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pops t. ne LES EXEGESES D'ALEXANDRIE ET D’ANTIOCHE CONFLIT OU MALENTENDU? Lorsque les exégites d’Antioche voulaient définir leur méthode _ (<2 et ce quelle leur semblait présenter «original, Cest par rapport Alexdndrins qu'ils la situaient. Ils avaient Conscience qu'un accord profond les séparait d’Alexandrie, d'Origene en part ier. Ce qui leur paraissait caractériser et. condamner son se, c'était son emploi résolu de T'allégorie., Facundius 'Hermiane rapporte que Théodore de Mopsueste avait comporé contre Origine un Liber de allegoria et historia’ ; Suidas cite un wrage de Diodore de Tarse, aujourd'hui perdu ou du moins identifi, intitulé Tis Sixgopi Gewping xxi AXAnyopias?, Clest tne tradition & Antioche d’accuse? J'allégorie de_ruiner Is valeur historique de la Bible, Diodore de Tarse écrit : ¢ La ob faut chercher & cOté du texte un sens étranger, il n'y a plus orie mais allégorie®, » Pour Iui, Vallégorisme, avec ses rappro- ents « monstrueux », est une infiltration de Vhellénisme ans la tradition chrétienne. Sans doute saint Paul a-il semblé consacrer le mot en enseignant que les événements de Ancien 1. Pro defensione trium capit., WL, 6; P. Lu, 67, 602 B. 2°CL Kun, Usber Ses und Dinrepi, Thelogiche Quarelschif 1880, P. 534. 2D Brdjcs aw Commenaire des Praumes, dite et tradute pat Je R. P. Louis Mantis, Recherches de Science raligicuse, 1919, p. 80. Mgr ‘Devazxsss, dans un compte rendu de la Revue bibligue (1925, PP. 605-606), puis dans son article sur les Chatnes exdgdiques grecgues (Suppiément ax Dictionnaire de la Bible, t. 1, 1128-1130), a mis en doute Yatiribution & Diodore de ce Commientaire, D'autres s'étaient déclarés convaincus. Reste que, pour Mgr Devreesse Tui-méme, ce commentaire exprime «le meilleur dela pensée » d'Antioche. Reciiencites SCrENCE REL. 8 ove iy eee 1h coniqnae Testa ee oe estate Qe [CTI RENE ly connat! 0 4 faite bbligue Vers yeux. 00 1 rique pas faite )¢PONUTAN Leu ral ant hat speete de wot Seon stint Jean hry) sto IBS OME saint yg history ove Ie mot en =o = POPE, Mais au iguras aoe allggorie est une lition. Le sens alléyoriqne S'iden. aeemepcrakement chez I atl sens Rguré, et c'est at come ‘ = jon est & prendre ant.sens litt oy ay ne de tifie ge a décider si telle expres allgorique * . weirs position W’Alesandrie, telle que la formule Origine a csemple, n'est pas moins catégorique et parait. directemen contradictoite, Pour un chrétien, Ancien Testament n'a qu'un sens et ce sens est allégorique. Si les Juifs se refusent au christy nisme, si les gnostiques le défigurent, la cause en est toujours une interprétation de I'Beriture au sens littéral, et non au sens spirituel ». Or, de cette faute beaucoup de chrétiens se rendent coupables : ce sont ceux qui « recoivent charnellement la loi spirituelle *», ceux qui s'hypnotisent sur Ia lettre et se scanda- sent de tout ce qui les y choque, ceux qui méconnaissent le caractire provisoire et figuratif de histoire d'Israél. Ul n'y a lus a retourner les yeux vers ce passé aboli, mais & y chercher ‘on point d’aboutissement et d’explication, le Christ®, Dans utie rsion chrétienne, il n'y a plus d’Ancien Testament : Je pas? inéme, renouvelé, transfiguré, prend un sens spitituel ; « Pott ‘moi la loi n'est pas un Testament ancien, du moment que jt Uauk [a comprendre spirituellement, La loi est un Testame ancien pour ceux-la souls Qui veulent Ja comprendre eae pe raison, il est fatal que pour eux elle ait ‘maintenant une vieitle, parce qu'elle a perdu Bat 4 oy /xpositio im piss, ‘ed vate Mae lsc, Voi po