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Analele Universităţii „Ovidius” Constanța – Seria Istorie

Volumul 12-13, 2015-2016, p. 27-32

LA LEGENDE ARTHURIENNE DANS LES ARTS PLASTIQUES


EN ANGLETERRE AU 19E SIECLE

Ecaterina LUNG

Abstract: This paper tries to show how the romantic works of some of the most important
members of the Pre-Raphaelite Brotherhood imply a contestation of the Victorian society but
were accepted quite enthusiastically by the same society. The chivalrous ideals of Queen
Victoria and the prude attitude she tried to impose over the whole English society were
somehow mined by works of art that were inspired by passion and adulterous love.

Keywords: Pre-Raphaelite, Victorian society, Arthurian legend, Dante Gabriel


Rossetti, Edward Burne Jones, William Morris.

Ce que cet article1 se propose de présenter est un chantier et mon travail


est plutôt celui d’un amateur d’art et pas celui d’un spécialiste en histoire de l’art
ou dans les études arthuriennes. J’essayerai, dans un premier temps, de poser
quelques questions sur les causes et le contexte de la vogue arthurienne dans
l’art britannique du 19e siècle, et spécialement dans sa seconde moitié. Puis, je
vais me concentrer sur les œuvres de trois personnalités qui ont étés
profondément marquées dans leur création par l’inspiration arthurienne : Dante
Gabriel Rossetti, Edward Burne Jones et William Harris. La sélection est en
quelque sorte inspirée par des affinités personnelles, mais elle est justifiée aussi
par leur rôle dans la phase mature du préraphaélisme.
Le découpage chronologique de mon travail porte sur le 19 siècle car
c’est le moment d’une renaissance arthurienne dans les arts plastiques, sans
solution de continuité avec la période précédente. Le contexte culturel général
du 19e siècle est marquée par le romantisme qui, chose connue, se caractérise
par une revalorisation du Moyen Âge. Dans la Grande Bretagne, sortie
victorieuse des guerres napoléoniennes, le retour au Moyen Âge pourrait
signifier entre autres la continuité d’un Ancien Régime que la Révolution
Française s’était proposée de détruire. Le Gothic Revival est le mieux illustré en
Angleterre par le nouveau bâtiment du Parlement construit d’après les plans de
Auguste Pugin and Charles Barry et il est justifié d’une manière théorique par
les oeuvres de John Ruskin – The Seven Lamps of Architecture (1849) and The Stones

1 Cetarticle a été d’abord une présentation donnée à l’occasion du le XXIV e Congrès de la


Société Internationale Arthurienne, organisé par l’Université de Bucarest.
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of Venice (1853). Ce qui se passait dans l’architecture semblait à la première vue


