sous l’effet d’un influx nerveux, les ions calcium viennent se fixer sur la troponine C (1), qui pivote et
déplace la tropomyosine, ce qui permet à l’actine d’entrer en contact avec la myosine, contact rendu
possible par hydrolyse de l’ATP en ADP au niveau de la tête de myosine (2). Le départ de l’ADP est
nécessaire au basculement de la tête de myosine responsable du raccourcissement du sarcomère.
De nouvelles molécules d’ATP se fixent sur les têtes de myosine (3), qui les hydrolysent en ADP,
reviennent à leur position initiale et se détachent de l’actine : c’est le relâchement musculaire (4).
*Une ischémie est une diminution de l’apport sanguin artériel à un organe, par exemple le cerveau.
Elle se traduit par un manque d’oxygénation, qui peut aller jusqu’à l’arrêt de son fonctionnement.
49
La chimie et le sport
2 Évolution, techniques
et complexité
découvrir… Petit à petit la
complexité du vivant comme
Qu’en est-il sur le plan de celle de nos comportements se
l’évolution ? Nos ancêtres révèle (Encart : « Qu’est-ce que
couraient-ils plus vite que la complexité en science ? »).
nous ? L’homme, comme toute Comme il est impossible d’y
espèce animale assurant sa déroger, les performances
survie, atteint sa vitesse la sont assujetties aux lois clas-
plus grande lorsqu’il tente siques de la physique, de la
d’échapper à ses prédateurs. chimie et surtout de la ther-
De fait, il existe toujours à modynamique (voir aussi le
notre époque un lien extrême- Chapitre de P. Letellier), lois
ment fort entre les capacités qui structurent le vivant. Mais
physiques maximales mesu- elles sont aussi contraintes
rées par la vitesse de dépla- par les lois de la complexité.
cement et l’espérance de vie. Essayons, sur la base de cette
Ironiquement, on peut ainsi double approche, de décrire
considérer que les recordmen et d’expliciter la progression
du sprint ne sont pas les des records du monde et d’en
descendants des chasseurs comprendre les lois mathé-
les plus véloces mais ceux des matiques de croissance et les
fuyards les plus vifs… principes fondamentaux. On
Nous l’avons compris, pour peut pour cela s’appuyer sur
courir vite, il faut dépenser l’une des définitions les plus
au mieux l’énergie fournie par simples du vivant : un système
la respiration cellulaire sous critique auto-organisé qui
forme d’ATP ; celle-ci permet s’oppose, transitoirement, à
de faire marcher les moteurs la décroissance énergétique
que sont l’actine et la myosine. universelle. La décroissance
L’ensemble contribue à de l’énergie est en effet expo-
générer des endorphines nentielle et contingente de
neuronales, molécules de la l’inéluctable croissance de
récompense. Laquelle de ces l’entropie qui lui est associée
molécules est indispensable ? (Encart : « Ilya Prigogine, un
Toutes. Laquelle est suffisante parcours d’exception, une
pour expliquer la performance révolution conceptuelle »).
d’Usain Bolt ? Aucune. C’est Prenons l’évolution des
toutes ensembles, associées à records du Tour du monde
un grand nombre d’autres (la à la voile. Entre le record de
50 phosphocréatine, l’alpha-acti- Francis Chichester en 7 mois
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
QU’EST-CE QUE LA COMPLEXITÉ EN SCIENCE ?
La notion de complexité, qui amalgame, souvent à tort, chaos et hasard, a été particulière-
ment étudiée par le groupe de Santa-Fé, dans les années 1990, sous l’impulsion de Stuart
Kauffmann. Une définition du concept peut être proposée :
« Un système complexe est un réseau d’entités élémentaires ayant les caractéristiques
suivantes :
- des propriétés nouvelles émergent d’un tel système, ne pouvant être « simplement » déduites
de celles de ses composantes par une combinaison linéaire, un simple changement d’échelle,
une simple somme des propriétés individuelles ;
- les relations entre les entités sont diverses : relations de proximité ou lointaines, présence
de boucles de rétroactions ;
- les entités et les relations peuvent évoluer dans le temps, de nouvelles peuvent apparaître,
certaines peuvent disparaître ;
- le système complexe est ouvert, c’est-à-dire qu’il existe des échanges avec le monde
extérieur ;
- le système complexe a une histoire. Quand on l’observe à un moment donné, il faut la prendre
en compte si c’est possible, ou du moins en avoir conscience ;
- il comporte des emboîtements, c’est-à-dire qu’il est composé de sous-systèmes ;
- ses frontières sont difficiles à cerner et résultent souvent du choix de l’observateur, c’est
ce qu’on appelle la « fermeture du système ».
Un système peut être qualifié de « structurellement complexe » s’il est constitué de nombreuses
entités reliées entre elles (Figure 7). Un tel système peut cependant exhiber un comportement
simple, régulier (comme des systèmes à nombreux compartiments mais où les relations
sont linéaires). Un système, même structurellement simple, peut exhiber un « comportement
complexe », le plus complexe étant un comportement erratique, chaotique.
Le hasard observé (au moins dans une partie du monde réel au comportement qualifié de
stochastique), résulterait d’un comportement complexe erratique, celui-ci pouvant être
engendré par des processus ou des combinaisons de processus déterministes engendrant
du chaos (dans le sens scientifique des termes hasard et chaos). »
Figure 7
Ramures d’arbres, colonies de termites, fourmilières… la nature regorge de systèmes « structurellement
complexes ».
Extrait du livre d’Alain Pavé (2007). La nécessité du hasard, vers une théorie synthétique de la biodiversité.
EDP Sciences, et références citées.
51
La chimie et le sport
Figure 8
Ilia Prigogine a transformé notre
compréhension du monde.
Figure 9
L’un des principes de la
thermodynamique classique
stipule que l’univers, ainsi
que tout système isolé qu’il
contient, a tendance à évoluer
vers un état de désordre
croissant. On dit qu’il y a
« création d’entropie ».
52
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
Les lois de la physique et celles du vivant
Ilya Prigogine explique que les lois physiques universelles décrivent uniquement des phéno-
mènes qui évoluent vers le désordre, ou qui sont à l’équilibre ou proches de l’équilibre. Or, le
vivant fonctionne toujours loin de l’équilibre, là où les processus qui produisent cette entropie,
en dissipant de l’énergie, construisent un nouvel ordre. La « vie » peut être considérée comme
un phénomène d’auto-organisation de la matière, évoluant vers des états de plus en plus
complexes. Le principe de complexité progressive est alors fondateur, lié à la notion de « direc-
tion du temps » (ou flèche du temps) : il y a un avant et un après, et passé et futur jouent des
rôles différents. Cette loi d’irréversibilité est asymétrique et probabiliste. La thermodyna-
mique de Prigogine décrit le monde en probabilités, traitables mathématiquement. Cela veut
dire que la « probabilité » n’est pas que le fruit de notre ignorance (comme semblait le penser
Einstein), mais une réalité intrinsèque, irréductible aux systèmes dynamiques en évolution et
pour lesquels, même si nous connaissons les conditions initiales et les forces en action, nous
ne pourrons pas calculer le mouvement et la trajectoire. Sur une trajectoire existent des points
singuliers, des points de bifurcation, où s’ouvrent plusieurs trajectoires possibles. Parmi elles,
une seule sera suivie. Mais laquelle et pourquoi ? On ne peut pas passer de la probabilité à la
trajectoire quand le système est non intégrable selon la classification de Poincaré. Car c’est une
accumulation de petits éléments qui conditionnent le futur, c’est-à-dire le cours de l’histoire,
de l’évolution et de nombreux phénomènes météorologiques, cosmologiques. Par exemple,
tous les poissons ne sont pas devenus des sauriens ; seul un petit nombre a suivi cette voie,
de même que seuls quelques sauriens sont devenus des oiseaux et que seuls quelques singes
sont devenus des hommes… sans que nous puissions prévoir la suite de la trajectoire de cette
évolution ! En revanche, nous savons que jamais la trajectoire inverse, notre retour vers un état
initial, singe ou bactérie, ne sera possible car il est exclu par l’irréversibilité thermodynamique.
Et la chimie…
Le phénomène d’instabilité du mouvement est universel et rencontré dans de nombreux
systèmes de notre vie quotidienne. Il implique que de très petites causes engendrent de grands
effets, d’où la possibilité qu’ont de tels systèmes d’emprunter une multiplicité de trajectoires.
La réaction chimique elle-même est fondamentalement non-linéaire, mettant en jeu, au niveau
moléculaire, des processus complexes qui suivent la collision d’au moins deux molécules. Et
pourtant, l’expérience du chimiste montre qu’une réaction, dans des conditions définies, donne
toujours le même résultat, c’est-à-dire qu’elle est simple et déterministe. Ceci n’est « vrai »
qu’à l’échelle de l’observation macroscopique et dans un système fermé qui, selon le second
principe de la thermodynamique, atteint inexorablement l’état d’équilibre. Dans des conditions
éloignées de cet équilibre, les lois cinétiques sont à l’origine d’autres comportements, tels
que la coexistence entre plusieurs états, les phénomènes de cycles, de rythmes temporels
ou des structurations spontanées dans l’espace.
Les sciences chimiques ont intégré et développé les notions découvertes et conceptuali-
sées par Ilya Prigogine. Elles ont même, bien avant la mécanique des fluides, l’optique, les
circuits électroniques, etc., joué un rôle de premier plan. Dès le milieu des années 1960,
Adolphe Pacault (1918-2008) s’est intéressé à la thermodynamique non-linéaire, aux horloges
chimiques et aux structures de non-équilibre, dans la lignée des travaux du chimiste russe
Belousov, qui découvrit en 1950 les réactions oscillantes. Ce sont des systèmes qui, bien
que très simples (divers produits dans l’eau à température ambiante, par exemple), hésitent,
oscillent, entre deux états, avec une grande régularité jusqu’à épuisement d’un des réactifs.
Une application passionnante de ces concepts relève de la chimie des cristaux liquides et des
gels, et son extension à la mécanique et à la dynamique cellulaires. Parmi les composants
du cytosquelette cellulaire, on trouve les filaments d’actine, organisés en gel réticulé. Dans
ces gels se trouvent les filaments de myosine, moteurs moléculaires responsables de la
53
La chimie et le sport
Introduction à la thermodynamique des processus irréversibles - Ilya Prigogine. Dunod, 1968, ISBN 2-87647-
169-8.
Structure, stabilité et fluctuations - avec P. Glansdorff, Masson, 1971, ISBN 2-2252-9690-1.
À la rencontre du complexe - Grégoire Nicolis, Presses Universitaires de France, 1992,
ISBN 2-1304-3606-4.
Le monde s’est-il créé tout seul ? Entretiens, 2008, Le livre de poche Albin Michel.
L’Actualité Chimique, décembre 2009, N° 336 Hommage à Adolphe Pacault.
14
cain de basket. L’évolution de
12 la taille se retrouve également
yenne
10
chez les recordmen du cent
mètres : en 1936, Jesse Owen
sse moy
8
ne mesurait que 1,78 mètres,
6
y = 0,4x - 0,5 Jim Hines, champion olym-
,
R² = 0,70
Vites
Carl
3 Rythmes
cm)
190
et perturbations : Lewis
aille (c
réactions aux
modifications 185
Jim Hines
des conditions Ta
Figure 13
Chaque être vivant possède une « horloge interne » qui contrôle la succession des périodes d’activité
et des périodes de sommeil.
57
La chimie et le sport
A B
Perf saisonnière
s)
10,5 10,50
m (m/s
100m ((m/s)
10 10,00
se sur 100m
9,5 9,50
se sur 1
9 9,00
Vitess
Vitess
8,5 8,50
8 8,00
00
14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 Jan
0.00 Mars
0.20 Mai
0.40 Juillet
0.60 Sept
0.80 Nov
1.00
Âge
330
310
des records du monde du
290
400 mètres nage libre féminin.
270
Le modèle s’ajuste
Période 2
r2 = 0,966 particulièrement bien aux
250
données puisque les coefficients
230
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 de détermination r2 obtenus
Laure Manaudou 2007: 4’2’’13 - Federica Pellegrini 2009: 3’59’’15
sont proches de 1 (r2P1 = 0,976 et
r2P2 = 0,966).
Ce modèle est utilisé dans un algorithme à trois étapes (Figure 18) :
- le modèle est utilisé entre le premier et le dernier record. Les variations du coefficient de
détermination r2 automatisent le découpage en périodes, le but étant de distinguer les prin-
cipales évolutions au cours d’une même époque ;
- le modèle est ajusté aux records du monde ;
- La date t est estimée par l’équation inverse à 1/2000e de l’asymptote. Cette date estimée
donne la limite de l’espèce humaine dans cette épreuve. Concernant la limite atteinte par
épreuve, on s’aperçoit que 13 % des épreuves ont déjà atteint leurs limites. On estime par
ailleurs que, dans vingt ans, 50 % des épreuves ne seront plus battables qu’à 1/2000e de leur
valeur maximale.
Figure 18
Modèle de prédiction de la stagnation
des records dans les épreuves
e d’épreuves
A B
Figure 21
A) Benoît Mandelbrot (1924-
2010), père des fractales. B)
Fractales dites de Mandelbrot.
Figure 22
Nuages, arbres, vagues,… les fractales sont présentes partout dans la nature… Partons en Bretagne et
contemplons rochers et vagues de l’île d’Ouessant, en Bretagne : on retrouve, en haut du petit rocher du premier
plan, une structure analogue à celle du gros rocher sur lequel la vague vient se fracasser.
63
La chimie et le sport
Figure 23
…et chez le vivant aussi. À gauche, un poumon, et à droite, des neurones d’hippocampe de souris.
L’exemple le plus fameux est celui de la côte de Bretagne, dont la longueur dépend de l’échelle
à laquelle on la mesure, et qui possède une dimension, dite de Hausdorff, non-entière, entre
1 et 2. La longueur de cette côte, différente de sa dimension, est en toute rigueur infinie. Et
nous devons désormais accepter cette idée d’une dimension non-entière comme nous avons
accepté celle de nombre imaginaire. Les multiples exemples où s’applique sa théorie ont en
commun ce que Benoît Mandelbrot nomme d’abord une homothétie ou invariance d’échelle,
et plus tard autosimilarité. Cette propriété s’explique par le fait que toute image fractale est
engendrée par un processus d’itération théoriquement infini.
Le concept de fractale n’est pas identique mais approche parfois celui de chaos. Dans les
deux cas, il n’est pas possible connaissant deux points, même très proches, d’interpoler la
valeur d’un point intermédiaire. Ce point peut, en réalité, se situer n’importe où. C’est évident
dans le cas de la côte de Bretagne puisque pour deux points distants de 2 km, un point situé
à mi-distance peut se trouver sur un promontoire, dans un golfe, mais pas du tout sur la côte.
Le concept de fractale, conçu pour décrire les phénomènes naturels ou créés par l’homme, a
permis de les appréhender et de les comprendre, comme la structure de l’univers, la modé-
lisation des plantes (L-systèmes), la mise en évidence de certaines pathologies cérébrales. Il
a permis de les modéliser avec un réalisme parfois surprenant, comme dans les études des
performances sportives et leurs perturbations par des innovations technologiques.
e (m/s)
6
mance
Vitesse
Perrform
0
0 20 40 60 80 100 120
0 Âge Espérance de vie Âge
Figure 24
A) Normes théoriques de progression individuelle. Les coefficients a, b, c et d modulent les deux exponentielles.
