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Basile le Grand

Traité du Saint Esprit

CHAPITRE XIV
SC 17bis p.355-359

Objection : En Moise aussi il y a des hommes qui furent baptisés et qui crurent en lui. On répond à
l'objection. Où l'on parle aussi des types1.

31. Quand bien même on serait baptisé dans l'Esprit, dit-on, il n'est pas juste pour autant de le
ranger avec Dieu, car « il y a des hommes qui furent aussi baptisés en Moise, dans la nuée et dans la
mers »2 (1 Co 10,4). De même faut-il reconnaitre qu'alors on a eu foi aussi en des hommes : « Le
peuple crut à Dieu et à Moise son serviteur » (Ex 14,31). Et pourquoi, demande-t-on, faudrait-il, en
raison de la foi et du baptême, exalter et grandir à ce point le Saint-Esprit au-dessus de la création,
alors que l'Écriture se porte garante des mêmes choses à propos de simples hommes ?
Eh ! Que dire ? La foi en l'Esprit est du même ordre que la foi au Père et au Fils ; tout comme le
baptême ; la foi en Moise et en la nuée porte sur une ombre et un type. Ce n'est pas, je pense, parce
qu'on préfigure les réalités divines par de petites choses humaines que la nature de ces réalités
serait, du coup, quelque petite chose, bien que sous forme d'ébauche les types l'aient souvent
signifiée d'avance. Le type, en effet, signifie, par imitation, ce que l'on espère et, d'avance, fait
entrevoir l'avenir, de manière à le faire comprendre. Ainsi Adam est-il le type de celui qui devait
[XIV,31 - 121 C - 357] venir et le rocher était typiquement le Christ3 ; l'eau du rocher4, c'était le
type de la puissance vivifiante du Verbe : « Si quelqu'un a soif, dit le Seigneur, qu'il vienne à moi et
qu'il boives »5. Quant à la manne, elle était type du pain vivant descendu du ciel et le serpent placé
sur son poteau6 type de la Passion salutaire consommée par la croix : c'est pour cela que ceux qui
jetaient les yeux sur lui étaient sauvés. C'est ainsi que tout ce qui entoure [124 A] l'exode d'Israël7 a
été conté pour nous faire connaitre que l'on serait sauvé par le baptême. Les premiers-nés des
israélites ne furent-ils pas sauvés de la même manière que le corps des baptisés, puisque la grâce fut
accordée à ceux qui se trouvaient sous le signe du sang. Le sang de l'agneau, c'était le type du sang
du Christ, et les premiers-nés étaient le type de l'homme créé en tout premier et qui existe forcément
en nous puisqu'il se lègue à sa descendance jusqu'à la fin. C'est pour cela qu'en Adam nous mourons
tous8 et c'est pourquoi la mort a régné jusqu'à l'accomplissement de la Loi, à l'arrivée du Christ9.
Quant aux premiers-nés, Dieu veilla jalousement à ce que l'Exterminateur ne les touchât point,
indiquant par là que nous ne mourons plus en Adam, nous qui sommes vivifiés dans le Christ. La
mer et la nuée, dans l'immédiat, incitaient à croire, en raison de la stupeur qu'elles provoquèrent et,
dans l'avenir, en tant que types, elles suggéraient la grâce future. « Qui est sage pour comprendre
ces choses » ?10 Pour comprendre comment la [XIV, 31 - 124 B - 359] mer, typiquement, pouvait

1
Les types ne sont que les figures de l’Ancien Testament, ombres et préfigurations du Nouveau. Adam et Moise sont
les types du Christ, et le passage de la Mer Rouge type du baptême.
2
Allusion su passage de la Mer Rouge, dans lequel, après saint Paul, les Pères ont vu une figure, un type du baptême.
3
1 Co 10,4
4
Cf. Ex. 17, 6 : allusion à Massah-Méribah, où Moise fit jaillir de l'eau du rocher, dans le désert
5
Jn 7, 37
6
Allusion à Nb 21, 6-9 et à Jn 3, 14, à l'épisode des serpents dans le désert de Sin et l'application que Jésus lui-même en
fait en sa propre personne lors de l'entretien avec Nicodème. Pour Nb 21, 6-9, Basile suit les LXX.
7
Cf. Ex. 12, 1-13. Allusion à la sortie d'Égypte et à la dixième plaie qui s'abattit sur les Égyptiens, frappant tous les
premiers-nés du pays d'Égypte en épargnant les maisons où logeaient les enfants d'Israël, dont les portes étaient
marquées du sang de l'agneau immolé cette nuit-là.
8
Cf. 1 Cor. 15, 22. Dans la pensée de Basile, la réminiscence de Paul, survenant à l'improviste, se substitue à la fin de la
phrase. Par ce texte difficile Basile rend compte de la transmission du péché originel.
9
Rm. 5, 14 s. est sous-jacent à tout ce passage. Cf. Rm. 13, 8 et 13, 10.
10
Ps. 106, 43 (cf. Os. 14, 10).
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être un baptême, puisqu'elle effectuait la séparation du Pharaon comme ce bain-ci11 le fait de la


tyrannie du diable. En son sein celle-là tuait l'ennemi et ici meurt notre inimitié contre Dieu. De
celle-là le peuple sortit indemne et de l'eau nous remontons, nous aussi, vivants d'entre les morts,
sauvés par grâce12, la grâce de celui qui nous a appelés. Quant à la nuée, elle était l'ombre du don
qui vient de l'Esprit, lui qui refroidit la flamme des passions par la mortification de nos membres.
32. Eh quoi ! Serait-ce un motif suffisant, parce que sous forme de type on a conféré un
baptême en Moïse, pour dire petite la grâce du baptême ? Mais il n'y aurait plus rien de grand chez
nous si nous allions d'avance déprécier par les types ce qu'il y a d'auguste en chaque chose : l'amour
de Dieu pour les hommes ne serait plus une grande chose, surnaturelle13, bien qu'il ait livré le Fils
Monogène pour nos péchés, puisque Abraham non plus n'a pas épargné son propre fils. La Passion
du Seigneur ne serait plus glorieuse, puisqu'un agneau, à la place d'Isaac14, constituait déjà le type
de l'offrande. La descente aux enfers ne serait plus terrible, puisque Jonas, en trois jours et autant de
nuits15, avait déjà constitué le type de la mort. A n'en point douter on agit de même à l'égard du
baptême, quand on juge de la vérité par l'ombre, que l'on compare aux types les réalités qu'ils
signifient et que, en arguant de Moïse et de la mer, on s'efforce de distendre l'économie évangélique
tout entière. Quel pardon de fautes, en effet, quel renouvellement de vie y a-t-il dans la mer ? Quel
don spirituel [125 A] reçoit-on en Moïse ? Quelle mort de péchés y a-t-il là ? Ces gens-là ne sont
pas morts avec le Christ, c'est pourquoi ils ne ressuscitèrent pas non plus…

11
Allusion à l'immersion rituelle du baptême chrétien. Le terme προυπεσημαίνω, « suggérer d'avance », quelques lignes
plus haut, est proprement basilien
12
Cf. Eph. 2,5
13
Littéralement : ce qui est au-dessus de, ou au delà de ; ce qui surpasse le naturel.
14
Cf Gn. 22, 1-14
15
cf Jonas 2, 1. Allusion au séjour de Jonas dans le ventre du poisson, donné par le Christ comme signe de sa propre
mort (Mt. 12, 40). Le verbe προεξεπλήρω est un terme basilien.

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