la preuve la plus évidente d’une vogue médiévale dans les arts plastiques2. Mais
une architecture néo-gothique allait de pair avec une peinture académique
d’inspiration plutôt classique. La peinture britannique allait se retourner vers le
Moyen Âge au milieu du siècle, autour du 1848.
Ce qui est intéressant est que, pendant que sur le continent l’an 1848
était marqué par des révolutions politiques qui se proposaient encore une fois
d’éliminer les dernières vestiges de l’Ancien Régime, en Grande Bretagne se
produisait une sorte de révolution artistique générée par la fraternité
préraphaélite (Pre-Raphaelite broderhood). Il s’agissait des jeunes peintres qui se
révoltaient contre les normes de l’académisme rigide et qui se proposaient de
revenir aux anciens maîtres d’avant la Renaissance mature illustré par Rafael.
Leurs modelés devraient être les maîtres de la fin du Moyen Âge et du début de
la Renaissance. La réception de leurs premières œuvres d’inspiration médiévale
n’a pas été enthousiaste, au contraire, Charles Dickens les a attaqué durement,
mais le grand critique et théoricien John Ruskin a pris leur défense et leur
fortune a changée3. Mais il est difficile de croire qu’un critique d’art, n’importe
combien influent soit-il, puisse influencer une opinion publique trop hostile ou
pas du tout ouverte vers ce qu’on proposait. En réalité, la société britannique
s’était depuis quelque temps préparée pour accueillir les thèmes d’inspiration
médiévale et surtout arthurienne.
Pour comprendre les mécanismes de la réception des œuvres
préraphaélites on doit revenir en arrière, pour voir ce qu’on savait les
britanniques de 1848 du roi Arthur et quels étaient leurs rapports avec ce héros
littéraire.
La culture anglaise et britannique a été fortement marquée par Malory et
son Morte D’Arthur terminée vers 1470 et imprimée en 1485 qui représentait la
version en anglais la plus complète de la légende arthurienne. Mais dans le
contexte politique et religieux spécifique des iles britanniques, à partir du 16e
siècle, la légende arthurienne commence à être ternie par l’association des
chevaliers de la Table Ronde et de leurs aventures avec le catholicisme si
fermement condamné par la Réforme anglicane. Après la guerre civile de 17e
siècle et le remplacement de la dynastie de Stuarts avec William et Mary les
légendes arthuriennes ont pris une connotation plus négative, étant associées
avec les Stuarts catholiques, ce qui contribue aussi à sa perte de faveur. En plus,
Arthur est associé avec les Celtes (Scotiens, Irlandais, Gaulois) qui refusent leur
intégration dans un royaume anglais en expansion. On se rappelait alors
qu’Arthur était d’origine celtique et qu’il avait lutté contre les Saxons, les
ancêtres des Anglais. Donc, au début du 19e siècle, on gardait d’Arthur un

2 LaurentBury, Which medievalism? The case of Ford Madox Brown, in « Cahiers Victoriens et
Édouardiens » , n° 73 (Avril 2011), p. 94.
3 Lucinda Hawksley, Essential Pre-Raphaelites, Dempsey Parr, Paragon, 1999, p. 8.
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souvenir assez vague et sa figure avait été traitée dans une clé plutôt ironique les
deux derniers siècles. Par contre, dans les premières décennies du 19e siècle
Arthur semble intéresser pas mal les Celtes – Ecossais, Gaulois qui voient en lui
une image de leur identité nationale4. C’est pourquoi les artistes plastiques
anglais ne s’y sont pas trop inspirés avant le milieu du 19e siècle5.
La fortune de la légende arthurienne avait commencée se changer et la
fascination émergente pour le monde arthurien doit beaucoup à Sir Walter
Scott, qui a utilisé Mallory pour « The Bridal of Triermain », publiée en 1813.
La société britannique allait apprécier le mode de vie des chevaliers, en
commençant avec la reine Victoria, qui aimait voir son époux adoré Albert
représenté en chevalier en armure selon la mode médiévale.
Cette vogue médiévale fait partie du mouvement culturel plus général du
romantisme et du Gothic Revival, dont j’ai déjà parlé mais en Grande Bretagne
l’accent mis sur la légende arthurienne dans les arts plastiques est plus
importante qu’ailleurs, en tant que symbole de la confidence de de l’identité6.
L’appel fait par la reine Victoria au model chevaleresque s’explique aussi par sa
situation personnelle. El est devenue reine très jeune et est mariée avec le prince
Albert qui a été reçu avec beaucoup d’hostilité par l’opinion publique anglaise,
qui voyait en lui un étranger, allemand et un coureur de dote. Pour gagner la
sympathie de son peuple, Victoria se présentait comme une demoiselle en
détresse qui avait besoin de l’aide d’un chevalier, qui pouvait être, selon le
contexte, son bien-aimé Albert ou son peuple tout entier.
En tout cas, la vogue médiévale et arthurienne recevait une sanction
officielle avec les travaux du nouvel bâtiment du Parlement, duquel on a dit
qu’était réalisé dans un style architectural néogothique. En 1847 pour ce nouvel
bâtiment de Westminster (Queen’s Robing Room), grâce en grande partie au
choix fait par le prince Albert, William Dyce a été commissionné pour peindre
les fresques. Ile peintre a choisi épisodes inspirés de la légende du roi Arthur,
connus grâce aux rééditions modernes de Malory (il y avait eu trois éditions
entre 1816 et 1817). Ce choix posait déjà un problème, car les histoires
d’adultère et inceste liées aux affaires de Guenièvre et Lancelot, Morgane et
Arthur entraient en contradiction avec les valeurs morales des Victoriens du
milieu de 19e siècle. Autres problèmes étaient liés à la signification eucharistique
de Graal, dans les conditions d’une accrue animosité anticatholique dans la
société anglaise. Finalement, Dyce a choisi de peindre dans une manière
allégorique, les vertus représentées étant inspirées par des épisodes de l’œuvre
de Malory (par exemple, la Piété était représentée par le départ des chevaliers
de la table ronde en quête du Graal). Dans la même année, William Bell Scott a