B) Records du monde selon l’âge sur le 100 mètres féminin. Courbe d’espèce.
Records du monde du 50m Points Carrière : Tom Jager Points Carrière : Alexander Popov Points Carrière : Frédérick Bousquet
Modélisation des records Modélisation : Tom Jager Modélisation : Alexander Popov Modélisation : Frédérick Bousquet
2,50
2,25
2,00
1,75
1,50
Vitesse (m/s)
1,25
V
1,00
0,75
0 50
0,50
0,25
0,00
1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
Années
66
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
390 Ethelda
Bleibtrey
370 06.08.1919
6’30’’20
350
Temps (s)
330
310
Laure
290 Manaudou
06 08 006
06.08.2006
270 4’02’’13 Federica
Pellegrini
250 26.06.2009
3’59’’15
230
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020
A B
e (m)
Distance
Modèle de Gompertz
13
12,5
12
s)
emps (s
11,5
Te
11
10 5
10,5
Florence
Griffith-Joyner
10
1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010
Cheval
17
16,5
16
Vitesse (m/s)
15,5
15
14,5
14
13,5
13
1890 1910 1930 1950 1970 1990 2010
18
17,5
17
Vitesse (m/s)
16,5
16
15,5
15
14,5
70 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
A B
(en quintaux par hectare)
95 Maïs grain 97
85 Blé tendre
Orge
75
Blé dur
65 64
55 56
45
44
35
25
15
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2007
dont dépend notre alimenta- mois par an pour les hommes Figure 32
tion, toutes posent la question (77,8 ans). Ce ralentissement
de leur optimisation future. particulièrement net concer- Les rendements céréaliers du blé
(A) en France et ceux des rizières
nant la durée de vie moyenne
(B) stagnent depuis plusieurs
6.3. Évolution de la biométrie des Françaises suit, lui aussi, années.
humaine : taille et espérance une loi mathématique expo-
de vie nentielle. L’espérance de vie
en France (en bleu, Figure 34),
La taille moyenne de
une des plus élevées des pays
l’homme a-t-elle évolué,
développés, ou aux États-
comme semblent en témoi-
Unis (en rouge, Figure 34),
gner les armures de nos
suit le même ralentisse-
ancêtres du Moyen-Âge ?
ment que celui qu’indique la
L’évolution séculaire de la
moyenne mondiale (c’est-à-
taille humaine montre que
dire approximativement la
la courbe observée pour la
moyenne actuelle de l’espèce
France et la Grande-Bretagne
humaine).11
est étonnamment régulière
(Figure 33). L’augmentation de
Figure 33
la taille est rapide au début du 11. Toussaint J.-F., Swynghedauw
XIXe siècle, et atteint un plafond B. (2010). Croissance et Évolution séculaire de la taille
dans la deuxième moitié du renoncements : vieillir à l’épreuve masculine en France et en Grande-
du temps. Esprit, 366 : 60-74. Bretagne.
XXe siècle.
170
avec un gain de six mois par
an. Une érosion progressive Taille F
Taille GB
du gain annuel est ensuite 165
70
États-Unis pliquent à l’ensemble de
60 nos activités, qui semblent
50
évoluer en parallèle. Ces
tentatives d’explication, qui
40 ne sont que des mécanismes
30
théoriques intellectuels, s’ap-
puient néanmoins sur les
20
1500 1600 1700 1800 1900 2000 2100
analyses d’une multitude de
données complexes. Tous
ces processus relèvent d’une
même approche, fractale (voir
Figure 34 Une troisième donnée s’in- l’Encart : « Le génie mathéma-
tègre dans la même problé- tique de Mandelbrot, ou la régu-
Évolution séculaire de l’espérance matique et suit les mêmes lois, larité dans l’irrégularité »).
de vie dans le monde : on observe
celle de l’augmentation du PIB
un ralentissement à la fin du 6.4. Expansion phénotypique
xxe siècle. (Figure 35A). Le taux de crois-
sance montre les deux reculs L’impression que l’on retire
représentant les deux guerres des études précédentes,
mondiales, avec une courbe records sportifs, taille, espé-
de régression linéaire du PIB rance de vie, économie, est
par habitant. Mais qu’en est-il que l’espèce humaine arrive
au niveau mondial, alors que maintenant dans une période
les taux de croissance diffè- de stagnation, où le ralentis-
rent de 1-2 % pour les pays sement de sa progression est
très développés à 8-10 % pour constaté sur l’ensemble de ses
les pays en développement, champs d’activité, très divers
comme l’Inde ou la Chine ? mais tous caractérisés par
Figure 35
Ces pays sont en fait encore des déterminants communs
A) Progression des records du sur la partie ascendante de liés au développement. Sur
monde en pourcentage de leur leur courbe de croissance ; et, les 200 dernières années, se
valeur asymptotique. avec notre avance de 50 ans dessine finalement la réalité
B) Le taux de croissance du
en matière de développement, d’une expansion phénoty-
PIB français montre la même
progression avec deux reculs nous sommes probablement pique qui semble culminer au
correspondant aux deux guerres sur l’asymptote, nous plafon- début du XXIe siècle : chaque
mondiales. nons (Figure 35B). courbe individuelle, comme
A B
100%
95%
90%
ssion
85%
Progres
80%
75%
70%
65%
60%
1890 1910 1930 1950 1970 1990 2010 2030
1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000
72
Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites
chacune des courbes d’es-
pèce, épreuve par épreuve,
semble atteindre un plafond
ue
otypiqu
inexorable (Figure 36), borné
par les exponentielles des
ateur phéno
records de vitesse (courbe
rouge) ou d’espérance de vie
(courbe bleue).
Indica
2010
1900
7 Quand la progression
atteint ses limites
1800
Âge 122
A B C
Dioxyde de Carbone
C)
ndiales (rC
ennes mon
étique (M t.éqP)
ures moye
Méthane
ation des températu
n Énerg é
ommation
Varia
Cons o
Temps 1800 1900 2000
optimum
24
Mo
22
-9 -6 -3 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30
Bandes de températures de 3°C
Figure 39
Relation température-mortalité au
pas de temps journalier.
Fin de l’optimisation ou adaptation ?
Se pose désormais une question simple :
notre espèce est-elle encore capable de
s’adapter au monde ? George Bernard Shaw
notait déjà que l’homme « déraisonnable »
essaie constamment d’adapter le monde à
ses besoins (il ajoutait qu’en conséquence « le
progrès humain dépendait exclusivement des
hommes non raisonnables »…). Est-ce encore
des non-raisonnables, qui continuent de forcer
l’environnement à s’adapter et acceptent le
prix de cette transformation, que dépend
notre marche vers le progrès ? Quelles sont
nos marges d’adaptation ? Sommes-nous
au terme de ce que nous pouvions réaliser ?
Cette question, physiologique autant que
philosophique, se pose tout autant pour nos
limites psychologiques, puisque la plupart du
temps nous ne nous voyons pas tels que nous
sommes mais tels que nous nous rêvons.
L’acceptation de soi, de nos limites, de celles des
autres, les renoncements qui en découleront,
pourraient bien être les questions centrales de
notre proche avenir. 75
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Isabelle Queval La fabrique des surhommes :
corps entraîné, corps dopé, corps augmenté
La fabrique
des surhommes :
corps entraîné, corps dopé,
corps augmenté
Figure 1
Le sport est entré dans notre culture comme un label qui qualifie nos
Figure 2 manières d’être, la façon dont nous devons paraître : jeune, mince, en
bonne santé, dynamique à la fois dans notre vie sociale, dans notre vie
Milon de Crotone, le plus célèbre professionnelle, dans notre vie personnelle.
lutteur de l’Antiquité.
un phénomène de société et
comme un label qui qualifie
nos manières d’être, nos
comportements, la façon dont
nous bougeons, la façon dont
nous devons paraître : jeune,
mince, en bonne santé, dyna-
mique à la fois dans notre
vie sociale, dans notre vie
professionnelle, dans notre
vie relationnelle (Figure 1). Et
il sera donc aussi question
de cette injonction médicale
dominante aujourd’hui qui
nous invite à faire de l’exer-
cice, à bouger et comme le
dit l’Institut national pour
l’éducation et la santé (INPES,
w w w. b o u g e r m a n g e r. f r ) :
« bouge ta santé ».
1 Continuité
ou discontinuité entre
Antiquité et Modernité
Dans le chapitre de J.-L.
Veuthey, est évoqué un lien
de notre Modernité avec l’An-
tiquité. Ce lien est-il continu
ou discontinu depuis la repré-
sentation d’un culte du corps
telle qu’on peut la voir chez
des athlètes comme Milon
de Crotone, le lutteur le plus
78 titré de l’Antiquité (Figure 2),
La fabrique des surhommes :
corps entraîné, corps dopé, corps augmenté
ou encore la représentation
du dépassement de soi repré-
sentée par le célèbre coureur
de Marathon (Figure 3),
qui donne une image d’un
dépassement de soi ultime,
puisqu’il meurt à la fin de sa
course ? Continuité avec cette
expérience antique du culte
du corps, du culte du héros,
de la recherche de la perfor-
mance jusqu’à l’accession
au statut de demi-dieu ? Ou
discontinuité entre des repré-
sentations du monde, à la fois
philosophiques et scienti-
fiques, qui sont sensiblement
différentes entre la période
antique et la période moderne,
qui s’inaugure pour nous à
partir des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles,
et qui marque ce dont nous J.-L. Veuthey), mais aussi par Figure 3
sommes les héritiers, c’est- l’utilisation de prothèses gref-
fées sur le corps humain ou Le Soldat de Marathon annonçant
à-dire la Modernité ? En la victoire. La question du
particulier, qu’entend-on par même d’exosquelettes12. Le « dépassement de soi » : une
dépassement de soi, dans sport de haut niveau constitue continuité historique ou une valeur
l’Antiquité classique et dans ainsi un véritable théâtre, une spécifique à la Modernité ? Le
notre Modernité ? véritable mise en scène. Il messager grec Phidippidès rallia
nous offre une visibilité des Athènes pour annoncer la victoire
enjeux concernant l’évolution des Grecs sur les Perses en -490.
2 Le culte
de la performance du corps et le statut de cette
recherche de performance
Il parcourut 42,195 kilomètres de
Marathon à Athènes et mourut
d’épuisement à l’arrivée, d’où le
2.1. Culte de la performance pour l’humanité, dans tous les nom et la distance d’une des plus
dans le sport de haut niveau domaines (au moins dans nos célèbres courses.
sociétés occidentales), pour
Le sport de haut niveau est les années à venir (Figure 4).
très emblématique : c’est lui
Alors le dopage, une limite
qu’on interroge, pas seule-
ou un processus ultime ? On
ment dans ses fonctionne-
s’interroge à la fois sur sa
ments propres, mais aussi
logique et la manière dont il
dans le reflet qu’il donne d’une
fait rupture avec un univers
certaine dynamique sociale
concernant la performance et
la représentation du corps et 12. Le concept d’exosquelette,
concernant la lecture que l’on désignant à l’origine une carac-
peut faire de ce que pourrait téristique anatomique externe qui
devenir le corps contempo- supporte et protège des animaux
rain, la nature humaine, ses comme les insectes, crustacés ou
limites, le dépassement de ces mollusques (dont la partie abdo-
minale est la carapace), est dé-
limites à travers des phéno-
veloppé par les scientifiques sous
mènes comme le dopage (voir des formes biomécaniques ou
les Chapitres de M.-F. Grenier- motorisées, pour des besoins in-
Loustalot, J.-F. Toussaint et dustriels, militaires ou médicaux. 79
La chimie et le sport
Figure 5
Figure 6
Héraclès peut être
considéré comme Eugen Sandow est un des
l’ancêtre des culturistes. pionniers du culturisme.
Figure 7
Le culturisme : production de soi, production de son corps, production minutieuse, production capitalisée, efforts
quotidiens pour essayer de maîtriser, de contrôler son apparence et d’optimiser si possible ses performances.
81
La chimie et le sport
Figure 8
Pour Platon, il y a deux mondes :
sensible et suprasensible,
intelligible ; l’homme est double
et appartient aux deux mondes :
par le corps il est attaché au
monde sensible, par l’âme au
monde intelligible.
83
La chimie et le sport
les ballons, les skis, les vélos que d’autres peuvent télécom-
sont des artifices, et on avait mander (Encart : « Sterlac,
là un exemple de dépasse- l’homme hydridé »). Il a trouvé
ment de cet artifice dans le moyen de se connecter
une thématique qui a créé la avec une grande variété d’ap-
polémique et qui a évidem- pareils techniques de façon à
ment flirté avec la question du produire des sons, à enregis-
dopage et son extension à la trer les mouvements de son
notion de dopage mécanique, corps, à produire une sorte
électronique, etc. de musique, de langage pour
Si l’art est intuition du futur, les communiquer avec l’extérieur
réalisations de l’artiste Sterlac à partir des mouvements
sont-elles prémonitoires ? Il et des sons internes de son
s’est greffé un troisième bras corps.
Figure 26
Sterlac est rattaché aux machines
par une série de câbles.
96
La fabrique des surhommes :
corps entraîné, corps dopé, corps augmenté
Le dépassement de soi, une question
qui nous dépasse et inquiète ?
Le dopage sportif apparaît comme la partie
émergée d’un iceberg social où la « conduite
dopante » se généralise. Produits alimentaires
« enrichis en… », alicaments, compléments
alimentaires, médicaments détournés vers des
usages sociaux – Prozac®, Viagra®, hormone
de jeunesse DHEA, Ritaline® –, la dépendance
psychologique à l’idée que la performance
quotidienne dépend d’une consommation est
riche d’interrogations :
- sur le développement des addictions dans
une société médicalisée ;
- sur la fragile frontière entre le « normal
et le pathologique », si une existence entière
et « socialement intégrée » se déroule
sous médicaments, par exemple des
antidépresseurs ;
- sur la perméabilité du corps humain aux
nouveaux artifices chimiques et technologiques
susceptibles d’améliorer la performance.
Du bien-être à la performance, de l’entretien de
soi au refus de vieillir, de la sculpture du corps
à l’expérimentation des limites, on voit à quel
point le thème sportif de l’amélioration est bien
la figure de proue d’un thème social.
Notre première interrogation concerne cette
société qui vit déjà, presque naturellement,
non dans le dopage, mais dans une « attitude
dopante ». Notre propension à consommer
systématiquement, voire compulsivement,
des produits dont on nous dit qu’ils sont bons
pour nous, pour être en forme, des choses très
simples et anodines à des choses qui le sont
moins.