mV. 753. Gy 56, Go, Arthon Wo? PG 40.243 P. Gy ty Non how SN We AXRETSHEDALEXASDRIE br Dax ociE (ieee MM NM HONS ar Ta comp iy iatveltianes dans Te sens de p Vea nous les Testamer nif pas le méme age, m: a Ft Pintieprs sant Hie est enajours "MIS sont nouveaux tons les ais ils ont pour objet la méine poavell dex il8 1 pouweatt Le confit pasait assez net. A Antiocbe, om cherche 4 lire dane > testes lea sens Te plus immédit 4 Césandeou i Alexondee an ne songe gu'd les réinterpréter pour y retrowver, an yrie a tous Hes autifioes, des figures du Christ. Antioche csvse Vesandrie de travestir histoire en tables mythologiqurs stoaine avait traité de « charnels », autant dire de noncelné. ement vens les tenants d'une exégése strictement lttérale. Qu'eitil qu'un it des attaques d’Antioche ? vristia. Que penser de cette opposition? Est-ce un conflit véritable? jours (Quelle part daccord demeure sous les formulessde polémique? users est un fait que les deux écoles sont toujours demeurées cliré- sadent wennes. Les opinions de Théodore de Mopsueste condamnécs Ia Boi par le second Concile de Constantinople, encore qu’elles soient vanda- Pour une part opinions d’exégéte, n’ont jamais disqualifé la ent Ie méthode d’Antioche, pas —phis que les opinions condamnées nya ‘TOrigine, qui, elles, n'ont aucun rapport avec Texégése, n’ont ercher \lscrédité une tradition dont reléve en somme toute Vexdgise latine Cet accord dans la foi entraine bien des concordances de Inéthode et de pensée. Entre les all6gorisants, disciples @Origéne, ‘tls exégétes d'Antioche, il y a certainement des différences de ‘méthode et d'esprit ; mais si Popposition entre les écoles est " fondée dans Jes grandes lignes, écrit M. Bardy, il serait imprudent d'y insister d'une maniére trop absolue™ ». Le RP. de Lubac, reprenant en particulier l'opposition entre I'atlé- Ame etla.« théorie » par olt Antioche a exprimé le point précis, WM We Sépardit d’Alexandrie, vient de montrer que « les deux “Mts Julisevent pour ainsi dire de symboles A leurs devx exé- fr palit Bois. 1S, 44 PG, 48, a8siay, Haruna, TH. 99, arts leton che: lez Pines, dans Wo Supplement on Dicoonan Meme oe dust doctrine originale d’Antioche, la « théorie », la typo (i be Le 290 LES EXEGESES D’ALEXANDRIE ET D’ANTIOCHE, géses ne couvrent pas deux conceptions antagonistes ‘Dom Gribomont, quelque temps auparavant, loin d'opp. d’Alexandrie, voyait au contraire entre les deux explicatia «un parallélisme si frappant... qu’il faut attribuer A la ment chrétienne et primitive le fonds commun aux deux écoles® SiTon-veut préciser la nature du confit, en dein exacte, c'est esprit méme des dew ressaisir. Au delA des forinules qui s'opposent, il faut atte Jes tendances profondes, les présupposés inconscients ou ine: més. Pour pénétrer ainsi des mentalités, les textes polémigu sont moins suggestifs que les commentaires eux-mémes, La seu Jement on voit jouer au naturel les réflexes de base, les pr cipes indiscutés, Aussi, avant de caractériser les dominantes deux exégéses et d’expliquer leurs divergences, sera-t-il util de les observer au travail, de voir leur méthode en action, L. — Les Méthodes de Travail Des deux écoles, les représentants les plus originaux, les pits andacieux aussi, sont incontestablement Origéne. et Théodore de Mopsueste. Ils ne sont pas seulement les témoins d'un esprit ils ont tous deux une pensée propre, une méthode raisonnée d travail. Trés différents l'un de V'autre, ils sont I’'un et aul assez personnels pour qu'on puisse les comparet. Pour étre gestive, cette confrontation doit les mettre aux prises sur,le Ancien Testament nous ne possédons plus que son ceuvre suf les douze petits prophétes et son commentaire des Psaumes!