4 The Cambridge Companion to the Arthurian Legend, Cambridge University Press, Cambridge, 2012
(2009), p. 110.
5 Christine Poulson, The Quest for the Grail : Arthurian Legend in British Art 1840-1920, Manchester
University Press, Manchester, 1999, p. XIV.
6 Debra Mancoff , The Arthurian Revival in Victorian Art, Garland, New York; 1990, p. XXII.
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réalisé « King Arthur carried to the land of enchantment », 1847, une des
premières peintures considérées à se réclamer directement de Mallory. La
légende arthurienne commençait en force son chemin dans la peinture
britannique de 19e siècle, répondant aux plusieurs besoins et idéaux de la
société.
A partir des années 30 du 19e siècle Alfred Tennyson commence à écrire
des œuvres inspirés par la légende arthurienne, même si la source n’était pas dès
le début Malory. La première version de The Lady of Shalot publiée en 1832,
thème qui allait connaitre un énorme succès quelques décennies plus tard était
inspirée par une courte nouvelle italienne anonyme imprimée en 18047. En 1842
le poème est retravaillé, et il va offrir source d’inspiration pour plusieurs artistes
de l’époque pendant les décennies à venir.
Tennyson se proposait de mettre en valeur une certaine unité morale des
légendes médiévales, étant de cette façon plus approprié aux idéaux morals
puritains de la société victorienne. Il a offert sources d’inspiration aux plusieurs
artistes, parmi lesquels les Préraphaélites sont les plus importants.
La fraternité des Préraphaélites (Preraphaelite Broterhood) formée en
1848 par Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt et John Everett Millais,
auxquels assez vite se sont ajoutés d’autres, se proposait de renouveler la
peinture britannique accusée de sclérose académique par un retour aux grandes
maîtres italiens d’avant Rafael. Ils désiraient que leurs œuvres soient morales
mais ayant en même temps des qualités esthétiques. Leurs principes étaient la
franchise (ne plus imiter les maitres) et le réalisme (utilisation de couleurs vives
et utilisation de la nature comme source d’inspiration). En même temps, leur
inspiration est médiévale, ils utilisent thèmes religieuses ou arthuriennes, la
seconde étant quand même plutôt secondaire dans leurs premières années. Leur
renommée et tant que familiers avec les thèmes arthuriennes a fait que l’édition
de poèmes de Tennyson imprimé par Moxon en 1857 a des illustrations faits
par William Holman Hunt et Dante Gabriel Rosetti.
La vogue médiévale et arthurienne devenait grande dans les milieux
académiques anglais, et quand Benjamin Woddward a réalisé la salle de débats à
Oxford, il a fait appel à Rossetti pour peindre les murs dans la technique
médiévale de la fresque. Il s’agit de la fameuse histoire de la peinture de Oxford
union murals (1857-1859).
Rossetti avait senti le potentiel érotique dans Malory qu’il a choisi
comme source principale d’inspiration pour ces fresques. Il a collaboré avec
plusieurs artistes, le plus importants étant William Morris and Edward Burne
Jones. Ils étaient plus jeunes que lui, excessivement nourris par des lectures de
teinte médiévale et avaient eu l’idée de fonder une sorte de fraternité quasi monastique
dédiée au Saint Galaad. Sir Galaad était pour eux la figure centrale
de la légende arthurienne, ce qui s’explique aussi par les aspirations catholiques