Deuxième axe de questionnement : quelles sont
les limites du corps humain et y a-t-il encore 97
La chimie et le sport
98
Technologie et performance sportive
D’après la conférence de Denis Masseglia
Technologie
et performance
sportive
Denis Masseglia a été profes- certaines questions doivent
seur agrégé de sciences rester présentes à l’es-
physiques, International et prit : la priorité est-elle bien
champion de France d’aviron donnée à l’intérêt de l’athlète
(1969, 1970 et 1974), et prési- et son intégrité sera-t-elle
dent de la Fédération française préservée ? La technologie
des sociétés d’aviron (FFSA) de est-elle sans faille, sans
1989 à 2001. Depuis mai 2009, faiblesse ? Accorde-t-elle
il est le président du Comité suffisamment de garantie à
national olympique et sportif l’athlète pour qu’il puisse s’y
français (CNOSF). fier sans réticence ? Aide-t-
Dans une compétition spor- elle réellement la discipline
tive, la performance dépend de sportive tout en veillant à ne
trois paramètres : physique, pas la dénaturer ? Ne crée-
technique et psychologique. t-on pas de l’inégalité dans la
Dans un contexte international réalisation à la performance ?
de plus en plus exigeant, où la Selon la discipline, l’impact
victoire se joue au moindre d’un changement technolo-
détail, il est nécessaire d’op- gique ne sera pas le même :
timiser chacun de ces trois pour certains sports dits à
paramètres. La techno- matériel, il existe une culture
logie a un rôle à jouer : elle liée à leur importance, les
contribue surtout à l’amélio- athlètes s’y soumettent
ration du matériel sportif avec presque naturellement ;
des progrès remarquables pour d’autres, une révolution
ces dernières années grâce technologique pourrait être
aux sciences physiques et ressentie comme une intru-
chimiques, comme en témoi- sion et exigerait un effort
gnent les nombreux exemples d’adaptation du sportif, dans
décrits dans l’ouvrage La ses gestes, comme dans sa
chimie et le sport. préparation psychologique.
Dès lors que la technologie La technologie est également
se mêle du sport, en particu- liée à l’aspect spectaculaire
lier du sport de haut niveau, de la discipline, exigence
La chimie et le sport
2 La technologie
fait-elle le sport ?
athlètes ? De nombreux sports
tels que la voile, le sport auto-
mobile, le sport motocycliste
2.1. Quand l’évolution et le cyclisme font appel à
d’un matériel fait évoluer du matériel de plus en plus
une discipline sportive élaboré. Et la technologie peut
changer fondamentalement la
Comment l’évolution d’un
donne...
matériel peut-elle avoir une
incidence sur celle d’un geste Dans la pratique de la voile, les
technique, voire d’une disci- qualités du marin et de l’équi-
pline entière ? Le saut à la page sont d’une importance
perche illustre bien ce phéno- capitale, comme en témoigne
mène : on assiste au passage l’exploit du navigateur fran-
d’une perche d’abord en bois à çais Michel Desjoyeaux au
la fin du XIXe siècle, en bambou dernier Vendée Globe 2008-
au début du XXe siècle, deve- 2009 (Figure 4), lorsqu’il a
nant ensuite aluminium dans su remonter un handicap
les années 1940, avant d’être conséquent et devancer ses
en fibre de verre depuis les concurrents de manière spec-
années 1960 (notons que le taculaire. Mais il arrive que
tapis de chute en mousse est la différence se joue sur la
apparu à cette période). Ces technologie des voiliers, pour
nouvelles matières ne deman- lesquels on paye des prix très
dent pas les mêmes qualités à élevés. L’industrie nautique
102 l’athlète : en plus de la course s’efforce aussi de répondre
Technologie et performance sportive
Océan
Atlantique Océan
Pacifique
Océan
Pacifique Océan
Indien
Cap de Bonne-Espértance
Cap Aguthas
Cap-Horn
calculée au millimètre… La
position du skieur est égale-
ment étudiée pour optimiser
sa vitesse et les innovations
techniques ont progressi-
vement modifié le style des
skieurs. Il est essentiel qu’une
évolution technologique s’in-
tègre harmonieusement dans
l’évolution de la pratique
d’une discipline sportive,
Il est intéressant de comparer sans discontinuité brutale. Le
Figure 6
les performances de deux Chapitre de N. Puget aborde
À gauche, Jean-Claude Killy, triple pilotes d’une même écurie. en détail l’élaboration des
médaillé d’or aux Jeux olympiques matériaux pour la fabrication
On s’aperçoit que souvent,
de Grenoble en 1968 :
l’un des deux est meilleur que des skis.
à la descente, au slalom et au
slalom géant. À droite, Bode l’autre et la plupart du temps, Qu’en est-il du tennis ?
Miller aux Jeux olympiques 2006 c’est celui qui semble le plus Au-delà de la quantité et de
(épreuve du slalom géant). apte psychologiquement à la qualité de l’entraînement
démontrer sa capacité à être le et des efforts fournis par les
meilleur. Et celui qui pilote une joueurs, la différence se joue
voiture qui met régulièrement essentiellement sur la durée,
une ou deux secondes de plus et donc sur l’endurance : le
au tour sera peut-être tenté matériel facilite la gestion
de prendre des risques incon- des matchs de longue durée,
sidérés pour lui-même et pour se succédant sur quinze jours
ses concurrents, espérant dans un tournoi du Grand
compenser le handicap de sa Chelem (Figure 7). Et cela
monture par des moyens criti- peut se répéter plus d’une fois
quables… (voir par exemple le dans l’année. Pour résister à
Chapitre de J.-L. Veuthey). un rythme aussi soutenu, la
technologie portant sur l’équi-
2.3. Quand la différence pement (raquette, cordage,
se fait sur la durée balles, chaussures,…) permet
de mieux aborder cette
Dans le ski, les matériaux ont
exigence particulière qui
beaucoup évolué, comme on
caractérise les joueurs de
peut s’en rendre compte en
tennis, sollicités d’un bout à
comparant des images des
l’autre de l’année.
Jeux olympiques d’hiver de
Grenoble en 1968, avec le triple De nombreux sports, ainsi
médaillé d’or français Jean- caractérisés par l’usage
Claude Killy, et des images d’un équipement spécifique,
de Jeux d’hiver plus récents évoluent avec la technologie
(Figure 6). Actuellement, qui améliorera la perfor-
les combinaisons permet- mance du sportif.
tent aux skieurs d’optimiser
leur pénétration dans l’air ;
les skis sont plus qu’affûtés, 3 Quand la technologie
mène à des dérives
les casques sont profilés, les La technologie apporte des
bâtons ne sont pas faits d’une progrès incontestables dans
ligne droite mais avec une la pratique du sport, mais
104 forme légèrement recourbée, il faut garder à l’esprit de
Technologie et performance sportive
A B
C D
109
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Pierre Letellier Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine .
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
Comprendre
la physico-chimie
par la plongée
sous-marine
Comprendre
la plongée
sous-marine par
la physico-chimie
Pierre Letellier, actuellement un domaine scientifique,
Professeur émérite à l’Uni- expérimental et industriel.
versité Pierre et Marie Curie De l’autre, la plongée sous-
(Paris VI), a été professeur de marine, qui est une activité
thermodynamique dans cette qui relève du sport et du loisir.
même université et à l’École La réflexion présentée n’est
Nationale Supérieure de pas bâtie artificiellement
Chimie ParisTech. Il est égale- pour illustrer les relations
ment moniteur breveté d’état entre le sport et la chimie ;
2e degré (BEES 2) de plongée elle résulte de l’expérience
sous-marine. d’un professeur chargé d’en-
Ce chapitre se veut une seigner la thermodynamique
réflexion sur les rapproche- et la physico-chimie des
ments que l’on peut effec- solutions au niveau universi-
tuer entre deux domaines taire. Pour un certain nombre
qui peuvent paraître tota- d’étudiants (et parfois d’en-
lement disjoints : la chimie seignants), ces deux matières
et la plongée sous-marine. sont perçues comme un véri-
D’un côté, la chimie qui est table cauchemar.
La chimie et le sport
conventionnel du comporte-
ment des systèmes. Il suffit
de se donner des fonctions
mathématiques « bien choi-
sies » (Figure 2), des règles, de
les suivre strictement et d’en
examiner toutes les consé-
quences. Ce qui est difficile
à comprendre pour un élève,
c’est que toutes les « petites
entités mathématiques » (les
dérivées partielles) qui inter-
viennent dans les relations ont
un sens physique précis géné-
ralement lié à des transfor-
mations dans des conditions
particulières. C’est cette signi-
fication qui est mal discernée.
Si l’on veut faire appréhender
aux élèves les relations entre
l’entité mathématique et la
réalité physique, il faut les
illustrer par des exemples
expérimentaux simples et
accessibles. Ceux-ci peuvent
être créés artificiellement
au sein de travaux pratiques
– aussi bien au lycée qu’à
l’université –, mais le plus
attrayant est de les rechercher
dans notre quotidien. Nous
sommes entourés de faits
auxquels nous n’accordons
généralement aucune impor-
tance tant ils sont habituels,
qui illustrent parfaitement les
relations de la thermodyna-
Figure 1
La plongée sous-marine, une
1 Thermodynamique et
plongée sous-marine mique et de la physico-chimie.
Tout notre environnement
activité de loisir rêvée pour
est thermodynamique. Par
illustrer la physico-chimie. 1.1. Comment faire aimer
exemple, pour faire sécher
la thermodynamique aux
du linge, nous le plaçons
étudiants ?
dans un endroit aéré ; cette
D’où vient cette réticence des simple constatation permet
étudiants envers cette disci- d’aborder le phénomène de
pline ? (Figure 1) On peut l’évaporation, d’introduire et
supposer qu’elle ne résulte illustrer les relations qui le
pas du formalisme, car celui- caractérisent. Examinons les
ci est classique en mathéma- deux égalités de la Figure 2 : la
tique et tout à fait à leur portée. première, qui semble formel-
De la démarche ?... celle-ci est lement compliquée, caracté-
simple. La thermodynamique rise simplement le fait que la
112 est un outil de description température d’ébullition des
Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine.
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
liquides augmente avec la
pression : c’est le principe des
cocotes minutes. La deuxième
exprime le fait que la tension
superficielle20 d’un liquide
varie lorsque l’on ajoute un
soluté : c’est l’effet tensioactif21
que l’on va retrouver dans les
phénomènes de mouillage ou
de détergence. Il est passion-
nant de dénicher, dans notre
vie de tous les jours, des situa-
tions qui éclairent les relations
démontrées en cours. À ce
titre, le sport, par sa diversité,
constitue un vaste domaine
d’illustration.
1 bar 0
1 bar + 20 tonnes pression
2 bars 10 m
effet sur le plongeur
3 bars 20 m masse : 1 kg
1 bar
Figure 5
La plongée sous-marine est une activité sous contrainte. À mesure que l’on descend sous l’eau, la pression augmente
d’environ 1 bar tous les dix mètres. Contrairement aux liquides et aux solides, les gaz sont compressibles. Il est
nécessaire de respirer de l’air comprimé pour ne pas être écrasé par la pression exercée par le milieu.
Du latex au caoutchouc
Le caoutchouc est un matériau élastique élaboré à partir du latex naturel extrait de l’hévéa
(Figure 9) : il est récolté sous forme d’un coagulum dont on forme des granulés, que l’on
chauffe à 120 °C ; au refroidissement, les granulés se collent entre eux et sont compactés
pour donner des balles de caoutchouc.
En tant que polymère, le caoutchouc peut aussi être synthétisé artificiellement par polyméri-
sation. Un polymère est une macromolécule constituée d’un enchaînement d’unités répétitives
appelées monomères ; le monomère du caoutchouc est l’isoprène (Figure 9).
Figure 9
Le latex de l’hévéa se récolte
en pratiquant une saignée,
c’est-à-dire une incision
dans l’écorce de l’arbre de
façon à couper des vaisseaux
spécifiques, les laticifères, dont
le contenu est récolté dans un
récipient. À droite, une récolte
de latex à Ceylan.
Le caoutchouc vulcanisé
La vulcanisation est le procédé chimique consistant à incorporer un agent comme le soufre à un
élastomère brut comme le caoutchouc, pour former après cuisson des ponts entre les macro-
molécules. Cette opération rend le matériau moins plastique mais plus élastique (Figure 10).
S
S S S
S
S S
*
* n S S
S S
S
S
S
Figure 10
Après incoporation de soufre (en orange) dans le caoutchouc, on obtient un édifice tridimentionnel réticulé.
Il est élastique car lorsqu’on exerce une contrainte, il se déforme, puis dès qu’on relâche cette contrainte,
il revient à l’état initial, comme le ferait un ressort.
117
La chimie et le sport
© Hergé/Moulinsart 2010
air
m = 1,3 g
surface 1 bar V = 1 dm3
compression d ’un
eau facteur 1000
pV = nRT
oul système
comportement thermodynamique du gaz parfait
soluon idéale
comportements
soluté infiniment dilué de référence
Figure 17 3.3. La loi des gaz parfaits gaz parfait » dans laquelle
pour les chimistes on établit des formes litté-
Le gaz parfait est un modèle rales des fonctions d’état et
qui va permettre de donner une Qu’en est-il pour les
chimistes ? Dans l’industrie, de leurs variables dérivées.
forme littérale aux grandeurs
thermodynamiques. Celles-ci il est rare que des procédés Il en est ainsi du potentiel
serviront à caractériser les impliquent des gaz dont la chimique d’un gaz parfait
systèmes chimiques et à prévoir pression est proche de zéro. (Figure 17) que l’on exprime
leur évolution. La loi des gaz parfaits n’est en fonction de la valeur de sa
donc généralement pas utili- pression partielle. Dès lors,
sable dans ce secteur d’acti- on est capable de caracté-
vités. Alors à quoi sert cette riser un système constitué
loi des gaz parfaits pour de gaz parfaits et son évolu-
nous chimistes ? Elle nous tion. La connaissance et la
permet de franchir une étape compréhension du « modèle
conceptuelle très impor- du gaz parfait » permet de
tante. La thermodynamique généraliser les formalismes à
est un outil conventionnel d’autres systèmes impliquant
créé pour décrire le compor- des solides, des liquides et des
tement de systèmes quel- solutés. On proposera ainsi
conques à partir de fonctions un modèle des « solutions
de variables d’état (énergie idéales » pour les mélanges
interne, entropie, enthalpie, de solvants ou encore un
etc.) et de fonctions de trans- modèle de « solution infini-
fert (chaleur et travail). Cet ment diluée » pour les solutés.
outil ne prend de l’intérêt que Le recours aux propriétés du
si l’on dispose de systèmes gaz parfait permet donc de
réels, ou modèles, suffisam- progresser dans la formali-
ment simples pour pouvoir sation des grandeurs ther-
l’utiliser. Le gaz parfait en modynamiques. En revanche,
est un. L’outil thermodyna- au niveau des applications,
mique appliqué au compor- on ne pourra pas utiliser
tement du gaz parfait conduit les relations établies pour
124 à une « thermodynamique du les gaz parfaits dans le cas
Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine.