* 12, « Typologia » et « Allégorisme », Recherches de Science religious, 1047, p. 203. 13. Le Hien des deus Testaments selon la théologie de saint Thoms, Ephemerides Theologicas Lovanienses, 1946, p. 84. 14. Bublé par Mgr DEVRERSSE : Le Commeniatre do Theatore de ef sueste sur lar Paoumnes, KOM, 1939. LES EXEGESES D'ALEXANDRIE ET D'ANTIOCHE 261 Origéné n'a pas commenté les petits prophétes et ce qui nous reste A son nom des commentaires sur les psaumes est trés saspect 6, Néanmoins, parmi les Selecta in Psalmos publiés par Delarue'*, le commentaire du Psaume 3 semble avoir chance d'etre authentique. On a'y reléve aucun des traits « évagriens » {els que les a caractérisés 1é R. P. von Balthasar. 1 semble autre part avoir servi de source & une chaine exégétique ott les renvois & Origéne sont en général corrects!?. Enfin, la compa~ raison de ce commentaire avec ceux d’Eustbe de Césarée'® et “de Didyme d’Alexandrie™, qui reprennent tous deux plusieurs de ses interprétations, fait apparaitre 4 ld fois leur dépendance et leur infériorité. Par sa fermeté d’analyse, sa liberté d’allures, Ia richesse de ses rapprochements scripturaires, ce commen- taire est digne de la signature d’Origtne Les commentaires d’Origtne et de Théodore ont un premier “trait commun, le respect du texte étudié. Tous deux s’ac- cordent pour chercher d’abord son sens littérai. Pour Théodore, Tn'y aura Tien de recourir A des explications ultérieures que si le passage n'ofire pas de sens acceptable, Pour Origéne, il y ‘aura toujours d’autres sens, mais le premier @ déterminer est celui de la lettre, celui qu’a voulu David. Lors méme qu'il estime pour son compte le texte incompréhensible si on le limite aux perspectives historiques de David, & propos du verset 6, il tente encore dé trouver un sens a la lettre Ego dormivi et soporatus sum, exsurrexi, quia Dominus suscipie ‘me, etc. A notre avis, ce verset n’a rien qui s'applique humainement 15. Voir les réserves de Mgr Devazzsse, Chatnes exdgétiques grecques, Supplement au Dictionnaire de la Bible, t. 1,1120-1122.Le R. P. vonBaL- ‘TMasan (Die Hiera vom Evagrius, Zeitschrift fir katholische Theologie, 1939, pp. 86-106 et 182-206) a montré qu'une partie importante de ces, ‘commentaires était 'eeuvre d’Fvagre le Pontique. 16, Crest dition reproduite par Migne, P. G., 12, r93i-1685. 17. Cf. René Cap1ou, Commentaires inddits des Psaumes. Etude sur tes testes @ Origine contenus dans le manuscrit Vindobonensis 8, Pp. 33-34 ot 73-74 18. P. G., 28, g2-t0r. - 30. P. G., 89, 1161-1164 20. Cf. in vers, 2, DEVREESSE, of. cit, p. 17. 262 LES EXEGESES D'ALEXANDRIF ET D’ANTIOCHE Ala fuite de David devant Absalon, si nous voulons par fdélité lettre I'entendre de David et que nous n'osions contraindre 4 prendre cette histoire au sens spirituel, en y voyant uniquement personne du Christ. Néanmoins, pour ne pas paraitre rejeter un susceptible de sauvegarder Ia lettre, voici ce qu'il ya 8 dite mots, David s‘accuse d'avoir négligé son royaume, et d’avoir [par son insouciance fourni a Absalon l'occasion de Susciter tous ce ‘roubles. Tout cela, dit-il, m’est arrivé pendant mon sommeil et m assoupissement. Mais je me suis relevé, parce que le Seign soutiendra, et, une fois debout, je n’aurai plus peur, quand mé iis s‘assembleraient dix mille contre moi. Ainsi retrouvera-t-on, lui faire violence, la suite du texte. Telle nous semble étre {i prétation littérale; mais, au sens spirituel, le texte nous S‘appliquer au