7 The Cambridge Companion to the Arthurian Legend..., p. 113.


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of Burne Jones au moment quand il arrivait à Oxford). Ce qui les unissait c’était
leur manque d’intérêt pour leur propre époque industrielle8.
Dans une époque obsédé par la moralité basée sur le mariage légitime et
la famille, Rossetti a choisi comme personnage représenter Lancelot, symbole
de l’amour adultéré et instrument de la destruction du royaume d’Arthur – Sir
Launcelot’s vision of the San Grail. Lancelot doit choisir entre Guenièvre et l’ange
de Graal, vision qui n ’existe pas dans Malory – ce qui signifie le choix entre
amour sacré et amour profane. Un thème qui confère unité aux fresques est le
pouvoir des femmes sur les hommes, femmes qui peuvent leur donner plus de
force ou les en dériver. (Nimue, Guenièvre.) Les peintres d’Oxford étaient
jeunes et enthousiastes, mais ils ne maniaient pas la technique de la fresque et ce
pour cela leurs peintures se sont rapidement détériorées.
Plus tard dans leur vie Morris et Burne Jones vont revenir aux thèmes
qui les avaient intéressés lors de leur travail à Oxford. La seule peinture en huile
de Morris est La Belle Iseut, parfois intitulé Guenièvre, peinte en 1858, au
début de sa relation avec Jane Burden, devenue sa femme et qui, comme les
personnages arthuriennes, a eu une liaison adultéré (avec Rossetti). William
Morris, fasciné avec la figure de Guinevere, a écrit The Defence of Guenevere and
Other Poems (1858).
L’amitié qu’ils avaient liée à Oxford a perduré et Burne Jones et Morris
ont réalisé une série de tapisseries et des vitraux inspirés par la légende. C’était à
l’époque de la compagnie que Morris avait fondé pour promouvoir les arts et les
métiers de type médiéval, comme expression de son mécontentement avec
l’industrialisation moderne. Edward Burne Jones a travaillé jusqu’à sa mort a
une toile monumentale sur l’Arthur en Avalon (The last sleep of Arthur in Avalon),
considérée comme sa dernière œuvre importante9.
Pour conclure, on peut souligner plusieurs paradoxes liées à l’utilisation
de la légende arthurienne dans les arts plastiques de la deuxième moitié du 19e
siècle, qui peut servir plusieurs idéologies et politiques socio-culturelles.
L’accent mis sur la figure d’Artur, représenté parfois comme un héros solaire a
des relations avec le nationalisme anglais et l’impérialisme britannique, qui a pu
finalement utiliser un Celte comme symbole central. Dans une société obsédée
avec la moralité centrée sur la famille et le mariage légitime, des peintres ont
choisi comme sources d’inspiration les figures des adultères notoires, comme
Lancelot et Guenièvre, Tristan et Isolde. Au contrôle puritain des émotions ils
opposent la figure d’Elaine, the lady of Shalot, consommée jusqu’à mort par sa
passion pour Lancelot. Finalement, on peut nous demander si les œuvres des
peintres préraphaélites n’ont plutôt une signification dissidente, mettant en

8 ColinCruise, Sick-sad dreams” : Burne-Jones and Pre-Raphaelite Medievalism, in « The Yearbook of


English Studies » Vol. 40, No. 1/2, The Arts in Victorian Literature (2010), p. 121.
9 Fionna MacCarthy, The Last Pre-Raphaelite: Edward Burne-Jones and the Victorian Imagination, Faber
and Faber Ltd., Bloomsbury House, 2011, p. 519.
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question les attitudes dominantes en ce qui concerne le gendre, la moralité, le


devoir social dans leur monde10.

10 LindaHugues, « Reinventing King Arthur: The Arthurian Legends in Victorian Culture », in


Victorian Studies 48, 3, 2006, pp. 559-560.

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