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
d’un système constitué de graphe 2.2.1). L’homme allait
gaz réels. Usuellement, on ainsi pouvoir travailler sous
remplacera la notion de l’eau. Mais ce périple dans
pression par celle de fugacité les profondeurs n’est pas
dans l’expression du potentiel sans danger. On constate en
chimique du gaz (Figure 17). effet qu’un grand nombre de
scaphandriers ne remontent
pas indemnes de leur immer-
4 Les risques liés à
la décompression :
procédures de remontée
sion : douleurs et blocage
des articulations, paralysies,
vieillissement prématuré,
etc., et parfois décès. À cette
4.1. Origine des accidents
époque, l’origine de ces acci-
de décompression
dents restait mystérieuse.
Revenons à la plongée On l’appelait pudiquement le
sous-marine. Comme nous « mal des scaphandriers ».
l’avons vu, c’est grâce aux C’est en 1878 que le physio- Figure 18
connaissances en chimie logiste français Paul Bert
Paul Bert (1833-1886) est un
et en physico-chimie que la (Figure 18) proposa une expli-
physiologiste spécialiste de la
plongée sous-marine a pu se cation logique à ces accidents. respiration des gaz. Il est le
développer, avec la possibi- Il les attribua au fait que, sous premier à avoir décrit de façon
lité, depuis 1843, de fabriquer pression, les liquides du corps systématique l’état de convulsion
du matériel étanche (para- dissolvent les gaz. Il signa lié à la toxicité du dioxygène sous
forte pression partielle pour le
système nerveux central, dit « Effet
Paul Bert ». Il publie un ouvrage
récapitulatif en 1878, La Pression
Figure 19
barométrique, où il décrit les
Lorsque l’on place un gaz en présence d’un liquide, il se dissout jusqu’à effets du manque (hypoxie) ou du
atteindre un état d’équilibre. trop plein (hyperoxie) d’oxygène.
125
La chimie et le sport
L’énergie du système va
énergie également augmenter, ce qui
sursaturaons est contraire au sens d’une
importantes évolution spontanée. Par
conséquent, ces entités vont
barrière se désagréger pour diminuer
d’énergie évoluon spontanée
l’énergie du système. La solu-
évoluon tion sursaturée n’évoluera
spontanée pas. Elle ne pourrait le faire
soluon apparion que si le rayon des agrégats
sursaturée de bulles atteignait le rayon critique rc
et le dépassait. On se placerait
rayon crique rayon alors du côté droit de la courbe
(r > rc). Dans ces conditions, le
système peut évoluer sponta-
nément en faisant apparaître
Figure 23 créer des bulles. C’est à
des bulles. On montre ainsi
ce niveau que se pose un
Dans du sang sursaturé en que, tant que les agrégats se
problème énergétique car,
diazote, pour que le gaz crée situent dans un domaine où
des bulles, il lui faut s’agréger pour faire naitre une bulle, il
leur rayon est inférieur au
jusqu’à atteindre et dépasser un faut créer une interface gaz/
rayon critique, ils n’évolueront
rayon critique rc . Cette agrégation liquide ; et la création de
pas vers la formation de bulles.
est thermodynamiquement cette interface demande que
D’une certaine manière, les
défavorable. Si r > rc, , les bulles l’on apporte de l’énergie au
pourront apparaître et grossir. solutions sursaturées peuvent
système. Or, on sait qu’un
être considérées comme
système qui évolue spontané-
des systèmes relativement
ment ne peut le faire qu’avec
stables (pour aller plus loin
une diminution d’énergie ! On
sur les propriétés de ce type de
constate donc que la création
système, voir l’Encart : « Des
de bulles au sein d’un liquide
systèmes en sursaturation, en
est une opération thermody-
surchauffe, en surfusion, … »).
namiquement défavorable.
En théorie, elle ne peut donc Revenons au cas du plongeur :
être spontanée. La création la solution pour le remonter
de bulles dans un liquide sans accident de décompres-
sursaturé ne devrait donc pas sion, est de le maintenir dans
pouvoir se faire. la partie gauche de la courbe
On peut avoir une approche (Figure 23), avec des agrégats
différente du phénomène en de gaz, dans son organisme,
examinant la courbe d’énergie de taille inférieure à celle
calculée à partir du rayon des agrégats critiques. C’est
des agrégats. Elle présente l’objet des procédures de
une forme de cloche avec décompression…
un maximum pour un rayon
4.3. L’invention des paliers
critique rc (Figure 23). La partie
de décompression
gauche (r < rc) correspond au
domaine des solutions sursa- Depuis les études de Paul
turées. Imaginons que dans Bert en 1878, on connais-
cette situation le système sait l’origine des accidents
évolue. Les particules s’agrè- de plongée, mais on ne
gent ce qui a pour consé- savait pas de quelle manière
quence de former des édifices ramener les plongeurs à la
128 dont le rayon augmente. surface pour les éviter. Le
Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine.
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
DES SYSTÈMES EN SURSATURATION, EN SURCHAUFFE, EN SURFUSION…
Quels sont donc ces états peu usuels dans la vie quotidienne ?
Nous savons tous que l’eau bout à 100 °C et qu’elle gèle à 0 °C à la pression atmosphérique.
Pourtant, il est possible d’observer de l’eau liquide, à la pression atmosphérique, au-dessus
de 100 °C et en dessous de 0 °C ! On sait effectivement obtenir de l’eau liquide jusqu’à environ
170 °C et à -40 °C. Dans le premier cas, l’eau est dans un état de surchauffe, dans le deuxième
cas, elle est en surfusion. Ce sont des états qui peuvent évoluer très rapidement sous l’effet
d’un choc, de la présence d’une poussière, etc. Dans l’industrie, le phénomène de surchauffe
a été responsable de nombreux accidents.
Prenons également l’exemple de la purification par recristallisation, technique usuellement
utilisée par les chimistes : un produit à purifier est dissous à chaud dans un solvant dit de
recristallisation. Après agitation et chauffage, ce produit se dissout peu à peu totalement. On
arrête le chauffage, on laisse le mélange reprendre la température ambiante et on attend
que se forment des cristaux (si les impuretés ont bien été solubilisées à chaud, le produit
attendu devrait pouvoir cristalliser pur). Or, il arrive que les cristaux n’apparaissent pas ! On
a affaire à un liquide sursaturé. Que fait-on alors ? On gratte énergiquement le récipient à
l’aide d’une spatule… et, si l’on n’est pas malchanceux et surtout bon manipulateur, on voit
enfin apparaître des cristaux qui grossissent. Quel est donc ce « tour de passe-passe » ?
Avons-nous donné l’énergie suffisante pour passer la barrière énergétique (représentée sur
la Figure 23) ? Pas du tout. Nous avons simplement fait intervenir la paroi du récipient : au
départ, les agrégats formés par le produit à purifier au sein de la solution ont un rayon infé-
rieur au rayon critique rc : ils ne peuvent donc pas évoluer sous forme de cristaux. Mais si
l’agrégat se place sur la paroi du récipient, pour une même masse, son rayon de courbure
augmente et peut alors dépasser rc et faire basculer le système vers le côté droit de la courbe.
Celui-ci évolue alors spontanément vers la formation de cristaux de plus en plus gros et
importants (Figure 24). Cette évolution est facilitée lorsque l’on crée des anfractuosités sur la
paroi (c’est-à-dire des défauts à la verrerie, des rayures, etc.) en la frottant avec une spatule.
Le rayon de courbure d’un agrégat placé dans une anfractuosité devient encore plus grand.
C’est le même phénomène qui se déroule dans nos flûtes de champagne, où l’on observe des
bulles de gaz carbonique prendre naissance et croître en certains points de la paroi du verre
(voir la Figure 20).
anfractuosité
Figure 24
Le contact d’un agrégat (d’azote dissous ou de produit à cristalliser) avec
une anfractuosité du récipient augmente son rayon de courbure, pouvant
atteindre le rayon critique.
129
La chimie et le sport
A B C
130
Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine.
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
des plongeurs situés à deux adopte celle qui lui semble la
niveaux de palier. mieux adaptée à sa physio-
logie, son état de santé et les
4.4. Les procédures de conditions de l’immersion.
décompression ne résolvent
L’accident de décompression
pas tous les problèmes
est un risque récurrent dans
Les tables de décompression la pratique de la plongée. Ceci
ne résolvent, hélas, pas tous est d’autant plus vrai que l’on
les problèmes, tout simple- sait maintenant que toute
ment parce que les plongeurs remontée va s’effectuer avec
sont extrêmement divers dans la création de microbulles
leur morphologie au niveau de que l’on peut repérer par des
la taille, du poids, du sexe, de examens doppler25. Lors de
l’âge, etc. Ils ont des physio- la décompression, on met
logies différentes donc des en évidence des « trains de
comportements différents bulles » dans la circulation dont
vis-à-vis de la dissolution l’importance et la fréquence
des gaz et de leur élimina- sont directement liées à l’état
tion. Les tables proposées de sursaturation. Bien que
sont généralement mises au ces microbulles ne soient pas
point et validées pour certains des « petits agrégats », toute
types de population de plon- l’analyse précédente s’ap-
geurs. Il faut être certain d’en plique raisonnablement. Elles
faire partie (plongeurs de la ne grossiront que si leur rayon
Marine Nationale, travailleurs dépasse un rayon critique. Si
sous-marins, plongeurs de la sursaturation n’est pas
loisir, etc.). Et même si cela trop importante, ces petites
est, cette condition n’est pas « bulles circulantes » vont s’éli-
une garantie suffisante, car miner au niveau des poumons.
selon la nature de la plongée C’est pour cette raison que
(froid, courant, mer mauvaise, la tendance actuelle pour la
obscurité, stress, fatigue, etc.), plongée de loisir est d’une
le comportement du plon- part de limiter les profon-
geur peut être profondément deurs pour éviter les états
modifié. Il est donc totalement de sursaturation risqués, et
illusoire de penser qu’il existe d’autre part de respirer de l’air
des tables de décompression dans lequel on aura diminué
qui peuvent s’appliquer à tous la proportion de diazote, en
et à tous les instants. On peut rajoutant du dioxygène. On
très bien, même en respectant plonge maintenant le plus
les procédures, risquer des souvent avec des mélanges
accidents de plongée parce suroxygénés (NITROX), ce qui
que l’on est en dehors de la pose d’autres problèmes. Si
norme qui a été adoptée pour ces mélanges diminuent les
établir la table.
Actuellement, il existe une 25. Ces examens utilisent l’effet
multitude de procédures de Doppler, qui désigne le décalage de
décompression différentes fréquence d’une onde acoustique
ou électromagnétique entre la
dont l’emploi est facilité par mesure à l’émission et la mesure
l’utilisation d’ordinateurs à la réception lorsque la distance
immergeables. Le plongeur, entre l’émetteur et le récepteur
étant une personne libre, varie au cours du temps. 131
La chimie et le sport
Figure 26
La plongée sous-marine s’intègre dans un processus de respect de l’environnement.
132
Comprendre la physico-chimie par la plongée sous-marine.
Comprendre la plongée sous-marine par la physico-chimie
La plongée et la chimie,
dans le respect de l’environnement
Actuellement, on conçoit la plongée sous marine
dans un contexte de respect de l’environnement :
lorsque l’on descend sous l’eau, on essaie de
ne pas intervenir sur le milieu, d’être le plus
discret possible, de ne rien toucher (Figure 26)
(voir l’ouvrage La chimie et la mer, ensemble au
service de l’homme2026
).
On considère que l’on est invité et que la mer
constitue en elle-même un patrimoine que l’on
se doit de transmettre intact aux générations
futures. On ne peut qu’espérer qu’il en ira de
même de la chimie, de l’industrie, de toutes les
activités humaines. C’est un véritable pari pour
l’avenir.
133
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Partie 2
135
effets sur la performance et la santé mentale
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
sur la neurochimie cérébrale : effets sur la performance et la santé mentale
Charles-Yannick Guezennec Effets de l’exercice physique et de l’entraînement
Effets de l’exercice
physique et de
l’entraînement
sur la neurochimie
cérébrale :
effets sur la performance
et la santé mentale
augmentation de l’anxiété,
états dépressifs, troubles du QUELLES RELATIONS
sommeil, troubles du compor- ENTRE L’EXERCICE
tement alimentaire... Le tout PHYSIQUE ET NOS
est associé à des manifesta- COMPORTEMENTS ?
tions qu’on pourrait qualifier Les effets de l’activité
de périphériques, telles que physique, qui mettent
des douleurs musculaires, en évidence une action
la sensation de fatigue, des suivant une courbe en U
modifications cardiovascu- inversé sur l’état mental,
laires et des perturbations du ont servi de support à
système immunitaire (Figure 1 des hypothèses reliant
et voir le Chapitre de M.-F. les modifications neuro-
Grenier-Loustalot). endocriniennes de
La mise en évidence du l’exercice physique
syndrome de surentraîne- et les comportements :
ment a suscité des hypo- - Action sur le
thèses, résumées dans métabolisme des
l’Encart « Quelles relations neuromédiateurs
entre l’exercice physique et (paragraphe 2.1.).
nos comportements ? » Il est - Action endocrinienne
fort probable que les modifi- (paragraphe 2.2.).
cations métaboliques liées à - Action sur le débit
un excès d’activité physique sanguin cérébral
entraînent une baisse initiale (paragraphe 2.3.).
des réserves énergétiques, - Action sur la
responsable ultérieurement neurogenèse cérébrale
de modifications neuro-endo- (paragraphe 2.4.).
criniennes. Ces dernières - Hypothèse
Figure 1 agissent sur certains compor- endorphinique
tements, régulés au niveau (paragraphe 2.5.).
Chute inexpliquée du niveau de
performance malgré la poursuite neurochimique, en particulier
de l’entraînement, besoin de le sommeil, l’humeur ou le
sommeil accru, jambes lourdes, comportement alimentaire, la biochimie périphérique qui
perte du « goût » de l’effort, baisse comme nous l’avons évoqué en résulte et la biochimie céré-
de la capacité de concentration, ci-dessus. Ainsi pouvons-nous brale ? » Ces questions sont
anémie progressive… autant de poser la question : « quelles importantes sur le plan des
symptômes du surentraînement peuvent être les relations moyens à mettre en œuvre pour
qui aboutissent à une dégradation
entre le métabolisme résul- prévenir ou guérir le suren-
de la santé mentale du sportif.
tant des exercices physiques, traînement, dont certaines
Troubles Syndrome du
du comportement Troubles
surentraînement du sommeil
alimentaire
Augmentation
de la fréquence cardiaque Perturbations du
et de la pression artérielle système immunitaire
Anxiété / Dépression
140
effets sur la performance et la santé mentale
Effets de l’exercice physique et de l’entraînement sur la neurochimie cérébrale :
conséquences peuvent être est défini comme l’ensemble
graves, voire mortelles. des réactions biochimiques
qui se produisent dans le
corps humain, par opposi-
2 Quelles relations
entre métabolisme,
biochimie périphérique
tion au métabolisme céré-
bral. Ces deux métabolismes
la neurochimie sont séparés par la barrière
cérébrale ? hémato-encéphalique qui joue
le rôle d’un filtre sélectif.
HISTORIQUE Nous avons vu que l’exercice
DES OBSERVATIONS physique affecte l’humeur.