Seigneui, qui décrit le sommeil et l'assoupi qui le saisirent & sa passion* Tous deux encore sont soucieux du sens précis des mot Origine analyse au verset 6 les differences entre xpi et 0 Théodore reléve au verset 3 l'emploi d'énaviorachas : paisa) ce mot désigne une révolte, c'est qu'il s'agit de sujets*. Tous deux cherchent éclairer leur texte par la psychologie et Ubi toire. On & vu Origéne expliquer le sommeil de David par les réfiexions du roi exilé revenant sur les fautes de sa politique. Théodore se demande pourquoi, de toutes les injures entendues dans sa fuite, David n’en rappelle qu'une = Multi dicunt animae meae... Deo ejus. Ul est naturel que rrappelle ici la parole qui I'a fait le plus souffrir } car au miliea épreuves et du matheur l'affront des insultes blesse plus doulo sement. Or les insultes’ dont ses ennemis couvrirent le bienheure David rendent témoignage de son sens religieux *. Tous deux surtout sont attentifs & retrouver la suite logidue du texte. Tous deux relévent a travers la succession des versots le développement des attitudes psychologiques. Ce souci est at. P, G., 18, 1125 BC. 22. In vers, 3, DEVRENSSE, of. cit. p37. 23. Tn vers, 4, td, ibid. LES EXEGESES D’'ALEXANDRIE ET D'ANTIOCHE 265 moins apparent chez. Origéne, plus porte & traiter chaque verset ‘comme un tout, riche d'un sens complet. C'est Origéne pourtant qui remarque que le verset 5, ott s'exprime la priére, serait mieux sa place avant le verset 4, ot la priére’ s'est vue exancée. En reyanche, Théodore notera I'anomalie de I'appel au secours du verset 8 aprés la séiénité du verset 7. Cette loyauté a I'égard des textes trahit deux hommes cul- tivés, capables d’analyser les nuances d’une page et de saisir’ les ensembles, sensibles au développement harmonieux d'une pensée claire, Autour d’eux on n’avait pas toujours les mémes scrupules. Aussi les voit-on, & l'occasion, protester, au nom de principes identiques, contre des solutions qu'ils jugent trop faciles. C'est ainsi que Théodore, dans I’explication des prophé- ties, refuse de répartir les versets en séries entrecroisées et attribuer tel détail A l'avenir d’Tsraél, tel autre au Christ. Avec sa rude franchise, il dénonce cette exégése, appliquée par cer- tains & Zach., 1x, 8-10 : Quelques-uns, entrainés par des idées absurd, enterident ce texte cn partie du Christ, en partie de Zorobabel ; autrement dit, ils par- tagent la prophétie entre le Christ et Zorobabel: C'est le comble de Vabsurdité ; la vérité est... que la Loi contient l'ombre de toutes les réalités de I'Evangile... lei donc, & prendre le texte en son sens immé- dat il vise Zorobabel, mais les évangiles Vappliquent au Christ, qui Stest révélé totalement grand, haut, sanveur et source de dons sans mesures et sans défants. Telle est la fagon convenable de penser et de parler. Mais appliquer une partie de la prophétie au Christ, puis ppasser-& Zorobabel pour revenir ensuite au Christ et ainsi de suite, C'est d'abord introduire Vincohérence dans la prophétie, et c'est encore, dans ce tri des expressions de I"Eeriture, mettre an méme rang Vesclave et le Maitre *. Or, interprétant, au premier chapitre de Jérémie, 1a vocation du prophéte, Origéne rencontre: une exégése analogue. Ne Pourrait-on pas dire que « certains traits s'appliquent a Jérémie, d'autres au Sauveur »? Origene est moins sévére que Théodore Pour cette interprétation, mais elle ne Ini plait guére = 24. Im Zach. 1X, 8-10; P. G, 66, 556-557. eS 264 LES EXEGESES D’ALEXANDRIE ET D'ANTIOCHE Néanmoins, te connaisseur (le grec porte 6 « ‘a traduit : qui bene scripturas