Cet effet est qualifié d’aigu
- Hypothèse des quand il suit immédiatement
endorphines, développée l’exercice musculaire, et il est
la première puis chronique quand il résulte
mise en doute par d’un entraînement régulier.
l’absence d’effet de Une première hypothèse pour
l’administration de expliquer cet effet est que les
naloxone*, antagoniste modifications du métabolisme
des endorphines périphérique vont moduler
(paragraphe 2.5). le métabolisme cérébral en
- Mise en évidence, influençant la disponibilité de
ensuite, d’une certains précurseurs de neuro-
augmentation du médiateurs (ou neurotrans-
métabolisme cérébral metteurs) qui vont traverser
de la sérotonine et la barrière hémato-encépha-
plus généralement lique et augmenter la synthèse
des monoamines sous cérébrale de certains neuro-
l’effet de l’exercice médiateurs, ces molécules
(paragraphe 2.2). qui transportent l’information
- Plus récemment, d’un neurone à l’autre (voir
description de la Figure 10). Mais comment
l’augmentation des expliquer le fait qu’un entraî-
facteurs de croissance et nement modéré améliore
des cytokines cérébrales l’humeur, alors qu’un entraî-
sous l’effet de l’exercice. nement intense et prolongé
(Figure 2) peut conduire à
*La naloxone est un une une dépression transitoire ou
molécule qui peut servir durable ?
d’antidote (antipoison)
Il a été montré que la répé-
aux opiacés, substances
tition d’exercices physiques
contenant de l’opium ou
intenses plusieurs jours
ses dérivés. Elle est utilisée
d’affilée diminuait dans le
en cas de surdosage, chez
muscle les concentrations
les toxicomanes le plus en glycogène29, notre réserve
souvent. énergétique. La diminution
de la disponibilité en subs-
trats glucidiques pousse
2.1. Action
alors l’organisme à utiliser
sur le métabolisme
des neuromédiateurs
29. Le glycogène est le polymère
Le métabolisme périphérique, sous la forme duquel est stocké le
lors de l’exercice physique, glucose dans notre corps. 141
La chimie et le sport
HYPOTHÈSE
Effet sur la fatigue
Effet sur la perturbation du sommeil
5 HT
Effet sur la consommation
de protéine
Effet sur la régulation hormonale
Compétition pour la pénétration cérébrale des acides aminés branchés
TRP libre
Insuline
NH4
Acide
gras libre
TRP
TRP
lié
TRP
Diminution brutale
des protéines
Acides aminés
Boyau
DÉMONTRÉ
HYPOTHÈTIQUE
Figure 3
Effet de l’exercice dans la régulation d’acides aminés. La baisse de l’insuline, l’augmentation des acides gras
libres et de l’ammoniac (NH4) résultant de l’exercice musculaire conduiraient à une disponibilité accrue en
tryptophane (TRP) libre, ce qui favoriserait la synthèse cérébrale de sérotonine (5HT). Cette observation a permis
de proposer la théorie sérotoninergique de la fatigue. 143
La chimie et le sport
Figure 4
Parmi les vingt acides aminés naturels (procurés par notre alimentation), quatre possèdent une chaîne
latérale (en bleu) ramifiée ou dite « branchée » : la leucine, l’isoleucine, la valine et le tryptophane
(précurseur de la sérotonine : voir la structure Figure 6).
160
140
140
120
120
100
100
% 80 %
80
60
60
40 40
Valine
Valine Valine
20 20
0 0
−60 −30 0 Exercice physique 150 180 210 240 270 -60 -30 0 Exercice physique 150 180 210 240 270
Temps (min) Temps (min)
20
2.8. Influence de
l’alimentation sur la fatigue 0
Placebo fluoxetine venlafaxine reboxetine bupropion
Les connaissances recueillies
5-HT 5-HT/NA NA NA/DA
sur les effets de l’entraî- 147
La chimie et le sport
Neurone
neuromédiateurs
Figure 10
Les neuromédiateurs (comme
la sérotonine, l’adrénaline, la
dopamine…) sont libérés au
niveau de la synapse et vont
se fixer sur des récepteurs
Récepteur Synapse post-synaptiques. C’est ainsi
que se transmet l’information
de neurone en neurone.
de sommeil de 48 heures, 8
7
la mémoire à court terme 6 Alimentation équilibrée
semble mieux conservée 5 Régime hyperprotéiné
alimentation hyperprotéique 3
2
riche en acides aminés bran-
1
chés. Cet effet peut être relié 0
Avant Après
à leur potentiel d’action sur
la synthèse de la sérotonine
cérébrale.
On peut conclure de cette
étude qu’il semble bien que 2.9. Le rôle supposé Figure 11
lorsqu’on veut lutter contre de l’ammoniac
On observe un effet positif de la
une hypersérotoninergie par Une autre hypothèse évoque nutrition hyperprotéique sur la
une alimentation riche en le rôle possible d’une action mémoire à court terme après une
protéines, on n’obtient pas spécifique de l’ammoniac situation de réduction du temps de
d’effet sur la performance (NH3) au niveau cérébral, à sommeil chez des sportifs.
physique elle-même mais, en l’origine de la modification
revanche, une amélioration de du métabolisme d’un neuro-
certains comportements, et médiateur important : l’acide
parmi eux, celui qui semble γ-amino-butyrique » ou GABA
être sensible est la mémoire (Figure 12). Une augmen-
à court terme. Celle-ci est tation de l’ammoniac dans
d’ailleurs un très bon indica- différentes structures céré-
teur de la fatigue car c’est le brales de rats entraînés a été
premier comportement altéré observée (Figure 13). Or, on
sous l’effet d’un exercice sait que l’ammoniac joue un
physique épuisant. rôle important dans la trans-
A contrario, une diminu- formation du glutamate en
tion de l’endurance muscu- glutamine, dont la formation
laire a été observée après augmente en même temps
plusieurs jours d’un tel que celle d’ammoniac. En
régime associé à un exer- conséquence, le glutamate
cice physique prolongé. Le diminue ; or, la diminution
régime hyperprotéique riche du glutamate entraîne de
en acides aminés branchés manière significative la dimi-
n’est efficace qu’en prépara- nution du GABA, probable-
tion à des courses de courte ment l’un des acides aminés
durée, durant lesquelles il excitateurs de la motricité.
préserve les performances de Cette succession de réac-
mémoire, décroît la sensation tions en chaîne, en cours de
de fatigue et réduit les effets vérification, mériterait d’être
négatifs de la fatigue sur l’ac- explorée dans ses différentes
tivité spontanée36. modalités d’expression.
NH3
NH3
Fatigue
NH3 périphérique
Urée pl
- perte de coordination
dysfonctionnement
- ataxie
du système nerveux central
- coma/convulsion
Fatigue centrale
un effet antivieillissement
Figure 12
Composantes centrales de la
3 Effets protecteurs
à long terme
de l’activité physique
et que l’exercice musculaire
améliore le déclin cognitif lié à
fatigue : l’hypothèse « ammoniac »
l’âge de façon tout à fait signi-
de la fatigue.
L’exercice physique est signifi- ficative, probablement du fait
cativement associé à la réduc- d’une augmentation à la fois
tion des symptômes d’anxiété de la plasticité neuronale, de
et à ses indicateurs, mais l’in- la neurogenèse et de la vascu-
tensité de l’activité nécessaire larisation cérébrale. En effet,
ou minimale pour produire l’exercice musculaire agit sur
des effets est très discutée. On de nombreuses voies neuro-
sait maintenant qu’une acti- chimiques, et nous venons de
vité physique pratiquée tout voir que les principales modifi-
150 au long de l’existence a aussi cations et leurs conséquences
effets sur la performance et la santé mentale
Effets de l’exercice physique et de l’entraînement sur la neurochimie cérébrale :
600 $ $
2.75
2.5 * *
500
NH3 plasmatique (μM)
2.25
$ $
2.25 2
2 * 1.75 *
1.75
NH3 cervelet (μmol/g)
NH3 cortex (μmol/g)
1.5
1.5 1.25
1.25
Rats non entraînés 1 Rats non entraînés
1
Rats entraînés Rats entraînés
0.75
0.75
0.5
0.5
0.25 0.25
0 0
Repos Épuisement Repos Épuisement
se situent au niveau du méta- des rats qui ont été soumis Figure 13
bolisme des monoamines à un exercice physique
(sérotonine, etc.). Plus récem- régulier, on a pu mettre en Étude du rôle de l’ammoniac NH3
et des systèmes glutamatergique
ment, on a identifié une action évidence une augmentation et GABAergique. Les
sur la neurogenèse médiée de la neurogenèse (Figure 14). concentrations en ammoniac ont
par les facteurs de croissance Cette augmentation du été mesurées dans le plasma
de neurones (Encart : « Effet nombre de cellules neuro- sanguin ainsi que dans différentes
de l’activité physique sur le nales agit sur l’électrogé- régions du cerveau (striatum,
vieillissement neuronal ») nèse39 cérébrale qui est mise cortex, cervelet) chez deux groupes
en jeu dans la mémoire à long de vingt rats soumis à une course
Aujourd’hui, on a probable- à l’épuisement : un groupe de rats
ment isolé le médiateur de terme. Lorsqu’on soumet des entraînés et un groupe de rats
ces effets bénéfiques de rats à des stimulations de non entraînés. On observe une
l’activité physique : c’est un cette mémoire à long terme40, augmentation de l’ammoniac dans
facteur de croissance céré- on s’aperçoit que les animaux différentes structures cérébrales
« coureurs » ont des réponses de rats entraînés.
brale, le brain-derived neuro-
trophic factor (BDNF), qui électriques beaucoup plus
stimule la neurogenèse dans
le cerveau adulte. Cela a été porté par un anticorps, lequel va
mis en évidence par des expé- se lier spécifiquement à cette pro-
téine. Cette dernière va alors être
rimentations d’histomorpho-
visible par fluorescence.
métrie37. Par marquage en 39. L’électrogénèse est la
immunofluorescence38 sur production d’électricité par les
tissus vivants.
37. Analyse des tissus et organes. 40. La mémoire à long terme est
38. La technique de l’immunofluo- celle qui repose sur une stabilisa-
rescence est utilisée par les bio- tion des acquis. Elle s’oppose à la
logistes pour mettre en évidence mémoire à court terme qui n’as-
une (ou plusieurs) protéine(s) sure qu’un stockage transitoire
par l’injection d’un fluorochrome des éléments mémorisés. 151
La chimie et le sport
Plasticité neuronale
Modifications morphologiques et physiologiques
des synapses en réponse à des changements
d’activité neuronale
800 Coureur
30
Chemin (cm)
Latence (sec)
600
20
400
10
200
0 0
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
Jours
Bibliographie
155
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Jean-Luc Veuthey La traque aux molécules dopantes
La traque
aux molécules
dopantes
* Le Mouvement sportif est composé de l’ensemble des fédérations sportives et des groupes sportifs qui
leur sont affiliés. Parmi les fédérations sportives, on peut trouver : les fédérations unisport olympiques
ou non olympiques, les fédérations multisports affinitaires, handicapés, scolaires ou universitaires, etc.
** http://www.wada-ama.org/
159
La chimie et le sport
Figure 3
Les amphétamines ont des
structures chimiques dérivées
de la phényléthylamine
(structure sur la figure).
La cocaïne est un puissant stimulant de la famille des alcaloïdes, extrait de la coca (Figure 4).
La feuille de coca était utilisée de très longue date par les Indiens des Andes qui la mâchaient
Figure 4
Alcaloïde extrait de la feuille de
coca, la cocaïne est un puissant
stimulant du système nerveux
central.
161
La chimie et le sport
Figure 5
Le vin Mariani contenait
de la cocaïne jusqu’en 1957.
Figure 6
Né en 1887, le Coca-Cola tire son
nom de sa première composition :
la feuille de coca et la noix
de kola. Après 1910, l’extrait
de feuille de coca a été retiré
de la composition de ce soda.
162
La traque aux molécules dopantes
Le cannabis (Cannabis sativa L.) ou chanvre a longtemps été utilisé par l’homme, que ce soit
comme matériau (isolation phonique et thermique dans la construction, textile, papeterie)
ou pour ses propriétés psychotropes : selon les doses, il provoque euphorie, détente, plaisir,
parfois hallucinations, et peut conduire à une dépendance et un repli sur soi. En tant que
narcotique, il provoque un sommeil profond et un état léthargique.
Il existe une soixantaine de molécules cannabinoïdes, selon les espèces de chanvre, dont la
plus connue est le tétrahydrocannabinol (Figure 7). Certaines sont sécrétées par notre corps.
Ces substances chimiques activent nos récepteurs cannabinoïdes, déclenchant la production
de dopamine, un neuromodulateur qui contrôle l’émotivité, la motricité, la mémoire et l’at-
tention (voir également le Chapitre de C.-Y. Guezennec).
La détention, le commerce, la promotion et la consommation du cannabis sont actuellement
interdits dans la majorité des pays du monde, selon la convention unique sur les stupéfiants
de 1961.
Figure 7
Le tétrahydrocannabinol,
molécule la plus connue
du cannabis, est souvent
consommé après broyage
de feuilles de cannabis et
mélangé avec du tabac :
on obtient la marijuana.
LA CHROMATOGRAPHIE
Au cours de ses recherches sur les pigments végétaux en 1901, le botaniste Mikhail Semyo-
novich Tswett (Figure 13) voulait séparer les pigments d’une fleur en la dissolvant dans de
l’éthanol et il fit percoler le mélange obtenu au travers d’un support solide (du carbonate de
calcium) : les pigments, chlorophylle et carotène, en sortirent purs l’un après l’autre. C’est
ainsi qu’il inventa la « chromatographie ». Ce terme vient du grec khrôma = couleur, et signifie
« écriture des couleurs ». On remarque aussi que tswett est le mot russe pour « couleur ».
La première description imprimée de cette méthode séparative paraît en 1903, dans les
comptes rendus de la Société des naturalistes de Varsovie, section de biologie. La première
utilisation du terme de « chromatographie » apparaît en 1906 dans deux articles sur la chlo-
rophylle dans le journal de botanique de langue allemande Berichte der Deutschen botanis-
chen Gesellschaft. En 1907, il fait la démonstration de l’utilité de son chromatographe devant
la Société botanique allemande.
Figure 13
Mikhail Semyonovich Tswett (1872-1919)
a inventé la chromatographie.
Figure 14
Entraînées par la phase
mobile, les molécules migrent
le long de la colonne de phase
stationnaire et en sortent à
une vitesse différente selon
leurs propriétés : plus une
molécule s’« accroche »
à la colonne et/ou a peu
d’affinité pour la phase
mobile, plus elle tardera à
sortir. À la fin de l’opération,
toutes les molécules sont
recueillies séparément et un
détecteur donne des signaux
caractéristiques que l’on peut
analyser :
le chromatogramme.
166
La traque aux molécules dopantes
LA SPECTROMÉTRIE DE MASSE (SM)
La spectrométrie de masse est une technique d’analyse conçue par le physicien britan-
nique Joseph John Thomson (Figure 15) qui permet de détecter et d’identifier des molécules
ou fragments de molécules par mesure de leur masse, et de caractériser leur structure
chimique. Son principe réside dans la séparation en phase gazeuse de molécules chargées
(ions) en fonction de leur rapport masse/charge (m/z). La spectrométrie de masse est utilisée
dans pratiquement tous les domaines scientifiques : physique, astrophysique, chimie en
phase gazeuse, chimie organique, dosages, biologie, médecine...
Figure 15
Découvreur des électrons
et des isotopes, le physicien
Joseph John Thomson
(1856-1940) est l’inventeur
de la spectrométrie de masse.
Un spectromètre de masse comporte une source d’ions (utilisant par exemple un faisceau
d’électrons) suivie d’un ou plusieurs analyseurs qui séparent les ions obtenus selon leur
rapport m/z, d’un détecteur qui compte les ions et amplifie le signal, et enfin d’un système
informatique pour traiter ce signal. Le résultat obtenu est un spectre de masse représentant
les rapports m/z (ou m/q, q représentant la charge) des ions détectés selon l’axe des abscisses
et l’abondance relative de ces ions selon l’axe des ordonnées (Figure 16).
détecteur
Y+
X+
Figure 16
Les spectromètres de masse sont des instruments d’analyse puissants qui, couplés à la chromatographie,
permettent des analyses fines de mélanges complexes, notamment lors d’un contrôle antidopage.
D’immenses progrès ont été effectués depuis les années 1950-1960, où l’utilisation des spec-
tromètres de masse s’est développée dans de nombreux domaines.
Les progrès ont concerné particulièrement les sources d’ions et les analyseurs, qui ont été
adaptés et transformés de manière à pouvoir traiter des besoins de plus en plus variés avec
des machines dédiées à tel ou tel type de problème. On connaît maintenant six grands types
de sources, dont l’objectif est toujours de passer de la molécule à l’ion qui, seul, est accéléré
et détectable. Cette ionisation, étape initiale incontournable, peut être très difficile dans le cas
de molécules de grande taille, comme les molécules biologiques, protéines, polysaccharides,
167
La chimie et le sport
etc., qui se vaporisent difficilement et sont facilement dégradées dans la source. Suivant le
type d’ionisation utilisé, un spectre de masse peut être caractéristique d’une molécule. En
effet, la molécule ionisée est fragmentée de manière très spécifique par des réactions et
dans des conditions d’analyse désormais très bien connues. Ainsi en comparant le spectre
avec des banques de spectres, il est possible d’identifier la molécule. Si la molécule est trop
dégradée, notamment dans la source d’ionisation, le spectre perd sa spécificité et n’est plus
interprétable.
Les analyseurs sont également très variés, plus ou moins complexes, selon le type d’analyse,
quadri ou octopolaires, temps de vol, FT-ICR… Un progrès important a été réalisé avec le
couplage SM/SM de deux ou plus spectromètres de masse.
169
La chimie et le sport
Intensité [%]
Temps [min]
Temps [min]
Rapidité
Figure 20
Arne Wilhelm Kaurin Tiselius
(1902-1971), prix Nobel de
chimie en 1948, est l’inventeur
de l’électrophorèse.
+ - -
anode
+
+
-
+
+
-
- cathode
Figure 21
Au cours d’une analyse par électrophorèse, des espèces chargées migrent à travers une solution
d’électrolyte, sous l’effet d’un champ électrique appliqué entre l’anode et la cathode. Elles sont séparées en
fonction de leur charge et de leur masse. En combinant deux techniques électrophorétiques, il est possible
d’obtenir une séparation en deux dimensions.
Figure 22
L’EPO ou érythropoïétine est
une grosse molécule biologique
comportant une partie protéique
de 165 acides aminés. 171
La chimie et le sport
LÉGALISER LE DOPAGE ?
« Mon point de vue, c’est que s’il est utilisé de manière
adéquate par un médecin ou sous l’autorité de la recherche
scientifique, même un médicament comme l’EPO peut
trouver un équilibre dans son emploi. Je ne comprends
pas les instances de la lutte antidopage qui disent qu’elles
veulent rendre les choses équitables, car le sport n’est, par
essence, pas un terrain de jeu équitable.
Si vous voulez rendre les choses équitables, alors tout doit
devenir légal… »
Propos du skieur Bode Miller, 2005
174
La traque aux molécules dopantes
LE CONCEPT DE PASSEPORT BIOLOGIQUE
Ce concept a initialement été proposé par l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 2002. L’ap-
proche du contrôle du dopage basée sur la détection de marqueurs d’une substance ou de ses
métabolites demeure efficace et perdurera. Cependant, cette approche atteint ses limites
lorsqu’un sportif fait usage de substances illicites de façon intermittente ou à faibles doses.
Il se pourrait que ces substances ne soient pas détectées, en dépit de la robustesse des
programmes de contrôle du dopage hors compétition. La nature des substances interdites,
plus particulièrement les substances endogènes, et les méthodes de plus de plus sophis-
tiquées de prise de substances auxquelles les sportifs ont recours soulignent le besoin de
concevoir une nouvelle approche méthodologique.
Le concept de passeport repose sur la connaissance des effets principaux ou secondaires des
médicaments dans un cadre médical. Un suivi régulier des données de contrôle du dopage
facilite la détection indirecte de substances et de méthodes dopantes sur une base longitudi-
nale. Dans ce contexte, ce n’est pas la substance en soi qui est détectée, mais ses effets. En
règle générale, les effets d’un médicament sont perceptibles et détectables plus longtemps
dans l’organisme que la substance elle-même, laquelle peut être excrétée rapidement.
Pour mettre en place un programme de suivi longitudinal systématique et robuste, les
variables pertinentes et déterminantes d’une classe de substances (par exemple les subs-
tances pouvant améliorer le transfert d’oxygène, comme l’EPO) doivent être identifiées et
vérifiées régulièrement chez le sportif. Les valeurs correspondant à ces variables consti-
tueront le profil individuel et longitudinal du sportif. Ces profils sont la pierre angulaire du
Passeport biologique de l’Athlète dont il devient sa propre référence, contrairement à l’ap-
proche traditionnelle, qui compare les variables d’un individu donné avec celles, moyennées,
de la communauté sportive en général. En effet, chaque personne est unique, avec un méta-
bolisme particulier, et ses caractéristiques biologiques peuvent, sans qu’il y ait eu dopage,
s’éloigner de la norme définie statistiquement.
Les variables hématologiques seront évaluées afin de confirmer une éventuelle manipulation
sanguine ou l’amélioration de la performance aérobique. Les marqueurs de stéroïdes dans
l’urine pourront être utilisés pour détecter l’usage de stéroïdes anabolisants.
Le mode de collecte des données, leur traitement tant biologique que mathématique, leur
contrôle, etc., sont prévus de manière très précise et standardisée, comme l’est le contrôle
antidopage, afin de parer à toute possibilité de dérive.
Bibliographie Rudaz S., Veuthey J.-L. (2010). [3] Lasne F., de Ceaurriz J.
Fast analysis of doping agent (2000). Recombinant erythro-
[1] a) Badoud F., Grata E., in urine by ultra-high-pressure poietin in urine. Nature,
Perrenoud L., Avois L., Saugy liquid chromatography-quadru- 405 : 635.
M., Rudaz S., Veuthey J.-L. pole time-of-flight mass spec- [4] La chimie et l’alimentation,
(2009). Fast analysis of doping trometry. II: Confirmatory analy- pour le bien-être de l’homme,
agents in urine by ultra-high- sis. Journal of Chromatography A, coordonné par Minh-Thu Dinh-
pressure liquid chromatogra- 1217 : 4109-4119. Audouin, Rose Agnès Jacquesy,
phy-quadrupole time-of-flight [2] La chimie et la santé, au Danièle Olivier et Paul Rigny,
mass spectrometry I. Screening service de l’homme, coordonné EDP Sciences, 2010.
analysis. Journal of Chroma- par Minh-Thu Dinh-Audouin, [5] Kayser B., Mauron A.,
tography A, 1216 : 4423-4433 ; Rose Agnès Jacquesy, Danièle Miah A. (2005). Legalisation of
b) Badoud F., Grata E., Olivier et Paul Rigny, EDP performance enhancing drugs.
Perrenoud L., Saugy M., Sciences, 2009. Lancet, 366 : S21.
176
Marie-Florence Grenier-Loustalot Les molécules de la performanc
Les molécules
de la performance
2e Stade
Figure 2
Méthodologie des analyses anti-dopages.
Techniques analytiques mises en œuvre et techniques de dosage pour le contrôle antidopage.
CPG = Chromatographie en phase gazeuse ; SM = spectrométrie de masse ; DIF = détecteur à ionisation de
flamme ; HPLC = Chromatographie en phase liquide haute performance ; DEA = Détecteur d’émission atomique ;
SMHR = Spectrométrie de masse haute résolution ; IR = Infrarouge ; C = carbone (le carbone 13C est isotope du
carbone 12C) ; H = Hydrogène ; D : Deutérium (isotope de l’hydrogène).
180
Les molécules de la performance
à basse température pour disposait pas des méthodes Figure 3
une éventuelle analyse ulté- d’analyse sensibles et spéci-
rieure. Si les échantillons ont fiques que nous avons à L’analyse antidopage : au cours
d’un premier stade d’analyses
été confiés à un laboratoire de l’heure actuelle. Examinons
rapides, on trie les échantillons,
recherche, comme l’explique les chiffres de 2006 (données dont on compare les profils avec
J.-L. Veuthey, le laboratoire officielles, émanant du un profil standard.
essaie de détecter (par analyse Ministère) : 6 220 sportifs
physico-chimique) la structure et 74 fédérations ont été
chimique de cette nouvelle contrôlés, et ceux de 2008
molécule et prévoir la fraude sont sensiblement les mêmes.
des prochaines années. Il faut Lorsque nous regardons le
en effet savoir que le frau- nombre de personnes détec-
deur est toujours en avance tées positives, elles sont
de quelques mois ou quelques moins de 10 %, ce qui est
années sur l’analyste ! réconfortant. Il faut néanmoins
Aucune « fantaisie » n’est remarquer que dans une fédé-
donc admise dans le cadre de ration sur deux, des sportifs se
ces contrôles antidopage. Tout dopent, et ce dopage n’est pas
est parfaitement classifié, spécifique d’un sport (Encart :
quantifié, suivant des normes « État des lieux sur le dopage :
bien établies, et les résultats rumeur ou réalité ? »).
donnés avec des seuils de
sensibilité rigoureusement
précisés. Si l’analyste s’écarte
de cette rigueur, même dans ÉTAT DES LIEUX SUR LE DOPAGE : RUMEUR OU RÉALITÉ ?
un cas de suspicion avérée,
devant la loi il perdra si la Nombre de contrôles par an
molécule n’est pas dans la - 1966 : 37 sportifs de 2 fédérations.
liste des interdits. - 1980 : 894 sportifs de 16 fédérations.
- 1992 : 7799 sportifs de 56 fédérations.
2.3. État des lieux du contrôle - 1996 : 5228 sportifs de 66 fédérations.
antidopage - 2006 : 6220 sportifs de 74 fédérations.
- 2008 : 6320 sportifs de 75 fédérations.
Quel état des lieux aujourd’hui
pour le contrôle antido- Un taux de cas positifs sensiblement constant, mais peu
page ? En 1966, 37 sportifs et significatif.
2 fédérations avaient pu être En 2008, les cas déclarés positifs sont répartis sur
contrôlés positifs, ce qui était 42 fédérations : une fédération sur deux est touchée par
déjà relativement important, le dopage.
compte tenu du fait qu’on ne 181
La chimie et le sport
Principaux axes
- Connaissance du métabolisme des nouvelles substances
xénobiotiques susceptibles d’avoir des effets dopants.
- Étude des seuils critiques d’élimination de ces produits
dans les conditions particulières d’efforts physiques
intenses. « L’homme en mouvement ».
- Amélioration constante des techniques de détection,
en particulier au niveau des seuils de sensibilité.
Trois alternatives
- Analyses directes de marqueurs, indiquant l’utilisation
de substances prohibées (stéroïdes, anabolisants, études
des stéroïdes endogènes…).
- Analyse de produits suspects dans différents
fluides biologiques, en particulier le sang (hormones
peptidiques).
- Utilisation d’autres prélèvements tels que les cheveux,
la salive.
POURQUOI SE DOPE-T-ON ?
- L’obligation de résultats.
- Les enjeux économiques et la notoriété.
- La surcharge du calendrier sportif.
- L’intensification des charges d’entraînement.
- La promotion de l’image des produits dopants et les
habitudes de consommation de la société.
- Les effets du stress et l’absence de préparation à l’échec
sportif.
- Le manque d’investissement diversifié.
- La pression ou, à l’inverse, le désintérêt familial.
- La médicalisation des structures sportives.
Les erreurs
- Mauvaise structuration.
- Récupération insuffisante.
- Sollicitations physiques inadaptées.
Figure 6
En plus de l’éthique, du bien-être
et du plaisir, le sport apprend aux
jeunes à vivre en société, contribue
à une bonne hygiène de vie et une
bonne santé physique et mentale.
191
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Les matériaux composites dans le sport
Partie 3
Les matériaux
de la performance
193
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Yves Rémond et Jean-François Caron Les matériaux composites dans le sport
Les matériaux
composites dans
le sport
A B
196
Les matériaux composites dans le sport
La conclusion est là : les orga-
nismes vivants « utilisent »
des matériaux dont l’étude
fait apparaître une hiérarchi-
sation de nombreux éléments
qui permet la fonction assi-
gnée par la nature – bref, des
matériaux composites.
La recherche de nouveaux
matériaux s’est inspirée de
tels exemples pour, en toute
humilité et à une échelle de
complexité bien modeste,
structurer les matériaux aux
différentes échelles pour qu’ils
répondent aux objectifs fixés.