nosse conatur) seta dans une ver angoisse, & l'idée de découper un texte suivi en parties relatives uunes a Jérémie, les autres au Sauveur. Vouloir en effet que tele ne conviennent pas au Sauveur mais & Jérémie, et que tels au ‘trop grands pour convenir & Jérémie, s'appliquent au Sauveur, cs une solution maladroite (2ynévuv darts). Tachons done de interpréter de Jérémie et d’appliquer & sa personne jusqu! expressions qui paraissent trop hautes pour Ini. your, saint Je En fait, Origine, loin de penser que le texte de Jérémie’ vise pas le Christ, consacre la majeure partie de son comm taire a relever les concordances qui font du prophete la ‘Jésus. Mais il veut d’abord que le texte ait, en son sens i iat, toute sa valeur. Appliqué au Christ, il prendra une po nouvelle, sa portée réelle. Mais c'est qu'il avait deja en Jér un sens complet, qu’il faut retrouver. Sur Ja fidélité au sens littéral, sur Je -soin nécessaire pou Vétucider, Origéne et Théodore sont d’accord. Ils sont d’ace encore pour penser que les textes bibliques ont un gens profond que leur sens apparent. Le sens littéral exige 4 dépassé. Le commentaire du Psaume 3 nous permet de les voir tous deux pratiquer ce dépassement de la lettre. Le point de départ de cette transposition est, pour l'un et autre, identiqy Ce sont les obscurités du sens littéral, le manque de dans la suite des idées qui sont pour eux le signe dan sens cach Dis le début de son commentaire, Origéne note les signes sens spirituel du psaume : Lest impossible d’appliquer & Phistoire tous les détails du psaumes Quel rapport au sujet dans Ego dormivi et soporatus sum, exsist quia Dominus suscipiet me? Et celui qui veut slattacher a laletire sans la dépasser, quil montre comment le prophate dit vrai losat? Serie : Dentes peccalorum contrivist. U1 faut done chercher qui es David, qui est Absalon, quelle fut cette révolte, qille est cette fuite du roi, qui accepte avec douceur la révolte du fils qui veut le détrOnet, et ordonne A ses sujets d’pargner son fils Absalon. Or I'Berture 25. In Jor. bom. T, 6; P. G., 18, 261, KLostERMANs 5, 8:17: ih LES EXEOESES D'ALEXANDRIE ET D’ANTIOCHE 265 « indique & plusieurs reprises que David est le Christ... Ps. 88, 21: 16, § | Bt 4,23... ‘A son tour, Théodore s’arréte devant le verset 9 et se demande jourquoi David, aprés avoir chanté sa délivrance, laisse échapper sudain ce cri de détresse. Le cas d’ailleurs est fréquent dans psaumes. C'est que, exptique Théodore, David, soit qu’il parle en son nom propre out en celui d’autres per~ , parle toujours rempli de esprit prophétique. Comme elles juront tant6t & subir 'adversité, tant6t & rendre graces de leur libé- , comme a la joie et & la paix viendront bient6t succéder I'an- ft Ia tristesse, il s'adapte ainsi a cette diversité de situations. pourquoi il préle d'avance les deux langages : c'est afin de les ir, longtenfps avant le temps, des événements qui leur sur- dront, et de leur assurer, dans leur malheur, 1a consolation de délivrance & venir. Voyant leur arriver les malheurs prédits, et prophéties se réaliser, ils ne pourraientpas désespérer des biens mi leur étaient également prédits. L'esprit prophétique ne stest 1s préoccupé d’ordontier ses oracles selon tune composition har- mieuse, mais de présenter aux générations leur avenir, avec ses et Ses joiest”, Cette habitude de prendre prétexte des incohérences ou des frangetés d’un texte pour y trouver une portée nouvelle remon- it aux origines du christianisme. C’était 'un des arguments férés de saint Justin dans sa polémique contre les Juits. avait été I'argumentation