2 De l’utilisation des
matériaux composites
idéal mettrait la résistance là Figure 3
La finalité de l’ingénieur est où il faut, en flexion. Un maté-
de disposer de matériaux qui riau composite permet de s’en Les organismes vivants tels que
répondent le mieux possible les mollusques sont composés de
rapprocher. On peut signaler
aux objectifs d’usage. Ceux-ci matériaux composites (carapaces,
aussi une « propriété » souvent etc.).
sont souvent multiples masquée par les fonctions
et contradictoires. On les principales des objets : celle
veut performants mais peu d’assurer la compatibilité du
coûteux ; résistants mais matériau avec son environ-
souples ; rigides mais légers. nement – l’eau, les chocs, la
La démarche est de réunir, fatigue… Là encore l’utilisa-
sous forme de matériaux tion de matériaux composites
composites, différents consti- pourra aider à résoudre les
tuants dotés chacun de l’une difficultés rencontrées (voir
des propriétés recherchées, les Chapitres de N. Puget et de
dans l’espoir que le matériau F. Roland).
final aura la somme de toutes
Les objets que nous allons
ces propriétés. La pratique
présenter plus loin, la raquette
montre que cette démarche
de tennis, la planche de snow-
est fréquemment couronnée
board, la perche de saut et le
de succès, au-delà même
casque de protection, sont tous
des espoirs puisqu’on obtient
faits de matériaux composites
parfois mieux que la somme
qui mélangent des fibres (prin-
des propriétés.
cipalement des fibres de verre
L’industrie automobile illustre ou de carbone) avec une colle.
cette situation : quand on La réalisation du composite à
fait des « ailes de voiture », partir de ses matériaux consti-
on veut qu’elles résistent à tutifs doit suivre les trois prin-
la flexion. Le choix du métal cipes suivants :
comme matériau conduisait à
leur donner une bonne résis- Contrôler l’interface
tance partout, même dans fibre-matrice
l’épaisseur où elle est inutile, Les efforts appliqués au maté-
voire néfaste. Un matériau riau le sont aussi bien à la 197
La chimie et le sport
Figure 4 matrice qu’aux fibres, mais ce elles peuvent aussi être tissées,
sont les fibres qui sont résis- tressées, tricotées pour créer
Des fibres de géométries variées : tantes et non la colle. L’inter- des surfaces bi-dimension-
plaque stratifiée, unidirectionnelle
face entre les deux types de nelles tout comme le sont les
ou non, tissée, tressée…
constituants – fibres et colle tissus. Chaque type d’assem-
– est un endroit particuliè- blage présente des propriétés
rement sensible ; il y a donc différentes, par exemple par
lieu de bien la formuler. Les rapport à la résistance aux
chimistes sont capables de efforts. La géométrie la plus
caractériser cette interface, de adaptée à l’utilisation des
décrire les liaisons chimiques objets finis sera sélectionnée.
qui se forment et qui assurent À plus grande échelle, d’autres
la cohésion du matériau. Leurs choix se présentent : empile-
études permettent d’orienter ments de plans (qui donne les
la constitution du matériau matériaux qu’on appelle stra-
pour optimiser les perfor- tifiés), parallèles (unidirec-
mances de ces interfaces. tionnels) ou croisés, différents
Contrôler la géométrie types de tissage pour lesquels
des fibres (Figure 4) on utilise les mêmes mots
que pour les textiles – satin,
Le mot « fibre » évoque
sergé, toile, taffetas, ou même
les textiles, et en effet les
constructions de tresses, de
concepts du tissage peuvent
tricotages tridimensionnels…
être importés et employés
les ingénieurs s’en sont donné
pour conduire à une variété
à cœur joie.
d’assemblages. Si les fibres
peuvent être assemblées dans Contrôler l’assemblage
une géométrie où elles sont à grande échelle
toutes parallèles entre elles Un matériau, c’est bien sûr
198 (matériau unidirectionnel), une composition moléculaire,
Les matériaux composites dans le sport
mais c’est aussi une géomé- cissable, thermoplastique),
trie et il s’agit de contrôler un métal (acier aluminium)
les assemblages à grande ou encore un céramique ; la
échelle, pour obtenir de fibre peut être un polymère
nouvelles propriétés. La d’origine végétale, un poly-
conception d’une plaque mère de synthèse comme
devant subir des efforts à la l’aramide (pour le Kevlar), une
flexion illustre cette situation. fibre de verre (pour les skis
Soit une plaque de Kevlar par exemple : voir le Chapitre
(Figure 5) – nom commercial de N. Puget), une fibre de
qui désigne des fibres d’ara- carbone, etc.
mides50 (voir le Chapitre de
Pour les matériaux du sport,
F. Roland) dans une colle.
deux propriétés mécaniques
Cette plaque qui, seule, n’a
vont jouer un rôle clé : la rigi-
pas de rigidité particulière
dité et la résistance.
en flexion est utilisée sous la
forme de « sandwich » : entre La rigidité est la mesure de la
deux plaques, on place un déformation sous une charge
matériau mou qu’on appelle (par exemple la flexion d’une
« nid d’abeille » qui n’a pas plaque, comme dans l’exemple
de rigidité propre mais dont la précédent). Les matériaux Figure 5
seule présence fait que l’as- composites permettent des Schéma du Kevlar, matériau
semblage sandwich devient rigidités considérables par découvert en 1965 par des
très rigide alors que chacun de rapports aux matériaux purs. chercheurs de la société DuPont
ses trois constituants séparé Pour donner des ordres de de Nemours.
est souple.
La conception d’un maté-
riau procède d’une démarche
inductive : dans une
première phase du travail,
les propriétés à obtenir
sont définies en fonction de
l’usage recherché ; dans une
deuxième phase du travail on
cherche la composition du
matériau qui va permettre le
respect de ces propriétés. Les
matériaux composites, avec la
complexité de constitution qui
vient d’être montrée, fournis-
sent une quantité de schémas
entre lesquels il faut choisir :
la matrice peut être poly-
mère ou résine (thermodur-
3 Conception de
matériels de sport :
quelques exemples
pourra s’agir du poids, de la
résistance, de la rigidité, du
frottement, de la tenue aux
contraintes thermiques etc.
Le mot « matériau » désigne Ces caractéristiques objec-
bien plus qu’un échantillon tives sont déduites de l’ana-
de matière. Il implique plus lyse du fonctionnement de
profondément une démarche l’objet, comme on le verra
très puissante du scientifique plus loin dans les exemples
et de l’ingénieur, démarche présentés. Les contraintes
qui comprend les phases correspondant à la faisabilité
suivantes, souvent d’ailleurs de l’objet (par exemple possi-
exécutées de façon itérative, bilité de soudure ou d’assem-
les résultats d’une phase blages) ne devront pas être
pouvant modifier les données oubliées ;
d’entrée d’une autre :
- la fabrication proprement
- conception générale de dite.
l’objet ; Les exemples qui suivent
- phénoménologie de l’objet visent à faire mieux saisir ces
en fonctionnement. Les différentes étapes du travail
200 phénomènes physiques qui – qui ont d’ailleurs soutenu
Les matériaux composites dans le sport
avec succès l’épreuve de analyse vibratoire. Comme
servir de « projets » aux le fait une corde de guitare,
étudiants de l’École nationale la raquette frappée entre en
des ponts et chaussées. vibration et ces vibrations sont
marquées de « nœuds » et de
3.1. La raquette de tennis « ventres ». Si l’on tape sur la
(Figure 6) raquette à un nœud de vibra-
tion, la vibration ne se mani-
Conception festera pas. On devine l’intérêt
Si les raquettes existantes de faire coïncider le centre
permettent de concevoir l’objet Figure 6
de percussion avec le nœud
dans ses grandes lignes, il y de vibration – faute de quoi La raquette de tennis, un matériau
a lieu d’aller beaucoup plus le joueur, soumis à la vibra- composite qui associe des fibres et
loin selon les performances tion de la raquette, risque le une colle.
recherchées. fameux « tennis elbow »51.
Phénoménologie Établissement du cahier
Quelques exemples de phéno- des charges
mènes à étudier : Parmi les données d’entrée
- Comportement de la raquette du cahier des charges, il y a
sous percussion : centre de lieu de d’abord caractériser
percussion. La Figure 7 montre le joueur : sa morphologie,
une raquette suspendue par son niveau de jeu (coordina-
la poignée. Le comportement tion), son style de jeu (offensif
du point P dépend du point ou défensif), car tous ces
d’impact de la balle : pour un paramètres vont influer sur
certain point d’impact, le point le type de contraintes auquel
P reste immobile – c’est le
centre de percussion. C’est un 51. On appelle « tennis elbow » une
point important de la géomé- épicondylite, qui est un trouble
trie de la raquette qu’il faut musculosquelettique du coude, Figure 7
savoir prévoir avant la fabrica- caractérisé par une inflammation
douloureuse des structures si- Le centre de percussion P est un
tion de l’objet.
tuées à proximité de l’épicondyle point important de la géométrie de
- Comportement de la latérale, une petite saillie osseuse la raquette qu’il faut savoir prévoir
raquette sous percussion : à proximité de l’humérus. avant la fabrication.
201
La chimie et le sport
1. Calcul EF
2. Fabrication du moule
4. Prototype
3. Moule de Silicone
202
Les matériaux composites dans le sport
représenté terminé en 3 ; en 4,
la raquette terminée.
Dans la description de cette
démarche, le « matériau »
semble avoir disparu. En fait,
même caché, il est omnipré-
sent, car à chaque étape, il
conditionne les paramètres
qu’on sera capable d’at-
teindre ou non. À l’inverse,
d’ailleurs, le travail oriente
le choix des matériaux à
sélectionner ou pousse au
développement de nouveaux l’ordinateur et soumis à une Figure 10
matériaux. L’infinie richesse flexion ; la Figure 13B, celle du
des matériaux composites maillage utilisé pour le calcul La planche de snowboard est
ouvre évidemment des pers- faite d’un matériau composite
et qui permet la caractérisa-
pectives précieuses, large- qui doit résister aux nombreuses
tion de la variation d’épais- contraintes subies pas le sportif :
ment exploitées mais toujours seur d’un bout à l’autre de flexion, torsion…
renouvelées par de nouvelles la planche. L’objectif est de
possibilités de formulation. savoir quelle va être l’épais-
seur à un endroit donné et
3.2. La planche quel type de matériau compo-
de snowboard (Figure 10) site doit être utilisé pour la
fabrication du snowboard.
Conception
Établissement du cahier
Phénoménologie Figure 11
des charges
Quelques exemples de phéno- On caractérise la planche de
Ici encore, le cahier des charges
mènes à étudier : snowboard en flexion par trois
doit d’abord caractériser le points spécifiques : deux appuis
- La raideur en flexion. L’am- sportif : sa morphologie (son (bleu) et la force centrale appliquée
plitude de la déformation de poids), son niveau (débutant (rouge). Voir aussi le Chapitre de
la planche sous le champ de ou expert), son style (freestyle/ N. Puget.
contraintes de flexion, comme
indiqué sur la Figure 11, doit
être caractérisée.
- La raideur en torsion. L’am- Mesure du
dé l
déplacement
t
plitude de la déformation de
la planche sous le champ de
contraintes de torsion comme
indiqué sur la Figure 12, doit
également être caractérisée. L
Modélisation
0
La géométrie choisie n’est
pas rigoureusement celle -0.6 0.6
x
d’une planche, mais un objet
dont on doit maîtriser la F
variation d’épaisseur pour
que la rigidité en flexion et
en torsion réponde exacte-
ment à ce que l’on attend. La
Figure 13A montre le modèle
Flexion trois points
de la géométrie entrée dans 203
La chimie et le sport
A B
204
Les matériaux composites dans le sport
Figure 14
Les étapes de fabrication
d’une planche de snowboard. 205
La chimie et le sport
Fibre de verre
SiO2 53-55 %
Al2O3 14-15 %
CaO 17-23 %
MgO 1%
Na2O3 0,8 %
B2O3 0-8 %
Fe2O3 0,3 %
TiO2 0,5 %
Tableau 1
Après être passée du bois au
Figure 15 bambou, du bambou à l’aluminium
La perche du sauteur à la perche est faite d’un matériau composite très (1960), pour être ensuite conçue
élaboré. en polyester et en fibre de verre
(aux Jeux olympiques de 1964), la
perche est maintenant faite d’un
(m) mélange de résines synthétiques,
6.5
de fibres de verre et de carbone,
Bois Bambou Métal Fibre de verre
lui conférant à la fois élasticité
6
et flexibilité, permettant l’« effet
catapulte ».
5.5
Droite de
régression composites ont été développés.
5
C’est l’occasion de rappeler
4.5 que ces matériaux – mieux
que les autres – sont suscep-
4
tibles d’absorber de l’énergie
3.5
(voir aussi le Chapitre d’après
la conférence de D. Masseglia).
3 Cette propriété résulte de l’im-
1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 portance des interfaces fibres-
(Années) matrice, évoquée au début de
ce chapitre ; c’est en cassant
sautait avec des perches cette interface que le casque
Figure 16 absorbe l’énergie du choc.
en bois (déjà un matériau
Évolution du record du monde composite !) ensuite avec des Incidemment, la situation
de saut à la perche : une nette
perches en bambou, puis en est similaire pour un pare-
amélioration, au fur et à mesure choc de voiture généralement
que la perche évolue ! aluminium – avant de recourir
aux fibres de verre (Tableau 1) fabriqué dans un composite
(voir aussi le Chapitre d’après constitué de polypropylène
la conférence de D. Masseglia). armé de petites particules
d’élastomère en son sein :
après chaque choc, même si
3.4. Optimiser les casques
aucune lésion n’apparaît, les
de protection
nodules génèrent une impor-
Tout récemment des casques tante microfissuration interne
206 de protection en matériaux qui absorbe l’énergie.
Les matériaux composites dans le sport
L’approche, actuellement, est
de considérer la protection FRONT CENTRE
de l’ensemble tête-casque
et non, comme aupara-
vant, en améliorant la seule
résistance du casque. L’uti-
lisation de matériaux compo-
sites, qui permet de varier
les propriétés de résistance
selon les différentes parties
du casque, devient tout à fait JOUE ARRIERE
essentielle.
La Figure 17 montre que
rant 7 x 7 x 3 m3, il est réalisé Figure 17
quatre zones ont été identi-
en une seule pièce alors qu’il
fiées comme étant à l’origine, Le casque présente les quatre
fallait, auparavant, assem-
en cas de choc, de lésions zones pouvant conduire à des
bler des dizaines de pièces
spécifiques, très différentes lésions très différentes les unes
pour aboutir à la pièce finale. des autres. Sa fabrication sera
les unes des autres. Il est
Le gain en poids par rapport la résultante des études menées
en conséquence impératif
à la structure en acier, est sur la résistance aux chocs des
d’adapter les matériaux
de trois tonnes. C’est ce différentes parties.
utilisés dans la fabrication des
qu’on appelle l’allègement
différentes parties du casque,
des structures, qui permet
dont la structure finale est
une moindre consommation
nécessairement complexe.
de kérosène pour un poids
Les tests de résistance
transporté identique ou un
concerneront en priorité la
nombre plus important de
zone la plus fragile et la plus
passagers ou davantage de
exposée, celle qui se situe un
fret. Des recherches simi-
tout petit peu sur l’arrière du
laires sont développées dans
casque, là où les chocs même
le cas de l’automobile, pour
de faible énergie peuvent
des voitures plus économes,
entraîner les lésions les plus
que ce soit en essence ou,
graves; le matériau constitutif
dans l’avenir, en électricité.
utilisé sera choisi en fonction
des résultats obtenus lors Pour se situer dans l’his-
d’essais standardisés. toire, on peut se reporter à
la Figure 19. Les principaux
fabricants d’avion, Airbus et
3.5. Les matériaux
Boeing envisagent maintenant
composites en aéronautique la construction d’avions dont
Figure 18
L’Airbus A380 innove en utili- le fuselage54 pressurisé sera
complètement fabriqué en Le caisson central de voilure de
sant massivement les maté-
composite, ainsi que les ailes. l’Airbus A380 est entièrement
riaux composites (Figure 18). réalisé en composite
Jusqu’à présent, leur emploi Ces solutions sont encore à
en aéronautique était limité l’étude pour les avions civils,
aux avions militaires, de alors qu’elles sont déjà mises
dimensions beaucoup plus en œuvre pour les avions
faibles. Le caisson central militaires.
de voilure, qui est l’attache
des ailes – donc l’une des 54. Le fuselage désigne l’enve-
pièces majeures de l’avion – loppe qui reçoit généralement
est désormais entièrement la charge transportée, ainsi que
réalisé en composite. Mesu- l’équipage. 207
La chimie et le sport
Figure 19
Historique des composites en Aéronautique.
Conclusion
L’aéronautique est un bon exemple de la
manière dont les composites, champ immense,
ouvert à toutes les imaginations, vont faire
évoluer notre quotidien. Comme dans le cas
de la Formule 1 (voir le Chapitre de C. Lory),
l’aéronautique est en effet une sorte de banc
d’essai pour des innovations, qui pourront être
largement diffusées.
Pour un industriel, les caractéristiques
techniques des composites et leur comparaison
avec celles des matériaux métalliques
classiques, comme illustré dans le Tableau 2,
peuvent être décisives. Ce tableau illustrera la
208 conclusion de ce chapitre :
Les matériaux composites dans le sport
Tenue en fatigue
Résistance en traction après 107 Cycles
Résistance Tenue en fatigue d'une plaque percée d'une plaque percée
en traction après 107 Cycles
(MPa) (MPa)
MPa (Section percée) MPa (Section percée)
Composite
carbone
450 400 250 200
isotrope(1)
Alliage
450 170 450 90
Aluminium
A B C D
E F G
Figure 7
Un silane peut être utilisé comme agent de pontage à la surface des fibres de verre pour améliorer leur
compatibilité avec la matrice avec laquelle elles vont former le matériau composite.
Poudre de polyéthylène
Presse de frittage
Adittifs (noir de carbone,
lubrifiants, colorants)
Module métal
Tranchage
Conditionnement
Flammage
219
La chimie et le sport
A Soulèvement B
Résistance de l'air
FROTTEMENT
Force motrice
ÉPAISSEUR DU FILM
220
Performance d’un ski de course : structure composite et glisse sur neige
A B C
224
Performance d’un ski de course : structure composite et glisse sur neige
Conclusion
Nous venons d’illustrer à quel point la chimie
est présente dans un ski : les molécules qui
interviennent dans sa fabrication sont diverses
et variées, comme en témoigne la Figure 20 qui
complète la Figure 2.
L’évolution importante qu’ont connue les skis ces
dernières décennies est donc très fortement liée
aux apports de la chimie et de la physico-chimie
des matériaux et des surfaces. Les nouvelles
planches de glisse, la quête permanente de
la meilleure performance, posent toujours de
nouveaux défis dans lesquels les chimistes
auront encore un grand rôle à tenir, pour que
plaisir, sécurité et performance puissent être
harmonieusement associés.
H
Dessus :
N
A B S , T P U , p o ly a m id e
OH Renfort :
a lu m in iu m
Chant :
A B S o u p h é n o liq u e
Renfort :
v e rre /é p o x y
CH3
Noyau : HO OH
b o is la m e llé -c o llé
CH3
O
Cl
Renfort :
a lu m in iu m
Semelle :
Carre : p o ly é th y lè n e
a c ie r h a u te d e n s ité
H H
F3C CF2 CF2 CF3 * n *
H H
Figure 20
Résumé des couches qui constituent un ski. De manière discrète pour le grand public, mais d’une grande
efficacité pour l’industrie : l’évolution technique des skis ces dernières décennies est fortement liée aux
nombreux apports de la chimie dans la science des matériaux. 225
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Claude Lory Revêtements complexes antifriction pour les composants moteurs automobiles.
De la F1 à la grande série
Revêtements
complexes
antifriction
pour les composants
moteurs
automobiles.
De la F1 à la grande série
Figure 1
La F1 offre un spectacle
qui fascine le public tant par
Claude Lory a créé une start-up Un peu curieusement peut- la vitesse que par la technique
innovante où sont réalisés des être, la F1 est une discipline qui y est liée.
revêtements pour la protec- sportive qui fascine le public.
tion anti-usure, anti-friction de L’engouement, toutes propor-
pièces mécaniques, SOREVI, tions gardées, se compare-
qui est devenue leader mondial rait à celui que déclenche le
dans le domaine des compo- football. Il faut dire que le
sants moteurs pour la compé- public (en particulier le public
tition automobile (F1, NASCAR, masculin) y trouve à la fois
WRC, Moto GP…). Depuis juillet la fascination de la perfor-
2008, il dirige le département mance et celle de la technique
Incubateur de l’Agence pour (Figure 1). Les profession-
la valorisation de la recherche nels ont bien su emboîter le
universitaire du Limousin pas à ces enthousiasmes : ils
(AVRUL), où son objectif est utilisent la F1 pour tester et
de mettre son expérience au valider les nouvelles solutions
service de la création d’entre- techniques qui peut-être (en
prises innovantes. fait assez souvent) viendront
La chimie et le sport
Figure 3
Le DLC est un matériau dont les propriétés combinent la dureté du diamant et la souplesse du graphite.
230
Revêtements complexes antifriction pour les composants moteurs automobiles.
De la F1 à la grande série
deux états d’hybridation sp2 et sp3, et présentent de très nombreux défauts (liaisons orphe-
lines, impuretés). Les couches DLC appartiennent à cette dernière catégorie, elles contien-
nent ainsi une quantité importante d’atomes d’hydrogène, apportés par la matière de départ,
un hydrocarbure. Elles ont la dureté apportée par les liaisons sp3 du diamant et les qualités
de glissement, apportée par les liaisons sp2 graphitiques.
*La chimie quantique est une branche de la chimie théorique qui applique la mécanique quantique aux systèmes
moléculaires pour étudier les propriétés chimiques. Le comportement électronique et nucléaire des molécules
étant responsable des propriétés chimiques est décrit à partir de l’équation du mouvement quantique, appelée
équation de Schrödinger. Sur cette base sont construits les concepts d’orbitales atomiques (orbitales s, p, d,
f…) et orbitales moléculaires.
231
La chimie et le sport
Poussoirs
Linguet
04
09
14
19
24
29
34
39
44
49
54
59
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
0H
750 1,0
700 cycle 1 cycle 2 cycle 3 cycle 4 cycle
l 1 cycle
l 2 cycle
l 3 cycle 4
cycle 6 cycle 7 cycle 8
Puissance absorbée (Watts)
400
350
0,7
300
250
0 0,00
3800 4000 6000 8000 10000 3800 4000 6000 8000 10000
Vitesse de rotation du moteur (tours par minute) Vitesse de rotation du moteur (tours par minute)
Figure 7
Deux cycles de rodage sont nécessaires pour obtenir un système stabilisé.
1,2
1000
Linguet non revêtu 1,1 Linguet non revêtu
900
Couple de frottement (N.m)
800 1,0
200 0,5
0 0,00
3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000
Vitesse de rotation du moteur (tours par minute) Vitesse de rotation du moteur (tours par minute)
1,10
Figure 9
Comparaison avec ou sans revêtement DLC (Cavidur®) des cames et/ou des linguets.
170 2,0
3 De la F1 à la grande 160
Écart (%)
1,8
Puissance
série 150
140 1,5
Les acquis apportés par l’uti-
130
lisation des revêtements de 1,3
120
DLC au cours de la mise au
110 1,0
point de moteurs de F1 ont Piston revêtu de DLC
Piston non revêtu
100
conduit à les tester sur les Écart 0,8
90 Tendance sur l’écart de performance
moteurs de série (Figure 12). Tours/mn
80 0,5
Il s’agissait de voir si les effets 7000 8000 9000 10000 11000 12000 13000 14000
235
La chimie et le sport
0,12
0,11
0,10
0,09
0,08
Sans DLC
Puissance
0,07
0,06
0,05 Avec DLC
0,04
0,03
0 02
0,02
0,01
0,00
400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Vitesse de rotation du moteur (tours par minute)
Figure 13
Tests réalisés sur les poussoirs des moteurs de série.
Conclusion
Au moment de conclure sur l’utilisation du
DLC (Diamond Like Carbon) pour réduire
les frottements dans les moteurs, il faut le
remettre à sa place : le DLC ne serait rien sans
son compère, le substrat. Celui-ci doit être
soigneusement préparé en termes de propreté
et de rugosité, les creux et bosses doivent rester
inférieurs à l’épaisseur du revêtement ; ceci
n’est pas trivial car l’épaisseur du revêtement
n’est que de un à deux microns.
Si, comme le montre ce chapitre, le revêtement
DLC est un facteur indéniable de l’amélioration
des performances des moteurs de F1, cette
dernière est aussi un acteur prépondérant
dans le développement de ces revêtements.
Les coûts de la F1 peuvent être qualifiés de
« productifs » car les progrès technologiques
qu’ils permettent diffusent dans la voiture de
série : les BMW K1300 KTM possèdent déjà
236 des moteurs munis de linguets revêtus sur
Revêtements complexes antifriction pour les composants moteurs automobiles.
De la F1 à la grande série
des productions de un à un et demi millions de
pièces par an.
L’évolution de l’automobile grand public va
certainement généraliser l’utilisation du DLC
dans les années qui viennent, tant il est vrai
que la voiture électrique est loin de rendre les
moteurs à explosion caducs avant longtemps.
Les normes de consommation de carburant,
partout en baisse, vont y obliger. Déjà Porsche
et Ferrari (Figure 14) envisagent l’emploi de
DLC à court terme dans leurs véhicules, étape
signifiante avant que cette technologie ne passe
au « vraiment grand public » !
Figure 14
Porsche et Ferrari envisagent déjà l’emploi de DLC à court terme dans
leurs véhicules, avant que cette technologie ne passe au « vraiment grand
public ».
237
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Apport de la chimie pour améliorer confort et performances
Fabien Roland Des textiles pour sportifs
Des textiles
pour sportifs
Apport de la chimie pour améliorer
confort et performances
Équipements
sportifs
Textiles techniques :
Matériaux Cordes d’escalade, cordages
textiles de raquette, fils de pêche,
voiles de bateaux, voiles de
parapentes…
CONFORT SÉCURITÉ
Figure 10
Les textiles sont conçus pour assurer élasticité et compression, pour un confort optimal.
L’EFFET DE DÉPERLANCE
Comment faire pour que les gouttes de pluie ne s’accrochent pas au tissu ? Il faut réduire l’énergie
de surface du textile. Pour cela, on peut réaliser un traitement de surface avec des molécules
fluorées, en utilisant des polymères possédant des chaînes latérales perfluorées (Figure 12A).
Mais leur effet n’est pas permanent, surtout après un lavage ou suite à une abrasion.
En revanche, les traitements avec des silicones assurent une bonne durabilité de la déperlance.
On peut utiliser des polysiloxanes (Figure 12B) et formuler des silicones pour assurer une adhé-
sion sur le tissu, donc une durabilité (technologie AdvantexTM). Les silicones sont appliquées par
imprégnation à cœur (gainage de la fibre), assurant douceur et souplesse. Cette technologie
trouve une application dans les vêtements de sports de montagne « soft shell » trois couches :
- extérieur : tissu traité par le silicone AdvantexTM ;
- membrane : polyuréthane imper-respirant ;
- intérieur : textile gratté.
A B
-CH2-CH- H3C CH3 H3C CH3 H3C CH3
¦
C=O Si Si Si
O O
¦
O-(CH2)2-(CF2)x-CF3
Figure 12
Afin de conférer au textile des propriétés de déperlance, on le traite avec des polymères possédant
des chaînes perfluorées ((CF2)x, avec x = 8 à 10) (A), ou avec des polysiloxanes (B) : les CH3 ont une
configuration « parapluie » (orientés vers l’extérieur).
Figure 13
Les combinaisons de triathlon
et leur effet « seconde peau ».
Figure 15
Les combinaisons de
natation : de véritables
peaux de requin !
252
Des textiles pour sportifs
Apport de la chimie pour améliorer confort et performances
Et au-delà du sport, quelle réalité et
quelles perspectives pour les textiles
du XXIe siècle?
L’importance stratégique des nouveaux
textiles techniques et fonctionnels, voire
adaptatifs (également dits intelligents), n’est
plus à démontrer. Déjà le nez du Concorde
en composite, avec son radôme en cône, fut
tissé sur un métier Jacquard avec des fils de
verre ; l’avion de combat Rafale est pour une
grande part en composite carbone-carbone…
Le marché mondial des textiles techniques est
évalué, en 2010, à 22 millions de tonnes, soit
environ 100 milliards d’euros, en augmentation
constante de plus de 3 % par an. En termes
de production et de consommation, la France
occupe le 2e rang européen derrière l’Allemagne,
l’Europe elle-même étant au 3e rang mondial,
derrière l’Asie et l’Amérique.
Les fibres, d’origine naturelle ou synthétique,
sont transformées en fils par la filature et
constituent la base des futures étoffes, obtenues
par tissage, tricotage, tressage, ou formation de
non-tissés. Ces étoffes peuvent subir ensuite
divers traitements d’ennoblissement ou
d’enduction.
La collaboration des industriels (grands
groupes et PME/PMI), des écoles et des
centres techniques (qui proposent de la
recherche-développement et des formations
de tous niveaux), comme les laboratoires de
l’ITECH Lyon (laboratoire GFMP, « Génie de la
Fonctionnalisation des Matériaux Polymères »),
du CEA, du CEA/LETI et de la plate-forme
Minatec, favorise le transfert des dernières
innovations technologiques dans la conception
et la mise en œuvre de nouveaux textiles.
Les nanotechnologies ont véritablement
révolutionné l’industrie des textiles à haute 253
La chimie et le sport
254
Glossaire
Glossaire
CHAPITRE 3 CHAPITRE 8
Fig 4A : Licence CC-BY- Fig. 17 : Doc. R. Willinger.
SA-3.0, Ludovic Péron.
Fig. 21 : Doc. EADS J. Cinquin.
Fig 5 : Licence CC-BY-SA-2.5,
Tableau 2 : doc. EADS
2.0, 1.0, Chris Timm.
J. Cinquin.
Fig 6B : Licence CC-BY-SA-1.0,
Thomas Grollier, Sestrieres, CHAPITRE 9
18 février 2006.
Fig. 1 : Agence ZOOM skieurs : A)
Fig 7D : Licence CC-BY- Marie-Laure Brunet (France),
SA-2.5, Nrbelex. B) Martin Fourcade (France),
Fig 7E : Licence CC-BY-2.0, C) Jean-Baptiste Grange
Charlie Cowins, Belmont, NC, (France), D) Julien Lizeroux
USA. (France), E) Didier Defago
Fig 8 : Licence CC-BY-2.0, (Suisse), D) Ted Ligety (États-
Michiel Jelijs, from Groningen, Unis), E) Vincent Vittoz (France).
The Netherlands. Fig. 4 : Licence CC-NY-SA.
Fig 10 : Licence CC-BY-2.0, NoiseD@de.wikipedia.
Karen Blaha. Fig. 5 : Larousse.
Fig. 13A : Agence ZOOM
CHAPITRE 4 skieurs : A) Yannick Bertrand,
Fig. 1, 3A, 3B, 4, 5 (photo), B) Ted Ligety.
21, 25A, 26 : Jerome Clabé et Fig. 14 : Skis Rossignol.
Laurence Saulnier.
Fig. 3C, 11C, 12B et 12D : CHAPITRE 11
photos prises au cours Fig 7 : Licence CC-BY, Wilson
d’activités organisées dans la Dias/Abr.
259