de Jésus, opposant @ ses adver- aires I’énigme du Psaume 110 : « Le Seigneur a dit & mon sei- ir. » Ce principe d'exégése reposait sur une idée juste, ‘ur la conviction que la profondeur religieuse de la Bible dépasse Ta logique humaine. Mais il requiert dans son application un fact littéraire, une familiarité avec le style propre de la Bible que ne pouvaient posséder ni Origene ni Théodore. Les deux fexemples cités plus haut montrent simplement que tous deux, logiciens et grammairiens de leur temps, ne comprenaient pas 26. P. G, 18, r117 BC. 27. In vers. 0, Drwnezoee, op. cil P. 19. a8 Mt, 22, 44 266 LES EXEGESES D'ALEXANDRIE ET D'ANTIOCHE, Je mouvement de la potsie hébraique et que Ia culture artifici de Vhellénisme déctinant les rendait étrangers au lyrisme des Psaumes. Ce manque de sensibilité est du moins la preuve que chez Origéne Iui-méme, parfois inspiré d’un souffte poétiq authentique, 'interprétation allégorique ne relve pas di gotit pour la fantaisie et la liberté, mais d’une technique raie sonnée ®, 7 Théodore et Origéne sont donc d’accord pour chercher texte un sens plus profond que sa signification immédiate. fils ne cherchent pas, dans la méme direction. Pour Origa chaque expression est riche d'un sens mystérieux parce si chaque mot des Psaumes a été prononcé par David dans situation déterminée, chacun d'eux a été redit, en un sens i niment plus plein et définitif, par un autre David, le Sam Pour Théodore, les Psaumes ont été composés par David sous Vinspiration prophétique, en sorte que tout ce qu'il dit exprime 8 la fois ses sentiments actuels et ceux des israélites & venir dont il tient ta place. David, « illuminé par la révélation de, VEsprit-Saint, prenait donc le personnage des divers hommes de I’Ancien Testament dont il voyait se dérouler I'existence & des moments variés de histoire sacrée ; il se mettait & leur place, corps et Ame, jouait leur réle et leur montrait exemple’ A suivre® », David est, pour Théodore, le grand prophiéte d's celui qui a vu toute la destinée de son peuple. Les autres phétes, ses successeurs, n'ont eu que des missions limitées subordonnées la sienne. Leur réle était d’apporter les préch sions nécessaires & chaque époque, de désigner au peuple 29, A moins qu'elle ne reléve, comme le suggére M. Marrou & propos de saint Augostin, d'une poétique, difirente de la nétre, mais asthen- Aique, de Vesthétique symbolise, celle de fa Divine Comédiés (H. 1. Ma= ROU, Saint Augustin ot la fin de la culture antique, pp. 488-490) Lo co traste que souligne M, Marron cher saint Augustin eotre la riguest de® ‘explications ltedrales et 1a liberté des correspondances allégoriaues st retrouve identique chez Orighne. On verra d'aileuss quOrigine n'a ‘ache pas & ces correspondances de force contraigaants. Gor Mgr Devstsse, fe Mathoe sxgeipue de Thsodore de Mops: Rete Biblique, 1946, Be 228 LES EXEGESES D'ALEX ANDRIE ET D'ANTIOCHE 267 Jes oracles davidiques, ceux qui visaient T'actualité* : Si, de David 4’ Osée, Israil n’a connu aucun prophite, c'est que David, dans ses Psaumes, avait prédit toutes les catastrophes qui devaient éprouver le peuple. Osée et les autres prophétes sont envoyés nut combler les vides laissés dans cette histoire prophétique®® Cette position n'est pas propre & Théodore. Théodoret, qui ne wnche pas la question de savoir si tous les Psaumes sont Teeuvre de David, ou seulement ceux qui portent son nom, tient aussi que David était prophéte et qu'il a prédit aux Juifs leur stoire, leurs gloires et leurs malheurs®, Diodore de Tarse a de David une idée identique a celle de Théodore de Mopsueste*, “Diot vient cette place exceptionnelle attribuée a David, onnage privilégié, «a la fois roi, juste et prophete », et, & e triple titre, « possédé du souci de son peuple et préoccupé de connaitre ses destinées futures® »? Serait-ce du besoin de trouver au Sauveur, ‘reptésentant unique de toute [’humanité evivant en sa conscience ses peines et ses espérances, un répon- dant et une figure? David, tel qu’on le voyait Antioche, est ‘vraiment le type parfait du Christ. Mais ce n'est pas cet aspect symbolique qui retient Théodore. Si David est si grand dans Vhistoire juive, c'est qu’il a d’avance vu et annoncé toute cette histoire, Si le Psautier est le premier livre de I’ Ancien Testament, C'est qu’il est le plus chargé de prophéties. C'est & David et aux prophéties dont sont pleins tous les Psaumes qu'Israél doit Wavoir pris conscience de sa destinée surnaturelle. En retrou- vant chaque étape de leur histoire décrite A Yavance par le 31. Ch. Im Jock, pracf.y P. GC. 68, 212 8. 32. In Ob pract.5 P. G., 66, 124 A- 33. Chim Pram. prac: P. G., 80, 85: B 34. « En vertu dela grice de prophétie, David, dans Yavenie, le pré- Sent on méme le passé, pouvait endosse tlle om tele personnalié indi Viduelle ou collective, vivze ou revivre telle situation, historique oo psychologiqae, ct énoacer de Fintériour, pour ainsi dire, de ebacime de 85 personnalitée, et conformément Aces situation, deschants merve Teusement adaptés » (L. Mantis, tudes prilimineires @ Védition de Diodore do Taree eur los Paawines, BP. 92-03) 35. Tn Pe. 71 prast, DEvREESSE, Op. lp 470. wos LES EXEGESES D’'ALEXANDRIE ET D'ANTIOCHE Premier de leurs rois, les Hébreux se convainquaient peu a pe que leur aventure était menée par Diew lui-méme vers une plus haute que toutes leurs ambitions, et c'est ainsi que Dik les amenait a attendre le Messie, a croire au Sauveur®, Origene, lui aussi, dépasse son texte, mais dans une direction assez différente, Ce qui l'intéresse, ce n’est pas David, mais de savoir « qui est David, qui est Absalon », Non qu'il veuille, on la vu, ignorer I'histoire. Il essaye au contraire d’éclairer les obscu- rités du Psaume par les récits du Livre de Samuel. Mais pour tui toute l'histoire juive n'est qu'une immensé allégorie, Tous ses faits et ses personnages sont des figures et des types du Person= nage qui occupe le centre de cette histoire et lui donne son sens, Jésus-Christ. Pour Théodore, David voyait et vivait & Yas ‘toute I'existence de son peuple. Au sommet de 1'Keriture, Origéne dresse Jésus-Christ seul. Moins psychologue que Théo- dore, il ne cherche pas & expliquer comment le Sauveur peut revivre toute Ihistoire sainte. C’est pour lui un article de foi. Crest ainsi que le Psaume 3 avait sans doute un sens dans la bouche de David en fuite, mais il ne prend sa vraie portée que sur les lévres du Christ. Et tout le commentaire d’Origene a pour but de trouver le sens de chaque mot, de chaque verset redit par Jésus entouré de ses ennemis. ‘Comment découvrir ce sens? Il s'impose parfois a 1'évidence 36, Dertidre David I'éeole d’Antioehe ne cesse donc pas, elle non pls de voir le Christ dont « toute la Loi était lombre », professe ‘Théodore Mais ell sattarde avec complaisance sur le roi, psalmiste et prope. Comme on I'a justement caractérisée, son exégise est & dominant + paléodiathékiste », s'intéessant d'abord bla réalisation dex prophéties dans "Ancien Testament (L. Maniis, op. cit, p6)-Maiselleest aus ee lac théorie » qui voit, & travers l'avenir d'Tsra#l, les aceomplisscments

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